Les échos / 23 mai 2011

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Les échos / 23 mai 2011
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201123/5/2011P.20Entreprises et régions
PME À SUIVRE
La cristallerie-verrerie
La Rochère a toujours la flamme
Ici, tout contre le massif des Vosges, on souffle encore le
verre à la bouche, mais on fabrique aussi tuiles et pavés
de verre mécanique dotés de technologies du futur. Agée
d’un demi-millénaire, l’entreprise reste dans la course.
Dans la halle, verriers et
maîtres verriers s’activent
sur deux places (ou chantiers). Le verrier cueille le
verre, pieds et jambes, puis
le maître verrier souffle
lentement, en tournant,
pour former la pièce souhaitée. Elle sera ensuite recuite,
puis décalottée, puis rebrûlée. « C’est un travail
d’équipe », assure Cécile
Giraud, toujours fascinée
par le spectacle. Directrice
générale adjointe, elle
représente la septième
génération des verriers de
Passavant-la-Rochère (Haute-Saône), à l’extrême nord
de la Franche-Comté. Fondée en 1475 par Simon de
Thysac et entrée dans la
famille en 1858, la plus
ancienne verrerie d’art de
France encore en activité
emploie aujourd’hui
180 salariés et perpétue les
gestes ancestraux tout en
cherchant sans cesse à
innover. Ainsi ont été développés ici une brique coupe-feu, une autre pour
milieu humide, une tuile
photovoltaïque ou encore
Lumi-Sol, le dernier bébé de
l’équipe R&D (un pavé de
verre muni d’une cellule
photovoltaïque, économique et écologique, pour
baliser chemins et jardins),
qui a remporté une médaille
d’or au Salon Batimat 2010
dans la catégorie innovation.
« L’adaptation, c’est capital.
En 1970, Antoine Giraud,
mon père, avait mécanisé
l’entreprise. Jusque-là, les
ouvriers faisaient les tuiles à
la main. Ce fut un virage
important. Il y en avait eu
un autre, en 1969, sous
l’impulsion de ma grandmère, Elisabeth Giraud, qui
avait fait de l’usine un lieu
de visite touristique, avec un
magasin, puis l’ouverture au
public des ateliers de verrerie
main. » Plus tard, en 1975,
un jardin japonais et une
galerie d’art sont venus
compléter la visite de ces
lieux étonnants.
Cécile Giraud, quarante ans,
a grandi dans cet environnement de feu et de matière
en fusion. Elle est revenue
dans l’entreprise familiale
PASSAVANTLA-ROCHÈRE
PARIS
ÉPINAL
en 2004. Elle n’avait pourtant rien prémédité. La
jeune femme enseignait
alors la physique en Espagne, et tout allait bien pour
elle. Mais elle savait que son
père cherchait à transmettre… « Il ne me l’a pas proposé, il savait les difficultés.
Mais personne ne reprenait
et l’entreprise m’a rattrapée. »
Avec son bagage scientifique
et sa connaissance du verre,
armée de tout son enthousiasme, Cécile Giraud a
appris le métier en marchant, épaulée par son père
qui, à soixante et onze ans,
sillonne toujours les ateliers
mécanisés, sa création. Elle
aime la diversité de sa tâche,
vient de démarrer un MBA à
l’ICN de Nancy et s’attache à
anticiper les attentes du
marché. La Rochère réalise
45 % d’un chiffre d’affaires
annuel de 15,5 millions
d’euros dans les arts de la
table (verres, carafes, assiettes et « gobeleterie » pour
cafés, hôtels et restaurants)
et 55 % dans le bâtiment
(briques, tuiles, pavés).
L’export représente 50 %
du premier secteur et 15 %
du second. Depuis 2005,
la verrerie a aussi noué des
partenariats avec des designers pour des collections
de luminaires ou de vaisselle, comme cette carafe
en verre soufflé dessinée par
Kai Richter ou ces vases
créés par Laurence Brabant.
Le prochain virage ? « Une
vraie politique de marque
pour les arts de la table »,
assure sa directrice générale
adjointe, qui l’a déjà amorcé.
MONIQUE CLEMENS
CORRESPONDANTE
À BESANÇON

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