Hors-série n°1

Gazette
Hors Série n°1
Le CC Étupes
Dénicheur
+++
De Champions
L’ÉTAPE
DES CHAMPIONS
Depuis quelques années, le Club cycliste Étupes (Doubs) est
devenu une référence dans la formation des jeunes cyclistes.
Thibaut PINOT en est l’un de ses meilleurs exemples.
II y a un an, lorsque Thibaut PINOT est monté sur
le podium du Tour de France, on était fier en
Franche-Comté. Tout comme en 2013, lorsque
Warren BARGUIL avait remporté deux étapes du
Tour d’Espagne et Kenny ELISSONDE une
troisième. Ou encore quand Alexis VUILLERMOZ
joue les premiers rôles sur le Tour d’Italie ou la
Flèche Wallonne. Ils ne sont pourtant pas tous
francs-comtois, mais ont un point commun : celui
d’avoir défendu, une saison au moins, les couleurs
du Club cycliste Étupes.
Créé en 1974, le CC Étupes a côtoyé les meilleurs
clubs de France dès le milieu des années 1980, avant
de remporter sept fois la Coupe de France des clubs
dans les années 1990-2000. Au cours de ces saisons,
ses meilleurs éléments rejoignaient le monde
professionnel, mais la formation n’était pas le but
premier de sa structure élite. « Mais ça a toujours été
mon objectif », explique Jérôme GANNAT, qui a
pris les fonctions de directeur sportif en 2005. «On
sortait d’une période délicate au CC Étupes et j’ai
voulu mettre ça en place et redorer l’image du club.»
Cette petite révolution au sein du club mit du temps
à porter ses fruits. « Mes premières années en tant
que directeur sportif, on n’avait pas les résultats
d’aujourd’hui… Le premier gros changement a été
l’arrivée de Julien PINOT au poste d’entraîneur. Il
a donné une image plus moderne et amené une
approche différente de l’entraînement, avec du
travail plus spécifique, des périodes de récupération,
etc. Ensuite, l’éclosion de Thibaut PINOT, lequel
s’est révélé tout de suite chez les pros, a été une
autre étape importante. Il est devenu le fleuron,
l’image du club. Dès lors, le président Robert
ORIOLI a compris qu’on pouvait parler du club
aussi grâce à sa formation », explique Jérôme
GANNAT.
Avant de rejoindre le peloton pro, les coureurs ne
passent pas forcément longtemps au CC Étupes.
«On n’oublie pas tous les clubs par lesquels sont
passés les coureurs. Mais on est le dernier étage, et
aussi le plus coûteux», signale le directeur sportif
franc-comtois. «D’ailleurs, si on avait plus d’argent,
on pourrait prendre beaucoup plus de coureurs car
on a des demandes de toute la France mais aussi
d’Australie, d’Angleterre ou des pays de l’Est. On
est limité par le budget, et mieux vaut avoir peu de
coureurs mais bien s’en occuper que l’inverse»,
abonde Robert ORIOLI. «Attention, ce n’est pas
grâce à moi si Thibaut PINOT ou Warren
BARGUIL ont du talent. On tente juste de les
mettre dans les meilleures conditions pour qu’ils
réussissent. Et puis il règne au club un côté humain
important. Je ne suis pas strict et laisse de la liberté
aux coureurs dans leurs choix sportifs.
On peut ainsi faire des impasses sur
certaines manches de Coupe de France
pour préparer d’autres courses»,
détaille Jérôme GANNAT, alors que
Robert ORIOLI insiste sur l’approche
familiale du club. «BARGUIL n’a
plus sa licence chez nous mais vient
encore à nos AG de fin d’année. Et Ci-dessous: Julien PINOT
puis, on est toujours content de se à donné une image plus
retrouver en fin de saison pour faire
moderne et amené une
une bonne fête. De même, on trouve
approche différente de
notre financement à travers nos
l’entraînement.
sponsors, mais aussi grâce aux lotos et
aux spectacles que l’on monte !
Chaque bénévole a sa part dans cette
réussite. »
« On tente juste de
Jérôme GANNAT
mettre les coureurs est pourtant
dans les meilleures
persuadé que le club
conditions pour
peut encore
qu’ils réussissent »
progresser
«On a encore du boulot. On est loin
d’être structuré comme une équipe pro,
notamment au niveau du matériel. Et
puis, tous les coureurs ne résident pas au
même endroit. On travaillerait mieux, on
aurait un meilleur collectif, on
proposerait de meilleurs entraînements si
on les avait tous en permanence sous la
main. Mais, pour ça, on n’a pas le
soutien direct d’une équipe pro comme
Vendée U ou Chambéry.» Les pistes
d’évolution sont nombreuses, le monde
pro n’a donc pas fini de venir s’alimenter
au sein du CC Étupes.
Thierry SANDOZ
« Mieux vaut
avoir peu de
coureurs mais
bien s’en
occuper que
l’inverse »
précise le
président du
club, Robert
ORIOLI
Thibaut PINOT (au centre) en 2009 sous les couleurs du CC Étupes
2015, un grand cru
Jérôme GANNAT
A pris ses fonctions
De directeur sportif
En 2005
Qui sont les coureurs qui sortiront demain du CC Étupes
pour briller dans les plus grandes courses du monde? S’il
est difficile de connaître la destinée d’un coureur, la
saison actuelle des hommes du CC Étupes montre en
tout cas que plusieurs sont prêts à rejoindre le niveau
professionnel au cours des dix-huit mois à venir.
Guillaume MARTIN (Liège-Bastogne – Liège,
Annemasse-Bellegarde), Jérémy MAISON (une étape de
la Ronde de l’Isard et du Tour du Jura), Léo VINCENT
(une étape de la Ronde de l’Isard et du Tour des Pays de
Savoie, prix de Valentin), Hugo HOFSTETTER (une étape
du Tour d’Eure-et-Loir),
Damien TOUZÉ (une étape du Tour Nivernais Morvan,
Critérium du Printemps) ou encore Fabien DOUBEY (une
étape du Tour Nivernais Morvan, champion de France
espoirs de cyclo-cross) ont tous moins de 23 ans. Et un
palmarès qui attire l’œil des recruteurs.
Certains termineront la saison au sein d’équipes pros en
tant que stagiaires, avant de valider un premier contrat
pour 2016 ou 2017. Ils quitteront alors le CC Étupes et
laisseront leur place à de plus jeunes qui n’auront qu’un
but : les rejoindre, eux, PINOT, BARGUIL et les autres,
dans le peloton professionnel.
Cyril
DESSEL
Christian
THARY
Ludovic TURPIN
Christophe
MOREAU
Warren BARGUIL
Sylvain CALZATI
Robert ORIOLI aime les additions et
compte méticuleusement le nombre de
coureurs pros passés dans les rangs du CC
Étupes. « On en est à 55 ! », assure le
président Erbaton. De ce peloton, on a tiré
subjectivement neuf noms.
> Christian THARY: « Ce fut le premier
à passer pro », lance Robert ORIOLI. En
1989, le Belfortain reste un an dans
l’équipe italienne Pepsi-Cola FANINI. Il
dispute le Tour d’Italie et se met en
évidence sur le championnat de France.
> Christophe MOREAU: au milieu de
sa carrière amateur, le Belfortain a passé
une saison au CC Étupes. «C’est le plus
costaud des plus anciens passés chez
nous», explique ORIOLI, qui vit ensuite
le ‘’Grand’’ disputer quinze Tours de
France (4ème en 2000, vainqueur du
prologue en 2001). Avec le Critérium du
Dauphiné Libéré 2001 et 2007, le
championnat de France 2007, les Quatre
Jours de Dunkerque 2003 et le Critérium
International 1998, c’est l’un des plus
beaux palmarès du cyclisme français.
> Cyril DESSEL: en 1998, le CC Étupes
domine les courses amateurs. Parmi ses
hommes, DESSEL n’est pas le meilleur,
il se fera pourtant sa place dans le peloton
pro dès 2000. Il se révèle au grand public
sur le Tour de France en portant le maillot
jaune en 2006 avant de remporter une
étape en 2008.
Thibaut
PINOT
Alexis VUILLERMOZ
> Ludovic TURPIN: de 1997 à 1999, il a
rapporté de nombreuses victoires au club
Erbaton, dont un titre de champion de
France amateurs en 1999. Professionnel
de 2000 à 2011, Turpin court et gagne
toujours des courses en Guadeloupe. À 40
ans.
> Sylvain CALZATI: sa dernière étape
avant le monde pro, ce Lyonnais l’a
franchi en 2002 à Étupes. Après de
modestes équipes (Barloworld, RAGT), il
rejoint AG2R en 2005 avec laquelle il
gagne une étape du Tour de France 2006.
En 2010, il fera partie de la première
version de l’équipe Sky.
> Thibaut PINOT: toujours licencié au
CC Étupes, il n’a véritablement défendu
les couleurs Erbatonnes qu’une saison
avant que son talent ne l’envoie à l’étage
supérieur. Il est l’un des meilleurs
coureurs mondiaux de course par étapes et
l’un des préférés du public français.
Troisième du Tour de France 2014, il a
fini quatrième de Tirreno-Adriatico, du
Tour de Romandie et du Tour de Suisse
cette année.
>
Alexis
VUILLERMOZ: d’abord
vététiste, c’est au CC Étupes que le
Jurassien a découvert le cyclisme sur
route. Ses apparitions étaient limitées aux
épreuves les plus montagneuses, mais
remarquées. Il confirme ses qualités chez
les pros en finissant onzième du Tour
d’Italie 2014, notamment.
Adam YATES
>
Warren
BARGUIL: venu
parfaire son bagage cycliste à
Étupes en 2012, il enchaîne cette
année-là les grandes victoires, dont
le Tour de l’Avenir. En une seule
saison, le Breton a marqué tout le
club
par
son
talent,
son
professionnalisme mais aussi sa
gentillesse. Bien que n’étant plus
licencié au club, il n’hésite pas à
traverser la France pour assister à
l’AG de fin de saison et à la fête
qui l’accompagne.
> Adam YATES: alors que son
jumeau Simon est couvé par la
fédération anglaise, il court pour le
CC Étupes et finit deuxième du
Tour de l’Avenir 2013. Les deux
frères figurent aujourd’hui parmi
les leaders de l’équipe Orica sur les
courses par étapes professionnelles.
T. S. :
L’Est Républicain
Spécial Tour de France
Fiction
Et si Étupes gagnait la Grande Boucle
Et si les coureurs qui ont porté un
jour le maillot du CC Étupes
revenaient le temps du Tour de
France
sous
les
couleurs
Erbatonnes. Jérôme GANNAT, qui
les a tous dirigés chez les
amateurs, est prêt à prendre le
volant de la voiture de directeur
sportif.
La tactique serait simple : «On
miserait tout sur Thibaut Pinot!
On n’aurait pas de sprinteur mais
ce n’est pas grave car c’est
compliqué à gérer avec un leader.
Et puis, on serait armé en
montagne»,
assure
Jérôme
GANNAT.
Lieutenant n°1 du Haut-Saônois, Warren
BARGUIL peut même envisager un bon
classement final à Paris. «Avec ces deux-là,
on voyait qu’on avait des coureurs en train
d’exploser. Le plus impressionnant était au
niveau de la récupération. Sur les courses
par étapes, ils s’amélioraient tous les
jours.»
Alexis VUILLERMOZ serait précieux dans la
montagne. «Il était déjà impressionnant
avec nous car sans courir beaucoup sur la
route, il était tout de suite au niveau des
meilleurs.»
À ses côtés dans les pentes les plus raides,
on trouverait Adam Yates. «Je ne
l’attendais pas à ce niveau-là. Il a fait une
très bonne saison 2014», remarque
Jérôme GANNAT à propos de l’Anglais,
notamment vainqueur du Tour de Turquie
l’an passé. Dans les Alpes et les Pyrénées,
la garde rapprochée de PINOT compterait
aussi Kenny ELISSONDE. «C’est un
grimpeur hors pair. Il peut gagner toutes
les étapes de montagne de n’importe
quelle course !»
Bon sur tous les terrains, Rudy MOLARD serait un homme
essentiel de cette formation Erbatonne. «Je ne me faisais pas de
souci pour lui car c’est un coureur intelligent. Il fait et fera une
belle carrière chez les pros», rassure le directeur sportif.
Mais dans une équipe qui ambitionne de gagner le Tour de France,
il faut des hommes pour tous les terrains. Pas question de perdre
dans la plaine le temps gagné dans la montagne… « Petr
VAKOC serait parfait. En plus, il est en forme, il vient de terminer
troisième des Jeux européens. Chez nous, ça se voyait qu’il avait du
potentiel.» Les équipes pros françaises ne l’ont, elles, pas
remarqué… «À ses côtés, Geoffrey SOUPE serait là. Il est solide
dans la plaine. Il fait partie de ceux qui m’ont le plus impressionné
en course. Il réussissait des trucs exceptionnels comme lors du
championnat de France 2010 qu’il passa en tête du début à la fin
dans différentes échappées avant de finir quatrième. Seul lui en
était capable», remarque Jérôme GANNAT qui emmènerait bien
aussi le Polonais Mateusz TACIAK. « C’est un bon rouleur, utile
pour abriter le leader sur le plat. De plus, il y a un contre-la-montre
par équipes cette année et il serait très précieux.»
Voilà, le CC Étupes a ses neuf hommes. Mais Jérôme GANNAT avait
pensé à un coureur supplémentaire: le Suisse Jonathan FUMEAUX.
«Je ne pensais pas qu’il atteindrait ce niveau, je suis content pour
lui. Il a mis du temps à arriver à maturité mais est aujourd’hui en
World Tour.» Mais l’équipe est complète… «Oui mais on peut aussi
l’emmener pour l’ambiance. Et puis je sais que Thibaut l’aime
bien.» Et il faut mettre le leader dans les meilleures conditions. En
course comme en dehors.
Thierry SANDOZ