L`assistance aux retours des Dinka Bor

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L`assistance aux retours des Dinka Bor
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FMR 24
par Paul Murphy
Les problèmes inclus dans le soutien au retour des communautés
Dinka Bor délocalisées dans leur propre pays souligne les défis
complexes et souvent ignorés du règlement des conséquences du
conflit sud-sud.
La guerre civile au Soudan a amené des
centaines de milliers de personnes à
quitter leur foyer pour empiéter sur les
ressources d’autres, déclenchant souvent
des conflits au sein des communautés
du sud et entre elles. En même temps,
les méthodes traditionnelles de
gouvernance et d’arbitrage, qui autrefois
surveillaient les litiges inter-ethniques
et communaux, ont été gravement
affaiblies. L’histoire des Dinka Bor en
Equatoria souligne les défis associés au
retour des communautés délocalisées
du sud.
La dispute du pouvoir de 1991 au sein
du Mouvement de Libération du Peuple
Soudanais a eu des retombées politiques
et militaires qui se sont répercutées sur
les failles ethniques. Cela a déclenché
la fuite de plus d’un quart de million
de personnes, des Dinka Bor pour la
plupart – le même groupe ethnique que
celui beaucoup des dirigeants cadres du
Mouvement de Libération du Peuple
Soudanais – dans le Nil Supérieur. Les
rapports affirment que des milliers de
personnes ont été massacrées et que plus
d’un million de bêtes ont été tuées.
Les Dinka, la tribu la plus importante
dans le sud du Soudan, sont principalement des éleveurs de bétail, cependant
beaucoup de ces personnes délocalisées
ont cherché refuge dans la région
d’Equatoria, une zone dominée par
les agriculteurs. En conséquence, leur
arrivée a suscité des tensions, aggravées
par le fait que les personnes déplacées
étaient soumises à une structure administrative distincte de celle de leurs hôtes
et qu’elles maintenaient leurs propres
normes coutumières sans considérer les
traditions locales. D’autres complications
sont survenues lorsque les Dinka-Bor
délocalisés dans leur propre pays ont
occupé les terres fermières et les zones
de pâturages des groupes ethniques
d’Equatoria, qui avaient l’impression que
les personnes délocalisées agissaient en
toute impunité en raison de la protection
politique qu’elles étaient sensées recevoir.
Après plus de dix ans en Equatoria, les
Dinka Bor auraient de grands troupeaux
de bétail – 1,2 millions de bêtes dans 62
camps des zones Mundri et Maridi et
beaucoup plus ailleurs en Equatoria.
Les Moro en Equatoria de l’ouest accusent les communautés des camps Bor
de détériorer leurs forêts, leurs cultures
et leurs points d’eau et de manquer de
respect pour les traditions et les autorités
locales. Depuis 1999, de nombreuses tentatives ont eu lieu pour assister le retour
des personnes délocalisées dans leur
propre pays – manifestations, réunions
de paix, rapatriement des personnes
délocalisées dans leur propre pays à Bor,
apport de camions pour le transport et
l’amélioration de certains services à Bor
– mais sans succès. L’Equatoria a offert
de bons pâturages et d’autres bonnes
opportunités économiques pour les
personnes déplacées, un passage n’était
pas sécurisé et les services inadéquats à
Bor incitaient peu au retour.
En 2004, la situation a empiré en
Equatoria de l’ouest et l’ordre public a été
violé dans les zones Mundri et Maridi
lorsque le conflit entre hôtes et personnes délocalisées dans leur propre pays
s’est accru. La direction du Mouvement
de Libération du Peuple Soudanais a
réagit, sans toutefois forcément prendre
les implications pratiques en considération. Toutes les personnes déplacées
et les troupeaux à Mundri et Maridi ont
reçu l’ordre de retourner immédiatement
dans le canton Bor. L’assistance de Pact,
une organisation internationale avec une
expérience sur la paix au Soudan, a été
demandée. L’intervention devait être un
pilote pour générer des approches et des
leçons pour la direction du Mouvement
de Libération du Peuple Soudanais et les
nombreux autres Bor délocalisés dans
leur propre pays et éparpillés à travers
l’Equatoria, pour assurer un processus de
retour plus large et favorable.
Le retour des Dinka dans leurs
régions n’était pas un simple exercice de
logistique, mais demandait une approche
à multiples facettes et un dialogue
approfondi entre les groupes ethniques,
les autorités et Pact. Le cadre élaboré
pour guider le processus de retour se
concentrait sur:
les causes et l’héritage de la rupture
des relations et ses ramifications
politiques futures ; d’où le besoin de
redressement et de réconciliation
le passage sécurisé à travers les
territoires hostiles
aborder les défis de réintégration
comme la propriété du bétail, l’accès
aux pâturages et à la gouvernance.
fournir des opportunités aux Moro et
aux Dinka de se rencontrer, d’échanger leurs points de vue et de s’adresser
aux autorités
établir une équipe directrice pour
faciliter le dialogue de la communauté
assurer l’inclusion des institutions basées sur la communauté, des comités
de paix, des chefs et des groupes de
société civile
Le point central de la stratégie de
réponse était la mise en place de l’équipe
de support de la réhabilitation et de
l’intégration conjointe (JIRRST) élaborée
par des représentants Dinka Bor, Moro
et plus tard Mundari. L’équipe de
support de réhabilitation et d’intégration
conjointe a eu pour tâche de faciliter et
de contrôler les mouvements de retours,
d’anticiper les nouvelles inquiétudes, de
diffuser les informations, d’aider à éviter
les conflits et d’assurer la communication
et la coordination avec les autorités
politiques et militaires concernées et les
autres acteurs. Les nombreuses réunions
avec les intéressés ont amené l’équipe de
support de réhabilitation et d’intégration
conjointe à conclure que les préparations
pour le retour ne pouvaient pas être
précipitées. En mai 2004, au cours d’une
réunion de la communauté Moro, un
représentant supérieur du Mouvement
de Libération du Peuple Soudanais a
toutefois ordonné que les personnes et
bétails délocalisés commencent à rentrer
le jour suivant.
SOUDAN
L’assistance aux retours des Dinka Bor
délocalisés SOUDAN
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Les 62 camps et tous leurs troupeaux
se sont mis en marche à contre-cœur,
mais seulement vers une région dans
l’est du canton Mundri, car les pluies
avaient déjà commencé. Les leaders des
personnes délocalisées dans leur propre
pays étaient soucieux de garder les plus
vulnérables parmi eux (les femmes
avec de jeunes enfants, les vieillards et
les handicapés) avec les camps et les
troupeaux au cours des semaines de
lent voyage. Beaucoup des Dinka Bor se
sont sentis poussés et craignaient pour
leur sécurité. L’équipe de mission de
support de réhabilitation et d’intégration
conjointe a poursuivi le dialogue et la
médiation, établi des comités de paix
locaux le long des routes définies pour
le retour et a mobilisé les ONG et les
Nations Unies pour apporter une aide
humanitaire.
En juin 2005, le chaos a suivi après
qu’un officier militaire et quelques civils
ont été tués. Deux camps et leurs troupeaux en avant ont eu à subir des vols de
bétail et de biens personnels et 32 autres
camps ont rapidement rebroussé chemin
vers l’Equatoria de l’ouest. L’équipe de
support de réhabilitation et d’intégration
conjointe a cependant encore fait face
au défi de contenir des relations qui se
dégradaient rapidement entre les hôtes et
personnes délocalisées. Huit camps ont
traversé la rivière vers le canton Bor dans
le Nil Supérieur et le reste doit rester
jusqu’à l’approche de la prochaine saison
des pluies.
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Conclusion
Cette affaire – bien qu’elle soit encore “un
travail en cours”– soulève beaucoup de
problèmes concernant la pratique appropriée de support des déplacements de la
population dans des situations instables.
Les progrès ont suivi l’évolution “un cas
de deux pas en avant, un pas en arrière,”
mais les investissement faits à travers
l’équipe de support de réhabilitation et
d’intégration conjointe ont été substantiels et largement efficaces. Malgré sa
lenteur, la tendance générale est positive
et l’approche a réussi à soulever une prise
de conscience, à sensibiliser et à attirer
les acteurs appropriés autour d’un cadre
d’action commun. Un engagement plus
important de l’ensemble de la communauté d’assistance est encore nécessaire.
L’expérience de Pact dans la réduction
des conflits nous amène à soutenir une
approche à facettes et à acteurs multiples
qui requiert des installations incluant
l’implication des représentants et des
chefs gouvernementaux et l’engagement
avec la direction nationale et la communauté internationale. L’approche
se concentre sur les communautés
hôtes affligées, sur les difficultés que
représentent la sécurité du passage et la
protection des personnes délocalisées
dans leurs communautés hôtes au cours
de la migration et dans leurs régions de
retour. Il est vital de:
comprendre et reconnaître l’environnement politique complexe dans
lequel le retour se déroulera
analyser les problèmes clé qui affectent la stabilité et le conflit et partager
l’analyse avec les intéressés
soutenir les efforts de collaboration
autour des stratégies et des objectifs
acceptés
encourager et permettre aux institutions locales de jouer des rôles actifs
dans la médiation et le soutien.
Malgré beaucoup de personnes à la base
qui craignent que les conditions pour
la paix soient commissionnées par des
élites et que le processus soit prolongé,
la signature de l’Accord de Paix Globale
apporte un nouvel espoir de retour
paisible des Dinka Bor et des autres
personnes délocalisées dans le sud du
Soudan. Les défis à venir sont monumentaux, mais ils doivent être abordés
(fréquemment et de manière holistique)
pour amener les conditions d’une paix
durable au Soudan.
Paul Murphy a travaillé au Soudan
depuis 1989 et est directeur de l’ONG
Pact (www.pactworld.org) au Soudan.
Pour l’élaboration de l’approche
présentée ci-dessus et d’autres informations sur le programme sur le Soudan
du Pact, veuillez visiter le site www.
pactsudan.org.
Le périple épique des personnes
délocalisées de Mabia par William Lorenz
Le soutien intensif donné par la communauté internationale
pour assister au retour spontané des personnes délocalisées
depuis le camp de Mabia souligne l’énormité de la tâche que
représente l’apport d’une assistante humanitaire similaire à des
centaines de milliers également de retour chez eux.
L’Organisation Internationale pour
la Migration (IOM) – avec le soutien
du Programme Mondial Alimentaire,
le Bureau des Nations Unies pour la
Coordination des Affaires Humanitaires,
l’UNICEF, World Vision, MSF Espagne
et les missionnaires Camboni – ont aidé
environ 5000 personnes délocalisées
dans leur propre pays issues de 10 tribus
différentes sur un voyage de 350 km à
travers les forêts et les territoires hostiles
de la province de Western Equatoria à
retourner chez elles dans l’ouest de la
province de Bahr el Ghazal. L’initiative
du retour a démarré avec les personnes
déplacées et l’assistance internationale
n’a été fournie qu’après le début de leur
voyage. Les rapatriés, qui avaient fui
de chez eux quatre ans plus tôt, ont
entamé leur voyage depuis leur camp de
Mabia, au sud de la ville de Tambura. Le
groupe a suivi une trajectoire le long de
la frontière avec la République d’Afrique
Centrale dans une tentative de traverser
la rivière Busseri River avant le début de
la saison des pluies.
C’était une expérience épuisante
mentalement et physiquement pour les
rapatriés (dont beaucoup étaient des
ménages dirigés par des femmes), les
soldats du Mouvement de Libération
du Peuple Soudanais qui assuraient la
sécurité et l’équipe de l’Organisation
Internationale pour la Migration qui les