Nous n`irons pas ce soir au paradis

Transcription

Nous n`irons pas ce soir au paradis
Nous
n’irons
pas
ce soir
au
paradis
Serge Maggiani
raconte
L’Enfer de Dante
textes La Divine Comédie
de Dante Alighieri, L’Enfer, Chants I et V
COMMENTAIRES SERGE MAGGIANI
COLLABORATION VALÉRIE DRÉVILLE
DISPOSITIF YVES COLLET
DU 26 MARS AU 11 AVRIL 2014 18H
SUIVEZ NOTRE
ACTUALITÉ SUR
Dossier pédagogique
SAISON 2013 I 2014
{THÉÂTRE DE LA VILLE} 2 PL. DU CHÂTELET PARIS 4 www.theatredelaville-paris.com
photo Gérald Maillet
THÉÂTRE {AUX ABBESSES}
DANTE I SERGE MAGGIANI
Nous n’irons pas ce soir au Paradis
Serge Maggiani raconte L’Enfer de Dante
SOMMAIRE
REPRISE
La Divine Comédie DE Dante Alighieri, L’Enfer, Chants I et V
Serge Maggiani
COLLABORATION Valérie Dréville
DISPOSITIF Yves Collet
TEXTES
COMMENTAIRES
L’Apostrophe,scène nationale de Cergy-Pontoise
et du Val-d’Oise – Théâtre de la Ville-Paris – Théâtre de Vienne, Prima donna
PRODUCTION
Divine passion
I C. Godard
p. 4
photos du spectacle © Virginie Cardot
La Divine Comédie de Dante
CE SPECTACLE EST DÉDIÉ À PHILIPPE AVRON
Cartographie
L’été 2011 j’ai vu à Avignon le spectacle de Philippe Avron sur Montaigne.
Il y revenait à son enfance et à son père.
Dire que c’était un spectacle extraordinaire est peu de chose.
C’était son dernier spectacle, il y mourait.
Les spectateurs se trouvaient face aux autres et pleuraient sans se regarder et sans savoir.
Un acteur joue toujours son dernier rôle et tous les rôles qu’il a joués dans ce rôle-là.
Mais là, c’était vrai.
Je voudrais, simplement, dédier ce spectacle
à Philippe Avron.
Serge Maggiani
UN SI BEAU
p. 5
VOYAGE
de La Divine Comédie
p. 7
Virgile & Dante
p. 10
Dante & Béatrice
p. 11
Dante Alighieri
p. 12
Serge Maggiani
p. 14
En toute amitié, Serge Maggiani nous fait partager sa passion pour les mots
et la vie de Dante, il nous ouvre les portes de La Divine Comédie..
Tout simplement Serge Maggiani est là, amical, souriant, une feuille à la main, feuille de route pour nous
emmener chez Dante. Premier poète italien, dit-il, à avoir préféré écrire dans sa langue plutôt qu’en latin. Et
c’est là qu’il nous emmène, dans la musique des mots. Une heure de merveilleux voyage. Il va et vient, passe
de temps en temps au français, nous parle de Dante, de ses parcours, de ses mystères, de celui qui a franchi
les frontières de l’impossible, les portes de l’enfer, celles du paradis. Où nous n’irons pas ce soir – quoique…
– mais dont Serge Maggiani nous laisse entendre, deviner les secrets.
Colette Godard
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DIVINE PASSION
LA DIVINE COMÉDIE DE DANTE
Parce que dans le langage de Dante il a rencontré son pays, Serge Maggiani
se fait le messager du poète, de son monde, de son œuvre, de sa vie.
J.-P. SERRES
En fait, les innombrables traductions de son œuvre
(plus nombreuses que celles de l’Évangile) évoluent
avec le temps. Le XIXe siècle s’attachait plutôt au côté
épique. Aujourd’hui, on se permet un peu d’ironie, en
tout cas de distance à son égard. »
Seul devant et au milieu des spectateurs, Serge
Maggiani fait partager sa curiosité, ses interrogations, son admiration. Manifestement, il vit, avec
générosité, un moment intense. Mais il éprouve le
besoin de rejoindre l’équipe, la troupe.
« Retrouver Dante m’est devenu nécessaire, je ne pourrais pas cependant m’y enfermer. Il m’est arrivé de refuser une tournée pour un spectacle où je n’avais pas forcément le premier rôle. J’alterne. Emmanuel me compare au hérisson qui s’ennuie quand il est seul, et se
pique quand il est en compagnie. Et par exemple, pour
le monologue qui ouvre la seconde version de
Rhinocéros, ce n’est pas la même chose. Les lumières de
la salle sont encore allumées, le rideau de fer encore
baissé, mais derrière, les autres sont là. Ils écoutent. Et
ensemble, nous enchaînons. Le théâtre, c’est quelque
C. G.
chose qui se vit ensemble. »
avoue ses fautes : « Après avoir poussé un soupir amer
je trouvais à peine de voix pour répondre, et mes lèvres
articulèrent les mots à grand effort. Je dis en pleurant :
Les choses présentes avec leurs faux plaisirs détournèrent mes pas aussitôt que votre visage se fut caché ».
Tout au long de son voyage, Dante rencontre des personnages mythologiques, historiques ou contemporains de son époque. Chacun d’eux est la personnification d’une faute ou d’une vertu, religieuse ou politique, et le poète décrit en détail le châtiment subi ou
la récompense accordée. La Divine Comédie n’en est
pas pour autant une œuvre religieuse, elle est en réalité une somme des conceptions politiques, scientifiques et philosophiques de la fin du XIIIe siècle. C’est
une œuvre complexe qui peut se lire à différents niveaux et être interprétée de différentes façons.
Manuscrit de La Divine Comédie
[…] Serge Maggiani retravaille son solo Nous n’irons
pas ce soir au paradis, voyage au long de La Divine
Comédie de Dante, amorcé en 2008, à Avignon –
lorsque Romeo Castellucci en inscrivait l’Enfer sur
les murs du Palais des Papes – poursuivi depuis
quasiment sans relâche, avec la collaboration de
Valérie Dréville.
Fasciné par la langue de Dante, Serge Maggiani offre
un spectacle italo-français ; comme lui-même.
Quelque chose de totalement personnel, une suite de
confidences, de ces souvenirs que l’on partage
lorsqu’on retrouve des amis.
En Dante, Serge Maggiani reconnaît l’inventeur de
la langue italienne, et d’ailleurs, avant lui, les auteurs
« sérieux » écrivaient en latin. Dante incarne une
époque essentielle, un moment clef dans l’histoire
du monde occidental, qui commence alors à reconnaître une importance nouvelle aux femmes, qui se
laissent séduire par l’amour courtois chanté par les
troubadours.
« Pourtant, Dante se montre plutôt rigide, en tout cas
d’une grande sévérité, et totalement dépourvu d’humour.
Dante a commencé à écrire Comédie vers 1307, alors
qu’il était en exil, et il ne l’a achevée que peu avant
sa mort en 1321. Ce n’est que dans l’édition de 1555 que
le titre devient La Divine Comédie, sans doute parce
que le parcours relaté par le poète se termine par la
vision de Dieu en qui se dissout toute volonté individuelle.
Le poète égaré dans la forêt sauvage du péché effectue
un voyage imaginaire au travers de L’ENFER, du PURGATOIRE et du PARADIS, jusqu’à la découverte de Dieu.
Le poète latin VIRGILE, qui représente la raison est
son guide à travers l’enfer et le purgatoire, mais c’est
la douce et vertueuse Béatrice qui l’accueille, le juge,
pardonne et le conduit au Paradis. C’est finalement
Saint-Bernard qui lui fera rencontrer Dieu. La Divine
Comédie se révèle être d’abord l’histoire de la conversion de Dante. Au XXXe chant du purgatoire, Béatrice
dit : « Il tomba si bas que pour assurer son salut, tous
les efforts étaient vains, si je ne lui faisais connaître les
âmes damnées ». Au XXXIe chant du purgatoire, Dante
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La Divine Comédie est un poème didactique et moral. Dante veut la conversion intellectuelle, morale et spirituelle de l’humanité. Les troubles, les angoisses, la déchéance que la nature humaine et les hommes lui ont
fait connaître, il cherche à les épargner à ceux qui sont ses frères dans le péché comme dans la foi. Dans
cette œuvre, Dante règle également ses comptes avec les florentins et avec les papes. Pour lui, un messager de
Dieu viendra et saura faire régner la justice et la charité mettant fin aux guerres fratricides et à la corruption qui ruinent la gloire de l’église. Ce messager n’est pas très facile à identifier, voici comment Dante le
décrit : « Car je vois avec certitude, et pour cela je l’annonce, des étoiles qui s’approchent déjà et qui, exerçant
librement leur influence, nous donneront un temps, où un Cinquecento diece e cinque (un Cinq cent dix et cinq),
envoyé de Dieu, tuera l’usurpatrice et le géant qui pêche avec elle ».
CARTOGRAPHIE
DE LA DIVINE COMÉDIE
Chacun des lieux visités constitue une partie de l’œuvre, l’Enfer, le Purgatoire, le Paradis. Chacune de ces parties est divisée en TRENTE-TROIS CHANTS. La quête mystique débute le vendredi saint du 8 avril 1300, les derniers
cercles du Paradis sont abordés le jeudi de Pâques du 14 avril 1300, et la suite du voyage se fait hors du
temps. La langue utilisée est le toscan (la madre lingua) qui va devenir l’italien, grâce au poète. Le vers utilisé est la terza rima c’est-à-dire des tercets, groupes de trois vers dont le premier rime avec le troisième, alors
que le deuxième fournit la première et la troisième rime du tercet suivant, et ainsi de suite.
Le titre donné par Dante à son poème n’est pas : La Divine Comédie, mais simplement : La Comédie. Par le
mot Comédie, le poète entendait, suivant l’usage de
son temps, une œuvre écrite en langue vulgaire moderne, par opposition à Tragédie, désignant une œuvre
de l’Antiquité, écrite en une langue considérée comme
plus savante et plus noble. De plus, la conclusion de
son poème étant heureuse, justifiait aussi l’appellation de Comédie par opposition à celle qui se termine
par une catastrophe. Ainsi quand il parle de l’Enéide
(Enfer, XX, 113) il l’appelle Tragédie, et dans les deux
seuls passages où il parle de son propre poème.
IN LA DIVINE COMÉDIE, DANTE ALIGHIERI
TRADUITE ET COMMENTÉE PAR A. MÉLIOT, GARNIER FRÈRES, 1908
Avant de pénétrer dans les Cercles de l’enfer, il est indispensable de jeter un coup d’œil sur l’ensemble de
La Divine Comédie afin de bien se représenter cet Univers imaginaire tel que Dante l’a décrit.
Lucifer, chef des Anges rebelles, a été précipité par Dieu
du haut du Ciel sur la Terre. Il y tombe, la tête la première, s’y enfonce jusqu’au centre du Globe où il est
condamné à rester fixé dans d’énormes masses de
glace. La Terre, occupant elle-même, d’après Ptolémée,
le centre de l’Univers, Lucifer se trouve, par conséquent, précisément au centre de cet Univers. Sur lui
repose l’Enfer tout entier, que sa formidable chute a
creusé dans la Terre sous la forme d’un cône renversé, d’un immense entonnoir, dont le grand côté –
l’entrée – est à la surface de la Terre et le plus petit
au centre.
Le système cosmographique décrit par Dante n’est pas
le fruit de sa seule imagination. Il résulte aussi des
données diverses de l’époque et des traditions antérieures. La Bible, la Mythologie, Aristote. Ptolémée,
les Pères de l’Église, les écrivains de l’Antiquité et du
Moyen Âge, etc., ont fourni au poète les principaux
matériaux de sa vision.
L’ENFER est divisé en neuf Cercles concentriques superposés, sortes de galeries longeant les parois cylindriques du cône. Dans ces galeries sont placés les
damnés, classés d’après leurs crimes.
Ces Cercles, de plus en plus petits, comportent des
tourments appropriés, de plus en plus terribles à
mesure que l’on descend. Ils sont parfois subdivisés
en autant de compartiments que le Vice général qui
y est châtié offre d’espèces différentes.
Au fond de l’Enfer se trouve l’entrée difficile (interdite et impossible aux damnés) d’un long souterrain,
qui fait suite à l’Enfer et conduit au côté de la Terre
opposé à celui où se trouve l’entrée de l’Enfer. Ce souterrain aboutit au pied d’une montagne colossale,
entièrement entourée d’eau et située au centre de l’hémisphère désert de la Terre, aux antipodes de Jérusalem, qui occupe le centre de l’hémisphère habité.
Œuvre de Domenico di Michelino, cathédrale de Florence
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Cette montagne, c’est le PURGATOIRE.
Arrivé là, Dante a donc parcouru en entier le diamètre
terrestre, dont le premier rayon est occupé par l’Enfer
et le second par le souterrain de sortie.
La montagne purgatoriale a été formée, d’un seul coup,
par la masse terrestre chassée en dehors de la Terre
par la violente chute de Lucifer. Il est donc compréhensible que le Purgatoire affecte la forme contraire
à celle de l’Enfer : une montagne au lieu d’un cône
renversé et vide. Au lieu de descendre, comme dans
l’Enfer, on monte.
Le Purgatoire est divisé aussi en sept Cercles ou
girons (girone).
Dans chaque Cercle du Purgatoire les pécheurs trouvent successivement l’expiation de leurs fautes et la
purification graduelle de leur âme en contemplant,
sous diverses apparences, des exemples de la vertu
opposée à leur vice.
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Au sommet est le PARADIS terrestre ou jardin d’Éden.
Une ligne droite partant de l’Éden et tirée jusqu’à Jérusalem passerait donc au centre de tous les Girons du
Purgatoire et de tous les Cercles de l’Enfer, au centre
de la Terre et de l’Univers.
Le Paradis est divisé en neuf sphères dont la révolution
autour de la s’opère Terre. Plus on s’élève de sphère
en sphère, plus les Vertus qui s’y trouvent sont pures,
plus leur félicité est grande, car ils sont plus rapprochés de Dieu. Enfin, au plus haut des Cieux résident
la Trinité et les mystères chrétiens.
C’est Béatrice qui vient, au seuil du Paradis, remplacer Virgile pour guider le Poète.
Arrivé au haut du Paradis, Dante succombe à l’éclat
d’une vision que ses regards humains sont impuissants à contempler ; et, de même qu’un sommeil
pesant l’a empêché de connaître la route qui l’a
conduit dans l’Enfer, de même la splendeur divine
qui l’éblouit l’empêche de connaître le chemin qui le
ramène du Paradis à la Terre.
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VIRGILE & DANTE
DANTE & BÉATRICE
IN L’IMAGE DU LABYRINTHE
DANS L’ENFER DE DANTE, CHARLES DOYON, 2004
CHANTAL FLURY
La première voit dans Dante et son maître une
transposition du couple Icare – Dédale : tous deux
prisonniers des ténèbres (l’un, depuis peu de temps ;
l’autre, depuis treize siècles), ils errent dans le
Labyrinthe à la recherche de la lumière. Virgile – le
« père », voire « plus que père » – dispense des conseils
éclairés à son élève, réprimande sa couardise ou sa
curiosité [« Il ne faut voler ni trop bas, de peur que les
plumes ne soient trempées et alourdies par les embruns,
ni trop haut, pour éviter que le soleil fasse fondre la
cire »], encourage ses progressions, soutient ses pas,
le porte parfois. Cependant, le père n’échappe pas
aux pièges de l’Enfer : il est floué par Malacoda, a
peur des diables lâchés à ses trousses, est pris de
fatigue et d’angoisse face à Lucifer. Cette première
hypothèse place les poètes dans une position de victimes du labyrinthe.
Deuxième hypothèse, qui conserve et accentue ce
rapport de force entre Virgile et Dante : Dante est
Thésée, il affronte le Labyrinthe – qui se trouve aussi
être son labyrinthe – avec l’aide de Virgile, son fil
d’Ariane, qui a déjà accompli le chemin une fois
(Inf., IX, 19-30 ; XXII, 61-63). Celui-ci lui indique les
tours et les détours, les impasses et les chaussetrappes, la voie sûre et le chemin du salut. La comparaison entre Dante et Thésée face au Minotaure (Inf.,
XII, 16-21) est un indice en faveur de cette lecture.
Troisième hypothèse, qui est une variation de la
deuxième et qui prend en compte les faiblesses du
guide qui sont stigmatisées dans la première hypothèse. Virgile et Dante sont tous deux des Thésée,
qui affrontent, l’un comme l’autre des épreuves. Bien
sûr, Virgile, qui est déjà descendu dans le dernier
cercle, ne s’effraie pas pour les mêmes raisons que
Dante. Cependant, les poètes partagent les mêmes
combats cruciaux. Il est remarquable de noter que
Dante prend de plus en plus d’assurance au fur et à
mesure qu’il descend dans l’Enfer : il finit par atteindre le niveau de son maître dans le gouffre de
l’Enfer : sur la montagne du Purgatoire, ils découvriront un monde nouveau, qui leur est inconnu à tous
deux. Dès ce moment, selon la belle formule de L.
Gillet, « l’ascension de Dante, c’est aussi le crépuscule
de Virgile » (L. Gillet, p. 95).
en particulier – apparaît comme des labyrinthes initiatiques en tant que tels. Leurs arcanes numérologiques, symboliques et théologiques sont autant de
méandres et d’impasses où les commentateurs non
avertis se perdent allégrement.
Virgile, le monument de la littérature latine, le chantre de l’Empire naissant, l’émule d’Homère, occupe
une grande place dans la littérature du Moyen Âge.
Nombre d’auteurs virent en lui un précurseur du
christianisme, un poète inspiré par la divine providence mais ignorant – hélas ! – le salut apporté par
le Christ.
Chez Dante, le Mantouan fait figure d’éternel exilé
de l’au-delà. Relégué dans les limbes, il ne pourra
jamais accéder au Paradis. L. Gillet (p. 83) a remarqué, à juste titre, que Virgile occupe, aux portes de
l’Enfer, la même position que Dante en Italie : de
même que Virgile ne pourra pas accéder au Paradis,
le Florentin passera les vingt dernières années de sa
vie en exil et ne reverra jamais sa chère cité.
Identification symptomatique : les œuvres des deux
bannis doivent être en étroite corrélation… […]
Rôle ambigu que celui des deux poètes !
Une première lecture peut exclure leur participation
au renouveau du mythe (qui ne concernerait alors
que le triangle Dieu – Lucifer – Jésus). Une telle
hypothèse est peu satisfaisante, eu égard à la place
importante que tient le labyrinthe dans le cheminement de Virgile et Dante à travers l’Enfer.
Trois autres lectures – complémentaires – nous semblent plus plausibles.
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Dante est dans une forêt profonde et noire. Dante
doit pénètrer dans l’au-delà. Puis secouru par Virgile
que Béatrice a envoyé pour lui apporter son aide,
Dante descend au royaume des pêcheurs, l’ENFER
(1+33 chants), Puis accompagné toujours par
Virgile, il ira au PURGATOIRE (33 chants) puis au
PARADIS où Béatrice le rejoint (33 chants également).
En effet, à la porte du Paradis Béatrice prend le
relais, après sa terrible traversée de l’Enfer et du
Purgatoire et va le guider jusqu’à l’être divin.
Dante retrouve ici Béatrice. Elle dit à Dante que bien
qu’il l’ait quelquefois oubliée, jamais la nature ou
l’art n’avaient pu lui offrir un plaisir pareil à celui
qu’il avait ressenti en admirant sa Beauté.
Produit d’un long travail commencé environ vers
1306 et presque jusqu’à la mort de Dante, La Divine
Comédie n’est-elle pas le reflet d’un rêve prémonitoire que Dante a écrit et a fait sur sa propre mort,
comme celà s’était passé autrefois pour Béatrice.
La Divine Comédie est aussi un message d’espoir
pour l’humanité tout entière, la promesse du salut
pour chacun.
Béatrice est donc dans l’œuvre de Dante la femme la
plus idéalisée par le plus pur et le plus désinteressé
des amours. Elle est aussi l’image de l’Amour, de la
Beauté et du Désir de Dante pour Béatrice.
rencontre de Dante avec Béatrice au paradis
La Divine Comédie – et le sixième chant de l’Enfer
Dante Alighieri (1265-1321) est âgé d’à peine 9 ans
lorsqu’il rencontre Béatrice Portinari (1266-1290).
Béatrice Portinari épouse Simon de Bardi et meurt à
l’âge de 24 ans.
Certains disent que Béatrice n’a jamais existé dans la
réalité, mais les témoignages contemporains sont
formels sur son existence et les dates données y correspondent. Béatrice, lors de ses rencontres avec
Dante, ne semble accorder aucune attention particulière à celui-ci mais, touché par la Beauté, elle
deviendra l’incarnation divine qui l’inspirera pendant toute sa vie et qui marquera son œuvre.
Bien qu’à l’âge de 12 ans son mariage fût négocié par
sa famille avec Gemma, fille de Messer Manetto
Donati, qu’il épousa ensuite et avec laquelle il eut
plusieurs enfants, Dante ne cessa d’aimer et de penser à Béatrice. Dans Vie Nouvelle (Vita Nuova)
constituée de 31 poèmes et 42 chapitres en prose,
Dante évoque sa première rencontre avec Béatrice à
l’âge de 9 ans. L’Éternel Féminin est donc devenu
l’initiateur de l’âme de Dante, le centre de sa vie et
son chef-d’œuvre.
Il recherche Béatrice à travers les visions de La
Divine Comédie (Comédia), écrite à la première personne, à travers le « je » fait nouveau dans les littératures romanes.
tombe de Béatrice,
Église de chiesa di Santa Margherita dei Cerchi, Florence
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DANTE ALIGHIERI
Portrait de Dante, détail d'une fresque de la chapelle
du Bargello attribuée à Giotto di Bondone.
Dante Alighieri est né le 29 mai 1265 à Florence dans
une famille de petite noblesse En 1274, selon la Vita
nuova, il voit pour la première fois Béatrice Portinari
et tombe amoureux d’elle. Il a une dizaine d’années
quand meurt sa mère, Gabriella, la « madre bella ».
Il devient ensuite chef de famille à 17 ans quand son
père, Alighiero di Bellincione devenu commerçant
meurt à son tour en 1283.
Dante va suivre les enseignements philosophiques
et théologiques des écoles franciscaine (Santa Croce)
et dominicaine (Santa Maria Novella). Il se lie d’amitié et correspond avec de jeunes poètes qu’on appellera les stinovistes. Le Rime sont l’ensemble des
poèmes composés par Dante durant ses années de
jeunesse florentine et tout au long de sa carrière qui
ne sont pas incluses dans une œuvre. C’est dans
cet ensemble qu’on peut trouver les traces de l’égarement avoué plus tard au début de l’Enfer et au
début du Purgatoire qui aurait entraîné Dante vers
de fausses conceptions philosophiques, des sollicitations de l’amour charnel et des plaisirs vulgaires.
À 20 ans, il épouse Gemma Di Manetto Donati, issue
d’une branche modeste d’une grande lignée, dont il
aura quatre enfants, Jacopo, Pietro, Giovanni et
Antonia.
En 1292, il commence à rédiger La Vita nuova, Béatrice est morte deux ans auparavant. Dante se consacre
ainsi très tôt à la poésie tout en étudiant la philosophie, la théologie et notamment Aristotèle et SaintThomas. Il sera hanté par les luttes intestines de son
temps et bâtira toute son œuvre autour de la figure
de l’Empereur, mythe de l’impossible unité.
Les ordonnances de Justice de 1293 ayant exclu les
nobles de la vie politique florentine, le jeune Dante
n’avait pu avoir que des intérêts intellectuels. En 1295,
enfin, des mesures redonnent aux nobles leurs droits
civiques à charge pour eux de s’inscrire dans une
corporation. Dante s’inscrit alors à celle des médecins et apothicaires qui était aussi celle de la librairie, avec la mention de poète. La lutte fait rage entre
Guelfes Blancs et Guelfes Noirs et Dante prend le
parti des Blancs qui tendent à défendre l’indépendance de la ville et sont conduits à s’opposer aux
tendances hégémoniques du Pape Boniface VIII. En
1300 , il est élu à la charge de Prieur. Les Prieurs, au
La vie de Dante est indubitablement liée aux événements politiques de Florence. À sa naissance, Florence était en passe de devenir la plus puissante
cité de l’Italie centrale. Dès 1250, un gouvernement
communal composé par la bourgeoisie et l’artisanat
avait mis fin à la suprématie des maisons nobles.
Deux ans plus tard seront frappés à Florence, les
premiers florins d’or qui deviendront les dollars de
l’Europe marchande. Les conflits entre les guelfes,
acquis à l’autorité temporelle des papes, et des gibelins, défenseurs de la primauté politique des empereurs, tournaient de plus en plus à l’affrontement
entre les nobles et les bourgeois et aux guerres de
prépondérance entre cités voisines ou rivales. À la
naissance de Dante, la ville était depuis cinq ans
aux mains des gibelins qui en avaient chassé les guelfes. En 1266, Florence repasse aux mains de ces derniers et les gibelins en sont expulsés à leur tour, perdant à jamais la partie. Les guelfes allaient bientôt
se diviser entre les noirs et les blancs.
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nombre de six, étaient les plus hauts magistrats de
l’exécutif composant la Seigneurie et chargés de
l’autorité exécutive. Les Prieurs, dont Dante, prennent
alors la difficile décision de proscrire les plus déterminés des chefs des deux camps pour faire diminuer la violence dans la lutte qui oppose les Noirs et
les Blancs à Florence. En 1301, Dante est envoyé à
Rome vers le pape Boniface VIII tandis qu’arrive à
Florence Charles de Valois et que le parti des Noirs,
soutenu par Boniface VIII s’y affirme.
Les Noirs l’emportent et les procès politiques commencent. Dante fut condamné sous la fausse accusation de fraude (vente d’offices publics), exclu des
Offices et condamné à de lourdes amendes. Comme
il ne daigna pas, comme ses amis, se présenter devant
ses juges, il fut condamné à la confiscation de ses
biens et au bûcher s’il se faisait prendre sur le territoire de la commune de Florence. Dante fut alors
forcé de quitter Florence en ayant l’impression d’avoir
été indignement joué par le Pape Boniface VIII Caetani
(Pape de Décembre 1294 à 1303 qui fut toujours
son farouche adversaire et qu’il plaça d’ailleurs en
Enfer dans La Comédie) qui l’avait retenu à Rome
pendant que les Noirs prenaient le pouvoir à Florence.
En 1308, il compose, en latin, un traité sur la langue
et le style, De Vulgari eloquentia dans lequel, il passe
en revue les différents dialectes de la langue « de si »
(c’est-à-dire de l’Italie) et proclame qu’il n’a trouvé
nulle part « l’odorante panthère » des bestiaires du
Moyen âge qu’il poursuivait, tous y compris son florentin natal a ses imperfections. Il pense avoir capté
« l’insaisissable fauve ce vulgaire qui en chaque ville
exhale son odeur et en aucune n’a son gîte ». Il fonde
la théorie d’une langue vulgaire qu’il appelle illustre,
laquelle ne peut être l’un des parler locaux italiens
mais une langue issue d’un travail de polissage confié à l’ensemble des écrivains italiens. Cette œuvre
est un premier manifeste pour la création d’une
langue littéraire nationale italienne. En 1310, avec
l’arrivée en Italie d’Henri VII Di Lussemburgo, Empereur du Saint Empire romain, Dante entreverra la
possibilité d’une restauration du pouvoir impérial, ce
qui lui aurait permis de pouvoir rentrer à Florence
mais il fut encore déçu lorsque Henri mourut. Dante
compose à cette époque La Monarchia, écrite en
latin après la mort d’Henri VII et y énonce que la monarchie universelle est essentielle au bonheur terrestre
des hommes et que le pouvoir impérial ne doit pas
être soumis à l’Église. Il y débat également des rapports du sacerdoce et de l’Empire : au pape le spirituel, à l’empereur le temporel. Vers 1315, on lui offrit
de revenir à Florence mais à des conditions qu’il
estima dans son orgueil, trop humiliantes et refusa
avec des mots qui restent un témoignage de la dignité humaine : « Non é questa, padre moi, la via del
À partir de 1304, va commencer pour Dante un long
exil à travers l’Italie où il était partout très bien accueilli. (Vérone, Lucques, peut être même Paris…).
Entre la mort de Béatrice et les premières années de
l’exil, Dante s’était adonné à l’étude de la philosophie (pour lui l’ensemble de la science profane) et
avait composé des poésies d’amour où le style de la
louange est bien absent et le souvenir de Béatrice
encore plus. Le centre du discours ne sera plus
Béatrice mais la donna gentile, description allégorique de la philosophie. Il retrace l’itinéraire intérieur
de Dante vers la sagesse. Il rédige De vulgari eloquentia et Il Convivio (1304-1307), composé en langue
vulgaire, traité inachevé qui devait une somme encyclopédique de savoir pratique. Dante, dans cette
œuvre, se fixe pour but d’initier au repas des sages,
les hommes qui, de par leur formation ou leur condition ne peuvent avoir directement accès au savoir. Il
errera de cités en Cours au gré des opportunités qui
s’offriront à lui et ne cessera d’approfondir sa culture
au fil des différentes expériences qu’il connaîtra.
mio ritorno in patria, ma se prima da voi et poi da altri
non se ne trovi un altra che non deroghi all’onore e alla
dignità di Dante, l’accetterò a passi non lenti e se per
nessuna siffatta s’entra a Firenze, a Firenze non entrero
mai..né certo mancherà il pane ».
En 1319, Dante est invité
à Ravenne par Guido Novello da Polenta, Seigneur
de cette ville, qui l’envoie
en 1321 comme Ambassadeur à Venise. En rentrant de cette mission
d’ambassade, Dante est
terrassé par une attaque
de malaria et meurt à
Ravenne à 56 ans dans
la nuit du 13 au 14 septembre 1321.
Il entreprend en 1306 la rédaction de La Comédie
qu’il travaillera toute sa vie. Quand il a commencé « a
far parte per se stesso », renonçant aux tentatives de
rentrer avec ses amis par la force à Florence, il prit
conscience de sa propre solitude et se détacha de
la réalité contemporaine qu’il estimait dominée par
le vice, l’injustice, la corruption et l’inégalité.
masque mortuaire, Florence
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italialibri.net, Milan
SERGE MAGGIANI
Il fait ses classes chez Étienne Decroux et Tania
Balachova, travaille avec Claude Régy, Catherine
Dasté, et avec Antoine Vitez dans Le Soulier de satin
en 1987, où il rencontre Valérie Dréville. Ensuite,
avec Daniel Mesguich, Christian Schiaretti, Richard
Demarcy. Puis il entame un trajet avec Charles
Tordjman, avec entre autres La Fabbrica de
Celestini aux Abbesses. Pour Emmanuel DemarcyMota au Théâtre de la Ville, il joue Rhinocéros de
Ionesco, Victor ou les Enfants au pouvoir de Vitrac. Il
vient de créer au Théâtre du Rond Point Chapitres
de la Chute, d'après la saga des Lehman Brothers
dans une mise en scène d' Arnaud Meunier .
Il sera Mercadet, dans Le Faiseur de Balzac mis en
scène par Emmanuel Demarcy-Mota qui sera créé
et présenté aux Théâtre des Abbesses du 18 mars
au 12 avril 2014.
© Gustave Doré
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carte de l'Enfer, Sandro Botticelli
Six poètes toscans, 1544, Giorgio Vasari, (Minneapolis Institute of Arts). Dante en compagnie de Boccace, Cavalcanti, Ficin, Landino et Pétrarque.

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