Revue de presse Mise en scène Isabelle Starkier

Transcription

Revue de presse Mise en scène Isabelle Starkier
Revue de presse
Mise en scène Isabelle Starkier
• Paris, Théâtre Silvia Monfort (26 mai – 21 juin 2009)
• Festival d’Avignon le Off 2009, La Fabrik Théâtre
STAR Théâtre / Cie Isabelle Starkier
63 place du Docteur Félix Lobligeois, 75017 Paris
Résidence : L’Avant-Seine - Théâtre de Colombes
01 56 05 32 04 / [email protected]
découvrez le spectacle sur : www.startheatre.caspevi.com
par Laure Adler le samedi
de 18h10 à 19h
Les coups de coeur de Mr Guy
"Quand on veut noyer son chien on dit qu'il a la rage"
Dans sa mise en scène de Monsieur de Pourceaugnac de Molière, Isabelle Starkier
prend le parti de confier le rôle du limousin à un noir. Par ce subterfuge, elle accentue
l'universalité et la modernité du texte de Molière.
Oronte veut marier sa fille Julie à Mr de Pourceaugnac, le limousin. Mais celle-ci et son galant,
Eraste, ne l'entendent pas de cette oreille. Alors pour déjouer le plan d'Oronte, aidés de leurs
domestiques, Nérine et Scribani, les deux amoureux vont user de tous les moyens pour
discréditer Mr de Pourceaugnac aux yeux d'Oronte.
Et c'est là que toute la magie du théâtre de Molière opère. Autour de la comédie, de la farce,
la tragédie rôde. Tout comme le rêve l'est à l'inconscient pour Freud, le rire de la farce de
Molière est la voix royale pour accéder à la compréhension des mécanismes du pouvoir et de
la possession. Le psychanalyste et l'auteur dramatique, chacun à leur manière, et Isabelle
Starkier en a pris la mesure, interrogent la figure et la place de l'Autre.
"Quand on veut noyer son chien on dit qu''il a la rage" dit le proverbe. Alors notre Mr de
Pourceaugnac sera affublé de tous les maux: malade récalcitrant à se soigner, escroc
endetté, abandonneur de femmes et d'enfants, et qui plus est, polygame.
Face à cette "intelligence" mise au service de la perfidie et de la ruse, Mr de Pourceaugnac
prend la figure du naïf. Quand on veut écarter l'autre, ne dit-on pas qu'il est bête. Doublement
bête.
Bête en son incapacité à appréhender les enjeux d'un discours, qui se veut rationnel sous
couvert du bon sens, du progrès et de la science (ici, la médecine) pour mieux exclure ce qui
va à l'encontre de son intérêt. Bête aussi, car de l'exclusion au déni voire à l'élimination, la
déshumanisation lève l'inhibition et atténue la culpabilité. Des "bienfaits" de la colonisation aux
centres de rétention, en passant par Dakar, les résonances sont nombreuses.
Par son adaptation et sa mise en scène de Monsieur de Pourceaugnac, Isabelle Starkier
révèle toute l'acuité de la pensée de Molière en nous en restituant toute l'actualité.
Autour de Daniel Jean : Mr de Pourceaugnac, quatre comédiens : Eva Castro, Sarah Sandre,
Stéphane Miquel et Pierre Yves Le Louarn dans un rythme endiablé multiplient les
changements de rôles avec précisions et communiquent au public leur plaisir de jouer.
M onsieur de Pourceaugnac sera à Avignon cet été, ainsi que le précédent spectacle
d'Isabelle Starkier, Le Bal de Kafka dont j'avais dit le plus grand bien ici-même.
Monsieur GUY
Monsieur de Pourceaugnac au Théâtre Silvia Monfort 26 mai - 21 juin 2009
Théâtre
du 26 mai au 21 juin 2009
La critique de la rédaction
Monsieur de Pourceaugnac
Pourceaugnac est un provincial à la crédulité sans bornes, monté à Paris pour
épouser sa promise. Bien sûr, Molière le voue à être le dindon de la farce que jouent
tous les autres personnages pour faire échouer ce projet de mariage. Mais si ces
derniers croient manipuler les ficelles du destin de ce grand naïf, en coulisses, c'est
la metteur en scène qui reste maîtresse du jeu. Isabelle Starkier a su adroitement
utiliser les codes du burlesque, à grands recours de masques et de travestissements
poussés aux limites du grotesque, quitte à parfois flirter avec le trivial. Le rire
n'empêche pas pour autant la réflexion. Le processus de renversement du ridicule
qu'elle a mis en place séduit. Sous leurs déguisements de pacotille, Julie et Eraste
ne sont plus qu'un couple d'amoureux renvoyant au public leur bêtise, leur
méchanceté et leur mièvrerie. Sbrigani, un traître aux allures de mafieux. Au milieu
de ces gredins, Pourceaugnac est le seul à jouer franc-jeu et à ne pas porter de
masque. Et au final, on se dit que le voir repartir chez lui, sans la vilaine Julie, est
vraiment ce qui pouvait lui arriver de mieux. En décidant de marquer la différence
de Monsieur de Pourceaugnac en lui donnant pour interprète un comédien noir
(impeccable Daniel Jean), Isabelle Starkier teinte de racisme la crainte du
provincial. Le bruit d'un charter le reconduisant dans son pays finit de faire écho à
une triste actualité. Côté jeu, rien à redire sur la distribution. Les comédiens sont
tous énergiques et inspirés, Stéphane Miquel en tête. Eva Castro, Sarah Sandre
et Pierre-Yves Lelouarn tiennent avec un bel entrain ce spectacle aussi drôle
qu'intelligent.
Dimitri Denorme
9 juin 2009
Monsieur de Pourceaugnac
Précis et efficace
Invité par le père (ici, mère) qui cherche à faire un beau mariage pour
sa fille, Monsieur de Pourceaugnac débarque dans la capitale. Mais
fifille a du caractère, d'autant qu'elle est amoureuse d'un autre. Tout
sera donc prétexte pour dégoûter le prétendant de sa proie.
Critique
Régis Santon, qui quitte la direction du Silvia Monfort – et devra laisser
les clefs à une troupe de théâtre de rue (qu'en aurait pensé la belle
Silvia ?)–, ouvre son théâtre à une troupe indépendante de qualité.
Isabelle Starkier a beaucoup de talent. Elle nous offre ici une mise en scène
précise et efficace, qui ne dérangera que ceux qui ont une approche
plus psychologique du théâtre de Molière.
Jean-Luc Jeener
Monsieur de Pourceaugnac
Théâtre Silvia Monfort – Théâtre de la Ville de Paris
du 26 mai au 21 juin
CULTURES -
Article paru le 26 juillet 2008
FESTIVAL D’AVIGNON Off. Envoyé spécial.
Pourceaugnac de couleur
Isabelle Starkier (Cie Star Théâtre, implantée en région parisienne) a mis en scène
Monsieur de Pourceaugnac, de Molière, de façon originale. À partir de la comédie
farcesque où l’on voit un natif du Limousin, monté à Paris pour épouser Julie, par elle
être roulé dans la farine avec la complicité de son amant de coeur éraste, ainsi que
de Sbrigani et Nérine, valets sans scrupule, Isabelle Starkier a en effet imaginé que
Pourceaugnac peut être un Noir. Du coup, l’espèce de bizutage cruel qu’on lui inflige
devient, à l’échelle de nos jours, proprement raciste. Cela se tient, dans la mesure
justement où Christian Julien, qui joue Pourceaugnac, est un comédien de talent, qui
a de l’allure, tandis qu’autour de lui s’agitent de grimaçantes figures carnavalesques,
le plus souvent masquées, quatre interprètes (Jean-Marie Lecoq, Eva Castro,
Stéphane Miquel et Sarah Sandre) ayant charge de rendre de la sorte une vingtaine
de personnages.
Jean-Pierre Léonardini
Monsieur de Pourceaugnac
La note : 4/5
C'est une attrayante pièce de Molière à la fois modernisée et fidèle au texte
initial, que nous présente la compagnie Star Théâtre. À la fois burlesque et
déjantée, cette tragi-comédie s'anime à un rythme effréné entre
gémissements et éclats de voix. L'histoire paraît pourtant classique : un
homme et une femme s'aiment mais un obstacle se dresse entre eux, la
mère de la jeune femme a arrangé un mariage pour cette dernière, que
vont faire les deux amants ? Nos deux Roméo et Juliette ne sont pas
décidés à finir en héros tragiques pour autant, ils vont devenir férocement
machiavéliques. Et comme dans chaque pièce de Molière, la victime ne
pourra lutter bien longtemps. Monsieur de Pourceaugnac, ce provincial un
peu naïf, va en payer le prix fort. Au fil des machinations que l'on montera
pour le perdre et le salir, on s'attache et, au final, on ne sait s'il faut
véritablement se réjouir de sa déchéance, c'est là, la grande finesse de
cette pièce, tout n'y est pas noir ou blanc. On est épaté par la mise en
scène et par les acteurs que l'on serait tenté de qualifier de "protéiformes"
tant ils changent véritablement de tête comme de chemise. À seulement
quatre sur scène autour de Monsieur de Pourceaugnac, ils réussissent à
incarner à merveille une vingtaine de personnages aussi surprenants les
uns que les autres. Cette pièce présentée comme une dénonciation du
racisme n'en est pas moins empreinte de légèreté.
Un magnifique divertissement.
Audrey Moullintraffort
Avignon Off 2008 – 10 juillet-2 août
N° 169 - Juin 2009
Monsieur de Pourceaugnac
Isabelle Starkier met en scène cette œuvre de maturité de
Molière, sur le fil entre comédie débridée et tragédie cruelle.
Dans cette comédie-ballet écrite en 1669, l'année du triomphe de Tartuffe enfin
autorisé, le rire se déclenche aux dépens de Pourceaugnac, avocat limousin à
l’esprit « épais » venu à Paris épouser Julie, selon les vœux du père de la
demoiselle, Oronte. Cependant, Julie aime Eraste, et les deux amants, afin de
renvoyer le prétendant à Limoges, sont aidés par deux intrigants d’expérience,
Nérine et Sbrigani, aussi fourbes que sans scrupules. Dès le début Molière
croque un portrait sans appel de leur méchanceté. Isabelle Starkier ne s’y trompe
pas en qualifiant Pourceaugnac de « pauvre type », sous le feu d’une intolérance
féroce envers l’étranger, « victime ahuri et impuissante » de la multitude de
stratagèmes mis en place par ses ennemis. Ainsi une redoutable machine
comique s’emballe, propice à la mise en œuvre d’une « théâtralité débridée où
tout n’est que spectacle et faux-semblants ». Sous le rire, et par-delà la charge
burlesque contre les médecins et autres corps de métier, perce la cruauté
tragique du rejet de la différence et de l’altérité. Un comédien noir (Daniel Jean)
interprète Pourceaugnac, entouré de quatre comédiens endossant tous les rôles.
Travestissements, musique originale composée par Amnon Beham, danses et
chœurs grinçants et trépidants, autant d’instruments qui théâtralisent la farce
délirante et sadique, sur le fil entre comédie et tragédie.
Agnès Santi
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Théâtre Silvia Monfort (Paris) - mai 2009
Comédie de Molière, mise en scène de Isabelle Starkier
Avec Eva Castro, Daniel Jean, Pierre Yves Le Louarn (ou Jean-Marie Lecoq),
Stéphane Miquel et Sarah Sandre.
Isabelle Starkier a choisi de monter "Monsieur de
Pourceaugnac", comédie-ballet peu connue de Molière, sur le
mode de la commedia dell'arte en misant sur le grotesque et de la
bouffonnerie qui conviennent bien à cette tragi-comédie débridée
qui entraîne sa victime dans une descente aux enfers
cauchemardesque.
Monsieur de Pourceaugnac, gentilhomme de province mal averti
des mœurs parisiennes, monte à la capitale pour épouser une
jeune fille de bonne famille chèrement monnayée. Hélas, la pécore
a déjà un galant et le couple, aidé d'un un valet doublé d'un voyou
napolitaine et d'une servante entremetteuse, va manigancer maints
stratagèmes et fourberies pour l'en dégoûter et lui faire passer
l'envie de les empêcher de danser en rond. Mais le bonhomme candide et sans malice a
la comprenette difficile et s'acharne à vouloir intégrer une société qui ne se prive pourtant
pas de lui signifier que sa présence n'est pas souhaitée.
Il boira donc la coupe jusqu'à la lie : accusé de folie, purgé et saigné de force par des
médecins charlatans, mis en cause par de vraies fausses épouses et condamné pour
polygamie par des juges sans scrupules, il ne parviendra à s'échapper qu'au prix d'un
travestissement infamant qui le laissera dépouillé de tout, de son identité et de son
amour propre, et délesté de son argent et même de ses vêtements. Toutefois, il ne s'en
sort pas si mal par comparaison à George Dandin.
Pour cette farce terrible sur la différence, à la résonance toujours d'actualité et qui fait
pencher la balance du côté du tragique – d'autant qu'elle est ici expurgée de ses
intermèdes, malgré la satire comique de la gente médicale et judiciaire ainsi que des
élites de la capitale –, Isabelle Starkier signe un travail remarquable et une mise en
scène débridée et étourdissante d’inventions, servie par une distribution adéquate,
capable de soutenir non seulement un rythme endiablé mais également un jeu
convaincant.
Autour de Daniel Jean, emperruqué en costume blanc et chemise à jabot, qui campe
avec naturel le pauvre saisi par cette déferlante de xénophobie et de violence, quatre
comédiens, Eva Castro, Pierre Yves Le Louarn, Stéphane Miquel et Sarah Sandre,
assurent avec talent le jeu masqué, avec des costumes bigarrés et des masques
particulièrement réussis créés par Anne Bothuon, en campant avec maestria plusieurs
rôles tous hauts en couleurs avec changement à vue.
MM
www.froggydelight.com
Le Quotidien du théâtre européen et en Europe, depuis 2003.
Lundi 4 août 2008
Monsieur de Pourceaugnac (Avignon OFF)
Mise en scène d’Isabelle Starkier
MOLIERE A CENT A L’HEURE
Drôle, divertissante et ingénieuse adaptation d’un texte de Molière. Les comédiens
sont, sans exception, excellents, mais la folie qui règne dans cette pièce étourdit
parfois un peu trop.
Monsieur de Pourceaugnac est riche, cultivé mais naïf, bien mis, mais, horreur, il vient
de Limoges. Quand ce noble provincial vient à Paris épouser cette Julie qu’on lui a
promis, Eraste, l’amant, aidé de Sbrigani et Nérine, deux domestiques fourbes,
décide de plumer le pigeon et de le renvoyer à son beau pays sans argent ni
épouse… ni honneur.
Cette pièce de Molière est une comédie, certes, mais d’une telle férocité qu’on ne sait
jamais s’il faut en rire ou en pleurer. Les deux sans doute car le texte nous indique
que les uns sont bêtes et les autres méchants et qu’aucun ne mérite l’absolution ni la
condamnation, du moins sans circonstances atténuantes.
Cette variation tragi-comique sur le thème du provincial qui « monte » à Paris est ici
créée sur un mode résolument moderne par le metteur en scène, Isabelle Starkier.
Le personnage de Monsieur de Pourceaugnac est interprété par un comédien noir,
Christian Julien, très appliqué. Ainsi la crainte du provincial se teinte-t-elle de racisme
aggravé. Il y a aussi ces costumes, qui reprennent les modes contemporaines, ces
gestuelles un peu fourre-tout, qui mêlent la farce au burlesque et le burlesque au
trivial, cette hyperactivité continue et ces bruitages discordants.
Isabelle Starkier réussit en partie son pari de faire du neuf avec du vieux, lors de
morceaux de bravoure comme le monologue du médecin déjanté ou dans sa création
d’une galerie de personnages toujours plus fous. Elle est aidée en cela par le
dynamisme des comédiens, Stéphane Miquel en tête, qui passent d’un personnage
grotesque à un autre aussi naturellement que les caméléons changent d’apparence.
Morgan LE MOULLAC
THÉÂTRE DU BLOG
Monsieur de Pourceaugnac de Molière
mise en scène Isabelle Starkier
Théâtre Silvia Monfort du 26 mai aux 21 juin 2009
Que de misères arrivent au Limousin! Monsieur de Pourceaugnac débarqué à Paris pour y épouser Julie qui lui est
promise. Éraste, amant de Julie, aidé par Sbrigani, voyou napolitain et Nérine, une fieffée servante, va multiplier les
stratagèmes pour défaire le mariage, dégoûter le marié et le faire repartir dans sa province. Monsieur de Pourceaugnac,
dupé sans cesse, ira de catastrophe en catastrophe : sa tenue, ses allures feront la risée de tout le monde ; soigné de
force par deux médecins il est déclaré fou ; tandis qu'on annonce à la mère de Julie que de Pourceaugnac est criblé de
dettes on fait croire à celui-ci que sa fiancé est une coquette, de sorte qu'il reçoit froidement les avances de Julie qui feint
d'être follement amoureuse de lui. Et ce n'est pas fini, le voilà bigame. Arrivent deux femmes qui se prétendent ses
épouses. Monsieur de Pourceaugnac se fait arrêter, puis sur le conseil de Sbrigani il s'évade déguisé en femme. Accusé
d'avoir enlevé Julie il s'enfuit. Éraste ramène Julie à sa mère qui en reconnaissance la lui donne en mariage en
augmentant la dot. Isabelle Starkier condense dans son spectacle, d'une heure vingt, cette farce d'une cruauté peu
commune, avec une absolue fidélité au déroulement de l'intrigue, en transposant les divertissements musicaux de Lulli
dans trois brèves séquences chantées avec une musique originale de Amnon Beham. Seul changement : Oronte, père de
Julie, devient ici Mme Oronte, tout aussi autoritaire, décidée à marier bien sa fille.
Une farce sulfureuse, perverse, où le comique a pour ressort la violence. Pas de bons ici, tous s'acharnent, ourdissent des
complots contre le provincial Monsieur de Pourceaugnac, victime désignée, naïf, d'une crédulité sans bornes, qui ne
comprend même pas ce qui lui arrive. Monsieur de Pourceaugnac, joué par un comédien noir, Daniel Jean, fait certes
figure d'un étranger dans ce petit monde de prédateurs, mais l'idée de voir dans le personnage l'Autre opprimé et d'inscrire
le conflit dans la problématique de l'altérité me semble excessive. Mis à part un bref texte sur l'esclavage dit par de
Pourceaugnac, arrivant dans la pièce comme un cheveu sur la soupe, (il vaudrait mieux le retirer) et quelques allusions à la
différence, dans les séquences du chœur, rien n'étaye particulièrement cette interprétation du conflit dans ce spectacle fort
réussi.
Le parti pris des costumes en revanche, contemporains pour Julie et Éraste, robe stricte évoquant le XIXe siècle pour Mme
Oronte, costume blanc et perruque pour de Pourceaugnac, pantalon rouge à bretelles, veste jaune pour l'Italien Sbrigani, robes
noires pour les médecins, ouvre à des lectures plus contemporaines de la pièce. Isabelle Starkier s'empare avec un remarquable
savoir-faire de cette machine à jouer, actionne avec adresse les faux-semblants, le jeu de masques, de travestissement, les
coups de théâtre étourdissants qui nous tiennent en haleine.
Un décor léger et très efficace de Jean-Pierre Benzekri : trois fauteuils blancs et deux panneaux mobiles, comme des
cadres transparents d'un côté avec parfois un effet de miroir, à travers lesquels les personnages, tels les spectateurs d'un
théâtre, observent l'action et de l'autre côté des panneaux un escalier qui sert pour le jeu. Un dispositif simple qui permet
les apparitions soudaines et module l'espace dans lequel le jeu d'éclairages très soigné focalise les aires du jeu. Cinq
acteurs formidables jouent tous les personnages, mis à part Daniel Jean qui ne fait que de Pourceaugnac, endossant des
personnages « réels » de l'intrigue, et se transformant, comme par un tour de magie, en personnages inventés pour duper
le provincial. Ainsi, Eva Castro, Julie, fait l'apothicaire, l'exempt, Lucette, Pierre Yves Le Louarn, Sbrigani et le Flamand, un
médecin, Stéphane Miquel, Éraste et une paysanne, un médecin, un garde, Sara Sandre, Nérine, Mme Oronte et une
infirmière, un garde. Pour créer instantanément cet effet du théâtre dans le théâtre on recourt aux masques grotesques
pour les personnages des duperies jouées à Monsieur de Pourceaugnac, qu'on enlève aussitôt la scène finie. Le ton de la
farce poussée à l'extrême, donné dès le départ, est tenu avec une belle cohérence à la fois dans la construction des
scènes s'enchaînant sur un rythme endiablé et dans le jeu d'une absolue maîtrise, outré, délirant, avec quelques clins d'œil
à la préciosité parodiée dans la gestuelle. Beau travail sur le registre vocal dans le jeu jubilant dans la truculence du
langage et les injections de divers accents : flamand, espagnol, provençal, passant de l'extrême artifice à la sincérité
profonde, parfois bouleversante. Le rire et la grimace de douleur se côtoient. À mesure que l'apparente mécanique
farcesque s'emballe dans un jeu cruel, destructeur, la farce prend l'allure d'un cauchemar. Un spectacle intelligent,
extrêmement drôle et bouleversant.
À voir absolument.
Irène Sadowska Guillon
théâtrorama
10 juin 2009
Le panorama du spectacle bien vivant
Monsieur de Pourceaugnac
Un Molière des temps modernes
e
Réactualiser Molière au 21 siècle, voilà une bien jolie idée, si le spectacle bien entendu, est bon.
C’est Isabelle Starkier, metteur en scène chevronné, qui relève ce défi et adapte Monsieur de
Pourceaugnac au théâtre Silvia Monfort. Et le spectacle est bon… Ce n’est pas une des pièces les plus
connues de Molière, mais ce qui surprend, d’autant qu’elle fût écrite en 1669, c’est son thème, fort
d’actualité. Rien n’a changé : la cruauté et l’intolérance des hommes envers leur prochain.Il ne fait pas
bon d’être étranger. Noir ou provincial, c’est la même idée, seule l’époque change.
Monsieur de Pourceaugnac, avocat, Limousin, débarque à Paris pour y épouser Julie, sa jolie promise. Il
est beau, parle bien, est un gentilhomme sans histoire. Mais voilà, Julie aime Eraste, et n’a aucune
intention d’épouser par contrainte, ce Monsieur de Pourceaugnac, venu de sa campagne lointaine. C’est
donc un véritable stratagème que vont mener Julie et Eraste, aidés par deux intrigants voyous, Nérine la
servante, et Sbrigani le valet. Fourbes, cruels et sans scrupules, ils vont le mettre à terre, l’humilier, le
ruiner, le rendre fou, pour mieux le faire repartir dans son pays d’origine. Par calèche ou par charter ?
Rien n’a vraiment changé. Nous l’aurons compris, un Molière à la plume bien écrite, ou les histoires des
valets, amants, médecins pervers, et pauvre type protagoniste, se confondent en situations humiliantes et
à la morale des plus dérangeantes.
La peur de l’autre…
Là ou tout le travail d’Isabelle Starkier est à saluer, c’est sa capacité à moderniser l’époque en
dépoussiérant un texte pas toujours compréhensible. Une scénographie fluide et intelligente, ou les
acteurs se déplacent avec magie dans un décor épuré, et où le surplus n’envahit pas l’espace. Son
idée originale et gonflée, est d’avoir transformé le limousin étrange, en un noir étranger. C’est bien donc «
la différence » qui dérange. Elle va même jusqu’à le mettre à nu… pour de vrai, ce Monsieur de
Pourceaugnac !
Il y a de la commedia dell’arte dans ce spectacle. On y chante, on y danse, on s’y amuse comme des
fous, on s’enfouit dans des labyrinthes de lumières bien placées, on se laisse prendre au jeu de la
manipulation. Et on reconnaît aussi la « patte »du metteur en scène. La prestation des acteurs est
remarquable d’adaptabilité et se fondent tour à tour dans des masques (Anne Bothuon en est la créatrice)
mystérieux et dérangeants. Quatre acteurs qui remplissent une scène ou des dizaines de personnages
apparaissent un à un. C’est aussi la magie du théâtre et le talent des artistes. Ne s’apercevoir de rien et
laisser glisser les images devant les yeux médusés des spectateurs. Sarah Sandre est une Madame
Oronte qui joue sur les genoux, (mais comment fait-elle ?) et sa prestation n’en est que plus remarquable.
Ses partenaires sont comme elle : talentueux.
Qui gagne dans cette comédie ? Les imbéciles et les précieux ridicules. Hélas ! Monsieur de
Pourceaugnac abattu par la désopilante variation des hommes, s’en retournera d’une bien étrange façon.
Il est doux de se replonger dans des grands classiques français, ou les frontières d’hier frôlent avec celles
d’aujourd’hui. Un vrai bon moment à passer avec la Compagnie STAR Théâtre et Molière.
Margaux Palluet
Monsieur de Pourceaugnac, de Molière
Cette pièce créée en 1669 n’est pas souvent jouée, car elle est d’un genre
particulier, associant le ballet et la musique à une comédie plus grinçante
que les autres œuvres du grand Molière. Un provincial, issu du Limousin,
vient à Paris épouser Julie une jeune femme de bonne famille, mais toute la
maisonnée se ligue contre ce ruffian qui ne serait pas digne de Julie,
simplement parce qu’un tel homme manque nécessairement de manières.
Serviteurs et maîtres se déguisent en médecins pour faire croire au pauvre
homme qu’il est fou, deux femmes se prétendent ses épouses, un faux
marchand flamand assure qu’il est couvert de dettes : non seulement de
Pourceaugnac trompé n’épousera pas Julie, mais il se retrouve en prison, à la
grande joie de ses bourreaux. Isabelle Starkier a modernisé à sa façon la
pièce : Daniel Jean est un acteur noir, ce qui fait mieux comprendre
l’ostracisme qu’il subit que s’il n’était qu’un provincial, de plus quelques
répliques et les fantaisies d’accent correspondent à son origine raciale, enfin,
avec beaucoup de finesse, il donne à son personnage une grande dignité en
évitant le ridicule. Les quatre autres jouent tous les rôles, avec des masques
très bien réalisés (bravo Anne Bothuon) : ils sont médecins verbeux et
suffisants à souhait ; ils sont avocats et juges avec méthode ; et les deux
femmes (Eva Castro et Sarah Sandre) sont tout à fait remarquables dans
leurs rôles d’épouses bafouées, qui s’expliquent dans un sabir
incompréhensible ; Stéphane Miquel et Pierre-Yves Le Louarn sont aussi
excellents en fiancé plein de tics ou en Italien manipulateur. Isabelle Starkier
a donné beaucoup de rythme à cette comédie-ballet, la laissant dans son jus
original pimenté de quelques clins d’œil modernes. Le décor simple de JeanPierre Benzekri joue sur les portes vitrées, qui sont aussi des miroirs
déformants, la musique d’Amnon Beham ponctue avec vigueur les principaux
épisodes de l’intrigue.
Il faut redécouvrir cet excellent Monsieur de Pourceaugnac.
Jacques Portes
Théâtre Sylvia-Montfort : 26 mai – 21 juin 2009
• Festival d’Avignon le Off 2009
La Fabrik Théâtre
• Festival d’Avignon le Off 2008
Espace Alya
Édition du 12 juillet 2009
Au coeur du off, la course en six étapes d'Isabelle Starkier
Le premier jour au Festival d'Avignon offre toujours son lot de frayeurs. Mais quand,
comme Isabelle Starkier, on a choisi de présenter six spectacles d'un coup dans le off, le
moment devient "un peu vertigineux". Mercredi 8 juillet, la metteuse en scène a donc
couru, ou plutôt pédalé, d'une salle à l'autre. Un exercice qu'elle poursuivra jusqu'au 31
juillet.
Normalienne et universitaire côté pile, comédienne côté face, Isabelle Starkier s'est tout
naturellement retrouvée metteuse en scène, après avoir assisté son "maître", Daniel
Mesguich. Et c'est tout aussi naturellement que, en 1993, elle est venue pour la première
fois à Avignon avec sa compagnie. Depuis, elle fait le voyage vers la Cité des papes
chaque année.
Par goût, bien sûr. "Toute l'année on se sent un peu seul à essayer de convaincre les
autres que le théâtre est important. Ici, tout à coup, on se bagarre ensemble." Plaisir de
fraternité partagée, donc. Mais aussi intense nécessité.
Certes, la compagnie Star Théâtre, qu'elle dirige, ne manque pas de travail en région
parisienne. En mai et juin, elle présentait Monsieur de Pourceaugnac, de Molière, au
Carré Sylvia-Montfort, à Paris.
Cet automne, la pièce ira à Aulnay-sous-Bois, Orly et Fontenay-sous-Bois. Toute l'année,
la directrice et ses comédiens multiplient les interventions dans les quartiers et les écoles
d'Ile-de-France. "Mais il n'y a qu'ici que l'on peut toucher la France entière, poursuit
Isabelle Starkier. Sauf que chaque fois c'est un pari. Je ne joue pas au casino, mais je
joue à Avignon."
Ce n’est pas trop ?
Et, cette année, la mise est lourde. Location des salles et des logements, salaires des dix
comédiens, mais aussi affiches, tracts, transports : pas loin de 50 000 euros ont été
investis. Car, soucieuse d'emmener toute la troupe, Isabelle Starkier présente quatre
productions maison.
Par ordre d'entrée en scène, deux spectacles jeune public, en alternance à 11 h 30, à la
Salle Roquille : Quichotte, d'après Cervantès (création), et Scrooge, d'après Dickens,
déjà joué en 2008 ; puis Le Bal de Kafka, une émouvante comédie de l'Australien
Timothy Daly, à 14 heures, au Théâtre des Halles ; et Monsieur de Pourceaugnac,
donc, cette farce cruelle signée Molière dans la force de l'âge, à La Fabrik, à 16 h 30.
Comme si cela ne suffisait pas, Isabelle Starkier s'est aussi vue passer deux commandes
de comédiens. Elle a donc mis en scène L'Oiseau bleu, de Maeterlinck (La Fabrik, 11
heures), et Résister c'est exister, d'Alain Guyard, d'après des témoignages de résistants
(Collège de la Salle, à 13 heures). Ce n'est pas trop ? Elle sourit. "Sûrement." Mais l'heure
tourne. Son vélo l'attend. Le prochain spectacle commence dans vingt minutes.
Nathaniel Herzberg
fluctuat.net
Art, culture, société, poil à gratter
Rubrique Scènes
le 17.07.09
Avignon Off
Un Pourceaugnac haut en couleur(s)
Isabelle Starkier, reine du Off ? C’est en tout cas la question que se posait
dernièrement N. Herzberg dans un article du Monde (édition du 12 juillet 2009). En
effet, la metteuse en scène a rien moins que six spectacles à l'affiche cette année,
dont deux destinés au jeune public. Parmi les quatre autres, Monsieur de
Pourceaugnac, qui revient à Avignon après un franc succès l'an dernier et une
programmation au long cours au Théâtre Silvia Monfort, à Paris.
Ce Pourceaugnac-là vaut largement le détour... D'abord parce que le texte de
Molière, pas si souvent monté, est d'une acuité et d'une actualité féroces. Ensuite,
parce que pour dénoncer l'intolérance criante et la mesquinerie, elle confie le rôle
de la victime du Limousin, de « l'étranger » à un acteur noir, ici tout de blanc vêtu
et perruqué. Enfin, parce qu'elle mène cette comédie-ballet tambour battant et
que ses cinq acteurs font merveille.
Julie et Eraste, tourtereaux contrariés dans leur amour par la volonté de la mère
qui entend marier sa fille à un môssieu de Limoges, multiplient les stratagèmes pour
bouter l'indésirable hors de chez eux en l'accusant de tous les maux. Ils sont aidés
en cela par un valet napolitain. A grand renfort de costumes et de masques, voilà
les trois odieux tour à tour médecins et infirmiers, avocats et soldats, créancier
belge, épouses tombées du ciel et nourrissons. Là, seul Pourceaugnac avance à
découvert avant de repartir chez lui, nu, menotté dans un bruit de charter ! Rien
de tel que l'humour débridé et les trouvailles originales et cocasses qui jalonnent
cette pièce pour dire la cruauté sans bornes de l'humain.
Monsieur de Pourceaugnac, jusqu'au 31 juillet, Fabrik Théâtre.
festivalier.net
Tadorne le blog des nouvelles articulations créatives...
Dimanche 2 août 2009
L’impossible bilan du Festival Off d’Avignon 2009
Au total, le Tadorne a vu vingt spectacles dans le festival Off d’Avignon,
trente dans le In.
Dans le Off, chercher une œuvre parmi les 1000 proposées demande du
temps pour tisser les liens entre les structures dignes de confiance (Théâtre
des Halles, La Manufacture, le Théâtre des Doms, les Hivernales, la
Fabrik’Théâtre) et les metteurs en scène déjà chroniqués sur le Tadorne ou
ailleurs. Petit bilan impossible.
Quand le Off 2009 jubile avec Isabelle Starkier
La metteuse en scène Isabelle Starkier a illuminé le off avec pas moins de
six créations ! Nous n’avons vu que Le Bal de Kafka et Monsieur de
Pourceaugnac et découvert un théâtre que l’on croyait disparu : des
acteurs engagés, un décor qui joue toujours entre réalité et coulisses pour y
cacher nos démons, l’utilisation du masque pour accentuer la comédietragédie. Isabelle Starkier est une grande: elle comprend qu’en chacun de
nous, il y a une part de lumière qui éclaire son théâtre aux multiples
visages.
Le Palmarès Off 2009 du Tadorne
- Naître à jamais d’Andras Visky – Théâtre des Halles.
- Le bal de Kafka de Timothy Daly, mise en scène d’Isabelle Starkier –
Théâtre des Halles.
- Une voix sous la cendre, d’Alain Timar – Théâtre des Halles.
- Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust de Renaud Cojo – La Manufacture.
- Monsieur de Pourceaugnac, mise en scène d’Isabelle Starkier – La
Fabrik Théâtre.
- Oups + Opus de la Compagnie La Vouivre – Studio des Hivernales.
- Chatroom, mise en scène de Sylvie de Braekeleer – Théâtre des Doms.
- Pas de deux, Rita Cioffi – Théâtre des Hivernales.
- Occident, mise en scène de François Bergoin – La Manufacture.
- Hamelin, mise en scène par Christophe Sermet – Théâtre des Doms.
Festival
Par Marie-Laure Atinault
Le jeudi 24 juillet 2008
Monsieur de Pourceaugnac
Réjouissant !
Monsieur de Pourceaugnac est un gentilhomme limousin qui monte à Paris pour
épouser Julie, la fille de Madame Oronte. Mais la promise aime Eraste et ne veut point
d’un provincial pour époux. Question de standing ! Un complot s’organise contre le
fiancé limousin : Nérine et Sbrigani, deux domestiques habiles en stratagèmes et
Eraste vont tout mettre en oeuvre pour débouter, détrousser, ridiculiser le pauvre
Pourceaugnac.
Monsieur de Pourceaugnac est une comédie-ballet écrite en 1669. Souvent
dédaignée, elle est ici montée allègrement par Isabelle Starkier. Le thème du
provincial lourdaud, démodé qui monte à Paris est un thème récurrent. L’idée de
génie d’Isabelle Starkier est de prendre à contrepied le ridicule du limousin. Ainsi,
Pourceaugnac est un agréable trentenaire, beau garçon (Christian Julien), tout vêtu
de blanc et très "classe". Les parisiens sont habillés de voyante façon. Des couleurs
flashy, des habits grotesques où la vulgarité n’est pas loin. Christian Julien est noir
comme Mr de Pouceaugnac est limousin. Le fait d’être limousin attire quolibets,
dépréciation et un racisme de bas étage. La pièce est une comédie et, comme dans
toutes les comédies, il suffirait d’une réplique tournée différemment pour que l’on
bascule dans la tragédie. Pourceaugnac vit une véritable tragédie, un enfer où il
échappe de peu à la mort. Il échappe aussi au mariage avec une belle peste.
Isabelle Starkier entraîne sa troupe dans une mise en scène virevoltante,
chantante, ébouriffante. Christian Julien, habillé en femme, sait donner à son
personnage une naïveté tourmentée bien réjouissante.
Si vos enfants sont allergiques au classique, ce spectacle est la potion qu’il vous
faut !
Monsieur de Pourceaugnac de Molière - mise en scène de Isabelle
du 10 juillet au 2 août à 16h15 à l’Espace Alya
spectacle tout public dès 10 ans
fluctuat.net
Art, culture, société, poil à gratter
Rubrique Scènes
le 17.07.08
Monsieur de Pourceaugnac a la peau noire
Isabelle Starkier et son Star Théâtre présentent à Avignon l'un des treize Molière
programmés et dont je vous parlais dans mon analyse statistique : Monsieur de
Pourceaugnac. Tout l'intérêt de la proposition réside dans le renversement du
ridicule. La pièce de Molière met en scène un Limousin fraîchement débarqué à
Paris. Les habitants du Limousin étant de nos jours plutôt bien acceptés à Paris,
Isabelle Starkier a décidé de marquer la différence du personnage en lui donnant
pour interprète un comédien noir. Monsieur de Pourceaugnac a la peau noire...
mais un beau costume blanc. De plus, il s'exprime bien, calmement, poliment. Et ce
sont les autres, tous les autres, qui sont ridicules. Les deux amoureux sont d'une
mièvrerie sans fond, le valet est un vieux mafieux italien qui porte d'horribles
costumes bigarrés, la mère est obligée de cacher sa monstruosité derrière une
voilette... Et comme tout ce petit monde va jouer la comédie à l'étranger pour
l'obliger à retourner "dans son pays", et surtout à renoncer à la jeune fille qu'il est
censé venir épouser, ils vont chausser d'extraordinaires masques qui auront pour
effet d'accentuer encore le grotesque de leurs caractères. Les costumes et les
masques sont signés Anne Bothuon, artiste qui avait déjà collaboré avec le STAR
Théâtre lors de précédentes créations, comme Têtes Rondes, Têtes Pointues ou
encore le Bal de Kafka, et dont on avait pu apprécier la superbe exposition de
statues molles à l'occasion des Scènes Ouvertes à l'Insolites en juin dernier au
Théâtre de la Cité Internationale. Un spectacle énergique et visuellement
impressionnant.
Monsieur de Pourceaugnac, de Molière, mise en scène Isabelle Starkier A 16h15 à
l'Espace Alya Avignon Festival Off
theatre
Monsieur de Pourceaugnac
de Molière
Mise en scène : Isabelle Starkier
Sylvie Chalaye
publié le 06/08/2008
Un cochon, c'est de quelle couleur ?
En son temps, Molière mettait scène avec Monsieur de Pourceaugnac les aventures d’un
gentihomme de province débarqué à Paris de son Limousin natal pour épouser une jeune femme de
la cour. Mais le voilà pris dans une pièce qu’on lui joue pour l’empêcher de faire ce mariage, car la
jeune et galante Julie et son soupirant, aidés de Sbrigani et Nérine en ont décidé autrement. Il n’est
pas l’étranger, mais le provincial, le dindon. Un thème que l’on retrouve chez Molière dans Georges
Dandin comme dans le Bourgeois Gentilhomme. La fable a tout d’une trame de commedia dell’arte
et la comédie-ballet, selon l’invention même de Molière qui livra la pièce pour les fêtes de
Chambord en 1669, intègre les moments chorégraphiés et musicaux à l’action dramatique. Aussi la
comédie se déploie en multiple travestissements, ceux de la farce que jouent finalement les jeunes
premiers avec la complicité des valets aux parents et au promis de province, bien peu au fait des
modes de la capitale. Monsieur de Pourceaugnac est la caricature du gentilhomme mal léché au
regard des raffinements de la cour de Louis XIV où sévissent précieux et précieuses qui se moquent
de ce genre de petite noblesse. Le comique de la farce repose sur la connivence avec le public qui rit
des manières décalées du dindon que l’on roule dans la farine et de son côté provincial tout entier
contenu dans la référence au cochon contrastant avec la particule aristocratique et le suffixe du nom
qui évoque le centre de la France. Quant aux farces qu’on lui joue elles se métamorphosent en
ballets cauchemardesques, celui des médecins aux clystères, celui des femmes éconduites, celui des
hommes de loi, celui des soldats gaillards et libidineux…
Le parti–pris de la mise en scène d’Isabelle Starkier qui s’est joué à l’espace Alya durant le Off
d’Avignon, s’appuie sur la fabrication de l’autre. Pourceaugnac est le seul a ne pas porter de
masque et a jouer franc jeu. Elle n’a pas choisi de travailler les effets comiques sur la complicité des
valets avec le public. Pourceaugnac est un personnage digne et séduisant, belle prestance, beau
costume blanc avec jabots, dentelles et perruque XVIIe siècle, toute blanche elle aussi. Il y a du
Chevalier de Saint-Georges dans ce personnage altier, puisque c’est Christian Julien qui le joue et
lui prête toute sa prestance et sa séduction. On ne rit pas de ce Pourceaugnac-là. Les manipulateurs
qui dans les mises en scènes habituelles de la pièce apparaissent comme les héros sympathiques qui
sauvent les jeunes amants des exigences autoritaires des parents ont quelque chose de mafieux et
leur manque de scrupule nous les rend plutôt odieux. La mise en scène dénonce la cruauté de la
manipulation, cruauté d’une société fondée sur des faux-semblants et des artifices. Pourceaugnac se
retrouve vidé de lui-même, accusé de polygamie, mis aux fers et dépouillé de ses biens, et contraint
même de cacher son identité jusqu’à se travestir en femme et à jouer les dames du monde au risque
de se faire violer. Molière ne manque pas d’exploiter toutes les situations comiques et en
radicalisant cette idée du dépouillement Isabelle Starkier va jusqu’à la mise à nu, avec un strip-tease
où Pourceaugnac se retrouve dans le plus simple appareil.
Mais en définitive, même si les nobles de la cour comptant d’eux rient des déboires du pauvre
Provincial, Molière est du côté de Pourceaugnac et au final la pièce qu’on lui a jouée et qui le
renvoie chez lui dépouillé et vidé de lui-même lui a aussi évité d’épouser la bien peu recommandable
Julie. La farce n’est pas une simple pantalonnade, et celui aux dépens de qui l’on a voulu rire est
celui qui reste dans le vrai, victime peut-être mais jamais grotesque. La nudité de Pourceaugnac le
ramène à son humanité. Face au extravagance des costumes de tous les personnages qui gravitent
autour de lui et qui font bien sûr le spectacle, Pourceaugnac est le seul a avoir de la sincérité et une
identité vraie, le seul capable d’estime et de fidèlité, notamment avec Sbrigani qu’il prend pour un
honnête homme jusqu’à la fin. La farce qu’on lui a jouée est celle de la cour qui se perd à force de
superficialité et de mise en scène.
Bien sûr l’aventure de Pourceaugnac est avant tout un divertissement et la comédie ballet
convoque toutes sortes de travestissements et de caricatures régionales : le valet napolitain, le
commerçant flamand, la soubrette espagnole et la paysanne de Saint-Quentin, Isabelle Starkier
rajoute l’apothicaire chinois, et donne aux médecins une allure de vieux sages juifs, espèces de
savants fous au crâne dégarni le cheveux en bataille, les gardes suisses deviennnent des soldats
américains avec casque et plastron d’uniforme!. Le spectacle s’appuie clairement sur l’énergie de la
commedia dell’ arte avec des masques désopilants et des comédiens d’une maestria
incroyable campant tour à tour des figures irrésistibles de drôlerie qui relèvent de l’univers
de la bande dessinée – comme ce napolitain mafieux de Sbrigani que Jean-Marie Lecoq rend
dangereux à souhait, ce pou de Madame Oronte qu’invente Sarah Sandre, ou encore le couple
d’amoureux électriques que jouent Eva Castro et Stéphane Miquel ; et d’ailleurs le choix d’une
simple toile de fond noir et blanc pour décor représentant les rues de Paris sous la forme d’un
dessin au fusain comme dans le ballet d’un Américain à Paris, le film de Minnelli, laisse se
détacher les figures hautes en couleur dont les contours grotesques n’en sont que mieux dessinés.
C’est ainsi que Pourceaugnac, joué par un acteur noir, n’apparaît pas comme un étranger dans son
allure, il est même plutôt le seul à être dans le ton de Molière. En revanche, sa couleur semble
justement être la maladie que lui découvre les médecins , cette mélancolie dont il faudra le purger
prend un sens tout à fait étonnant. Le cauchemar du lavement et tout le vocabulaire qui
l’accompagne avec ses connotations péjoratives qui s’attachent au noir construisent une parodie
drôle et décapante.
Mais, la comédie finit tragiquement dans la mise en scène d’Isabelle Starkier, avec les menottes
que l’on passe aux mains de Pourceaugnac et le son d’un charter qui décolle, et c’est dans ces
moments-là que l’apparaître de Christian Julien convoque autre chose. Mais la lecture de la pièce
n’est pas pour autant inscrite dans une actualisation ou une transplantation des rapports de force
dans le Paris des sans-papiers, ce sont plutôt des allusions mesguichiennes au contemporain comme
si le théâtre se faisait miroir brisé du réel et au lieu d’en donner le reflet il ne fait que faire surgir les
bégaiements de l’histoire, impressions subreptice qui peuvent pourtant réveiller nos consciences,
comme si une porosité entre les époques sous-tendait les choix esthétiques.
Le théâtre d’Isabelle Starkier ouvre les failles du temps pour que suinte sur le plateau le magma
des violences qui ne cessent d’habiter notre monde.
Sylvie Chalaye
Avignon Off 2008 / Espace Alya
Monsieur de Pourceaugnac de Molière
Mise en scène : Isabelle Starkier

Documents pareils