Embareck_Jim Morrison_Rolling Stones_28 août 2016 (Itw)

Transcription

Embareck_Jim Morrison_Rolling Stones_28 août 2016 (Itw)
Q&R
Pourquoi écrire sur Gene Vincent
et Jim Morrison ?
Cela remonte à très loin. Quand je
travaillais à Best, j’étais le préposé à
Gene Vincent. Mon premier article
publié, c’était l’interview de son ancien
manager, Michel Thonney. Et j’adore les
Doors : à mes yeux, il s’agit d’un énorme
groupe de blues. Un jour, au début des
années 80, j’ai rencontré dans un bistrot
un homme qui se présentait comme un
ancien barman du Rock’n’Roll Circus.
Il m’avait raconté avoir vu Morrison et
Vincent boire ensemble. J’ai aussitôt
rangé cette anecdote dans un coin de
ma tête, pour une idée de roman… qui
a dormi jusqu’à il y a quelques mois.
Pourquoi avoir créé le personnage
du Rôdeur de minuit, dont les
interventions ponctuent le livre ?
Il me permet d’éviter d’être trop
didactique. Ce vieux DJ a connu toute
la sphère rock des années 60 et 70 car il
travaillait dans une station de radio
dans le sud des États-Unis. Il est là pour
contextualiser, en racontant, par
exemple, comment l’affaire Manson a
fermé le cercueil du Summer of Love.
Vous êtes donc spécialiste de Gene
Vincent depuis vos débuts à Best,
mais pourquoi avoir choisi par
ailleurs Jim Morrison ?
20 | R ol l i n g S t o n e |
rollingstone.fr
Qu’est-ce qui réunit ces deux
personnalités ?
Ils n’ont que huit ans d’écart – Vincent est né en 1935 et Morrison, en
1943. Et les deux sont prisonniers de
leur mythe. Quand ils se rencontrent,
Morrison a déjà annoncé à son groupe
qu’il voulait partir, aspirant à être poète,
écrivain, réalisateur. Il en a assez du
cirque du rock, des émeutes, d’être le
Roi Lézard… Quant à Vincent, on continue à lui demander de faire le voyou
avec son cuir noir, d’assurer “Be-Bop-aLula” alors que c’est avant tout un formidable chanteur de ballades.
En tout cas, vous les présentez tous
les deux comme des têtes à claques !
Il faut dire qu’ils sont tous les deux
menteurs comme des arracheurs de
dents ! Gene Vincent a déclaré avoir fait
la guerre de Corée alors qu’il était à
Naples, et Jim Morrison adorait répéter
qu’il était orphelin, ce qui est faux.
Auraient-il pu échapper à leur mort
tragique, selon vous ?
Vu ce qu’ils s’envoyaient en alcool et
en dope, sans oublier leur désespoir et
leur mal-être, leur fin était inévitable.
Gene Vincent buvait jusqu’à sept bouteilles de Martini par jour !
Dès la couverture, il est précisé
qu’il s’agit d’un roman. Vous tenez
à cette dénomination ?
Oui ! Les personnages me sont chers,
mais Jim Morrison et le Diable boiteux
reste un roman. On sait que le chanteur
des Doors vouait un culte à Gene Vincent, qu’ils se sont rencontrés en septembre 1969, au festival de Toronto, que
Morrison a aidé financièrement Vincent
pour l’enregistrement de son dernier
album, qu’ils se sont croisés à Paris vers
mai 1971. Ce sont les seules choses dont
on soit sûr. Le reste est de l’ordre du
romanesque. Je m’en réfère à l’épigraphe
du livre, “Entre la vérité et le mensonge,
une zone libre appelée roman”, que j’ai
attribuée à Victor Boudreaux… qui est
l’un des personnages de mes polars !
Pour moi, il était à la poésie ce que
David Hamilton était à la photographie. Il était loin d’être aussi brillant
qu’on le disait, mais c’était un formidable chanteur de blues, un performer
hors pair. Il y avait une vraie alchimie
au sein des Doors.
Vous exposez d’ailleurs une
hypothèse étonnante au sujet
de la mort de Morrison…
Michel
Embareck
Dans Jim Morrison et le Diable boiteux
(L’Archipel), l’écrivain et critique
musical revient sur la rencontre
de deux étoiles filantes du rock :
Jim Morrison, donc, et Gene Vincent.
Par Sophie Rosemont
Ayant été journaliste de fait divers
pendant de longues années, j’avoue voir
le mal partout. D’où cette hypothèse
que personne n’a envisagée, basée sur le
PV de l’audition de Pamela. J’ai constaté
qu’elle ne dit pas la vérité, en l’occurrence que c’est son compagnon, qu’elle
appelle “James Douglas Morrison” pour
brouiller les pistes. Elle raconte la vaisselle qu’elle a faite avant sa mort… Morrison n’aurait-il pas plutôt été assassiné
par overdose via son amant, Jean
de Breteuil ? Ma théorie, pour ce genre
de mort suspecte, c’est qu’il faut suivre
l’argent. Et là, tout l’héritage serait allé
à Pamela, jusqu’ici seule légataire du
testament de Morrison, qui comptait
revenir aux États-Unis, et sans doute
changer ses dernières volontés.
Si vous rencontriez Morrison
et Vincent aujourd’hui, que leur
diriez-vous ?
Que je suis content qu’ils soient
vivants ! Je demanderais à Morrison
comment s’est déroulée, précisément, sa
mort. Et on parlerait tous les trois de
blues, de ballades, du monde actuel. Et
on rigolerait de toutes les conneries qu’ils
ont pu raconter aux journalistes ! S e p t e m b r e 2 016
© DR
A
près avoir été journaliste au cultissime magazine
Best, de 1974 à 1983, Michel
Embareck écrit aussi bien
pour Rolling Stone que pour Libération.
Depuis, il s’est également illustré dans le
genre policier. En témoignent de nombreux récits tels Cloaca maxima,
La mort fait mal, Avis d’obsèques ou
Personne ne court plus vite qu’une balle.
Le revoici avec un autre genre de roman
qui ressuscite ses premières amours
pour explorer les relations entre deux
personnalités légendaires du rock’n’roll.
Il nous explique cette nouvelle aventure
littéraire et musicale, qui ne se veut surtout pas biographique.