MISE EN ŒUVRE DE SERVICES FONCIERS

Transcription

MISE EN ŒUVRE DE SERVICES FONCIERS
MISE EN ŒUVRE DE
SERVICES FONCIERS
COMMUNAUX DANS LA
PROVINCE DE GITEGA
Vers l’amélioration de la
gestion foncière
décentralisée.
Publié en français
Bujumbura, Burundi
Paris, France
2011
Publié par
Association pour la Paix et les Droits de l’Homme (APDH)
Siège social : NGOZI, Quartier KIRWATI, n° 31, Tél. +257 22 30 28 10
Bureau de liaison : Bujumbura, Rohero 2, Avenue BWERU, n° 18, Tél. +257 22 27 46 80
email : [email protected]
site web : www.apdh.bi
Avec le soutien des associations partenaires de géomètres experts français
France International Expertise Foncière (FIEF)
40 avenue Hoche 75008 PARIS
www.formesdufoncier.org
Géomètres Sans Frontières (GSF)
40 avenue Hoche 75008 PARIS
www.geometres-sans-frontières.org
La présente publication a été réalisée avec l'aide financière de l'Union Européenne. Le
contenu de ce document relève de la seule responsabilité de l'Association pour la Paix et
les Droits de l'Homme, APDH en sigle. Il ne peut en aucun cas être considéré comme
reflétant la position de l'Union Européenne.
Auteurs
Jean Marie HABWINTAHE
Camille MUNEZERO
René Claude NIYONKURU
Claire GALPIN
Photographies de couverture
Première de couverture – Remise des premiers certificats dans la Commune d’ITABA, Province de
GITEGA © Alexis NKURUNZIZA, Programme GUTWARA NEZA
Quatrième de couverture – Vallée et cultures © Claire Galpin
Imprimeur Point Com Services - Dakar (Sénégal)
Sommaire
PRESENTATION DU PROJET
Le service foncier communal : laboratoire de la réponse citoyenne à la certification
foncière
5
Le service foncier communal : principes et mise en œuvre
6
LES LEÇONS TIREES DE L’EXPERIENCE
10
Pertinence de l’intervention quant à la sécurité de la tenure foncière
10
Avantages, limites et défis des services fonciers communaux
12
Discordance des modalités de gestion de la question des actes de notoriété
15
Besoin d’appropriation et amélioration des fonctions du service foncier communal
16
L’instauration d’un système de renforcement des capacités des agents fonciers
communaux
19
CONCLUSIONS
22
3
Récipiendaires de certificats fonciers
4
Présentation du projet
LE SERVICE FONCIER
COMMUNAL :
LABORATOIRE DE LA
REPONSE CITOYENNE
A LA CERTIFICATION
FONCIERE.
Contexte
Traditionnellement, la terre était une ressource
collective, inaliénable, qui se transmettait de
génération
en
génération
par
voie
successorale. C’était un bien hors commerce.
Aujourd’hui la réalité est tout autre. La vitalité
démographique au Burundi est un handicap
pour le foncier et les ressources naturelles car
elle conduit à l’atomisation de la surface
agricole, à la surexploitation des ressources
naturelles et à la prolifération des conflits
fonciers.
Il est reconnu que depuis longtemps plus de
80% de la population burundaise vit quasi
exclusivement de la terre.
Face à la raréfaction des ressources, la terre
est devenue progressivement un bien
marchand
et la succession, longtemps
considérée comme principal mode d’accès à la
terre, tend à céder le pas aux ventes de
terres. Cet état de fait s’accompagne de son
lot de spéculations, abus et tromperies
débouchant sur des conflits fonciers multiples
et variés, souvent violents et toujours
générateurs de blessures difficiles à guérir. Ils
représentent les trois quart des conflits portés
devant les tribunaux de première instance.
Ils concernent les problèmes de définition et de
matérialisation des limites, les conflits liés à la
succession, ceux ayant trait à la remise en
cause des transactions foncières faute de
preuves suffisantes, conflits portant sur les
terres détournées ou spoliées des réfugiés et
des personnes déplacées, etc. Comme partout
dans le monde le coût d’une affaire judiciaire
est très élevé en termes de temps et de
moyens, souvent ruinant pour les parties ou
excluant les plus pauvres. La corruption
observée dans les tribunaux vient aggraver la
situation.
5
Insécurité foncière, souhait de
document écrit et de services
de proximité
Plusieurs études de terrain ont démontré que
les citoyens ont un souci persistant d’avoir un
document écrit attestant leurs droits fonciers.
En 2004 et 2005, des études expérimentales
menées dans le cadre d’un Programme de
Recherche Interuniversitaire Grands Lacs ont
été conduites dans trois provinces (Karuzi,
Rutana, Makamba) pour tester une nouvelle
méthodologie assise sur des enquêtes
parcellaires participatives pour comprendre et
prévenir les conflits fonciers.
Trois conclusions majeures sont sorties de
1
cette étude : insécurité foncière généralisée
en milieu rural, demande persistante de
sécurité juridique sur les droits fonciers à
travers un document écrit et souhait des
populations de disposer d’un service de
proximité.
En 2007, le Programme d’Appui à la Bonne
Gouvernance « GUTWARA NEZA » a initié le
projet d’appui à la mise en place et au
fonctionnement
des
services
fonciers
communaux pilotes
dans les communes
d’Itaba (Gitega) et Bugenyuzi (Karuzi). En
2008, la coopération suisse a commencé
l’appui à la gestion foncière des communes de
Ruhororo et Marangara de la province de
Ngozi.
La décentralisation de la gestion foncière a
pour objectif de répondre à la demande
massive
de la population rurale en
sécurisation foncière, dans de brefs délais et à
des coûts ajustés au contexte économique des
bénéficiaires.
La formalisation des droits fonciers non écrits
et la sauvegarde et la régularisation des droits
fonciers écrits sont au cœur de la gestion
foncière décentralisée.
L’obtention de certificats fonciers par les
usagers fonciers, doit permettre de disposer de
preuves écrites des droits fonciers qui
1
Transition foncière dans l’Afrique des Grands LacsRésultats d’enquêtes participatives – Ministère de
l’environnement, de l’aménagement du territoire et des
travaux publics (2007).
correspondent à un niveau de sécurisation
intermédiaire.
Bénéficiaires du projet


Toutes les personnes ou familles,
détentrices de droits sur une terre, non
enregistrée au service des titres fonciers,
non conflictuelle, située sur le territoire de
la commune et désirant obtenir un certificat
foncier
moyennant une contribution
financière à la portée de la bourse de la
population rurale burundaise.
Les habitants, les élus et les personnels
technico-administratifs et communautaires
locales des communes d’intervention de
l’action détenant ou exploitant des terres
seront les principaux bénéficiaires des
effets de ce projet. Le renforcement des
capacités des acteurs locaux de la gestion
foncière doit se faire à travers les
formations et l’appui conseil.
LE SERVICE FONCIER
COMMUNAL :
PRINCIPES ET MISE EN
OEUVRE
Principes
Les services fonciers sont communaux donc
plus proches du citoyen. Cela permet
d’impliquer le citoyen lui-même, ses proches,
ses voisins et la communauté collinaire lors
des opérations de reconnaissance. La
reconnaissance des droits fonciers sur la
colline est publique et contradictoire : la
délivrance du certificat est subordonnée à
l’existence d’un consensus total sur la colline
quant aux droits détenus sur la parcelle ;
La procédure est accessible financièrement
aux populations rurales, Son coût est donc
raisonnable et en rapport avec la valeur de la
terre dans le monde rural. Les frais sont votés
par le Conseil communautaire et en
adéquation avec la réalité économique de la
commune. ;
La procédure est simple et facile à comprendre
même par des populations peu instruites et
souvent non alphabétisées. Elle est largement
diffusée en langue locale et par le biais
d’images.
La subvention de l’Union
européenne pour l’extension
des expériences pilotes a été
mise
en
œuvre
par
l’Association pour la Paix et
les Droits de l’Homme (APDH)
dans la province Gitega.
Processus de mise en œuvre
Le
processus
d’implantation
et
de
fonctionnement du service foncier communal
est divisé en trois phases : préalable,
constitution et fonctionnement.
6
Le diagnostic socio-foncier
Phase préalable à la constitution du
service foncier communal
Elle concerne l’information des acteurs
locaux (citoyen et administration communales
et provinciale), l’inventaire des situations
foncières à travers un diagnostic socio
foncier parcellaire et participatif sur des
collines dont les résultats sont partagés avec
les membres du conseil communal, les
administratifs et les leaders communautaires.
Le
conseil
communal
délibère
l’opportunité ou non de mise en place
service foncier communal sur base,
résultats du diagnostic socio foncier et
attentes de la population.
sur
d’un
des
des
L’enquête sur terrain
Des séances d’explication de la problématique
à l’origine de l’étude et des finalités de cette
dernière sont organisées préalablement avec
les autorités communales et zonales, chefs
administratifs au premier degré au niveau de la
commune, les chefs de collines, et les
membres
du
Comité
Communal
de
Développement Communautaire, le conseil
collinaire,
les Bashingantahe (notables
traditionnellement investis) et la population de
chaque colline objet du diagnostic.


La démarche parcellaire,
participative et fonctionnelle
Parcellaire – Repose sur le principe de
l’observation directe et continue de chacune
des parcelles du site d’enquête. L’enquêteur
visualise la configuration physique de chaque
parcelle par rapport aux avoisinantes. Une
fiche parcellaire contenant de nombreuses
informations relatives à la parcelle ainsi qu’un
plan parcellaire de l’ensemble du site sont
élaborés.
Fonctionnel - Eclaire sur l’utilisation des
parcelles : Habitation, agriculture et son type,
commerce, infrastructures sociales, etc.
Participatif - Présence des acteurs locaux
et usagers fonciers pour remplir un double
objectif de représentation et d’adhésion. La
présence des acteurs locaux représentant la
population, la société civile, les acteurs
fonciers aussi bien publics que privés, est
indispensable pour obtenir la collaboration
active des acteurs exerçant un droit réel sur
les terres étudiées. Par ailleurs, la présence
des titulaires de droits réels est requise
individuellement (informations foncières) et
collectivement (validation des informations
collectées).
7

Organisation d’une séance d’explication, la
veille, avec les habitants pour rappeler et,
faire la lumière sur les objectifs poursuivis.
Elaboration d’un croquis parcellaire pour
compléter la cartographie foncière du site
d’enquête et mesurage sommaire de
chaque parcelle. D’autres éléments font
l’objet d’une observation directe par les
enquêteurs. Il s’agit des bornes utilisées
(végétales ou autres matérialisation), les
éléments de la mise en valeur actuelle. Ils
sont représentés sur un plan parcellaire de
la zone d’enquête.
En présence des autorités administratives
(le conseil collinaire) et des autorités
communautaires, enquête des détenteurs
de droits fonciers sur les parcelles, de leurs
voisins et de toute personne intéressée.
Remplissage du formulaire d’enquête et
recueil des justificatifs. Validation des
informations collectées.
Les Focus group
Le nombre de participants aux échanges varie
entre 10 et 15 personnes. L’objectif est de
connaitre des situations non identifiées sur le
site d’enquête au niveau collinaire.
Les entretiens
Les entretiens sont organisés avec les chefs de
zone et l’administrateur communal pour
validation des informations recueillies.
Les échanges avec les présidents des
tribunaux de Résidence permettent d’avoir une
vision sur le volume et le contenu des affaires
foncières.
La phase de constitution du service
foncier communal
Lorsque le conseil communal est d’accord sur
l’opportunité ou non de mise en place d’un
service foncier communal, différentes étapes
doivent être franchies.

Formalisation du contrat d’objectifs et
des modalités de gestion du service
foncier communal : partage des
responsabilités entre la commune et
l’organisation d’appui, fixation du prix du
certificat
foncier,
détermination
des
catégories de provenance des commissions
collinaires de reconnaissance, élaboration
des termes de référence des agents
fonciers, fixation du salaire des agents
fonciers et détermination des catégories de
provenance
des
membres
des
commissions collinaires de reconnaissance,
désignation
des membres du jury de
recrutement des agents fonciers, etc.





Recrutement et formation des agents
fonciers.
Avis
de
recrutement
et
présélection d’un contingent de candidats
au poste d’agent foncier, formation
préalable au test et recrutement de 2
agents fonciers par commune
Nomination des membres et mise en
place des commissions collinaires de
reconnaissance.
Ces
commissions
constatent
et valident, de manière
publique, les droits revendiqués par les
demandeurs de certificats fonciers.
Renforcement des capacités des agents
fonciers et des membres des commissions
collinaires de reconnaissance: formation et
information continues.
8

Construction des bureaux du service
foncier communal.
Equipement en matériel informatique, et
bureautique
des
services
fonciers
communaux
Campagnes
d’information
et
de
sensibilisation. Lors de toutes les
occasions de rencontre, les populations
sont sensibilisées à l’importance et au
fonctionnement des services fonciers
communaux.
La phase de fonctionnement du
service foncier communal

Mise en œuvre des procédures de
certification foncière.
Réception de la demande de
formalisation. Publicité de la demande
par affichage au service foncier.
Déplacement de la commission de
reconnaissance collinaire sur la colline,
et en présence de tous ceux qui
souhaitent faire reconnaître leurs
droits sur la parcelle, la famille, les
voisins, les notables, les responsables
administratifs et les élus.
C’est après cette reconnaissance
publique et contradictoire et seulement
s’il y a consensus sur le statut de la
parcelle que le certificat est établi puis
remis au demandeur.


Mise en œuvre des procédures de
mutation des certificats fonciers
Le certificat foncier est la carte
d’identité de la parcelle certifiée. La
situation foncière doit être tenue à jour
de tous les changements, notamment
les mutations et transactions.
Appui conseil - Appui technique et
financier, renforcement des capacités,
de manière continue,
des agents
fonciers, élus communaux et membres
des commissions collinaires de
reconnaissance.
9
Les leçons tirées de l’expérience
Les leçons apprises et les enseignements tirés
de la mise en œuvre du projet constituent des
éléments importants de capitalisation ; elles
supposent
une
approche
basée
sur
l’expérience des diverses parties prenantes du
projet ; elles permettent de capitaliser les
expériences vécues par tous les acteurs, aussi
bien l’équipe opérationnelle, les communes
que les communautés bénéficiaires.
Nous revenons dans un premier temps sur les
constats majeurs du diagnostic socio foncier
concernant la sécurité de la tenure foncière en
milieu rural, avant de partager les leçons tirées
de cette expérience, notamment des mesures
à prendre pour améliorer le fonctionnement
des services fonciers communaux et leur
permettre de remplir correctement et
efficacement leurs missions.
PERTINENCE DE
L’INTERVENTION QUANT
A LA SECURITE DE LA
TENURE FONCIERE
L’insécurité foncière en milieu
rural reste généralisée
Du diagnostic socio foncier mené dans les
communes d’intervention du projet, il ressort
que les modes d’acquisition des terres sont
principalement l’achat et la dévolution
successorale. Le constat majeur est que les
terres, indépendamment de leur mode
d’acquisition, demeurent dans une grande
insécurité juridique.
En effet, les droits portant sur les terres
acquises majoritairement par dévolution
successorale ne sont sanctionnés que par la
preuve testimoniale. Or, cette dernière pose
plusieurs problèmes.
En premier lieu, les conventions sont souvent
remises en cause suite au décès des témoins
et des gens âgés de la famille, aux faux
témoignages, à la corruption des témoins, aux
déplacements des populations et à l’évolution
sociale du monde rural qui, aujourd’hui,
attache une importance croissante à l’écrit
notamment en cas de conflit foncier.
La preuve testimoniale constitue le moyen de
preuve juridiquement le moins probant, ce qui
rend difficile la résolution des conflits portant
10
sur les terres acquises par dévolution
successorale du fait de l’absence de preuve
écrite.
D’après les résultats des études menées dans
le domaine, les terres dépourvues de preuve
écrite se trouvent plus exposées aux situations
de conflictualité que d’autres. Cependant nous
avons constaté que curieusement, les
demandes introduites pour la certification des
droits fonciers concernent principalement les
terres acquises par achat. Les terres acquises
par dévolution successorale représentent
moins de 10% des demandes. Une étude
approfondie mérite d’être menée pour
dégager les raisons à la base de ces
statistiques.
En deuxième lieu, force est de constater que la
population fournit des efforts considérables
pour sécuriser les terres acquises par achat.
En effet, les populations ont le souci de
sécuriser les terres achetées à travers les
actes sous seing privé communément appelés
« petit papier » et la plupart se contentent de
ce dernier
sans questionner
sa valeur
juridique. Ce moyen de preuve, bien qu’écrit,
a juridiquement une faible force probante car il
n’a de valeur qu’entre les parties au contrat et
n’est guère opposable à des tiers.
De plus, la majorité des acheteurs naguère
nantis de « petits papiers » en sont aujourd’hui
dépourvus suite aux différentes crises qui ont
frappé le pays et ayant occasionné
des
mouvements des populations ou au mode
précaire de leur conservation.
Par ailleurs, ce document sommairement
rédigé
omet
souvent
des
mentions
essentielles. Cela le rend ainsi moins efficace
et réduit du même coup sa force probante.
Les mentions qui font défaut sont notamment
une signature des parties à l’acte ou des
témoins un
croquis de la parcelle, des
précisions sur sa localisation spatiale, etc.
Cette situation ouvre la voie aux contestations
des transactions foncières.
Par ailleurs, rares sont les usagers fonciers qui
passent à l’authentification des achats de
terres par l’obtention d’un acte de notoriété
2
délivrés par les administrateurs communaux .
Encore que, force est de constater qu’à travers
sa signature, l’administrateur communal se
limite à reconnaître l’existence d’un contrat de
vente d’une terre. Faute de vérification
préalable et approfondie sur le terrain, cette
authentification ne peut répondre efficacement
à la question relative à l’existence et à
l’étendue des droits réellement détenus sur la
terre objet de transaction. Par conséquent,
l’acte de notoriété prouve la transaction
foncière, mais pas les droits portant sur la
parcelle objet d’authentification.
Titre foncier … titre de propriété.
Indépendamment du mode d’acquisition de la
terre, l’usager foncier peut obtenir un certificat
d’enregistrement,
communément
appelé
« Titre de propriété », auprès des bureaux de
la conservation des Titres Fonciers. C’est
sans aucun doute l’écrit le plus authentique,
avec la plus grande force probante et partant
le plus difficilement contestable sur le plan de
la légalité.
Mais là aussi, nous avons constaté que la
présence d’un bureau de la Conservation des
Titres fonciers à Gitega n’a pas arrangé la
situation. Comme déjà mentionné, dans les
trois communes d’intervention du projet, la
commune la plus nantie en propriétés
enregistrées n’en compte que cinq alors que
les autres n’enregistrent qu’un seul certificat
d’enregistrement depuis la date de la création
de la circonscription foncière de Gitega en
1992.
La difficulté d’accessibilité due à une trop faible
déconcentration des bureaux de Conservation
3
des Titres Fonciers , le manque d’information
sur le fonctionnement de ce service, les
longues et complexes procédures à suivre,
2
D’après les résultats des diagnostics socio fonciers, seuls
environ 10% des terres acquises par achat sont sanctionnés
par les actes de notoriété.
3
Le pays compte uniquement 3 bureaux régionaux de la
Conservation des Titres fonciers à savoir BUJUMBURA,
GITEGA et NGOZI qui doivent servir dix sept provinces du
pays.
11
4
ainsi que les moyens financiers exorbitants
que
requiert
l’obtention
du
certificat
d’enregistrement constituent sans doute les
principales barrières à une existence
perceptible de ce mode de sécurisation dans la
zone d’intervention du projet. Tel est par
ailleurs le cas en milieu rural en général.
Cette insécurité foncière généralisée en milieu
rural a pour conséquences la dégradation du
5
climat social et l’insécurité dans le pays ,
l’encombrement des tribunaux, le blocage du
développement local ainsi que la violation des
droits de la personne humaine particulièrement
ceux des catégories vulnérables, etc.
Ce projet et toutes les autres interventions
dans ce sens, en cours ou à venir, gardent
donc toute leur pertinence tant que cette
situation n’aura pas évolué de manière
significative.
La certification des droits
fonciers : réponse à un besoin
réel de la population
Loin de défendre un cadre conceptuel d’un
projet pilote à portée limitée, nous pouvons
affirmer que la certification des droits fonciers
répond à un besoin réel de la population de la
zone du projet, et partant du monde rural au
Burundi.
L’intérêt de la population pour la certification
des droits fonciers, a d’abord été perçu au
moment de la sensibilisation sur le projet, et
ensuite en préalable ou lors de l’introduction
des demandes de certification foncière.
D’après les propos recueillis auprès des
4
En général, pour une parcelle rurale d’une valeur de
200.000 BIF, il faut payer la même somme d’argent pour
épuiser toutes les formalités d’enregistrement.
5
Comme le précise la déclaration du gouvernement du
Burundi en date du 6 février 2008 (des cas d’assassinats
ayant pour cause les conflits fonciers sont monnaie
responsables administratifs habitués à ce type
de réunions, la population a massivement
répondu et assisté aux séances de
sensibilisation sur la sécurisation foncière,
démontrant son incroyable intérêt pour la
question.
La participation de la communauté dans les
séances de sensibilisation a toujours été
massive, même dans des endroits et à des
périodes de l’année où la population était
fortement occupée par les travaux champêtres.
Ce qui laisse penser que la participation peut
même être encore plus importante si les
séances de sensibilisation sont programmées
pendant la saison sèche où les activités
agricoles sont très réduites.
Cette mobilisation communautaire pour le
projet se comprend aisément car chacun sait
combien la population est attachée à la terre,
seule source de survie ; elle est prête à tout, y
compris la violence, pour avoir accès à la
terre.
Le processus de certification des droits
fonciers des requérants de certificats fonciers
implique directement les communautés
bénéficiaires. C’est une approche très
appréciée par les communautés.
La population affirme avoir pris conscience,
grâce aux séances de sensibilisation, de
l’acuité de la problématique foncière dans la
localité.
L’accessibilité financière au certificat foncier,
alternative aux voies de recours existantes
pour gérer les conflits foncier séduit les
populations les plus démunies. Cependant
pour soutenir l’intérêt de la population pour la
certification des droits fonciers, les services
fonciers communaux doivent ouvrir rapidement
après les opérations d’information et de
sensibilisation : les populations attendent
impatiemment et désespérément ce service.
Pour conserver le capital-confiance investi
dans ces opérations, il est important d’informer
la population de tout changement intervenant
dans le calendrier de mise en œuvre.
Une forte demande des certificats fonciers est
observée au sein des différents services
fonciers actifs. Ces derniers se retrouvent
débordés et se voient parfois dans l’obligation
de geler les demandes. Il faut donc poursuivre
les réflexions pour accroître les capacités des
services fonciers à répondre au flux de
demandes de certificats.
12
Avantages, limites et
défis des services
fonciers communaux
Le service foncier communal présente des
avantages incontestables pour les bénéficiaires, les entités administratives à la base et
même tout le pays même s’il fait encore face à
certaines limites.
Prise en compte de l’intérêt et du
rôle du citoyen
Un bon fonctionnement des services fonciers
communaux permet de sauvegarder du temps,
des ressources financières et de maximiser la
participation citoyenne.



La proximité
géographique est
garantie vu que ces services sont
localisés dans les communes et sont
donc plus proches du citoyen.
La procédure d’obtention du certificat
est simplifiée car toutes les opérations
y relatives se font dans la
circonscription communale et à des
coûts financiers ajustés au contexte
socio-économique des burundais du
monde rural.
Le citoyen est beaucoup plus impliqué
car la constatation des droits à travers
la reconnaissance collinaire se fait sur
la colline en présence des membres
des commissions collinaires de
reconnaissance, du requérant du
certificat foncier, des propriétaires des
parcelles avoisinantes, d’éventuels
opposants. La validation des droits est
transparente, publique et contradictoire. Ceci est un bon gage de la
légitimité du processus.
Contribution à la paix sociale et au
développement local
Les services fonciers communaux touchent
positivement différents aspects importants de
la vie de la communauté au point de vue
social, juridique et économique.
Sur le plan juridique et social
Les services fonciers communaux visent la
réduction des conflits fonciers, source de la
détérioration de la cohésion sociale et de la
sécurité physique des citoyens.
Toutefois, durant la sensibilisation
de la
population
sur
l’importance
et
le
fonctionnement
des
services
fonciers
communaux, un nombre non négligeable de
questions relatives aux conflits fonciers déjà
éclatés/ ouverts ont été
soulevées. Ceci
témoigne de la nécessité d’appuyer
également les populations en matière de
résolution
des
conflits
fonciers,
parallèlement au processus de sécurisation
foncière.
Le certificat foncier constitue en fait une
réponse partielle aux préoccupations foncières
de la population. En effet il ne contribue qu’à la
prévention des conflits sur les terres non
conflictuelles et à faciliter la gestion et la
résolution des conflits fonciers qui pourraient
éclater dans le futur.
La formalisation des droits fonciers et des
transactions
foncières
contribue
à
la
prévention des conflits fonciers. Cependant, la
formalisation ne saurait constituer à elle seule
une solution suffisante aux conflits fonciers.
Certains enseignements tirés de ce projet
confirment des recommandations faites dans
l’étude sous régionale menée par le Comité
Catholique
contre
la
Faim
et
pour
Développement (CCFD), le Forum des Amis
de la Terre (FAT) et Agency for Cooperation
and Research in Development
Burundi
(ACORD). Il est recommandé de coupler le
projet de prévention des conflits fonciers avec
l’appui dans le processus de recherche des
solutions
aux conflits fonciers ouverts à
travers le service d’aide juridique pour que
tous y trouvent leur compte.
Par ailleurs, au Burundi, faute d’une loi
régissant la succession, cette dernière est
régie par la coutume. Cela défavorise la
femme, particulièrement, par rapport à l’accès
à la terre.
13
Le certificat foncier délivré par le service
foncier communal permet la consolidation de la
pleine propriété détenue dans certaines
situations par les femmes et permet de
prévenir les conflits qui pourraient survenir
relativement à leurs terres.
Sur le plan économique
Le certificat foncier pourra être un catalyseur
du développement pour les populations dans
le sens qu’il peut être mis en garantie
(hypothéqué) auprès des institutions de micro
finance et permettre ainsi aux détenteurs
des parcelles enregistrées en milieu rural
d’accéder à de petits crédits pour de petits
projets d’investissement. Dans le projet de
code foncier, il est prévu que la propriété
foncière constatée par un certificat foncier
délivré au niveau de la commune, permet à
son détenteur d’exercer tous les actes
juridiques portant sur des droits réels et leurs
démembrements reconnus par les lois en
vigueur, dont la constitution d’hypothèque.
Certaines organisations qui œuvrent en faveur
du développement du monde rural
sont
opposées à l’hypothèque des biens fonciers
ruraux car elle constitue, selon elles, un risque
majeur de perdre définitivement le bien
hypothéqué.
Pour d’autres, l’hypothèque est une alternative
pour les paysans pauvres devant faire face à
un besoin urgent de liquidités et qui n’avaient
jusqu’à présent que deux possibilités (1)
vendre la parcelle ou (2) la donner en gage en
se privant du même coup de la possibilité de
l’exploiter avec le risque de ne pouvoir la
récupérer. Avec l’hypothèque, le paysan reste
propriétaire de sa terre, continue à l’exploiter
et peut donc rembourser le prêt consenti.
Comme chacun sait, le crédit présente des
avantages et des inconvénients. Si la
disposition du projet de code foncier est
gardée comme telle dans sa version finale, il
faut éclairer la population sur les avantages
et les inconvénients du crédit pour qu’elle y
fasse recours à bon escient et sans risque de
surendettement.
Cette tâche incombe aux différents acteurs à
savoir la société civile, le gouvernement, ses
partenaires techniques et financiers, etc.
Il faut également songer à la valorisation des
terres dont les droits sont certifiés pour établir
une bonne symétrie entre la certification et
l'exploitation des terres pour faire face
notamment à l’insécurité alimentaire.
Défis des services fonciers
communaux
connaissances en informatique et surtout une
maitrise dudit logiciel.
Au niveau opérationnel, certains constats
constitueront des défis de taille et méritent
donc une attention particulière. Ils sont de
plusieurs ordres.
L’expertise locale est rare. La compétence à
acquérir par les agents fonciers pour maitriser
ce logiciel demande beaucoup de temps. Tout
ceci concourt à une trop faible production et
engorge les services fonciers communaux.
Par ailleurs acquérir application, matériel et
formation pour disposer de ces moyens n’est
pas dans le budget de toutes les communes
rurales, sans parler d’assurer la maintenance,
garantir la formation continue des agents
fonciers, et les mises à jour de l’application.
Il ne faut également pas perdre de vue que
toutes les communes ne sont pas raccordées
aux réseaux de distribution de l’électricité.
Faible demande de certification des
droits sur les terres acquises par
dévolution successorale
Aujourd’hui, les usagers fonciers ne font
pratiquement pas la demande de certificats
fonciers prouvant leurs droits sur les terres
acquises par dévolution successorale. Or, les
terres acquises par dévolution successorale et
donc, dépourvues de preuves écrites, sont
statistiquement plus conflictuelles. Ce qui
apparait paradoxal, c’est la réticence à la
certification
des droits fonciers sur cette
catégorie de terres pourtant très conflictuelles.
Grande
disparité
entre
demandes introduites sur
collines
les
les
Nous avons constaté de grandes disparités
géographiques quant au nombre de demandes
de certificats fonciers. Si sur certaines collines
plus d’une centaine de demandes de certificats
fonciers ont été enregistrées, sur d’autres
aucune demande n’a été introduite.
La population de cette commune a pourtant
bénéficié
des
mêmes
séances
de
sensibilisation et d’information.
Nous n’avons pas identifié de raisons
expliquant ce constat. Des études méritent
d’être menées pour identifier, cerner et mieux
maitriser les enjeux autour de la sécurisation
foncière afin de
trouver des réponses
adéquates à ces préoccupations.
Les premières expériences pilotes ont
largement contribué à la réflexion sur ce dont
doivent disposer les agents fonciers pour
mener rapidement, leur mission à bien. Pour
obtenir une localisation relative (à 10 mètres
près) et une représentation de la parcelle, le kit
de mesurage s’est enrichi d’un GPS de
navigation et d’une boussole.
Ceci permet, à l’agent foncier de mesurer les
distances au mètre ruban, les angles à l’aide
de la boussole et les coordonnées
géographiques (latitude et longitude) avec le
GPS. Le croquis de la parcelle est fait à la
main en utilisant le carnet de terrain, les règles
à échelle, les lattes et les rapporteurs.
Capacité limitée des services
fonciers à traiter les demandes
Sans mettre en cause la qualité du travail des
agents fonciers et face au nombre croissant de
demandes, des réflexions doivent
être
menées pour améliorer le rendement de
l’activité du service foncier communal.
Dans les deux premiers services fonciers
communaux d’Itaba et Bugenyuzi, si le
mesurage était fait au décamètre (chaine), la
cartographie des parcelles, était réalisée
d’après croquis à l’aide d’un logiciel de dessin
assisté par ordinateur (DAO). L’utilisation
d’une telle application requiert de bonnes
14
Des stratégies complémentaires ont aidé pour
accélérer le processus de certification. Il s’agit
des canevas de rapportage qui précisent jour
pour jour le travail des agents fonciers
communaux, les descentes sur terrain pour la
supervision du travail des agents fonciers et
des commissions de reconnaissance collinaire,
etc.
Grâce à toutes ces améliorations la cadence
s’est largement accélérée par rapport aux
premières expériences.
Cependant, malgré l’instauration de ce
nouveau système de levé parcellaire, de
cartographie simplifiée et l’instauration de ces
nouvelles stratégies, le service foncier
communal doté de deux agents fonciers
communaux est loin d’être suffisamment outillé
pour répondre aux besoins en certification des
droits sur tout son territoire.
En effet les demandes sont individuelles, et
devraient être traitées dans l’ordre de dépôt.
La réflexion menée sur les procédures va
conduire certains partenaires techniques et
financiers qui appuient les communes à
expérimenter la reconnaissance des droits de
manière
systématique
sur
une
zone
déterminée L’objectif est de valider des droits
individuels de manière collective en vue de
passer à cette sécurisation collective qui ne
s’arrête, pour les uns, qu’à la reconnaissance
publique de leurs droits à travers un procès
verbal de reconnaissance et qui va jusqu’à la
délivrance du certificat foncier pour les autres
en fonction des demandes exprimées.
Le Programme Post Conflit du Développement Rural (PPCDR), un programme
financé par l’Union européenne, va aider le
gouvernement en vue de l’acquisition
d’orthophotoplans, cartographie image, très
utile dans les domaines de développement et
pour le foncier en particulier. Sur base de cette
cartographie, des plans fonciers communaux
pourront être progressivement établis et feront
mention notamment des différents statuts de
terres : aires protégées, terres domaniales,
propriétés privées, terres litigieuses, propriétés
enregistrées ou certifiées..
15
L’acquisition et la mise à disposition de ces
images va accélérer de manière considérable
le travail de reconnaissance qui permettra la
reconnaissance et la délimitation des parcelles
sur la carte. Avec ces techniques, certifier les
droits sur toutes les terres d’une commune en
une décennie pourrait ne pas être une utopie.
Discordance des
modalités de gestion de
la question des actes de
notoriété
En cas de transaction foncière, une taxe de
10% était payée et continue même à être
exigée par certaines communes malgré la
revue à la baisse de la taxe à 3%.
Aujourd’hui, si certaines communes ont
maintenu l’acte de notoriété en plus des
certificats fonciers, d’autres l’ont supprimé pour
toute personne qui passe à la certification des
droits fonciers grâce au service foncier
communal. Les frais relatifs à l’authentification
sont inclus dans les frais de certification.
Deux préoccupations majeures peuvent être
soulevées :
1.
Pour les communes qui exigent les
deux opérations en l’occurrence
l’authentification
des
transactions
foncières et la certification des droits
fonciers, pourquoi maintenir les deux ?
Dans les faits, nous nous sommes
rendus compte
que, malgré
l’obligation
de
passer
à
l’authentification
des
transactions
foncières en plus du choix ou non de
la certification des droits fonciers, les
usagers fonciers ne font que la
certification des droits fonciers,
l’authentification
des
transactions
foncières n’est plus utilisée dans ces
communes. Ici on peut se poser la
question de savoir pourquoi maintenir
deux documents dont les avantages
de l’un sont inclus dans l’autre ?
Pourquoi maintenir un document
dont les gens ne voient plus
l’utilité ?
2.
Le corollaire de la précédente question
est de savoir si les communes ont la
compétence
de
supprimer
l’authentification
des
transactions
foncières?
Faut-il
entamer
un
plaidoyer à l’endroit des autorités
compétentes pour rendre facultatif
la demande de l’authentification des
transactions foncières dans les
communes pourvues de services
fonciers communaux.
Il apparait à la lumière des expériences
menées qu’il faut maintenant évaluer les
services fonciers communaux existants. Ceci
permettra de capitaliser l’expérience acquise,
de gérer les défis et tirer les leçons qui
s’imposent. Auparavant, il faudra réguler les
projets qui appuient la mise en place et le
fonctionnement de nouveaux services fonciers
communaux et, à l’issue de cette étude, toutes
les bonnes initiatives et procédures pourront
servir d’exemple aux autres projets de
sécurisation foncière dans le cadre de
l’extension des services fonciers communaux.
Besoin d’appropriation et
amélioration des
fonctions du service
foncier communal
La série d’idées présentées dans les points qui
suivent essaie de revenir sur les aspects qui
devraient être améliorés pour
un fonctionnement des services fonciers et une
meilleure sécurisation foncière en milieu rural.
Il s’agit aussi bien des aspects en rapport avec
l’élaboration et la mise en œuvre d’une
politique et d’une législation foncières
adéquates ainsi que de ceux relatifs au
fonctionnement pratique des services fonciers
communaux
au quotidien. Nous pensons
notamment au dispositif légal et institutionnel,
à l’appropriation des services
fonciers
communaux par les acteurs publics ainsi qu’à
la mobilisation des moyens requis pour un
fonctionnement efficace de ces services et
l’aboutissement de tout le processus de
réforme foncière au Burundi.
16
A l’endroit des partenaires
d’appui aux communes dans la
mise en place des services
fonciers communaux
La simplification
socio foncier
du
diagnostic
Le diagnostic socio foncier est mené suivant
une enquête qui procède d’une approche
terrain, en vue à la fois d’éclairer les décideurs
communaux sur l’état des lieux de la sécurité
juridique et sociale du foncier, et de leur
permettre d’anticiper sur la plus-value
qu’apporterait un service foncier communal en
la matière.
Comme pratiqué dans le cadre des projets, le
diagnostic socio foncier demande énormément
de temps et de moyens financiers. Ceci
conduit à réfléchir sur la nécessité de
simplifier le travail y relatif. Ce diagnostic
simplifié
pourrait se faire lors d’ateliers
d’échange conduits de manière participative
auprès des acteurs locaux de gestion et
résolution des conflits (tribunal de résidence,
administration communale, chef de zone, élus
collinaires, autorités communautaires locales,
associations, etc.),
Parallèlement et pour mieux comprendre
l’importance du service foncier communal, les
membres du conseil communal pourraient
également organiser un voyage d’études, pour
autant que les moyens le permettent, auprès
d’un service foncier communal fonctionnel le
plus proche pour visualiser l’activité du service
foncier communal, s’informer sur les moyens
requis pour mettre en place un tel service et
constater ses avantages.
Par ailleurs, toutes les enquêtes socio
foncières menées dans onze communes
reparties dans 4 provinces du pays (Ngozi,
Gitega, Karuzi et Ruyigi), ont abouti à la
même conclusion : l’insécurité foncière est
généralisée.
Le diagnostic socio foncier tel que pratiqué
jusqu’à présent coûte cher en termes de temps
et de moyens matériels et financiers. Il aboutit
systématiquement, surtout en milieu rural, à la
mise en place d’un service foncier communal.
Il vaut donc mieux que le conseil communal en
zone rurale vérifie les conditions de faisabilité
de la sécurisation, le coût et la pérennité du
service.
La nécessité d’un appui prolongé
aux services fonciers communaux
La phase préalable et de constitution du
6
service foncier communal
prend beaucoup
de temps avant de pouvoir entamer la phase
fonctionnelle
L’expérience a montré qu’un projet de courte
durée (inférieure à trois ans) peut arriver à
terme sans avoir pu aider les communes
bénéficiaires à maitriser et optimiser les
aspects techniques de l’activité du service
foncier communal et sans parvenir à la
pérennisation financière de ce dernier. Dans
de
telles
conditions,
le
risque
de
dysfonctionnement
du
service
foncier
communal sans appui technique et financier
complémentaire est grand.
En effet, les frais de
fonctionnement du
service foncier communal sont assurés par la
collecte des frais de certification et des droits
de mutation.
Il ne faut pas oublier que les agents fonciers
communaux sont payés par la commune,
avant la prise en charge effective des salaires
par l’Etat.
Le temps de l’accompagnement des services
fonciers communaux est primordial à la
réussite de l’opération. Ces services à bas
coûts et de proximité sont un espoir pour les
populations et un défi pour les communes et la
réforme foncière. Le budget et le cycle du
projet doivent épouser ces attentes.
Le contrôle régulier et rapproché de
l’activité des services fonciers
communaux
en
phase
de
croissance.
Comme détaillé précédemment, le processus
de certification des droits fonciers est simplifié
mais comporte des étapes clés , de la
réception des demandes à l’établissement des
certificats fonciers. Le travail du bureau et de
terrain demande éthique, déontologie et
connaissances techniques liées notamment au
levé parcellaire, à la médiation, aux techniques
de communication, etc.
Du fait de la multiplicité de compétences à
développer, le travail n’est pas facile.
Il faut donc mettre en œuvre un appui conseil
et un suivi rapproché de l’activité des services
fonciers communaux par toutes les parties
prenantes (l’autorité de tutelle, les projets
d’appui, l’administration communale,…) Ceci
constitue un gage pour le bon fonctionnement
des services fonciers communaux.
Il faut également se rendre de temps en temps
auprès des autorités administratives et
communautaires de base pour constater le
degré de connaissance et d’appropriation de
l’initiative et partant de leur implication dans le
processus car ces autorités (souvent élues)
peuvent changer régulièrement.
Dans les phases pilotes (comme celle qui se
termine avec le projet d’extension), il faut
procéder à des évaluations à mi parcours pour
ajuster les orientations du projet sans laisser
de côté l’organisation des réunions périodiques
de coordination des activités à l’endroit des
autorités communales, des agents fonciers,
des
commissions
collinaires
de
reconnaissance, etc.
Ce contrôle ne saurait être efficace et répondre
au souci d’appropriation (ressenti comme un
impératif)
que
s’il
s’accompagne
de
l’harmonisation des interventions et du partage
d’expériences.
L’échange d’expériences
A tous les niveaux (national, international,
société civile, gouvernement, organismes
d’appui ou partenaires techniques financiers
du Burundi), l’échange d’expériences est une
clé de la réussite des projets de
développement. En matière foncière, dans les
pays de la sous région et particulièrement au
Rwanda, une profonde réforme foncière se
trouve à un stade avancé et pourrait inspirer
nos actions et notre engagement en matière
de législation foncière appropriée et surtout de
sa mise en œuvre. En effet, le gouvernement
rwandais a pris un engagement ferme et a
affecté des moyens financiers pour mener à
bon port cette réforme. Il a vu les bailleurs lui
emboiter le pas et
il est prévu que
l’enregistrement des terres au niveau national
soit terminé d’ici la fin de l’an 2013. Le
gouvernement du Burundi peut s’inspirer du
Rwanda
en
matière
d’enregistrement
systématique des terres, enregistrement
facilité par l’utilisation de cartographie image et
du traitement de l’information géographique.
6
Rappel : Information et sensibilisation des autorités et de
la population, implantation physique et institutionnelle du
service foncier communal, renforcement des capacités des
agents fonciers et des commissions collinaires de
reconnaissance, etc.
17
Il faut constater que les efforts d’harmonisation
des procédures entre les différents services
fonciers communaux ne sont pas fructueux. Le
partage et la capitalisation des acquis ne sont
pas régulièrement effectués.
sensibilisation des honorables députés et
sénateurs sur l’avant projet dudit texte.
Rappelons que le but de la capitalisation est
avant tout le souci de mieux orienter les
actions pour le futur ; elle ne doit pas être
conduite dans le seul souci de prouver soit
l’échec soit la réussite des actions comme
c’est le cas pour la plupart des projets. La
capitalisation suppose aussi critiques et
remises en cause des actions pour tirer des
enseignements enrichissants sur les raisons
de l’échec ou de la réussite.
En parallèle et dans la même logique d’appui
au Gouvernement, des expériences pilotes de
gestion foncière décentralisée ont été initiées
par les partenaires techniques et financiers du
Burundi en vue de prévenir les conflits fonciers
à travers la mise en place des services
fonciers communaux, et partant, d’alimenter
les réflexions en cours sur la réforme foncière
sur base des expériences de terrain.
La concertation entre différents intervenants
en matière foncière avant toute nouvelle
initiative est plus que bénéfique car les
communautés bénéficiaires échangent leurs
expériences et peuvent permettre de mettre en
œuvre des actions harmonisées.
A l’endroit des acteurs publics
centraux et décentralisés
La réussite de la décentralisation foncière
passe sans condition par une appropriation
des services fonciers communaux à tous les
niveaux. Une implication des acteurs étatiques
est une condition sine qua none pour un bon
fonctionnement et la pérennisation des
services fonciers communaux.
L’Etat, leader incontournable dans
la mise en œuvre de la politique et
de la législation foncières
Le leadership de l’Etat dans la mise en
application effective de la politique et
législation foncières en général.
Le gouvernement du Burundi a lancé un
communiqué de presse en date du 6 février
2008 qui établit le lien entre conflits fonciers et
insécurité physique des citoyens.
C’est ainsi que les partenaires techniques et
financiers de l’Etat burundais ont appuyé le
gouvernement à mettre en place un comité
interministériel chargé de rédiger la lettre de
politique foncière et d’organiser la rédaction du
code foncier révisé.
Ceux-ci
n’ont ménagé aucun effort pour
appuyer le processus de rédaction du code
foncier en organisant des ateliers de réflexions
et d’enrichissement de l’avant projet de code
foncier, en supportant les coûts de prestation
des consultants tant nationaux qu’internationaux, en faisant le plaidoyer et le
lobbying pour
son adoption. Les mêmes
partenaires ont organisé des ateliers de
18
Un besoin de coordination des interventions en
matière de réforme et de mise en œuvre de la
lettre de politique foncière s’est fait sentir et
une unité de coordination du programme
national foncier a été mise en place.
Les résultats de ce cheminement sont
encourageants. Plusieurs services fonciers
communaux sont opérationnels dans diverses
provinces du pays et le processus de la
réforme foncière suit son cours normal.
Comme l’on doit s’y attendre, une multitude de
textes d’application doivent être mis en place
pour permettre l’achèvement de la réforme
foncière au niveau réglementaire. Il est
indispensable que l’Etat insère régulièrement,
dans son budget annuel, une ligne budgétaire
relative à la mise en œuvre de la politique et
législation foncières.
En outre, la mise en œuvre de la réforme va
nécessiter énormément de moyens techniques
et financiers que le gouvernement à lui seul
ne peut pas mobiliser et que les bailleurs ne
pourront pas efficacement libérer sans
document clair qui évalue les coûts de mise
en œuvre de la politique et législation
7
foncières .
Les partenaires sont suffisamment impliqués et
peuvent appuyer largement mais il appartient
au gouvernement de prendre le leadership et
de manifester l’intérêt de voir ses partenaires
techniques et financiers l’appuyer dans le
processus de la réforme foncière.
7
Fonds pour la mise en place et le fonctionnement des
différentes commissions chargées d’élucider certaines
questions, particulièrement la commission foncière
nationale dont la mission est prépondérante ; moyens pour
l’enregistrement de toutes les terres domaniales , d’autant
plus qu’aucune cession ou concession ne portera sur une
terre domaniale non enregistrée ; moyens pour mettre en
place les services fonciers dans toutes les communes du
pays, les services des titres fonciers dans toutes les
provinces, etc.
Dans le cas contraire, la mise en œuvre de
certains aspects de la législation foncière
restent lettre morte et les efforts et moyens
consentis n’auront pas abouti au changement
souhaité.
L’implication de l’Etat dans la mise en place
et le fonctionnement des services fonciers
communaux
A côté de sa responsabilité majeure de leader
dans la réforme foncière, l’Etat doit aussi jouer
un rôle prépondérant dans le fonctionnement
effectif des services fonciers communaux en
place et à venir.
Cette
implication
de
l’Etat
devra
nécessairement couvrir aussi bien la
mobilisation des moyens financiers que le
suivi, la coordination, le renforcement des
capacités.etc.
L’appui financier
Le projet de code foncier dont le processus
d’adoption est en cours, consacre le principe
de
prise
en
charge
financière
du
fonctionnement
des
services
fonciers
communaux. En effet, il est prévu à travers le
code foncier en révision, la prise en charge par
l’Etat du
salaire des agents fonciers
communaux. La raison principale de cette
disposition est que, la mise en place des
services fonciers communaux a largement été
effectuée grâce à l’aide de financements
extérieurs à travers des projets limités dans le
temps. Il s’avère donc indispensable de leur
permettre de continuer après la clôture des
projets d’appui.
Or, la plupart des communes ne sont pas
dotées de suffisamment de moyens financiers
pour prendre en charge un personnel
additionnel, la logistique y afférente (moyens
de déplacements, carburant, bureautique,
mobilier, matériel de bureau, etc.) et les frais
perçus ne permettent pas d’assurer la
pérennité financière du service.
Compte tenu des activités remplies par les
agents
fonciers
(déplacement
et
reconnaissance collinaire) et des compétences
multiples qu’ils doivent déployer, il peut
sembler juste de leur verser un salaire
motivant. Cependant une inconnue subsiste :
la mise en application de cette disposition va-telle être possible au regard des contraintes
budgétaires et des salaires déjà précaires pour
les autres agents de la fonction publique ?
Une attention particulière doit être réservée à
cette interrogation.
19
La désignation, la mise en place
et
l’organisation d’une autorité de tutelle
Jusqu’aujourd’hui, les services fonciers
communaux n’ont pas d’autorité de tutelle ni
au niveau provincial ni au niveau national ; ce
qui handicape leur contrôle par les pouvoirs
publics. Il est donc indispensable de mettre en
place un mécanisme de contrôle institutionnel
et technique
des services fonciers
communaux.
Ce mécanisme pourrait également servir de
cadre d’échange et de sauvegarde des
informations foncières en partage avec les
différents services concernés.
L’instauration d’un
système de renforcement
des capacités des agents
fonciers communaux.
Le travail des agents fonciers demande
beaucoup d’efforts physiques, d’éthique et de
déontologie professionnelle, raisons pour
lesquelles le poste est aussi exigeant.
Le projet a tenté d’éviter les désagréments
causés par l’indisponibilité d’un agent foncier
en augmentant considérablement le nombre
de candidats présélectionnés et en dispensant
à tous les candidats une formation préalable
au test de recrutement.
Ceci permet de disposer d’agents fonciers
réservistes, sur lesquels la commune peut se
rabattre, le moment venu, pour remplacer l’un
ou l’autre agent foncier devenu indisponible.
Cela conduit à s’interroger sur une pépinière
de remplaçants. Recourir à des candidats
réservistes est une solution en demi-teinte
puisque les candidats réservistes ne peuvent
attendre indéfiniment leur tour.
De nombreux problèmes de gestion et de
supervision des services fonciers communaux
par les communes vont émerger après la
clôture des activités des projets d’appui :
subvenir au remplacement des agents fonciers
qui peuvent partir d’un moment à l’autre;
procéder au recrutement d’autres dans la
transparence et pourvoir au renforcement des
capacités requises, etc.
Il faut également planifier le maintien et le
renouvellement des compétences communales
et collinaires (agents fonciers, équipes
communales, membres des commissions
collinaires de reconnaissance) en matière de
gestion foncière sur le long terme.
Avec les changements, suite aux élections,
démission et limogeage, des autorités
communales impliquées dans le montage et le
fonctionnement du service foncier communal,
le niveau de compréhension et partant
d’implication et de suivi peut se trouver très
dilué avec des retombées très négatives sur le
fonctionnement du service foncier communal.
Ceci plaide en la faveur de l’instauration d’un
système global de renforcement des capacités
de suivi et de recyclage continu.
La mise en place d’un système
de collaboration entre les
services fonciers communaux
et les services de l’Etat en
charge de la question foncière
Le service du cadastre national et le service
des titres fonciers semblent hésiter à
collaborer avec les services fonciers communaux. Doit-on voir dans cet état de fait la
crainte d’une éventuelle concurrence au lieu
de miser sur la complémentarité des deux
niveaux, des deux services ?
Pour rappel, les services des titres fonciers
sont
sollicités
principalement
par
les
propriétaires de parcelles en milieu urbain.
Cependant,
les
procédures
longues,
complexes et très couteuses constituent les
principales barrières à l’obtention depuis plus
d’un demi-siècle, du certificat d’enregistrement
par les petits paysans.
Les services fonciers communaux n’ont pas
compétence sur les terres déjà enregistrées
par les services des titres fonciers. C’est plutôt
le certificat foncier qui a vocation à être
transformé
à
terme
en
certificat
d’enregistrement.
Aujourd’hui ce sont donc ces paysans qui
constituent le gros du groupe –cible des
services fonciers communaux, avec tous les
avantages suffisamment évoqués plus haut.
Certaines interventions dans différents ateliers
de
réflexion
dénotent
une
certaine
incompréhension entre les fonctionnaires des
services des titres fonciers et du cadastre et
les personnes en charge de la mise en place
des
services
fonciers
communaux,
incompréhension, qui n’a jamais été levée
depuis 2008.
20
Il appartient à l’Etat de clarifier le caractère
complémentaire du travail des services
étatiques en charge de la gestion foncière et
des services fonciers communaux et de créer
les
conditions
nécessaires
pour
la
collaboration et l’échange d’information entre
ces
services
afin
d’éviter
tout
chevauchements.
Ceci devra transparaître plus tard notamment
dans la mise en œuvre de la transformation,
prévue par le projet de code foncier, du
certificat foncier en certificat d’enregistrement.
Rôle central de la commune
dans la mise en place et le
fonctionnement du service
foncier communal
A travers la loi communale de 2005, telle que
révisée en 2010, la commune a la prérogative
de créer un service public pour répondre aux
besoins précis de sa population. C’est le
conseil communal qui est habilité à créer, à
organiser et à gérer les nouveaux services
publics dont le service foncier communal.
Nous avons eu à constater que la commune
considère l’agent foncier plus comme l’agent
de l’organisation d’appui que comme un agent
communal, et ce malgré les réunions
d’information et de sensibilisation, la signature
du contrat d’objectifs où les responsabilités
respectives de l’organisation d’appui et de la
commune sont
précisément définies. La
création et l’insertion du service foncier dans la
structure administrative de la commune est
perçue beaucoup plus par rapport au partage
de ressources matérielles qu’à l’entière
responsabilité de l’administration communale à
gérer le service foncier communal.
Ainsi, si l’administration communale utilise
facilement les moyens matériels du service
foncier communal (ordinateur, imprimante,
moto, etc.) elle contribue peu ou pas aux
activités de contrôle qualité du service foncier
communal.
On observe une certaine confusion délibérée
de l’administration communale par rapport au
répondant au premier chef du travail des
agents fonciers entre la commune et les
organisations d’appui.
L’implication de l’administration communale
devrait trouver sa pleine expression lors de la
mise en œuvre et du suivi des activités du
service foncier communal. L’expérience
montre que c’est l’organisation d’appui qui
initie et soutient les travaux alors que
l’appropriation devrait conduire à la prise en
main par l’administration communale.
Ceci tient peut être aux critères de choix des
communes à appuyer pour la mise en place et
le fonctionnement des services fonciers
communaux. Le choix est souvent dicté par la
présence du partenaire dans la zone d’action
plus que par l’intérêt manifesté par les
communes bénéficiaires du service foncier
communal. Les
conséquences sont un
engagement dilué et une appropriation moins
marquée par l’administration communale.
Des valeurs d’intégrité et de morale doivent
caractériser les membres des commissions
collinaires de reconnaissance. Ceci permet de
continuer à garantir la transparence et la
liberté d’action à ces acteurs collinaires pour
favoriser et maintenir cette appropriation
communautaire,
ainsi
que
le
degré
d’engagement citoyen observé au cours du
projet.
Le service foncier communal
Pour relever ce défi d’appropriation, il faudrait
alors, à travers les manifestations d’intérêt,
que les communes expriment le besoin du
service foncier communal et précisent la
contribution de la commune pour le suivi de
l’activité du service foncier communal, ainsi
que sa contribution technique et financière.
En effet, dès la mise en place des services
fonciers communaux, il faut à tout prix limiter
l’effet-projet. Plus la commune prend des
engagements qui émanent d’elle-même au
moment de la manifestation d’intérêt, plus
grands seront
son engagement et son
appropriation. Une forte implication de
l’administration accroît la crédibilité du projet et
facilite ainsi la mobilisation des communautés
bénéficiaires.
Implication
collinaires
des
acteurs
Du fait du caractère transparent, public et
contradictoire
des
opérations
de
reconnaissance,
les
membres
des
commissions collinaires de reconnaissance, le
requérant de certificat foncier, les propriétaires
des parcellaires avoisinantes et les éventuels
opposants sont indispensables pour la
validation des droits revendiqués par le
requérant de certificat foncier.
21
Reconnaissance collinaire – Opérations de délimitation
Remise solennelle des premiers certificats fonciers
Conclusion
En partageant cette expérience de mise en
œuvre du projet d’appui à la décentralisation
foncière, l’APDH a conscience de la portée
limitée au regard des défis qui se posent en
matière foncière au Burundi.
La sécurisation de la tenure foncière est certes
un défi parmi les plus importants, mais il n’est
pas le seul pour le pays. Il serait donc illusoire,
de se limiter à élever le niveau de sécurisation
des terres sans questionner les autres
aspects, qui non seulement compromettent
cette sécurité mais aussi la rendent inutile
même lorsqu’elle est supposée acquise à
travers l’obtention d’un titre juridiquement
valable.
Si nous revenons sur des aspects déjà
évoqués, c’est pour souligner davantage leur
caractère essentiel dans l’aboutissement de la
réforme foncière et en particulier la
sécurisation foncière, et l’’amélioration du
cadre légal et institutionnel actuellement en
cours.
Quelques unes des idées développées ont
déjà été relevées dans un document de
stratégie d’intervention en matière foncière
élaboré dans le cadre d’une étude conjointe
menée par le Gouvernement du Burundi et
8
l’UNOPS .
La volonté politique est la
clé de la réussite de la
réforme foncière.
Toute réforme d’ampleur sociale, et à fortiori
toute réforme foncière, est une question
politique et de politique, au propre comme au
figuré (au sens anglo-saxon de politics mais
aussi de policies). Si les expériences pilotes de
sécurisation foncière en cours ont surtout été
portées par des projets de coopération,
essentiellement sur le plan technique et
financier, il est grand temps de lancer une
nouvelle invitation au Gouvernement pour qu’il
8
PNUD- UNOPS- CNTB : Etude sur la problématique
foncière et les solutions alternatives face aux défis de la
réintégration et réinsertion des sinistrés au Burundi, étude
réalisée par PEM-Consult, Octobre 2007
22
mesure l’importance de cette politique en
déployant toute la volonté politique nécessaire
et tout ce qu’elle implique au niveau des coûtsavantages sur le plan politique, d’abord, et
financier ensuite.
Un dispositif institutionnel est déjà en place
avec les services fonciers communaux ; une
réforme du cadre légal évolue mais tout n’est
pas encore gagné tant qu’il manque encore
des politiques foncières qui soient nationales,
claires, réalistes et cohérentes, Sans
perception claire des enjeux politiques de la
problématique foncière, sans vision cohérente
des
perspectives
foncières,
sans
un
engagement politique sans faille au niveau du
Gouvernement,
l’avenir du processus de
gestion
foncière
décentralisée
et
de
sécurisation des terres ne pourra pas avancer
efficacement.
Si toutes les discussions et les initiatives
passées et en cours ont toujours mis la terre
au centre des efforts de réconciliation
nationale, l’Etat doit impérativement tracer des
orientations politiques capables de concilier
l’objectif de la « paix sociale » et du
« développement ». Le Burundi ne doit pas
seulement avoir une terre parce qu’il est
burundais (fonction sociale identitaire), mais il
faut aussi que la terre burundaise arrive à
contribuer au mieux-être des personnes, des
familles et de la société (fonction économique
et de production). Tout cela relève de la
politique pour les orientations à plus ou moins
long terme et de l’action des politiciens au
quotidien à travers des discours et messages
politiques, des actes symboliques et de
l’exemplarité des hommes politiques en faisant
correspondre discours à l’action.
La problématique foncière
doit être abordée dans ses
multiples facettes.
La question de la sécurisation foncière a
bénéficié de l’attention et d’appuis substantiels
des partenaires du Gouvernement, dont
l’APDH. Si la sécurisation foncière en vue de la
prévention et de la résolution des conflits
fonciers a occupé une bonne partie de
l’agenda au cours des deux dernières années,
elle ne doit pas créer d’ombre sur les autres
dimensions actuelles de la problématique
foncière, qui elles aussi recommandent action
et urgence.
Comme d’autres documents et analyses n’ont
jamais cessé de l’affirmer et de le confirmer, le
foncier n’est en effet pas un enjeu en soi. La
question foncière ne révèle toute son acuité
que lorsqu’elle est envisagée dans son
articulation avec les différents aspects de
l’activité humaine : production agricole,
logement, création d’infrastructures économiques et sociales, préservation de
l’environnement,
gestion des ressources
naturelles, l’équité sociale et respect des droits
humains.
La sécurisation foncière devra alors être
inscrite dans un agenda assez vaste d’objectifs
stratégiques de développement de l’Etat (lutte
contre la pauvreté notamment) et aussi en tant
que stratégie transversale à prendre en
compte dans la définition d’autres politiques
sectorielles ayant trait à la terre politique
démographique, habitat, prévention des
conflits, justice, développement communautaire, aménagement du territoire…).
Il est très important aujourd’hui de commencer
à travailler de manière très profonde sur les
alternatives à la terre. La terre, hier perçue
comme une ressource inépuisable, ne servira
23
que si elle rentabilisée à travers des
économies d’échelles (exploitation agricole
moderne) et un meilleur accès à d’autres
sources d’opportunités et de revenus des
secteurs secondaires et tertiaires, surtout pour
les jeunes.
La prise en compte des
réalités locales et nationales dans le processus
de la réforme foncière
s’impose.
Les expériences de sécurisation foncière en
cours évoluent positivement sans doute parce
qu’elles font en grande partie tout, pour
prendre en compte les réalités spécifiques à
chaque commune d’intervention, et même à
des zones spécifiques à l’intérieur de la
commune. Le profil social et économique des
communes a été pris mis en exergue par les
diagnostics socio-fonciers et pris en compte
dans les autres étapes, notamment la
signature des contrats d’objectifs avec les
communes partenaires. Cela a constitué une
tentative d’innovation dans la mise en œuvre
des projets, en coupant un peu la logique de
standardisation des interventions à des
contextes locaux assez différents.
Dans la même logique, les autres aspects de
la réforme foncière devront être appréhendés
sur la base d’une connaissance fine et croisée
des réalités nationales et locales ainsi que sur
une considération des perceptions et des
attentes de la population.
Les réponses à la problématique foncière
burundaise doivent être « sur mesure ». Elles
doivent épouser les spécificités de la
problématique foncière nationale et locale et
apporter des réponses concrètes aux
problèmes
fonciers
majeurs
clairement
identifiés.
Si l’expérience de sécurisation foncière a été
essentiellement inspirée par des expériences
externes et portée par des projets de
coopération internationale, le Gouvernement et
ses partenaires ne doivent pas oublier que
l’emprunt d’expériences devrait servir à
alimenter des processus endogènes de
recherche de solutions nationales, qui
correspondent et répondent aux défis et
aspirations locales.
Une participation citoyenne
centrée sur la responsabilisation et la construction des capacités au
niveau national doit être
encouragée et soutenue.
L’une des réussites-clé des projets d’appui à la
décentralisation de la gestion foncière est
d’avoir réussi à mobiliser un certain leadership
communautaire et à susciter même un
volontariat au service de la communauté.
Les comités collinaires de reconnaissance font
un travail énorme, sans être payés et
échappent
ainsi
à
une
logique
de
monétarisation du moindre service rendu à la
société. Nombre d’ONG et de projets ont en
effet introduit des indemnités pour la moindre
réunion communautaire, au point même de
rendre la communauté vulnérable à une sorte
de paresse pathologique pour laquelle certains
ironisent en en parlant comme d’une affection
chronique.
Cet élan communautaire suscité par le projet
devra être repris dans tout le processus de
réforme foncière pour autant que nous
sommes conscients qu’il n’y aura pas toujours
suffisamment de bailleurs et d’argent pour
mettre en œuvre une réforme d’une aussi
grande ampleur sociale.
La participation de la population, comprise
comme l’opportunité donnée aux catégories
clés d’acteurs concernés d’apporter leur pierre
et leur sensibilité à la construction de l’édifice
foncier burundais, ne devra plus se limiter à la
simple information ou à la consultation
destinée à valider des options déjà arrêtées
par le Gouvernement et ses partenaires de
haut niveau.
Toutes les catégories sociales doivent être
incluses pour éviter de laisser en marge du
processus de réforme, pour quelque raison
que ce soit (politiques, idéologique, culturelles
ou autres), certaines catégories de Burundais,
etc.
Si l’on a souvent tendance à dire que le
manque de moyens financiers bloque la mise
en œuvre des politiques, nous devrons
travailler sur des stratégies alternatives,
notamment la stimulation du bénévolat et la
24
mobilisation des ressources au niveau de la
communauté. Les séances de reconnaissance
collinaire constituent un modèle d’implication
des membres des communautés dans l’action
au profit d’autres membres de leur localité.
A un autre niveau, il faut réellement investir
dans le renforcement des capacités des
acteurs nationaux, pour que la réforme soit
portée par des burundais, qui à côté de le faire
à titre professionnel, sentent également cette
vocation de contribuer à un véritable
changement social au profit de leur pays. Ceci
va préparer le processus à une résilience face
aux « intempéries » de la coopération internationale et préparer la pérennisation des
acquis de la réforme.
La gestion de la transition :
demain commence aujourd’hui.
Si nous ne doutons pas de la valeur ajoutée de
la sécurisation foncière en milieu rural, nous ne
devons pas occulter des questions qui s’y
imposent et auxquelles rien ou personne ne
veut répondre.
Nous pouvons soulever à titre illustratif deux
aspects, à savoir la gestion des terres à
l’échelle intra-familiale et l’épineuse question
de l’accès de la femme à la terre.
En effet, si les burundais continuent avec le
même mode de gestion familiale des terres, en
partageant, divisant déchiquetant le moindre
lopin de terres, on peut s’interroger sur ce que
deviendra la valeur ajoutée de détenir un titre
juridique prouvant des droits fonciers dont la
consistance et la durabilité tiennent à un fil.
La question reste entière de savoir s’il est
possible d’imposer, comme certains pays l’ont
tenté, des restrictions objectives sur le partage
successif des terres entre les descendants
d’une même famille et encourager une gestion
plus familiale et communautaire.
Dans un autre registre, est-il possible de
continuer à renforcer la sécurité juridique des
droits fonciers des citoyens dans un contexte
où les femmes n’héritent ni ne détiennent des
droits fonciers à titre de pleine propriété ?
Cette interrogation vaut la peine d’être
soulevée lorsque nous savons et affirmons que
toute réforme sociale doit mettre en avant
l’idée d’équité sociale et de dignité humaine.
25
Tous les cadres de concertation
sur le
processus de sécurisation foncière et APDH
en particulier, ont toujours ramené au grand
jour ces dilemmes. Lors des échanges et des
enquêtes, les populations, les citoyens, la
communauté, n’ont pas cessé de demander s’il
est possible de « partager le certificat
foncier » ? Si les « femmes peuvent obtenir un
certificat foncier » ?...
Ce sont des interrogations
qui appellent
chacune une réponse urgente – pendant
même cette phase de transition entre la
situation foncière actuelle explosive et la
situation foncière post-réforme tant désirée. Il y
a tant à faire, tant au niveau légal (adoption du
code sur les successions, libéralités et régimes
matrimoniaux) qu’au niveau sociopolitique en
adoptant une politique du genre plus égalitaire
et un dialogue communautaire ouvert.
Les associations partenaires
APDH - Association pour la
Paix et les Droits de l’Homme
Agréée par l’Ordonnance Ministérielle n°
530/689 du 13 août 1998, l’Association pour la
Paix et les Droits de L’homme, APDH en sigle
est une association sans but lucratif de droit
burundais qui œuvre dans la promotion de la
paix et des droits humains au Burundi depuis
1998.
France
International
Foncière (FIEF)
Expertise
A pour buts de mettre l’expertise en matière
de politiques foncières et systèmes
cadastraux au service de pays étrangers en
particulier en voie de développement en vue
d’établir , d’améliorer et de mettre en œuvre
une politique foncière, agricole et rurale.
Elle travaille avec les communautés, les
institutions publiques, les autres organisations
non
gouvernementales,
nationales
et
internationales, engagées dans la promotion
de la justice, la consolidation de la paix, la
résolution des conflits (principalement les
conflits fonciers), l’éducation aux droits
humains, la démocratie et la Gouvernance.
Cette organisation intervient sur les questions
foncières depuis 2003 et a développé une
grande expertise dans la recherche sur la
question foncière et dans la mise en place des
programmes de gestion foncière décentralisée
en collaboration avec d’autres partenaires
nationaux et internationaux, dont l’Union
Européenne, la Coopération suisse et ICCO.
Son approche de plaidoyer centrée sur des
recherches
participatives
permet
de
maximiser les chances de réussite des
interventions en matière d’éducation aux
droits humains et à la paix ; de résolution des
conflits et de promotion de la participation
citoyenne dans la gestion de la chose
publique.
26
Géomètres Sans Frontières (GSF)
A pour buts de participer à tous les projets ou
actions d'Aides Techniques et Économiques
dan les régions du monde défavorisées ou
sinistrées
Favoriser la sensibilisation des Géomètres à
une ouverture internationale
Favoriser l'organisation d'activités humaines
et économiques.
27
A la lumière de quelques chiffres (PIB par habitant 400 US$, 8 millions d’habitants,
croissance démographique de 4%, population essentiellement agricole) on comprend bien
que la question foncière au Burundi constitue un enjeu fondamental pour le développement
d’un pays en période post conflit. En effet, l’exigüité des terres aggravée par la
démographie galopante et le retour des réfugies favorise la multiplication des conflits
fonciers et un frein au développement. La complexité des conflits fonciers trouvent aussi son
origine dans la gestion domaniale et foncière des terres ainsi qu’à des mouvements de
populations survenus au cours de l’histoire du pays, des mouvements pour le
développement agricole des zones de plaine mais aussi pour la recherche de travail, etc.
L’objectif général de l’action de sécurisation foncière est de répondre à la demande massive
de la population rurale en sécurisation foncière, dans de brefs délais et à des coûts ajustés
au contexte économique des bénéficiaires, par la formalisation des droits fonciers non écrits
et par la sauvegarde et la régularisation des droits fonciers écrits. Les résultats attendus sont
en l’occurrence l’obtention par les usagers fonciers des certificats fonciers, preuves écrites
des droits fonciers qui correspondent à un niveau de sécurisation intermédiaire et le
renforcement des capacités des acteurs fonciers locaux à travers l’appui conseil et les
formations.
La présente publication présente le projet conduit par APDH (Expériences pilotes de gestion
foncière décentralisée dans la province de Gitega, en tire les leçons et enseignements et fait
des propositions et recommandations pour que cette action favorise le débat et la réflexion
sur la question de la terre au Burundi, une ressource précieuse pour laquelle il reste encore
beaucoup à faire pour la sécuriser, l’aménager et la protéger.