MISE EN ŒUVRE DE SERVICES FONCIERS
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MISE EN ŒUVRE DE SERVICES FONCIERS
MISE EN ŒUVRE DE SERVICES FONCIERS COMMUNAUX DANS LA PROVINCE DE GITEGA Vers l’amélioration de la gestion foncière décentralisée. Publié en français Bujumbura, Burundi Paris, France 2011 Publié par Association pour la Paix et les Droits de l’Homme (APDH) Siège social : NGOZI, Quartier KIRWATI, n° 31, Tél. +257 22 30 28 10 Bureau de liaison : Bujumbura, Rohero 2, Avenue BWERU, n° 18, Tél. +257 22 27 46 80 email : [email protected] site web : www.apdh.bi Avec le soutien des associations partenaires de géomètres experts français France International Expertise Foncière (FIEF) 40 avenue Hoche 75008 PARIS www.formesdufoncier.org Géomètres Sans Frontières (GSF) 40 avenue Hoche 75008 PARIS www.geometres-sans-frontières.org La présente publication a été réalisée avec l'aide financière de l'Union Européenne. Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité de l'Association pour la Paix et les Droits de l'Homme, APDH en sigle. Il ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union Européenne. Auteurs Jean Marie HABWINTAHE Camille MUNEZERO René Claude NIYONKURU Claire GALPIN Photographies de couverture Première de couverture – Remise des premiers certificats dans la Commune d’ITABA, Province de GITEGA © Alexis NKURUNZIZA, Programme GUTWARA NEZA Quatrième de couverture – Vallée et cultures © Claire Galpin Imprimeur Point Com Services - Dakar (Sénégal) Sommaire PRESENTATION DU PROJET Le service foncier communal : laboratoire de la réponse citoyenne à la certification foncière 5 Le service foncier communal : principes et mise en œuvre 6 LES LEÇONS TIREES DE L’EXPERIENCE 10 Pertinence de l’intervention quant à la sécurité de la tenure foncière 10 Avantages, limites et défis des services fonciers communaux 12 Discordance des modalités de gestion de la question des actes de notoriété 15 Besoin d’appropriation et amélioration des fonctions du service foncier communal 16 L’instauration d’un système de renforcement des capacités des agents fonciers communaux 19 CONCLUSIONS 22 3 Récipiendaires de certificats fonciers 4 Présentation du projet LE SERVICE FONCIER COMMUNAL : LABORATOIRE DE LA REPONSE CITOYENNE A LA CERTIFICATION FONCIERE. Contexte Traditionnellement, la terre était une ressource collective, inaliénable, qui se transmettait de génération en génération par voie successorale. C’était un bien hors commerce. Aujourd’hui la réalité est tout autre. La vitalité démographique au Burundi est un handicap pour le foncier et les ressources naturelles car elle conduit à l’atomisation de la surface agricole, à la surexploitation des ressources naturelles et à la prolifération des conflits fonciers. Il est reconnu que depuis longtemps plus de 80% de la population burundaise vit quasi exclusivement de la terre. Face à la raréfaction des ressources, la terre est devenue progressivement un bien marchand et la succession, longtemps considérée comme principal mode d’accès à la terre, tend à céder le pas aux ventes de terres. Cet état de fait s’accompagne de son lot de spéculations, abus et tromperies débouchant sur des conflits fonciers multiples et variés, souvent violents et toujours générateurs de blessures difficiles à guérir. Ils représentent les trois quart des conflits portés devant les tribunaux de première instance. Ils concernent les problèmes de définition et de matérialisation des limites, les conflits liés à la succession, ceux ayant trait à la remise en cause des transactions foncières faute de preuves suffisantes, conflits portant sur les terres détournées ou spoliées des réfugiés et des personnes déplacées, etc. Comme partout dans le monde le coût d’une affaire judiciaire est très élevé en termes de temps et de moyens, souvent ruinant pour les parties ou excluant les plus pauvres. La corruption observée dans les tribunaux vient aggraver la situation. 5 Insécurité foncière, souhait de document écrit et de services de proximité Plusieurs études de terrain ont démontré que les citoyens ont un souci persistant d’avoir un document écrit attestant leurs droits fonciers. En 2004 et 2005, des études expérimentales menées dans le cadre d’un Programme de Recherche Interuniversitaire Grands Lacs ont été conduites dans trois provinces (Karuzi, Rutana, Makamba) pour tester une nouvelle méthodologie assise sur des enquêtes parcellaires participatives pour comprendre et prévenir les conflits fonciers. Trois conclusions majeures sont sorties de 1 cette étude : insécurité foncière généralisée en milieu rural, demande persistante de sécurité juridique sur les droits fonciers à travers un document écrit et souhait des populations de disposer d’un service de proximité. En 2007, le Programme d’Appui à la Bonne Gouvernance « GUTWARA NEZA » a initié le projet d’appui à la mise en place et au fonctionnement des services fonciers communaux pilotes dans les communes d’Itaba (Gitega) et Bugenyuzi (Karuzi). En 2008, la coopération suisse a commencé l’appui à la gestion foncière des communes de Ruhororo et Marangara de la province de Ngozi. La décentralisation de la gestion foncière a pour objectif de répondre à la demande massive de la population rurale en sécurisation foncière, dans de brefs délais et à des coûts ajustés au contexte économique des bénéficiaires. La formalisation des droits fonciers non écrits et la sauvegarde et la régularisation des droits fonciers écrits sont au cœur de la gestion foncière décentralisée. L’obtention de certificats fonciers par les usagers fonciers, doit permettre de disposer de preuves écrites des droits fonciers qui 1 Transition foncière dans l’Afrique des Grands LacsRésultats d’enquêtes participatives – Ministère de l’environnement, de l’aménagement du territoire et des travaux publics (2007). correspondent à un niveau de sécurisation intermédiaire. Bénéficiaires du projet Toutes les personnes ou familles, détentrices de droits sur une terre, non enregistrée au service des titres fonciers, non conflictuelle, située sur le territoire de la commune et désirant obtenir un certificat foncier moyennant une contribution financière à la portée de la bourse de la population rurale burundaise. Les habitants, les élus et les personnels technico-administratifs et communautaires locales des communes d’intervention de l’action détenant ou exploitant des terres seront les principaux bénéficiaires des effets de ce projet. Le renforcement des capacités des acteurs locaux de la gestion foncière doit se faire à travers les formations et l’appui conseil. LE SERVICE FONCIER COMMUNAL : PRINCIPES ET MISE EN OEUVRE Principes Les services fonciers sont communaux donc plus proches du citoyen. Cela permet d’impliquer le citoyen lui-même, ses proches, ses voisins et la communauté collinaire lors des opérations de reconnaissance. La reconnaissance des droits fonciers sur la colline est publique et contradictoire : la délivrance du certificat est subordonnée à l’existence d’un consensus total sur la colline quant aux droits détenus sur la parcelle ; La procédure est accessible financièrement aux populations rurales, Son coût est donc raisonnable et en rapport avec la valeur de la terre dans le monde rural. Les frais sont votés par le Conseil communautaire et en adéquation avec la réalité économique de la commune. ; La procédure est simple et facile à comprendre même par des populations peu instruites et souvent non alphabétisées. Elle est largement diffusée en langue locale et par le biais d’images. La subvention de l’Union européenne pour l’extension des expériences pilotes a été mise en œuvre par l’Association pour la Paix et les Droits de l’Homme (APDH) dans la province Gitega. Processus de mise en œuvre Le processus d’implantation et de fonctionnement du service foncier communal est divisé en trois phases : préalable, constitution et fonctionnement. 6 Le diagnostic socio-foncier Phase préalable à la constitution du service foncier communal Elle concerne l’information des acteurs locaux (citoyen et administration communales et provinciale), l’inventaire des situations foncières à travers un diagnostic socio foncier parcellaire et participatif sur des collines dont les résultats sont partagés avec les membres du conseil communal, les administratifs et les leaders communautaires. Le conseil communal délibère l’opportunité ou non de mise en place service foncier communal sur base, résultats du diagnostic socio foncier et attentes de la population. sur d’un des des L’enquête sur terrain Des séances d’explication de la problématique à l’origine de l’étude et des finalités de cette dernière sont organisées préalablement avec les autorités communales et zonales, chefs administratifs au premier degré au niveau de la commune, les chefs de collines, et les membres du Comité Communal de Développement Communautaire, le conseil collinaire, les Bashingantahe (notables traditionnellement investis) et la population de chaque colline objet du diagnostic. La démarche parcellaire, participative et fonctionnelle Parcellaire – Repose sur le principe de l’observation directe et continue de chacune des parcelles du site d’enquête. L’enquêteur visualise la configuration physique de chaque parcelle par rapport aux avoisinantes. Une fiche parcellaire contenant de nombreuses informations relatives à la parcelle ainsi qu’un plan parcellaire de l’ensemble du site sont élaborés. Fonctionnel - Eclaire sur l’utilisation des parcelles : Habitation, agriculture et son type, commerce, infrastructures sociales, etc. Participatif - Présence des acteurs locaux et usagers fonciers pour remplir un double objectif de représentation et d’adhésion. La présence des acteurs locaux représentant la population, la société civile, les acteurs fonciers aussi bien publics que privés, est indispensable pour obtenir la collaboration active des acteurs exerçant un droit réel sur les terres étudiées. Par ailleurs, la présence des titulaires de droits réels est requise individuellement (informations foncières) et collectivement (validation des informations collectées). 7 Organisation d’une séance d’explication, la veille, avec les habitants pour rappeler et, faire la lumière sur les objectifs poursuivis. Elaboration d’un croquis parcellaire pour compléter la cartographie foncière du site d’enquête et mesurage sommaire de chaque parcelle. D’autres éléments font l’objet d’une observation directe par les enquêteurs. Il s’agit des bornes utilisées (végétales ou autres matérialisation), les éléments de la mise en valeur actuelle. Ils sont représentés sur un plan parcellaire de la zone d’enquête. En présence des autorités administratives (le conseil collinaire) et des autorités communautaires, enquête des détenteurs de droits fonciers sur les parcelles, de leurs voisins et de toute personne intéressée. Remplissage du formulaire d’enquête et recueil des justificatifs. Validation des informations collectées. Les Focus group Le nombre de participants aux échanges varie entre 10 et 15 personnes. L’objectif est de connaitre des situations non identifiées sur le site d’enquête au niveau collinaire. Les entretiens Les entretiens sont organisés avec les chefs de zone et l’administrateur communal pour validation des informations recueillies. Les échanges avec les présidents des tribunaux de Résidence permettent d’avoir une vision sur le volume et le contenu des affaires foncières. La phase de constitution du service foncier communal Lorsque le conseil communal est d’accord sur l’opportunité ou non de mise en place d’un service foncier communal, différentes étapes doivent être franchies. Formalisation du contrat d’objectifs et des modalités de gestion du service foncier communal : partage des responsabilités entre la commune et l’organisation d’appui, fixation du prix du certificat foncier, détermination des catégories de provenance des commissions collinaires de reconnaissance, élaboration des termes de référence des agents fonciers, fixation du salaire des agents fonciers et détermination des catégories de provenance des membres des commissions collinaires de reconnaissance, désignation des membres du jury de recrutement des agents fonciers, etc. Recrutement et formation des agents fonciers. Avis de recrutement et présélection d’un contingent de candidats au poste d’agent foncier, formation préalable au test et recrutement de 2 agents fonciers par commune Nomination des membres et mise en place des commissions collinaires de reconnaissance. Ces commissions constatent et valident, de manière publique, les droits revendiqués par les demandeurs de certificats fonciers. Renforcement des capacités des agents fonciers et des membres des commissions collinaires de reconnaissance: formation et information continues. 8 Construction des bureaux du service foncier communal. Equipement en matériel informatique, et bureautique des services fonciers communaux Campagnes d’information et de sensibilisation. Lors de toutes les occasions de rencontre, les populations sont sensibilisées à l’importance et au fonctionnement des services fonciers communaux. La phase de fonctionnement du service foncier communal Mise en œuvre des procédures de certification foncière. Réception de la demande de formalisation. Publicité de la demande par affichage au service foncier. Déplacement de la commission de reconnaissance collinaire sur la colline, et en présence de tous ceux qui souhaitent faire reconnaître leurs droits sur la parcelle, la famille, les voisins, les notables, les responsables administratifs et les élus. C’est après cette reconnaissance publique et contradictoire et seulement s’il y a consensus sur le statut de la parcelle que le certificat est établi puis remis au demandeur. Mise en œuvre des procédures de mutation des certificats fonciers Le certificat foncier est la carte d’identité de la parcelle certifiée. La situation foncière doit être tenue à jour de tous les changements, notamment les mutations et transactions. Appui conseil - Appui technique et financier, renforcement des capacités, de manière continue, des agents fonciers, élus communaux et membres des commissions collinaires de reconnaissance. 9 Les leçons tirées de l’expérience Les leçons apprises et les enseignements tirés de la mise en œuvre du projet constituent des éléments importants de capitalisation ; elles supposent une approche basée sur l’expérience des diverses parties prenantes du projet ; elles permettent de capitaliser les expériences vécues par tous les acteurs, aussi bien l’équipe opérationnelle, les communes que les communautés bénéficiaires. Nous revenons dans un premier temps sur les constats majeurs du diagnostic socio foncier concernant la sécurité de la tenure foncière en milieu rural, avant de partager les leçons tirées de cette expérience, notamment des mesures à prendre pour améliorer le fonctionnement des services fonciers communaux et leur permettre de remplir correctement et efficacement leurs missions. PERTINENCE DE L’INTERVENTION QUANT A LA SECURITE DE LA TENURE FONCIERE L’insécurité foncière en milieu rural reste généralisée Du diagnostic socio foncier mené dans les communes d’intervention du projet, il ressort que les modes d’acquisition des terres sont principalement l’achat et la dévolution successorale. Le constat majeur est que les terres, indépendamment de leur mode d’acquisition, demeurent dans une grande insécurité juridique. En effet, les droits portant sur les terres acquises majoritairement par dévolution successorale ne sont sanctionnés que par la preuve testimoniale. Or, cette dernière pose plusieurs problèmes. En premier lieu, les conventions sont souvent remises en cause suite au décès des témoins et des gens âgés de la famille, aux faux témoignages, à la corruption des témoins, aux déplacements des populations et à l’évolution sociale du monde rural qui, aujourd’hui, attache une importance croissante à l’écrit notamment en cas de conflit foncier. La preuve testimoniale constitue le moyen de preuve juridiquement le moins probant, ce qui rend difficile la résolution des conflits portant 10 sur les terres acquises par dévolution successorale du fait de l’absence de preuve écrite. D’après les résultats des études menées dans le domaine, les terres dépourvues de preuve écrite se trouvent plus exposées aux situations de conflictualité que d’autres. Cependant nous avons constaté que curieusement, les demandes introduites pour la certification des droits fonciers concernent principalement les terres acquises par achat. Les terres acquises par dévolution successorale représentent moins de 10% des demandes. Une étude approfondie mérite d’être menée pour dégager les raisons à la base de ces statistiques. En deuxième lieu, force est de constater que la population fournit des efforts considérables pour sécuriser les terres acquises par achat. En effet, les populations ont le souci de sécuriser les terres achetées à travers les actes sous seing privé communément appelés « petit papier » et la plupart se contentent de ce dernier sans questionner sa valeur juridique. Ce moyen de preuve, bien qu’écrit, a juridiquement une faible force probante car il n’a de valeur qu’entre les parties au contrat et n’est guère opposable à des tiers. De plus, la majorité des acheteurs naguère nantis de « petits papiers » en sont aujourd’hui dépourvus suite aux différentes crises qui ont frappé le pays et ayant occasionné des mouvements des populations ou au mode précaire de leur conservation. Par ailleurs, ce document sommairement rédigé omet souvent des mentions essentielles. Cela le rend ainsi moins efficace et réduit du même coup sa force probante. Les mentions qui font défaut sont notamment une signature des parties à l’acte ou des témoins un croquis de la parcelle, des précisions sur sa localisation spatiale, etc. Cette situation ouvre la voie aux contestations des transactions foncières. Par ailleurs, rares sont les usagers fonciers qui passent à l’authentification des achats de terres par l’obtention d’un acte de notoriété 2 délivrés par les administrateurs communaux . Encore que, force est de constater qu’à travers sa signature, l’administrateur communal se limite à reconnaître l’existence d’un contrat de vente d’une terre. Faute de vérification préalable et approfondie sur le terrain, cette authentification ne peut répondre efficacement à la question relative à l’existence et à l’étendue des droits réellement détenus sur la terre objet de transaction. Par conséquent, l’acte de notoriété prouve la transaction foncière, mais pas les droits portant sur la parcelle objet d’authentification. Titre foncier … titre de propriété. Indépendamment du mode d’acquisition de la terre, l’usager foncier peut obtenir un certificat d’enregistrement, communément appelé « Titre de propriété », auprès des bureaux de la conservation des Titres Fonciers. C’est sans aucun doute l’écrit le plus authentique, avec la plus grande force probante et partant le plus difficilement contestable sur le plan de la légalité. Mais là aussi, nous avons constaté que la présence d’un bureau de la Conservation des Titres fonciers à Gitega n’a pas arrangé la situation. Comme déjà mentionné, dans les trois communes d’intervention du projet, la commune la plus nantie en propriétés enregistrées n’en compte que cinq alors que les autres n’enregistrent qu’un seul certificat d’enregistrement depuis la date de la création de la circonscription foncière de Gitega en 1992. La difficulté d’accessibilité due à une trop faible déconcentration des bureaux de Conservation 3 des Titres Fonciers , le manque d’information sur le fonctionnement de ce service, les longues et complexes procédures à suivre, 2 D’après les résultats des diagnostics socio fonciers, seuls environ 10% des terres acquises par achat sont sanctionnés par les actes de notoriété. 3 Le pays compte uniquement 3 bureaux régionaux de la Conservation des Titres fonciers à savoir BUJUMBURA, GITEGA et NGOZI qui doivent servir dix sept provinces du pays. 11 4 ainsi que les moyens financiers exorbitants que requiert l’obtention du certificat d’enregistrement constituent sans doute les principales barrières à une existence perceptible de ce mode de sécurisation dans la zone d’intervention du projet. Tel est par ailleurs le cas en milieu rural en général. Cette insécurité foncière généralisée en milieu rural a pour conséquences la dégradation du 5 climat social et l’insécurité dans le pays , l’encombrement des tribunaux, le blocage du développement local ainsi que la violation des droits de la personne humaine particulièrement ceux des catégories vulnérables, etc. Ce projet et toutes les autres interventions dans ce sens, en cours ou à venir, gardent donc toute leur pertinence tant que cette situation n’aura pas évolué de manière significative. La certification des droits fonciers : réponse à un besoin réel de la population Loin de défendre un cadre conceptuel d’un projet pilote à portée limitée, nous pouvons affirmer que la certification des droits fonciers répond à un besoin réel de la population de la zone du projet, et partant du monde rural au Burundi. L’intérêt de la population pour la certification des droits fonciers, a d’abord été perçu au moment de la sensibilisation sur le projet, et ensuite en préalable ou lors de l’introduction des demandes de certification foncière. D’après les propos recueillis auprès des 4 En général, pour une parcelle rurale d’une valeur de 200.000 BIF, il faut payer la même somme d’argent pour épuiser toutes les formalités d’enregistrement. 5 Comme le précise la déclaration du gouvernement du Burundi en date du 6 février 2008 (des cas d’assassinats ayant pour cause les conflits fonciers sont monnaie responsables administratifs habitués à ce type de réunions, la population a massivement répondu et assisté aux séances de sensibilisation sur la sécurisation foncière, démontrant son incroyable intérêt pour la question. La participation de la communauté dans les séances de sensibilisation a toujours été massive, même dans des endroits et à des périodes de l’année où la population était fortement occupée par les travaux champêtres. Ce qui laisse penser que la participation peut même être encore plus importante si les séances de sensibilisation sont programmées pendant la saison sèche où les activités agricoles sont très réduites. Cette mobilisation communautaire pour le projet se comprend aisément car chacun sait combien la population est attachée à la terre, seule source de survie ; elle est prête à tout, y compris la violence, pour avoir accès à la terre. Le processus de certification des droits fonciers des requérants de certificats fonciers implique directement les communautés bénéficiaires. C’est une approche très appréciée par les communautés. La population affirme avoir pris conscience, grâce aux séances de sensibilisation, de l’acuité de la problématique foncière dans la localité. L’accessibilité financière au certificat foncier, alternative aux voies de recours existantes pour gérer les conflits foncier séduit les populations les plus démunies. Cependant pour soutenir l’intérêt de la population pour la certification des droits fonciers, les services fonciers communaux doivent ouvrir rapidement après les opérations d’information et de sensibilisation : les populations attendent impatiemment et désespérément ce service. Pour conserver le capital-confiance investi dans ces opérations, il est important d’informer la population de tout changement intervenant dans le calendrier de mise en œuvre. Une forte demande des certificats fonciers est observée au sein des différents services fonciers actifs. Ces derniers se retrouvent débordés et se voient parfois dans l’obligation de geler les demandes. Il faut donc poursuivre les réflexions pour accroître les capacités des services fonciers à répondre au flux de demandes de certificats. 12 Avantages, limites et défis des services fonciers communaux Le service foncier communal présente des avantages incontestables pour les bénéficiaires, les entités administratives à la base et même tout le pays même s’il fait encore face à certaines limites. Prise en compte de l’intérêt et du rôle du citoyen Un bon fonctionnement des services fonciers communaux permet de sauvegarder du temps, des ressources financières et de maximiser la participation citoyenne. La proximité géographique est garantie vu que ces services sont localisés dans les communes et sont donc plus proches du citoyen. La procédure d’obtention du certificat est simplifiée car toutes les opérations y relatives se font dans la circonscription communale et à des coûts financiers ajustés au contexte socio-économique des burundais du monde rural. Le citoyen est beaucoup plus impliqué car la constatation des droits à travers la reconnaissance collinaire se fait sur la colline en présence des membres des commissions collinaires de reconnaissance, du requérant du certificat foncier, des propriétaires des parcelles avoisinantes, d’éventuels opposants. La validation des droits est transparente, publique et contradictoire. Ceci est un bon gage de la légitimité du processus. Contribution à la paix sociale et au développement local Les services fonciers communaux touchent positivement différents aspects importants de la vie de la communauté au point de vue social, juridique et économique. Sur le plan juridique et social Les services fonciers communaux visent la réduction des conflits fonciers, source de la détérioration de la cohésion sociale et de la sécurité physique des citoyens. Toutefois, durant la sensibilisation de la population sur l’importance et le fonctionnement des services fonciers communaux, un nombre non négligeable de questions relatives aux conflits fonciers déjà éclatés/ ouverts ont été soulevées. Ceci témoigne de la nécessité d’appuyer également les populations en matière de résolution des conflits fonciers, parallèlement au processus de sécurisation foncière. Le certificat foncier constitue en fait une réponse partielle aux préoccupations foncières de la population. En effet il ne contribue qu’à la prévention des conflits sur les terres non conflictuelles et à faciliter la gestion et la résolution des conflits fonciers qui pourraient éclater dans le futur. La formalisation des droits fonciers et des transactions foncières contribue à la prévention des conflits fonciers. Cependant, la formalisation ne saurait constituer à elle seule une solution suffisante aux conflits fonciers. Certains enseignements tirés de ce projet confirment des recommandations faites dans l’étude sous régionale menée par le Comité Catholique contre la Faim et pour Développement (CCFD), le Forum des Amis de la Terre (FAT) et Agency for Cooperation and Research in Development Burundi (ACORD). Il est recommandé de coupler le projet de prévention des conflits fonciers avec l’appui dans le processus de recherche des solutions aux conflits fonciers ouverts à travers le service d’aide juridique pour que tous y trouvent leur compte. Par ailleurs, au Burundi, faute d’une loi régissant la succession, cette dernière est régie par la coutume. Cela défavorise la femme, particulièrement, par rapport à l’accès à la terre. 13 Le certificat foncier délivré par le service foncier communal permet la consolidation de la pleine propriété détenue dans certaines situations par les femmes et permet de prévenir les conflits qui pourraient survenir relativement à leurs terres. Sur le plan économique Le certificat foncier pourra être un catalyseur du développement pour les populations dans le sens qu’il peut être mis en garantie (hypothéqué) auprès des institutions de micro finance et permettre ainsi aux détenteurs des parcelles enregistrées en milieu rural d’accéder à de petits crédits pour de petits projets d’investissement. Dans le projet de code foncier, il est prévu que la propriété foncière constatée par un certificat foncier délivré au niveau de la commune, permet à son détenteur d’exercer tous les actes juridiques portant sur des droits réels et leurs démembrements reconnus par les lois en vigueur, dont la constitution d’hypothèque. Certaines organisations qui œuvrent en faveur du développement du monde rural sont opposées à l’hypothèque des biens fonciers ruraux car elle constitue, selon elles, un risque majeur de perdre définitivement le bien hypothéqué. Pour d’autres, l’hypothèque est une alternative pour les paysans pauvres devant faire face à un besoin urgent de liquidités et qui n’avaient jusqu’à présent que deux possibilités (1) vendre la parcelle ou (2) la donner en gage en se privant du même coup de la possibilité de l’exploiter avec le risque de ne pouvoir la récupérer. Avec l’hypothèque, le paysan reste propriétaire de sa terre, continue à l’exploiter et peut donc rembourser le prêt consenti. Comme chacun sait, le crédit présente des avantages et des inconvénients. Si la disposition du projet de code foncier est gardée comme telle dans sa version finale, il faut éclairer la population sur les avantages et les inconvénients du crédit pour qu’elle y fasse recours à bon escient et sans risque de surendettement. Cette tâche incombe aux différents acteurs à savoir la société civile, le gouvernement, ses partenaires techniques et financiers, etc. Il faut également songer à la valorisation des terres dont les droits sont certifiés pour établir une bonne symétrie entre la certification et l'exploitation des terres pour faire face notamment à l’insécurité alimentaire. Défis des services fonciers communaux connaissances en informatique et surtout une maitrise dudit logiciel. Au niveau opérationnel, certains constats constitueront des défis de taille et méritent donc une attention particulière. Ils sont de plusieurs ordres. L’expertise locale est rare. La compétence à acquérir par les agents fonciers pour maitriser ce logiciel demande beaucoup de temps. Tout ceci concourt à une trop faible production et engorge les services fonciers communaux. Par ailleurs acquérir application, matériel et formation pour disposer de ces moyens n’est pas dans le budget de toutes les communes rurales, sans parler d’assurer la maintenance, garantir la formation continue des agents fonciers, et les mises à jour de l’application. Il ne faut également pas perdre de vue que toutes les communes ne sont pas raccordées aux réseaux de distribution de l’électricité. Faible demande de certification des droits sur les terres acquises par dévolution successorale Aujourd’hui, les usagers fonciers ne font pratiquement pas la demande de certificats fonciers prouvant leurs droits sur les terres acquises par dévolution successorale. Or, les terres acquises par dévolution successorale et donc, dépourvues de preuves écrites, sont statistiquement plus conflictuelles. Ce qui apparait paradoxal, c’est la réticence à la certification des droits fonciers sur cette catégorie de terres pourtant très conflictuelles. Grande disparité entre demandes introduites sur collines les les Nous avons constaté de grandes disparités géographiques quant au nombre de demandes de certificats fonciers. Si sur certaines collines plus d’une centaine de demandes de certificats fonciers ont été enregistrées, sur d’autres aucune demande n’a été introduite. La population de cette commune a pourtant bénéficié des mêmes séances de sensibilisation et d’information. Nous n’avons pas identifié de raisons expliquant ce constat. Des études méritent d’être menées pour identifier, cerner et mieux maitriser les enjeux autour de la sécurisation foncière afin de trouver des réponses adéquates à ces préoccupations. Les premières expériences pilotes ont largement contribué à la réflexion sur ce dont doivent disposer les agents fonciers pour mener rapidement, leur mission à bien. Pour obtenir une localisation relative (à 10 mètres près) et une représentation de la parcelle, le kit de mesurage s’est enrichi d’un GPS de navigation et d’une boussole. Ceci permet, à l’agent foncier de mesurer les distances au mètre ruban, les angles à l’aide de la boussole et les coordonnées géographiques (latitude et longitude) avec le GPS. Le croquis de la parcelle est fait à la main en utilisant le carnet de terrain, les règles à échelle, les lattes et les rapporteurs. Capacité limitée des services fonciers à traiter les demandes Sans mettre en cause la qualité du travail des agents fonciers et face au nombre croissant de demandes, des réflexions doivent être menées pour améliorer le rendement de l’activité du service foncier communal. Dans les deux premiers services fonciers communaux d’Itaba et Bugenyuzi, si le mesurage était fait au décamètre (chaine), la cartographie des parcelles, était réalisée d’après croquis à l’aide d’un logiciel de dessin assisté par ordinateur (DAO). L’utilisation d’une telle application requiert de bonnes 14 Des stratégies complémentaires ont aidé pour accélérer le processus de certification. Il s’agit des canevas de rapportage qui précisent jour pour jour le travail des agents fonciers communaux, les descentes sur terrain pour la supervision du travail des agents fonciers et des commissions de reconnaissance collinaire, etc. Grâce à toutes ces améliorations la cadence s’est largement accélérée par rapport aux premières expériences. Cependant, malgré l’instauration de ce nouveau système de levé parcellaire, de cartographie simplifiée et l’instauration de ces nouvelles stratégies, le service foncier communal doté de deux agents fonciers communaux est loin d’être suffisamment outillé pour répondre aux besoins en certification des droits sur tout son territoire. En effet les demandes sont individuelles, et devraient être traitées dans l’ordre de dépôt. La réflexion menée sur les procédures va conduire certains partenaires techniques et financiers qui appuient les communes à expérimenter la reconnaissance des droits de manière systématique sur une zone déterminée L’objectif est de valider des droits individuels de manière collective en vue de passer à cette sécurisation collective qui ne s’arrête, pour les uns, qu’à la reconnaissance publique de leurs droits à travers un procès verbal de reconnaissance et qui va jusqu’à la délivrance du certificat foncier pour les autres en fonction des demandes exprimées. Le Programme Post Conflit du Développement Rural (PPCDR), un programme financé par l’Union européenne, va aider le gouvernement en vue de l’acquisition d’orthophotoplans, cartographie image, très utile dans les domaines de développement et pour le foncier en particulier. Sur base de cette cartographie, des plans fonciers communaux pourront être progressivement établis et feront mention notamment des différents statuts de terres : aires protégées, terres domaniales, propriétés privées, terres litigieuses, propriétés enregistrées ou certifiées.. 15 L’acquisition et la mise à disposition de ces images va accélérer de manière considérable le travail de reconnaissance qui permettra la reconnaissance et la délimitation des parcelles sur la carte. Avec ces techniques, certifier les droits sur toutes les terres d’une commune en une décennie pourrait ne pas être une utopie. Discordance des modalités de gestion de la question des actes de notoriété En cas de transaction foncière, une taxe de 10% était payée et continue même à être exigée par certaines communes malgré la revue à la baisse de la taxe à 3%. Aujourd’hui, si certaines communes ont maintenu l’acte de notoriété en plus des certificats fonciers, d’autres l’ont supprimé pour toute personne qui passe à la certification des droits fonciers grâce au service foncier communal. Les frais relatifs à l’authentification sont inclus dans les frais de certification. Deux préoccupations majeures peuvent être soulevées : 1. Pour les communes qui exigent les deux opérations en l’occurrence l’authentification des transactions foncières et la certification des droits fonciers, pourquoi maintenir les deux ? Dans les faits, nous nous sommes rendus compte que, malgré l’obligation de passer à l’authentification des transactions foncières en plus du choix ou non de la certification des droits fonciers, les usagers fonciers ne font que la certification des droits fonciers, l’authentification des transactions foncières n’est plus utilisée dans ces communes. Ici on peut se poser la question de savoir pourquoi maintenir deux documents dont les avantages de l’un sont inclus dans l’autre ? Pourquoi maintenir un document dont les gens ne voient plus l’utilité ? 2. Le corollaire de la précédente question est de savoir si les communes ont la compétence de supprimer l’authentification des transactions foncières? Faut-il entamer un plaidoyer à l’endroit des autorités compétentes pour rendre facultatif la demande de l’authentification des transactions foncières dans les communes pourvues de services fonciers communaux. Il apparait à la lumière des expériences menées qu’il faut maintenant évaluer les services fonciers communaux existants. Ceci permettra de capitaliser l’expérience acquise, de gérer les défis et tirer les leçons qui s’imposent. Auparavant, il faudra réguler les projets qui appuient la mise en place et le fonctionnement de nouveaux services fonciers communaux et, à l’issue de cette étude, toutes les bonnes initiatives et procédures pourront servir d’exemple aux autres projets de sécurisation foncière dans le cadre de l’extension des services fonciers communaux. Besoin d’appropriation et amélioration des fonctions du service foncier communal La série d’idées présentées dans les points qui suivent essaie de revenir sur les aspects qui devraient être améliorés pour un fonctionnement des services fonciers et une meilleure sécurisation foncière en milieu rural. Il s’agit aussi bien des aspects en rapport avec l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique et d’une législation foncières adéquates ainsi que de ceux relatifs au fonctionnement pratique des services fonciers communaux au quotidien. Nous pensons notamment au dispositif légal et institutionnel, à l’appropriation des services fonciers communaux par les acteurs publics ainsi qu’à la mobilisation des moyens requis pour un fonctionnement efficace de ces services et l’aboutissement de tout le processus de réforme foncière au Burundi. 16 A l’endroit des partenaires d’appui aux communes dans la mise en place des services fonciers communaux La simplification socio foncier du diagnostic Le diagnostic socio foncier est mené suivant une enquête qui procède d’une approche terrain, en vue à la fois d’éclairer les décideurs communaux sur l’état des lieux de la sécurité juridique et sociale du foncier, et de leur permettre d’anticiper sur la plus-value qu’apporterait un service foncier communal en la matière. Comme pratiqué dans le cadre des projets, le diagnostic socio foncier demande énormément de temps et de moyens financiers. Ceci conduit à réfléchir sur la nécessité de simplifier le travail y relatif. Ce diagnostic simplifié pourrait se faire lors d’ateliers d’échange conduits de manière participative auprès des acteurs locaux de gestion et résolution des conflits (tribunal de résidence, administration communale, chef de zone, élus collinaires, autorités communautaires locales, associations, etc.), Parallèlement et pour mieux comprendre l’importance du service foncier communal, les membres du conseil communal pourraient également organiser un voyage d’études, pour autant que les moyens le permettent, auprès d’un service foncier communal fonctionnel le plus proche pour visualiser l’activité du service foncier communal, s’informer sur les moyens requis pour mettre en place un tel service et constater ses avantages. Par ailleurs, toutes les enquêtes socio foncières menées dans onze communes reparties dans 4 provinces du pays (Ngozi, Gitega, Karuzi et Ruyigi), ont abouti à la même conclusion : l’insécurité foncière est généralisée. Le diagnostic socio foncier tel que pratiqué jusqu’à présent coûte cher en termes de temps et de moyens matériels et financiers. Il aboutit systématiquement, surtout en milieu rural, à la mise en place d’un service foncier communal. Il vaut donc mieux que le conseil communal en zone rurale vérifie les conditions de faisabilité de la sécurisation, le coût et la pérennité du service. La nécessité d’un appui prolongé aux services fonciers communaux La phase préalable et de constitution du 6 service foncier communal prend beaucoup de temps avant de pouvoir entamer la phase fonctionnelle L’expérience a montré qu’un projet de courte durée (inférieure à trois ans) peut arriver à terme sans avoir pu aider les communes bénéficiaires à maitriser et optimiser les aspects techniques de l’activité du service foncier communal et sans parvenir à la pérennisation financière de ce dernier. Dans de telles conditions, le risque de dysfonctionnement du service foncier communal sans appui technique et financier complémentaire est grand. En effet, les frais de fonctionnement du service foncier communal sont assurés par la collecte des frais de certification et des droits de mutation. Il ne faut pas oublier que les agents fonciers communaux sont payés par la commune, avant la prise en charge effective des salaires par l’Etat. Le temps de l’accompagnement des services fonciers communaux est primordial à la réussite de l’opération. Ces services à bas coûts et de proximité sont un espoir pour les populations et un défi pour les communes et la réforme foncière. Le budget et le cycle du projet doivent épouser ces attentes. Le contrôle régulier et rapproché de l’activité des services fonciers communaux en phase de croissance. Comme détaillé précédemment, le processus de certification des droits fonciers est simplifié mais comporte des étapes clés , de la réception des demandes à l’établissement des certificats fonciers. Le travail du bureau et de terrain demande éthique, déontologie et connaissances techniques liées notamment au levé parcellaire, à la médiation, aux techniques de communication, etc. Du fait de la multiplicité de compétences à développer, le travail n’est pas facile. Il faut donc mettre en œuvre un appui conseil et un suivi rapproché de l’activité des services fonciers communaux par toutes les parties prenantes (l’autorité de tutelle, les projets d’appui, l’administration communale,…) Ceci constitue un gage pour le bon fonctionnement des services fonciers communaux. Il faut également se rendre de temps en temps auprès des autorités administratives et communautaires de base pour constater le degré de connaissance et d’appropriation de l’initiative et partant de leur implication dans le processus car ces autorités (souvent élues) peuvent changer régulièrement. Dans les phases pilotes (comme celle qui se termine avec le projet d’extension), il faut procéder à des évaluations à mi parcours pour ajuster les orientations du projet sans laisser de côté l’organisation des réunions périodiques de coordination des activités à l’endroit des autorités communales, des agents fonciers, des commissions collinaires de reconnaissance, etc. Ce contrôle ne saurait être efficace et répondre au souci d’appropriation (ressenti comme un impératif) que s’il s’accompagne de l’harmonisation des interventions et du partage d’expériences. L’échange d’expériences A tous les niveaux (national, international, société civile, gouvernement, organismes d’appui ou partenaires techniques financiers du Burundi), l’échange d’expériences est une clé de la réussite des projets de développement. En matière foncière, dans les pays de la sous région et particulièrement au Rwanda, une profonde réforme foncière se trouve à un stade avancé et pourrait inspirer nos actions et notre engagement en matière de législation foncière appropriée et surtout de sa mise en œuvre. En effet, le gouvernement rwandais a pris un engagement ferme et a affecté des moyens financiers pour mener à bon port cette réforme. Il a vu les bailleurs lui emboiter le pas et il est prévu que l’enregistrement des terres au niveau national soit terminé d’ici la fin de l’an 2013. Le gouvernement du Burundi peut s’inspirer du Rwanda en matière d’enregistrement systématique des terres, enregistrement facilité par l’utilisation de cartographie image et du traitement de l’information géographique. 6 Rappel : Information et sensibilisation des autorités et de la population, implantation physique et institutionnelle du service foncier communal, renforcement des capacités des agents fonciers et des commissions collinaires de reconnaissance, etc. 17 Il faut constater que les efforts d’harmonisation des procédures entre les différents services fonciers communaux ne sont pas fructueux. Le partage et la capitalisation des acquis ne sont pas régulièrement effectués. sensibilisation des honorables députés et sénateurs sur l’avant projet dudit texte. Rappelons que le but de la capitalisation est avant tout le souci de mieux orienter les actions pour le futur ; elle ne doit pas être conduite dans le seul souci de prouver soit l’échec soit la réussite des actions comme c’est le cas pour la plupart des projets. La capitalisation suppose aussi critiques et remises en cause des actions pour tirer des enseignements enrichissants sur les raisons de l’échec ou de la réussite. En parallèle et dans la même logique d’appui au Gouvernement, des expériences pilotes de gestion foncière décentralisée ont été initiées par les partenaires techniques et financiers du Burundi en vue de prévenir les conflits fonciers à travers la mise en place des services fonciers communaux, et partant, d’alimenter les réflexions en cours sur la réforme foncière sur base des expériences de terrain. La concertation entre différents intervenants en matière foncière avant toute nouvelle initiative est plus que bénéfique car les communautés bénéficiaires échangent leurs expériences et peuvent permettre de mettre en œuvre des actions harmonisées. A l’endroit des acteurs publics centraux et décentralisés La réussite de la décentralisation foncière passe sans condition par une appropriation des services fonciers communaux à tous les niveaux. Une implication des acteurs étatiques est une condition sine qua none pour un bon fonctionnement et la pérennisation des services fonciers communaux. L’Etat, leader incontournable dans la mise en œuvre de la politique et de la législation foncières Le leadership de l’Etat dans la mise en application effective de la politique et législation foncières en général. Le gouvernement du Burundi a lancé un communiqué de presse en date du 6 février 2008 qui établit le lien entre conflits fonciers et insécurité physique des citoyens. C’est ainsi que les partenaires techniques et financiers de l’Etat burundais ont appuyé le gouvernement à mettre en place un comité interministériel chargé de rédiger la lettre de politique foncière et d’organiser la rédaction du code foncier révisé. Ceux-ci n’ont ménagé aucun effort pour appuyer le processus de rédaction du code foncier en organisant des ateliers de réflexions et d’enrichissement de l’avant projet de code foncier, en supportant les coûts de prestation des consultants tant nationaux qu’internationaux, en faisant le plaidoyer et le lobbying pour son adoption. Les mêmes partenaires ont organisé des ateliers de 18 Un besoin de coordination des interventions en matière de réforme et de mise en œuvre de la lettre de politique foncière s’est fait sentir et une unité de coordination du programme national foncier a été mise en place. Les résultats de ce cheminement sont encourageants. Plusieurs services fonciers communaux sont opérationnels dans diverses provinces du pays et le processus de la réforme foncière suit son cours normal. Comme l’on doit s’y attendre, une multitude de textes d’application doivent être mis en place pour permettre l’achèvement de la réforme foncière au niveau réglementaire. Il est indispensable que l’Etat insère régulièrement, dans son budget annuel, une ligne budgétaire relative à la mise en œuvre de la politique et législation foncières. En outre, la mise en œuvre de la réforme va nécessiter énormément de moyens techniques et financiers que le gouvernement à lui seul ne peut pas mobiliser et que les bailleurs ne pourront pas efficacement libérer sans document clair qui évalue les coûts de mise en œuvre de la politique et législation 7 foncières . Les partenaires sont suffisamment impliqués et peuvent appuyer largement mais il appartient au gouvernement de prendre le leadership et de manifester l’intérêt de voir ses partenaires techniques et financiers l’appuyer dans le processus de la réforme foncière. 7 Fonds pour la mise en place et le fonctionnement des différentes commissions chargées d’élucider certaines questions, particulièrement la commission foncière nationale dont la mission est prépondérante ; moyens pour l’enregistrement de toutes les terres domaniales , d’autant plus qu’aucune cession ou concession ne portera sur une terre domaniale non enregistrée ; moyens pour mettre en place les services fonciers dans toutes les communes du pays, les services des titres fonciers dans toutes les provinces, etc. Dans le cas contraire, la mise en œuvre de certains aspects de la législation foncière restent lettre morte et les efforts et moyens consentis n’auront pas abouti au changement souhaité. L’implication de l’Etat dans la mise en place et le fonctionnement des services fonciers communaux A côté de sa responsabilité majeure de leader dans la réforme foncière, l’Etat doit aussi jouer un rôle prépondérant dans le fonctionnement effectif des services fonciers communaux en place et à venir. Cette implication de l’Etat devra nécessairement couvrir aussi bien la mobilisation des moyens financiers que le suivi, la coordination, le renforcement des capacités.etc. L’appui financier Le projet de code foncier dont le processus d’adoption est en cours, consacre le principe de prise en charge financière du fonctionnement des services fonciers communaux. En effet, il est prévu à travers le code foncier en révision, la prise en charge par l’Etat du salaire des agents fonciers communaux. La raison principale de cette disposition est que, la mise en place des services fonciers communaux a largement été effectuée grâce à l’aide de financements extérieurs à travers des projets limités dans le temps. Il s’avère donc indispensable de leur permettre de continuer après la clôture des projets d’appui. Or, la plupart des communes ne sont pas dotées de suffisamment de moyens financiers pour prendre en charge un personnel additionnel, la logistique y afférente (moyens de déplacements, carburant, bureautique, mobilier, matériel de bureau, etc.) et les frais perçus ne permettent pas d’assurer la pérennité financière du service. Compte tenu des activités remplies par les agents fonciers (déplacement et reconnaissance collinaire) et des compétences multiples qu’ils doivent déployer, il peut sembler juste de leur verser un salaire motivant. Cependant une inconnue subsiste : la mise en application de cette disposition va-telle être possible au regard des contraintes budgétaires et des salaires déjà précaires pour les autres agents de la fonction publique ? Une attention particulière doit être réservée à cette interrogation. 19 La désignation, la mise en place et l’organisation d’une autorité de tutelle Jusqu’aujourd’hui, les services fonciers communaux n’ont pas d’autorité de tutelle ni au niveau provincial ni au niveau national ; ce qui handicape leur contrôle par les pouvoirs publics. Il est donc indispensable de mettre en place un mécanisme de contrôle institutionnel et technique des services fonciers communaux. Ce mécanisme pourrait également servir de cadre d’échange et de sauvegarde des informations foncières en partage avec les différents services concernés. L’instauration d’un système de renforcement des capacités des agents fonciers communaux. Le travail des agents fonciers demande beaucoup d’efforts physiques, d’éthique et de déontologie professionnelle, raisons pour lesquelles le poste est aussi exigeant. Le projet a tenté d’éviter les désagréments causés par l’indisponibilité d’un agent foncier en augmentant considérablement le nombre de candidats présélectionnés et en dispensant à tous les candidats une formation préalable au test de recrutement. Ceci permet de disposer d’agents fonciers réservistes, sur lesquels la commune peut se rabattre, le moment venu, pour remplacer l’un ou l’autre agent foncier devenu indisponible. Cela conduit à s’interroger sur une pépinière de remplaçants. Recourir à des candidats réservistes est une solution en demi-teinte puisque les candidats réservistes ne peuvent attendre indéfiniment leur tour. De nombreux problèmes de gestion et de supervision des services fonciers communaux par les communes vont émerger après la clôture des activités des projets d’appui : subvenir au remplacement des agents fonciers qui peuvent partir d’un moment à l’autre; procéder au recrutement d’autres dans la transparence et pourvoir au renforcement des capacités requises, etc. Il faut également planifier le maintien et le renouvellement des compétences communales et collinaires (agents fonciers, équipes communales, membres des commissions collinaires de reconnaissance) en matière de gestion foncière sur le long terme. Avec les changements, suite aux élections, démission et limogeage, des autorités communales impliquées dans le montage et le fonctionnement du service foncier communal, le niveau de compréhension et partant d’implication et de suivi peut se trouver très dilué avec des retombées très négatives sur le fonctionnement du service foncier communal. Ceci plaide en la faveur de l’instauration d’un système global de renforcement des capacités de suivi et de recyclage continu. La mise en place d’un système de collaboration entre les services fonciers communaux et les services de l’Etat en charge de la question foncière Le service du cadastre national et le service des titres fonciers semblent hésiter à collaborer avec les services fonciers communaux. Doit-on voir dans cet état de fait la crainte d’une éventuelle concurrence au lieu de miser sur la complémentarité des deux niveaux, des deux services ? Pour rappel, les services des titres fonciers sont sollicités principalement par les propriétaires de parcelles en milieu urbain. Cependant, les procédures longues, complexes et très couteuses constituent les principales barrières à l’obtention depuis plus d’un demi-siècle, du certificat d’enregistrement par les petits paysans. Les services fonciers communaux n’ont pas compétence sur les terres déjà enregistrées par les services des titres fonciers. C’est plutôt le certificat foncier qui a vocation à être transformé à terme en certificat d’enregistrement. Aujourd’hui ce sont donc ces paysans qui constituent le gros du groupe –cible des services fonciers communaux, avec tous les avantages suffisamment évoqués plus haut. Certaines interventions dans différents ateliers de réflexion dénotent une certaine incompréhension entre les fonctionnaires des services des titres fonciers et du cadastre et les personnes en charge de la mise en place des services fonciers communaux, incompréhension, qui n’a jamais été levée depuis 2008. 20 Il appartient à l’Etat de clarifier le caractère complémentaire du travail des services étatiques en charge de la gestion foncière et des services fonciers communaux et de créer les conditions nécessaires pour la collaboration et l’échange d’information entre ces services afin d’éviter tout chevauchements. Ceci devra transparaître plus tard notamment dans la mise en œuvre de la transformation, prévue par le projet de code foncier, du certificat foncier en certificat d’enregistrement. Rôle central de la commune dans la mise en place et le fonctionnement du service foncier communal A travers la loi communale de 2005, telle que révisée en 2010, la commune a la prérogative de créer un service public pour répondre aux besoins précis de sa population. C’est le conseil communal qui est habilité à créer, à organiser et à gérer les nouveaux services publics dont le service foncier communal. Nous avons eu à constater que la commune considère l’agent foncier plus comme l’agent de l’organisation d’appui que comme un agent communal, et ce malgré les réunions d’information et de sensibilisation, la signature du contrat d’objectifs où les responsabilités respectives de l’organisation d’appui et de la commune sont précisément définies. La création et l’insertion du service foncier dans la structure administrative de la commune est perçue beaucoup plus par rapport au partage de ressources matérielles qu’à l’entière responsabilité de l’administration communale à gérer le service foncier communal. Ainsi, si l’administration communale utilise facilement les moyens matériels du service foncier communal (ordinateur, imprimante, moto, etc.) elle contribue peu ou pas aux activités de contrôle qualité du service foncier communal. On observe une certaine confusion délibérée de l’administration communale par rapport au répondant au premier chef du travail des agents fonciers entre la commune et les organisations d’appui. L’implication de l’administration communale devrait trouver sa pleine expression lors de la mise en œuvre et du suivi des activités du service foncier communal. L’expérience montre que c’est l’organisation d’appui qui initie et soutient les travaux alors que l’appropriation devrait conduire à la prise en main par l’administration communale. Ceci tient peut être aux critères de choix des communes à appuyer pour la mise en place et le fonctionnement des services fonciers communaux. Le choix est souvent dicté par la présence du partenaire dans la zone d’action plus que par l’intérêt manifesté par les communes bénéficiaires du service foncier communal. Les conséquences sont un engagement dilué et une appropriation moins marquée par l’administration communale. Des valeurs d’intégrité et de morale doivent caractériser les membres des commissions collinaires de reconnaissance. Ceci permet de continuer à garantir la transparence et la liberté d’action à ces acteurs collinaires pour favoriser et maintenir cette appropriation communautaire, ainsi que le degré d’engagement citoyen observé au cours du projet. Le service foncier communal Pour relever ce défi d’appropriation, il faudrait alors, à travers les manifestations d’intérêt, que les communes expriment le besoin du service foncier communal et précisent la contribution de la commune pour le suivi de l’activité du service foncier communal, ainsi que sa contribution technique et financière. En effet, dès la mise en place des services fonciers communaux, il faut à tout prix limiter l’effet-projet. Plus la commune prend des engagements qui émanent d’elle-même au moment de la manifestation d’intérêt, plus grands seront son engagement et son appropriation. Une forte implication de l’administration accroît la crédibilité du projet et facilite ainsi la mobilisation des communautés bénéficiaires. Implication collinaires des acteurs Du fait du caractère transparent, public et contradictoire des opérations de reconnaissance, les membres des commissions collinaires de reconnaissance, le requérant de certificat foncier, les propriétaires des parcellaires avoisinantes et les éventuels opposants sont indispensables pour la validation des droits revendiqués par le requérant de certificat foncier. 21 Reconnaissance collinaire – Opérations de délimitation Remise solennelle des premiers certificats fonciers Conclusion En partageant cette expérience de mise en œuvre du projet d’appui à la décentralisation foncière, l’APDH a conscience de la portée limitée au regard des défis qui se posent en matière foncière au Burundi. La sécurisation de la tenure foncière est certes un défi parmi les plus importants, mais il n’est pas le seul pour le pays. Il serait donc illusoire, de se limiter à élever le niveau de sécurisation des terres sans questionner les autres aspects, qui non seulement compromettent cette sécurité mais aussi la rendent inutile même lorsqu’elle est supposée acquise à travers l’obtention d’un titre juridiquement valable. Si nous revenons sur des aspects déjà évoqués, c’est pour souligner davantage leur caractère essentiel dans l’aboutissement de la réforme foncière et en particulier la sécurisation foncière, et l’’amélioration du cadre légal et institutionnel actuellement en cours. Quelques unes des idées développées ont déjà été relevées dans un document de stratégie d’intervention en matière foncière élaboré dans le cadre d’une étude conjointe menée par le Gouvernement du Burundi et 8 l’UNOPS . La volonté politique est la clé de la réussite de la réforme foncière. Toute réforme d’ampleur sociale, et à fortiori toute réforme foncière, est une question politique et de politique, au propre comme au figuré (au sens anglo-saxon de politics mais aussi de policies). Si les expériences pilotes de sécurisation foncière en cours ont surtout été portées par des projets de coopération, essentiellement sur le plan technique et financier, il est grand temps de lancer une nouvelle invitation au Gouvernement pour qu’il 8 PNUD- UNOPS- CNTB : Etude sur la problématique foncière et les solutions alternatives face aux défis de la réintégration et réinsertion des sinistrés au Burundi, étude réalisée par PEM-Consult, Octobre 2007 22 mesure l’importance de cette politique en déployant toute la volonté politique nécessaire et tout ce qu’elle implique au niveau des coûtsavantages sur le plan politique, d’abord, et financier ensuite. Un dispositif institutionnel est déjà en place avec les services fonciers communaux ; une réforme du cadre légal évolue mais tout n’est pas encore gagné tant qu’il manque encore des politiques foncières qui soient nationales, claires, réalistes et cohérentes, Sans perception claire des enjeux politiques de la problématique foncière, sans vision cohérente des perspectives foncières, sans un engagement politique sans faille au niveau du Gouvernement, l’avenir du processus de gestion foncière décentralisée et de sécurisation des terres ne pourra pas avancer efficacement. Si toutes les discussions et les initiatives passées et en cours ont toujours mis la terre au centre des efforts de réconciliation nationale, l’Etat doit impérativement tracer des orientations politiques capables de concilier l’objectif de la « paix sociale » et du « développement ». Le Burundi ne doit pas seulement avoir une terre parce qu’il est burundais (fonction sociale identitaire), mais il faut aussi que la terre burundaise arrive à contribuer au mieux-être des personnes, des familles et de la société (fonction économique et de production). Tout cela relève de la politique pour les orientations à plus ou moins long terme et de l’action des politiciens au quotidien à travers des discours et messages politiques, des actes symboliques et de l’exemplarité des hommes politiques en faisant correspondre discours à l’action. La problématique foncière doit être abordée dans ses multiples facettes. La question de la sécurisation foncière a bénéficié de l’attention et d’appuis substantiels des partenaires du Gouvernement, dont l’APDH. Si la sécurisation foncière en vue de la prévention et de la résolution des conflits fonciers a occupé une bonne partie de l’agenda au cours des deux dernières années, elle ne doit pas créer d’ombre sur les autres dimensions actuelles de la problématique foncière, qui elles aussi recommandent action et urgence. Comme d’autres documents et analyses n’ont jamais cessé de l’affirmer et de le confirmer, le foncier n’est en effet pas un enjeu en soi. La question foncière ne révèle toute son acuité que lorsqu’elle est envisagée dans son articulation avec les différents aspects de l’activité humaine : production agricole, logement, création d’infrastructures économiques et sociales, préservation de l’environnement, gestion des ressources naturelles, l’équité sociale et respect des droits humains. La sécurisation foncière devra alors être inscrite dans un agenda assez vaste d’objectifs stratégiques de développement de l’Etat (lutte contre la pauvreté notamment) et aussi en tant que stratégie transversale à prendre en compte dans la définition d’autres politiques sectorielles ayant trait à la terre politique démographique, habitat, prévention des conflits, justice, développement communautaire, aménagement du territoire…). Il est très important aujourd’hui de commencer à travailler de manière très profonde sur les alternatives à la terre. La terre, hier perçue comme une ressource inépuisable, ne servira 23 que si elle rentabilisée à travers des économies d’échelles (exploitation agricole moderne) et un meilleur accès à d’autres sources d’opportunités et de revenus des secteurs secondaires et tertiaires, surtout pour les jeunes. La prise en compte des réalités locales et nationales dans le processus de la réforme foncière s’impose. Les expériences de sécurisation foncière en cours évoluent positivement sans doute parce qu’elles font en grande partie tout, pour prendre en compte les réalités spécifiques à chaque commune d’intervention, et même à des zones spécifiques à l’intérieur de la commune. Le profil social et économique des communes a été pris mis en exergue par les diagnostics socio-fonciers et pris en compte dans les autres étapes, notamment la signature des contrats d’objectifs avec les communes partenaires. Cela a constitué une tentative d’innovation dans la mise en œuvre des projets, en coupant un peu la logique de standardisation des interventions à des contextes locaux assez différents. Dans la même logique, les autres aspects de la réforme foncière devront être appréhendés sur la base d’une connaissance fine et croisée des réalités nationales et locales ainsi que sur une considération des perceptions et des attentes de la population. Les réponses à la problématique foncière burundaise doivent être « sur mesure ». Elles doivent épouser les spécificités de la problématique foncière nationale et locale et apporter des réponses concrètes aux problèmes fonciers majeurs clairement identifiés. Si l’expérience de sécurisation foncière a été essentiellement inspirée par des expériences externes et portée par des projets de coopération internationale, le Gouvernement et ses partenaires ne doivent pas oublier que l’emprunt d’expériences devrait servir à alimenter des processus endogènes de recherche de solutions nationales, qui correspondent et répondent aux défis et aspirations locales. Une participation citoyenne centrée sur la responsabilisation et la construction des capacités au niveau national doit être encouragée et soutenue. L’une des réussites-clé des projets d’appui à la décentralisation de la gestion foncière est d’avoir réussi à mobiliser un certain leadership communautaire et à susciter même un volontariat au service de la communauté. Les comités collinaires de reconnaissance font un travail énorme, sans être payés et échappent ainsi à une logique de monétarisation du moindre service rendu à la société. Nombre d’ONG et de projets ont en effet introduit des indemnités pour la moindre réunion communautaire, au point même de rendre la communauté vulnérable à une sorte de paresse pathologique pour laquelle certains ironisent en en parlant comme d’une affection chronique. Cet élan communautaire suscité par le projet devra être repris dans tout le processus de réforme foncière pour autant que nous sommes conscients qu’il n’y aura pas toujours suffisamment de bailleurs et d’argent pour mettre en œuvre une réforme d’une aussi grande ampleur sociale. La participation de la population, comprise comme l’opportunité donnée aux catégories clés d’acteurs concernés d’apporter leur pierre et leur sensibilité à la construction de l’édifice foncier burundais, ne devra plus se limiter à la simple information ou à la consultation destinée à valider des options déjà arrêtées par le Gouvernement et ses partenaires de haut niveau. Toutes les catégories sociales doivent être incluses pour éviter de laisser en marge du processus de réforme, pour quelque raison que ce soit (politiques, idéologique, culturelles ou autres), certaines catégories de Burundais, etc. Si l’on a souvent tendance à dire que le manque de moyens financiers bloque la mise en œuvre des politiques, nous devrons travailler sur des stratégies alternatives, notamment la stimulation du bénévolat et la 24 mobilisation des ressources au niveau de la communauté. Les séances de reconnaissance collinaire constituent un modèle d’implication des membres des communautés dans l’action au profit d’autres membres de leur localité. A un autre niveau, il faut réellement investir dans le renforcement des capacités des acteurs nationaux, pour que la réforme soit portée par des burundais, qui à côté de le faire à titre professionnel, sentent également cette vocation de contribuer à un véritable changement social au profit de leur pays. Ceci va préparer le processus à une résilience face aux « intempéries » de la coopération internationale et préparer la pérennisation des acquis de la réforme. La gestion de la transition : demain commence aujourd’hui. Si nous ne doutons pas de la valeur ajoutée de la sécurisation foncière en milieu rural, nous ne devons pas occulter des questions qui s’y imposent et auxquelles rien ou personne ne veut répondre. Nous pouvons soulever à titre illustratif deux aspects, à savoir la gestion des terres à l’échelle intra-familiale et l’épineuse question de l’accès de la femme à la terre. En effet, si les burundais continuent avec le même mode de gestion familiale des terres, en partageant, divisant déchiquetant le moindre lopin de terres, on peut s’interroger sur ce que deviendra la valeur ajoutée de détenir un titre juridique prouvant des droits fonciers dont la consistance et la durabilité tiennent à un fil. La question reste entière de savoir s’il est possible d’imposer, comme certains pays l’ont tenté, des restrictions objectives sur le partage successif des terres entre les descendants d’une même famille et encourager une gestion plus familiale et communautaire. Dans un autre registre, est-il possible de continuer à renforcer la sécurité juridique des droits fonciers des citoyens dans un contexte où les femmes n’héritent ni ne détiennent des droits fonciers à titre de pleine propriété ? Cette interrogation vaut la peine d’être soulevée lorsque nous savons et affirmons que toute réforme sociale doit mettre en avant l’idée d’équité sociale et de dignité humaine. 25 Tous les cadres de concertation sur le processus de sécurisation foncière et APDH en particulier, ont toujours ramené au grand jour ces dilemmes. Lors des échanges et des enquêtes, les populations, les citoyens, la communauté, n’ont pas cessé de demander s’il est possible de « partager le certificat foncier » ? Si les « femmes peuvent obtenir un certificat foncier » ?... Ce sont des interrogations qui appellent chacune une réponse urgente – pendant même cette phase de transition entre la situation foncière actuelle explosive et la situation foncière post-réforme tant désirée. Il y a tant à faire, tant au niveau légal (adoption du code sur les successions, libéralités et régimes matrimoniaux) qu’au niveau sociopolitique en adoptant une politique du genre plus égalitaire et un dialogue communautaire ouvert. Les associations partenaires APDH - Association pour la Paix et les Droits de l’Homme Agréée par l’Ordonnance Ministérielle n° 530/689 du 13 août 1998, l’Association pour la Paix et les Droits de L’homme, APDH en sigle est une association sans but lucratif de droit burundais qui œuvre dans la promotion de la paix et des droits humains au Burundi depuis 1998. France International Foncière (FIEF) Expertise A pour buts de mettre l’expertise en matière de politiques foncières et systèmes cadastraux au service de pays étrangers en particulier en voie de développement en vue d’établir , d’améliorer et de mettre en œuvre une politique foncière, agricole et rurale. Elle travaille avec les communautés, les institutions publiques, les autres organisations non gouvernementales, nationales et internationales, engagées dans la promotion de la justice, la consolidation de la paix, la résolution des conflits (principalement les conflits fonciers), l’éducation aux droits humains, la démocratie et la Gouvernance. Cette organisation intervient sur les questions foncières depuis 2003 et a développé une grande expertise dans la recherche sur la question foncière et dans la mise en place des programmes de gestion foncière décentralisée en collaboration avec d’autres partenaires nationaux et internationaux, dont l’Union Européenne, la Coopération suisse et ICCO. Son approche de plaidoyer centrée sur des recherches participatives permet de maximiser les chances de réussite des interventions en matière d’éducation aux droits humains et à la paix ; de résolution des conflits et de promotion de la participation citoyenne dans la gestion de la chose publique. 26 Géomètres Sans Frontières (GSF) A pour buts de participer à tous les projets ou actions d'Aides Techniques et Économiques dan les régions du monde défavorisées ou sinistrées Favoriser la sensibilisation des Géomètres à une ouverture internationale Favoriser l'organisation d'activités humaines et économiques. 27 A la lumière de quelques chiffres (PIB par habitant 400 US$, 8 millions d’habitants, croissance démographique de 4%, population essentiellement agricole) on comprend bien que la question foncière au Burundi constitue un enjeu fondamental pour le développement d’un pays en période post conflit. En effet, l’exigüité des terres aggravée par la démographie galopante et le retour des réfugies favorise la multiplication des conflits fonciers et un frein au développement. La complexité des conflits fonciers trouvent aussi son origine dans la gestion domaniale et foncière des terres ainsi qu’à des mouvements de populations survenus au cours de l’histoire du pays, des mouvements pour le développement agricole des zones de plaine mais aussi pour la recherche de travail, etc. L’objectif général de l’action de sécurisation foncière est de répondre à la demande massive de la population rurale en sécurisation foncière, dans de brefs délais et à des coûts ajustés au contexte économique des bénéficiaires, par la formalisation des droits fonciers non écrits et par la sauvegarde et la régularisation des droits fonciers écrits. Les résultats attendus sont en l’occurrence l’obtention par les usagers fonciers des certificats fonciers, preuves écrites des droits fonciers qui correspondent à un niveau de sécurisation intermédiaire et le renforcement des capacités des acteurs fonciers locaux à travers l’appui conseil et les formations. La présente publication présente le projet conduit par APDH (Expériences pilotes de gestion foncière décentralisée dans la province de Gitega, en tire les leçons et enseignements et fait des propositions et recommandations pour que cette action favorise le débat et la réflexion sur la question de la terre au Burundi, une ressource précieuse pour laquelle il reste encore beaucoup à faire pour la sécuriser, l’aménager et la protéger.