Médicaments:comment enfiniravecl`overdose - Annuaire
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6 0123 dossier Mardi 7 janvier 2014 Les dépenses pharmaceutiques s’emballent avec l’arrivée detraitements toujours plus onéreux. Les pouvoirs publics doivent enrayer cette hausse, tout en préservantla qualité des soins. Quatre pistes sont privilégiées mais elles sont toutespolitiquement sensibles Médicaments: comment en finir avec l’overdose u lendemain des fêtes, à l’heure desmigraineset des rhumes,les petitesboîtesjaunesde Doliprane ont la cote dans les officines. S’il est en vente libre, bon nombre de patients profitent d’une visite chez le médecin pour se faire prescrire et remboursercetantalgiquecourantdontleprincipeactifestleparacétamol:surles237millions de boîtes vendues en 2012, 190 millions étaient liées à une ordonnance. Montant de la facture pour la collectivité : 276millions d’euros pour la Sécurité sociale (c’est le cinquième poste de remboursement) et 117millions pour les mutuelles. Pis, ce médicament, qui n’est pourtant protégé par aucun brevet, n’est toujours pas considéré comme un générique. Le pharmacien n’a pas le droit de lui substituer un autre paracétamol, bien qu’il en existe des dizaines sur le marché. La boîte de Doliprane 500 mg ou 1 000 mg étant vendue 1,95 euro contre 1,90 pour ces copies, le surcoût s’élève à 9,5 millions d’euros. L’emblème du laboratoire françaisSanofi n’est pasle seuldansce cas.Efferalgan et Dafalgan, les deux marques de paracétamol du britannique BMS, bénéficient de la même protection et du même prix. Les Français en achètent 180 millions deboîtes par ansur unmarchétotald’environ 500 millions, le paracétamol étant le médicament le plus consommé en France. En décembre 2013, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a jeté un pavé dans la marre en indiquant qu’elle envisageait d’inscrire le Doliprane, l’Efferalgan et le Dafalgan au répertoire des génériques,tandis que le Comité économique des produits de santé (CEPS) annonçait une baisse de 5 centimes de leur prix. « Cette baisse interviendra fin 2014 et permettra d’économiser à l’Assurance-maladie une vingtaine de millions », indique Dominique Giorgi, président du CEPS. Ces deux annonces, qui semblent aller dans le bon sens du point de vue des finances publiques, sont bien embarrassantes pour le gouvernement. En effet, la protection dont bénéficient ces médicaments a une contrepartie tacite : le maintien de leur production en France. Le Doliprane est produit à Lisieux (Calvados) et le Dafalgan, comme l’Efferalgan, à Agen. La baisse de leur prix et la concurrence des génériques pourraient bien mettre en péril l’avenir de ces sites. Lecasse-têteduDoliprane est emblématique des paradoxes du système français. D’un côté, tout le monde s’accorde à dire qu’il faut réduire la facture des médicaments,l’unedesplusélevéesau mondepar habitant. De l’autre, les autorités doivent composer avec les héritages d’un passé pas si lointain. « Jusqu’au début des années 1990, le prix des médicaments était fixé selon des considérations très politiques », rappelle un observateur. «Ils étaient négociés en échange de promesse d’usines et de création d’emplois. Sans oublier le financement des partis politiques.» Dans ce contexte, comment l’Etat peutil se montrer à la fois plus économe sur les médicaments courants, et plus généreux dans le financement de traitements innovants et onéreux, notamment dans le cancer ? Cette équation se pose avec acuité dans une France « accro » aux médicaments. Quatre pistes sensibles politiquement, mais à explorer en priorité. A S’attaquer aux rentes de situation Comme le Doliprane, plusieurs médicaments bénéficientd’une exception. C’est le cas par exemple des antiasthmatiques administrés par voie respiratoire comme la Ventoline ou la Seretide – deux médicamentsdu laboratoirebritanniqueGSKproduits à Evreux – qui ne peuvent pas non Usine de production des comprimés de Doliprane du groupe Sanofi, à Lisieux (Calvados), en 2008. MYCHELE DANIAU/AFP LE DOLIPRANE, REMBOURSÉ ET NON GÉNÉRIQUÉ, COÛTE 276 MILLIONS D’EUROS À LA SÉCURITÉ SOCIALE ET 117 MILLIONS AUX MUTUELLES plusêtre substituésen pharmacie. En France, ces médicaments ne sont pas inscrits au répertoire des génériques, officiellement protégés par le brevet de leur inhalateur. Une exception française, puisque dans les autres pays européens, ces médicaments – dont la molécule est tombée dans le domaine public – sont génériqués. «Il faut mettrefinà certainesrentesdesituationdes laboratoires et éviter le chantage à l’emploi avec les cotisations des assurés sociaux et des adhérents mutualistes », estime Jean- Martin Cohen Solal, délégué général de la Mutualité française. Selon lui, 961 millions d’euros d’économies auraientpu être réalisés en 2012 si le principe de substitution avait été correctement appliqué. Et en élargissantencorelerépertoiredesgénériques, 400 millions d’euros supplémentaires auraient pu être dégagés. Autres économies possibles: le déremboursement des spécialités dont l’intérêt thérapeutique a été jugé insuffisant par la Haute Autorité de santé (HAS), l’instance qui « note » les médicaments. Dans la ligne de mire, près de 500 produits, dont des sirops contre la toux, des décontracturants, des veinotoniquescomme le Daflon de Servier et des vasodilatateurs comme le célèbre Tanakan d’Ipsen. Les premiers déremboursements ont déjà permis de diminuer de manière importante leur consommation. Une étude menée en 2007, un an après une première vague de déremboursement, confirme une baisse de moitié du «Près de 3milliards d’euros économisés entre 2012 et 2014 » Questions à… Dominique Giorgi, président du Comité économique des produits de santé ORGANISME interministériel placé sous l’autorité des ministres chargés de la santé, de la Sécurité sociale et de l’économie, le Comité économique des produits de santé (CEPS) est l’instance qui fixe le prix des médicaments. Comment est fixé le prix d’un nouveau médicament ? Nous tenons compte principalement de sa valeur ajoutée thérapeutique – reflétée par une note attribuée par la commission de transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) –, du prix des médicaments auxquels il se compare et des volumes prévisionnels de vente. Pour les produits les plus innovants – une dizaine par an, autorisés au niveau européen et qui obtiennent une note élevée de la part de la commission de transparence –, le prix ne peut pas être inférieur au minimum fixé dans quatre autres pays européens: le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. Y Les médicaments vendus en France sont-ils plus chers qu’ailleurs ? Nous avons réalisé une étude comparative portant sur 167médicaments, encore protégés par un brevet, vendus en France et en Italie, un pays auxquels on compare souvent la France. Ces produits sont significatifs, car ils réalisent en France 4,35milliards d’euros de chiffre d’affaires sur un marché du médicament de 25milliards. Dans 94% des cas, ils sont vendus moins cher dans les officines françaises que dans les pharmacies italiennes. De manière générale, nos prix sont souvent compétitifs pour les médicaments sous brevet, ce qui explique que des pharmaciens allemands, britanniques ou italiens soient approvisionnés à partir d’exportations françaises. Nous exportons pour 250millions d’euros de médicaments, alors que les importations parallèles – les médicaments achetés moins cher à l’étranger et reven- dus en France – ne pèsent que 15millions d’euros. De quels leviers dispose le CEPS pour faire baisser le prix des médicaments ? Nous ciblons en priorité les médicaments anciens, qui ne sont plus protégés par un brevet, qu’ils soient génériques ou non. En 2014, nous allons par exemple diminuer de manière significative le prix de toutes les statines (anticholestérol), avec des baisses de 32% en moyenne pour les princeps [médicaments de marque] et de 28% pour les génériques, ce qui représente 130millions d’économies. En réalité, toutes les classes de médicaments sont touchées à un moment ou à un autre: lorsque leurs ventes augmentent beaucoup, lorsque nous repérons des prix inférieurs chez nos voisins européens, ou lorsque les produits ne sont plus protégés par leur brevet et que des génériques arrivent… Nous avons économisé entre 400 et 500millions par an entre2007 et 2011, et pour 2012, 2013, et 2014, ce chiffre s’élève à environ 900millions par an. Près de 3 milliards en trois ans! Autre outil : l’encadrement des chiffres d’affaires de certains médicaments en fonction du nombre estimé de patients à traiter. Si certains seuils sont dépassés, le laboratoire doit verser des remises à la Caisse nationale d’assurance-maladie. Au total, en 2012, les laboratoires ont ainsi reversé 327 millions. Enfin, exceptionnellement, nous signons avec le laboratoire un contrat de performance. Si la démonstration n’est pas concluante, le prix du médicament est révisé à la baisse et l’entreprise peut être contrainte de rembourser une partie du chiffre d’affaires réalisé. La nationalité d’un laboratoire ou la situation économique d’une usine peuvent-elles infléchir cette politique ? A partir du moment où nous respectons les objectifs d’écono- mies qui nous sont fixés par le gouvernement et le Parlement, nous pouvons ajuster nos interventions. En même temps que nous ciblons telle classe thérapeutique ou tel médicament en particulier, nous regardons qui va en faire les frais. Nous nous efforçons de répartir l’effort entre l’ensemble des laboratoires, nous tenons compte de l’évolution de leurs ventes en France, de l’effort que chacun a déjà fait ces dernières années et du contexte industriel qui leur est propre. Le Comité traque les rentes de situation, mais il n’est pas là pour mettre à bas le secteur pharmaceutique. Nous avons par exemple constaté que nos mesures allaient avoir un impact de 120millions sur un industriel qui fabrique plusieurs médicaments dont le prix a été revu à la baisse. C’est trop d’un seul coup. Nous avons donc accepté d’étaler cet effort sur deux ans pour lui laisser le temps de s’ajuster. p Propos recueillis par C. Hr 0123 7 dossier Mardi 7 janvier 2014 nombre de boîtes vendues (avec un chiffre d’affaires de 384 millions d’euros, contre 657 millions d’euros en 2006). Etats-Unis: un système coûteux et inégalitaire Mettre fin aux prescriptions inutiles New York Correspondant Mais les économies attendues ne sont pas aussi importantes qu’escomptées en raison du report, parfois injustifié, des prescriptions vers d’autres médicaments. En 2011, l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé a ainsi constaté une augmentation « médicalementinattendue»desprescriptionsd’antitussifs (remboursés). Il suspecte les médecins de les prescrire comme placebo à la place des expectorants (déremboursés) «face à la forte demande des patients». Un mal bien de chez nous: en moyenne, chaque Français consomme 48 boîtes de médicaments par an. « Il y a davantage de prescriptions,ce sont des enjeux de comportements», reconnaissait à l’automne Marisol Touraine, la ministre de la santé. « Aux Pays-Bas,quandvoussortezdechezlemédecin, vous avez une ligne et demie en moyenne de prescriptionsur votre ordonnance; en France c’est cinq lignes», a-t-elle ajouté. Autre constat alarmant : la part des génériques dans ces prescriptions reste modeste avec un quart des boîtes seulement. Ainsi, le Crestor d’AstraZeneca est la statine (anticholestérol) la plus prescrite en France, avec près de 340 millions d’euros remboursés en 2012, et plus généralement, la part de marché des marques (Tahor, Zocor…) reste très importante alors qu’il existe de nombreux génériques. « AUX PAYS-BAS, CHEZ LE MÉDECIN, VOUS AVEZ UNE LIGNE ET DEMIE DE PRESCRIPTION, EN FRANCE C’EST CINQ » Marisol Touraine ministre de la santé Réduire le prix des génériques Peu prescrits, les génériques sont aussi plus chers que chez nos voisins, car ils incluentla rémunérationversée aux pharmaciens pour les inciter à substituer ces copies bon marché aux médicaments d’origine. La loi leur garantit ainsi une marge sur les génériques identique à celle des « princeps » et, en plus, la possibilité de négocier en direct des remises avec les fabricants. « En principe limités à 17 % du prix catalogue, ces rabais peuvent en réalité grimper jusqu’à 30 %, voire 35 %, regrette M. Giorgi. Mais il est difficile de renégocier les prix sans se poser la question du revenu des pharmaciens et de l’équilibre d’exploitation des industriels du générique. » Résultat de toutes ces exceptions culturelles: la France dépense en moyenne chaque année 615 dollars (451,8 euros) par habitant pour ses médicaments. C’est moins que l’Allemagne (632 dollars) ou les Etats-Unis(985 dollars) mais bienplus que les Pays-Bas (479 dollars) ou le Danemark, le meilleur élève d’Europe (266dollars). Chloé Hecketsweiler d’hui 75 % des ventes de médicaments éthiques (prescrits sur ordonnance) aux Etats-Unis et prennent en charge les achats de 57% de la population américaine. Fort recours aux génériques « Ces acteurs établissent leur propre liste de médicaments remboursables et, quand il y a de la concurrence dans une classe thérapeutique, ils négocient avec les fabricants pour accorder une sorte de label de “médicament préféré” par rapport à d’autres produits », explique Valérie Paris, analyste des systèmes de santé à l’OCDE. Les ristournes sont d’autant plus importantes que l’organisme négociant est plus puissant. Cellesci peuvent aller jusqu’à 27 %. Ce système a deux inconvénients. D’abord, le prix final n’est jamais connu des assurés. Ensuite, il aboutit à une situation paradoxale où ce sont les personnes les moins bien assurées, ne bénéficiant pas de ce pouvoir de négociation, qui paient le plus cher leurs médicaments. La réforme du système de santé, dite « Obamacare», vise à gommer cet effet, même si son impact reste encore difficile à évaluer. Toujours est-il qu’un Américain paye en moyenne de sa poche 285 dollars (208,80 euros) pour acheter ses médicaments (chiffres de 2011), selon les statistiques des Centers for Medicaid and Medicare Services, contre 111 dollars pour un Français. En revanche, la vertu du système est le recours plus systématique qu’en Europe aux génériques. En 2012, 84 % des prescriptions ont été distribuées sous forme de génériques, selon IMS Health. Concernant les médicaments innovants, où la concurrence est quasi inexistante, le système de fixation des prix est plus aléatoire. Sur les 12anticancéreux approuvés par la Food and Drug Administration, l’agence américaine du médicament, en 2012, 11 ont été facturés au-dessus de 100 000dollars par an. L’American Society of Hematology s’est émue récemment de ces prix «astronomiques», qui excluent quantité de patients de ce type de traitement et qui pèsent sur la viabilité financière du système de soins de santé américain. p Stéphane Lauer Royaume-Uni: une année de vie vaut 35000euros Londres Correspondance Entre une politique budgétaire d’austérité, une population vieillissante et des soins toujours plus sophistiqués – et donc plus chers –, le système de santé britannique (National Health Service, NHS) est sous une énorme pression financière. Pour tenter de maîtriser les coûts, les autorités se sont notamment attaquées à la facture des médicaments, avec une double approche. La première a été de négocier avec l’industrie pharmaceutique un encadrement de la facture globale de médicaments, qui s’élevait pour le NHS à 13 milliards d’euros en 2012 (hors médicaments génériques). Dans un nouvel accord de cinq ans, l’industrie s’est engagée à la geler pour 2014 et 2015 et à en limiter la hausse à 1,8% par an pendant les trois années suivantes. Encadrer le prix des nouveaux médicaments Dernier levier d’action: éviter une flambée du prix des nouveaux traitements, notamment en oncologie. « Dans les centres de lutte contre le cancer, l’enveloppe pour les médicaments innovants et onéreux est passée de 95 millions en 2004 à 192 millions en 2012 », constate le professeur Josy Reiffers, président d’Unicancer. Plus inquiétant : les hôpitaux doivent payer de leur poche un nombre croissant de médicaments que l’Assurance-maladie refuse de rembourser. C’est le cas du Nulojix, un immunosuppresseur (1 000 euros par mois, à vie) ou du Jevtana, indiqué dans le cancer de la prostate (25 000 euros par patient en moyenne). En toile de fond, une question délicate: que vaut un jour de vie supplémentaire ? Cette approche choisie par le RoyaumeUni pour évaluer ses médicaments commence à faire son chemin en France. « Ce n’est pas parce qu’un médicament a obtenu une autorisation de mise sur le marché qu’il doit être remboursé à n’importe quelprix »,souligneGillesBouvenot,président de la commission de transparence de laHAS, quiévaluelesmédicamentsnotamment en fonction de nombre de jours de survie supplémentaire qu’ils apportent. Conscientsquelesportesduremboursement risquent de s’ouvrir plus difficilement, des industriels comme le laboratoiresuisseRochecommencentà proposer unmécanismerévolutionnaire,sur leprincipe du « satisfait ou remboursé». L’idée : lier le paiement des traitements à leur efficacité chez chaque patient. «Si la démonstrationn’estpasconcluante,leprixdumédicament est révisé à la baisse et l’entreprise peutêtrecontraintederembourserunepartie du chiffre d’affaires réalisé », précise M.Giorgi. « Ces clauses sont confidentielles car très risquées pour les entreprises, avec une influence potentielle sur leur cours de Bourse.» La fin d’un certain âge d’or. p Le marché du médicament aux Etats-Unis est à l’image du système de santé américain: cher et assez opaque. La dépense pharmaceutique moyenne par habitant y est la plus élevée du monde: 985dollars (722euros) par an, contre 615dollars en France, selon les dernières données disponibles (2011) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les prix de détail des médicaments y sont supérieurs de près d’un tiers à ceux de la moyenne des pays développés. Le coût du système de santé américain représente près de 17,7% du produit intérieur brut (PIB). C’est deux fois plus qu’au Japon ou en Suède, où les populations sont généralement en meilleure santé et vivent plus longtemps. Si le médicament n’est pas seul à l’origine de l’envolée des coûts, sa part de responsabilité est loin d’être négligeable. «Les mises sur le marché de nouveaux médicaments onéreux sont plus nombreuses», avance Panos Kanavos, spé- cialiste des politiques de santé à la London School of Economics dans une étude d’avril2013. Si le marché américain est plus cher que d’autres, c’est surtout parce que le prix du médicament est libre. Mais cette latitude est circonscrite, d’un côté, par la réglementation des prix en vigueur dans certains programmes publics et, de l’autre, par la concurrence que se livrent les assureurs du privé. In fine, rares sont les patients qui paient le prix catalogue fixé par les laboratoires. Dans le secteur public, le système encadre strictement les tarifs des médicaments. Dans le cadre du Medicaid (programme d’aide aux plus nécessiteux), les Etats fédérés bénéficient d’un rabais de 15 % sur le prix des médicaments d’origine, dits « princeps », et de 11 % sur les copies génériques. Dans le secteur privé, les organismes gestionnaires de prestations de santé, comme les Pharmaceutical Benefit Managers (PBM) et les Health Maintenance Organizations, interviennent entre les fabricants de médicaments et les assureurs. Les PBM gèrent aujour- Dans les faits, chaque laboratoire demeure libre de facturer le prix qu’il entend pour un traitement. Mais il reverse chaque trimestre un chèque au NHS, pour compenser la différence entre la hausse effective de sa facturation et l’engagement de geler la facture. Approche comptable Ce système compliqué a l’avantage de permettre d’introduire rapidement de nouveaux médicaments sur le marché, sans avoir à passer par un long processus de négociation des prix. Il permet aussi à l’industrie pharmaceutique de conserver sa liberté de décision sur les tarifs. La seconde approche du Royaume-Uni pour réduire la facture des médicaments est d’adopter une approche purement économique, voire comptable, des traitements les plus chers. Un organisme public, le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE), évalue de façon aussi froide et précise que possible le rapport coût-efficacité d’une thérapie. Concrètement, un traitement contre le cancer très cher, mais qui va prolonger l’espérance de vie de quelques années, en vaut-il la peine ? Ne vaut-il pas mieux dépenser les mêmes sommes dans d’autres médicaments qui bénéficieront à plus de monde ? Pour tenter de répondre à ces questions, le NICE se fonde sur un indicateur créé par des économistes, le « qaly » (quality-adjusted life-year), qui mesure chaque année de vie gagnée dans de bonnes conditions (une année en bonne santé n’est pas jugée équivalente à une année avec un handicap lourd). L’institut a tranché : à moins de 35 000 euros par « qaly » gagné, il autorise quasi systématiquement un nouveau traitement. Au-delà, cela dépend des circonstances. Par exemple, les traitements pour les maladies orphelines sont plus chers, parce que plus rares, et le NICE s’efforce de faire preuve de souplesse dans ces cas-là. Les décisions de NICE sont régulièrement controversées. Elles peuvent par exemple rendre inaccessible au Royaume-Uni un médicament qui est remboursé dans d’autres pays d’Europe. Les associations de patients montent souvent au créneau. Un fonds à part a donc été créé pour aider au paiement des traitements contre le cancer, souvent très onéreux. « Mais (…) la méthode présente des avantages, estimait récemment, dans la revue Acteurs publics, Luc Baumstark, de l’université LyonII. Elle introduit de la transparence et permet d’harmoniser les pratiques, donc de créer les conditions d’une efficacité de la dépense.» p Eric Albert Des médicaments innovants « bon marché » et des génériques trop chers PRIX MOYEN ET TAUX DE MARGES DE DISTRIBUTION DES MÉDICAMENTS, EN 2012 NIVEAU COMPARÉ DES PRIX DES MÉDICAMENTS LES PLUS INNOVANTS (ASMR 1-2-3) SOUS BREVET COÛT MOYEN DES GÉNÉRIQUES PAR COMPRIMÉ, EN CENTIMES D’EURO, EN 2011 L'ASMR (amélioration du service rendu) est la note du médicament qui apporte un progrès par rapport aux traitements disponibles 11,98 € France ITALIE 15 Princeps ESPAGNE 7,17 € 1,14 1,37 14 Italie 12 Norvège Finlande Allemagne Génériques Espagne 11 56,8 % Roy.-Uni Pays-Bas 33,8 % INDICE DES PRIX BRUTS DES MÉDICAMENTS REMBOURSABLES SUR UNE BASE 100 EN 1998 7 1,21 DÉPENSES PHARMACEUTIQUES PAR HABITANT, EN 2011, EN DOLLARS 985 Etats-Unis Grèce 98 Japon 94 Allemagne 82 77,09 78 JANVIER 2003 DÉCEMBRE 2012 1 0,77 21,1 6,1 Ventes aux hopitaux — 2,8 % +3% 500 Italie 487 OCDE 483 Suède Danemark Ventes aux officines 632 615 443 Royaume-Uni 74 ROY.-UNI 673 Espagne 86 FRANCE MARCHÉ PHARMACEUTIQUE FRANÇAIS, EN 2012, EN PRIX FABRICANT EN MILLIARDS D’EUROS 648 France 90 ALLEMAGNE 381 266 Un Français consomme en moyenne 48 boîtes de médicaments par an SOURCES : INSEE, OCDE, GERS