Le Patrimoine militaire dans les Aires de Valorisation de

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Le Patrimoine militaire dans les Aires de Valorisation de
Le Patrimoine militaire dans les Aires de Valorisation de
l’Architecture et du Patrimoine (A.V.A.P.) de Toulon et de
La Seyne sur Mer (Var).
François Gondran, Conseiller architecture et espaces protégés, Architecte urbaniste en chef de
l’Etat, Drac Paca
Les aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine (A.V.A.P.) constituent une
approche globale de la protection du patrimoine qui semble bien adaptée à la préservation du
patrimoine militaire. Quoique étant une servitude d’utilité publique remplaçant celle des
abords de monuments historiques dans le plan local d’urbanisme, l’A.V.A.P. fonctionne
comme un véritable plan de gestion d’une réalité patrimoniale. Le contenu de ce document,
outre une cartographie détaillée et sa légende, comprend un règlement, corps de règles
exprimant un contrôle architectural adapté et surtout un rapport de présentation qui inventorie,
commente et explique les éléments de patrimoine présents sur la partie du territoire communal
identifié comme d’intérêt historique.
Toutefois, on notera que le caractère d’exceptionnalité issu de la notion de monument
historique puis de secteur sauvegardé dans la législation française fait de l’A.V.A.P. un
document non exhaustif. La logique décentralisée qui prévaut dans l’élaboration des A.V.A.P.
fait que chaque commune aura une approche différenciée du patrimoine de son territoire.
Nous sommes donc devant une approche du fait patrimonial qui s’avère globale dans son
intention mais incomplète dans sa réalisation. Dans le cas de Toulon, la logique qui a prévalu
est celle du centre historique, tandis que pour La Seyne sur Mer, il s’est agi de préserver
plusieurs typologies urbanistiques de la façade maritime sud, (architecture balnéaire et
patrimoine maritime), parmi lesquelles se trouvaient du patrimoine militaire.
Cartographie des fortifications et périmètre de l’A.V.A.P. de Toulon © Wood et Associés, Architectes du patrimoine
L’agglomération toulonnaise, dont la fonction militaire a été et demeure si forte, est un
territoire conditionné par l’histoire de ses systèmes de défense, qui ont apposé leur marque
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dans le paysage. Ce système de défense de la Rade de Toulon dépasse les frontières
communales et celles de nos deux aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine.
Mais il est intéressant de voir que plusieurs ensembles de bâtiments militaires qui témoignent
de l’histoire exceptionnelle de Toulon sont ainsi protégés par un corps de règles commun.
Le rapport de présentation de l’A.V.A.P. de Toulon met en place une protection exemplaire
du patrimoine militaire de sa ville historique, à travers un diagnostic donnant à comprendre
son évolution urbaine décrivant l’histoire de la ville, puis identifiant ses patrimoines
architecturaux, dont une catégorie est le « patrimoine militaire ». Une série de fiches
immeubles décrit assez précisément un grand nombre de bâtiments qualifiés de patrimoine
militaire. Il en est de même pour les espaces publics associés aux édifices patrimoniaux
militaires, tels que la Place d’Armes, qui fait l’objet d’une notice historique et de
recommandations d’aménagement.
Comme souvent dans les documents d’urbanisme patrimoniaux, les limites de l’espace
protégé s’appuient sur le tracé d’anciens remparts. A Toulon cette limite s’appuie sur le tracé
du dernier ensemble fortifié, celui du règne de Napoléon III. La limite de l’AVAP de Toulon
prend en compte les glacis extérieurs de cet ancien rempart, lequel subsiste en partie, à l’ouest
autour de Malbousquet, au nord autour de la préfecture, à l’est, avec des vestiges plus anciens,
devant la porte d’Italie et au sud, autour des darses et quais, mais en excluant une grande
partie des zones militaires actives. Ces indications se retrouvent sur la carte de reconnaissance
qualitative du patrimoine (échelle 1/3000e) qui situe les monuments historiques et les
bâtiments d’intérêt patrimonial majeur ou secondaire. Parmi ceux-ci sont spécifiquement
identifiés quatorze édifices du secteur « marine », qui sont du patrimoine militaire.
Le Fort Malbousquet © Service infrastructue de la Défense
On notera que quatre édifices classés « bâtiments d’intérêt patrimonial majeur », l’ancien
Magasin à poudre de Milhaud, le poste de garde de Missiessy, les bassins Vauban et le vestige
de l’enceinte Vauban situé en limite sud de la nouvelle Darse constituent des enclaves de
l’aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine, insérées dans le domaine militaire.
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83 – Toulon – Côté nord des vestiges de l’enceinte Vauban
© Service études et planification Ville de Toulon
Côté sud
Ce secteur « Marine Nationale » de l’A.V.A.P. a la caractéristique d’être en domaine militaire
et donc non soumis à permis de construire. C’est donc en accord avec la Marine Nationale
que cette liste d’immeubles a été rattachée à un processus d’identification et de gestion des
travaux patrimonial.
Outre les quatre édifices précités, sont répertoriés le centre Malbousquet, le Fort
Malbousquet, et les remparts de Malbousquet, l’ancienne boulangerie, le bâtiment du
SACOM, les bâtiments DN16 et DN17, la corderie, le bâtiment et la darse de l’horloge, le
fortin de l’angle Robert.
83 – Toulon – Corderie royale © Service études et planification Ville de Toulon
Le règlement de ce secteur consiste pour l’essentiel à soumettre les travaux de ces importants
édifices identifiés et décrits à l’avis de l’architecte des bâtiments de France et les rattache à la
règle générale prévue pour les bâtiments d’intérêt patrimonial majeur, qui oblige à leur
conservation et mise en valeur. Le règlement comprend par ailleurs dans son chapitre
« Paysage » une obligation de traitement spécifique pour les fortifications et leurs abords
immédiats.
Une vingtaine de fiches immeubles sont consacrées au patrimoine militaire dans le diagnostic
architectural de l’AVAP qui concernent aussi bien des monuments historiques que des
« bâtiments d’intérêt patrimonial majeur ou secondaire »:
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83 – Toulon – ancienne boulangerie
© Service études et planification Ville de Toulon
83 – Toulon - Bassin de Radoub « Groignard » © B. Cros
- La porte de l’Arsenal, (classée MH en 1910), réalisée en 1738,
- La porte du séminaire royal des Jésuites, (classée MH en 1911), fondé en 1690,
- Le pavillon de l’horloge, réalisé en 1773 par l’ingénieur Jean-Joseph Verguin,
- La corderie royale, construite en 1686 par l’architecte du Roi André Boyer,
- Le magasin à poudre de Milhaud construit en 1697,
- Le bassin de radoub construit en 1774 par l’ingénieur Antoine Groignard,
- Les vestiges de l’enceinte Vauban, achevée en 1693,
- L’ancienne boulangerie construite en 1698,
- Le corps de garde de la passe Missiessy réalisé par l’ingénieur Raoulx en 1867,
- Le fortin de l’angle Robert est un ancien ouvrage d’artillerie bâti sous Richelieu,
- Le bâtiment DN17, ancien atelier des hydravions construit dans les années 1920,
- Le bâtiment DN16, ancien atelier de voilerie construit vers 1920,
- Le pavillon de la consigne commencé en 1723 (IMH en 1943) détruit en 1944
- L’hôtel de l’Intendant de la Marine construit en 1685 par le capitaine de vaisseau
Gravier, racheté en 1768 par la Marine royale abrite la direction du Commissariat de
la Marine et comporte toujours sa disposition d’origine entre cour et jardin.
- Les fortifications médiévales ne subsistent que sous la forme des soubassements de
plusieurs maisons de la rue Magnacque ;
- Les remparts d’Henri IV (1595 à 1610) comprennent la porte d’Italie reconstruite en
1783 et sont inscrits aux MH en 1986 ;
- La porte Malbousquet a été construite en 1865 et inscrite aux MH en 1989.
83 – Toulon – La porte Malbousquet
© Wood et Associés, Architectes du patrimoine
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Extrait de l’A.V.A.P. de la Seyne sur Mer – Fort Napoléon
© Wood et Associés, Architectes du patrimoine
L’approche de l’A.V.A.P. de La Seyne sur Mer est pensée différemment, mais comprend un
autre type de patrimoine militaire d’un grand intérêt, les forts Balaguier, de l’Eguillette et le
Fort Napoléon. Y sont identifiées aussi les anciennes casemates et batteries qui sont encore
présentes dans le paysage. Le Fort Napoléon et les espaces verts qui l’entourent, dans son site
dominant les collines voisines et la rade, évoquent la mémoire du siège de Toulon de 1793.
83 – La Seyne sur Mer – Fort Balaguier
© Wood et Associés, Architectes du patrimoine
83 – La Seyne sur Mer – Fort de l’Eguillette
© Wood et Associés, Architectes du patrimoine
Comme pour Toulon, le règlement de cette A.V.A.P. comprend une catégorie de « bâti
recensé à valeur patrimoniale » à laquelle sont rattachés l’ensemble des éléments de
patrimoine militaire, et qui exige une conservation et une attention architecturale adaptée.
L’approche fine du paysage permet aussi dans ce cas de respecter en creux ce patrimoine
militaire des forts dont la situation en point haut ou en avancée vers la mer focalise l’intérêt
paysager. Il y a donc un joli contraste entre ces austères murailles et les multiples jardins,
villas et cabanes conchylicoles amènes qui sont la chair de ce paysage impressionniste.
Dans ces deux cas on retiendra la place prise par le patrimoine militaire dans cette
agglomération, d’abord par son identification, ensuite par sa mise en valeur et son dialogue
avec le reste du patrimoine urbain et paysager. Cette attitude qui s’appuie sur une culture
historique et sa vulgarisation constitue un processus évolutif qui passe d’une reconnaissance
érudite à une reconnaissance par les autorités militaires et civiles et à celle des habitants. Elle
permet aux travaux d’urbanisme d’être moins destructeurs et plus en phase avec les
sentiments d’identité et de fierté locales. Ces documents, qui sont sur le point d’être validés
après un long processus administratif et une enquête publique, seront bientôt consultables en
ligne sur les sites des communes et de notre administration.
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