Négocier sa voiture de fonction

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Négocier sa voiture de fonction
L'OBS
Date : 19/25 MARS 15
Page de l'article : p.130-131
Journaliste : Olivier Bertrand
Pays : France
Périodicité : Hebdomadaire
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AVANTAGES
Négocier sa voiture de fonction
Le véhicule professionnel est un bon moyen pour les entreprises cfe valoriser
et de fidéliser leurs employés. Quelles sont les règles du jeu ?
lh OLIVIER BERTRAND
uand Franck, cadre commercial
dans une entreprise agroalimentaire, a eu son deuxième enfant,
il a directement pris rendez-vous
avec son patron. «J'y suis un peu
allé au culot. J'utilise ma voiture
de fonction pendant les week-ends, et nous
nous sentions à l'étroit dans la Golf 3portes
que j'avais à l'époque. Je lui ai demande un
monospace. J'avais préparé tout un argumentaire, en mettant en avant le fait que
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ce serait plus confortable pour les clients
que j'étais amené à transporter... Inutile :
j'ai eu droit à mon Peugeot 3008 sans
même avoir à négocier ! »
Car si les considérations financières
comptent, la« valorisation » symbolique
des collaborateurs est aussi importante.
Dans le langage convenu des ressources
humaines, cela signifie que les salariés ont une marge de manœuvre, s'ils
savent s'y prendre. Même s'il « existe peu
d'entreprises qui pratiquent {'"open bar"
à l'anglo-saxonne, quand les collaborateurs peuvent choisir le modèle qu'ils
veulent, pour peu que la voiture réponde
à quèlques critères prédéfinis », explique
Maxime Sartorius, PDG de DirectFleet,
conseil indépendant en gestion de flottes
automobiles. Selon ce dirigeant, dont
l'entreprise gère des flottes allant de 15
à I 500 véhicules, « les problématiques
sont différentes selon que l'on travaille
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L'OBS
Date : 19/25 MARS 15
Page de l'article : p.130-131
Journaliste : Olivier Bertrand
Pays : France
Périodicité : Hebdomadaire
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dans une PME ou dans lin grand groupe.
Dans une PME, c'est souvent le patron qui
gère directement les questions liées à la
flotte. Surtout, les PME sont plutôt dans
une logique d'achat, donc les bénéficiaires
sont souvent plus libres dans leur choix ».
Une réalité que confirme Benoît Béguin,
directeur administratif, financier et ressources humaines de La Prairie, filiale de
Beiersdorf, avec un parc de 12 véhicules.
«Nous louons tous nos véhicules en leasing,
explique-t-il. Selon leur fonction au sein de
l'entreprise, les collaborateurs ont un budget à ne pas dépasser, remise comprise.
Pour le reste, on demandejuste que les véhicules aient des couleurs neutres, pas trop
salissantes, pour qu'ils soient plus faciles à
revendre. » Benoît Béguin va même
jusqu'à encourager les cadres ou les commerciaux de l'entreprise à monter en
gamme : « D'une part, nous voulons que
notre parc automobile corresponde à
l'image de l'entreprise, d'autre part, les
véhicules premium, type berline allemande,
sont mieux cotés à la revente, ce qui, au
final, nous fait perdre moins d'argent. » Pas
étonnant qu'il n'ait eu, à ce jour, à opposer
qu'un seul refus à un salarié... qui demandait une décapotable !
LES GRANDES ENTREPRISES STANDARDISENT
« Au-delà de IS véhicules, les choses sont
déplus en plus cadrées, poursuit Maxime
Sartorius. La dimension financière prend
toute son importance, avec de grosses ristournes accordées par les marques pour
les achats groupes de certains modèles. Et
puis, contrairement au salaire, la voiture,
ça se voit, donc il faut que les choses soient
plus normées. » Ainsi, les entreprises de
plus grande taille ont, dans leur grande
majorité, recours à la location longue
durée (LLD), beaucoup plus simple pour
leur gestion. « Mais la LLD est calculée
sur un loyer mensuel, lui-même basé sur
un forfait kilométrique, précise Maxime
Sartorius. Une personne qui habite dans
unegrande agglomération,près de son lieu
de travaillera sans doute beaucoup moins
de kilomètres que quelqu'un qui vit en
zone rurale. A fonction égale, Hy en a donc
un qui devra choisir la berline de base, tandis que l'autre pourra prendre le modèle
supérieur. »
Pas toujours facile à comprendre pour
un cadre... Certaines entreprises se sont
penchées sur la question et ont trouvé des
solutions. Chez ISS France, entreprise de
facility management qui propose des
prestations de nettoyage, protection
incendie et logistique et possède un parc
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de 2 900 véhicules (dont 500 de fonction), la difficulté a été facilement
contournée : «L'aspect kilométrique n'intervient pas au moment du choix du véhicule par le collaborateur », explique Olivier Girod, category manager fleet chez
ISS. « Les salariés n'ont plus à choisir
parmi une liste de véhicules. Désormais,
toute l'offre est définie selon leur TCO, leur
coût global. » Les collaborateurs d'ISS se
voient ainsi attribuer un budget mensuel
selon leur niveau dans la hiérarchie : le
véhicule de leur choix devra avoir un
TCO qui s'inscrit dans cette enveloppe.
Une formule ingénieuse, qui permet à
l'entreprise de jouer sur plusieurs
tableaux. « Nous avons imaginé un système de bonus-malus qui va impacter le
coût global de référence. Un collaborateur
qui a beaucoup de sinistres, par exemple,
pourra avoir un malus plafonné à 10% de
la valeur du TCO. A l'inverse, tout collaborateur qui reste plus de trois ans chez nous
se voit attribuer un bonus de 10% », détaille
Olivier Girod.
Surtout, ce système a permis de multiplier l'offre. « Nous sommes passés de
trente à plus d'une centaine de véhicules
disponibles dans notre catalogue, et nous
veillons à ce qu'il y ait, pour chaque catégorie de conducteur, un break, un monospace et un crossover. » Pour le gestionnaire, la multiplication du choix des
modèles ne revient pas plus cher, « d'une
part, parce que nous avons renégocié avec
tous nos partenaires, et d'autre part, parce
que cela nous a permis de trouver des
postes d'économie. Dans les grandes agglomérations, il y a beaucoup de collaborateurs qui troquent la traditionnelle berline
routière pour des citadines premium, type
Kilomètres et calculette
Beaucoup de petites entreprises
ont une flotte constituée des
véhicules... des salariés. En effet, il est
souvent plus simple de payer
des indemnités kilométriques
que d'assurer la gestion d'un parc
privé. Pour Maxime Sartorius, PDG
de DirectFleet, « ce n'est plus rentable
si le collaborateur fait plus de
IS 000 kilomètres par an. Au-delà de
cette limite, il est préférable de songer
à s'équiper en véhicules ». Si vous
faites beaucoup de route avec votre
voiture pour le compte de votre
entreprise, il est peut-être temps
d'aller voir votre patron.
DS3 ou Mini, beaucoup moins gourmandes
en carburant et en entretien. »
UN HYBRIDE OU UN 4X4?
Une démarche qui est encore loin d'avoir
été adoptée par toutes les grandes entreprises. Restent alors, pour le salarié insatisfait, quèlques leviers légaux, comme de
s'adresser au CHSCT (I) : celui-ci prévoit
en général des dérogations pour les salariés ayant une famille de plus de deux
enfants afin qu'ils puissent obtenir un
véhicule familial. « Nous observons aussi
que les entreprises sont déplus enplus soucieuses de leur image, explique David
Chandon, responsable communication du
groupe Megamark, une société qui aide les
marques à optimiser leur communication
visuelle sur leurs véhicules. Aujourd'hui,
tous les gestionnaires de flotte de grandes
entreprises cherchent à introduire des véhicules plus propres, hybrides ou électriques. »
Une solution qui ne va pas satisfaire le
cadre friand de 4x4 hors normes ou de
berlines surpuissantes... Pourtant, même
pour lui, tout n'est pas perdu. « Si vous
avez une requête vraiment particulière qui
n'entre absolument pas dans lapolitique de
l'entreprise, ou même si vous voulez juste
une option spécifique, vous avez toujours
la possibilité de participer financièrement
à l'achat du véhicule », explique Maxime
Sartorius. Cette participation peut, qui
plus est, venir compenser (et annuler fiscalement) un avantage en nature, l'usage
du véhicule en dehors du cadre professionnel étant considéré comme tel.
Une solution à manier avec précaution
toutefois, car, en cas de départ de l'entreprise ou de destruction accidentelle du
véhicule, vous perdrez votre investissement. Et, du côté du gestionnaire, si le
fait de déclarer des avantages en nature
est moins coûteux fiscalement qu'une
augmentation de salaire, des complications peuvent surgir. « Que se passe-t-il
si le collaborateur quitte l'entreprise alors
que le crédit court toujours ? » prévient
Benoît Béguin. Voilà un argument de
plus pour rechercher un arrangement
avec sa direction, notamment en négociant les options (lire ci-contre). Même
si les packs business proposés par les
constructeurs sont plutôt bien dotés, il
est toujours plus facile d'obtenir une
boîte automatique ou un intérieur cuir
qu'un modèle supérieur : ces « petits
plus » auront l'avantage de susciter
moins de jalousie. Q
(I) Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions
de travail.
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