Métamorphoses autour de la gare 2004
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Métamorphoses autour de la gare 2004
méta morphoses autour de la gare 18 sept. 2004 >>> déc. 2005 Exposition réalisée par le service Animation du Patrimoine avec le concours de la Ville de Saint-Omer et de la Direction Régionale des Affaires Culturelles Nord Pas-de-Calais. lundi > > > vendredi 09h 00 14h 00 > 12h 00 > 17h 00 Sources documentaires Agence d’Urbanisme et de Développement de la Région de Saint-Omer ; Archives nationales; Archives départementales du Pas-de-Calais ; Archives municipales de Saint-Omer ; Archives de la SNCF Le Mans ; Archives du Monde du travail de Roubaix ; Service Historique de l’Armée de Terre de Vincennes ; Bibliothèque de l’Agglomération de Saint-Omer ; Société des Antiquaires de la Morinie ; Collection privée M. et Mme Bogaert. gratuit. un quartier entre ville et marais Renseignements Animation du patrimoine 03 21 88 89 23 www.ville-saint-omer.fr Office de tourisme de la région de Saint-Omer 03 21 98 08 51 www.vpah.culture.fr d’une mutation à faubourg du Haut-Pont l’autre faubourg de Lyzel enclos Saint-Bertin 1 état initial, avec le rempart ; L’évolution du quartier de la gare a connu différentes phases, qui ont marqué l’histoire de la ville. Au Moyen-Âge, l’abbaye Saint-Bertin et le port fluvial, alors situé au bas de la rue de Dunkerque, en sont les entités principales. Le rempart constitue une véritable frontière qui sépare la ville des faubourgs et du marais. Les accès vers Lyzel et le Haut-Pont ne se font que par 1. deux portes d’eau et une porte terrestre l Le quartier naît avec les transformations de l’espace urbain qui s’opèrent à partir de la fin du XVIIIe siècle. L’enclos Saint-Bertin est peu à peu morcelé. Certaines parcelles sont utilisées pour la construction d’un arsenal en 1782, d’autres pour 2 . Un abattoir est égaune usine à gaz en 1839 l lement édifié aux pieds des ruines de l’abbaye. faubourg du Haut-Pont faubourg de Lyzel 3 implantation de la première gare en 1848 ; creusement du canal en 1756 (le tracé suit le dessin des remparts) ; usine à gaz VILLE enclos Saint-Bertin 2 implantation de l’arsenal dans l’enclos Saint-Bertin en 1782 et de l’usine à gaz dans l’enclos en 1839 ; MARAIS faubourg du Haut-Pont faubourg de Lyzel 4 implantation d’une nouvelle gare, du pont fixe et du square (des bâtiments de la caserne sont détruits) ; démantèlement des qua fortifications : destruction i du c omme rce des murs, redressement du canal, création du quai du commerce et d’une voirie; VILLE usine à gaz enclos Saint-Bertin extension de la caserne et création du quai à proximité 1912 ; De nombreuses manufactures comme des brasseries ou des tanneries sont installées au niveau du quai des salines. Afin de satisfaire les besoins de ces commerces, la ville se dote de nouveaux quais : le premier est aménagé en 1832, près de la porte d’eau de Lyzel. L’arrivée du chemin de fer se traduit par l’installation 3. d’une gare à l’extérieur du rempart en 1848 l Cette construction s’accompagne d’une importante conquête de terres sur le marais. Grâce à ce nouveau moyen de transport, l’activité maraîchère connaît un essor remarquable. C’est à la suite du démantèlement des fortifications à la fin du XIXe siècle que le quartier acquiert son visage actuel. Une nouvelle gare monumentale est érigée en remplacement de l’ancienne, devenue trop petite. Un pont fixe et un square sont créés de façon à la mettre en valeur, provoquant quelques transformations au niveau de la caserne d’Esquerdes. Le quai du commerce est construit en prolongement du quai de Lyzel. Une voie latérale relie le boulevard de Strasbourg et la place du 11 novembre. La rue Dalemagne 4. est percée dans l’enclos Saint-Bertin l Au cours du XXe siècle, le quartier a subi une période de déclin : les activités artisanales ont peu à peu disparu, le chemin de fer s’est modernisé rendant ainsi obsolètes les installations liées à la vapeur, les péniches ne naviguent plus sur le canal depuis la dérivation à grand gabarit établie en 1958. En revanche, l’intensification du trafic routier a fait du quartier un nœud de circulation important. Aujourd’hui, en lien avec les projets de développement de la ville, le quartier fait l’objet de réflexions. Les objectifs sont de revaloriser cet espace urbain et de le transformer en une véritable porte entre la ville et son marais. le marais De nos jours, le visiteur n’a pas toujours conscience de la place que tient le marais dans l’histoire de Saint-Omer. À l’origine, le territoire de Saint-Omer est un vaste marécage. C’est au Moyen-Âge, sur l’initiative des moines de l’Abbaye Saint-Bertin, qu’ont lieu les premiers travaux d’aménagement de l’Aa. Au fil des siècles, les habitants vont chercher à gagner des terres sur l’eau. La canalisation de l’Aa en 1165 va faire de Saint-Omer un port fluvial important, véritable lieu d’échanges qui rayonne sur toute la région. Progressivement, les habitants aménagent le marais : rehaussement des terres, creusement des fossés, drainage, défrichement... D’abord anarchique, l’organisation du marais est plus structurée à partir du XVe siècle, grâce à l’utilisation des techniques de poldérisation et à la mise en place des “watergangs” (chemins d’eau). Au XIXe, la totalité du marais est mise en culture. Les habitants développent ainsi l’agriculture, la pêche mais surtout le maraîchage et l’extraction de la tourbe. Ces activités font la prospérité des faubourgs et des brouckaillers (habitants du marais). Depuis les années 1970, des réflexions ont été menées pour envisager l’avenir du marais. On a pris conscience de ses richesses patrimoniales : faune, flore, paysages naturels, particularités de l’habitat. Le contrat de ville moyenne, élaboré dès 1974, a permis la création du Parc Naturel Régional de l’Audomarois. Ce dernier a fusionné avec celui du Boulonnais pour devenir le Parc Naturel Régional des Caps et Marais d’Opale en 1999. L’enjeu essentiel est de réaliser des actions de conservation et de préservation du site, tout en favorisant le tourisme lié au marais. copyrights : photograpie > C. Carlet, musée des plans-reliefs _ design : Alice Lagny > www.unkilodeplumes.net _ impressions et supports : Nuances > Versailles MARAIS 10 L’ancienne gare d’Arras aurait servi de modèle pour l’élaboration des plans de la gare de Saint-Omer. 9 La gare : intérieur. À l’origine, la gare possédait un riche mobilier de style Art Déco. 5 6 5 Le bâtiment voyageurs détruit par les bombardements et la rotonde en reconstruction. ... et le commerce, enfin, la croix à double traverse entourée ici de cornes d’abondance (ensemble situé au-dessus de l’horloge) correspond au blason de la ville. l’une des plus belles gare de la région... La gare est inaugurée en 1904, en présence de Gaston Doumergue, alors Ministre des Colonies. Pendant la Première guerre mondiale, la ville de Saint-Omer abrite le quartier général de l’Armée britannique. La gare devient un point stratégique. Le quartier est l’objet d’un important trafic pour les ravitaillements en hommes, en armes ou encore en munitions. Au cours de la Seconde guerre mondiale, les installations ferroviaires subissent des domma5. ges lors des bombardements l C’est probablement à la suite des dégâts, que le lanternon, les crêtes en fer forgé et les épis de faîtage sont supprimés. L’important patrimoine de la gare est reconnu lors de son inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments La gare, porte de la Ville et porte du Voyage. Ces 2 Historiques par l’arrêté du aspects sont symbolisés 28 décembre 1984. par plusieurs éléments sur la façade du bâtiment Voyageur : des caducées (situés en haut des pilastres) pour le transport... 7 La gare de Saint-Omer est remarquable par sa monumentalité et son style architectural. Elle fait davantage penser à un château du XVIIe siècle qu’à une gare. En effet, la composition et la décoration traduisent la majesté de l’édifice. Les pavillons et les basses ailes s’organisent de façon symétrique autour du corps central. Son vocabulaire architectural est issu du répertoire antique (triglyphes, frontons, pilastres). Tout ceci concourt à faire de cette gare un bel exemple d’architecture néoclassique. L’ensemble fait preuve de rigueur et de sobriété, contrairement aux foisonnements du style baroque. L’utilisation de matériaux comme la pierre (pierre bleue de Soignies et pierre blanche de Creil) et l’ardoise renvoie à des édifices nobles. Enfin, le jardin en façade rappelle l’environnement d’un château. Ces choix sont d’autant plus surprenants qu’à cette époque l’architecture industrielle est dominée par l’utilisation du fer et du verre. On note tout de même la volonté de faire un lieu fonctionnel : l’importance des volumes permet l’installation d’un vaste bureau central au fond du vestibule, offrant ainsi la possibilité de multiplier les guichets. Le voyageur peut ensuite se diriger vers le guichet des bagages ou celui des télégraphes et messageries. Enfin, des salles d’attentes spacieuses et confortables précèdent l’accès aux quais. Cette distribution se prête à une exploitation économique et hygiéniste : la surveillance s’exerce plus facilement, les employés peuvent changer de 7 l 8 l 9. poste en fonction des besoins l L’architecte Clément Ligny a également conçu les gares de Cambrai (1907-1910) et Valenciennes (1905-1909). Ces deux gares présentent un style architectural semblable à celle de Saint-Omer. Clément Ligny s’est peut-être inspiré des gares réalisées par Sidney Dunnett à Arras et à Roubaix dans la fin des années 1890. Dans ces deux exemples, la composition est identique, mais le corps central est 10 . remplacé par une halle l copyrights : 8 5 et l 6 > Archives de la SNCF, 216 LM 118 ; l 7 et l 8 > Service AP, Mairie de Saint-Omer ; l 9 > Jeune Chambre économique de Saint-Omer ; l 10 > Office du Tourisme d’Arras _ design : Alice Lagny > www.unkilodeplumes.net _ impressions et supports : Nuances > Versailles l 6 11 13 14 12 Le pont, dont 11 la première pierre est posée lors de l’inauguration de la gare, est l’œuvre de MM. Masson et Lefoul, ingénieurs des Ponts et Chaussées. Il sera détruit en 1940. 12 13 Une vue générale de la gare depuis la tour Saint-Bertin. Le square, aménagé en même temps que le pont. 14 15 16 En plus d’être un lieu d’ostentation pour l’image de la ville, la nouvelle gare devient aussi un élément de développement pour le quartier. L’importance donnée aux installations afin de satisfaire l’augmentation du trafic permet de favoriser l’économie locale, et notamment l’exportation de la production agricole et maraîchère, qui profite également de l’apparition des Grandes Halles. Les choux-fleurs sont expédiés jusqu’à Paris et dans l’Est de la France, en Belgique et en Angleterre. Dès les années 1890, la Compagnie des chemins de fer du Nord, grâce à l’intervention d’A. Ribot, met en place des tarifs spécifiques pour avantager les 15 . maraîchers locaux l Du point de vue social, l’agrandissement de la gare engendre une augmentation du nombre de cheminots. Cette nouvelle population s’installe dans les rues proches de la gare, en particulier dans les faubourgs (rue de la Poissonnerie, rue Saint-Martin) et dans la rue de Thérouanne (aucun cheminot en 1901, 25 en 1921). Jusqu’alors, dans les faubourgs, la population vivait en autonomie par rapport à la ville. Elle avait sa langue (le flamand), ses traditions, ses coutumes et l’endogamie y était courante. Avec l’arrivée des cheminots et de l’école laïque, le français se répand, un brassage de population commence à s’opérer. Petit à petit, les faubourgs s’ouvrent vers la ville. 15 16 Culture du chou-fleur dans les marais. Le bâtiment marchandises de la gare d’où étaient expédiés les choux-fleurs entre autres denrées. copyrights : Complétant son architecture particulière, la mise en scène de la gare s’accompagne d’aménagements urbains, qui modifient l’organisation spatiale du quartier. Le pont tournant de Lyzel et sa passerelle sont supprimés ; ils ne convenaient plus aux besoins de la circulation. Un nouveau pont fixe est construit, juste en face de la gare. La rue de l’Arsenal (actuelle rue Faidherbe) est déviée de façon à créer une véritable perspective vers le centre de la ville, de l’Est vers l’Ouest, axe traditionnel de circulation dans la ville. Des bâtiments de la caserne d’Esquerdes sont détruits pour aménager un square, où le Monument aux Morts sera inau11 à l 14 . guré en 1923 l 11 et l 12 > coll. privée M. et Mme Bogaert ; l 13 à l 15 > Jeune Chambre économique de Saint-Omer ; l 16 Service AP, Mairie de Saint-Omer _ design : Alice Lagny > www.unkilodeplumes.net _ impressions et supports : Nuances > Versailles l la nouvelle gare, enjeu de développement 2 3 4 Vestiges de la tour-porche de l’abbatiale ; l’enclos Portail de l’abbatiale ; Maisons de l’ancien quartier de l’abbé. Saint- 2 4 3 Bertin Saint-Bertin I Saint-Bertin II Saint-Bertin III Il s’agit d’un édifice renouvelé Elle fut une grande église Au XIIIe siècle, l’abbé Gilbert à l’époque carolingienne romane que l’abbé Bovon entreprend la construction XIVe siècle pour s’achever au avec une tour polygonale décida de construire vers d’un nouveau réfectoire en siècle suivant avec le cloître, en bois en son centre et 1045-1046. L’édifice long style gothique dont la beauté le quartier des étrangers, les détruit vers 1030-1033. d’environ 100 mètres lui valut une très grande cuisines et le mur d’enceinte. comprenait dans son renommée. Au XVIIIe siècle : un nouveau premier état une crypte sous Puis il commença à rebâtir cloître fut construit à côté de le chœur. Elle sera une nouvelle église aux très l’ancien à partir de 1739. Le abandonnée après un grandes dimensions. quartier de l’abbé, incendié incendie vers 1085-1090. Son successeur, en 1678 fut également Henri de Candescure, en réduit reconstruit à la même époque la hauteur. L’essentiel de la (avant 1758) 4 . IXe SaintBertin II Xe l SaintBertin III XIe l’enclos Saint-Bertin, aux origines de la ville VIIe Au siècle, Bertin, Mommelin et Ebertramm, moines de Luxeuil, sont appelés par Omer, premier évêque de la cité pour l’aider à évangéliser la population locale. Ils fondèrent au pied du marais un monastère qui prendra le nom du 1er abbé à sa mort. L’abbaye connaît un essor rapide qui en fera l’un des établissements les plus remarquables de la région et dont la renommée artistique s’étendra au delà de nos frontières. Elle accueille pendant un millénaire de nombreux rois et princes tels François Ier ou Louis XIV. Comme à Cluny se succédèrent trois édifices religieux connus grâce aux 1. fouilles effectuées au XIXe siècle l XIIe XIIIe 1 XIVe XVe XVIe XVIIe XVIIIe heurts et malheurs de la Révolution Avec la fin du XVIIIe siècle s’achèvent les belles heures de l’abbaye. Déjà en 1782, un arsenal est construit. Cet acte peut aujourd’hui apparaître comme prémonitoire au dépeçage et à la division du site qui se déroulent à partir de la Révolution. En effet, après la mise à disposition de la nation des biens de l’Église le 2 novembre 1789, dès le 28 du même mois, l’abbaye est estimée par Jean François Mayo et Pierre Charles. Puis le 16 août 1791, les religieux sont obligés de quitter le monastère qui est acheté par Pierre Charles le 5 novembre 1792 à l’exception de l’église. Cette dernière sera vendue à l’entrepreneur Libersalle d’Arras en 1799. Chacun des deux protagonistes commence par démonter et récupérer les éléments métalliques (plomb, fer) des toitures car c’est un commerce très lucratif. Ensuite, Charles divise l’enclos en 55 parcelles qu’il va revendre à des particuliers. De son côté, Libersalle arrête la démolition. Le conseil municipal le poursuit alors pour abandon de chantier et il perd la propriété de l’édifice. copyrights : photographies > Service AP, Mairie de Saint-Omer _ design : Alice Lagny > www.unkilodeplumes.net _ impressions et supports : Nuances > Versailles SaintBertin I construction se déroulera au 7 Bâtiments de l’ancienne usine à gaz, construits dans la deuxième moitié du XIXe siècle. 6 Usine à gaz, maison du Directeur. Plan-relief de la ville de Saint-Omer, 1758, détail de l’abbaye Saint-Bertin. Après les troubles de la période révolutionnaire, la ville cherche à récupérer 5 . Elle ne souhaite pas le sauver, la notion de patrimoine étant alors le site l peu développée, mais à s’en servir comme carrière de pierre. Elle entame dès 1805 des démarches dans ce sens qui aboutiront au rachat de l’église en 1811 puis à sa démolition à partir de 1830, sous prétexte de donner du travail aux indigents. De nombreuses voix, en particulier celle de Victor Hugo, s’élèveront pour dénoncer cette destruction. La ville cherche aussi dès lors à occuper l’espace vide de l’enclos. Elle fait construire de 1821 à 1824 un abattoir sur le parvis de l’église devant la tour. Elle achète ensuite un terrain dans l’enclos en 1832. Puis en 1839, elle favorise l’implantation d’une usine de production de gaz, l’entreprise Annebicque, avec qui elle a passé un marché pour l’éclairage de la ville. La situation de l’enclos n’évoluera plus tout au long du XXe siècle. En 1947, le seul vestige important de l’église, sa tour porche, s’écroule faute d’entretien. Dans les années 1990, plusieurs activités se délocalisent tel le lycée professionnel (au sud-est) ou EDF (dans l’ancienne usine à gaz). Les terrains à l’est de l’enclos (de l’autre côté de la rue Dalemagne) font l’objet d’une opération immobilière. La rue devrait être déplacée le long de l’ancienne caserne et ainsi mieux épouser le contour de l’enclos. L’ancienne usine à gaz, abandonnée, devra elle aussi fai6 et l 7. re l’objet d’un traitement particulier l Enfin, pour permettre la lecture du site, le programme artère-histoire-nature, axé sur le lien entre les enclos de la ville préconise d’évoquer l’implantation des bâtiments grâce à un traitement minéral et végétal. Des initiatives privées gêneront cette tentative de reprise en main du site. À côté de quelques implantations éphémères d’entreprises (une teinturerie en 1824, une fonderie en 1839, une savonnerie en 1844) des particuliers concentrent aussi des parcelles pour se créer de véritables petits domaines. L’exemple le plus notoire est celui de Walter Hitchcock. Depuis les années 1820, un certain nombre d’anglais s’étaient installés dans l’enclos jusqu’à former une petite colonie. Ils étaient probablement séduits par le caractère romantique des ruines comme le souligne Ludovic Vitet, premier inspecteur des Monuments Historiques dans son rapport de 1831 sur Saint-Omer. Hitchcock rassembla dans les années 1850 un grand nombre de parcelles vers l’ancien chœur de l’abbatiale. La ville tentera en vain de s’opposer à lui jusqu’en 1875. C’est que depuis 1865, Saint-Omer a de nouveaux projets pour l’enclos. Il s’agit de le sortir de son isolement en réalisant un square desservi par deux routes et en supprimant l’abattoir. Le projet est ajourné puis repris vers 1880 suite au rachat de l’ancienne propriété d’Hitchcock par la ville. On y installerait également un centre culturel avec musée et bibliothèque. Mais les édiles songent davantage à l’implantation d’un complexe industriel consécutivement au démantèlement des fortifications. La construction d’une nouvelle bibliothèque rue Gambetta en 1893 et l’acquisition de l’hôtel Sandelin pour le musée en 1899 vont dans ce sens. De même la réalisation de la rue Adolphe Dalemagne à partir de 1905 qui permet de relier la rue de Thérouanne au quai du commerce et à la gare. Le “rêve” industriel ne s’étant pas réalisé, l’ancienne propriété d’Hitchcock est revendue à des particuliers au tournant du siècle. 7 Plan de l’avant-projet pour l’enclos Saint-Bertin, 1865. 5 > C. Carlet, musée des plans-reliefs ; l 6 et l 7 > l demain, quel avenir pour l’enclos ? copyrights : la longue lutte pour le contrôle de l’enclos Service AP, Mairie de Saint-Omer _ design : Alice Lagny > www.unkilodeplumes.net _ impressions et supports : Nuances > Versailles 5 de l’Arsenal au Quartier Foch 3 3 2 Plan de la caserne après 1905. Affiche de l’adjudication des travaux 1904. Élévation et plan du portail d’entrée de la caserne, réalisé en même temps que le mur de clôture. de l’Arsenal au CM33 Saint-Omer, ancienne ville militaire, compte encore aujourd’hui de nombreux édifices témoins de cette vocation : poudrière, casernes, hôpitaux… Le Quartier Foch, situé en face de la gare, de l’autre côté du canal, est plus connu pour sa fonction de caserne. À l’origine, il constitue le principal arsenal de la ville, c’est-à-dire lieu de stockage des armes et de fabrication des munitions. 1 “M. le Ministre ayant décidé l’évacuation de l’Arsenal de Saint-Omer par l’artillerie, fait étudier la possibilité d’installer dans les locaux qui vont devenir ainsi disponibles les deux escadrons du 21e Dragons qui sont actuellement stationnés à Aire. (…) M. le Maire rappelle qu’en prévision de la transformation de l’Arsenal en Quartier de Cavalerie, la Ville a déjà versé une somme de cent mille francs qui ont été employés à la construction le principe d’offrir le concours de la Ville, il y aura lieu d’augmenter le chiffre de la De 1864 à 1875, l’arsenal devient le siège de la Direction de l’Artillerie pour les territoires du département du Pas-de-Calais et de la Somme et de l’arrondissement de Dunkerque. Au début des années 1890, il est question d’accueillir de nouvelles garnisons à Saint-Omer. Dès 1891, on projette d’affecter l’arsenal au casernement du 21e Régiment de Dragons, le matériel entreposé serait alors transféré dans un bâtiment de l’hôpital militaire. Cette solution semble d’autant plus avantageuse que le lancement du démantèlement de la place, également prévu de longue date, permet l’utilisation de terrains supplémentaires. Les escadrons du 21e Dragon en provenance d’Aire-sur-la-Lys ne peuvent en effet pas être logés dans la caserne d’Albret, jugée trop petite. En 18961897, l’arsenal est donc transformé en Caserne de Cavalerie et prend le nom de Caserne d’Esquerdes. Ce changement d’affectation provoque des modifications et des constructions successives à la fin des années 1890 et au début des années 1900. Plusieurs conventions sont signées entre la Ville et le Minis1. tère de la Guerre pour des échanges de terrains l En 1903, la réalisation du pont fixe en face de la gare et la création d’une voie d’accès en son prolongement impliquent de nouveaux aménagements : la destruction et la reconstruction de bâtiments à l’entrée de la caserne, la construction du mur de clôture en briques et pierres tendres surmonté d’une grille, le déplacement du manège… En 1908, une infirmerie régimentaire est construite. En 1913, un nouveau manège est édifié sur un terrain cédé par la ville 2 l 3. au sud de la caserne l Pendant la guerre 1914-1918, Saint-Omer étant devenue le siège du G.H.Q. (Great Head Quarter) de l’Armée britannique, des troupes occupent les bâtiments. Cette période est marquée par un intense trafic pour le ravitaillement en hommes, munitions et provisions. Les liens avec la gare toute proche sont alors d’autant plus importants. subvention de la somme nécessaire pour la démolition du bâtiment d’entrée de l’arsenal et sa reconstruction de façon à obtenir à cet endroit l’élargissement de la rue de l’Arsenal.” Extrait du procès-verbal des délibérations du Conseil Municipal sous la présidence de M. le Maire François Ringot en date du 15 février 1896. 1 et l 2 > AM 137 A ; l 3 > AM 137 D l fortifications derrière l’Arsenal. (…) D’après M. le Maire, si le Conseil adopte _ design : Alice Lagny > www.unkilodeplumes.net _ impressions et supports : Nuances > Versailles d’écuries sur les terrains des anciennes copyrights : La construction de l’arsenal est décidée par ordonnance du Roi de France le 27 juin 1776. Le terrain choisi, connu sous le nom de “Pré l’Abbé”, se situe dans l’enclos de l’Abbaye Saint-Bertin. Ce terrain, propriété de l’Abbaye, est cédé à l’Etat sur ordre du roi par le dernier abbé de Saint-Bertin, Dom Joscio d’Allesnes. Lors de l’adjudication en date du 26 août 1781, l’entrepreneur Pierre Charles Debaralle obtient les travaux de maçonnerie alors que Jacques Philippe Demagny obtient ceux de charpente et menuiserie. Les travaux commencent en 1782. La rectification des limites de l’enclos Saint-Bertin engendrée par cette construction motive alors la création des jardins de l’Abbaye. 9 8 7 6 7 L’ancien manège construit en 1913, aujourd’hui bâtiment de la société Colas. Il présente une maçonnerie en briques et une charpente métallique. pour les dessins géométriques sur la façade du bâtiment des bureaux. 8 9 1914 Arrivant de Douai le 27e régiment d’Artillerie s’installe à la caserne d’Esquerdes et détache deux batteries à Aire-sur-la-Lys. 5 Aujourd’hui, le Quartier Foch est divisé en deux zones : un pôle tertiaire en cours d’aménagement dans les bâtiments servant autrefois de caserne, et un parc d’entreprises qui occupe d’anciens hangars. Cette reconversion répond à la volonté de développer l’économie au niveau local. Ceci en revalorisant les structures existantes du quartier. Ce projet s’accompagne d’aménagements urbains et paysagers : de nouvelles voies sont ouvertes à la circulation et un mail piétonnier est créé de façon à séparer le pôle tertiaire (zone publique) et le parc d’entreprises (zone privée). à chaque bâtiment sa fonction... L’Arsenal était divisé en deux cours. Dans la première cour, se trouvaient un bassin (aménagé en lien avec le canal pour l’embarque- 1990 1970 1960 1950 1940 1930 1999 Fermeture du CM33 ment et le débarquement), le logement du garde, le bâtiment du charronnage (23 mètres de long, 10 de large) ; on y travaillait le bois pour la fabrication de chariots et le bâtiment des forges (20 mètres de long, 10 de large) où étaient fabriquées les munitions. Dans la deuxième cour, se trouvaient deux grands bâtiments (80 mètres de long, 17 de large). Ils comprenaient chacun un hangar à voitures, des magasins pour les dépôts de d’outils et pièces de rechange, une vaste salle d’armes, des ateliers de réparations d’armes, et enfin, des pièces servant d’entrepôts aux matières premières pour les artifices. Ces deux édifices sont les plus anciens (XVIIIe siècle). On peut encore voir les anneaux ancrés dans le mur pour attacher les chevaux. Construits en briques rouges et pierres blanches, ils présentent deux niveaux d’élévation séparés par un bandeau horizontal. Les combles sont éclairés par des lucarnes dites “à croupe”. L’alignement des baies et l’absence de décor traduisent la rigueur et la sobriété de l’architecture qui se doit d’être fonctionnelle avant tout. Les deux bâtiments de l’entrée reprennent les mêmes caractéristi5 etl 6. ques architecturales l Quelques-unes des autres constructions, datant du début du XXe siècle, offrent des éléments de décors de style néoflamand : arcatures longeant les pentes du toit de l’ancien manège situé à proximité du canal, dessins géométriques de briques blanches et de briques de couleur vernissées, pignon à “pas de moineau”, briques saillantes au niveau des corniches des toits… Il s’agit ici d’une 7 àl 9 . architecture de type régionaliste l Le portail d’entrée n’a pas conservé sa place initiale. Il est aujourd’hui en face du Monument aux Morts. L’ancien portail demeure toujours visible, mais il est condamné. copyrights : photographies > Service AP, Mairie de Saint-Omer _ design : Alice Lagny > www.unkilodeplumes.net _ impressions et supports : Nuances > Versailles Suite à la refonte de l’Armée française au cours des années 1990, le Ministre de la Défense décide la fermeture de nombreux établissements militaires : le CM33 ferme en 1999 mais sa reconversion est prévue. Le CM33 est d’ailleurs la première caserne de France à faire l’objet d’un projet de requalification. Le MRAI (Mission pour la Réalisation des Actifs Immobiliers) assure le suivi du dossier. Un bureau d’études spécialisé, Patrimoine Ingénieur Nord, doit étudier les potentialités du site et rechercher des partenaires publics ou privés susceptibles d’être associés à sa reconversion. La vente des terrains et bâtiments s’effectue entre la Ville de Saint-Omer et la CASO (Communauté d’Agglomération de Saint-Omer). 1910 1900 1890 1880 1870 tier Foch. Pendant la Seconde guerre mondiale, il est occupé par l’armée allemande, puis par les alliés. Enfin, après avoir servi de dépôt de matériels de 1945 à 1962, le Quartier Foch abrite le Centre Mobilisateur 33, qui vient à peine d’être créé. 1920 1923 La caserne accueille les 6e chasseurs à cheval. De 1873 à 1886 5e régiment de Dragons. 4 1935 Le 7e groupe d’automitrailleuses succède aux 6e chasseurs à cheval. Il devint le 7e GRDI (Groupe de Reconnaissance de Division d’Infanterie) au moment de partir pour la guerre. 2000 De 1886 au 2 avril 1914 Arrive le 21e régiment de Dragons. Puis quitte St-Omer pour Noyon. 1980 Bureaux et ancien manège : pour les arcatures de l’ancien manège ; les quais 5 4 3 3 8 Lorsque les péniches chargées de marchandises naviguaient sur le canal… Un détail architectural issu du vocabulaire classique : une colonne-balustre, n∞ 25 quai du commerce. les quais dans la ville réclament la construction d’un quai de déchargement au rivage de la porte de Lyzel. En 1824, 1825 et 1826, cet objet intéressant appela la sollicitude de l’autorité municipale. (…) Le quai de déchargement devrait avoir une longueur de 63m, dimension indispensable pour placer sur un même front deux bateaux de grande espèce. Sa largeur serait de 10,70m.” Extrait du PV de conférence concernant la construction d’un quai en maçonnerie sur les bords du canal de navigation au pied des escarpes de la fortification de la place de Saint-Omer, 31 octobre 1831. Les opérations de chargement et déchargement provoquaient certains désagréments pour les riverains. Ils ont notamment déposé des plaintes concernant les dépôts prolongés de stocks de betteraves ou de charbon. “(…) Pendant 3 mois les habitants de ce quartier ont été dans la boue, une montagne de betteraves occupait le quai jusque la chaussée, à certaines heures de l a journée la circulation était impossible.” Extrait d’un courrier de A. Lanselle (propriétaire de la Malterie de l’Etoile) adressé à M. le Maire de Saint-Omer le 2 janvier 1913. décharger les bateaux de faible tonnage, le mur du quai du commerce étant trop haut. La fonction portuaire de cette partie de la ville remonte au Moyen Age. En effet, grâce à la canalisation de l’Aa vers 1165, les bateaux de mer peuvent rejoindre SaintOmer depuis Gravelines. Parallèlement à ces grands travaux, un réseau de canaux est créé à l’intérieur de la ville (quai des Salines, Place du Vinquai…) de façon à faciliter le transport des marchandises vers les nombreux marchés (marché aux poissons, aux bestiaux…). Cependant, le percement du canal entre Saint-Omer et Aire-sur-laLys en 1756 et la fin du rôle défensif des fortifications favorisent un déplacement des quais de l’intérieur vers l’extérieur de la ville. Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’augmentation du trafic par voie terrestre et la dérivation du canal de Neufossé en 1958 engendrent progressivement la “mort” du quai du commerce. Les péniches cessent de circuler sur cette portion du canal. Aujourd’hui, on assiste à une reconquête du quai par les commerçants, qui s’opère déjà depuis une dizaine d’années. Mais la notion de “commerce” qui a fait l’identité du quai a beaucoup évolué. Au XIXe siècle, il était le lieu d’échange des marchandises et de production en lien direct avec le port fluvial, alors qu’aujourd’hui se développent plutôt des lieux de vente. l’aménagement du port fluvial à partir du XIXe siècle Le quai du commerce est le résultat d’aménagements successifs entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. La mise en place des nouveaux quais se déroule en trois étapes. Un premier quai dit “de Lyzel”, est aménagé au nord de la porte du même nom, au pied du rempart à partir de 1832. On utilise des matériaux pris à l’Abbaye 1. Saint-Bertin pour le réaliser l le quai du commerce : une diversité architecturale Les bâtiments longeant le quai du commerce, construits pour la plupart vers 1897, sont principalement des édifices de type industriel (hangars, dépôts, greniers à grains). Ils alternent avec les maisons de bourgeois, propriétaires des manufactures et des magasins. L’utilisation de la brique rouge, au niveau du quai comme pour l’ensemble des boulevards, apporte une perception différente du quartier en comparaison avec le centre ville où la brique jaune domine. Les usines et les manufactures nécessitaient de vastes espaces, d’où la répétition de volumes identiques, avec pignons sur rues et peu de décor en façade. Les vastes habitations présentent un vocabulaire architectural classique : organisation symétrique des fenêtres autour de la porte d’entrée, présence discrète de frontons triangulaires ou segmentaires, bossages de pierre en pointe de diamant, quelques éléments décoratifs comme des colonnes-balustres… En revanche, les maisons situées vers la rue de Dunkerque arboRestitution de rent une architecture d’inspiral’occupation du quai tion néoflamande : pignons en du commerce en 1925. “pas de moineau”, travées La grande majorité des industriels installés 8 … brugeoises l Le démantèlement des remparts, qui débute en 1894, permet de redresser le tracé en “dent-de-scie” du canal de Neufossé, facilitant ainsi la navigation. Le quai de Lyzel est alors prolongé pour donner naissance au quai du commerce qui se double d’une voie latérale de circulation. La rue du Pélicorne et le quai des Salines sont raccordés à cette nouvelle voie. Les travaux s’étalent de 1895 à 1897. Le chemin latéral au quai est construit à l’aide de pierres de taille provenant en partie des ancien2. nes fortificationsl Les industriels et les commerçants établis sur le quai des Salines profitent des nouveaux terrains disponibles pour étendre leurs installations. Il existe alors différents types d’activités mais essentiellement des productions artisanales: brasseries, malteries, charbons (utilisés par l’usine à gaz toute proche), chaudronneries, briqueteries… et quelques cafetiers. Le quai est donc un élément essentiel 3 àl 7. pour le développement économique de la ville l En 1912, un autre quai est aménagé en amont de la caserne d’Esquerdes. Sa création est consécutive aux réclamations des manufacturiers dénonçant à la fois le manque de place de stationnement des bateaux (lié à l’accroissement du trafic sur le canal) et la difficulté de 7 7 Denis Campagne et magasin Magasin Bultel-Lourme estaminet F. Leclercq et P. Dupont, briques A. Legrand J. Joan, grains Legrand Taquin et Cie, Fonderie et construction de Saint-Omer, Chaudronnerie Jourdain, restaurateur Au planteur de Caiffa cafés torréfiés 15 17 25 24 23 22 21 20 19 18 16 Lanselle-Damasse malterie de létoile (+ 32, quai des salines) G. Leclercq, Vins et liqueurs Estaminet et habitation Hopsomer, brasseur (+ 22, quai des salines) Vasseur-Martin alimentation Humetz-Brassart charbons J. Guilbert, malterie G. Goudin Huiles et graisses Comte de Poncius propriétaire 14 13 d u c o m m e rc e quai 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 sur le quai a prospéré pendant plusieurs décennies. Certains, comme la société Marquis frères ou la Malterie de l’Étoile, se sont même agrandis en récupérant des parcelles mitoyennes. 2 > Jeune Chambre économique de Saint-Omer ; l 3 et l 4 > coll. privée M. et Mme Bogaert _ design : Alice Lagny > www.unkilodeplumes.net _ impressions et supports : Nuances > Versailles l “Depuis longtemps les besoins du commerce 6 2 copyrights : photographies > Service AP, Mairie de Saint-Omer sauf 1 8