La mesure de rugosité s`associe à la production

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La mesure de rugosité s`associe à la production
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Solutions
Vu
chez
Tefal
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con t r ô l e o p t i q u e d e s s u r f a c e s
La mesure de rugosité
s’associe à la production
H
La mesure optique des états de surface n’est pas réservée aux laboratoires de métrologie. Depuis quelques années, elle fait
aussi ses preuves dans les ateliers de production, pour des contrôles en bord de ligne. C’est le cas par exemple sur le site de
Tefal à Rumilly (74). A proximité des lignes d’emboutissage, une machine conçue par Altimet contrôle la rugosité de disques
d’aluminium en cours de production. Si une dérive est détectée, les opérateurs modifient immédiatement les paramètres de
réglage du process. En plus d’un outil de contrôle, la machine est donc aussi devenue un allié indispensable à la production.
Pour installer un tel instrument au cœur de l’atelier, rien n’a été laissé au hasard…
C
un contrôle en bord de ligne,
sert aussi au pilotage du process. Elle a nécessité
plusieurs développements
spécifiques pour faire face aux contraintes de la production.
PPour Tefal, l’investissement
s’est élevé à près de 80 000 euros.
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Photos Tefal
e pourrait être un exemple typique de l’intégration réussie
d’un instrument de mesure de
laboratoire dans l’environnement de la production. Ou le signe tangible
que les machines de mesure optique des
états de surface ont désormais toute leur
place dans les applications de contrôle en
bord de ligne. Mais l’application réalisée par
Altimet sur le site de Tefal en Haute-Savoie est
une première à plus d’un titre. Dès l’assemblage de la machine, il y a cinq ans, le fabricant s’est trouvé confronté à un obstacle
inédit. « C’est la première fois qu’Altimet fabriquait une machine d’une aussi grande capacité, se
souvient Serge Carras, président de la
société. Sa taille et son poids étaient tels que nous
ne pouvions pas la déplacer dans nos locaux ! Il a
fallu l’assembler sur un autre site que le nôtre, avec
des moyens de levage spécifiques. » Et ce n’était
qu’un début…
L’environnement de la
L’essentiel
production, les besoins
PTefal utilise une machine
de l’industriel et la préd’Altimet pour mesurer
cision attendue ont
la rugosité de plaques
nécessité de dévelopd’aluminium et garantir
per une solution pratil’adhérence du revêtement
quement sur mesure.
en PTFE.
Pour comprendre l’oriPLa machine, qui assure
gine de l’application,
il faut revenir au procédé qui a fait la notoriété de Tefal. La société (filiale du groupe Seb
depuis 1968), conçoit et fabrique une très
large gamme d’articles électroménagers
(poêles, casseroles, sauteuses, moules, balances, etc.). La plupart des ustensiles de
cuisson qu’elle produit sont constitués d’une
fine plaque en alliage d’aluminium sur laquelle est appliqué un revêtement de PTFE.
C’est cet ensemble qui constitue ensuite le
“fond” des poêles ou des casseroles. La difficulté du procédé consiste à garantir l’adhérence d’un revêtement… justement utilisé
pour ses propriétés anti-adhérentes. C’est là
qu’interviennent les états de surfaces des
matériaux. Tout repose en effet sur la rugosité de la plaque d’aluminium : si elle est trop
lisse, le revêtement n’adhère pas. Trop rugueuse, elle engendre une surqualité inutile
et coûteuse, ainsi que des problèmes potentiels au moment de l’emboutissage. Les différentes étapes consistant à préparer la surface des plaques d’aluminium jouent donc
un rôle majeur. Pour lui donner une certaine
rugosité, il existe deux méthodes : une attaque chimique du métal, ou une sorte
d’“usure” mécanique. Pendant de nombreuses années, seul le procédé chimique
était utilisé. Mais dans un souci de préservation de l’environnement et de développement durable, l’industriel s’est engagé à ré-
duire l’emploi et le rejet de produits
chimiques. D’autre part, le contrôle des surfaces attaquées chimiquement est relativement contraignant. Effectué au microscope
par le service qualité du site, il nécessite un
certain savoir-faire. « Cela fait aussi partie des
Les stations de mesure d’états de surface proposées par Altimet sont basées sur
des capteurs confocaux à codage chromatique. Ces derniers sont utilisés depuis
plusieurs années en production pour des applications de mesure d’épaisseurs et de distances. Plus récemment, la technologie a aussi fait ses preuves dans la mesure
de rugosité en laboratoire, mais aussi en bord de ligne, où elle connaît un succès
croissant. « Grâce à de nouvelles
générations de capteurs plus
robustes et à des vitesses plus élevées,
le procédé commence même à être
utilisé dans des applications en
ligne », ajoute Serge Carras,
président d’Altimet. La méthode
confocale chromatique fait
d’ailleurs partie des rares procédés
optiques officiellement reconnus
par la norme ISO 25178 sur les états de surface 3D.
Le principe est basé sur une division de la lumière incidente en un continuum de longueurs d’onde monochromatiques qui sont focalisées en un point de l’objet.
Chaque point du champ est identifié par la longueur d’onde du faisceau réfléchi. En sélectionnant uniquement la longueur d’onde au point de focalisation, il est alors
possible de connaître l’altitude de ce point. Les avantages sont nombreux. Le capteur
explore instantanément toute la profondeur du champ de mesure sans qu’il soit
nécessaire de réaliser un balayage temporel. Il offre une résolution verticale élevée (à partir de 5 nm), une large gamme de mesure (de 110 µm à plusieurs dizaines de mm),
et fonctionne sur tout type de matériaux (opaques, réfléchissants, transparents, etc.).
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La machine de mesure des états de surface conçue par Altimet est installée au plus près des lignes de production, dans un local vitré.
Elle se distingue notamment par sa grande capacité (600 x 600 mm en X,Y) et par la vitesse de mesure. Il faut moins de deux minutes
pour contrôler la rugosité des plaques d’aluminium servant à la fabrication des ustensiles de cuisson.
Le procédé confocal chromatique
85 % du chiffre d’affaires de Tefal
est assuré par la fabrication et
la vente d’articles culinaires. Sur
le site de Rumilly (près d’Annecy),
les poêles, sauteuses et autres
ustensiles de cuisson défilent
sur des lignes de production
à haute cadence. De nombreuses
étapes de préparation de surface
et de contrôle sont nécessaires
avant d’obtenir le produit fini.
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raisons pour lesquelles nous souhaitions changer de
procédé. Notre objectif était de pouvoir installer un
nouveau moyen de contrôle utilisable en production,
par des opérateurs qui ne sont pas forcément spécialistes en métrologie », explique Gilles Journet,
technicien développement industrialisation
chez Tefal.
Une première machine
en laboratoire
En 2007, deux nouvelles lignes utilisant un
brossage mécanique viennent remplacer une
partie des anciennes installations. Cette nouvelle orientation entraîne bien sûr un changement radical des machines de préparation
des surfaces, mais aussi des moyens de
contrôle. Pour caractériser la rugosité des
surfaces obtenues avec le nouveau procédé,
Tefal doit s’équiper d’un instrument de mesure précis et assez robuste pour être utilisé
en production. L’industriel connaît déjà la
solution qui répond à son besoin : une machine de mesure optique des états de surface
basée sur un principe confocal chromatique.
Il faut dire qu’à l’époque, il a déjà une solide
expérience avec ce type d’instrument. « Cela
faisait plusieurs années que nous utilisions cette
solution dans notre laboratoire de R&D », précise
Gilles Journet. Pour cette application, l’industriel avait déjà fait appel à Altimet. « Son offre
répondait aux exigences techniques de notre cahier des
charges. De plus, nous pouvions nous appuyer sur un
fabricant de la région, et bénéficier de sa proximité »,
poursuit-il.
Ces mêmes raisons poussent Tefal à pour- ➜
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➜ suivre sa collaboration avec Altimet
quelques années plus tard. Mais cette fois-ci,
les exigences sont tout autres. « Cette application a constitué un réel défi technique. Il fallait
assurer la précision et la répétabilité des mesures avec
deux contraintes majeures : un temps de cycle très
court, et l’environnement difficile d’un atelier de
production », explique Serge Carras. Le fabricant sait qu’il va falloir protéger la machine
des poussières et vibrations ambiantes. Il doit
aussi s’adapter à la variété des pièces mesurées. Celles-ci peuvent en effet provenir de
deux lignes de production distinctes, et de
lots différents. Elles sont donc à même de
montrer d’importantes variations de taille
ou de forme. Suivant leur usage final (fonds
de poêles, crêpières, sauteuses, etc.), les
plaques d’aluminium sont rondes, rectangulaires ou ovales, et leurs dimensions plus ou
moins importantes : « nous devions contrôler aussi
bien des pièces rondes de 200 mm de diamètre que
des plaques rectangulaires de 400x500 mm », précise Gilles Journet. L’industriel recherche
aussi un système ouvert, communiquant
avec son système de gestion de production.
Il souhaite également retrouver tout l’histo-
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rique des travaux qu’il a déjà réalisés en R&D
afin de pouvoir exploiter les résultats. Enfin,
l’interface doit être la plus simple possible.
« L’opérateur n’a pas besoin de voir les paramètres
ou les formules nécessaires au calcul de la rugosité.
Seul lui importe de savoir si oui ou non, la rugosité
est dans la bonne fourchette de valeurs », indique
Gilles Journet.
La machine fournie par Altimet est installée
en même temps que les nouvelles lignes de
préparation de surface. Elle répond point par
point aux demandes formulées par Tefal.
Pour s’adapter à des pièces de tailles et de
formes différentes, Altimet propose la plus
grosse machine qu’il ait jamais conçue : le
modèle offre une course de 600x600 mm
(100 mm suivant l’axe vertical). C’est éga-
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elle ne fonctionne pas, nous sommes obligés d’arrêter
la production ». Compte tenu du rôle stratégique de l’instrument, « nous avons signé un
contrat de maintenance suivant lequel nous devons
intervenir sous 48 heures en cas de problème »,
ajoute Serge Carras.
Après ce contrôle, les plaques d’aluminium
poursuivent plusieurs étapes de préparation
de surface.Viennent ensuite l’application du
revêtement, la cuisson, de nouveaux
contrôles (résistance mécanique, planéité,
homogénéité, etc.), puis la mise en forme
Les disques d’aluminium servant à la fabrication des ustensiles de cuisson subissent différentes étapes de préparation de surface.
Le revêtement anti-adhérent en PTFE et l’indicateur de chaleur “Thermo-Spot” situé au centre du disque sont des marques de fabrique bien
connues de la société.
lement la première fois qu’il équipe une de
ses machines de détecteurs de collision, afin
d’éviter d’endommager le capteur en passant
d’une pièce à une autre. Quant au poids de
la machine (plus de 500 kg), il est dû en
partie à la base de granit qui confère à l’instrument la stabilité nécessaire. La station de
mesure est protégée par un capot, et installée
dans une cabine vitrée à quelques mètres des
lignes de production. L’enceinte n’étant pas
climatisée, il s’agit simplement d’une protection contre les poussières de l’atelier.
Une aide au réglage
Le logiciel calcule la rugosité et affiche les résultats complets
(courbes, paramètres, etc.). Il est possible de consulter l’historique
du contrôle et de détecter les dérives.
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Suivant les souhaits initiaux de l’industriel,
le contrôle d’états de surface fait partie intégrante du process. Au démarrage de chaque
gamme, puis toutes les heures, les opérateurs
prélèvent une des plaques d’aluminium qui
circulent sur les deux lignes de production.
Ils entrent ensuite dans la cabine vitrée, posent la pièce sous le capteur optique et lan-
cent la mesure. En moins de deux minutes,
le contrôle complet est effectué. Sur l’écran
associé à la machine s’affiche alors une interface spécifique développée par Altimet. On
y voit la valeur de la rugosité (à moins d’un
micron près), les courbes représentant son
évolution, mais aussi et surtout des carrés de
couleur rouge, orange ou verte. C’est ce code
qui intéresse l’opérateur. Si le carré est vert,
la rugosité est comprise dans la bonne fourchette de valeurs. Si un carré orange apparaît
plusieurs fois d’affilée, l’opérateur doit modifier les paramètres du process pour corriger la dérive. Enfin, un carré rouge signifie
que la rugosité n’est pas conforme aux valeurs attendues. L’opérateur va donc corriger
instantanément les paramètres de la production. En pratique, il peut jouer sur certaines
caractéristiques du système mécanique de
brossage pour obtenir la rugosité voulue.
Bref, « la machine est à la fois un outil de contrôle
et une aide au réglage, résume Gilles Journet. Si
Six produits par seconde
Tefal appartient au groupe Seb (Société d’emboutissage de Bourgogne) depuis 1968.
Grâce à une forte croissance externe et organique, le groupe est devenu le numéro
un mondial du petit électroménager. Il rassemble plusieurs marques de grande notoriété (Calor, Moulinex, Krupps, Roventa, Lagostina, etc.) et emploie près
de 20 000 personnes à travers le monde. En 2010, Seb a réalisé un chiffre d’affaires
de 3 652 M€. Il vend actuellement plus de 6 produits par seconde. Tefal emploie
quant à lui 2 000 personnes en France sur deux sites de production (Rumilly et
Tournus). La société, créée en 1956 à Sarcelles, est aujourd’hui présente dans 120 pays. Elle a réalisé en 2010 un chiffre d’affaires de 377 M€.
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laboratoire. Grâce à ces études préalables, nous
connaissons précisément la rugosité nécessaire afin
d’obtenir la meilleure adhérence possible du revêtement, et nous pouvons optimiser les paramètres de
réglage en conséquence », explique Gilles Journet.
Seul petit changement, la manière de calculer la rugosité. En production, la machine
réalise plusieurs profils 2D pour obtenir la
valeur du paramètre de rugosité Ra des
pièces contrôlées. En laboratoire, elle effectuait une mesure des états de surface en 3D.
« Nous avons nécessairement dû adapter l’outil aux
cadences de la production,
poursuit Gilles
Journet. La mesure de
profils est moins longue
qu’une analyse en 3D, et
largement suffisante pour les
résultats que nous voulions
obtenir. »
Depuis sa mise en fonctionnement en 2007, la
Une interface simplifiée, basée sur un code en couleur, permet à l’opérateur de savoir si la rugosité machine de mesure des
est comprise (ou pas) dans la bonne fourchette de valeurs.
états de surfaces donne
entière satisfaction à
du produit par emboutissage, et les étapes de l’industriel. Bien sûr, certaines modifications
finition. A la sortie de ces différentes lignes, ont dû être apportées au cours du temps.
les poêles, sauteuses ou autres crêpières sont C’est le cas notamment avec le capteur
emballées dans des cartons et stockées dans confocal chromatique. « Le modèle qui avait été
installé à l’origine fonctionnait avec une ampoule
d’immenses entrepôts…
halogène, ce qui entraînait un échauffement et des
Tirer parti de l’expérience
problèmes de distorsions (en particulier lors des reDerrière l’apparente simplicité des mesures démarrages de production). Il y a deux ans, nous
se cache un développement relativement l’avons remplacé par un capteur de nouvelle généracomplexe. Pour assurer le succès de l’appli- tion équipé de Led froides. La technologie, extrêmecation, chacun des acteurs a dû s’appuyer sur ment robuste, est plus adaptée aux contraintes de la
son expérience. Du côté d’Altimet, tout repose production », explique Serge Carras.
sur la qualité métrologique de l’appareil. Plusieurs améliorations sont aussi évoquées
« Mesurer des rugosités fines dans des cycles entiè- pour les années qui viennent. Il est prévu de
rement automatisés au cœur de l’atelier nécessite de remplacer complètement les lignes de traimultiples savoir-faire. Il faut une machine très tement chimique par celles qui utilisent un
stable, avec des systèmes d’asservissement robustes procédé mécanique. A terme, la machine
et précis, des tables autorisant un déplacement rapide, d’états de surface contrôlera donc les pièces
etc. Plus les capacités de la machine sont impor- provenant de quatre lignes de production (et
tantes, plus le challenge est difficile », souligne non plus seulement de deux lignes, comme
Serge Carras. L’interface logicielle a elle aussi elle le fait actuellement). Tefal songe aussi à
nécessité un développement spécifique. Si automatiser une partie du contrôle.
les calculs proprement dits sont réalisés par L’industriel avait réfléchi à la possibilité de
le logiciel d’analyse des surfaces conçu par prélever automatiquement des pièces sur les
l’éditeur bisontin Digital Surf, Altimet a réalisé différentes lignes, pour les acheminer sous
l’interface dédiée à la production (avec un le capteur optique. Mais c’est une opération
fonctionnement possible hors ligne), la extrêmement lourde à mettre en œuvre. « En
communication avec le système de SPC, et revanche, nous envisageons de pouvoir un jour corriger
les options garantissant la traçabilité du automatiquement les paramètres influents sur la ligne,
contrôle. L’industriel, quant à lui, a pu tirer en fonction des résultats de mesure obtenus sur la
parti de toutes les analyses qu’il avait déjà machine », précise Gilles Journet. Une opéeffectuées sur la machine de laboratoire. « Il ration qui rapprocherait encore davantage
y a eu une véritable continuité entre le laboratoire et la station de mesure d’états de surface du
la production. Nous avons pu retrouver notre histo- reste du process…
Marie-Line Zani-Demange
rique, et transposer les valeurs que nous obtenions en
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