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L’EXPLOITATION SEXUELLE DES ENFANTS À DES FINS COMMERCIALES Détecter les victimes et initier les enquêtes GUIDE DE BONNES PRATIQUES 1 2 Préface La rédaction de ce guide est le fruit d’un partenariat entre la Brigade de Protection des Mineurs de la Direction de la Police Judiciaire de la Préfecture de Police de Paris et ECPAT France. A l’occasion de formations à l’audition de mineursvictimes organisées par la DFPN (DRCPN), il a été constaté que les enquêteurs pouvaient être confrontés sans le savoir à des mineurs qui, par peur ou perte de repères, ne dénonçaient pas l’exploitation sexuelle dont ils étaient victimes. Ce guide a donc pour but de sensibiliser les gendarmes et policiers à cette thématique, afin de les aider à détecter les victimes et à initier les enquêtes. Il vise à donner une définition pratique des cas d’exploitation sexuelle au travers d’illustrations concrètes tirées de l’expérience des enquêteurs de la Brigade de Protection des Mineurs de Paris. Il a pour but de recenser, sur ce sujet précis, les potentielles situations auxquelles gendarmes et policiers, de services de voie publique comme de services d’enquête, peuvent être confrontés et donner quelques clefs pour détecter les indices d’exploitation sexuelle des mineurs. 3 Il doit servir à inciter les gendarmes et policiers recueillant des mineurs en danger physique ou moral à être particulièrement alertes et attentifs aux moindres signes pouvant être révélateurs de situations d’exploitation. Les fugues de mineurs, n’étant jamais anodines, peuvent constituer un signal, une alerte, y compris pour les « fugueurs d’habitude ». Ainsi, une jeune fille de retour de fugue peut révéler avoir été sous le joug d’un ou plusieurs garçons et avoir été forcée à se prostituer pour leur compte. Enfin, outre la détection, ce guide vise à promouvoir l’élaboration de procédures judiciaires initiées à partir des indices relevés, sur la base d’infractions nettement définies par le code pénal et qui réclament une pratique régulière de ce type d’enquêtes. Avec le soutien de Nos remerciements à l’OCRVP (Office central pour la répression des violences aux personnes) et aux associations Amicale du Nid, les Amis du Bus des Femmes, le Foyer Jorbalan, Hors la Rue et le Secours Catholique pour leur contribution technique. Cette version du guide a été élaborée sur la base d’un premier guide créé en 2011 dans le cadre de la campagne 4 À propos d’ECPAT France www.ecpat-france.org A l’origine, ECPAT est un mouvement né sous la forme d’une campagne internationale lancée en Asie du Sud en 1990 afin de lutter contre le « tourisme sexuel »1 impliquant des enfants. ECPAT signifiait alors « End Child Prostitution in Asian Tourism ». Aujourd’hui, ECPAT est un réseau mondial composé de 85 membres dans 77 pays, travaillant à l’élimination de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC). Reflétant l’élargissement du mandat du réseau, ECPAT signifie aujourd’hui « End child prostitution, child pornography and trafficking of children for sexual purposes ». ECPAT France, membre de ce réseau international, existe en tant qu’association reconnue d’intérêt général depuis 1997 et mène des actions : • d’information et de sensibilisation du grand public (campagne, expositions, interventions, reportages…). • de formation des acteurs clés de la lutte contre l’ESEC comme les professionnels du tourisme, les journalistes (pour l’aspect préventif) et d’accompagnement des services de police et justice (pour l’aspect répressif). 1 - ECPAT parle désormais « d’exploitation sexuelle dans les voyages et le tourisme » (ESET). Le réseau insiste en effet pour que les abus sur les mineurs commis lors des voyages ne soient pas considérés comme une « forme » de tourisme mais bien comme une forme grave d’atteinte aux droits des enfants. Dans la même logique, le réseau parle « d’abuseur sexuel » et non de « touriste sexuel ». 5 • de plaidoyer, afin de permettre le renforcement et l’application des lois françaises pour la répression de l’exploitation sexuelle commerciale des enfants. • de soutien à des projets de réhabilitation d’enfants victimes ou de prévention auprès des familles et mineurs vulnérables. 6 L’EXPLOITATION SEXUELLE DES ENFANTS À DES FINS COMMERCIALES Détecter les victimes et initier les enquêtes GUIDE DE BONNES PRATIQUES PARTIE I L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales PARTIE II Les bonnes pratiques en matière d’enquête sur l’exploitation sexuelle des mineurs PARTIE III Les partenaires en matière de lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs ANNEXES 7 8 PARTIE I L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales .................................................... 13 I. LES DIFFÉRENTES FORMES D’EXPLOITATION SEXUELLE DES MINEURS .......................................... 15 1. La prostitution des mineurs ................................ 2. La traite des mineurs à des fins d’exploitation sexuelle ..................................................... 3. L’exploitation sexuelle des enfants dans les voyages et le tourisme (ESET) .......................... 4. L’exploitation sexuelle des enfants en ligne ........ II. LES ACTEURS DE L’EXPLOITATION SEXUELLE DES MINEURS ............................................................... 1. Les enfants victimes ........................................... 2. Les responsables de l’exploitation ..................... a. Les bénéficiaires directs ................................. b. Les bénéficiaires « indirects »: les abuseurs sexuels ou « clients » ................ III. LES FONDEMENTS JURIDIQUES AUX POURSUITES D’INFRACTIONS CONSTITUTIVES D’EXPLOITATION SEXUELLE DES MINEURS EN FRANCE : ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS D’INFRACTIONS ET PEINES ENCOURUES .......... 1. Recours à la prostitution de mineurs .................. a. En France ....................................................... b. A l’étranger ..................................................... 2. Proxénétisme ..................................................... 3. Traite des mineurs à des fins d’exploitation sexuelle .................................................................. 4. Pédopornographie .............................................. 9 15 16 17 17 20 20 21 21 22 23 23 23 23 25 25 27 PARTIE II Les bonnes pratiques en matière d’enquête sur l’exploitation sexuelle des mineurs .................. 31 I. FOCUS SUR LE MINEUR VICTIME EN SITUATION DE PROSTITUTION ....................... 32 II. REPÉRER LES INDICES RÉVÉLATEURS D’EXPLOITATION SEXUELLE ................................ 34 1. Le recueil de la première information ................. 2. Les indices liés au mineur victime d’exploitation sexuelle .................................................................. a. Indices communs ........................................... b. Indices spécifiques aux mineurs en situation de prostitution .................................. c. Indices spécifiques aux mineurs victimes de proxénétisme ou de traite .......................... d. Indices spécifiques aux mineurs victimes d’exploitation sexuelle dans les voyages et le tourisme (ESET) ..................................... e. Indices spécifiques aux mineurs victimes d’exploitation sexuelle en ligne ...................... 3. Les indices liés aux auteurs de l’exploitation sexuelle des mineurs ............................................. a. Indices spécifiques aux proxénètes ou auteurs de traite ........................................ b. Indices communs à tous les abuseurs sexuels .. c. Indices spécifiques aux « clients » de mineurs en situation de prostitution .............................. d. Indices spécifiques aux « touristes sexuels » .. e. Indices spécifiques aux détenteurs, diffuseurs d’images pédopornographiques ...................... 10 34 37 37 38 38 40 40 42 42 42 45 45 45 III. ENQUÊTER SUR L’EXPLOITATION SEXUELLE ... 1. Spécificités dans la prise en charge des mineurs victimes d’exploitation sexuelle ................ 2. Spécificités dans la prise en charge de l’auteur d’exploitation sexuelle ............................................ a. Tout auteur d’exploitation sexuelle ................. b. L’auteur d’infraction de droit commun ............ c. L’auteur de faits relevant de la criminalité organisée ....................................................... 49 49 51 51 52 52 PARTIE III Les partenaires en matière de lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs ........... 55 I. PARTENAIRES AU COURS DE L’ENQUÊTE ....... 55 1. Les services de police spécialisés ..................... 2. Le Parquet .......................................................... 3. Les urgences médico-judiciaires (UMJ) ............. 4. Le service Point de Contact ............................... 55 II. PARTENAIRES POUR LA PRISE EN CHARGE DU MINEUR ............................................................ 1. L’accueil d’urgence ............................................. 2. Relais associatifs nationaux ............................... ANNEXES ...................................... Annexe 1 - Fiche sur les mineurs en fugue ............ Annexe 2 - Cas pratique : Mineure en fugue ......... Annexe 3 - Fiche sur l’audition du mineur victime ... 11 56 56 56 57 57 58 60 60 62 64 Campagne ECPAT France - 2009 12 PARTIE I L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales « L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales est une violation fondamentale de leurs droits. Elle comprend l’abus sexuel par un individu et une rétribution en nature ou en espèces versée à l’enfant ou à une ou plusieurs tierces personnes. L’enfant y est traité comme un objet sexuel et comme un objet commercial. »1 Il s’agit de pratiques avilissantes et dégradantes menaçant de fait l’équilibre physique, psychologique et social des enfants qui en sont victimes. L’expression « à des fins commerciales » a été ajoutée pour insister sur le fait que les enfants étaient traités comme des objets. Afin de faciliter la lecture de ce guide, nous retiendrons simplement la terminologie « exploitation sexuelle » (ES) des mineurs. Éléments caractéristiques sexuelle des mineurs : de l’exploitation • Minorité de la victime. Est mineure toute personne âgée de moins de 18 ans2. • Connaissance raisonnable de la minorité de la victime par l’abuseur. • Utilisation d’une personne mineure à des fins sexuelles. • Existence d’une contrepartie en échange de 1 - Déclaration et programme d’action du 1er Congrès Mondial contre l’ESEC à Stockholm en 1996 – alinéa 5 2 - Article 388 du Code Civil « Le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis » 13 la pratique sexuelle sous forme pécuniaire ou de services en nature (hébergement, nourriture, vêtements, etc.). Cette contrepartie est versée au mineur ou à toute autre personne profitant de ce commerce. L’exploitation sexuelle est donc à distinguer de l’abus sexuel, qui peut être intrafamilial ou commis par une personne tierce, mais qui ne contient pas de contrepartie ou de rétribution. LES VIOLENCES SEXUELLES ENVERS LES ENFANTS Abus sexuel des enfants Sans contrepartie (viol, harcèlement sexuel, inceste...) Abus sexuel des enfants Avec contrepartie (argent, nourriture, vêtements, logement, bonnes notes...) Exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC) Certains mariages précoces Abus intrafamiliaux (membre de la famille de l’enfant) Abus extrafamiliaux (personne connue ou inconnue de l’enfant) Prostitution des enfants Exploitation sexuelle des enfants en ligne Inclus: Exploitation sexuelle des enfants dans les voyages et le tourisme (ESET) 14 Traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle I. LES DIFFÉRENTES FORMES D’EXPLOITATION SEXUELLE DES MINEURS 1. La prostitution des mineurs « On entend par prostitution des enfants le fait d’utiliser un enfant aux fins d’activités sexuelles contre rémunération ou toute autre forme d’avantage.»1 En France, les mineurs peuvent se prostituer notamment : • de façon visible, sur la voie publique, • de façon plus discrète, par téléphone, dans des studios, hôtels ou à domicile, • via internet pour la mise en relation avec le « client », et ils/elles effectuent alors les passes dans des hôtels ou appartements, • au sein d’établissements commerciaux (salons de massage, bars à hôtesses, bars à chicha, clubs échangistes…), • mais aussi au sein des écoles, collèges, lycées et structures éducatives. En général en France, il n’existe pas de réseaux de prostitution spécifiques aux mineurs. Ce sont plutôt des réseaux de prostitution de personnes majeures incluant aussi des mineurs. Le proxénétisme est une activité illicite en France. Elle consiste à tirer profit et/ou participer à l’organisation de la prostitution d’autrui. En France, le proxénétisme est considéré comme une forme possible d’exploitation des êtres humains (Art. 2254-1 CP). Concernant les mineurs, il n’y a pas besoin de démontrer qu’il y ait eu recours à un moyen (coercition, manœuvres dolosives…). Le simple fait qu’il soit commis à l’égard d’un mineur est punissable. 1- Article 2 b) - Protocole facultatif à la CIDE, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants – 2000 15 2. La traite des mineurs à des fins d’exploitation sexuelle La traite visant à exploiter sexuellement des enfants est constituée par le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de mineurs pour les mettre à sa disposition ou celle d’un tiers, pour la commission de faits de proxénétisme, d’agressions ou d’atteintes sexuelles. Depuis la loi du 5 août 2013, la traite des êtres humains à l’égard de mineurs est punie de 10 ans d’emprisonnement et 1 500 000 euros d’amende et est constituée même si elle n’est pas commise dans les circonstances prévues à l’Art . 225-4-1, II du CP. Il n’y a pas besoin, par exemple, de menaces ou de violences pour caractériser l’infraction. En revanche, si l’exploitation sexuelle du mineur est opérée dans l’une de ces circonstances (voir §3.3) alors la peine encourue est plus sévère. Attention : la traite est différente du trafic. Cette confusion vient du fait qu’en anglais « traite » se traduit par « trafficking ». Or le trafic1 fait référence à la question de l’immigration illégale. L’expression « trafic illicite de migrants » désigne le fait d’assurer l’entrée illégale dans un Etat d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet Etat, afin d’en tirer, directement ou indirectement, un quelconque avantage financier ou matériel2. 1 - Le terme français « trafic » se traduit en anglais par « smuggling » 2 - Source : Article 3 a du Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des nations unies contre la criminalité transnationale organisée adopté le 12 décembre 2000 et ratifié par la France le 29 octobre 2002. Contrairement au trafic, la traite peut être interne. Exemple : un mineur français peut être reconnu comme victime de traite même si le réseau criminel est français et que le lieu de l’exploitation se trouve sur le territoire national. 16 3. L’exploitation sexuelle des enfants dans les voyages et le tourisme (ESET) Il s’agit d’une déviance du tourisme et d’une activité illégale impliquant le recours à la prostitution de mineurs à l’étranger. ECPAT définit l’ESET comme « l’exploitation sexuelle d’enfants par des individus qui voyagent d’un endroit à l’autre, et qui sur place ont des relations sexuelles avec des mineurs. Habituellement, ces individus voyagent d’un pays riche vers un pays en développement mais il peut également s’agir de voyageurs au sein d’un même pays ou d’une même région1 ». Présent dans le monde entier, ce phénomène en expansion est une violation grave des droits de l’enfant. 4. L’exploitation sexuelle des enfants en ligne La pédopornographie, ou pornographie impliquant des enfants, est « toute représentation par quelque moyen que ce soit, d’un enfant s’adonnant à des activités sexuelles explicites, réelles ou simulées, ou toute représentation des organes sexuels d’un enfant à des fins sexuelles2 » . Ceci inclut des photographies, des représentations auditives ou visuelles et des dessins. On parle d’exploitation sexuelle des enfants en ligne lorsque des individus utilisent les nouvelles technologies d’information et de communication (TIC) : ordinateur, internet, smartphone, support d’enregistrement numérique, etc. pour fixer, diffuser, consulter et détenir des images mettant en scène des mineurs à des fins sexuelles. Exemples : le fait qu’une personne prenne des photos 1 - Muireann O’Briain, Milena Grillo et Helia Barbosa, « L’exploitation sexuelle des enfants et adolescents dans le tourisme – Une contribution d’ECPAT International au troisième congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents. Rio de Janeiro, Brésil 25-28 novembre 2008 », soumis par ECPAT International, 2008 2 - Article 2 c / du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie, mettant en scène des enfants 17 à caractère sexuel d’un enfant pour les vendre en ligne, ou lorsqu’une personne achète sur internet des vidéos d’un enfant se faisant exploiter. Il existe de multiples formes d’exploitation sexuelle des enfants en ligne dont le grooming et les matériels pornographiques mettant en scène des enfants. Le grooming Un agresseur peut chercher à manipuler un enfant pour que ce dernier se livre à une activité sexuelle illégale, simplement en gagnant sa confiance et son amitié. Ceci est connu sous le nom de “grooming” en Anglais. Le “grooming” désigne le processus durant lequel un adulte entre en contact avec un enfant en devenant son ami, l’encourage ou le/la piège dans le but de l’impliquer dans des actes ou dans une relation sexuelle. Beaucoup de cas de “grooming” ont de fait commencé via internet. Un des éléments du “grooming” implique parfois que l’agresseur persuade l’enfant de regarder d’autres enfants engagés dans une activité sexuelle, ou de regarder du matériel pornographique mettant en scène des enfants, afin de le/la convaincre que cette activité est normale. Après avoir gagné la confiance de l’enfant, un agresseur peut le pousser vers une situation d’exploitation. Cela signifie que l’agresseur va offrir de l’argent, des cadeaux, de la nourriture ou des faveurs spéciales afin d’exploiter sexuellement l’enfant ou de regarder l’enfant se faire exploiter sexuellement par d’autres personnes, via internet. Si l’enfant refuse d’être exploité, il est possible que l’agresseur harcèle ou menace l’enfant verbalement ou sexuellement par d’autres méthodes, comme le fait de nuire à sa famille. 18 Les matériels pornographiques mettant en scène des enfants Le matériel pornographique mettant en scène des enfants peut désigner du texte, des sons ou des vidéos, d’un enfant engagé dans une activité sexuelle, des images de parties sexuelles d’un enfant, ou des images d’un enfant virtuel ressemblant à un vrai enfant (par exemple, des images créées par un programme informatique). ECPAT utilise le terme “matériel” car il est plus large que le terme “pornographie”, et inclut texte, sons, vidéos, photos et même des bandes dessinées représentant des enfants. ECPAT utilise aussi le terme “matériels pornographiques mettant en scène des enfants” parce que le terme “pornographie” seul peut donner l’impression que l’enfant était d’accord pour participer aux abus représentés. On estime aujourd’hui à 200 images à caractère pédopornographique mises en circulation chaque jour1. Elles sont le résultat soit de violences sexuelles physiques exercées sur les mineurs (atteinte ou agression sexuelle réelle ou simulée souvent dans le cadre de l’activité prostitutionnelle), soit de violences psychologiques à l’encontre de mineur (piège, contrainte morale, piratage…) et sont, dans l’immense majorité, enregistrées et diffusées à l’insu ou contre le gré du mineur. Pour rappel, il est possible de signaler tout contenu ou comportement illicite rencontrés au cours de l’utilisation d’internet sur la Plateforme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalements (PHAROS) du Ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ou sur le site www.pointdecontact.net (voir page 56). www.internet-signalement.gouv.fr 1 - Voir site du Parlement Européen 19 II. LES ACTEURS DE L’EXPLOITATION SEXUELLE DES MINEURS L’exploitation sexuelle des mineurs implique deux types de protagonistes : les mineurs victimes d’un côté, les responsables de l’exploitation de l’autre, ceux- ci se divisant entre ceux qui organisent cette exploitation à leur profit et ceux qui y ont recours (abuseurs sexuels). 1. Les enfants victimes Le mineur est par définition vulnérable. C’est ainsi qu’une situation d’extrême vulnérabilité du mineur est le plus souvent à l’origine de son exploitation sexuelle : besoin d’argent, rupture avec le milieu familial, situation d’isolement suite à un trafic, contrainte physique ou morale de proches ou de tiers, phénomène du « loverboy »1, etc. Les mineurs victimes d’exploitation sexuelle en France peuvent être français ou étrangers. Ils peuvent être victimes d’une ou plusieurs formes d’exploitation. Lorsque les faits peuvent être qualifiés de traite, on remarque qu’il s’agit très largement de mineurs étrangers, qu’ils soient isolés ou non. Ils ont parfois été déplacés et transportés à cette fin (qu’ils en soient conscients ou non) ou sont devenus des 1 - Le mineur est victime d’exploitation par la personne se disant être son petit ami. Attention: de nombreux mineurs victimes ne sont pas toujours en capacité de comprendre qu’ils sont exploités et en danger. Certains peuvent même adopter un comportement désinvolte refusant catégoriquement d’être protégés. Ceci est en grande partie lié à l’emprise que le ou les tiers (familles, réseaux...) peuvent avoir sur le mineur. Dans ces cas là, il est néccessaire de redoubler d’attention et d’efforts pour mettre le mineur en confiance. Ceci pourra être fait en collaboration avec d’autres acteurs (association spécialisées, ASE, avocats, magistrats, administrateurs ad hoc...). 20 victimes une fois arrivés sur le territoire national. Concernant la prostitution des mineurs, on constate qu’elle est largement féminine. Afin de ne pas stigmatiser les mineurs dans cette situation, il est préférable de parler de « mineurs en situation de prostitution » plutôt que de « mineurs prostitués ». De même nous parlerons en général « d’abuseur sexuel » et non de « clients ». 2. Les responsables de l’exploitation a. Les bénéficiaires directs Il s’agit de toutes les personnes qui facilitent ou rendent possible l’exploitation sexuelle des mineurs dans le but de tirer personnellement profit de ce commerce : trafiquants, proxénètes, famille/proches. Les réseaux de proxénétisme et leurs intermédiaires sont les principaux bénéficiaires de cette exploitation, même si celle-ci existe également en dehors des réseaux criminels (dans le cadre familial). Pour cela, ils usent de tous les moyens à leur disposition (violence, ruse, contrainte/ pression psychologique, menace etc.). Les filières peuvent disposer de moyens logistiques très élaborés (trafic de faux papiers, relais dans les pays d’origine, de transit et de destination, connaissance des régimes juridiques). Les moyens de communication actuels permettent aux têtes de réseaux de limiter les risques d’arrestation en France en se maintenant à l’étranger et en sous-traitant la gestion des affaires à des relais logistiques locaux. 21 b. Les bénéficiaires « indirects » : les abuseurs sexuels ou « clients » Sont bénéficiaires de l’exploitation sexuelle des mineurs les abuseurs sexuels. Parmi les individus ayant recours à la prostitution des mineurs en France, certains sont mus par un fantasme pédophile, recherchant précisément à obtenir une relation sexuelle avec un enfant (Voir la partie sur les auteurs de l’exploitation sexuelle des enfants page 42). D’autres, à l’inverse, ne recherchent pas spécifiquement un rapport avec un mineur mais y auront recours en connaissance de cause par facilité, opportunité ou « curiosité ». Enfin certaines personnes sont parfois trompées par l’apparence physique de la personne en situation de prostitution, croyant raisonnablement à sa majorité. On retrouve cette distinction pour les individus ayant recours à la prostitution de mineurs à l’étranger. Ces individus sont des hommes pour la plupart mais aussi des femmes, de tout âge et toute catégorie sociale, qui utilisent leur ascendant économique pour abuser sexuellement de mineurs lors de séjours à l’étranger. Ils peuvent organiser leur voyage dans l’objectif d’avoir des relations sexuelles avec des mineurs, ou bien, comme c’est plus souvent le cas, se laisser tenter une fois sur place par l’opportunité et la facilité d’une expérience sexuelle ‘différente’. 22 III. LES FONDEMENTS JURIDIQUES AUX POURSUITES D’INFRACTIONS CONSTITUTIVES D’EXPLOITATION SEXUELLE DES MINEURS EN FRANCE : ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS D’INFRACTIONS ET PEINES ENCOURUES 1. Recours à la prostitution de mineurs a. En France Constitue l’infraction de recours à la prostitution de mineurs « le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d’un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle ». Ces faits sont punissables de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, 5 ans et 75 000 euros d’amende lorsque la mise en relation s’est faite via l’utilisation d’un réseau de communication. Les peines sont portées à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsqu’il s’agit d’un mineur de 15 ans (Art. 225-12-1 & 225-12-2 CP). Le « client » doit avoir connaissance ou tout au moins conscience de la minorité de la victime pour que l’infraction soit constituée. b. A l’étranger La France a adopté depuis plus de 10 ans des lois extraterritoriales, qui permettent de poursuivre et punir ses nationaux ou résidents auteurs d’abus sexuels commis sur des mineurs hors du territoire national. Le code pénal prévoit une forme de dérogation à la 23 condition de double incrimination1 et d’initiative de poursuites au niveau local pour certaines infractions. Les infractions de viol et agression sexuelle (Art. 222-22 al.3 CP), atteinte sexuelle (Art. 227-27-1 CP), proxénétisme (Art. 225-11-2 CP) et recours à la prostitution de mineurs (Art. 225-12-3 CP) commises par un français, ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, sont applicables par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 CP (sur la double incrimination) et aux dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 CP (sur l’existence de poursuites au niveau local). Les infractions prévues par les articles 227-22, 22723 ou 227-25 à 227-27 du Code pénal (par exemple celle en lien avec internet visée par l’article 227-23 du CP) commises à l’étranger par un ressortissant français ou un résident habituel peuvent également être poursuivis en dérogeant à ces deux critères. L’atteinte sexuelle, commise par un majeur, sans violence, ni contrainte, ni menace ou surprise, sur un mineur de 15 ans, est punissable de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, peine alourdie en cas de circonstances aggravantes (Art . 227-25 & 227-26 CP). L’agression sexuelle, définie comme toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise, est punissable de 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende, si la victime a moins de 15 ans (Art. 222-28 CP). Le viol, constitué par tout acte de pénétration sexuelle, est punissable de 20 ans de réclusion criminelle si la victime a moins de 15 ans (Art. 22223 & 222-24 CP). 1 - Cette condition impose que les faits doivent normalement être punis par la législation du pays où ils ont été commis 24 2. Proxénétisme Constitue l’infraction de proxénétisme le fait d’apporter aide, assistance ou protection à la prostitution d’autrui, de mettre en relation « client » et prostitué, de récupérer tout ou partie des gains réalisés, d’embaucher ou entraîner une personne à se prostituer ou à continuer de le faire, de ne pouvoir justifier ses ressources alors qu’on cohabite avec une personne se livrant habituellement à la prostitution (Art. 225-5 & 225-6 CP). Lorsque les faits sont commis à l’égard d’un mineur de 16 à 18 ans, il s’agit de proxénétisme aggravé et la peine encourue est de 10 ans d’emprisonnement et de 1 500 000 euros d’amende (Art. 225-7 CP). Ils sont punis de 15 ans de réclusion criminelle et de 3 000 000 euros d’amende lorsqu’il s’agit d’un mineur de 15 ans (ou moins) (Art. 225-7-1 CP). 3. Traite des mineurs à des fins d’exploitation sexuelle « La traite des êtres humains est le fait de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir à des fins d’exploitation dans l’une des circonstances suivantes : 1- Soit avec l’emploi de menace, de contrainte, de violence ou de manœuvre dolosive visant la victime, sa famille ou une personne en relation habituelle avec la victime ; 2- Soit par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de cette personne ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ; 3- Soit par abus d’une situation de vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, apparente ou connue de son auteur ; 25 4° Soit en échange ou par l’octroi d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage. L’exploitation mentionnée au premier alinéa du présent I est le fait de mettre la victime à sa disposition ou à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre la victime des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, de réduction en esclavage, de soumission à du travail ou à des services forcés, de réduction en servitude, de prélèvement de l’un de ses organes, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre la victime à commettre tout crime ou délit. » Elle est punie de 7 ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende (Art. 225-4-1 I CP). En revanche, la traite des êtres humains à l’égard de mineurs est constituée et punie de 10 ans d’emprisonnement et 1 500 000 euros d’amende même si elle n’est pas commise dans ces circonstances (Art. 225-4-1 II CP) et de 15 ans de réclusion criminelle et 1 500 000 euros d’amende si elle est commise dans l’une de ces circonstances ou des circonstances aggravantes prévues à l’article 225-4-2 CP comme par exemple la traite à l’égard d’un mineur dès son arrivée ou avant-même son arrivée en France (Art. 225-4-2 II CP). 26 4. Pédopornographie Afin de lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants en ligne, le législateur français a développé plusieurs textes sous la qualification de « pédopornographie ». La fixation ou diffusion de pédopornographie Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est punissable de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Les peines encourues sont portées à 7 ans et 100 000 euros d’amende lorsqu’a été utilisé un réseau de communication électronique (Art 227-23 CP). Lorsque l’image ou la représentation concerne un mineur de 15 ans, ces faits sont punis même s’ils n’ont pas été commis en vue de la diffusion de cette image ou représentation. La consultation ou détention de pédopornographie Le fait de consulter habituellement ou en contrepartie d’un paiement, un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation, d’acquérir ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit est punissable de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (Art 227-23 CP). Le législateur a rajouté en 2007 un article spécifique pour couvrir la question du « grooming » (Voir page 18) qui s’entend de la sollicitation en ligne d’un mineur de moins de 15 ans par un majeur à des fins sexuelles. C’est un acte pénalement répréhensible dont les peines sont fixées par l’article 227-22-1 du Code pénal : « Le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles 27 à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Ces peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque les propositions ont été suivies d’une rencontre. » Depuis la loi n° 2007-297 du 7 mars 2007, entrée en vigueur en mars 2009, la France autorise la cyber-infiltration, sous certaines conditions1, pour les questions de pédopornographie (Art. 706-35-1 CPP). La cyber-infiltration permet d’appréhender des cybercriminels en endossant une fausse identité. En matière de pédopornographie, cela consiste à pister les prédateurs, à entrer en contact avec eux, à se faire passer pour un mineur et sans provocation, à obtenir des propositions explicites pouvant aller jusqu’à la fixation d’un rendez-vous. 1 - Pour les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l’enquête ou sur commission rogatoire, s’ils sont affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin, dans dans conditions précisées par arrêté. 28 Campagne ECPAT France - 2009 29 Campagne ECPAT France - 2015 30 PARTIE II Les bonnes pratiques en matière d’enquête sur l’exploitation sexuelle des mineurs La détection d’une situation d’exploitation sexuelle par les gendarmes ou policiers peut se faire à de multiples occasions découlant de leurs observations et de leur vigilance. Il y a des indices qui peuvent être révélateurs et qui demandent à être vérifiés pour pouvoir déclencher une enquête judiciaire. Cette première étape doit être nécessairement complétée par un travail de vérification. L’information doit être recoupée pour être fiable et exploitable. Viendra ensuite le temps de l’enquête, si un cas d’exploitation sexuelle se présente. Ne pas oublier qu’en parallèle, et ce indépendamment de la détection de faits avérés d’exploitation sexuelle ou de toute autre infraction pénale, tout mineur en danger doit être protégé. Policiers et gendarmes doivent effectuer un signalement auprès du Procureur de la République, afin qu’il puisse décider des mesures appropriées (assistance éducative ou placement, saisine d’un juge des enfants… - Art. 375 du Code Civil). 31 I. FOCUS SUR LE MINEUR VICTIME EN SITUATION DE PROSTITUTION Enchaîner les procédures pour racolage à l’égard d’un mineur en situation de prostitution ne constitue pas une réponse adaptée, notamment si celui-ci est sous la coupe d’un proxénète, voire d’un réseau criminel. Le mineur est d’abord une victime. Tout mineur en situation de prostitution, même occasionnelle, est un mineur en danger. A ce titre, il doit faire l’objet de mesures de protection et/ou d’assistance éducative en tant que victime. Pour les policiers et gendarmes de terrain, la bonne pratique consisterait à approcher le mineur - en danger - en situation de prostitution, le mettre en confiance et l’inviter, en tant que victime, à se rendre à la gendarmerie ou au poste de police. Malheureusement, cette approche n’est pas toujours possible, notamment pour les policiers et gendarmes qui ne disposeraient pas de la formation ou de l’expérience nécessaire. Exceptionnellement, l’interpellation pour délit de racolage1 peut constituer une base légale pour amener le mineur au poste de gendarmerie ou de police dans le but de s’entretenir avec lui sur sa situation. L’interpellation en question peut offrir une sorte de « couverture » pour le mineur au moment de l’interpellation, surtout s’il est surveillé par un 1 - Constitue le délit de racolage « le fait par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération » (Art 225-10-1 CP). Le mineur en situation de prostitution n’est pas exempté de poursuite. La poursuite en justice reste à l’appréciation du Procureur de la République, et la peine encourue est la moitié de celle pour les majeurs, soit 1 mois d’emprisonnement et 1775 euros d’amende (Art. 20-2 CP). 32 proxénète sur le lieu de prostitution. Toutefois, cette pratique n’est pas sans incidence sur la relation mineur/force de l’ordre, qui peut s’en trouver fortement mise à mal et qui demande alors un travail renforcé d’accueil et de mise en confiance. Dans tous les cas, il est nécessaire que le mineur soit, dès le début de la procédure, considéré et traité comme une victime et non comme un délinquant par les forces de l’ordre. Il convient, une fois à l’abri, de s’entretenir avec l’autorité judiciaire pour apprécier l’opportunité des poursuites contre les auteurs de l’exploitation ou privilégier la mise en confiance pour recueillir des éléments permettant à un service spécialisé d’initier une procédure pour des faits de proxénétisme ou de traite. Le placement du mineur en situation de prostitution auprès de l’Aide Sociale à l’Enfance est en général décidé par le Parquet à l’issue de son audition libre (ou de sa garde à vue). Un éloignement géographique pourra être envisagé selon les risques encourus, par les mineurs, de représailles et/ou de récupération. Attention, la réussite du placement est très aléatoire, beaucoup de mineurs en situation de prostitution n’y adhèrent pas et s’enfuient des foyers. Le travail de collaboration avec les associations spécialisées est donc important car elles connaissent bien le public et peuvent contribuer à faire adhérer le mineur à une mesure de protection. 33 II. REPÉRER LES INDICES RÉVÉLATEURS D’EXPLOITATION SEXUELLE Parmi le public rencontré à l’occasion des missions de police peuvent figurer des victimes ou des auteurs d’exploitation sexuelle. S’il est vigilant et à l’écoute, le policier/gendarme agissant dans le cadre d’une opération de routine, pourra repérer un comportement, une attitude, un objet indice d’exploitation sexuelle. Certaines vérifications préliminaires et actes d’enquêtes facilitent la mise à jour de ces indices. 1. Le recueil de la première information Si les interventions de police et les actes d’enquête ont un cadre légal strict et suivent un but bien précis, il est important que le policier/gendarme reste attentif et curieux face aux situations appréhendées. Attention à l’effet tunnel : rester attentif afin de détecter les infractions, là où on ne les attend pas. Les constatations suite à un cambriolage peuvent être l’occasion de découvrir des images à caractère pédopornographique (détenteur-diffuseur, images prises lors de voyage….). Un contrôle routier peut conduire à l’identification d’un passager mineur– victime d’exploitation sexuelle - et de son proxénète ou « client ». Par exemple, en matière de prostitution, ce sont souvent des signalements qui attirent l’attention. Une jeune fille paraissant mineure qui se trouve sur un lieu de prostitution, peut être repérée lors d’un contrôle 34 de police ou de gendarmerie, par les associations, les riverains voire les prostitué(e)s majeur(e)s. Il est extrêmement rare qu’une mineure en situation de prostitution évoque spontanément sa situation. Quelques conseils généraux : • Éviter autant que possible pendant le dialogue avec le/la mineur qu’il/elle ait des contacts avec l’extérieur (réseau, « clients », proxénète) afin qu’il ne subisse pas de pressions. • Séparer les différents protagonistes, surtout le mineur, afin de le mettre en confiance pour évoquer sa position éventuelle de victime. • Etre attentif aux attitudes, qui peuvent être éclairantes (bégaiement, panique, prostration, silence…). Quelques exemples d’interventions permettant le recueil d’information sur une victime mineure ou un auteur d’exploitation sexuelle : Interpellation Les apparences peuvent être trompeuses, et une infraction peut en cacher une autre. Exemple : un mineur venant de dérober un portefeuille à un adulte dans un hall d’hôtel peut être en situation de prostitution et avoir été sollicité par l’adulte en question. Autre exemple : une jeune fille étrangère de 17 ans, contrôlée alors qu’elle était en situation de prostitution dans un quartier « chic » de la capitale. Elle expliquait avoir été conduite en France par une amie qui l’avait livrée à un proxénète. Confiée aux services sociaux, 35 elle a été mise à l’abri. Les surveillances, filatures et investigations techniques ont permis d’identifier deux autres mineures victimes et les donneurs d’ordre. Plusieurs individus ont été interpellés et déférés devant la justice. Fouille de sécurité La fouille des effets d’un gardé à vue ou d’un mineur en danger de passage dans un service de police peut conduire à la découverte d’objets divers (clé USB, relevés de comptes bancaires, téléphone, répertoire, argent liquide…) dont la présence apparaît plus ou moins justifiée et normale. Exemple : une jeune fille fugueuse se retrouvant occasionnellement en situation de prostitution peut détenir une somme importante en argent liquide, dont elle ne peut ou ne veut justifier la provenance. Constatations, perquisition Lors du transport au domicile ou sur le lieu de travail d’un mis en cause, d’un témoin ou d’une victime, l’enquêteur entre dans la sphère de l’intime. Des photographies, des bibelots, une disposition des lieux peuvent être révélateurs, mettre la puce à l’oreille, sans pour autant constituer la preuve de la commission d’une infraction. Exemple : un homme dit avoir beaucoup voyagé à titre privé sans que soient présents chez lui de souvenirs visibles de ses séjours (artisanat, photographies…). Certains indices peuvent être communs aux différents cas d’exploitation sexuelle, d’autres sont plus spécifiques à chaque type d’exploitation. Par ailleurs, on distingue les indices caractérisant une situation de victime de ceux pouvant révéler le profil d’un auteur. 36 2. Les indices liés au mineur victime d’exploitation sexuelle a. Indices communs Par définition, le mineur est vulnérable. Il devient victime d’exploitation sexuelle car il est en position de faiblesse. Il peut s’agir d’une fragilité psychologique due à un isolement (rupture familiale, mineur étranger isolé…), une perte de repère (fugueur, addictions diverses…), ou un traumatisme (victime d’inceste, de maltraitances…). Sur la question de la fugue, voir les annexes 1 et 2. Le mineur peut également être confronté à des difficultés matérielles (défaut de soins, malnutrition, maladie, logement précaire, faible niveau d’éducation…). La conjonction de plusieurs de ces éléments peut créer un terrain propice à l’exploitation sexuelle du mineur. Par ailleurs, dans le cadre de l’exploitation sexuelle, le mineur peut présenter des traces visibles de son exploitation. Il peut ainsi subir des violences physiques ou des brimades. Des traces de coups ou un état de crainte ou de peur permanente peuvent révéler sa situation de victime. Être attentif à l’état général du mineur est un premier moyen de repérer s’il est victime d’exploitation sexuelle. 37 b. Indices spécifiques aux mineurs en situation de prostitution • Indices matériels : tenue vestimentaire, coiffure, maquillage, petit matériel de prostitution (préservatifs, lubrifiant, mouchoirs en papier), accessoires (godemichés, lingerie…). • Indices liés à l’argent : niveau de vie en inadéquation avec les revenus de la famille (vêtements de marque, téléphonie…), possession de fortes sommes d’argent en liquide ou absence anormale de liquidités disponibles. • Indices liés au comportement : absentéisme en cours, attitude provocatrice ou effacée, sorties tardives, fugues nocturnes, fréquentation de lieux de prostitution, réception fréquente de sms/appels d’adultes, rendez-vous fréquents avec des adultes. c. Indices spécifiques aux mineurs victimes de proxénétisme ou de traite Ces indices s’ajoutent à ceux cités précédemment pour les mineurs en situation de prostitution. • Indices liés à l’argent : possession de bordereaux d’envoi de mandats cash ou postaux (Western union…). • Indices liés à la situation administrative : situation instable en France, possession d’une simple photocopie de pièce d’identité, de faux documents d’identité, ou absence de tout document d’identité, connaissance en langue française limitée au vocabulaire du sexe. 38 Attention: il faut rester vigilants à l’aspect physique des jeunes filles en situation de prostitution et ne pas hésiter à faire des vérifications. Certaines mineures étrangères peuvent en effet présenter des papiers (ex: récépissés de demande d’asile) les déclarant majeures. • Indices matériels : absence d’accès aux soins, possession de plusieurs téléphones, utilisation importante et régulière d’internet. • Indices liés au comportement : temps d’absence, colère soudaine, scarification/mutilation, existence de relations de domination ou de conflit du groupe d’appartenance avec un autre groupe, présence systématique d’un ou de plusieurs accompagnants, croyances particulières (culte vaudou…), discours appris par cœur... • Indices liés aux conditions d’exploitation : fréquentation d’établissements hôteliers, emploi du temps contraint car astreint à des horaires au sein d’établissements, mobilité extrême au sein d’une même ville, d’une région, du pays ou même d’un continent, ou au contraire très réduite (maintien dans un même lieu, jour et nuit), absence de loisirs, activité nocturne. Contre les idées reçues Le mineur étranger victime de traite n’est pas toujours isolé. Il peut en effet être exploité par ses parents ou proches, venus sur place afin d’assurer sa surveillance et récupérer les gains engrangés. L’appartenance à un groupe social ou ethnique consitué peut être un indice mais n’est en aucun cas suffisant pour confirmer une situation d’exploitation. 39 d. Indices spécifiques aux mineurs victimes d’exploitation sexuelle dans les voyages et le tourisme (ESET) Les dispositions relatives à l’extraterritorialité renforcent considérablement la protection des mineurs, même si l’identification des victimes demeure une difficulté réelle dans la plupart des enquêtes. Dans le cadre de leur travail en France, les policiers et gendarmes seront plutôt confrontés aux abuseurs sexuels qu’aux enfants victimes. Par définition, les victimes de faits commis à l’étranger se trouvent rarement sur le territoire national. Des photographies, documents divers, manuscrits ou informatisés en possession de leurs abuseurs peuvent cependant aider à les identifier. Par ailleurs, l’enquêteur, agissant dans le cadre de ses activités professionnelles ou à titre privé, peut être confronté à l’étranger à des victimes d’exploitation sexuelle. Certains indices peuvent aider à l’identification de mineurs victimes de tourisme sexuel. Ces indices sont à recouper entre eux pour prendre toute leur pertinence : parle très bien anglais (voir d’autres langues), touche/aguiche les touristes, enfant provenant d’un autre pays/une autre région, enfants en rupture sociale et familiale (enfants en situation de rue ou en fugue, orphelins…). e. Indices spécifiques aux mineurs victimes d’exploitation sexuelle en ligne Il faut distinguer les victimes de violences sexuelles 40 dont les vidéos ou photos circulent sur le net, qui sont très souvent des mineurs se trouvant à l’étranger, et les mineurs français ou résidant en France, victimes du fait de leur utilisation d’internet. • Indices relatifs aux victimes utilisatrices d’internet : fréquentation intensive de sites de tchat d‘adolescents, utilisation de la webcam, ordinateur personnel avec code d’accès, photographies et vidéos plus ou moins dénudées ou dans des poses suggestives du mineur enregistrées par lui-même sur son ordinateur… De plus en plus de mineurs posent de façon volontaire sur la toile et se font abuser par l’utilisation qui est faite de ces photos. Le phénomène du grooming est de même en pleine expansion (voir explications page 18). Exemple : le « prédateur », après avoir mis en confiance sa victime via le net, lui suggère alors progressivement de se dévêtir devant la webcam, en échange de cadeaux ou d’argent. Puis, après avoir enregistré ces petites scènes, il exerce un chantage sur sa victime, la menaçant de diffuser ces vidéos sur toute la toile, obtenant alors une emprise totale sur la mineure. Seule la dénonciation peut libérer la parole de la victime. • Indices relatifs aux victimes de violences sexuelles : d’autres victimes de pédopornographie sont également victimes de traite/prostitution et sont contraints de poser pour des photos pédopornographiques. Dans ce cas, l’attitude des enfants sera différente : attitude contrainte, violence psychologique et physique. 41 3. Les indices liés aux auteurs de l’exploitation sexuelle des mineurs Les auteurs d’exploitation sexuelle des enfants, comme tout criminel ou délinquant, sont susceptibles d’adopter un comportement méfiant. Les indices plus spécifiques décrits ci-dessous ne sont que des exemples issus de la pratique policière. Cette liste n’est ni exhaustive, ni exclusive. Par ailleurs, chaque indice décelé devra être recoupé, affiné, ne pouvant à lui seul justifier la mise en cause d’un individu pour une situation d’exploitation sexuelle d’un mineur. Avant d’agir, prenez du recul par rapport à la situation et cherchez conseils auprès de services plus spécialisés. a. Indices spécifiques aux proxénètes ou auteurs de traite Sommes importantes en argent liquide, utilisation de plusieurs téléphones portables, compétence en matière de gestion de sites internet (webmasters de site prostitutionnel). b. Indices communs à tous les abuseurs sexuels Une même personne peut être auteur de plusieurs faits distincts et de nature différente : un détenteur d’images pédopornographique peut aussi avoir recours à la prostitution de mineurs en France et/ ou voyager à l’étranger pour commettre des abus. Toutefois, ce sont des infractions bien différentes et l’une n’amène pas forcément à l’autre. 42 Tous les abuseurs sexuels qui participent à l’exploitation sexuelle des enfants ne sont pas des pédophiles. L’abus sexuel d’un enfant peut être commis par quelqu’un qui n’est pas pédophile, mais qui passe à l’action en raison de circonstances déterminées ou en obéissant à une impulsion sans que ceci soit nécessairement une fixation. La pédophilie suppose en effet la fixation et le caractère récurrents des fantasmes sexuels. D’après la classification internationale des maladies publiée par l’Organisation Mondiale de la Santé la pédophilie est considérée comme un « trouble de la préférence sexuelle pour les enfants, qu’il s’agisse de garçons, de filles, ou des deux, généralement d’âge pré pubère (moins de 13 ans) ou au début de la puberté ». Certains pédophiles sont attirés uniquement par les garçons, d’autres par les petites filles, d’autres par les enfants des deux sexes, avec ou sans préférence pour l’un des deux. La pédophilie ne s’exprime pas de manière identique pour tous les pédophiles. Il existe différentes catégories de pédophiles1 : 1. Les pédophiles « exclusifs » : personnes attirées uniquement par les enfants. 2. Les pédophiles « non exclusifs » : personnes qui sont aussi attirées par les adultes et les adolescents. 1 - Réunion d’experts sur : l’exploitation sexuelle des enfants, pornographie impliquant des enfants et pédophilie sur l’Internet : un défi international – « La pédophilie » par Dr. Patrice Dunaigre - UNESCO, Paris, 19 – 19 janvier 1999 http://www.ecpat-france.fr/centre_ressources/2-etudes_et_rapports/3-Abuseurs_et_exploiteurs/La_pedophilie_UNESCO-99.pdf 43 Le terme de « pédophilie » ne suppose cependant pas nécessairement un acte sexuel réel avec un enfant. On peut différencier trois types de pédophiles : 1. Les pédophiles abstinents : qui font le choix assumé de ne pas passer à l’acte. 2. Les pédophiles passifs : l’absence de passage à l’acte n’est pas le fruit d’un choix assumé mais le résultat de facteurs indépendants de leur volonté (inhibitions relationnelles, peur de la prison ou de l’exclusion…). 3. Les pédophiles actifs : qui sont prêts à passer à l’acte (soit qu’ils en attendent l’opportunité, soit qu’ils en recherchent activement l’occasion). Le comportement pédophile peut varier de l’exhibitionnisme et du voyeurisme aux attouchements inappropriés, à la sexualité par voie orale et à la pénétration. Le « comportement en fonction de ces pulsions » peut désigner également la recherche de situations impliquant des enfants ou le fait de regarder de la pornographie enfantine. Dans les cas de cyber pédopornographie, on retrouve les pédophiles passifs et actifs. Les pédophiles passifs vont utiliser le Net pour chercher et télécharger des images ou des vidéos pornographiques impliquant des enfants. Ils recherchent des images d’enfants à des stades variés de nudité et dans des positions suggestives. Les pédophiles actifs ne vont pas s’arrêter au fait de regarder des images. Ils vont aussi rechercher à entrer en contact avec des enfants, notamment sur des forums, pour pouvoir par la suite abuser d’eux. 44 c. Indices spécifiques aux « clients » de mineurs en situation de prostitution Préservatifs, fréquentation régulière de mineurs seuls, d’hôtels (quel que soit le standing), factures, documents bancaires... d. Indices spécifiques aux « touristes sexuels » Voyages fréquents vers les mêmes destinations (voir passeport), images fixées à l’étranger, mensonges récurrents à la famille sur le cadre du voyage, possession d’images pédopornographiques du pays, connaissance de la loi du pays de destination (si touriste sexuel habituel), possession de revue spécialisée en matière de prostitution des mineurs dans le pays de destination. Exemples : le cas d’un individu français qui se rendait régulièrement en Asie dans le seul but du tourisme sexuel. L’aide des ONG présentes dans les pays concernés (Thaïlande et Laos) a permis d’identifier et de retrouver des mineures victimes de ce prédateur et de le confondre. Dans un autre cas, un individu français qui faisait du tourisme sexuel en Thaïlande et qui s’en était vanté auprès de compatriotes, a été dénoncé par ceux-ci. e. Indices spécifiques aux détenteurs, diffuseurs d’images pédopornographiques Utilisation très fréquente d’internet, notamment des sites de tchat destinés aux adolescents ou mineurs (type Twitter, Instagram et Snapchat), détention d’images pornographiques sur son ordinateur ou un disque dur externe, détention de matériel spécialisé (appareil photo, logiciel spécialisé), ordinateur 45 individuel (avec code d’accès), matériel sécurisé avec sessions bloquées. Toutefois il ne faut pas négliger l’importance des smartphones qui peuvent contenir des photos et/ou vidéos et qui sont également des mini-ordinateurs. Ils devront donc être exploités en tant que tel, notamment l’activité internet. Depuis quelques années, les capacités de stockage numériques ont considérablement évolué. L’amateur d’images pédopornographiques est souvent un bon connaisseur en matière informatique et possède de nombreux supports qu’il convient de faire analyser, y compris les fichiers cryptés ou piégés. En effet, il est commun que ceux-ci cryptent leurs supports numériques et/ou utilisent des logiciels d’anonymisation afin de masquer leur adresse IP. Lors des perquisitions, l’enquêteur pourra rechercher des supports numériques de très petits formats (mini carte SIM) ou clefs USB « fantaisies » qui n’ont absolument pas la forme des clefs habituelles. Lors de ces perquisitions, le principe est de ne pas faire de manipulations sur ces supports et sur les ordinateurs pour en pas risquer de modifier les données. Les exploitations s’effectueront ultérieurement par des enquêteurs spécialement formés et à l’aide d’un matériel spécifique. Recouper les informations pour confirmer la situation d’exploitation sexuelle Même s’ils ne constituent pas en soi des preuves certaines, la présence d’indices pouvant être révélateurs d’exploitation sexuelle doit éveiller une certaine vigilance du policier/gendarme et susciter 46 des recherches complémentaires. Qu’il concerne une victime ou un auteur potentiel, chaque indice décelé devra être étudié, affiné, ne pouvant à lui seul déterminer un cas d’exploitation sexuelle. Il est important d’effectuer rapidement des vérifications, notamment par des recoupements d’informations, afin de confirmer ou d’infirmer la première impression. La mise en danger potentielle d’un mineur exploité ne dispense pas du nécessaire respect du code de procédure pénale. Les OPJ, et les APJ agissant sous leur autorité, ne doivent pas perdre de vue leur cadre légal d’intervention (contrôle d’identité, maintien de l’ordre public, enquête préliminaire, de flagrance ou sur commission rogatoire), car il détermine l’étendue de leurs attributions (perquisition avec ou sans assentiment, contrôle d’identité, fouille de véhicule…). La situation doit être donc analysée avec prudence, recul et discernement, afin de préserver au mieux l’enquête pouvant être diligentée ultérieurement. Quelques exemples d’outils d’aide à l’enquête : • Archives du service, informatisées, TAJ mains courantes Les recherches auprès des divers fichiers policegendarmerie et des archives judiciaires sont une source de renseignements à ne pas négliger, quelle que soit la situation rencontrée. La consultation du FIJAIS (Fichier judiciaire national automatisé des 47 auteurs d’infractions sexuelles) est ici particulièrement préconisée. Exemple : un fugueur de passage au service peut être connu pour des faits de racolage en dehors du ressort du service. • Associations, partenaires sociaux Des vérifications peuvent être effectuées rapidement auprès des partenaires associatifs et institutionnels, susceptibles de connaître un mineur (associations apportant leur aide aux mineurs étrangers isolés, aux prostitués, aide sociale à l’enfance, foyers d’accueil…). Exemple : un mineur, se présentant comme majeur, peut être connu d’une association d’aide aux personnes en situation de prostitution. • Enquête de voisinage L’enquête de voisinage peut être l’occasion d’étayer un profil suspect. Exemple : une personne peut évoquer le fait que son voisin célibataire reçoit régulièrement chez lui des mineurs ne semblant pas être de la famille. • Auditions de proches S’avérant justifiées par une enquête en cours, les auditions de proches (famille, entourage professionnel…) permettent de recueillir des éléments plus personnels sur le passé ou la vie actuelle d’un protagoniste. Exemple : il peut apparaître qu’un individu a justifié un séjour en Thaïlande auprès de ses proches par des nécessités professionnelles, qui sont en réalité inexistantes. 48 III. ENQUÊTER SUR L’EXPLOITATION SEXUELLE DES MINEURS Lorsque le stade des simples hypothèses est dépassé arrive l’enquête sur les faits constitutifs des infractions d’exploitation sexuelle des mineurs, qui se doit d’être rigoureuse. Le but est de mettre à jour les éléments matériels du crime ou du délit mais également, lorsqu’un mineur victime est identifié, d’assurer sa sécurité. Cette prise en charge consiste également à lui expliquer que l’enquête va se poursuivre, et qu’il va être protégé en tant que victime. Par ailleurs, la prise en charge de la victime d’exploitation sexuelle et celle de l’auteur répondent chacune à certaines spécificités. 1. Spécificités dans la prise en charge des mineurs victimes d’exploitation sexuelle Lorsqu’une victime d’exploitation sexuelle est identifiée, son audition doit être effectuée avec un soin tout particulier, en respectant une méthodologie propre au recueil de la parole de l’enfant. Une fiche pratique figurant en annexe en reprend l’architecture type et apporte quelques conseils sur cet acte essentiel pour la suite de la procédure. Afin notamment d’éviter une répétition de ses déclarations, l’audition du mineur victime d’infraction à caractère sexuel doit être filmée et enregistrée sur un support (CD, DVD…) qui sera placé sous scellé, et dont une copie figurera en procédure. 49 En complément, il est important de photographier la victime, afin de « geler » son âge apparent, et de préciser son descriptif physique et sa tenue vestimentaire, notamment en vue de rapprochement avec d’autres faits imputables à un prédateur. Si le mineur dispose d’un parent ou d’un tuteur connu (famille, éducateur…), ce dernier doit prendre connaissance de ses déclarations et peut/doit déposer plainte. Si un auteur présumé est placé en garde à vue et qu’une confrontation avec le mineur est envisagée, le code de procédure pénale (article 63-4-5 du CPP) permet à la victime de recourir à l’assistance d’un avocat, présent à ses côtés. Tout comme les majeurs, en fonction des déclarations de la victime, un examen médical général et/ou gynécologique peut s’avérer nécessaire. L’OPJ devra requérir un pédiatre légiste des urgences médico-judiciaires, ou à défaut un médecin de ville, la teneur de l’examen devant lui être précisé (délivrance d’une ITT, prélèvements buccaux, anaux et vaginaux éventuels, examen ophtalmologique, test VIH…). En outre, l’OPJ veillera à la conservation des preuves et indices, en saisissant et plaçant sous scellés les objets pouvant être le support de traces papillaires ou génétiques de l’auteur, notamment les vêtements de la victime. Une expertise de la victime par un pédopsychiatre peut également être sollicitée par le Parquet au cours de l’enquête. 50 Les rapports du médecin des UMJ et/ou du pédopsychiatre doivent être annexés en procédure. Le Code de Procédure Pénale aux articles 706-50 et 706-511, au-delà de l’enquête de police, prévoit des dispositions particulièrement protectrices pour le mineur victime d’infractions à caractère sexuel. Figure parmi elles l’assistance d’un avocat devant le juge d’instruction et la désignation d’un administrateur ad hoc, chargé de représenter juridiquement le mineur devant la justice lorsque la protection des intérêts de celui-ci n’est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l’un d’entre eux. 2. Spécificités dans la prise en charge de l’auteur d’exploitation sexuelle a.Tout auteur d’exploitation sexuelle L’OPJ peut solliciter un examen médical ainsi qu’un prélèvement sanguin de l’auteur présumé de viol, d’agression sexuelle ou d’atteinte sexuelle, afin de déterminer s’il est porteur d’une maladie sexuellement transmissible. Le refus de se soumettre au dépistage constitue un délit (Art. 706-47-2 CPP). Par ailleurs, en vue de l’alimentation du FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques), un prélèvement d’ADN, au moyen d’un kit FTA, doit être réalisé à l’égard du gardé à vue, lorsqu’il est soupçonné d’être l’auteur d’infractions à caractère sexuel (Art. 706-55 CPP). Le refus de prélèvement ADN constitue un délit. L’OPJ peut alors saisir tout objet susceptible de supporter le matériel génétique du mis en cause (Art. 706-56 CPP). 51 b. L’auteur d’infraction de droit commun • Auteur majeur Si les faits constituent un crime de droit commun (hors criminalité organisée), les auditions du gardé à vue doivent faire l’objet d’un enregistrement vidéo. • Auteur mineur Qu’il soit l’auteur d’un crime ou d’un délit, les auditions du gardé à vue mineur doivent faire l’objet d’un enregistrement vidéo. Dans ces deux cas, comme pour l’audition de mineur victime, la vidéo doit être placée sous scellé fermé et une copie versée au dossier. c. L’auteur de faits relevant de la criminalité organisée La loi dite « Perben II » du 9 mars 2004 a créé dans le code de procédure pénale un dispositif particulier pour les infractions relevant de la criminalité organisée (Art. 706-73 et suivants CPP). Parmi elles, certaines relèvent de l’exploitation sexuelle : les crimes et délits aggravés de traite des êtres humains et de proxénétisme, la minorité de la victime étant l’une des circonstances aggravantes prévues par le code pénal. Dans ce cadre, la garde à vue peut être prolongée jusqu’à 96h maximum, un régime dérogatoire est prévu pour l’assistance de l’avocat et des moyens d’enquête particuliers peuvent être mis en œuvre (sonorisation, interceptions téléphoniques en préliminaire…). 52 Campagne ECPAT France - 2009 53 Le service Point de Contact mis en place par l’Association des Fournisseurs d’Accès et de Services Internet (AFA) 54 PARTIE III Les partenaires en matière de lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs La complexité et le caractère délicat des situations d’exploitation sexuelle peuvent nécessiter le concours de services spécialisés au sein des services de police, de la justice ou des organismes institutionnels ou associatifs de la protection de l’enfance. Chaque utilisateur de ce guide pourra, dès sa lecture, se constituer une liste de contacts, dans sa zone d’intervention, afin de se tenir prêt à intervenir en cas de situation d’exploitation sexuelle d’un mineur. I. PARTENAIRES AU COURS DE L’ENQUÊTE 1. Les services de police spécialisés La Brigade de Protection des Mineurs de Paris / BPM Au sein de la direction régionale de la police judiciaire, la Brigade de Protection des Mineurs est chargée de la répression des infractions à l’encontre des mineurs ainsi que de la prévention et la protection de l’enfance et de l’adolescence. Contact : 12, Quai de Gesvres 75004 Paris Permanence 24/24 : 01 49 96 32 49 / 50 55 2. Le Parquet Une fois que le Parquet est informé par les services de gendarmerie ou de police du cas d’un mineur en situation d’exploitation sexuelle, le procureur de la République peut : • Ordonner le placement provisoire du mineur en cas d’urgence et de danger immédiat pour l’enfant. Cette OPP (Ordonnance de Placement Provisoire) doit s’accompagner d’une saisine du juge des enfants dans les huit jours. • Procéder à une évaluation de la situation afin d’obtenir un complément d’informations, notamment ordonner au service éducatif près du Tribunal de recueillir des renseignements d’ordre socio-éducatif sur la situation du mineur. • Saisir le Juge des Enfants aux fins d’ouverture d’un dossier d’assistance éducative. 3. Les urgences médico-judiciaires (UMJ) Les UMJ prennent en charge des mineurs victimes de façon pluridisciplinaire (pédiatre, infirmière, psychologue, assistante sociale, secrétaire) les enfants et adolescents victimes. Ces unités se trouvent le plus souvent à l’hôpital. 4. Le service Point de Contact Ce service a été mis en place par l’Association des Fournisseurs d’Accès et de Services Internet (AFA) en 1998. Son objectif est le retrait rapide des contenus illicites par l’hébergeur, que celui-ci soit en France ou à l’étranger, ainsi que la mise en place d’enquêtes, afin d’appréhender les auteurs et identifier les victimes. www.pointdecontact.net 56 II. PARTENAIRES POUR LA PRISE EN CHARGE DU MINEUR 1. L’accueil d’urgence L’accueil d’urgence permet, dans le cadre de la protection administrative, de recueillir immédiatement un mineur alors que le représentant légal est dans l’impossibilité de donner son accord à une protection administrative1. L’accueil d’urgence offre au mineur ayant abandonné le domicile familial et qui se trouve en situation de danger immédiat ou de suspicion d’un tel danger, la possibilité d’être accueilli par le service de l’ASE, dans le cadre d’une action préventive, pour 72 heures maximum, sans autorisation des parents (voir Art. L. 223-2 alinéa 2 du code de l’action sociale et des familles). Ces derniers, ainsi que le procureur de la République, doivent toutefois être informés sans délai de cet accueil. Au terme de cette période, deux solutions sont possibles, si le retour de l’enfant dans sa famille n’a pas pu être organisé : une procédure d’admission à l’ASE si les parents donnent leur accord ou, à défaut, une saisine de l’autorité judiciaire. L’accueil d’urgence est étendu, permettant d’accueillir les enfants fugueurs ou errants. Lorsque le magistrat ordonne le placement provisoire, éventuellement dans une structure d’accueil d’urgence, celui-ci est généralement effectué par un intervenant du service de l’aide sociale à l’enfance, qu’il intervienne déjà ou pas auprès de l’enfant. Dans certaines situations, l’accompagnement du mineur sur le lieu de placement peut-être réalisé par la Brigade de Protection des Mineurs, les services 1 - Voir Guide Pratique Protection de l’Enfance, « L’accueil de l’enfant et de l’adolescent protégé », Ministère de la Santé et des Solidarités 57 de police ou de gendarmerie, s’ils sont requis par le procureur de la République. Cas des Mineurs Isolés Étrangers (MIE) Le droit commun de la protection de l’enfance est applicable aux mineurs isolés étrangers au même titre qu’aux nationaux. Il n’existe pas à l’heure actuelle de structure nationale, institutionnelle ou associative, spécialisée dans la protection du mineur en situation de prostitution. En tant que mineurs vulnérables, ceux-ci peuvent être pris en charge au sein des foyers des services départementaux de l’Aide Sociale à l’Enfance, chargée de veiller à leur protection. 2. Relais associatifs nationaux Beaucoup d’associations viennent en aide aux personnes majeures en situation de prostitution mais très peu travaillent avec les mineurs. Il est donc fréquent que les services de police et de gendarmerie ou le Parquet se tournent vers des associations ou des dispositifs créés à la base pour les majeurs. En fonction des situations, ces organismes offrent mise à l’abri, accueil et écoute, soutien psychologique et conseil juridique aux victimes. Par ailleurs, ces associations de terrain peuvent éventuellement connaître les mineurs en situation de prostitution se présentant comme majeurs. Le réseau Ac.Sé (Accueil sécurisant) Ce dispositif national propose: - propose un hébergement et un accompagnement éloigné géographiquement du lieu de résidence de 58 la personne victime de traite en danger ou en grande vulnérabilité; - agit comme pôle ressource auprès des professionnels en contact avec des personnes victimes. Il s’adresse à toute personne majeure, française ou étrangère, en situation régulière ou non dans une situation de grand danger ou de grande vulnérabilité. Exceptionnellement et sur décision du Parquet, le réseau Ac.Sé peut prendre en charge des mineurs. www.acse-alc.org Le collectif « Ensemble Contre le Traite des Êtres Humains » Ce collectif est composé de plus d’une vingtaine d’associations françaises engagées de façon directe ou indirecte avec les victimes en France (ou dans les pays de transit et d’origine de la traite). Certaines associations sont notamment spécialisées dans la prise en charge des mineurs victimes et la lutte contre l’exploitation sexuelle. Pour plus d’information et pour retrouver les associations membres voir: contrelatraite.org 59 ANNEXES ANNEXE 1 : FICHE SUR LES MINEURS EN FUGUE Potentiellement il s’agit d’un mineur dit en Danger Physique et Moral. Actions à entreprendre : Recherches FPR : si positives, avis au service demandeur qui peut se charger de l’avis à l’autorité référente du mineur (Parents, famille d’accueil, foyer d’accueil ). Audition du mineur aux fins de : - rechercher les motivations de la fugue ou des fugues (relations familiales, victime mauvais traitement au sein de la famille ou du foyer, échec scolaire...). - retracer l’emploi du temps du mineur lors de sa fugue, connaître ses moyens de subsistance, le ou les lieux de refuge et l’identité de ceux ou celles qui l’auraient « aidé ». Il s’agit de détecter soit une éventuelle prostitution (avec l’exploitation d’une tierce personne ou non) ou plus simplement mettre à jour l’infraction « pour une personne autre qu’un ascendant de l’enfant de soustraire sans fraude et sans violence un enfant 60 mineur des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale ou auquel il a été confié ou chez qui il a sa résidence habituelle. »(Art. 227-8 CP). Pour cette infraction il s’agit de déterminer que la personne mise en cause avait connaissance de l’état de « fugueur » du mineur et, en résumé, qu’elle n’ait rien fait pour faire cesser cet état. - Rechercher si au cours de sa fugue, il n’a pas été victime d’une infraction : agression sexuelle ou non, provocation à commettre des crimes et délits. Avis au magistrat de permanence : A l’issue de cette procédure, si l’autorité référente du mineur en fugue a pu être identifiée et contactée, elle est invitée à se présenter pour reprise en charge. Cette « autorité » doit être « entendue ». Sauf obstacle majeur (conflit familial important, ou victime dans ce contexte), le mineur lui est remis. Si l’ « autorité référente » est absente, ou si il y a eu révélation d’état de victime au sein de sa famille ou de son foyer, le magistrat devra délivrer une Ordonnance de Placement Provisoire dans un établissement de son choix ou celui dédié aux placements d’urgence. 61 ANNEXE 2: CAS PRATIQUE MINEURE EN FUGUE Interpellation d’une mineure de 17 ans sur un lieu de prostitution à minuit. Suite à un contrôle d’identité, la minorité était avérée. De plus, elle faisait l’objet d’une fiche de recherche émanant d’un service de province. Conduite au service, elle était entendue sommairement. Elle ne fournissait que peu d’éléments tant sur les raisons de sa fugue que sur ses moyens de subsistance. Elle niait le fait d’être en situation de prostitution. Le service émetteur de la fiche ne pouvait être joint. Un avis de découverte était effectué. Un avis au magistrat de permanence était fait. Il délivrait une Ordonnance de Placement Provisoire (OPP) dans un foyer d’accueil d’urgence. La mineure était conduite dans cet établissement d’où elle fuguait peu de temps après son arrivée. Elle a fait l’objet d’une nouvelle interpellation sur le même lieu de prostitution quelques jours plus tard, mais cette fois-ci, en journée. Une nouvelle audition était effectuée après une « mise en confiance ». Il en résultait une série d’informations : - la mineure reconnaissait être en situation de prostitution depuis l’âge de 14 ans dans sa ville natale. 62 - elle expliquait y avoir eu quelques « soucis » et avait donc dû changer de ville. Arrivée à Paris, elle s’était immédiatement rendue sur le lieu de son interpellation, notoirement connu, et s’y être « prostituée » dès le premier soir, et que cela lui permettait de vivre. - elle refusait de nous indiquer l’adresse où elle était hébergée sur Paris. Le service émetteur de la première fiche a enfin pu être joint. Il confirmait les activités de la mineure ainsi que les « soucis » qu’elle avait rencontrés. Il précisait que la mineure n’avait plus qu’un service social comme référent. Ce service se déclarait incapable de poursuivre la prise en charge de cette mineure. Un nouvel avis était fait au magistrat de permanence qui délivrait une nouvelle Ordonnance de Placement Provisoire en attente d’une prise en charge effective des services sociaux parisiens. Elle était de nouveau conduite dans un foyer. Mais elle en repartait presque aussitôt. Interpellée une troisième fois, elle expliquait, cette fois, qu’un homme tentait de la « protéger » contre son gré. Une procédure pour proxénétisme aggravé était alors initiée. 63 ANNEXE 3: FICHE SUR L’AUDITION DU MINEUR VICTIME La prise en charge par les enquêteurs des mineurs victimes, et tout particulièrement des victimes de violences sexuelles, est une phase essentielle de la procédure. Les objectifs Dans ce cadre, des mesures de doivent être impérativement prises sous peine de disparition définitive et indices (vêtements, prélèvements, vidéosurveillances…). conservation sans délai, des preuves « gel » des Le recueil de la parole de la victime doit permettre de cibler rapidement et utilement ces éléments objectifs de preuves, mais également de laisser au mineur le soin de donner sa propre version des faits, de façon non invasive. L’audition doit être l’occasion de recueillir le maximum d’éléments caractérisant l’infraction et le contexte, qui seraient vérifiables par la suite. Le but est de permettre des recoupements d’information ultérieurs, sur la base de critères objectifs, qui pourront être confrontés aux différents récits (victime, témoin, auteur). I. La préparation de l’audition Dès la première prise de contact, l’enquêteur devra rapidement évaluer le niveau de compréhension et de langage de l’enfant, afin de s’y adapter au 64 mieux. Dès le départ, et tout au long de l’entretien, ne pas hésiter à utiliser la reformulation pour s’assurer que l’enfant ait bien compris, et que l’enquêteur ait bien saisi ce qu’il voulait dire. Qui entend l’enfant ? L’enfant doit être entendu seul, de préférence. La présence d’un proche ou d’un parent peut fortement perturber sa parole. Il pourrait être incité à déformer les faits pour faire plaisir à l’auditeur ou au contraire se taire pour ne pas le blesser. Si l’enfant ne parle pas français, il est nécessaire de recourir à un interprète qu’il ne connaît pas, pour les mêmes raisons qu’évoquées plus haut. Pour une meilleure prise de contact avec l’enfant, il est bon de s’assurer qu’il est d’accord pour être entendu par l’enquêteur désigné, et au besoin le changer. Dans le cas d’enfant prostré et taisant, un entretien préalable avec un psychologue de la police peut être envisagé, même si cela ne doit pas être la règle générale. Le lieu de l’audition De préférence dans une salle spécialement aménagée, si elle existe. A privilégier pour les auditions les plus difficiles (des moins de 10 ans, des enfants s’exprimant mal ou souffrant de handicap...). La présence d’un assistant dans le local technique, regard extérieur à l’audition, permet une attention plus soutenue à la gestuelle et au comportement général de l’enfant. A défaut, dans un bureau calme, accueillant, à l’abri 65 des bruits et des regards indiscrets, sur un poste équipé pour l’enregistrement vidéo et audio. II. L’audition • Phase de mise en confiance : l’enquêteur expliquer son rôle à l’enfant, afin de dissiper craintes éventuelles, tant à l’égard du policier des conséquences de ses propres paroles. questions sur le quotidien de l’enfant sont bonne accroche pour entamer le dialogue. doit ses que Les une • Amener l’enfant à faire un récit libre. (« Racontemoi ce qui s’est passé ; explique-moi pourquoi ta maman est venue ici avec toi… »). • Questionnement ouvert afin de faire préciser à l’enfant certains éléments du récit libre. Dans cette phase, il est important de déterminer le vocabulaire lié à la sexualité utilisé par l’enfant. Par exemple, que représentent les fesses pour lui ? (son sexe, son postérieur, son anus….). • Questionnement spécifique, uniquement si l’enfant n’a pas apporté d’éléments significatifs. L’approche doit cependant rester non suggestive afin d’éviter de polluer les propos de l’enfant. Ces questions doivent être ouvertes, afin d’encourager le récit. (« Comment ça se passe à la maison, qu’est-ce que tu fais quand tu es avec ta maman, ton papa… »). Pour les infractions liées à l’exploitation sexuelle, il est utile d’insister sur la description des divers éléments constitutifs et notamment sur l’échange d’argent. La notion d’absence de consentement doit également être développée pour les mineurs ayant la majorité sexuelle (15 à 18 ans). 66 • Conclusion de l’entretien : Rappeler au mineur pourquoi il a été entendu, le rassurer sur le sentiment de honte ou de culpabilité qui peut le toucher, lui expliquer le pourquoi et le comment de la suite de la procédure (nouvelle audition, examen aux UMJ, entretien avec un psychologue ou un psychiatre, placement en foyer…). Lui redonner la parole, pour qu’il exprime ses craintes, ses souhaits, ses questions. III. L’accompagnement post audition S’assurer de la protection sanitaire du mineur (test VIH, trithérapie) qui aura lieu via les UMJ lorsqu’un examen y est prévu, ou dans une structure médicale autre. Organiser la prise en charge du mineur, en sollicitant au besoin les instructions du Parquet en vue d’un placement en foyer, auprès d’une association ou d’une remise de l’enfant à un proche. 67 68 OPÉRATION DE POLICE DÉTECTION D’INDICES INDICES DÉTECTÉS RECOUPEMENT D’INFORMATION POURSUITE DE L’OPÉRATION DE POLICE CONSIGNER L’INFORMATION MESURE DE PROTECTION DU MINEUR ENQUÊTE SUR ESEC PHASE D’ENQUÊTE AVIS AU PARQUET ET MINEUR EN DANGER MAIS MINEUR EN DANGER PAS D’ESEC DÉTECTÉE ESEC DÉTECTÉE PHASE DE RECOUPEMENT D’INFORMATION RECUL / DISCERNEMENT / CURIOSITÉ MAIS MINEUR EN DANGER PAS D’INDICE DÉTECTÉ PHASE DE RÉPÉRAGE ÉCOUTE / VIGILANCE DÉTECTER LES MINEURS VICTIMES D’EXPLOITATION SEXUELLE À DES FINS COMMERCIALES (ESEC) ET INITIER LES ENQUÊTES: UN TRAVAIL PAR ÉTAPE VOTRE LISTE DE CONTACTS ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... 69 ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... ................................................................................... 70 Photographie en couverture © Muriel Dovic Ce livret a été réalisé par la Brigade de Protection des Mineurs de la Direction de la Police Judiciaire de la Préfecture de Police de Paris et ECPAT France Avec le soutien de 72