la notation d`un fonds d`investissement est-elle un

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la notation d`un fonds d`investissement est-elle un
LA NOTATION D’UN FONDS D’INVESTISSEMENT
EST-ELLE UN INDICATEUR DE SA PERFORMANCE
FUTURE ?
Vincent FROMENTIN – Christine LOUARGANT
CEREFIGE
Cahier de Recherche n°2013-03
CEREFIGE
Université de Lorraine
13 rue Maréchal Ney
54000 Nancy
France
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n° ISSN 1960-2782
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La notation d’un fonds d’investissement est- elle un indicateur de
sa performance future ?
Fromentin Vincent et Louargant Christine
Université de Lorraine, CEREFIGE
Résumé :
L’objectif de cet article est d’étudier si la notation d’un fonds est un facteur déterminant de sa
performance future. Cette étude porte sur la notation construite par Fundclass pour un
échantillon de 1452 fonds européens sur la période 2003-2012 ayant un style de gestion
identique. En recourant à la méthodologie de données de panel non stationnaires, nous
estimons la relation entre la performance des fonds et la notation, à long terme et à court
terme, avec un modèle vectoriel à correction d’erreur et des fonctions de réponses
impulsionnelles. Nos résultats concluent à l’existence d’une relation positive entre ces deux
variables à long terme. Par contre, à court terme, cette relation n’est valable que pour la
période 2007-2012, et plus particulièrement pour les fonds présentant une notation supérieure
à 3 étoiles.
Mots clefs : notation, performance, fonds d’investissements, données de panel, cointégration,
modèles vectoriels
Contact : Christine Louargant, [email protected], CEREFIGE, Université
de Lorraine, IUT, Ile du Saulcy, 57045 Metz cedex 01, France, 00 33 3 87 31 58 86
Remerciements :
Nous tenons à remercier vivement Monsieur Zutterling, directeur de Fundclass pour nous avoir
aimablement mis à disposition les données de l’étude, ainsi que Messieurs Chauvet et Neuberg pour
leurs contributions.
Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’un contrat de recherche financé par l’Université de Lorraine et
le Conseil Régional de Lorraine.
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Introduction
Au niveau européen, l’industrie de la gestion d’actifs financiers a connu au cours des quinze
dernières années une croissance spectaculaire. L’industrie des fonds d’investissement est
parvenue, malgré la crise financière, la fébrilité des marchés financiers et le marasme
économique, à maintenir, voire à augmenter ses actifs sous gestion ces cinq dernières années
(activité caractérisée par un nombre d’actifs sous gestion croissant en taille, en nombre et en
types de profil de gestion). Outils d’épargne pour les investisseurs et vecteur de financement
de l’économie sont deux arguments majeurs pour caractériser le succès des fonds
d’investissements.
Les mots clés de cette industrie sont la performance associée à la gestion d’un fonds et la
diversification du risque proposée pour un investisseur (particulier, institutionnel ou
professionnel). La problématique de la performance des fonds d’investissement a donné lieu à
une vaste littérature théorique et empirique sur la mesure de cette performance et sa
persistance, tout d’abord sur le marché américain en raison de l’ancienneté des fonds, puis
plus récemment sur les marchés européens (Grinblatt et Titman (1989), (1992), Goetzmann et
Ibbotson (1994), Droms et Walker (1994), Malkiel (1995), Yan (2008) et Hereil et al. (2010)).
Pour refléter la performance d’un fonds et la qualité de la gestion de ce fonds (souvent liée au
risque lié à cette performance), un critère est devenu incontournable dans cette activité : la
notation ; critère synthétique permettant une sélection de manière normative des fonds par les
clients tant institutionnels que privés.
Dans le contexte actuel de crise financière et de remise en cause de la légitimité du rôle des
agences de notation, quelle crédibilité peut-on accorder aux systèmes de notation construits
pour évaluer la performance des fonds d’investissement ?
L’objectif de cet article est d’examiner les interrelations entre la performance et la notation
financière d’un fonds pour les fonds actions européens. Cette notation est-elle un indicateur
fiable pour un investisseur ? A travers la note achète-t-il une analyse passée ou une vision
prospective de l’évolution du fonds ? Il s’agit de vérifier le contenu informationnel de la note
attribuée par une agence de notation pour évaluer la performance d’un fonds.
Les apports de notre étude se situent à trois niveaux : l’utilisation d’une base de données
jamais exploitée à notre connaissance (nombre de fonds étudiés, zone géographique couverte,
caractéristiques des fonds), la période permettant de regarder l’incidence ou non de la crise
3
sur l’activité de gestion des fonds d’investissement et le choix d’une méthodologie de données
de panel non stationnaires qui permet d’étudier la relation à long terme et à court terme, tout
en prenant en compte l’hétérogénéité des fonds.
La suite de l’article est organisée de la manière suivante. La partie 2 retrace brièvement les
principales conclusions de la littérature. La partie 3 décrit les données utilisées et la
méthodologie adoptée dans cette étude. La partie 4 expose les résultats de l’étude. Enfin une
dernière partie conclut cette recherche en soulignant des pistes de prolongement.
2. Principales conclusions issues de la littérature existante
Les différentes études empiriques analysant la relation entre la notation (symbolisée par des
étoiles) et la performance des fonds tentent de répondre à deux questions fondamentales :
d’une part, dans quelles mesures les investisseurs estiment-ils que la notation permet de
prédire la qualité future d’un fonds (Sirri et Tufano (1998), Del Guerico et Tkac (2008)) et
d’autre part, est-ce que ces évaluations des fonds à travers leur note permettent de prévoir le
rendement futur du fonds (Hereil et al. (2010)). La plupart des études utilisent la notation
établie par Morningstar qui demeure le système de notation américain de référence, de part
son ancienneté et la publication régulière des notes accessibles à tout investisseur.
Il ressort des différentes études que les fonds les moins bien notés ont tendance à indiquer de
faibles performances et que les fonds les mieux notés (fonds 5 étoiles, fonds « star »)
n’induisent pas de meilleure performance future que les fonds moins bien notés (Blake et
Morey (2000)). Blake et Morey (2000) vérifie la capacité prédictive de la note établie par
Morningstar en la comparant à une stratégie de sélection des fonds basés sur les rendements
moyens passés. Ils arrivent à la conclusion que le système de notation établie par Morningstar
n’est pas plus performant qu’une stratégie « naïve » pour prédire la performance.
Par contre, les études sur les fonds américains font ressortir que les fonds les mieux notés
attirent plus les investisseurs. Les investisseurs auront tendance à investir dans un fonds dont
la note passe de 4 à 5 étoiles de manière « systématique » et aveugle, et à sanctionner
fortement les fonds dont la note est dégradée (Jain et Wu (2000), Del Guercio et Tkac
(2008)). Les études empiriques sur d’autres marchés et d’autres systèmes de notation sont peu
nombreuses et leurs conclusions ne confirment pas les précédents résultats en raison de la
spécificité des marchés étudiés dont la structure diffère de celle du marché américain (par
exemple, Füss et al. (2010)).
4
Concernant la persistance de la note, Khorana et Nelling (1998) concluent à une persistance
de la note. Ils mettent en évidence que les fonds les mieux notés sont toujours mieux notés et
les fonds les moins notés restent mal notés. Contrairement à ces derniers résultats, Hereil et al.
(2010) soulignent une persistance faible de la note en l’expliquant par un système de notation
non homogène dans le temps et l’importance du style de gestion d’un fonds.
Les résultats des études empiriques ne permettent pas unanimement de soutenir l’hypothèse
de contenu informationnel de la note. Les conclusions se fondent la plupart du temps sur un
seul système de notation, celui établi par Morningstar, et varient selon la période d’étude et la
méthodologie adoptée.
3. Données et méthodologie adoptée pour la recherche
3.1. Données de l’étude
Cette étude utilise comme source de données, Fundclass, une agence de notation française des
fonds d’investissement, ciblant les investisseurs professionnels. Chaque trimestre une note
allant de 0 étoile (la moins bonne) à 5 étoiles (la meilleure) est attribuée à différents types de
fonds (actions, obligations, mixtes…) en fonction de divers critères propres au système de
notation développé par cette agence1.
La notation Fundclass est construite sur une méthodologie basée sur trois principes. Le
premier principe consiste à établir des sous-ensembles cohérents dans la population des fonds,
construits sur base des profils de risque des fonds. Ce premier principe est fondamental car il
détermine l’univers de référence des concurrents. Il s’agit de la classification. Des fonds ayant
des profils de risque similaires feront partie d’un même sous-ensemble, afin de permettre de
comparer les performances parmi des classes homogènes. Le second principe concerne la
performance des fonds les uns par rapport aux autres, au sein de la même catégorie, seul
critère qui reflète le choix qui s’offre réellement à l’investisseur au moment de choisir un
fonds ou un autre. Le troisième principe se base sur la performance sur le moyen terme
permettant de prendre en compte la régularité de la qualité de la gestion. La méthodologie est
basée sur 12 observations annuelles couvrant près de 4 ans de performance. Ce système de
notes permet d’identifier les fonds qui, en moyenne sur 3 ans, ont mieux performé que leurs
concurrents et permet donc à l'investisseur de choisir le meilleur produit sur moyen terme.
L’objectif de notre article n’est pas d’étudier la formation de la note mais de prendre la note comme critère brut
de sélection et de lui faire confiance pour sélectionner les fonds.
1
5
L’étude porte sur 1452 fonds actions Europe. Ces fonds sont caractérisés par un style de
gestion identique, c’est-à-dire qu’il s’agit de fonds investissant en actions européennes. Leur
performance peut ainsi être comparée à l’évolution de l’indice de marché européen de
référence l’Eurostoxx 50. Nous avons volontairement choisi des fonds ayant le même style
pour éviter un biais souligné dans certaines études empiriques (Goetzmann et Ibbotson (1994)
par exemple) où la performance serait expliquée par le style de gestion.
Pour chacun de ces fonds nous disposons des caractéristiques suivantes : la performance à une
date donnée et la note obtenue à la même date que la performance, la taille du fonds c’est-àdire la valeur des actifs sous gestion.
La performance calculée d’un fonds d’investissement est une performance à un an obtenue à
partir de la variation de la valeur nette d’inventaire du fonds (VNI) :
La période d’étude choisie débute en mars 2003 et se termine en août 2012. Cette période
permet de prendre en compte à la fois une période haussière des marchés européens
relativement peu perturbée et une période plus contrastée à la fois baissière et haussière
marquée notamment par les effets de la crise financière en 2007 et les contextes économiques
difficiles des différents pays européens depuis 2008.
Sur cette période de plus de 9 ans, nous avons au total 27117 observations, c’est à dire 27117
notes attribuées à un fonds d’investissement à une date donnée. Le tableau 1 décrit quelques
informations relatives à ces observations en fonction de la catégorie de note observée. 67%
des notes correspondent à de mauvaises notations (note allant de 0 à 2) et 33% des notes
correspondent à une bonne voire excellente note (note allant de 3 à 5 étoiles) avec seulement
5% d’excellentes notes.
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Tableau 1 : Description de l’échantillon en fonction de la note du fonds
Performance
Moyenne de la
Notation moyenne sur 1 valeur des actifs Nombre de notes
(Etoiles)
an (%)
sous gestion (€)
observées
nombre
%
0
1.36
162 433 220
7040
26%
1
0.8
187 572 343
5439
20%
2
2.17
200 515 813
5726
21%
3
3.48
198 938 651
4777
18%
4
4.57
235 385 141
2792
10%
5
9.31
312 924 916
1343
5%
Total des observations (en nombre et %) 27117 100%
Le graphique 1 présente à la fois l’évolution de l’indice de marché Eurostoxx 50 et la
répartition des différentes notes sur toute la période d’étude. Si nous observons l’évolution de
la courbe de l’indice, ce graphique nous permet d’observer deux grandes périodes.
La première allant de mars 2003 à mai 2007, correspond à une croissance relativement stable
des marchés actions européens. La deuxième période, d’août 2007 à août 2012, montre
globalement une tendance baissière des marchés sur toute la période, avec néanmoins durant
cette période des marchés caractérisés par des renversements de tendances à la hausse comme
à la baisse.
Nous pouvons observer à partir de ce graphique, que la proportion de fonds 5 étoiles est plus
élevée à la fin de la première période. Ce constat reflète simplement la capacité plus aisée de
gérer un fonds en période de croissance stable des marchés. A contrario, la capacité à garder
une excellente notation (5 étoiles) diminue lorsque les marchés font face à des changements
de tendances. Nous observons ainsi un minimum de fonds 5 étoiles à la fin de l’année 2010,
c’est à dire après une période de forte décroissance (la crise des subprimes) suivie par une
période de croissance des marchés relativement brève. Il est plus difficile de maintenir une
bonne gestion d’un portefeuille et de rebalancer sa composition en fonction des changements
de régimes des marchés observés entre 2008 et 2012.
7
Graphique 1 : Evolutions de l’indice de marché et de la répartition des notations
Le tableau 2 récapitule par période les changements de note. Nous remarquons que dans notre
base de données les changements de note ne correspondent, à trois exceptions près, qu’à une
modification d’un niveau de la note, gain ou perte d’une étoile. De plus, force est de constater
que la période 2007-2012 est marquée par des modifications de note à la baisse plus
nombreuses que celles à la hausse.
Tableau 2 : Description des changements de notation en fonction de la période d’étude
Modification de la note
Perte de 2 étoiles
Perte d’1 étoile
Stabilité de la note
Gain d'1 étoile
Gain de 2 étoiles
2003-2007
1
496
4329
482
1
2007-2012
0
2454
15736
2165
1
Période 1 : mars 2003 à mai 2007
Période 2 : août 2007 à août 2008.
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3.2. Méthodologie adoptée
Choix du cadre d’analyse
L’analyse des données de panel non stationnaires s’est développée très rapidement depuis les
travaux pionniers de Levin et Lin (1993). Les données de panel présentent une double
dimension d‘analyse qui constitue un avantage par rapport aux données sur séries temporelles
ou en coupe transversale. Cette double dimension permet de prendre en compte
l‘hétérogénéité des individus dans une approche dynamique. Baltagi et Kao (2000) montrent
que l‘économétrie des données de panel non stationnaires permet d‘associer le « meilleur des
deux mondes » : l‘analyse des séries non stationnaires à partir des méthodes des séries
temporelles et l‘accroissement du nombre de données et de la puissance des tests grâce à la
dimension individuelle. Cette approche semble tout particulièrement adaptée à notre base de
données. Le panel non cylindré, possède une double dimension : transversale (1452 fonds) et
temporelle (de 2003 à 2012) ; il est composé de 27117 observations.
Dans le cadre de notre analyse, trois étapes successives ont été suivies pour étudier la relation
entre performance d’un fonds et sa notation. Tout d’abord, il est nécessaire de déterminer la
non stationnarité éventuelle des données et de vérifier si les séries utilisées sont intégrées du
même ordre. Ensuite, si les séries sont intégrées du même ordre, nous testons l’existence
éventuelle d’une relation de cointégration entre les variables en utilisant les tests de Pedroni et
de Kao. Enfin, il est possible d’estimer une relation de long terme et une relation de court
terme, en recourant à la méthode des moindres carrés ordinaires dynamiques et à un modèle
vectoriel à correction d’erreurs.
Analyse de l’ordre d’intégration des séries
Avant de recourir aux techniques de cointégration, il est nécessaire de vérifier que les
variables sont intégrées du même ordre. On applique alors des tests de racine unitaire sur
données de panel prenant en compte le caractère hétérogène de la racine autorégressive dans
une approche dynamique, et notamment le test de Im, Pesaran et Shin (2003) et le test de
Dickey Fuller augmenté (test de Fisher) en panel. Ces tests permettent de dépasser
l’hypothèse restrictive de Levin, Lin et Chu (2002) qui assume que la racine autorégressive
doit être le même pour toutes les séries dans l’hypothèse alternative.
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Etude de la cointégration des séries
Afin de tester l'existence éventuelle d’une relation à long terme entre la performance des
fonds et la notation, nous recourons aux tests de Pedroni (1999, 2004), qui s’appuie sur une
méthode analogue à celle de Engle et Granger (1987) sur séries temporelles avec le processus
générateur des données suivant :
(1)
où yit représente la variable endogène (la performance des fonds),  i est un effet fixe
prenant en compte l'hétérogénéité non observée entre les fonds et
un vecteur de taille K,
avec k =1,...,K le nombre de variables explicatives. Pedroni (1999, 2004), prend en
considération l‘hétérogénéité en recourant à des paramètres qui peuvent différer entre les
individus, à l‘instar des tests de racine unitaire de Im, Pesaran et Shin (2003). Pedroni
considère deux catégories qui se distinguent par l‘hypothèse alternative. La première
catégorie comprend les statistiques dites « intra-dimension » ou « within ». Pour chaque
membre du panel, il existe un coefficient autorégressif unique et identique. La seconde
catégorie comprend les statistiques dites « inter-dimensions » ou « between ». Le coefficient
autorégressif n’est plus commun à toutes les unités. Ce test permet de prendre en compte
l‘hétérogénéité entre les individus sous l‘hypothèse alternative. En complément, on applique
le test de Kao (1999), qui ne prend pas en compte l’hypothèse d’hétérogénéité, pour vérifier la
robustesse des résultats.
L’estimation d’une relation de long terme : méthode des moindres carrés dynamiques
Pour estimer la relation de long terme entre les variables cointégrées, nous recourons à la
méthode des moindres carrés ordinaires dynamiques. Kao et Chiang (2000) ont démontré que
dans le cadre de données de panel, la méthode des moindres carrés ordinaires dynamiques
aboutit à de meilleures estimations des relations de cointégration sur données de panel, par
rapport à l’estimateur FM-OLS (Fully Modified Ordinary Least squares). La méthode des
moindres carrés dynamiques consiste à inclure dans la relation de cointégration des valeurs
avancées et retardées de
(équation 1) pour éliminer la corrélation entre les variables
explicatives et le terme d’erreur. Le terme
permet de prendre en compte l‘hétérogénéité
des données de panel, à travers un modèle à effets fixes.
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L’estimation d’une relation de court terme : modèles vectoriels à correction d’erreurs et
fonction de réponses impulsionnelles
Afin d’étudier les relations de court terme entre la performance des fonds et la notation, nous
allons estimer des modèles vectoriels à correction d’erreurs (VECM), différenciés par le
niveau de notation et la période retenue. Dans notre méthodologie, le VECM est un modèle
vectoriel autorégressif contraint utilisé pour les séries non stationnaires cointégrées, qui
permet également de mettre en œuvre des fonctions de réponses impulsionnelles.
Le VECM est construit en limitant le comportement des relations de long terme des variables
endogènes à converger vers leur équilibre de cointégration, tout en permettant une dynamique
d'ajustement à court terme. Le terme de cointégration est exprimé comme le terme de
correction d'erreur
puisque l'écart de l'équilibre à long terme est corrigé
progressivement à travers une série d’ajustements partiels de court terme. Avec l’équation de
cointégration
le modèle prend alors la forme suivante :
(
)
(
)
où le terme de droite est le terme de correction d'erreur qui est nul pour un équilibre de long
terme,
performance,
est la performance d’un fonds,
la variation de la notation. Si
la notation,
et
la variation de la
s’écarte de l’équilibre de long terme,
le terme de correction d'erreur sera différent de zéro et chaque variable s’ajustera
progressivement afin de restaurer la relation d'équilibre. Le coefficient
la vitesse de réglage ou d’ajustement de la i
ème
mesure finalement
variable endogène à l'équilibre.
Cette vitesse d’ajustement renvoie d’ailleurs aux fonctions de réponse impulsionnelle qui
retrace la réponse d’une variable à un choc ponctuel, tel qu’un changement de notation. Une
fonction de réponse impulsionnelle retrace l'effet d'un choc sur les valeurs actuelles et futures
des variables endogènes, en termes d’amplitude et de durée. Nous retiendrons la méthode de
Cholesky qui impose un ordre des variables dans le VECM pour modéliser les fonctions de
réponses impulsionnelles.
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4. Résultats de l’étude
4.1. Analyses de la stationnarité et des tests de cointégration
Les variables de performance des fonds d’investissement et de rating sont testés en niveau et
en différence première. Les résultats sont présentés dans le tableau 3.
Nous remarquons que l’hypothèse nulle de racine unitaire sur données de panel pour les deux
séries ne peut pas être rejetée en niveau ; aucun des coefficients n’étant significatif. Par
contre, cette hypothèse est rejetée en différences premières, ce qui indique que les variables
sont stationnaires et intégrées d’ordre 1 : I(1). Les résultats sont statistiquement significatifs à
hauteur de 1%.
Tableau 3: Tests de racine unitaire en panel
En level
Performance 2.791
1,738
Rating
IPS
En différence première
-6.029***
-16.623***
En level
680.162
692.072
ADF-Fisher
En différence première
1425.82***
2008.83***
Notes: *,** et *** : significativité à hauteur de 10%, 5% et 1%.
Suite à ces résultats, il devient possible de tester une relation de cointégration entre les
variables étudiées. Le tableau 4 présente les résultats des tests de cointégration en panel ayant
pour objet de tester l'existence éventuelle d’une relation à long terme entre la performance des
fonds et la notation. L’ensemble des tests montre que l’hypothèse nulle de non-cointégration
peut être rejetée à hauteur de 1% (à l’exception du test rho-Statistic Group). Par conséquent,
la performance des fonds et la notation sont cointégrées. Cela démontre l’existence d’une
relation stable de long terme entre les deux variables, stationnaires en différence.
Tableau 4 : Tests de cointégration en panel
Statistiques
v-Statistic Panel
rho-Statistic Panel
PP-Statistic Panel
ADF-Statistic Panel
rho-Statistic Group
PP-Statistic Group
ADF-Statistic Group
Test de Kao
Valeurs standardisées
29.064***
-20.216***
-20.755***
-30.663***
-1.426*
-22.960***
-36.440***
-26.665***
Notes: *,** et *** : significativité à hauteur de 10%, 5%
et 1%. « Panel » renvoie à la dimension « within » et «
Group » renvoie à la dimension « between ».
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4.2. Estimation d’une relation de long terme entre performance et notation
Comme observé dans le tableau 1, sur la période étudiée les fonds 5 étoiles ont en moyenne
une meilleure performance que les fonds ayant une notation inférieure. La relation de long
terme nous permet de supposer qu’en sélectionnant un fonds 5 étoiles, une meilleure
performance devrait être observée sur le long terme. Cette hypothèse est d’ailleurs corroborée
par les résultats de l’estimation par la méthode des moindres carrés ordinaires dynamiques
pour toute la période étudiée (tableau 5). Les résultats sont présentés par groupes de notes :
toutes les notes (colonne 1), les mauvaises notes (colonne 2, notes 0* à 2*) et les bonnes notes
(colonne 3, notes 3* à 5*). Ces résultats mettent en exergue l’existence d’une relation de long
terme positive significative entre la performance des fonds et le rating.
Plus précisément, à long terme, les deux variables semblent évoluer dans le même sens aux
regards des résultats d’une part, pour l’ensemble des notations, avec un coefficient de 0.841,
et d’autre part, pour le groupe des « bonnes » notations (3* à 5*) avec un coefficient de 2.098.
Les résultats sont statistiquement significatifs au seuil de 5%. Ces résultats sont un premier
élément de réponse à la question posée dans cet article quant au contenu informationnel de la
notation comme facteur explicatif de la performance à long terme d’un fonds
d’investissement. Par conséquent, la notation constitue un indicateur de la performance
future ; ce constat est d’autant plus marqué pour les résultats concernant les notations de 3 à 5
étoiles.
Tableau 5 : Résultats de l’estimation des moindres carrés ordinaires dynamiques (avec prise
en compte de la notation)
Période
Variables estimées du modèle
Constante
Rating
dRating(-1)
dRating(1)
R²
Observations
Cross-section Chi-square
0* à 5*
1.653***
0.841**
2.475***
-3.023***
0.07
24264
1864.87***
2003-2012
0* à 2*
2.233***
0.322
1.102***
-2.439***
0.11
16396
1753.53***
3* à 5*
-5.196***
2.098***
4.702***
-4.201***
0.18
7868
1381.79***
Notes: *,** et *** : significativité à hauteur de 10%, 5% et 1%.
Le choix des décalages se base sur la méthode de Westerlund (2005)
dRating(-1),dRating(1): valeurs avancées et retardées de
(équation 1) pour éliminer
la corrélation entre les variables explicatives et le terme d’erreur.
Cependant, concernant l’estimation pour le groupe des « mauvaises » notes (0* à 2*), nous
remarquons qu’il n’existe pas de relation de long terme significative entre les deux séries
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retenues. Ce résultat pourrait se justifier par le côté aléatoire des performances pour les fonds
mal notés. En effet, il peut s’avérer selon l’évolution de la tendance du marché, que ce dernier
donne raison à la stratégie de gestion du fonds ponctuellement.
Il convient de souligner les résultats du test « Cross-section Chi-square » basé sur une
fonction de vraisemblance justifient le choix de retenir un modèle à effets fixes individuels
dans notre estimation.
Toutefois, cette relation d’équilibre de long terme entre les séries peut être confrontée à des
chocs qui affectent cette relation à court terme, à travers des effets temporaires, notamment
les changements de régime des marchés. Il semble alors intéressant d’estimer une relation de
court terme entre les deux variables retenues, en différenciant par niveau de notation et par
sous-périodes, dont l’une est marquée par la crise économique actuelle.
4.3. Analyse à court terme
Le tableau 6 présente les résultats de l’estimation à court terme de la relation entre notation et
performance en utilisant comme méthode d’estimation les modèles vectoriels à correction
d’erreurs. La période d’étude est découpée en deux sous périodes, justifiées par l’évolution de
l’indice de marché de référence sur notre période d’étude (graphique 1).
Tableau 6 : Estimation de modèles vectoriels à correction d’erreurs
Paramètres
estimés du
modèle
ECM it 1
 Perft-1
 Perft-2
 Ratingt-1
 Ratingt-2
Mars 2003- mai 2007
0* à 2*
3* à 5*
Août 2007- août 2012
0* à 2*
3* à 5*
ΔPerf
ΔRating
ΔPerf
ΔRating
ΔPerf
ΔRating
ΔPerf
ΔRating
-1.250***
0.002
-1.329***
0.024***
-1.090***
0.001***
-1.057***
0.002***
0.067***
-0.002
0.006
-0.012***
0.279***
-0.0003
0.204***
-0.0005
0.065***
-0.001
0.048*
-0.002
0.067***
-0.00005
0.085***
-0.0005
-0.423
-0.749***
-0.310
-0.750***
0.302
-0.793***
-3.619***
-0.803***
0.344
-0.321***
-0.525
-0.312***
0.655**
-0.333***
-1.101***
-0.357***
C
2.311*** 0.022**
2.183***
-0.049***
1.508***
0.023*** 1.191***
R²
0.61
0.40
0.63
0.40
0.42
0.42
0.41
Notes: *,** et *** : significativité à hauteur de 10%, 5% et 1%. Avec ECMit-1 le terme de correction
d'erreur ; perf : variation de performance ; rating : variation de la note.
-0.026***
0.43
A court terme, le rating semble avoir une influence pendant la période 2007-2012 avec un
décalage temporel, surtout pour les fonds bien notés. Cela signifie qu’un changement de
14
notation va être un facteur explicatif de la performance future. En guise d’illustration, on
remarque une relation négative (-3.619) entre le rating passé et la performance pour les fonds
notés de 3 à 5 étoiles sachant que cette période est caractérisée par un nombre plus importants
de pertes d’étoiles (downgrade).
Un changement de notation passé influence la performance des fonds à court terme que ce
soient pour les fonds les moins bien notés que les fonds les mieux notés entre 2007-2012. Par
contre, pour la période 2003-2007, le changement de rating ne semble pas impacter la
performance des fonds.
Ensuite, nous pouvons remarquer que le rating semble être conditionné par ses valeurs
passées. Le rating actuel est finalement déterminé en fonction de l’historique de la notation.
Par contre, il ne semble pas être conditionné par la performance passée, à l’exception du
coefficient -0.012 significatif à hauteur de 1%. Nous pourrions en conclure que la note
contient à elle seule l’information suffisante pour sélectionner correctement un fonds et se
garantir une performance.
On remarque également qu’il existe une relation de long terme entre la performance et le
rating, qui témoigne d’une relation persistante dans le temps, puisque le terme de correction
d’erreur ECMit-1 est significatif à hauteur de 1% (sauf pour les mauvaises notes pour la
période 2003-2007), ce qui renforce d’ailleurs les conclusions obtenues précédemment
(tableau 6).
En complément, l’analyse impulsionnelle va permettre de déterminer l’influence d’un choc
(changement de note) sur la performance des fonds à travers des représentations graphiques
pour un horizon maximum de 10 trimestres. La fonction de réponse impulsionnelle permet de
déterminer l’amplitude et la durée de la réponse de la performance suite au choc.
Ces représentations graphiques (Figures 1 à 4) confortent nos précédents résultats et
permettent d’aboutir aux conclusions suivantes.
En période de croissance stable des marchés (2003-2007), la modification de la note influence
la performance à court terme et à moyen terme. L’amplitude de la réaction est à peu près
équivalente pour les fonds les moins bien notés que pour les fonds les mieux notés à très court
terme (Figures 1 et 2). Par contre la modification de la note semble moins perturbée les fonds
moins bien notés que les fonds mieux notés plus sensibles à la perte d’une étoile. Il est en
15
effet plus difficile de garder une bonne notation qu’une mauvaise. Soulignons que la
performance se restabilise à un équilibre en tendance plus haute qu’avant le choc.
En période de tendance baissière marqué par des changements de régime importants à la
hausse comme à la baisse, nous constatons également une influence de la note sur la
performance future. Cependant, l’amplitude et le signe de la réaction sont totalement opposés
(figures 3 et 4). La période 2007 à 2012 est caractérisée par un nombre plus important de
pertes d’étoiles. Pour un mauvais fonds, une perte d’étoile sanctionne une mauvaise
performance et semble prédire une mauvaise performance future. Les « mauvais » fonds
restent « mauvais » et semblent confirmer leurs mauvaises notations. Dans ce contexte de
marché, il est difficile de gérer les changements de régime que ce soient pour les meilleurs
fonds que les mauvais. Toutefois le marché semble sanctionner plus fortement les fonds les
moins bien notés et a contrario mieux valoriser les fonds capables de rebalancer leurs
positions et de confirmer leurs performances (amplitude plus forte et positive de la réaction,
figure 4)
Figure 1 : Fonctions de réponses impulsionnelles pour la période 2003-2007 avec la notation
0* à 2*
Response of DPERF to Cholesky
One S.D. DRATING Innovation
.4
.3
.2
.1
.0
-.1
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
16
Figure 2 : Fonctions de réponses impulsionnelles pour la période 2003-2007 avec la notation
3* à 5*
Response of DPERF to Cholesky
One S.D. DRATING Innovation
.6
.5
.4
.3
.2
.1
.0
-.1
-.2
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Figure 3 : Fonctions de réponses impulsionnelles pour la période 2007-2012 avec la notation
0* à 2*
Response of DPERF to Cholesky
One S.D. DRATING Innovation
.1
.0
-.1
-.2
-.3
-.4
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
17
Figure 4 : Fonctions de réponses impulsionnelles pour la période 2007-2012 avec la notation
3* à 5*
Response of DPERF to Cholesky
One S.D. DRATING Innovation
.5
.4
.3
.2
.1
.0
-.1
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
5. Conclusion
Les résultats de cette recherche permettent de souligner le contenu informationnel de la note
attribuée à un fonds. La notation semble être un indicateur de la performance future d’un
fonds. Toutefois il convient de nuancer ces conclusions en fonction de la période étudiée et du
niveau de notation.
Nous mettons en évidence l’existence d’une relation de long terme entre performance future
et notation sur l’ensemble de la période, surtout pour les fonds les mieux notés. En effet, pour
les fonds moins bien notés, la relation n’est pas significative, probablement en raison de
l’aspect aléatoire des performances pour les fonds mal notés. Ensuite, à court terme, la
notation ne semble pas influencer la performance sur la période 2003-2007, caractérisée par
une croissance stable des marchés financiers, que ce soient pour les fonds les moins bien
notés que pour les fonds les mieux notés. Par contre, sur la période 2007-2012, un
changement de notation passé impacte clairement la performance des fonds, particulièrement
pour les meilleurs fonds.
Les futures recherches permettront d’approfondir l’analyse des caractéristiques des fonds pour
tenter de mieux expliquer la relation à court terme entre la performance et la notation en
période de crise. Par ailleurs, il serait peut-être intéressant de répliquer notre méthodologie à
18
d’autres catégories de fonds, ainsi qu’à d’autres systèmes de notation afin de confronter nos
résultats.
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