Étude de droit comparé sur l`accès aux documents administratifs

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Étude de droit comparé sur l`accès aux documents administratifs
Étude de droit comparé sur l’accès aux documents administratifs
juillet 2010
Étude de droit comparé
sur l’accès aux documents administratifs
Réalisée par Constanze Lademann,
stagiaire à la CADA
(juillet 2010)
Le principe du libre accès du public aux documents administratifs constitue l’une des pierres
angulaires de toute société démocratique. Le droit de consultation et de communication de ces
documents vise à garantir la transparence des activités des administrations et du secteur public.
Aujourd’hui, la plupart des pays européens comme les États-Unis ont reconnu ce droit aux
citoyens.
Cette étude présente les traits essentiels des systèmes de la Suède, de l’Allemagne, de la GrandeBretagne, de l’Italie, de l’Espagne ainsi que des États-Unis.
Le libre accès aux documents administratifs :
un droit largement reconnu
La législation la plus ancienne du monde est celle de la Suède, qui reconnaît le droit d’accès aux
documents administratifs depuis 1776, droit qui a été réaffirmé par la loi constitutionnelle de 1974.
D’autres pays se sont dotés de législations plus récentes en la matière : les États-Unis ont adopté,
en 1966, le « Freedom of Information Act » (FOIA), qui règle l’accès aux documents administratifs
au niveau fédéral, pendant que les États fédérés ont chacun leurs propres législations.
En Espagne, ce sont la Constitution de 1978 et la loi du 26 novembre 1992 qui ont reconnu aux
citoyens le droit d’accès aux documents administratifs. L’Italie reconnaît le droit à l’information
depuis la la loi du 7 août 1990.
L’Allemagne et la Grande-Bretagne ont les législations les plus récentes. En Grande-Bretagne, le
« UK Freedom of Information Act » (UK FOI) de 2000 relatif à l’accès aux documents
administratifs des autorités centrales britanniques et des autorités publiques en Angleterre, au Pays
de Galles et en Irlande du Nord, ainsi que le « Scotland Freedom of Information Act » de 2002, qui
s’applique aux documents de l’exécutif, des autorités publiques et du Parlement écossais, sont
entrés en vigueur en 2005. Le « FOI » a remplacé le système antérieur régi par le « Public Records
Act » de 1958, qui avait accordé aux citoyens le droit d’accès aux archives publiques après un délai
de 50 ans.
En Allemagne, la loi fédérale sur la liberté d’information est entrée en vigueur en 2006. Au niveau
fédéral, onze des seize Länder ont jusqu’à aujourd’hui adopté des législations comparables. Ces
lois s’appliquent à la communication des documents détenus par les administrations des Länder.
Avant la loi de 2006, tous les documents administratifs étaient protégés par le secret professionnel,
sauf s’il existait des législations spécifiques, telles que celle qui accordaient aux citoyens le droit de
consulter les documents comprenant les données personnelles de l’intéressé.
Dans les six pays étudiés, des législations spécifiques complètent le régime général de l’accès aux
documents administratifs. C’est ainsi que l’accès aux informations relatives à l’environnement ou
concernant les données personnelles est régi par des lois particulières, par exemple en Allemagne
ou en Grande-Bretagne.
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Étude de droit comparé sur l’accès aux documents administratifs
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Quels sont documents librement communicables ?
Comme en France, la liberté d’accès s’étend à tous les documents et les informations détenus par
les administrations publiques, et de façon générale le pouvoir exécutif, ce qui exclut
normalement les documents se rattachant directement au Gouvernement, au pouvoir juridictionnel
ou au pouvoir législatif. Ainsi en Allemagne ou aux États-Unis, le droit d’accès ne s’applique pas
aux assemblées délibérantes et au pouvoir législatif, comme le « Bundestag » allemand ou le
Congrès américain. Tout en s’appliquant aux services de la Maison Blanche, la loi ne concerne pas
le Président des États-Unis lui-même, le vice-Président et leurs collaborateurs immédiats. Il y a
toutefois quelques différences selon le pays.
La Suède connaît un des systèmes les plus libéraux. Contrairement à la France, même la
correspondance officielle du Premier Ministre est librement accessible. La particularité du système
suédois est qu’il reconnaît aux fonctionnaires et aux autres personnes travaillant dans le secteur
public la liberté d’expression, ce qui leur permet de partager avec des tiers les informations dont ils
disposent. De plus, la liberté de publier des fonctionnaires leur donne des prérogatives particulières
pour mettre des informations à la disposition des médias.
La Grande-Bretagne reconnaît un champ d’application large au « UK Freedom of Information
Act », qui concerne les autorités centrales britanniques, l’ensemble des autorités publiques en
Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord, y compris la Chambre des Communes, la
Chambre des Lords, les Assemblées du Pays de Galles et de l’Irlande du Nord, soit plus de 100 000
institutions. La grande majorité des autorités publiques sont soumises à cette réglementation, dont
même la BBC et « Channel 4 ». Le « Scotland FOI » comporte des dispositions similaires à l’égard
des autorités écossaises, qui s’étend au Parlement.
L’Italie s’est elle aussi dotée d’un système libéral : tout acte est communicable, même d’ordre
interne, pris par une administration ou tout document utilisé par celle-ci. La législation italienne
concerne les administrations d’État et ses démembrements autonomes dans les régions et provinces
autonomes, les entreprises publiques ainsi que les concessionnaires du service public.
La Constitution espagnole de 1978 reconnaît aux citoyens le droit d’accès aux archives et aux
registres administratifs. Une loi de 1992 donne aux citoyens le droit de connaître l’état
d’avancement des procédures qui les concernent et, une fois les décisions prises, d’obtenir copie
des documents y afférents. Le demandeur doit cependant prouver un « intérêt légitime et direct »
s’agissant de la communication d’un document d’ordre individuel.
Saviez vous… ?
En Suède, un citoyen peut obtenir gratuitement et sans difficulté la copie de la fiche de paie d’un
ministre, ainsi que ses dépenses pour un cocktail en se présentant directement auprès du
ministère.
Source : http://www.liberte-dinformer.info/50122.html
En Grande-Bretagne, c’est en vertu du FOI Act qu’a été mis au jour le récent scandale des
notes de frais des parlementaires.
Source : fiche consulaire
Les conditions de forme des documents communicables
Comme en France, tous les documents sont communicables, quelle que soit leur forme : sont ainsi
communicables des documents papier, des emails, des enregistrements audio ou vidéo, des
photographiques, des notes manuscrites, etc.
Aux États-Unis, seule existe la condition que la reproduction du document sollicité soit facile.
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Saviez vous… ?
En Allemagne, tous les documents des administrations fédérales étaient protégés par le secret
professionnel avant la loi de 2006 et échappaient à la communication, sauf s’il existait une
législation spécifique donnant droit à la communicabilité, comme en matière de données
personnelles.
En Grande-Bretagne, les administrations doivent appliquer le « Public Interest test » pour
déterminer si une information est communicable ou non. Lorsqu’un document s’inscrit dans le
cadre d’une exception de non communicabilité, l’administration doit établir si l’intérêt public général
est de maintenir la confidentialité ou, au contraire, de communiquer le document, faute de quoi il
est communicable.
Source :
http://www.ico.gov.uk/upload/documents/library/freedom_of_information/practical_application/foi_hints_for_practitioners_
handing_foi_and_eir_requests_2008_final.pdf, page 8
Présomption de la libre communicabilité
Dans certains pays, en particulier en Allemagne et aux États-Unis, les citoyens bénéficient de la
présomption de la libre communicabilité, ce qui implique que tout document administratif est a
priori communicable. Il incombe donc à l’administration de prouver, le cas échéant, la non
communicabilité d’un document.
Les limites du droit à l’accès :
les documents non communicables
Le droit d’accès aux documents administratifs est contrebalancé par la protection, nécessaire à une
société démocratique, d’autres droits et intérêts légitimes. Les mêmes exceptions à la
communicabilité des documents se retrouvent dans la plupart des pays et sont comparables à celles
qui prévalent dans le régime français d’accès.
Ainsi, en Allemagne, aux États-Unis ou en Angleterre, par exemple, l’administration n’a pas
d’obligation de communiquer des documents lorsqu’ils ont déjà fait l’objet d’une publication et
que le demandeur peut y accéder sans difficulté majeure ou qu’il dispose déjà des informations
souhaitées.
Les documents contenant les informations sensibles ne sont pas communicables. À titre
d’exemple, dans tous les pays, ne sont pas communicables les documents concernant la sécurité
nationale, la défense, la politique étrangère, la politique monétaire ²ou économique nationale, la vie
privée ou le secret industriel et commercial. De même, les documents relatifs au déroulement des
procédures juridictionnelles ainsi que les documents concernant la prévention et la répression de la
criminalité ne sont pas communicables.
Comme en France, les documents préparatoires à une décision administrative ne font pas partie des
documents communicables en Italie, Allemagne et aux États-Unis. En Allemagne et en Espagne,
les documents protégés par la propriété intellectuelle échappent à la communication.
On peut relever des exceptions particulières à quelques pays. Ainsi, la correspondance officielle de
la Reine n’est pas communicable en Grande-Bretagne. En Espagne, l’exercice des compétences
constitutionnelles fait obstacle au droit à l’information. En Suède, un document ne sera pas
communiqué, s’il s’agit de préserver la protection des espèces animales ou végétales. Aux ÉtatsUnis, échappent à la communication les données géologiques des puits de gaz et de pétrole.
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En pratique, comment accéder aux documents administratifs ?
La comparaison des modalités pratiques d’exercice du droit d’accès apporte des informations plus
intéressantes et comporte des variantes significatives.
Dans certains pays, la plupart des documents administratifs font l’objet d’une publication
automatique, de sorte qu’ils sont directement accessibles par les citoyens. Ainsi, aux États-Unis,
certaines archives sont directement accessibles dans des reading rooms et aussi sur Internet.
Toutefois, la procédure classique à suivre est de s’adresser à l’administration qui détient le
document souhaité. Les législations en vigueur s’efforcent de faciliter autant que possible l’accès
aux documents pour le citoyen.
Aux États-Unis, chaque agence fédérale dispose d’un bureau spécialisé dans la gestion des
demandes d’accès aux documents administratifs sous l’autorité d’un « Chief FOIA officer » et doté
d’un « FOIA public liaison », qui aide au règlement des litiges éventuels.
En Grande-Bretagne, toute autorité publique est tenue d’élaborer un « Publication Scheme » qui
désigne les documents accessibles et définit le cadre général d’accès à l’information. D’une façon
comparable, les administrations fédérales en Allemagne, elles aussi, sont tenues d’élaborer un
registre sur les informations communicables dont elles disposent et de les rendre accessibles sous
forme électronique.
Pour obtenir un document administratif, le demandeur doit respecter des conditions de fond et de
forme, le plus souvent minimales et qui lui sont favorables.
En fait, dans la plupart des pays, comme aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Suède ou en
Allemagne, la possibilité de demander un document administratif est ouverte à toute personne
physique ou morale sans condition de nationalité ni de résidence, ce qui correspond d’ailleurs au
régime français.
Concernant la forme, la Grande-Bretagne et les États-Unis exigent une demande écrite, alors qu’en
Allemagne, comme en France, aucune forme n’est imposée.
L’administration dispose par la suite d’un certain délai de réponse, qui est soit d’un mois en
Allemagne, comparable à la France, soit de 20 jours ouvrables aux États-Unis et en GrandeBretagne. Exception notable en Suède, en revanche, où il n’existe pas de délai de réponse,
l’administration s’efforçant toutefois de répondre dans les meilleurs délais.
Dans la plupart des pays, la communication de document ne donne pas lieu au paiement des frais,
sauf si le coût de mise à disposition de l’administration dépasse un certain seuil, contrairement à la
France, où l’administration peut toujours facturer les coûts de reproduction et d’expédition. Ainsi,
aux États-Unis, sont gratuites toutes les communications correspondant à des demandes à des fins
non commerciales occasionnant moins de 2 heures de recherches et moins de 100 pages de
reproduction. En Grande-Bretagne, les autorités peuvent refuser la communication ou la facturer, si
le coût de la recherche dépasse un seuil fixé par la loi : toute communication est gratuite si le coût
de recherche de l’information ne dépasse pas 600₤ (soit 3 ½ jours de travail pour un taux horaire
fixe de 25₤), pour le gouvernement central, ou 450₤ pour les autres autorités.
En Suède, les autorités sont en droit de facturer les frais de photocopie si un document comprend
plus de dix pages. Toutefois, en pratique, les administrations renoncent souvent à les prélever pour
éviter des complications administratives.
En Allemagne, l’accès aux documents n’est pas gratuit, l’administration étant en droit de facturer la
communication en fonction de la charge de travail induite, de la nature et de l’ampleur des
informations et des frais de copie. Les tarifs sont fixés dans un règlement établi par le ministère de
l’Intérieur.
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Saviez vous… ?
Les administrations suédoises sont les plus rapides à répondre aux demandes de
communication. Dans la plupart des cas, le demandeur a une réponse dans les 2 jours au
maximum, et souvent même quelques heures seulement, et, s’il se présente directement
devant l’administration qui détient le document qu’il souhaite, il n’attend que quelques instants.
Source : http://www.atirtf-geai.gc.ca/consultation-sweden-f.html, http://www.liberte-dinformer.info/50122.html
Les organismes chargés de veiller
au droit d’accès aux documents administratifs
Dans certains pays, il existe des organismes comparables à la CADA française, qui sont chargés de
veiller au respect du droit d’accès aux documents administratifs. Comme en France, ces organismes
sont souvent des entités indépendantes, comparables aux autorités administratives indépendantes
françaises. Toutefois, l’étendue des pouvoirs des différents organismes varie selon les pays. La
protection des données personnelles ayant l’antériorité dans beaucoup des pays européens, les
organismes chargés de cette mission se sont vu en outre chargés de la protection du droit d’accès.
Ainsi, contrairement à la France, où la protection des données personnelles est garantie par la
CNIL, tandis que la protection du droit de l’accès relève de la compétence de la CADA, dans
beaucoup de pays les deux missions sont assumées par le même organisme.
En Allemagne, c’est le Commissaire fédéral de la protection des données et du droit à
l’information, qui, au niveau fédéral, veille au respect du droit à l’accès. Il est nommé pour une
durée de 5 ans par le Parlement fédéral (Bundestag) sur proposition du Gouvernement. Soumis au
seul respect de la loi, le commissaire est indépendant du gouvernement dans l’exercice de ses
fonctions. Au niveau des États fédérés, un tel commissaire existe dans 9 des 11 Länder qui
disposent d’une législation sur la liberté d’information. Le Commissaire fédéral s’est vu attribuer,
par la loi de 2006, outre son rôle classique de la protection des données personnelles, la tâche de
veiller au respect de l’accès aux droits des documents administratifs. À ce titre, il exerce le même
rôle que la CADA française.
Le Commissaire fédéral a plusieurs missions : il dispose avant tout d’un rôle de conseil auprès des
particuliers, des personnes morales, du Parlement et du Gouvernement. Il peut procéder à des
contrôles auprès des administrations du Bund pour vérifier si elles se conforment aux dispositions
sur le droit d’accès aux informations publiques et il peut, le cas échéant, constater des violations.
Le Commissaire peut être saisi, comme la CADA française, par des particuliers ou des personnes
morales au cas où une administration refuserait de communiquer le document demandé. Enfin, le
Commissaire s’efforce de promouvoir la coopération européenne et internationale. Tous les deux
ans, il informe le public de son activité dans un rapport, accessible en ligne.
Comme la CADA française, le Commissaire allemand du droit à l’information ne peut rendre que
des simples avis ou des recommandations qui n’ont pas de caractère contraignant. Il peut également
émettre des réclamations officielles au cas où il constaterait une violation par une administration du
droit d’accès aux documents sans pour autant pouvoir infliger des sanctions.
En Italie, il existe, depuis 1991, une Commission pour l’accès aux documents administratifs
(CADA), qui est composée entre autres de hauts fonctionnaires de l’État, de sénateurs et députés
ainsi que de professeurs de droit. Même si la CADA italienne ne dispose pas d’un budget propre ni
d’une structure indépendante, elle est reconnue par la doctrine comme une autorité administrative
indépendante, compte tenu de son indépendance par rapport au Gouvernement italien dans
l’exercice de ses fonctions. La CADA italienne est, comme la CADA française, un organisme
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chargé de veiller spécialement à l’accès aux documents administratifs. Elle contrôle la mise en
œuvre du principe de la pleine connaissance et de la transparence de l’activité des administrations
publiques. En exerçant ce rôle, la CADA peut procéder à une audition des parties et rendre un avis
en cas de refus de communication par une administration. Contrairement à la CADA française, la
CADA italienne dispose d’un vrai pouvoir de décision : en cas de saisine pour violation du droit
d’accès aux documents administratifs, elle peut ordonner à l’administration de produire un
document, l’administration ayant alors l’obligation de revoir sa décision. Toutefois, la CADA
italienne n’a pas de pouvoir de sanction ou de contrainte.
La Grande-Bretagne a instauré un « Information Commissioner Office » (ICO), qui garantit
l’accès aux documents administratifs. L’« Information Commissioner » est nommé par la Reine et
il est responsable devant le Parlement. Vue son indépendance du gouvernement, l’ICO, lui aussi,
assume le rôle d’une autorité administrative indépendante. L’Écosse dispose de son propre ICO.
Le rôle et les missions de l’« Information Commissioner » sont largement comparables à ceux du
Commissaire allemand. Traditionnellement, veillant à la protection des données personnelles
comme la CNIL française, l’« Information Commissioner » s’occupe, depuis 2005, de la promotion
de l’accès à l’information officielle, en cumulant ainsi les fonctions de la CNIL et de la CADA en
France.
Les missions du « Information Commissioner » sont comparables à celles du Commissaire
allemand. Il a lui aussi la mission de conseil, de sorte qu’il rend des avis sur des projets de lois, des
règlements, etc. Il contrôle le respect de la loi en approuvant les Publication Schemes des
administrations et en rendant des recommandations auprès des administrations, recommandations
qui peuvent faire l’objet d’une révision judiciaire. Il peut être saisi en cas de plainte pour enfreinte
au « FOI Act » ou au « Data Protection Act » et est chargé de l’éducation et de la sensibilisation
des particuliers et des entreprises à l’accès à l’information en publiant des brochures et des guides.
L’« Information Commissioner » rend compte de son activité dans un rapport annuel et publie des
Corporate and business plans définissant la stratégie de l’ICO.
En regard des autres organismes, l’« Information Commissioner » dispose des pouvoirs les plus
larges : en cas de saisine, il peut rendre des ordonnances exécutoires. Dans ces ordonnances, il peut
préciser les actions à mener par l’administration, mentionner, le cas échéant, les délais, et indiquer
les voies de recours ouverts aux parties. Il convient toutefois de souligner que les ministres
britanniques disposent, sous certaines conditions, d’un droit de veto, qui leur permet de ne pas
suivre une décision de l’« Information Commissioner », au cas où celui-ci leur imposerait de
communiquer un document classé confidentiel.
De plus, l’« Information Commissioner » dispose d’un pouvoir de sanction : à ce titre, il peut
infliger des pénalités financières, mais uniquement en ce qui concerne les atteintes au « Data
Protection Act ».
Outre ces organismes plutôt classiques, l’Espagne dispose d’une entité particulière qui n’est
nullement comparable à la CADA française : la Commission supérieure d’évaluation des
documents administratifs (CSCDA). Présidée par le ministre de la Culture et sous sa tutelle
financière, cette commission ne dispose d’aucune indépendance. Elle comprend parmi ses membres
des hauts fonctionnaires.
La mission de la CSCDA ne consiste pas à promouvoir l’accès aux documents administratifs, mais
est essentiellement chargée des questions de la conservation patrimoniale et du cycle de vie des
documents administratifs. À ce titre, elle apporte une expertise sur les questions relatives à
l’évaluation et à l’utilisation des documents de l’administration centrale et des organismes publics
qui y sont rattachés. Elle se prononce ainsi sur les délais de conservation des archives, leur
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accessibilité, leur utilisation, etc. Aucun recours direct des particuliers n’est prévu auprès de la
CSCDA.
La CSCDA publie des actes et des rapports à caractère consultatif qui n’engagent pas l’État en
matière de transparence administrative.
En Suède, le fort enracinement de la tradition de la transparence dans l’administration explique
l’absence d’un organisme particulier chargé de veiller à la communication des documents
administratifs. Toutefois, en cas de refus de communication par l’administration, le demandeur
peut saisir l’Ombudsman du Parlement, équivalent du Médiateur de la République en France. De
façon générale, l’Ombudsman procède à un contrôle de légalité de l’ensemble des actes officiels et
rend des recommandations qui n’ont pas de caractère contraignant.
Voies de recours en cas de refus
de communication par l’administration
Dans le cas où l’administration ne fait pas droit à une demande de communication, le demandeur
dispose de plusieurs voies de recours : contrairement à la France, les citoyens espagnols,
britanniques et allemands disposent de la possibilité de procéder à un recours gracieux auprès de
l’administration qui a refusé la communication. Aux États-Unis et en Suède, les demandeurs
peuvent intenter un recours administratif hiérarchique auprès de l’administration concernée. En
Suède, lorsque le recours devant l’administration reste infructueux, le demandeur peut saisir
l’Ombudsman du Parlement, qui procède alors à une médiation pour trouver une solution amiable.
Ses décisions n’ont pas de caractère contraignant.
Avant d’intenter un recours contentieux, les demandeurs peuvent s’adresser à des organismes
particuliers veillant au respect du droit d’accès aux documents, lorsqu’il en existe un dans leur
pays.
En Allemagne, les demandeurs disposent de la possibilité de s’adresser au Commissaire fédéral au
droit à l’information. La saisine n’est pas obligatoire et n’a pas non plus d’effet suspensif sur les
délais du recours contentieux, recours qui est ouvert d’une façon concomitante dans le délai d’un
mois.
En Italie, les demandeurs peuvent intenter un recours devant la CADA italienne, qui procède à une
audition des parties en respectant le principe du contradictoire et qui rend ensuite une décision.
Lorsqu’elle ordonne à l’administration la communication d’un document, cette dernière dispose
d’un délai de 30 jours pour se prononcer, son silence valant acceptation tacite de la décision
rendue. La saisine de la CADA italienne suspend le délai de recours devant le tribunal administratif
régional.
En Grande-Bretagne, après avoir épuisé les voies de recours internes à l’administration, le
demandeur peut s’adresser à l’« Information Commissioner ». Au Royaume-Uni, il n’existe pas de
délai pour cette saisine, contrairement à l’Écosse, où le recours auprès du « Scottish Information
Commissioner » doit être intenté dans un délai de 40 jours ouvrables.
Dans tous les pays étudiés, le demandeur peut intenter un recours contentieux devant les
tribunaux. En principe, ce sont les tribunaux administratifs qui sont compétents pour connaître d’un
tel litige, comme en Allemagne, en Suède ou en Italie, avec une petite particularité en Espagne, où
les tribunaux administratifs sont pleinement intégrés à l’ordre judiciaire. En revanche, il existe en
Grande-Bretagne un tribunal particulier, l’« Information Tribunal », compétent pour connaître des
requêtes fondées sur le « FOI Act », les « Environmental Information Regulations » et le « Data
Protection Act ». Ses arrêts peuvent eux-mêmes faire l’objet d’un appel devant la « High Court of
Justice » ou la « Court of Session » en Écosse.
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Pour en savoir plus…
Des liens utiles

États-Unis : site Internet du Department of Justice
http://www.justice.gov/oip/04_7.html (anglais)

Italie : Rapport annuel de la CADA italienne
www.governo.it/presidenza (italien)

Grande-Bretagne : site officiel de l’ICO en Grande-Bretagne
www.ico.gov.uk (anglais et français)

Allemagne : site officiel du Commissaire fédéral à la protection des données et du droit
à l’information
www.bfdi.bund.de (allemand sur le droit à l’information)

Suède : fiches informatiques du gouvernement suédois
http://www.sweden.gov.se/sb/d/2184/a/15521
http://www.sweden.gov.se/sb/d/9838/a/92931
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Saviez vous… ?
L’Europe et vous : l’accès aux documents de l’UE
L’UE s’efforce, depuis sa création, de renforcer les droits des citoyens européens. Ainsi, par un
règlement de 2001, l’UE a mis en œuvre des règles concernant l’accès aux documents du
Parlement européen, du Conseil de l’UE et de la Commission.
Quels sont les documents communicables ?
Quelques documents des institutions sont directement accessibles, sans que vous ayez à
former une demande. Il est ainsi pour les documents publiés dans le Journal officiel des
Communautés européennes, sur Internet ou dans les archives, étant entendu que ces derniers
deviennent librement accessibles après l’expiration d’un délai de 30 ans.
Les documents non publiés peuvent, eux aussi, faire l’objet d’une communication, lorsque la
demande respecte certaines conditions de fond et de forme, conditions toutefois minimales : la
communication est ouverte à tout demandeur, personne physique ou morale, sans condition de
nationalité ou de résidence et sans que vous ayez à justifier votre demande.
Vous êtes obligé de désigner précisément le document souhaité. À ce titre, les institutions
mettent en place des registres avec tous les documents dont ils disposent. Si vous ne pouvez pas
y trouver le document recherché, vous êtes tenu de décrire le document aussi précisément que
possible.
Quant à la forme, vous devez poser une demande écrite dans une des 12 langues définies par le
règlement, dont le français et l’anglais.
Vous devez adresser la demande à l’institution détenant le document souhaité.
La communication d’un document ne donne pas lieu au paiement de frais, sauf si le document
comprend plus de 20 pages, ce qui permet à l’institution de facturer les frais de copie et d’envoi.
L’institution dispose d’un délai de 15 jours pour répondre à votre demande, délai qui peut
exceptionnellement faire l’objet d’une prolongation de la même durée.
Quels documents échappent à la communication ?
Il existe des documents qui, pour des raisons diverses, ne sont pas communicables : échappent
ainsi à toute communication les informations concernant l’intérêt public, à savoir la sécurité
publique, la défense, les relations avec des pays tiers et la politique économique et financière.
De plus, un document n’est pas communicable, lorsqu’il concerne la vie privée, l’intégrité de
l’individu, les intérêts commerciaux des personnes privées et morales, des procédures
juridictionnelles et des avis juridiques ou le processus décisionnel d’une institution.
De manière générale, la communication des documents ainsi protégés devient possible après un
délai de 30 ans, sauf si le document contient des informations relatives à la vie privée, à des
intérêts commerciaux ou s’il s’agit d’un document secret.
Voies de recours en cas de refus de communication
Lorsque l’administration a refusé de communiquer un document, vous disposez de trois voies de
recours :
Premièrement, vous pouvez intenter un recours administratif auprès de l’institution concernée
dans un délai de 15 jours à partir du moment où vous avez obtenu une réponse négative ou à
compter de la date d’échéance du délai de communication prévu. L’institution dispose par la suite
d’un délai de 15 jours pour répondre.
Passé ce délai, vous avez le choix : vous pouvez porter plainte auprès du Médiateur européen,
qui va essayer de trouver une solution à l’amiable.
Enfin, vous pouvez introduire un recours auprès du Tribunal de première instance en vous
faisant représenter par un avocat.
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Annexe - Tableau comparatif
Pays
France
Allemagne
Grande-Bretagne
Loi du 17 juillet 1978
Loi du 3 juin 2005 au
niveau fédéral, entrée en
vigueur le 1er janvier 2006
UK et Scottish Freedom
of Information Act,
entrés en vigueur en
2005
Loi du 7 août 1990
Art. 105 de la
Constitution espagnole
de 1978, loi de 1992
Législation de 1776,
réaffirmée dans la loi
constitutionnelle de
1974
Freedom of Information
Act de 1966 au niveau
fédéral
Documents
administratifs de
l’État, des
collectivités
territoriales, des
établissements
publics, des
organismes privés
chargés d’une
mission de service
public
L’administration du
Bund ; ne sont pas
concernés des documents
des : juridictions,
assemblées délibérantes,
pouvoir législatif
L’ensemble des
autorités publiques, y
compris le pouvoir
législatif au RoyaumeUni et en Écosse
Tout acte, même
d’ordre interne, des
administrations d'État
et de ses
démembrements
autonomes, des
entreprises publiques,
des concessionnaires
de service public
L’accès aux archives et
aux registres
administratifs, les
citoyens ont le droit de
connaître l’état des
procédures qui les
concernent et les actes y
afférents
Champ d’application
large, y compris la
correspondance
officielle du Premier
Ministre ; liberté
d’expression et de
publier reconnue aux
fonctionnaires
Documents des agences
fédérales, des services
de la Maison Blanche ;
L’intérêt public
L’intérêt public
L’intérêt public
La défense nationale
et la politique
étrangère
la défense nationale et la
politique étrangère
La défense nationale et
la politique étrangère
La défense nationale
et la politique
étrangère
La défense nationale
La politique étrangère
la défense nationale et
la politique étrangère
La sécurité nationale
La sécurité nationale
La sécurité nationale
La sécurité nationale
La sécurité nationale
La sécurité nationale
La sécurité nationale
La politique
monétaire et le crédit
public
La politique nationale en
matière d’économie et de
fiscalité
La politique nationale
en matière d’économie
La politique
monétaire
La politique monétaire
La politique nationale
en matière de finances,
monnaie ou change
La politique nationale
en matière de fiscalité
Le déroulement des
procédures
juridictionnelles
Le déroulement des
procédures
juridictionnelles
Le déroulement des
procédures
juridictionnelles
La vie privée
La protection des données
personnelles
La vie privée
La vie privée
La vie privée
La vie privée
La vie privée
Le secret commercial
Le secret commercial
Le secret commercial
Le secret commercial
Le secret commercial
L'intérêt économique
Le secret commercial
Législation
Documents
communicables
Motifs de non
Italie
Espagne
Suède
L’intérêt public
Etats-Unis
ne sont pas concernés :
le Congrès, les
juridictions, le Président
et le vice-Président,
leurs collaborateurs
immédiats
L’intérêt public
communication
 Motifs communs
Le déroulement des
procédures en matière
pénale
Le déroulement des
procédures en matière
pénale
10
 Motifs communs
Les actes
préparatoires ou non
achevés
Les actes préparatoires
La diffusion publique
La diffusion publique
La prévention et la
répression des
infractions en matière
fiscale et douanière
Les actes
préparatoires
La diffusion publique
La prévention et la
répression de la
criminalité
La diffusion publique
La prévention et la
répression de la
criminalité et l'ordre
public
La propriété intellectuelle
Le déroulement de l’action
publique et le secret de
délibération de
l’administration
Les délibérations du
Gouvernement
Les actes préparatoires
du Gouvernement
La prévention et la
répression des
infractions
La propriété
intellectuelle
Le déroulement de
l’action publique et le
secret de délibération de
l’administration
Le déroulement de
l’action publique et le
secret de délibération
de l’administration
La correspondance
officielle de la Reine
Le déroulement de
l’action publique
L’exercice des
compétences
constitutionnelles
 Motifs particuliers
La préservation des
espèces animales et
végétales
Les données
géologiques des puits
de gaz et de pétrole
Les activités des
autorités publiques aux
fins de surveillance
Les documents des
autorités de régulation
et des banques
Les documents internes
de l’administration
Procédures
Saisine préalable de
la CADA ; recours
contentieux devant
les tribunaux
administratifs
Recours gracieux auprès
de l’administration,
Saisine facultative du
Commissaire fédéral à la
protection des données et
au droit à l’information ;
recours contentieux devant
les tribunaux
administratifs
Recours administratif,
saisine du « Information
Commissioner » ;
recours devant le
« Information
Tribunal »
Saisine de la
Commission d’accès
aux documents
administratifs
italienne ; recours
contentieux
Recours gracieux
auprès de
l’administration ;
recours contentieux
devant les juridictions
administratifs
Recours administratif
hiérarchique ; saisine de
l’Ombudsman du
Parlement ; recours
contentieux devant les
tribunaux administratifs
ou la Cour suprême
administrative
Recours administratif ;
recours devant le
Tribunal fédéral
11
Pays
Espagne
Suède
Etats-Unis
Oui,
Non,
Non,
Non,
La Commission
d’accès aux
documents
administratifs
(CADA)
Le Commissaire
fédéral à la protection
des données et au droit
à l’information
UK Information
Commissioner et
Scottish Information
Commissioner
Commission pour
l’accès aux documents
administratifs
(CADA)
La Commission supérieure
d’évaluation des
documents administratifs
(CSCDA)
L’Ombudsman de la
Suède
Chaque agence fédérale
dispose d’un bureau
spécialisé aux demandes
d’accès
Statut
AAI
AAI
AAI
AAI
Dépendance du Ministère
de la culture
AAI
Service auprès de l’agence
en cause
Rôle
Spécialement chargée
de veiller au respect
du droit à l’accès et à
la réutilisation des
données publiques
Promotion de l’accès à
l’information
officielle,
Promotion de l’accès à
l’information
officielle,
Spécialement chargée
de veiller au respect
du droit à l’accès
Contrôle de
l’utilisation des
données personnelles
Contrôle de
l’utilisation des
données personnelles
S’occupe uniquement des
questions de la
conservation patrimoniale
et du cycle de vie des
documents administratifs
Procède au contrôle
de légalité de
l’ensemble des actes
officiels
Recevoir les demandes de
communication d’un
document détenu par
l’agence
Conseil,
Conseil,
Conseil,
Conseil,
La Médiation
La gestion des demandes,
Reçoit des plaintes
Contrôle,
Contrôle du respect de
la loi,
Reçoit des plaintes
L’expertise sur les
questions relatives à
l’évaluation et à
l’utilisation des documents
de l’administration
Aucun recours direct des
particuliers auprès de la
CSCDA
Peut être saisi en cas
de refus de
communication, Pas
de pouvoir de
contrainte
d’accès
Reçoit des plaintes,
Missions
Coopération
internationale
Rend des avis non
contraignants,

Italie
Oui,
de veiller au droit

Grande-Bretagne
Oui,
particulier chargé

Allemagne
Oui,
Organisme

France
Pouvoirs
Pouvoir de sanction en
matière de la
réutilisation
Rend des avis et
recommandations non
contraignants,
Constate des
violations
Reçoit des plaintes,
L’aide au règlement des
litiges éventuels
L’éducation et la
sensibilisation
Rend des ordonnances
exécutoires,
Pouvoir de sanction en
matière de protection
des données
Pouvoir de décision,
Pas de pouvoir de
sanction
Répond aux demandes
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