Le musée André-Malraux. : un musée nouveau

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Le musée André-Malraux. : un musée nouveau
Le musée André-Malraux. : un musée nouveau.
Créer un volume parfaitement clos, à l’abri des variations climatiques, mais pénétré par la lumière, que l’on
peut doser, diriger, et d’autre part, supporter le plus rationnellement possible les plans et les dispositifs
d’exposition sur une trame régulière. Guy Lagneau
Entre ville reconstruite et mer, le musée Malraux du Havre apparaît comme un manifeste
architectural de la modernité, installé à l’entrée du port comme une figure de proue de la ville.
L’édifice, une simple boîte de lumière faite de verre, d’acier et d’aluminium, semble isolé et
tranche à première vue avec les constructions environnantes initiées par Auguste Perret.
Premier musée construit en France après la guerre, inauguré par André Malraux le 24 juin
1961, il a été conçu dès 1955 par les architectes Guy Lagneau et Raymond Audigier, Michel
Weil et Jean Dimtrijevic en étroite collaboration avec Reynold Arnould, le conservateur. Les
ingénieurs Jean Prouvé, René Sarger et Jean Lafaille étaient associés au calcul et au dessin de
ce bâtiment qui développe une esthétique novatrice de transparence et de légèreté. Bénéficiant
d’éclairages de tous les côtés y compris par le toit protégé par un brise-soleil, un paralume,
qui sert à tamiser et à diffuser la lumière à l’intérieur de l’édifice, l’architecture s’ouvre
largement sur le paysage maritime et met en valeur le rapport au réel, entre visibilité et
lumière. Protégé désormais, depuis sa restauration en 1999 par Emmanuelle et Laurent
Beaudoin (voir Rénovation et Réhabilitation), par une double paroi de verre sérigraphié et des
pare-soleil automatiques suivant l’arrivée de la lumière, l’intérieur continue d’entretenir une
relation constante et dynamique avec l’extérieur, motif d’inspiration pour nombre d’œuvres
de la collection permanente. L’ensemble, avec son esplanade et sa sculpture monumentale, le
Signal de Henri-Georges Adam, instaure également un dialogue permanent avec le site et
l’architecture qui l’entoure. Ainsi le bâtiment rénové incarne encore aujourd’hui, les grands
principes de mobilité et de flexibilité qui ont fondé le projet initial, la création d’un espace
mixte, à la fois maison de la culture et musée.
Le musée Malraux : un nouveau musée
Pour attirer le public, le musée a besoin de se renouveler. L’architecte doit donc imaginer des outils simples.
C’est l’idée fondatrice de Lagneau au musée André-Malraux. (…) La flexibilité ne doit pas perturber l’œuvre,
l’affecter par l’étroitesse de la cimaise ou la réduction. Laurent Beaudoin
La conception initiale mettait en effet l’accent sur la flexibilité d’un plan modulaire : des
parois mobiles permettaient la polyvalence pour 60 % des planchers. La réhabilitation
entreprise par Emmanuelle et Laurent Beaudoin en 1999 vise à conserver la fluidité du plan
d’origine tout en introduisant une autre temporalité, celle de la permanence, notamment sur la
mezzanine où un certain nombre de cimaises apparaissent comme des muralités. Tout en
respectant l’idée de « l’acte créateur du conservateur », considéré par Guy Lagneau comme
« une action sans cesse renouvelée » et non « une adaptation à un cadre a priori », les
architectes de la rénovation ont du remettre en cause le caractère expérimental de la
polyvalence et de la totale mobilité de l’espace. Les volumes intérieurs ont été remodelés en
jouant sur l’opposition des espaces lumineux et des salles obscures protégeant les œuvres plus
fragiles. Cette modification d’envergure de l’espace répond aux besoins muséographiques
actuels et permet d’avoir jusqu’à « trois niveaux de flexibilité avec trois temporalités », allant
de la mobilité complète à la stabilité permanente. (voir entretien avec Laurent Beaudoin,
L’architecture des musées au XXe siècle, publication SCEREN, p.42) Le nouveau parti
muséographique crée un accrochage qui respecte les grandes articulations d’une collection
constituée par des apports décisifs de dons et de legs. L’incidence de la diversité lumineuse
est également prise en compte par le nouveau parcours ménagé par les architectes pour les
visiteurs dans des espaces qui s’enchaînent de manière plus logique et plus stable.
Rénové, le musée Malraux demeure toutefois un édifice mobile, changeant, sensible au lieu
de son implantation, dont le caractère pionnier est indéniable. Pour Laurent Beaudoin, il est
« la source féconde d’une lignée de bâtiments qui vont marquer la fin du XX ème siècle, et
dont la famille n’a pas fini de s’agrandir. »
Hege Smith, mai 2008
Malgré son indéniable caractère pionnier, rien de ce qu’il [Lagneau] met en œuvre ici n’est totalement
nouveau : la double peau de la façade ouest reprend l’idée de la respiration exacte de Le Corbusier, la
flexibilité du programme est dans le projet de la maison du peuple de Clichy de Prouvé, Beaudouin et Lods, et le
paralume a déjà été envisagé par Paul Nelson pour son projet d’hôpital à Ismaïlia. Le génie de Guy Lagneau
n’a pas été d’inventer ces notions, mais de les réunir avec cohérence dans un seul bâtiment. Laurent Beaudoin