COUR D`APPEL DE PARIS ARRET DU 18 MAI 2010 Pôle 1

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COUR D`APPEL DE PARIS ARRET DU 18 MAI 2010 Pôle 1
COUR D'APPEL DE PARIS
ARRET DU 18 MAI 2010
Pôle 1 - Chambre 3
(n° 269 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/20524
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Septembre 2009
Tribunal de Grande Instance de PARIS
RG n° 09/57224
APPELANTE
SAS RADIANTE agissant poursuites et diligences de son président
rue d'Arsonval Zone Industrielle Nord
86100 CHATELLERAULT
représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistée de Me L C MICHELE, avocat au barreau de PARIS,
plaidant pour le cabinet BARDEHLE PAGENBERG, toque :P 0390
INTIMEE
Société MEDI GMBH & CO.KG prise en la personne de ses représentants
légaux
[...]
93297 TREMBLAY EN FRANCE
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistée de Me L SALOMÉ, avocat au barreau de PARIS,
toque : B 197
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Mars 2010, en audience publique, devant la Cour
composée de :
Madame Joëlle BOURQUARD, Président de chambre
Madame Claire DAVID, Conseillère
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
qui en ont délibéré
sur le rapport de Madame Claire DAVID
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET:
- CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de
l'article 450 du code de procédure civile.
signé
par
Madame
Joëlle
BOURQUARD,
président
et
par
Mlle Véronique COUVET, greffier.
Les sociétés RADIANTE et MEDI GMBH & Co KG, ci-après MEDI, ont pour
objet la fabrication et la commercialisation de produits médicaux, et notamment de
bas et collants de compression, appelés orthèses de contention
En France, la société RADIANTE a repris en 2008 l'actif de la société
COGNON-MORIN, et notamment le brevet français FR 05 07644 déposé le
19 juillet 2005 et délivré le 31 août 2007 et le brevet européen EP 1 746 189
désignant la France, déposé le 21 août 2006 sous priorité de la demande de brevet
français indiqué ci-dessus, et délivré le 27 août 2008.
Les deux brevets, français et européen, ont été délivrés dans les mêmes
termes.
La transmission de propriété des deux brevets a été inscrite au Registre
National des Brevets en février 2009.
Estimant que la société MEDI commercialisait depuis le premier
trimestre 2009 un produit contrefaisant les revendications du brevet français, la
SAS RADIANTE a assigné la société de droit allemand MEDI GMBH & Co.KG,
selon acte du 15 juin 2009, sur le fondement de l'article L. 615-3 du code de la
propriété intellectuelle, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de
Paris qui, par ordonnance rendue le 15 septembre 2009, a constaté l'existence
d'une contestation sérieuse.
Appelante de cette décision, la SAS RADIANTE, aux termes de ses
écritures déposées le 23 mars 2010, conclut en son infirmation et elle demande :
- d'interdire à la société MEDI, sous astreinte de 1 000 € par jour et par infraction
constatée, toute fabrication, importation, présentation sur quelque support que ce
soir et par ses agents commerciaux er représentants, des produits vendus sous la
désignation MEDIVEN 20 SÉDUCTION ou toute autre marque ou référence
correspondant au numéro d'agrément 08-43343, mettant en oeuvre les
enseignements du brevet FR 05 07644,
- d'enjoindre à la société MEDI, sous astreinte de 1 000 € par produit et par jour de
retard, de retirer de la vente, de cesser toute livraison et de rappeler de tous les
circuits commerciaux tous les produits concernés,
- de condamner la société MEDI à lui verser à titre provisionnel la somme de
800 000 € à valoir sur le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon,
- de condamner cette dernière au paiement de la somme de 40 000 € au titre de
l'article 700 du code de procédure civile.
La société de droit allemand MEDI GMBH & Co. KG, aux termes de ses
écritures déposées le 19 mars 2010, conclut à la confirmation de la décision et au
rejet des demandes de la société RADIANTE. Au cas où une interdiction provisoire
serait prononcée, elle demande de la subordonner à la constitution d'une garantie
de 1 500 000 € entre les mains d'un séquestre, afin d'assurer l'indemnisation de la
société MEDI si l'action en contrefaçon est jugée non fondée.
Elle demande encore de subordonner son éventuelle condamnation au
paiement d'une indemnité provisionnelle à la constitution par la société RADIANTE
d'une garantie complémentaire d'un montant équivalent entre les mains d'un
séquestre, afin d'assurer son indemnisation si l'action en contrefaçon est rejetée.
Elle sollicite enfin l'octroi d'une somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du
code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ,
LA COUR,
Considérant que le brevet français, qui est seul dans la cause, a été déposé
par la société RADIANTE le 19 juillet 2005 et a pour titre et objet : "Fil guipé destiné
à constituer au moins une partie d'un article de contention, et article de contention
associé" ;
Considérant que l'objet de l'invention est précisé comme suit dans le brevet :
"L'invention a pour but de concevoir un fil guipé destiné à constituer au moins une
partie d'un article de contention, dont la structure permet d'obtenir un article aussi
discret ou transparent que possible, sans pour autant nuire aux capacités
techniques de contention exercées par ledit article. L'invention a également pour but
de concevoir des articles de contention qui incluent un tel fil guipé (...) ledit fil guipé
étant remarquable en ce qu'il est formé d'une âme élastique en matériau translucide,
et d'au moins un fil de couverture, également translucide, qui est guipé autour de
l'âme centrale" ;
Considérant que la société RADIANTE invoque la contrefaçon des
revendications 1 à 4,7, 10 et 12 qui font référencée la notion d'article translucide et
élastique ; que ces revendications sont rédigées comme suit :
n° 1 : Fil guipé destiné à constituer au moins une partie d'un article de contention,
caractérisé en ce qu'il est formé d'une âme centrale élastique en matériau
translucide, et d'au moins un fil de couverture, également en matériau translucide,
qui est guipé autour de l'âme centrale ;
n° 2 : Fil guipé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'âme centrale
élastique est en élasthanne translucide ;
n° 3 : Fil guipé selon la revendication 1 ou la revendication 2, caractérisé en ce que
le ou les fils de couverture sont à la fois translucides et élastiques ;
n° 4 : Fil guipé selon la revendication 3, caractérisé en ce que le ou les fils de
couverture sont en matériau synthétique choisi dans le groupe comportant les
élasthannes translucides et les fibres translucides de copolymère d'éthylène-oléfine ;
n° 7 : Fil guipé selon l'une des revendication 1 à 6, caractérisé en ce que le ou les
fils de couverture sont guipés autour de l'âme centrale par enroulement en hélice
autour de ladite âme centrale ;
n° 10 : Article de contention, dont à tout le moins l'essentiel est constitué par un fil
guipé selon l'une quelconque des revendications 1 à 9 ;
n° 12 : Article de contention selon la revendication 10, du type comportant un fil de
fond tricoté et un fil de trame, caractérisé en ce que le fil de trame est constitué par
le fil guipé précité, le fil de fond étant quant à lui constitué par un fil traditionnel ;
Considérant que l'analyse du produit argué de contrefaçon fabriqué par la
société MEDI a été faite à la demande de la société RADIANTE par le Laboratoire
d'Essais SMT qui a dressé un rapport d'analyse le 24 mars 2009, au terme duquel il
conclut que le tricot du bas de compression MEDI est constitué de deux filés, "le fil
de fond faisant maille qui est un filament guipé et le fil tramé élastique qui est aussi
un filament guipé' ; qu'après analyse qualitative des fibres au microscope, le
laboratoire indique que "le filé n° 1 est constitué d'une âme en élasthanne guipé d'un
multifilament en polyamide et le filé n° 2, translu cide au microscope, est constitué
d'une âme en élasthanne guipé par deux filaments d'élasthanne, l'un formant une
hélice de sens S et l'autre une hélice de sens Z";
Considérant que la société RADIANTE conclut que ce rapport fait ressortir la
translucidité du fil de trame et du guipage hélicoïdal identique à son brevet français ;
Considérant que la société MEDI répond qu'il ne peut y avoir contrefaçon,
dans la mesure où la caractéristique principale du brevet RADIANTE est
indéterminée et indéterminable et fait partie du domaine public, puisque la notion de
translucidité est éminemment relative, la notion de transparence n'est pas définie et
dépend de la classe de contention, et qu'aucune mesure d'optique n'est indiquée
dans le brevet ; qu'elle ajoute que s'agissant de la translucidité des fils sélectionnés
pour la fabrication des bas, les indications contenues dans le brevet RADIANTE sont
insuffisantes pour mettre en oeuvre l'invention, d'autant que la translucidité existait
déjà dans le brevet américain YAKOPSON ;
Qu'elle soutient encore que la caractéristique secondaire du brevet
RADIANTE, c'est à dire le caractère d'élasticité figurant à la revendication n°3, n'est
pas de nature à rendre déterminée la caractéristique principale et elle fait partie du
domaine public et existe déjà dans le brevet YAKOPSON ;
Que la société MEDI conclut qu'elle ne fait que mettre en oeuvre des
techniques relevant du domaine public pour fabriquer le produit argué de
contrefaçon ;
Considérant que, tout comme le produit de la société RADIANTE, IASQUAL
a homologué le 1er octobre 2008 les produits fabriqués par la société MEDI, à savoir,
d'une part le bas MEDIVEN 20 SÉDUCTION et d'autre part, le bas
MEDIVEN SÉDUCTION 20 ;
Considérant que la société RADIANTE reproche à la société MEDI d'avoir
fait homologuer par l'ASQUAL, sous la dénomination MEDIVEN 20 SÉDUCTION, un
produit contrefaisant, tout en ayant laissé croire qu'il s'agissait d'un ancien produit
homologué en 2006, puisque la dénomination de ce nouveau produit reprend la
dénomination
et
le
code
d'un
ancien
produit
qui
s'appelait
MEDIVEN SEDUCTION 20, ce qui est attesté par le fait que ces deux produits sont
répertoriés par l'ASQUAL sous la même référence ;
Mais considérant que le cahier des charges de l'ASQUAL ne comporte
aucune exigence de translucidité des fils utilisés, ni aucune exigence d'élasticité des
fils de couverture guipés autour de l'âme centrale élastique ;
Et considérant en tout état de cause, que l'homologation des produits par
l'ASQUAL est un élément du litige, mais ne permet pas à la cour de tirer des
conséquences quant à l'atteinte éventuelle aux droits de la société RADIANTE ;
Considérant qu'il résulte de l'article L. 615-3 du code de la propriété
intellectuelle que saisie, comme en l'espèce en référé, « la juridiction ne peut
ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement
accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits
ou qu'une telle atteinte est imminente » ;
Considérant que la société RADIANTE indique qu'elle utilise des fils
translucides et élastiques, ce qui constitue une innovation majeure, ayant donné lieu
au dépôt du brevet et qu'elle reproche à la société MEDI d'avoir contrefait cette
invention ;
Considérant que la translucidité ou la transparence se disent d'un objet qui
laisse passer la lumière ; que la translucidité se dit d'un corps transmettant la
lumière de manière diffuse et au travers duquel les objets apparaissent flous ; que la
transparence se dit d'un corps transmettant la lumière par réfraction et au travers
duquel les objets sont visibles avec netteté ;
Considérant que le brevet américain YAKOPSON déposé le 27 avril 2004
indique que ses bas de contention "offrent plus de transparence que les bas
thérapeutiques classiques (...) offrant une transparence améliorée" ; qu'il est précisé
que "tes rangées de mailles de fils de trame sont en élasthanne recouvert d'un fil
bicomposé" ;
Considérant que si la société RADIANTE indique que son brevet est inventif
en ce qu'il innove dans le domaine des bas de contention, elle ne caractérise pas en
quoi consiste son activité inventive ; qu'en effet les notions de transparence et de
translucidité sont éminemment subjectives, le brevet ne faisant référence à aucune
mesure optique pour caractériser la notion de translucidité, soit par microscope, soit
par tout autre système de mesure ; que comme l'indique la société MEDI, tout fil qui
n'est pas opaque présente nécessairement une certaine transparence ;
Considérant que le brevet n'indique pas non plus en quoi consiste
l'innovation quant à l'élasticité, si ce n'est que les fils sont en élasthanne, tout
comme le brevet YAKOPSON qui indique lui aussi que les fils de trame qui sont
utilisés sont en élasthanne ;
Considérant qu'il s'ensuit que les deux caractéristiques principales
revendiquées dans le brevet RADIANTE, à savoir la translucidité ou la transparence
et l'élasticité, sont imprécises et indéterminables ; qu'il s'ensuit que la protection
attachée au brevet invoqué par la société RADIANTE est susceptible d'être
contestée, la validité du brevet pouvant être remise en cause devant les juges du
fond au regard de l'activité inventive ; que de ce fait, les conditions de l'article
L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas remplies dès lors que
l'atteinte aux droits de la société RADIANTE n'est pas vraisemblable au regard des
éléments de preuve fournis ;
Considérant en conséquence que l'ordonnance déférée doit être confirmée ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société MEDI une
indemnité complémentaire en cause d'appel de 5 000 € au titre de l'article 700 du
code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,
Condamne la SAS RADIANTE à payer à la société de droit allemand
MEDI GMBH & Co. KG une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du
Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,
Condamne la SAS RADIANTE aux dépens avec distraction au profit de l'avoué
concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.