Hôtels, restaurants, logements : le haut de gamme s`installe Hôtels
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Hôtels, restaurants, logements : le haut de gamme s`installe Hôtels
Politiques Mimir, du squat à la légalité p. 9 Viva cité ité LE Journal des Quartiers de strasbourg numéro u 21 numéro 112255 -- d du 21 jju uiin n au au 15 15 jju uiilllleett 2012 2012 -- 1,50 1,50 EEuro uro Tapis rouge pour le luxe Hôtels, restaurants, logements : logements : le haut de gamme s’installe viva cité - n°125 - du 21 juin au 15 juillet 2012 - 1 Aménagement PLU dense la ville La communauté urbaine se dote d’un nouvel outil d’aménagement afin de réduire l’étalement urbain. I Thibaut Cordenier/CUEJ MAGINER ce que sera l’agglomération strasbourgeoise à l’horizon 2030. Dans tous ses aspects : habitat, transports, environnement, économie. Pour les 28 communes et 474 000 habitants de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS), c’est l’enjeu du premier Plan local d’urbanisme (PLU). Se substituant aux plans d’occupation des sols ou aux PLU établis auparavant dans chaque commune, ces outils intercommunaux ont été rendus obligatoires par la loi Grenelle II de 2010. Ne pas tomber dans l’inhumain Souffelweyersheim 1 Hoenheim Bischheim 2 Schiltigheim Thibaut Cordenier/CUEJ 3 1 Secteur agricole de la Fontaine entre Hoenheim et Souffelweyersheim 2 Friches Istra, Deetjen et Wehr 3 Brasserie Schutzenberger Futur tram Vendenheim - Eckbolsheim Souffelweyersheim devrait accueillir le tram à proximité de ses terres agricoles. Les travaux sont prévus en 2013. en France. D’après l’Agence de développement et d’urbanisme de l’agglomération strasbourgeoise (Adeus), entre 1976 et 2002, plus de 13 000 hectares de terres ont été consommés dans le Bas-Rhin soit 530 hectares par an, l’équivalent du ban communal d’Eckbolsheim. Les habitants éloignés de la ville-centre sont aussi plus dépendants de l’automobile : leurs déplacements quotidiens entraînent pollution et embouteillages sur les réseaux routiers. L’étalement urbain, qui « produit de la fragmentation sociale et spatiale », est aussi un problème, explique Patricia Zander, maître de conférences de géographie à l’Université de Strasbourg. « Freiner cet étalement, poursuit-elle, c’est aussi repenser un projet collectif. » Une densification harmonieuse est le défi prioritaire de ce PLU. Mais le problème de la CUS, c’est qu’il n’y a plus beaucoup de réserves foncières. « Arrivera-t-on à bien utiliser les derniers secteurs ? », interroge Patricia Zander. Quels espaces vont être investis ? Comment atteindre l’objectif affiché par le président de la CUS, Jacques Bigot (PS), de 3000 nouveaux logements par an dans les 15 années à venir ? A la CUS, à l’Adeus ou à Alsace nature, on veut urbaniser dans les zones creuses situées en première couronne de l’agglomération et desservies par les transports en commun. Les mêmes pistes sont évoquées pour l’urbanisation future : l’axe Heyritz-Kehl, le port du Rhin et le Wacken, où les travaux sont déjà lancés ou programmés. On évoque aussi les fronts d’Illkirch-Graffenstaden (110 2 - du 21 JUIN au 15 juillet 2012 - n°125 - viva Cité hectares) délimité par l’étang du Baggersee, le centre commercial et le parking-relais. On parle encore des friches industrielles de l’entrée sud de Schiltigheim (12 hectares) et de l’aire agricole située à cheval sur les communes de Bischheim, Hoenheim, et Souffelweyersheim (140 hectares). Préserver les espaces agricoles Mais déjà, des réserves se font entendre. « La municipalité craint que le PLU communautaire veuille trop densifier à Schiltigheim », annonce l’adjointe écologiste de la commune en charge de l’urbanisme. Si elle se dit en accord avec les axes de travail du PLU, l’adjointe entend préserver l’identité schilikoise. Elle redoute que la CUS veuille imposer trop de logements dans cette zone : « Nous voulons utiliser cet espace pour d’autres activités comme la culture ou le tourisme. On est prêt à se battre s’il le faut. » Plus au nord, 140 hectares de terres se trouvent sur les bans communaux de Bischheim, Hoenheim et surtout de Souffelweyersheim. Le tram qui devrait bientôt relier Eckbolsheim à Vendenheim via la Place des Halles desservira ce secteur. Il ne comprend aujourd’hui qu’une rangée de maisons à son extrême ouest. À Bischheim et à Hoenheim, les municipalités veulent préserver les espaces agricoles, tout en construisant à proximité du tram, dont les travaux devraient commencer en 2013. A Souffelweyersheim, où est située plus de la moitié de ces 140 hectares, en grande majorité classée en zone naturelle ou agricole par le PLU communal, l’adjoint à l’urbanisme Paul Tedeschi (majorité municipale UMP) se montre d’abord catégorique : « Pour nous, l’urbanisation c’est terminé de ce côté. » Il critique ensuite le PLU communautaire, « ficelé par la CUS et l’Adeus, qui conduit une ville comme Souffelweyersheim à devenir une mairie de quartier ». Mais l’élu laisse des portes ouvertes et affirme pouvoir envisager une légère extension d’ouest en est de la zone « si le tram passe là. Je suis réaliste », poursuitil, concédant que le bâti le long de la route de Brumath (celle où doit passer le tram, ndlr) devra s’étoffer : « Disons que nous sommes prêts à urbaniser une dizaine d’hectares à l’horizon 2050. Mais si la CUS veut urbaniser une partie trop importante, on dit non ! » Deux réunions se sont tenues ces derniers mois à propos de ces 140 hectares entre les trois mairies concernées et l‘administration communautaire. La première fut très tendue, la deuxième plus sereine, raconte Paul Tedeschi, qui pense « qu’on trouvera toujours des compromis ». La plupart des bons connaisseurs des problématiques d’intercommunalité et de PLU pensent la même chose : tout va se négocier. Emmanuel Daeschler Nathan Kretz Thibaut Cordenier/CUEJ A Strasbourg, le processus d’élaboration est en cours. Le PLU doit être présenté en octobre 2013. Le maire de Strasbourg Roland Ries (PS) considérait en novembre dernier que « recentrer l’agglomération sur elle-même, et donc utiliser le foncier là où il est disponible » devait être « le principe prioritaire » du document. Stéphane Giraud, directeur de l’association de protection de l’environnement Alsace nature, va dans le même sens : « Le terme de densification fait peur. Mais densifier est une priorité et on peut y souscrire sans tomber dans l’inhumain. Il faut faire régresser l’étalement urbain et le PLU communautaire est un outil magnifique qui peut permettre d’avancer sur ce sujet. » Dans la CUS comme ailleurs, les raisons de lutter contre « la prolifération urbaine » ne manquent pas. Des motifs écologiques, d’abord : il s’agit de freiner l’« artificialisation » (la transformation d’espaces agricoles ou forestiers en bâtiments, routes, parkings...) de 60 000 hectares par an L’entreprise Istra (3 hectares) à Schiltigheim a fermé ses portes en 2010. La friche industrielle est considérée comme une zone de densification potentielle. Politiques La relève entre en scène Adriane Carroger / CUEJ Ils sont jeunes et seront demain les têtes d’affiches locales de l’UMP, du PS, du MoDem ou du Front de gauche. Instants d’ambitions. Jeunesse militante strasbourgeoise. De gauche à droite, Elsa Schalck, 25 ans (UMP), Mathilde Karceles, 19 ans (MoDem), Khaled Farah, 20 ans (PS) et Antoine Splet, 24 ans (Front de gauche). Hormis Elsa Schalck qui a mis ses études entre parenthèses et travaille au Conseil régional, tous concilient études supérieures et engagement dans leur parti. E LLE s’appelle Mathilde Karceles, elle a 19 ans et se présente aux élections législatives dans la 3e circonscription du Bas-Rhin (quartiers nord de Strasbourg, Schiltigheim, Bischheim). C’est la benjamine centriste des cinq circonscriptions où le parti de François Bayrou aligne un candidat. Un an après avoir obtenu le droit de vote et pris sa carte au MoDem, elle se lance dans sa première bataille électorale sous la bannière du Centre pour la France, un rassemblement créé par François Bayrou à l’occasion des élections législatives. En 2007, elle regardait déjà les débats « avec intérêt », même si elle avoue qu’à cet âge, elle s’intéressait davantage à la personnalité des candidats qu’à leurs discours qu’elle avait du mal à comprendre. Qu’importe, son choix d’alors s’est porté sur François Bayrou, « le plus observateur, le plus sincère », selon elle. Le parti a foi en elle Etudiante en langues, médias et politique à l’université de Metz, elle vit à Barr et vient régulièrement à Strasbourg. Son ancien lycée, les Pontonniers, se trouve dans la 3e circonscription, une aubaine pour les responsables nationaux du MoDem. Quand ils l’ont appelée pour lui proposer une investiture, Mathilde Karceles n’y a d’abord pas cru. Elle a d’ailleurs décliné l’offre « plusieurs fois », se sentant trop jeune et inexpérimentée. Finalement, elle a cédé de- vant leur insistance et a compris que le parti avait foi en elle. Ce qu’elle espère le 10 juin ? « Etre au second tour ! » Et sinon ? « On fera la fête quand même ! » Plus tard, elle se verrait bien travailler au sein des institutions européennes. « Je parle français, allemand, anglais et chinois ». De bonnes armes pour briguer un mandat européen. Elle assure, avec un regard malicieux, que cette première candidature « ne sera pas la dernière ». Au Front de gauche, Antoine Splet se prépare aussi à se soumettre aux suffrages des électeurs. Il est candidat dans la 2e circonscription (quartiers sud Illkirch). Cet étudiant en deuxième année de master d’histoire à l’université de Strasbourg n’est pas un bleu en politique. Depuis 2009, il est secrétaire général des Jeunes communistes du Bas-Rhin. Malgré ses 24 ans, il a déjà été candidat aux élections cantonales en mars 2011 dans le canton Strasbourg 7. Un canton qui couvre la Meinau et une partie du quartier de Neudorf, qu’il connaît bien pour y vivre depuis qu’il est enfant. Il n’est pas peu fier de son score (5,3%). Les cantonales, « c’était l’entraînement » ; avec les législatives, « c’est le vrai match qui se joue », expliquet-il, l’air conquérant. Sa conscience politique s’est forgée à partir de 2003. Il se souvient avoir été contre la guerre en Irak et « la tentation impérialiste américaine. » Puis, comme beaucoup de jeunes de sa génération, les manifestations de 2006 contre le Contrat de première embauche (CPE) ont marqué son véritable engagement. Il prend sa carte au Parti communiste français dans la foulée. Objectif : 5% des voix Pourquoi le PCF ? Au nom « des valeurs de justice, de liberté ». Et d’un point de vue économique, il n’est « pas favorable à ce que les moyens de production n’appartiennent qu’à quelques uns. Les patrons oublient que sans les salariés pour faire fonctionner les machines, ils ne sont rien ». Comme un air de Marx. Antoine Splet ne sait pas encore ce qu’il fera en septembre comme études car son « échéance à court terme, ce sont les 10 et 17 juin. » Objectif pour cette élection ? Obtenir 5%, pour le remboursement des frais de campagne. Mais il se prend à rêver de réaliser le même score que Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle dans la circonscription, soit 10,8%. Elsa Schalck est la présidente des Jeunes populaires du Bas-Rhin. Pour cette jeune femme de 25 ans, « la politique c’est une affaire de contact. J’adore bavarder, alors je ne pouvais faire que de la politique ! » Elle tempère en disant que, « si la forme compte, les convictions l’emportent sur tout le reste ». Élue au conseil municipal des jeunes à l’âge de 16 ans, elle était en position éligible sur la liste des municipales Keller-Grossmann en cas de victoire aux élections de 2008. Après la défaite de la droite, elle ne s’est pas découragée et s’est présentée sur la liste de Philippe Richert aux élections régionales de 2010. L’étudiante en droit était trop loin sur la liste pour être élue. Mais aujourd’hui, elle est membre du cabinet du président de la Région, chargée du suivi de la jeunesse. 29 ans, vieux de la vieille Elsa Schalck a grandi et fait sa scolarité dans la capitale alsacienne et se dit « pronfondément attachée à sa ville ». Côté caritatif, elle a travaillé pendant un an pour une association, Viaduq 67, qui « aide les victimes à accéder à leurs droits ». Elsa Schalck, qui a réussi le concours de l’Ecole d’avocats de Strasbourg en 2010, mais a reporté son entrée dans l’établissement en 2014, se verrait bien, la même année, être à nouveau présente sur la liste UMP aux municipales. Briguera-t-elle, d’ici là, un deuxième mandat à la tête des « Jeunes pops » ? Sur le ton des discours de vieux briscard de la politique, elle déclare : « Seulement si les conditions de la relève ne sont pas assurées. » Du côté des socialistes, Paul Meyer est une figure bien connue du parti mais également de la ville. Cet enfant de la MontagneVerte est adjoint au maire à la vie étudiante et au développement numérique depuis 2008. L’ex-numéro 2 national du Mouvement des jeunes socialistes de 2003 à 2005, est désormais un vieux de la vieille. Il a 29 ans et l’année prochaine, son adhésion au mouvement cessera de facto. Il aura atteint la limite d’âge. Savoir dire non pour mieux revenir La relève est assurée avec des militants comme Khaled Farah, 20 ans, chef de file du MJS du Bas-Rhin. Son engagement politique est marqué par son attachement à la ville. Il vit à Hautepierre, un des quartiers les plus sensibles de Strasbourg. « La crise des banlieues en 2005, je ne l’ai pas vécue à la télévision. Je n’avais qu’à ouvrir ma porte pour voir des voitures calcinées », raconte Khaled Farah qui, après une année de médecine, se tournera vers le droit en septembre. Il a d’abord pris sa carte au PS, puis au MJS, « plus à gauche », se justifie-il. En juin 2011, il est propulsé à la tête des Jeunes socialistes. Ses valeurs ? « La tolérance, la solidarité, l’égalité. » Il est pour une VIe République, le non cumul des mandats et insiste sur le renouvellement des générations. Il affirme vouloir céder son mandat au MJS en 2013. A demi-mot, il espère une place éligible sur la liste du Parti socialiste aux élections municipales en 2014. Il a d’ailleurs toutes ses chances. Il y a quelques mois, raconte-t-il, il a été approché par l’équipe du maire qui aurait souhaité le voir intégrer le cabinet. Il a alors décliné l’invitation. Mais, dit-il, en laissant une porte ouverte pour les années futures... Adriane Carroger viva cité - n°125 - du 21 juin au 15 juillet 2012 - 3 Société « Vous ÊTES tous des rats » La jeune fille, âgée de 21 ans, s’approche de la barre du tribunal correctionnel. Charlotte M., cheveux blonds et tailleur gris ne semble pas intimidée. Le soir du 29 octobre 2011, elle sort d’un bar du centre-ville accompagnée d’un jeune qui propose de la reconduire chez elle. Elle profite de son état d’ébriété pour lui voler sa voiture. Pas de chance, elle est contrôlée par une patrouille quelques minutes plus tard alors qu’elle a 0,80 gramme d’alcool. La jeune fille s’énerve et insulte les policiers. « Vous êtes tous des rats ! Vos enfants font le tapin, allez plutôt les surveiller! », lance-t-elle avant de cracher sur un agent. « Ça vous fait rire, mademoiselle ? Apparemment vous ne regrettez pas du tout ce que vous avez fait ! » s’irrite le président. « Non, monsieur, pas du tout , dit-elle. J’étais stressée; c’est vrai, je n’aurais pas dû les insulter mais je regrette vraiment et j’ai déjà commencé à reprendre ma vie en mains. Je passe l’équivalent du bac à la fac. » Le délibéré sera rendu le 14 juin. Pour Béatrice B., 52 ans, sans emploi, le jugement ne s’est pas fait attendre : elle remet son permis de conduire, annulé pour avoir pris le volant en état d’ivresse. Six mois de prison avec sursis. La nuit du 30 au 31 janvier 2012, elle fonce dans un arbre dans la rue de la Plaine, à Illkirch. « Je faisais tout simplement la fête ! Vous savez, je suis au chômage, j’ai perdu mon frère, ma mère...c’est dur », tente de justifier cette récidiviste. « Et à chaque fois que vous perdrez un membre de votre famille, vous allez mettre votre vie en danger et celle des autres ? Il faut arrêter de boire ! » rétorque le procureur. « J’ai pris rendez-vous avec un médecin pour régler le problème, regardez, j’ai la feuille. » Le président lit l’imprimé. Il relève la tête, l’air dépité. « C’est juste la prise de rendez-vous que vous avez faite il y a une semaine ? On vous avait déjà prévenue la dernière fois. Plus de cadeau pour les récidivistes. La prochaine fois, c’est la prison ! » Pourtant le tribunal sait aussi être sensible aux arguments. Frédérique S., 35 ans se dirige timidement vers la barre. « 0,80 gramme d’alcool dans le sang ! Vous vous rendez compte ? ,» gronde le procureur qui demande la suspension du permis et de la prison avec sursis. Frédérique tente de se défendre devant le président :« Mais je cherche du travail, comment je vais faire sans mon permis ? » « Mademoiselle vous êtes reconnue coupable des faits qui vous sont reprochés. Le tribunal vous condamne à 3 mois de prison avec sursis et une suspension de permis de six mois. » Frédérique se retourne vers sa mère. « S’il vous plaît ! Elle a changé, elle sort d’une cure de trois semaines... Six mois c’est trop », supplie la mère. La greffière lui fait signe de se taire. La jeune fille tend son permis de conduire au juge. « Vous avez fait une cure... Le tribunal vous reconnait coupable des faits et vous condamne à trois mois de prison avec sursis et à quatre mois de suspension de permis », corrige le président. Adama Sissoko Les terrasses dans les clous D Dans le centre historique, la Ville tente de faire respecter l’espace alloué aux restaurateurs. Sans grand succès. ANS une ville touristique comme Strasbourg, les terrasses prolifèrent et ne demandent qu’à se déployer au moindre rayon de soleil. Mais à la Ville, on ne l’entend pas de cette oreille. Il a donc été décidé de délimiter, à l’aide de clous argentés visibles à l’ œil nu, plantés dans le sol, les surfaces des 534 terrasses que compte la cité afin d’y voir plus clair. Le travail a commencé au centre-ville, et elles devraient être toutes cloutées d’ici fin juillet. Règles précises de cloutage Les terrasses des restaurants sont délimitées selon la règle suivante, qui reste la même qu’avant le cloutage : 3,50 mètres de profondeur tout le long de la façade de l’établissement lorsque la rue est suffisamment large ou 2,50 mètres lorsqu’elle est étroite. Mais comme toutes les règles, celle-ci souffre d’exceptions. Ainsi les terrasses de la Grand’rue ont été limitées à 2,50 mètres en raison de la circulation piétonne et cycliste importante. Depuis quelques années, certains établissements avaient pris leurs aises avec la réglementation, n’hésitant pas à agrandir leur terrasse au-delà de la limite permise. Rue Mercière, par exemple, entre les terrasses, les étalages des magasins de souvenirs, le passage du train touristique et le flot des piétons, la circulation était devenue anarchique. En cas de non respect de la délimitation, le restaurateur recevra désormais un premier avertissement, puis en cas de récidive, il s’exposera à une amende et à une interdiction temporaire ou définitive d’installer une terrasse. Partage équitable de la rue Le syndicat des hôteliersrestaurateurs salue la mesure qui devrait mettre fin aux conflits de voisinage sur la délimitation des terrasses. « On n’est pas propriétaires de la voie publique, donc c’est normal que cet espace soit délimité et partagé équitablement avec les autres utilisateurs. Ce qu’on explique à nos adhérents, c’est que la rue n’est pas privative », commente Bernard Rotman, représentant des cafetiers strasbourgeois et patron du café les Douze Apôtres, rue 4 - du 21 juin au 15 juillet 2012 - n°125 - viva cité Geoffrey Livolsi/CUEJ Plusieurs femmes ont comparu devant le tribunal correctionnel le 31 mai pour conduite en état d’ivresse. La délimitation des terrasses ne fait pas l’unanimité du côté des restaurateurs. Mercière. Rue des Tonneliers, ce sont 18 restaurants et bars qui se partagent l’artère piétonne. Ici, la plupart des établissements ont perdu entre quatre et six tables sur leurs terrasses. Si la majorité des restaurateurs comprennent la décision de la mairie, certains regrettent le manque de concertation, comme Jeannine Langs, propriétaire de La Crêpe gourmande : « Nous avons appris la nouvelle dans le journal. Quelques jours plus tard, les services de la mairie sont venus, ont pris des mesures et posé les clous. Nous n’avions pas notre mot à dire. » Le propriétaire du restaurant Le Penjab déplore que la rue ne soit pas totalement piétonne : « Le problème, c’est que dans cette rue, il y a toujours de la circulation, notamment des taxis. La cohabitation est donc parfois difficile. » Avec la saison estivale qui approche, la tentation d’agrandir les terrasses risque d’être irrésistible. Plusieurs restaurateurs, sous couvert d’anonymat, reconnaissent ne pas respecter la réglementation, notamment le week-end. Certains établissements vont même jusqu’à doubler la surface de leur terrasse dans plusieurs rues du centre historique. La responsabilité de chacun Eric Kuhn, patron du restaurant Le Kobus, situé rue des Tonneliers, explique très sereinement que s’il faut agrandir la terrasse en pleine saison, il le fera, quitte à être hors des clous : « On le faisait avant, on continuera à le faire. Si un véhicule de secours à besoin de passer, les gens de la terrasse se lèveront de leur table et puis voilà. » La question est aujourd’hui de savoir si la mairie aura la volonté de faire respecter cette réglementation, alors que certains restaurateurs prévoient déjà de ne pas s’y plier. Pour l’instant, aucun établissement n’a encore été verbalisé, selon la Fédération des cafetiers strasbourgeois (nous n’avons pas pu nous entretenir avec les services municipaux sur ce sujet -ndlr). Pour Bernard Rotman, les restaurateurs qui feront le choix de ne pas respecter la réglementation prendront leurs responsabilités et ne pourront pas compter sur le soutien de la fédération des cafetiers. « Si un scooter ou un cycliste vient à rentrer dans une table qui n’était pas dans la zone prévue, il y aura un problème de responsabilité au niveau des assurances. Elle incombera au restaurant. » Après le cloutage des terrasses, la Ville a en ligne de mire les magasins de souvenirs et les supérettes. Ceux-ci devraient voir à leur tour leurs étals délimités dès l’automne afin de maintenir une égalité de traitement sur le domaine public. Geoffrey Livolsi Société La revanche de la carafe Enjeux écologique et économique Plusieurs raisons ont motivé cette campagne. En premier lieu, l’enjeu écologique et la volonté de soigner l’image de « ville propre » accolée à Strasbourg. Selon les chiffres de l’Insee, un ménage de quatre personnes boit près de 1500 bouteilles d’un litre et demi par an. « On a voulu réduire l’impact environnemental des eaux en bouteilles, affirme Henri Bronner, vice-président de la CUS (sans étiquette), chargé de l’eau. On peut, de cette manière, réduire le volume des déchets ainsi que les émissions de CO2. C’est une démarche qui s’inscrit dans notre plan climat, qui vise à diminuer les émissions de gaz à effet de serre. » Les petits strasbourgeois goûtent l’eau du robinet lors d’une journée de sensibilisation. La CUS a aussi voulu optimiser les 45 millions d’euros alloués au service de l’eau et de l’assainissement chaque année. « L’eau de boisson ne représente que 2 à 3% de la consommation totale d’eau, souligne Christophe Wittner, ingénieur au laboratoire de gestion territoriale de l’eau et l’environnement à l’Engees (Ecole nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg). On peut y ajouter 3 à 4% d’eau utilisée pour la cuisine. Et c’est uniquement pour ce faible usage que toutes les normes sanitaires existent », ajoute t-il. Pour la collectivité, les dépenses liées à l’eau se divisent en trois parties : la mobilisation de la ressource (eau de surface, forage), le stockage et la distribution via le réseau. La totalité de l’eau distribuée par la CUS vient de la nappe alluviale du Rhin. La proximité de l’eau avec la surface permet un traitement plus simple. Et moins onéreux. « Les eaux souterraines de surface sont souvent moins chères car le traitement ne nécessite en général qu’une désinfection », précise l’ingénieur de l’Engees. Entretien onéreux du réseau Malgré cette particularité strasbourgeoise, les dépenses restent importantes pour s’assurer du bon état du réseau qui date des années 1970. « Le renouvellement du réseau coûte cher », rappelle Henri Bronner. Pour lutter contre les fuites dues au sel, aux mouvements de terrain et à l’âge du réseau, la CUS a lancé un projet de nouveau captage à Plobsheim à l’horizon 2014. Le montant de cette opération devrait avoisiner les 80 millions d’euros. Le robinet moins cher que la bouteille L’eau du robinet a aussi l’avantage d’être peu chère. A Strasbourg, elle coûte 3,15 euros le mètre cube (frais d’assainissement des eaux usées inclus). Boire en moyenne 1 m3 d’eau du robinet reviendrait donc seulement à 3,15 euros par an. A l’inverse, la facture peut atteindre à 800 euros par an pour l’eau en bouteille. « Boire l’eau du robinet peut contribuer à maintenir le pouvoir d’achat des ménages », indique Henri Bronner. Si l’écart est tellement énorme, comment expliquer que l’eau du robinet ne soit pas plus populaire ? « Il y a un fort lobby des eaux en bouteilles, avec des campagnes de publicité énormes. Et puis, en facturant l’eau seulement deux fois par an, les ménages reçoivent des factures lourdes. Mais si on regarde le prix par jour, il est minime »., détaille Christophe Wittner. Ces éléments sont connus des municipalités, et même si plusieurs villes se sont lancées dans des démarches similaires à celles de la CUS, le principe n’est pas généralisé. Un problème structurel pour Christophe Wittner : « Dans ce domaine, les collectivités n’ont aucune part de marché à gagner. Les coûts en communication ne sont pas amortis par une nouvelle clientèle. » Pourtant, la tendance s’inverse. Avec la crise économique, la consommation d’eau en bouteille a sensiblement chuté. D’autre part, la réputation des eaux change, comme l’explique le docteur Laurent Tschanz, nutritionniste à Strasbourg : « La confiance grandit envers l’eau du robinet. En terme de dureté de l’eau (sa teneur en calcaire, ndlr), il y a de moins en moins de différences. » Thibaud Métais Marques Prix au litre en euros* 0,003 Eau du robinet Cristaline 0,11 Carola Bleue 0,26 Wattwiller Evian 0,35 0,37 Prix relevés au Leclerc de Rivetoile, le 5 juin 2012. Thibaut Cordennier/CUEJ N 2000, l’eau du robinet de Strasbourg était contaminée dans les quartiers de la Krutenau et de l’Esplanade. Alerte rouge. Impossible de la boire. L’événement est resté dans les mémoires. Douze ans plus tard, la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) incite ses habitants à consommer l’eau qu’elle distribue. Car contrairement aux idées reçues, elle est bonne. En mars dernier, la CUS a décidé de lancer une grande campagne promotionnelle en faveur de l’eau du robinet. 15 000 carafes estampillées « Eau de Strasbourg » ont été distribuées gratuitement, aux habitants et à quelque 200 restaurateurs. Pour la CUS, la facture atteint 75 000 euros. Paluine Hoffmann/CUEJ E Contaminée en 2000, l’eau du robinet fait l’objet d’une intense campagne de promotion qui vante sa qualité et son prix peu élevé. Héritier de l’entreprise familiale, Jean-Marc Dossmann attire de nouveaux clients grâce à internet. cordonnier et connecté Jean-Marc Dossmann est le cordonnier de la rue du Chevreuil, près de la rue du Faubourg-de-Pierre. Devant son établi, il semble dominé par deux sentiments contradictoires : il martèle sans cesse sa passion pour son métier, tout en regrettant souvent d’être submergé par la tâche. Il décompte « au moins 90 heures de travail par semaine pour faire tourner l’atelier ». Seuls deux collaborateurs qui l’épaulent pendant 8 heures par semaine chacun. « L’un est spécialisé dans les talons, l’autre dans les coutures. » Malgré cette charge de travail parfois harassante, Jean-Marc Dossmann ne rate aucune occasion d’attirer de nouveaux clients. Il dispose de deux sites internet « souvent référencés en premier choix sur les moteurs de recherche » et va participer à la prochaine Foire européenne. L’artisan respire l’odeur du cuir depuis son enfance. Son père était cordonnier à Neudorf depuis 1950, avant de déménager rue du Chevreuil. C’est presque naturellement qu’il le rejoint en 1980, « après avoir été intéressé par les métiers du bois et l’imprimerie », une filière choisie par son frère. L’artisan ne souhaite pas que ses trois jeunes enfants suivent un jour sa voie. Il espère que son fils « apprendra un métier plus polyvalent qui lui permettra de voyager ». Jean-Marc Dossmann a pourtant des compétences à transmettre. S’il fait beaucoup de travaux de semelage, il répare aussi les chaussons d’escalade et les bottes des motards. Ces spécialités lui valent des commandes des quatre coins de France et même de l’étranger. Récemment, des clients de la communauté juive de Strasbourg ont vanté son travail à des connaissances en Israël. Des chaussures à réparer lui sont rapidement arrivées depuis l’autre côté de la Méditerranée. Dans la même journée, le cordonnier peut tout aussi bien « changer l’enveloppe d’une paire d’Yves Saint-Laurent » que rafistoler des chaussures à bas coût. « Peu importe la durée de mon travail, je ne demande que quelques euros à mes clients. » Mais il reconnaît que la baisse de la qualité des chaussures est le « mauvais côté du métier ». Sa femme Katia tient un atelier de repassage dans le local attenant à la cordonnerie et s’occupe de l’accueil des clients. Ces derniers déposent parfois en même temps leurs chaussures à réparer et leurs chemises à repasser. Katia lui transmet les remarques des plus satisfaits pour lui donner du cœur à l’ouvrage. « Mes chaussures étaient complètement défoncées, mais elles sont comme neuves », s’est dernièrement exclamé un client. L’artisan renchérit, rassuré de la qualité de son travail : « Les clients savent qu’on se décarcasse pour eux. Des entreprises comme ça, il n’y en a pas des masses », assure-t-il fièrement. Emmanuel Daeschler viva cité - n°125 - du 21 juin au 15 juillet 2012 - 5 DOSSIER A la conquête des ét La capitale alsacienne cible les touristes fortunés, mais de nombreux équipements manquent pour qu’elle soit vraiment concurrentielle. S TRASBOURG devrait disposer d’ici deux ans de son premier hôtel cinq étoiles, avec l’installation du Marriott dans les locaux de l’ancien commissariat de la rue de la Nuée Bleue. La société américaine d’hôtellerie s’est associée au groupe français de BTP Vinci pour rénover entièrement ce bâtiment du XVII e siècle, que la police avait dû quitter en 2009 en raison de sa vétusté. Pour un budget estimé à 34 millions d’euros, les 7000 m² accueilleront une centaine de chambres ainsi qu’un restaurant gastronomique. Le tout à deux pas de l’hôtel Mercure et du Sofitel, qui vient lui-même de demander l’obtention d’une cinquième étoile, profitant de la reclassification nationale en cours. Grâce à la présence historique du Parlement européen et du Conseil de l’Europe, la deuxième capitale diplomatique française s’est constituée un parc hôtelier solide avec neuf hôtels quatre étoiles (douze, selon la nouvelle classification) et une capacité d’hébergement globale de près de 10 000 lits. Une offre large, mais qui ne proposait pas encore de palace susceptible d’attirer une clientèle très haut de gamme. C’est pour cette raison que la mairie a pris l’initiative de reconvertir l’ancien commissariat en un complexe hôtelier. En plus du Marriott, deux nouveaux hôtels quatre étoiles ouvriront leurs portes : le Bouclier d’or, un hôtel de petite capacité offrant un service de spa, ouvrira ce mois-ci dans la PetiteFrance, tandis qu'un second, qui sera construit dans le cadre de l’ambitieux plan de rénovation des anciens haras nationaux, accueillera le touriste en septembre 2013. La mairie socialiste a, là aussi, appuyé le projet de l’Ircad (Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif) et a signé un bail de 52 ans avec l’institut pour reconvertir les haras en un pôle d’excellence en recherche médicale, destiné à être fréquenté par le gratin des chirurgiens mondiaux. Un hôtel sera construit pour les accueillir ainsi qu’un restaurant, dont le chef triple étoilé Marc Haeberlin (Auberge de l’Ill) prendra la direction. « ll manque du haut de gamme » Restaurateurs gastronomiques et commerçants accueillent plutôt favorablement l’arrivée de ces nouveaux acteurs. « Il manque du haut de gamme à Thibaut Cordenier/ Cuej Evolution du taux d'occupation dans l'hôtellerie à Strasbourg entre 2007 et 2011 6 5 4 3 2 1 0 -1 -2 -3 -4 -5 + 5,6% + 2,9% - 2,5% Super économique Economique - 4,8% Sources : Inextenso Milieu de gamme Haut de gamme 6 - du 21 juin au 15 juillet 2012 - n°125 - viva cité Au Crocodile, l'accueil des clients se fait avec la manière : serveurs en costume et décoration soignés jusqu'au m Strasbourg, l’hôtellerie 4 étoiles ne suffit pas, il était temps qu’un hôtel 5 étoiles s’installe, constate Cédric Kuster, directeur de restaurant Au Crocodile (une étoile au guide Michelin), mais il faudrait faire plus, comme redynamiser l’aéroport. Il faut des moyens de connexion plus performants... » Pour Marylin Girardin, du restaurant La Casserole (une étoile), le développement du luxe doit être davantage encouragé par la municipalité : « A Strasbourg, il y a un embryon de quelque chose en terme de luxe, mais il faut créer une spécificité... Nous n’avons jamais été consultés par les élus. » Pour porter haut cette ambition du luxe, la municipalité travaille aussi à la promotion de la ville à l’étranger. Outre les classiques brochures destinées aux marchés lointains, la Ville de Strasbourg entreprend des opérations marketing telles que l’exportation de son marché de Noël à Tokyo et bientôt à Moscou. Mais la promotion d’une ville ou d’une région dans le tourisme comporte sa part de hasard. A plus forte raison dans le tourisme haut de gamme, où tout se joue au relationnel. Jean-Christophe Harrang prospecte depuis quelques années en Chine : « On a pu inviter un petit groupe de patrons de tours opérateurs et d’agence de voyages en janvier à venir visiter l’Alsace : le golf, le Regent, le Sofitel, le spa du Casino Barrière... Ces gens-là font partie de clubs, on compte sur le fait qu’ils discutent de leur voyage et recommandent la région. » Redynamiser le tourisme d'affaires Autre cible : le tourisme d’affaires. Avec le coûteux plan de rénovation du Palais des congrès et la transformation du Wacken en quartier d’affaires (250 millions d’euros), la ville cherche à se repositionner sur ce marché apparenté au tourisme haut de gamme et qui participe au rayonnement de Strasbourg à l’étranger. L’avantage offert par sa situation frontalière et la proximité des institutions européennes n’est pas suffisant alors que le secteur est très concurrentiel. Le nombre de journées effectuées dans le cadre du tourisme d’affaires enregistrées en 2011 à Strasbourg a ainsi chuté de 11% par rapport à 2010. La présence de marques estampillées « luxe » classiques telles que Louis Vuitton, Gucci ou Hermès, mais aussi des grands magasins comme Printemps et les Galeries Lafayette constitue un atout pour la ville. Les deux établissements ont saisi l’opportunité de tabler sur ce public et sont en grand chambardement de part et d’autre de la place Kléber pour leur rénovation simultanée. L’objectif : donner un coup de chic aux magasins, avec employés polyglottes tirés à quatre épingles et marques luxueuses mises en avant. « Les Galeries et le Printemps du boulevard Haussmann à Paris réalisent 60% de leur chiffre d’affaires P Le OUR vivre riches, vivons cachés Qu’il s’agisse de la restauration de l’hôtellerie, des grands magasins ou des services, mener une enquête sur le luxe, c’est se confronter à beaucoup de silences... Rue de la Mésange, au cœur de la ville, les enseignes de luxe ne manquent pas, mais leurs représentants refusent de répondre aux questions sur leur clientèle. Les directions de Gucci, Hermès ou Vuitton n’ont pas souhaité nous recevoir et les clients n’ont généralement pas le temps de parler : « Je suis pressée », s’excuse une Le luxe prend ses quartiers L’offre de logements haut de gamme s’étoffe désormais aussi en plein cœur de la ville. Etienne Grelet/ CUEJ D moindre détail font partie du menu. a s s e s s e e grâce aux touristes internationaux aisés. A Strasbourg, il ne représente que 5 à 10%. On n’atteindra probablement pas ce chiffre mais l’ambition est là », confie l’adjoint au maire en charge du tourisme et du commerce, JeanJacques Gsell (PS). Concurrence allemande Mais la concurrence locale est rude en matière de tourisme international de luxe. « Strasbourg dispose de toute la gamme de magasins de luxe existante, mais le marché est très concurrentiel, notamment avec Baden-Baden », explique l’adjoint au maire. Située à une distance de 50 km, la ville thermale allemande dispose des mêmes magasins, de nombreux palaces et d’une clientèle russe fidèle… que Strasbourg cherche à récupérer. La rivalité n’empêche pas un travail commun entre les deux villes. L’Alsace travaille ainsi, dans le cadre de la coopération de la vallée du Rhin supérieur, avec ses voisins allemands et suisses, à la promotion commune de la région, sur le marché indien notamment. ÉBUT 2011, place Saint-Thomas, l’immeuble de style néo-Renaissance allemande construit en 1903 et qui a abrité jusqu’en 2005 la Caisse d’épargne, a laissé place à dix-huit logements de grand standing. Plusieurs autres projets immobiliers sont sur le point d’aboutir. L’îlot du Printemps, rue du Noyer, accueillera en juin 2013 Le Plaza et ses 48 appartements de luxe. Des discussions sont par ailleurs en cours du côté de l’ex-Manufacture des tabacs, à la Krutenau. Le groupe Scharf immobilier espère y construire des logements d’exception. Il attend cependant l’arbitrage de la mairie, qui doit composer avec les souhaits des associations de quartier. Faute de place, les promoteurs rénovent aussi des bâtiments industriels et commerciaux. C’est le cas de l’ex garage Kroely, rue du Fossé des Treize, où 120 appartements et 9 penthouses haut de gamme sont prévus. Rebaptisé Le Premium, il s’étendra sur 35 000 m². Sa livraison est prévue pour décembre 2013. Son promoteur, Patrick Singer, cible une population aisée, en préretraite ou en retraite, attirée par le centre-ville et ses commodités. Sa volonté est de rapprocher ses futurs clients du cœur de Strasbourg en leur proposant des services inédits : commerces de proximité, pôle médical, bureaux, conciergerie et domestiques privés. « Un lieu comme ça n’existe pas encore en France, il s’agit d’un produit d’exception », insiste le pro- moteur. « On propose des logements atypiques avec des séjours de 40 à 50 m², des chambres de 25 m² et au minimum des terrasses de 12 m². » Les tarifs varient entre 3900 et 4600 euros le mètre carré. Des prix bien supérieurs à ceux du marché strasbourgeois, 2400 euros en moyenne. Pour autant, cela ne freine pas les acheteurs puisque seuls quatre penthouses et deux appartements sont encore disponibles à la vente. Un projet en accord avec la ville Selon Patrick Singer, « la ville a vu d’un bon œil l’arrivée de ce projet innovant qui évitait de laisser une friche à l’abandon ». « On a une politique de l’habitat qui vise à construire 3000 logements par an sur la CUS. Parmi eux, 1500 sont des logements d’ordre privés », confirme Philippe Bies (PS), adjoint au maire chargé du logement. Une autre résidence haut de gamme est actuellement en cours de réalisation au milieu de la presqu’île Malraux, sur le site de l’ancien entre- pôt Seegmuller. Baptisé Les Docks, elle sera livrée en 2014 et proposera 57 logements allant du studio de 30 m² aux cinq pièces de 150 m² pour un prix moyen de 4600 euros le mètre carré. Directeur du développement du promoteur Icade, Philippe Scaltriti, note que « si le marché classique semble atone cette année avec la crise, celui du haut de gamme se porte bien. Trois à quatre logements sont vendus par mois dans Les Docks ». Malgré cette réussite, Philippe Scaltriti reste conscient que le grand standing ne constitue qu’une « petite part de marché pour les promoteurs. Strasbourg est touché par un problème de foncier. Or l’emplacement est primordial pour le haut de gamme ». « De plus, Strasbourg n’est pas Paris, tempère Patrick Singer. On attire majoritairement la population locale. » Une population toutefois disposée à se faire plaisir puisque la villa perchée sur le toit de l’immeuble Premium, avec piscine et jardin, a été très rapidement acquise par un couple de Strasbourgeois. D.R s. , à DOSSIER toiles Le projet Premium, 35 000 m2 de luxueux penthouses Le silence est d'or dénominateur commun à toutes les activités qui touchent au luxe, c’est la discrétion. femme, sac Gucci à la main. Au Snack Michel, le samedi à l’heure du brunch, il n’est pas aisé d’aborder la question du luxe avec les clients. Les fortunés aiment se retrouver entre eux, sans que cela se sache. Une volonté que respectent les établissements tournés vers cette population aisée, comme les banques privées de la ville. L’une d’elles est spécialisée dans la gestion de patrimoine et de grandes fortunes. Un de ses employés révèle que sa banque gère plus de 100 millions d’euros répartis sur les comptes d’une centaine de riches clients, mais n’en dira pas plus. On sait néanmoins que plusieurs banques privées de Strasbourg se portent plutôt bien. Benoît Teutsch, directeur de la Société Générale Private Banking, installée depuis deux ans boulevard Tauler, confiait en décembre dernier aux DNA que son établissement avait « dépassé ses objectifs en 2011 ». Comme le secteur bancaire, celui des services aux VIP fait preuve de discrétion. Spécialisée dans l’accompagnement des personnalités à Strasbourg, la société Biribin of- fre a ses clients un transport avec chauffeur dans des berlines haut de gamme, mais ses responsables restent évasifs face aux questions. « Les clients veulent rester discrets, donc il faut respecter leur volonté », insiste Ouafa Walter. Cette société implantée à Souffelweyersheim jusqu’à l’année dernière a déménagé cette année à Luxembourg, mais elle a gardé une quinzaine de clients strasbourgeois. Sa mission est de transporter des voitures de luxe d’une concession automobile au domicile d’un client, ou d’une résidence particulière à une autre. Impossible d’en savoir plus sur le public de LS Cars. Mais Ouafa Walter a tout de même consenti à raconter le dernier transport de la société : « Un habitué de nos services nous a appelé pour transporter la Bugatti Veyron qu’il venait d’acquérir, auprès de l’usine de Molsheim, vers sa résidence secondaire de Monaco. Il voulait en profiter pour l’été. Pendant que nous avons assuré le convoyage, lui est descendu en avion et a retrouvé sa voiture à l’arrivée. » Parfois, une voiture se rapproche plus du bijou que du moyen de transport... Surtout lorsqu’elle vaut un million d’euros. viva cité - n°125 - du 21 juin au 15 juillet 2012 - 7 DOSSIER Cartographie de l’entre-soi deux pas de la place Kléber, Au Crocodile, le directeur de restaurant, Cédric Kuster, place les habitués. De l’amuse bouche au dessert, tout doit être parfait. Hélène et Martin, deux chercheurs en linguistique à Zurich, ont leurs habitudes Au Crocodile. Ils n’y étaient pourtant jamais venus avant le changement de propriétaire en 2009 : « C’était trop snob, trop guindé. Avec un digicode et une entrée opaque… L’entre-soi nous décourageait », raconte le couple, qui, depuis, a testé les autres restaurants étoilés. M ais selon eux, ils ne peuvent rivaliser avec la qualité de la cuisine, du service et de l’accueil « fantastique » du Crocodile. Quinze employés veillent au bon déroulement du service, et ce midi, la salle du rez-dechaussée est presque pleine. A l’étage, Cédric Kuster a même servi une table de quarante clients japonais en visite touristique. « La semaine, nous avons une quarantaine de couverts et, le week-end, nous sommes complets à 60 couverts .» Avec une étoile au Michelin acquise en février 2010, le restaurant Au Crocodile ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Nous voulons la deuxième étoile, ce serait la consécration de notre régularité. » La direction a l’intention de remplacer les lampes sur les tables par des modèles signés « Baccarat », de changer l’argenterie. « Nos clients dépensent leur argent dans des endroits de rêve. Si nous voulons monter en gamme, il faut leur apporter ce quelque chose en plus. » « L’étoile, c’est la cerise sur le gâteau » Dossier : réalisé par Mathilde Dondeyne Etienne Grelet Lorraine Kihl Quentin Thomas Rue des Juifs, à la Casserole, chez Marylin et Eric Girardin, l’atmosphère cosy du lieu attire : une vingtaine de couverts chaque jour, pour huit tables. Ici, la clientèle comprend touristes haut de gamme et habitués strasbourgeois. « Il y a des Australiens, des Japonais, des Coréens, des Américains…, confie Eric Girardin. Mais sans la clientèle locale, nous n’en serions pas là aujourd’hui. C’est elle qui nous a permis d’avoir l’étoile du Michelin en 2008. » Depuis, la clientèle s’est élargie : « Des Strasbourgeois qui ne nous connaissaient pas sont venus avec l’étoile. » Le restaurant s’est repositionné. Il a augmenté ses tarifs : le menu du midi est passé de 23 à 39 euros. Le chef a mis des produits « de luxe » comme le turbot sur la carte. Mathilde Dondeyne/CUEJ A Restaurants étoilés, cercles d’initiés, loisirs : la capitale européenne offre de nombreux havres où les plus fortunés aiment se retrouver. Au Snack Michel, avenue de la Marseillaise, les contrats se signeraient parfois sur un coin de table. Mais il garde la tête sur les épaules. Il ne court pas après les honneurs. « Je ne pense pas qu’à la deuxième étoile, sinon on risque de se perdre, tant dans son travail que dans son identité. » « L’étoile, c’est la cerise sur le gâteau, mais ce n’est pas ce qui sauve une entreprise », renchérit son épouse. Le samedi se prête parfaitement au brunch. Au Snack Michel, une brasserie située avenue de la Marseillaise, les habitués se retrouvent entre 11 et 13h. Avocats, médecins, grandes familles strasbourgeoises très connues... « Nous sommes la cantine bourgeoise de Strasbourg », prétend Sébastien Vonesch, gérant de la brasserie. Ici, on se regarde, on s’épie. On discute affaires, aussi. « Des contrats se signent souvent sur les tables », renchérit le gérant. Les clients restent évasifs sur leurs habitudes : à la question de savoir s’ils viennent régulièrement, ils se contentent d’un « oui » agacé et restent hermétiques aux questions suivantes. A 15h, quand les touristes affluent pour commander frites ou coupes glacées, les habitués quittent leur table. L’un d’eux repart au volant de sa Porsche, dans un doux vrombissement. Un club à 3500 euros l’entrée Ils partent alors peutêtre à Illkirch, au Golf club de Strasbourg, taper la balle ou retrouver des amis. A 3500 euros le droit d’entrée, et 1700 euros la cotisation annuelle, l’établissement réserve à ses membres un accueil haut de gamme. « Il 8 - du 21 juin au 15 juillet 2012 - n°125 - viva cité s’agit d’un club fermé et compte tenu des tarifs, l’endroit reste sélectif », explique Michel Salomon, secrétaire général bénévole du golf. Des Audi, des BMW, des Mini, et même des Porsche se côtoient sur le parking. « Pas besoin d’aller au Salon de l’auto ! », s’exclame le secrétaire général. Un mardi de juin, à 18h, des éclats de rires se font entendre. Attablées à la terrasse, les dames ont quitté leurs vêtements de golf : pantalon Burberry et chemisier blanc pour une, sac Vuitton à l’épaule pour une autre. Elles se rafraîchissent d’un jus de pamplemousse mélangé à du Schweppes. Aujourd’hui, elles ont joué en compétition avec des golfeuses étrangères, à l’occasion de la rencontre annuelle avec des clubs du Luxembourg. Pour ces mères de famille, veuves, ou retraitées, c’est la convivialité qui importe : « Il y a vraiment un esprit de club qu’on ne retrouve pas ailleurs », explique Isabelle, en se servant au buffet. Shopping réservé pour VIP Marie-France, elle, joue « une à deux fois par semaine », tandis que son amie Monique partage son temps entre golf et club de bridge. « On se téléphone pour jouer au bridge, l’après-midi ou même le soir », confie la golfeuse. Le Cercle de l’Ill, club trinational, permet aussi de se retrouver « entresoi ». L’association réunit ses membres le deuxième jeudi de chaque mois. L’occasion pour ses derniers d’échanger, et de mieux se connaître. Quand ils ne se retrouvent pas pour discuter, les riches achètent dans les boutiques de luxe de la ville. Un « shopping » haut de gamme réalisé en dehors des sentiers battus. Le magasin Printemps leur offre le privilège de posséder la carte « suprême ». Sur invitation, ces clients bénéficient de 20% sur les produits du Printemps lors de soirées qui leur sont réservées. « Il y a des animateurs de soirées, ils peuvent boire un verre au restaurant, goûter du vin », indique une syndicaliste qui souhaite garder l’anonymat. Le magasin invite également ses riches clients à des concerts de musique classique, ou à des soirées « VIP » qui se déroulent désormais, en raison des travaux de l’établissement, à la salle Mozart de la Chambre de commerce et d’industrie. Antoine Latham, Président du Cercle de l’Ill Un cercle pour « s’enrichir » Le Cercle de l’Ill, c’est un club de grandes fortunes ? Ce sont des avocats, des consultants, des syndicalistes, des représentants de différentes religions, des journalistes... des hommes et des femmes, des personnalités qui apportent une contribution à la vie de la région du Rhin supérieur. Il y a aussi des élus et des anciens ministres, comme Catherine Trautmann, François Loos, ou Daniel Hoeffel... Mais ce ne sont pas forcément les numéros 1 du « business ». Nous essayons d’agréger des profils différents. L’association choisit elle-même ses membres : le candidat est présenté par un membre au conseil d’administration, qui décide par un vote de l’accepter, ou non. Quel est l’objectif de ce cercle ? C’est vraiment de faire se rencontrer physiquement des personnes qui ne se connaissaient pas auparavant. Nous produisons de la confiance entre les membres. Ils ne parlent ni de politique ni d’affaires dans nos dîners. Nous devons faire en sorte que ces personnes repartent plus riches humainement. Grâce à ces liens tissés au sein du cercle, leur travail en sera plus productif. Ce club a la réputation d’être un cercle fermé et élitiste... Le Cercle de l’Ill est une association de prestige, sélective, à ambition élevée. Mais ce n’est pas le bottin mondain. Bien sûr, nous dînons parfois dans des endroits prestigieux (Au Crocodile, à la Maison Kammerzell, ndlr) mais c’est avant tout pour rendre la soirée agréable. Lorsque les membres prennent du plaisir, ils se tournent davantage vers les autres. Il y a plus de simplicité qu’on ne pense au Cercle de l’Ill. C’est de l’entre-soi, oui, mais je dirais plutôt une sorte de « chez soi » à une échelle supérieure. Quartiers Good bail, Mimir ! Thibault Prevost/CUEJ Menacés un temps d’expulsion, les sept ex-squatteurs d’une maison de la Krutenau passeront à l’automne au statut d’occupants légitimes. Au 18 rue Prechter, l’association Mimir fait souffler un vent alternatif sur le quartier. I l s’agit d’une expulsion » : 7 avril 2011, 11h, les sept squatteurs – « occupants sans droit ni titre », en jargon procédural– sont très officiellement mis à la porte du 18, rue Prechter par la Ville de Strasbourg. Il leur est reproché d’avoir rénové une poutre branlante et organisé un concert dans la maison, entre décembre 2010 et février 2011. Renaud Tschudy, co-fondateur de l’association Mimir, se souvient : « Il y avait des travaux à faire, on les a faits, c’est tout. On ignorait qu’il fallait demander des autorisations pour renforcer une poutre. Les experts d’Habitation moderne (le bailleur engagé par la Ville pour gérer le bâtiment, ndlr) sont passés le 23 mars 2011. Ils ont constaté la qualité du travail et ils sont repartis. Deux semaines plus tard, un huissier nous invitait à quitter les lieux. » Retournement de situation Aujourd’hui, un an après avoir failli se retrouver à la rue, l’association Mimir s’apprête à conclure avec la mairie un bail emphytéotique d’une durée de 20 ans. Passer du squat à la propriété : une première en France, et la dernière étape d’un combat de plus de deux ans. L’aventure commence le 31 janvier 2010, lorsque la grande maison à colombages de la rue Prechter –200 m2 inhabités depuis 1999, estimée à 422 000 euros, au cœur des ruelles de la Krutenau– accueille sept occupants illégaux entre ses murs. Quinze jours après son installation, le groupe en informe la mairie, via un « avis d’occupation » envoyé à Roland Ries, le maire (PS) de Strasbourg. Sans complexe, il y détaille son projet de création d’une « structure sociale alternative ». Son idée : mélanger les activités « sociales » (une bagagerie pour SDF, unique à Strasbourg, l’accueil ponctuel de personnes « en galère ») et « culturelles » (expositions, ateliers de création, studio d’enregistrement). Son souhait : devenir occupant légal des lieux. En avril 2010, une première expertise, corroborée par Habitation moderne, est menée pour le compte de l’association : le bâtiment est viable. Un dialogue avec la mairie s’engage, par l’intermédiaire de Philippe Bies, adjoint (PS) au logement, tandis que Mimir est poursuivie en justice pour occupation illégale. Le verdict est rendu deux mois plus tard : les sept squatteurs sont déclarés expulsables. Mais Philippe Bies se veut rassurant : « Décision d’expulsion ne signifie pas expulsion », déclare-t-il à l’issue du procès. Car le projet intéresse la municipalité. Huissier, politique et manifs La maison ouvre ses portes au public en octobre 2010. Les activités démarrent, diverses et variées : de l’atelier couture aux soirées « bœuf musical », tout le monde s’y retrouve. Et ça marche, un peu trop même. Expos et happenings se multiplient, le public afflue, jusqu’au 23 décembre 2010, lors d’un concert de hip-hop organisé par l’association Pelpass. Le concert dure, trop longtemps, trop fort pour les tympans du voisinage. S’ensuit l’épisode de l’huissier. « Pour nous, c’est fini, on ne continuera pas l’aventure ensemble », déclare Philippe Bies dans les colonnes des DNA (9 avril 2011). L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais c’était sous-estimer l’importance de Mimir. Un bail emphytéotique Trois jours de mobilisation, un défilé d’élus politiques venus voir autant que se faire voir, un rendez-vous à la CUS et, à l’arrivée, un revirement spectaculaire de la Ville : les poursuites sont abandonnées, une Convention d’occupation précaire (COP) est signée en juin 2011 entre Habitation moderne et les désormais ex-squatteurs. La maison bouillonne à nouveau. Dernier rebondissement, enfin, le 20 février dernier : le conseil municipal vote la signature du bail emphytéotique, qui garantit à Mimir la jouissance absolue de la maison. A cela vient s’ajouter une enveloppe de 15 000 euros, qui financera la mise aux normes ERP (Etablissement recevant du public) de la partie publique du bâtiment. Unique contrepartie : effectuer les travaux nécessaires dans la partie habitable, qui coûteront également 15 000 euros. Comment une structure autogérée, au fonctionnement autarcique, a-t-elle pu séduire les responsables de la Ville au point d’obtenir presque tout ce qu’elle demandait ? « Pour M. Bies, on doit faire office de soupape par rapport aux manques qui existent vis-à-vis de la jeunesse strasbourgeoise », avance Renaud Tschudy. Formé pour devenir éducateur spécialisé, il se consacre aujourd’hui uniquement à Mimir. Il a dû apprendre sur le tas à gérer la politique et l’exposition médiatique qu’elle engendre. 20 ans de travaux Aujourd’hui, le discours est rodé, tout comme le fonctionnement de l’association : « Les projets sont votés par consensus, en assemblée générale. Il n’y a pas de hiérarchie, mais un collège de quinze membres : les sept habitants permanents et huit membres extérieurs. » Dans le dossier de 30 pages remis à la Ville le 31 octobre 2011, rien n’a été laissé au hasard : la planification des travaux est prévue année après année sur les vingt ans du bail emphytéotique, devis à l’appui, pour un coût total de 96 000 euros. Renaud Tschudy en rigole : « Avec le temps, c’est vrai qu’on est devenus assez calés au niveau de la gestion de projet. On a appris à jongler avec les nor- mes, à parler le langage de l’administration. » Une rhétorique à mille lieues des clichés que véhicule la culture alternative, entre dreads crasseuses et vapeurs cannabiques. « Nous, on ne se revendique pas du squat, précise le porte-parole, on voulait monter une maison de vie. » Pas de demande de subvention Selon Paul Meyer, adjoint (PS) à la vie étudiante, qui a joué un rôle de médiateur entre la Ville et les occupants, « l’avis d’expulsion n’était pas suivi de moyens. Tout ça a été un peu dramatisé. Il faut arrêter de jouer les uns, rebelles, contre les autres, gestionnaires. Il y a eu une issue heureuse à ce conflit, donc les voies utilisées n’ont pas forcément été les mauvaises ». Et maintenant ? L’élu est catégorique : « On ne va pas mettre le logo de la Ville partout, il faut leur laisser du champ. » Du côté de chez Mimir, aucune demande de subvention n’a été déposée. Comme prévu. « On va tout faire par nous-mêmes. La différence, maintenant, c’est qu’on se projette sur des travaux, et plus sur des expertises. On en a fini avec la partie technique », sourit Renaud Tschudy. Après s’être imposée dans le milieu culturel strasbourgeois et avoir convaincu les pouvoirs publics, l’association Mimir avance désormais en roue libre. Thibault Prevost viva cité - n°125 - du 21 juin au 15 juillet 2012 - 9 Quartiers Sous les pavés, le jardin A la demande des habitants, un plan de renaturation est à l’œuvre à la Krutenau depuis 2009. Un nouveau jardin partagé a été inauguré début mai. Le programme de renaturation de la Krutenau concerne cinq sites représentés ici en noir. Cathédrale l L’Il L Clémence Mermillod/CUEJ Jardin Sainte Madeleine Place de Zurich Terre-plein rue de Zurich Jardin du Jeu de Paume Place d’Austerlitz Îlots de nature rue des Zouaves Rue du Jura Hélène Natt, responsable du jardin. Les habitants viennent librement semer, arroser les plantes ou cueillir des herbes aromatiques. « Le jardin vit en dehors de nous. En plus de l’apport de nature, il participe à la réappropriation de l’espace public », souligne Hélène Natt. Une demande des habitants C’est le deuxième jardin partagé de la Krutenau. À quelques mètres de là, le jardin Sainte-Madeleine a été inauguré en 2009. Les deux terrains sont gérés sur la base d’une convention conclue entre l’Association des habitants du quartier Bourse-Austerlitz-Krutenau et la municipalité. En échange d’un espace où jardiner, cédé par la Ville, l’association s’engage à veiller au respect de règles de jardinage vert, dont l’interdiction des produits phytosanitaires. La réussite du jardin SainteMadeleine a décidé la CUS à initier le projet du jardin du Jeu-de-Paume. Il entre dans un programme plus large de renaturation de la Krutenau, lancé en 2009. Ce projet répond à la demande des habitants, qui avaient inscrit la construction de nouveaux espaces verts comme une priorité, lors de Clémence Mermillod/CUEJ A l’angle de la rue du Jeu-de-Paume et de la place de Zurich, une table a été posée à proximité du nouveau jardin partagé. Depuis son inauguration, le 9 mai dernier, des voisins y viennent tous les dimanches, discuter autour d’un apéritif, mais aussi jardiner. C’est en effet aux habitants que revient la charge d’entretenir ces 8 m2 de verdure, grâce à une convention avec la Ville. Un petit chemin de pierres serpente au milieu de la végétation naissante, ceinturée de cordages, au milieu des pavés de la Krutenau. Trois jeunes femmes portent de lourds arrosoirs. « Ici, pour le jardinage, c’est le “Girl Power” Ce sont des femmes, pour les trois quarts, qui viennent jardiner », constate Une quinzaine de personnes se retrouvent tous les dimanches pour jardiner, rue du Jeu-de-Paume. la consultation préalable à l’élaboration du Plan local d’urbanisme. D’un coût total de 70 000 euros répartis sur trois ans, il inclut aussi les plantations sur le terre-plein central de la rue de Zurich et les îlots de verdure rue des Zouaves. D’autres initiatives au programme « La Krutenau est une zone expérimentale pour la nature en zone urbaine. On essaie de créer une continuité verte en cœur de ville », indique Suzanne Brolly, chargée de mission à la di- rection environnementale de la CUS. La renaturation répond à un double enjeu : favoriser l’aération lors de fortes chaleurs et encourager la biodiversité. Autre avantage, les services d’entretien municipaux, déjà débordés, n’ont pas à gérer ces nouveaux espaces verts. La création de jardins en cœur de ville est compliquée par de nombreuses contraintes liées aux infrastructures urbaines. Il faut disposer d’une profondeur de 50 cm de terre, conserver les systèmes d’écoulement des eaux, préserver les racines des arbres. Il faut également veiller à l’approvisionnement en eau de ces jardins. D’autres projets similaires se sont développés à Strasbourg : rue du Faubourg-de-Pierre, les habitants cultivent les pourtours des arbres. A la Petite-France, un jardin partagé devrait être inauguré en septembre. La Krutenau est un quartier dense. Mais selon le service des espaces verts, de nouvelles zones de végétation seraient encore envisageables à la Krutenau, notamment rue du Jura. Clémence Mermillod PLACE DU MAL A Bischheim, un atelier de couture animé par deux stylistes rassemble des femmes du quartier des Ecrivains. Leurs créations sont exposées à la Maison du conseil général. tissus de rencontres Claquement de ciseaux, rafale des machines à coudre. Le jour tant attendu approche à grands pas pour les membres de l’association Humeur aqueuse. Elles exposeront des vêtements qu’elles ont confectionnés à la Maison du conseil général de Bischheim du 20 juin au 12 juillet 2012. Depuis 2005, l’association Humeur aqueuse développe des ateliers de création autour du textile. Mais les participantes peuvent aussi coudre et retoucher leurs vêtements. C’est au centre socioculturel, en plein cœur du quartier des Ecrivains, à Bischheim, que tous les jeudis matins, une quinzaine de femmes s’affairent, dessinent des patrons, cousent robes, jupes et vêtements. Pour elles, pour leurs enfants, mais aussi pour leur future collection. Quinze modèles seront exposés et certains demandent une connaissance approfondie de la couture. À la manœuvre pour superviser le travail, Vinca Schiffmann, plas- ticienne de formation, et Farid Merah, styliste, tous deux animés par le désir de faire découvrir leur univers dans les quartiers populaires. Les mardis matins, ils interviennent aussi au Neuhof. En tout, une trentaine de femmes entre 24 et 60 ans, pour la plupart mères au foyer, font partie de l’association Humeur aqueuse. Elles habitent la cité et se croisent tous les jours. Beaucoup n’ont pas la nationalité française. Elles viennent de Turquie, d’Algérie ou du Maroc. Les discussions se font dans leur langue maternelle, en français avec Vinca Schiffmann, et parfois en arabe avec Farid Merah. En échange de 12 euros de cotisation annuelle, l’association met à leur disposition le matériel et le tissu dont elles ont besoin pour confectionner leurs vêtements. Cette année, les deux professionnels ont choisi le thème de l’Orient et de l’Occident. Ensuite, c’est aux femmes de choisir un modèle et de travailler à sa réalisation. « Le 10 - du 21 juin au 15 juillet 2012 - n°125 - viva cité but, c’est de leur faire découvrir un univers », raconte Farid Merah. Les couturières trouvent leur inspiration dans des magazines de mode que l’association met à leur disposition. Justement, Ilhame, 30 ans, a dessiné pour l’exposition une robe bleu nuit avec des petites touches dorées pour l’exposition. Ses premiers croquis ont pris rapidement l’allure du modèle définitif. Après avoir pris ses mesures, cette modéliste de formation a réalisé un patron de base à sa taille, en toile. « Cela demande de la précision et des calculs. Il faut multiplier, soustraire, diviser... Heureusement, Farid m’aide quand j’en ai besoin », poursuit Ilhame. Elle ne commencera le vrai modèle, avec le tissu adéquat, que lorsqu’elle sera « sûre que tout est parfait au niveau des mesures ». Dans cet atelier, on ne se contente pas de coudre. Le travail autour du textile et de la création contemporaine y est également envi- sagé comme vecteur de lien social dans un contexte multiculturel et intergénérationnel. Les femmes au foyer profitent de cette matinée couture pour discuter, se donner les dernières nouvelles du quartier et pour parler de la famille. Les participantes ne s’en cachent pas : « L’association, c’est un peu comme notre PMU à nous ! » Pour Açeyla, qui tente de faire une robe avec plis depuis des mois, cette matinée couture est une véritable bouffée d’oxygène. « Je n’ai pas fait d’études, je me suis mariée très jeune parce que dans ma famille, c’était mal vu d’être avec un homme sans être mariée. Puis j’ai eu des enfants. Aujourd’hui, j’en ai par-dessus la tête de ne m’occuper que de la lessive et de faire des tartes aux pommes ! » Alors le jeudi matin, depuis deux ans, mari et enfants sont prévenus : elle n’est disponible pour personne. Pendant ses trois heures de couture, elle se change les idées et se surprend parfois à rêver à une vie différente. Adriane Carroger Quartiers Insertion de pères en fils Anna Cuxac/CUEJ Meinau Services a fêté ses vingt ans le 24 mai dernier. Spécialisée dans l’entretien des espaces verts et le nettoyage, l’association d’aide à l’emploi compte 137 salariés. Désormais retraité, Mohammed (à gauche) a travaillé onze ans à Meinau Services. Aujourd’hui, son fils de 24 ans, Majid (à droite), est employé par la même structure. P as la peine de sortir de Saint-Cyr pour savoir tondre une pelouse. » Benoît et Julien, la trentaine, se marrent. Cet après-midi du 24 mai, ils ont ramené leur gouaille à l’assemblée générale de Meinau Services, qui fête ses 20 ans cette année. Devant l'entrée du centre socioculturel, ils allument une cigarette sous l’écrasante chaleur strasbourgeoise. Julien, né en Île-de-France, certifie en connaisseur : « La Meinau, c’est plus Strasbourg. C’est déjà la banlieue. » C’est dans ce quartier populaire ou dans la cité Libermann d’Illkirch qu’ils travaillent comme chefs d’équipe aux espaces verts de Meinau Services. Arrivés il y a cinq ans, passés par des contrats de formation de deux ans et finalement embauchés en CDI pour encadrer les nouveaux salariés, ils se disent satisfaits de leur emploi. Ils se plaindraient éventuellement de la paye, « mais comme tout le monde, non ? », ajoutentils. Le moins évident pour eux c’est ce « personnel qui tourne à donf, sans qu’il soit possible de s’habituer aux gens que l’on rencontre ». Car excepté pour quelques permanents, être là pour un temps limité et partir ailleurs est le concept même de Meinau services. « Vous ne faites qu’un passage chez nous, ayez bien ça en tête ! » A l’intérieur du centre socioculturel, le directeur de la régie, Michel Koch, alterne exposé des chiffres de l’activité de 2011 et ritournelle pédagogique. L’objectif est d’offrir un poste qualifiant dans l'un des deux services (espaces verts et nettoyage), une formation au monde du travail ainsi qu’un suivi vers la recherche d’un nouvel emploi. L’association est née en 1992 de la volonté des élus municipaux et du milieu associatif. Un milieu dense dans ce quartier sinistré par les fermetures d’usines qui l’avaient fait vivre jusque dans les années 1980. Une entreprise transparente Il s'agit aujourd’hui de la première structure salariale pour les personnes en recherche d’emploi dans la Meinau. L'an dernier, parmi les 137 employés, 81 étaient embauchés en insertion sur des contrats allant jusqu’à deux ans. 23 autres en « entreprise adaptée », c’està-dire des emplois pour personnes handicapées. Les 33 restant sont des permanents. Dans la salle, une centaine de personnes assistent à l’assemblée. Des salariés et des membres de leur famille qui écoutent avec attention les explications données par la direction sur le chiffre d’affaires de l’année 2011 : 2 089 379 euros. Il est un peu moins bon que celui de l’année précédente (de quelque 51 000 euros), en raison de contrats perdus avec la mairie d’Illkirch. Michel Koch se veut cependant positif : « Au vu de la crise économique, cela aurait pu être pire. » « Vous avez de la chance d’être dans une entreprise qui vous donne autant de détails sur son fonctionnement, ce n’est pas le cas ailleurs », lance le trésorier, Michel Flament, en poste depuis 17 ans. Une entreprise ? C’est bien ainsi que les salariés perçoivent Meinau services. Ils ont des contrats à honorer, doivent respecter le cahier des charges et les délais imposés par les donneurs d’ordre. Ceuxci sont principalement le bailleur public CUS Habitat, le bailleur social Habitat de l’Ill et les villes de Strasbourg et d’Illkirch. Les revenus de Meinau services sont à 75% issus de ces contrats et le reste provient de subventions des collectivités territoriales. Selon le Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ), ce ratio est un signe de bonne santé économique. « Peur de la magouille et des drogues» A la fois association et entreprise, la structure a tissé des liens avec de nombreuses familles du quartier. Mohammed, 67 ans, a pris sa retraite en 2009 après y avoir travaillé onze années comme balayeur-éboueur. Il est venu à la fête anniversaire de Meinau services car son fils de 24 ans, Majid, y est employé aujourd'hui. Mohammed a passé des années à trier les déchets des habitants de la Meinau et à tenter d’éduquer les gens qui se débarrassent des ordures n’importe comment. Las : « Ça entre par une oreille, ça sort par l’autre. Quand je leur disais de faire attention, ils me répondaient que ce n’était pas eux. » Il a déménagé en centre-ville en 2002. Il s’y sent mieux. Avec un sourire désabusé, il explique : « Il y a des gens qui zonent en bas des blocs de la Meinau. Je ne voulais pas que mes enfants tombent dans la magouille et la drogue. » Majid, embauché récemment, revient, lui, avec plaisir dans le quartier de son enfance. A la sortie, 14% de CDD Plusieurs familles intègrent ainsi de père en fils la régie, comme si les galères des parents se transmettaient à la génération suivante. Serait-ce là un signe des limites de l’insertion des salariés ? Pas forcément, répond la direction. Michel Koch est un adepte de la culture du verre à moitié plein, indispensable pour garder l’envie d’œuvrer. « Nous donnons sa chance à chacun à partir du moment où il a envie de s’en sortir. On ne s’arrête pas aux échecs, sinon on n’existerait plus », justifie-t-il. En 2011, aucune des personnes ayant terminé son contrat à Meinau services n'a obtenu de CDI. Les années où cela arrive sont rares. En revance, 14% des salariés ont obtenu un CDD et 24% ont poursuivi dans d’autres établissements des formations que ne dispense pas la régie. Dans ce « public fragile », composé à 39% de bénéficiaires du RSA et autres minima sociaux, seulement 14% des personnes ont disparu de la circulation, pour raisons personnelles ou de santé. Les autres sont retournées pointer au chômage (48%), avec souvent une meilleure employabilité qu'à leur arrivée dans l'association. Ces vingt ans ont donné lieu à un bilan du travail effectué. Mais celui-ci ne porte pas sur les taux d'insertion. Pour Michel Koch, établir des comparaisons avec les résultats des années précédentes ne serait pas pertinent. Il estime que chacun de ses salariés est si particulier que toute généralisation ne rimerait à rien : « Le taux d’insertion varie chaque année, la crise n’arrange rien. Mais on peut toujours faire mieux. » La tâche est difficile mais la plus grande fierté de la régie est sans doute le « savoir-être à l’emploi » acquis après un passage par chez elle. En ce moment, le directeur cherche à convaincre le Medef d’Alsace de s’intéresser aux salariés qui sortent formés de Meinau services. Des rencontres avec les représentants des patronssont prévues dans les mois qui viennent. Anna Cuxac viva cité - n°125 - du 21 juin au 15 juillet 2012 - 11 Lieu Foyer terre d’asile Au Neuhof, l’immeuble de la résidence Adoma héberge des jeunes travailleurs et demandeurs d’asile coupés du reste de la population. H ORMIS la couleur bleue des murs extérieurs, rien ne différencie la résidence Adoma des immeubles d’habitation du quartier du Neuhof. Ce bâtiment de neuf étages, situé au 24 rue de Mâcon, affiche le sigle FJT (Foyer pour jeunes travailleurs). Or, des enfants en sortent, jouent, font du vélo sur le perron. Dans le hall, coloré de jaune où une vingtaine de poussettes sont alignées, des familles se dirigent vers l’ascenseur En fait, la résidence Adoma du Neuhof accueille aussi des demandeurs d’asile. Généralement des familles. Elles cohabitent avec les jeunes dans la même résidence, partagent les mêmes étages. Ces profils différents qui se côtoient ont un point commun : le foyer Adoma est avant tout une solution d’urgence. Difficile, donc de faire participer les résidents à la vie d’un quartier qu’ils rêvent de quitter pour un lieu plus confortable ou parce qu’ils sont dans l’attente d’une réponse de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra). « En venant ici, au mois de novembre, j’imaginais que nous ne serions que des jeunes, un peu comme l’auberge de jeunesse. », raconte Aurore, 25 ans, staffeur (artisan d’art du bâtiment) dans une entreprise située au Neuhof : « Je suis venue, explique-t-elle, parce que je n’avais pas de quoi payer une caution pour un appartement dans le privé. Je me suis rendu compte que ce qu’on appelait foyer des jeunes travailleurs est surtout devenu un hébergement d’urgence. Nous ne sommes pas là par choix, c’est temporaire. » La résidence du Neuhof compte parmi les onze structures d’Adoma implantées dans la CUS. L’organisation a été créée en 1956 sous le nom de Sonacotra (Société nationale de construction pour les travailleurs algériens), afin d’accueillir les travailleurs migrants et résorber les bidonvilles. L’organisme est devenu Adoma en 2007 et s’est ouvert à d’autres populations. « Aujourd’hui, Adoma accueille des jeunes actifs et prend en charge les demandeurs d’asile le temps de l’instruction de leur dossier auprès de l’Ofrap. S’agissant des jeunes, l’objectif est de les accompagner vers l’indépendance et pour les demandeurs d’asile, Thibaut Corennier/cuej Viva Cité CENTRE UNIVERSITAIRE D’ENSEIGNEMENT DU JOURNALISME UNIVERSITÉ DE STRASBOURG 11, rue du Maréchal Juin CS 10068 - 67046 Strasbourg Cedex Tél. : 03 68 85 83 00 Fax. : 03 68 85 85 74 E-mail : [email protected] Web : http://cuej.unistra.fr http://cuej.info Directrice de publication : Nicole Gauthier. Encadrement : Thomas Calinon, Catherine Daudenhan, Alain Peter, Fred Vairetty. Rédacteur en chef : Emmanuel Daeschler Responsable photos : Lorraine Kihl Photo de une : Lorraine Kihl Réalisation : Adriane Carroger, Thiibaut Cordenier, Anna Cuxac, Emmanuel Daeschler, Mathilde Dondeyne, Etienne Grelet, Lorraine Kiihl, Nathan Kretz, Geoffrey Livolsi, Clémence Mermillod, Thiibaud Métais, Thibault Prévost, Quentin Thomas, Adama Sissoko Supplément News d’Ill, numéro ISSN 0996-9624 Impression : Gyss, Obernai « J’imaginais une auberge de jeunesse » Deux résidents devant l’immeuble du Foyer des jeunes travailleurs dans le quartier du Neuhof. nous mettons en place des actions pour les accompagner dans leurs démarches administratives et les faire participer à la vie du quartier. » explique M’barek Aouadi, directeur d’Adoma Alsace. Des habitants précaires Au Neuhof, Adoma n’est pas une résidence classique. Les jeunes travailleurs sont majoritairement précaires. En 2010, sur les 304 jeunes qu’elle abritait, 55% percevaient moins de 305 euros par mois. « Adoma joue bien son rôle de logeur social en recevant des jeunes très précaires. Beaucoup ont accès à un logement pour la première fois. C’est très dur pour eux ! », observe Patrice Contor, res- 12 - du 21 juin au 15 juillet 2012 - n°125 - viva cité ponsable du FJT. Les équipements sont assez sommaires. Dans un couloir, la table de ping-pong est dressée là, seule, à côté de deux chaises. La salle télé est vide. Faute d’espace de jeu dédié, les enfants jouent près des linges qui pendent, dans le couloir du premier étage Selon Patrice Contor, même lorsque des événements sont organisés, il est difficile de motiver les jeunes, déjà préoccupés par leur situation financière. « Je dois organiser la fête des voisins, mais je ne me fais pas d’illusions. Je sais que leur premier besoin n’est pas de se trouver des amis ou de participer à des activités dans le quartier. » Les demandeurs d’asile sont, eux aussi, touchés par une forte précarité qui les isole de la vie sociale du quartier. Leur vie quotidienne est rythmée par l’état d’avancement de leurs dossiers auprès de l’Ofpra. Ils perçoivent une allocation temporaire d’attente de 310 euros par mois. Le docteur Catherine Jung reçoit des demandeurs d’asile à la maison de la santé du Neuhof. Beaucoup de russophones y viennent car il y a la possibilité de faire appel à des interprètes. Catherine Jung parle aussi le russe. « Il est évident qu’on ne peut pas demander à des personnes préoccupées par ce qu’elles vont manger au quotidien de venir à nos actions de sensibilisation sur la nutrition par exemple. » La crainte liée à la réputation du quartier explique aussi le peu de lien entre les habitants de la résidence Adoma et ceux du Neuhof. Hannah Oualid, 22 ans, est arrivée dans le foyer au mois de février. Elle est agent de surface chez Emmaüs à Mundolsheim. Elle se méfie. « J’essaye de ne pas rentrer ou sortir après 11h du soir. Je n’ai pas de problèmes avec les gens du quartier mais je fais attention quand même. » Pourtant, Hannah Oualid s’est liée d’amitié avec Anika, une jeune Tzigane. Elles se croisaient souvent dans le tram, descendaient à la même station. Après quelques bonjours et sourires timides échangés, elles ont commencé à se fréquenter : invitations réciproques, sorties en centre-ville, échange de leurs différentes cultures. Anika est la seule fille du quartier avec qui Hannah Oualid a tissé un lien. Mamadou Barry, originaire de Guinée, est arrivé au FJT, à la mi-mai. Il espère un appartement plus grand, maintenant qu’il travaille en tant qu’agent de surface : « Je ne cherche pas de contact avec les autres. Je vais juste à la mosquée du quartier pour faire mes prières. Mais j’évite d’y aller pour la première prière qui est à 4h30 du matin, je crains le quartier. » Amalia Bejanyan a 17 ans. Elle est arménienne, née en Russie. Venue en France avec ses parents après avoir fui la Russie, elle est aujourd’hui scolarisée en classe de troisième. « J’ai une camarade qui habite dans le quartier. Ce sont nous, les enfants, qui cherchons à faire des rencontres. Nos parents restent entre eux. » Des barrières linguistiques Au centre socioculturel (CSC) du Neuhof, quelques actions ont été entreprises auxquelles la résidence Adoma a été associée. Pour la journée de la femme, esthéticienne et coiffeuse ont fait le déplacement au centre socioculturel. Toutes les habitantes du quartier pouvaient se faire chouchouter gratuitement. Une dizaine de femmes demandeurs d’asile sont venues. « Elle étaient contentes ! Mais elles sont restées entre elles. La non-maîtrise de la langue est une grosse barrière constate Evelyne North, animatrice du service action collective familiale du CSC. Nous réfléchissons encore à des partenariats avec Adoma. Ce sont des choses qui se mettent en place petit à petit. » Nathan Kretz Adama Sissoko