L`Intégration européenne
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L`Intégration européenne
L ’ E S P A C E É C O N O M I Q U E M O N D I A L Chapitre L’Intégration européenne 9 9.1 La mise en place de l’espace économique européen; 9.2 Union Européenne: problèmes et perspectives. L’ espace économique européen est un très hétérogène, ce qui paradoxalement renforce ses besoins d’intégration. Il représente le deuxième espace économique en importance avec 6% de la population mais 20% du PIB mondial, mais le plus avancé en ce qui a trait aux processus d’intégration. En effet, l’Union Européenne instaurée par le Traité de Maastricht en 1993 est une étape supplémentaire dans un processus d’intégration dont les bases ont commencé à se mettre en place avec le Traité de Rome en 1957. L’union monétaire de 1999 renforce la cohésion de l’Europe de l’Ouest et son rôle dans l’espace économique mondial. La croissance de l’Europe de l’Ouest s’est produite rapidement après la Deuxième Guerre mondiale avec une série d’accords de coopération, de politiques économiques et de nouveaux membres. Plus que tout autre espace économique, les considérations géopolitiques sont importantes dans une Europe très hétérogène. Actuellement, l’Europe de l’Ouest fait cependant face à plusieurs problèmes dont le chômage, la compétitivité des entreprises et les perspectives de l’adhésion de nouveaux membres de l’Europe de l’Est. Ce chapitre portera donc principalement sur les processus d’intégration de espace économique ouest européen et de ses perspectives passées, actuelles et futures. 9.1 La mise en place de l’espace économique européen L’idée d’une union politique et économique de l’Europe n’est pas neuve. Déjà au XIXe siècle, l’écrivain Victor Hugo rêvait d’une fédération des états de l’Europe à l’image des États-Unis. Cette idée tire vraisemblablement de l’analogie géographique de 1 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E leur taille comparable et de l’espoir que le modèle politique des États-Unis inspirait à l’époque dans une Europe divisée. Il faudra cependant attendre la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour que des tentatives réelles vers une intégration de l’Europe soient entreprises. En 1946, Winston Churchill, exprime le souhait de la création des « États-Unis d’Europe », surtout dans le but d’éviter que le conflit qui venait de se terminer se reproduise sur le continent européen. A . A La Deuxième Guerre mondiale a eu des conséquences désastreuses pour l’économie européenne qui perd de son importance face aux puissances américaine et soviétique. B Les premières tentatives d’intégration se mettent en marche dans les années 1950, avec le support des États-Unis, pour aboutir au Traité de Rome. C L’établissement de la Communauté Européenne dans les années 1960 renforce les processus d’intégration de son espace économique en créant une union douanière. D Les processus d’intégration prendront davantage une dimension politique dans les années 1980 pour aboutir en 1993 à la formation de l’Union Européenne. Les conséquences de la Deuxième Guerre mondiale La fin de la Deuxième Guerre mondiale laisse l’Europe dans un état de destruction variable, mais intensif en plusieurs endroits, notamment en Allemagne et en Europe de l’Est. A ces dégâts matériels et humains s’ajoute un clivage géopolitique qui nuira longtemps à l’intégration européenne. Coûts économiques La plupart des grands axes de transport pan-européens sont détruits ou endommagés, ainsi que les infrastructures de production énergétique, tout comme la plupart des grandes villes. De plus, l’économie est largement convertie vers la production d’armement. Le commerce est inexistant et la plupart des liens commerciaux que l’Europe entretenait avec d’autres régions du monde sont déstabilisés. Les pertes civiles sont élevés avec 20 millions de morts pour l’URSS, 7,8 millions pour l’Allemagne, 6,5 millions pour la Pologne, 1,5 millions pour la Yougoslavie, 0,7 million en Roumanie, 0,6 million en France, 0,5 millions pour le Commonwealth et 0,4 million pour l’Italie. Le prélèvement sur les groupes d’âge les plus productifs (18-40 ans) sont importants au point où les pyramides d’âge de plusieurs pays d’Europe en garderont des marques pour plusieurs décennies. 2 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E 80-84 Figure 5.1 Pyramide de population (%) de Berlin, 1946 70-74 60-64 50-54 40-44 30-34 20-24 Femmes 10-14 Hommes 0-4 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 Pourcentage de la population Une génération entière d’allemands a été décimée par la Deuxième Guerre mondiale. Il en résultera des problèmes de main d’ uvre (surtout en Allemagne de l’Ouest) qui ne pourront être comblés que par une immigration d’ouvriers étrangers dans les années 1960 et 1970, notamment turque. Ce mouvement changea radicalement l’image démographique de l’Allemagne et de plusieurs pays européens dont la France et l’Angleterre. Il importe aussi de souligner que dans les années suivants la Deuxième Guerre mondiale, les puissances européennes perdent la grande majorité de leurs colonies d’Afrique et d’Asie du Sud-Est par des mouvements d’émancipation politique. Les anciennes puissance coloniales se trouvent alors privées de matières premières et de débouchés pour leur produits, sur lesquels elles comptaient depuis fort longtemps. Le clivage Est/Ouest et la guerre froide Le clivage de l’Europe par les forces alliées fut décidé en une série de conférences dont la première, celle de Téhéran (1943), divise l’Europe en zones d’influence entre l’URSS et les alliés. La seconde, celle de Yalta (1944) établit le cadre général de l’Europe d’après guerre tandis que la troisième, celle de Postdam (1945) ayant lieu immédiatement après la victoire alliée contre l’Allemagne, établit des zones d’occupation. Il appert très tôt que l’Union Soviétique n’a aucune intention de respecter les accords de Yalta où elle s’était engagée à établir des élections libres dans les pays de l’Europe de l’Est qu’elle libère de la tutelle allemande. Les limites des zones d’occupation des alliés en Allemagne créent une frontière géopolitique entre l’Allemagne de l’Est sous contrôle de l’URSS et l’Allemagne de l’Ouest sous contrôle des États-Unis, de l’Angleterre et de la France. La capitale de l’Allemagne, Berlin, se trouve aussi fragmentée au point où la capitale de l’Allemagne de l’Ouest est établie à Bonn. Conscients du besoin de rétablir l’importance économique des nations européennes et pour aider à reconstruire la partie européenne qu’ils occupent, les États-Unis établissent le Plan Marshall. 3 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E Le Plan Européen de Reconstruction Le Plan Européen de Reconstruction (1947-1952), plus communément connu sous le nom de Plan Marshall, du nom du général américain responsable de son initiative (devenu Secrétaire d’État), est établit en 1947 et implique un investissement de 13.1 milliards de dollars américains sur une période de cinq ans. En dollars de 1997, cet investissement équivaudrait à plus de 88 milliards. Quatre grandes causes peuvent expliquer la mise en application du Plan Marshall. D’une part, l’Europe a toujours été un marché important pour les États Unis. Il est craint que si le marché européen ne connaît pas une forte croissance, les États Unis pourraient connaître une récession. L’émergence du communisme et du socialisme en Europe de l’Ouest fait craindre le choix de ce mode de développement, à l’instar du capitalisme et de l’économie de marché. Il est impératif pour les États-Unis de faire face à l’influence politique et économique grandissante de l’URSS en Europe de l’Est. Il en résulte aussi de l’utilisation de l’Allemagne de l’Ouest comme zone tampon entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est. L’Angleterre, la France, l’Italie et l’Allemagne de l’Ouest sont les principaux destinataires du Plan Européen de Reconstruction. 70 % de cette aide est dépensée pour acheter des biens américains qui seront utilisés pour redémarrer les industries nationales ou encore pour régler les dettes de guerre contractées envers les États-Unis, notamment sous le régime du prêt-bail. A partir de 1949, la Guerre Froide fait bifurquer l’aide dans le secteur militaire au lieu de l’industrie. De façon générale, le plan est un succès et en 1952, la production Ouest Européenne est de 35 % au dessus de son niveau d’avant-guerre. Il aura aussi pour conséquence d’affirmer la puissance et le mode de production fordiste des États-Unis en Europe de l’Ouest. De plus il forme les bases des processus d’intégration européenne subséquents, puisque pour la première fois dans l’histoire des investissements sont alloués à l’échelle européenne. La première institution d’intégration de l’Europe vise l’administration de l’aide économique étasunienne. L’Organisation Européenne de Coopération Économique (OECE) est mise en place en 1948 pour administrer l’aide américaine du Plan Européen de Reconstruction. De plus, l’organisation doit améliorer la stabilité des devises, combiner les forces économiques d’intervention et favoriser le commerce entre les nations membres. En 1961 l’OECE est élargie pour former l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE). Face à l’organisation de l’aide économique (OECE) et militaire (OTAN) par les Alliés en Europe de l’Ouest, l’Union Soviétique met en place le COMECON et le Pacte de Varsovie (1955). Le Conseil d’Assistance Économique Mutuel Le Conseil d’Assistance Économique Mutuel (COMECON, 1949) est la riposte de l’URSS au Plan Marshall. Il comprend lors de sa fondation une bonne part des pays de l’Europe de l’Est (Albanie, Bulgarie, Tchécoslovaquie, Hongrie, Pologne, Roumanie, Allemagne de l’Est) et l’URSS. La Mongolie (1962), Cuba (1972) et le Vietnam (1978) deviendront membres par la suite afin de s’intégrer à l’espace économique de l’URSS. Pour leur part, l’Albanie sera expulsée en 1961 et la Yougoslavie obtient un statut spécial d’observateur lors de son adhésion en 1964. Le COMECON a pour principal objectif économique de planifier la coordination de la production industrielle et des échanges commerciaux en spécialisant la production de ses membres. Deux structures sont fondamentales à cet accord: (1) La Banque Internationale de Coopération Économique (1963) a pour but de régler les questions monétaires entre les pays socialistes. (2) 4 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E La création de multinationales socialistes qui ont pour but de commercer à la fois avec l’économie internationale et au sein des pays socialistes. De fait, le COMECON renforce l’emprise économique de l’URSS sur les pays membres en créant un situation de dépendance pour l’approvisionnement en matières et produits qui reste essentiellement sous le contrôle de l’URSS. Il fut dissout en 1991 en même temps que le Pacte de Varsovie. Figure 5.1 Le clivage de l’Europe vers 1950 OECE Rideau de fer COMECON Statut particulier Vers 1950 un clivage politico-économique important est établit en Europe sous la période de la Guerre Froide. La fin de cette période se fait sentir à partir de 1985 par les réformes économiques et politiques de Gorbatchev et prendra fin en 1989 par la chute du mur de Berlin. D’une part les pays de l’OECE, bénéficiaires du Plan Marshall, de l’autre, le COMECON sous l’égide de l’URSS. Il s’agit à la fois d’une frontière politique, idéologique et économique qui marquera le développement européen pour les 40 années à venir. Le COMECON est aussi renforcé par une alliance militaire (Pacte de Varsovie, 1955) qui s’oppose à l’OTAN (1949). La Guerre Froide marque une série de crises géopolitiques dont le blocus de Berlin (1948), l’explosion de la première bombe atomique soviétique (1949), la guerre de Corée (1950-53) la construction du mur de Berlin (1961), les missiles de Cuba (1962), la guerre du Vietnam (1967-73) et l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS (1980). B Le Traité de Rome Face à la montée de l’opposition à la fois politique, idéologique et économique entre les États-Unis et l’URSS, les pays de l’Europe de l’Ouest se trouvent quelque peu coincés entre ces deux blocs, à la recherche d’une marge de man uvre. A défaut d’une indépendance politique, un plus haut niveau d’indépendance économique est visée, malgré que sur ce premier point la France fasse preuve d’initiative en quittant l’OTAN dés 1966 au moment où elle dispose d’une force de frappe nucléaire. 5 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E Les prémices L’Organisation Européenne de Coopération Économique (OECE) n’apparaît pas suffisante pour assurer la croissance économique nécessaire dans une Europe d’aprèsguerre. Un des principaux arguments pour une intégration économique européenne accrue est que les nations européennes sont trop petites pour assurer des économies d’échelle et de vastes marchés de consommation. Trois nations de petite taille de l’Europe de l’Ouest, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg ont comprit cette contrainte et établissent une union douanière, le Benelux, dès 1948. Dans les années 50, il est proposé, notamment par Jean Monnet et Robert Schuman1, de créer un marché commun ayant les objectifs suivants: • Éliminer des restrictions sur les mouvements de biens, de capital et de personnes, c’est-à-dire créer une zone de libre-échange. • Harmoniser les politiques économiques. • Créer des tarifs communs au commerce extérieur. Le principe économique de base repose sur les économies d’échelle. Le but du marché commun est donc d’atteindre un ensemble d’objectifs économiques qui permettent aux individus et aux firmes d’acheter ou de vendre, de prêter ou emprunter, de produire ou consommer à l’intérieur d’un seul marché. Dans cette perspective, les producteurs devraient être plus efficaces (économies d’échelle) et consommateurs devraient obtenir de meilleurs prix (concurrence). La première initiative dans ce sens est la Communauté Européenne de l’Acier et du Charbon (CEAC) créée en août 1952 suite au Traité de Paris de 1951 et ayant pour but de coordonner la production industrielle du bassin Rhin-Rhur entre la France et l’Allemagne de l’Ouest. Son mandat inclut aussi la supervision des prix, des salaires, des investissements et de la concurrence dans les secteurs de l’acier et du charbon. La Belgique, le Luxembourg, les Pays Bas et l’Italie se joignent aussi à cet accord de libreéchange. En plus d’objectifs économiques, la CEAC a des objectifs politiques qui tentent d’éviter la résurgence d’un conflit majeur dont l’Europe sort à peine. Deux commodités nécessaires au soutient d’un conflit armé conventionnel, le charbon et l’acier, sont alors mis sous une autorité commune. Une tentative de politique de défense commune est initiée en 1954, mais échouera devant le veto de la France. Dans un sens plus large, la fondation du Conseil de l’Europe en 1949 qui regroupe les intervenants en faveur de l’intégration européenne permet d’établir un forum qui servira de base aux institutions pan-européennes. Il s’agit d’une organisation intergouvernementale dont les politiques ne peuvent pas être appliqués à l’échelle nationale sans être ratifiées par le parlement concerné. Jean Monnet fut le premier président de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (1952) et principal responsable de son établissement. Il est considéré comme un des pères de l’intégration européenne. Robert Schuman fut aussi impliqué dans le processus et devint le premier président de la Communauté Économique Européenne en 1958. 1 6 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E La Communauté Économique Européenne Le Traité de Rome est la base légale des processus d’intégration en Europe de l’Ouest. Le Traité de Rome (1957) fut une étape de première importance vers l’intégration européenne en établissant la Communauté Économique Européenne (CEE) et une organisation beaucoup plus secondaire, la communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). Le six membres fondateurs conviennent d’établir sur les 12 années suivantes une politique commerciale commune et une libéralisation des échanges des produits manufacturés et agricoles, c’est-à-dire l’établissement d’un marché commun. Dès le 1er janvier 1959, les frais douaniers entre les pays membres de la CEE sont réduits de 10 %. L’Angleterre est aussi approchée pour en faire partie, mais s’y abstient. Elle s’oppose à une intégration politique, mais avait aussi des vues libre-échangistes. C’est alors qu’elle initie l’Association Européenne de Libre-Échange (AELE siégeant à Genève) en 1960 avec l’Autriche, le Danemark, la Norvège, le Portugal, la Suède et la Suisse pour faire front à l’émergence de la CEE. Dans une association de libre-échange, les nations sont libres de choisir les tarifs qu’elles imposent aux nations non membres, alors qu’une union douanière impose le même tarif extérieur à ses membres. L’Angleterre craignait qu’une union douanière nuise aux tarifs préférentiels établis avec les ÉtatsUnis et les pays du Commonwealth, deux débouchés fondamentaux pour son économie. Conséquences du Traité de Rome La CEE a des conséquences importantes sur le système économique des nations Les principaux effets de la CEE, à l’image du libre-échange, sur les pays membres peuvent se résumer ainsi: • Des économies d’échelles résultant d’un marché plus vaste et de l’accès à des ressources humaines, naturelles et des capitaux plus diversifiés. • Une spécialisation économique issue du principe des avantages comparatifs, augmentant la productivité à l’échelle européenne. • Des progrès technologiques accélérés. Les nations pouvant mettre en commun leurs ressources en matière de recherche et de développement, incitent des innovations technologiques plus variées, rapides et ce à moindre coût. • Une possibilité d’avoir recours à une plus d’investissements moins accessibles. • Un vaste source sur plusieurs marchés financiers qui auparavant étaient où plusieurs firmes font baisser les prix. Cette stratégie avantage de toute évidence le consommateur mais se butte à la réticence de firmes ayant un marché national préalablement protégé. marché plus compétitif Dans les années 1960, le commerce intra-européen connaît une croissance spectaculaire suite à un environnement commercial favorisant davantage les mouvements au sein de l’Europe. Les succès initiaux de l’intégration européenne se 7 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E buttent cependant aux désaccords de la France gaulliste qui préconise davantage la souveraineté nationale. C’est dans ce contexte que s’établit le compromis du Luxembourg en 1966 qui stipule que toute décision importante devra être adoptée à l’unanimité. Un droit de veto implicite est ainsi établit. C La Communauté Européenne En 1967 les institutions de la Communauté Économique Européenne, de la Communauté Européenne de l’Acier et du Charbon et Euratom sont fusionnées pour former la Communauté Européenne (CE). La CE renforce les accords existants en plus de créer un parlement européen dont les premières élections ont eu lieu en 1979. L’union douanière, ou marché commun, pour les produits manufacturés est établie en 1968 avec l’élimination des tarifs entre les membres, deux années en avance sur la date fixée par le Traité de Rome c’est-à-dire pour 1970. Ceci concrétise la participation de la CE aux négociations du Kennedy Round du GATT à partir de 1967 où elle négocie au nom de tous ses membres. Les crises au cours des années 1970, notamment le choc pétrolier et la chute du système monétaire de Bretton Woods, mettent à l’épreuve le marché commun. Malgré que les barrières tarifaires aient été abolies, plusieurs membres imposent des barrières non tarifaires, ou qualitatives, telles que des mesures sur la santé et la sécurité, restreignant ainsi le commerce pour les produits qu’elles veulent protéger. Par exemple, les procédures bureaucratiques imposent des délais à l’importation d’un produit, les standards nationaux empêchent la vente de produits manufacturés à l’extérieur et les préférences dans l’approvisionnement de l’état favorisent les industries nationales. Entre 1967 et 1973 se met en place la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) qui prélève une part à chaque fois qu’une activité contribuant à l’augmentation de la valeur d’un bien, surtout sur la vente. Elle vise à harmoniser le prix des biens au sein des nations membres. Les politiques en matière de développement régional, des affaires sociales de l’environnement commencent à être harmonisées. La Politique Agricole Commune La Politique Agricole Commune régit le système agricole des pays membres de la CE. L’année 1968 voit les premières applications de la Politique (PAC), initiée dès 1962, dont les principaux objectifs sont: Agricole Commune • Augmenter la productivité agricole grâce à des progrès technologiques et l’efficacité des facteurs de production. • Assurer un niveau de vie raisonnable pour les agriculteurs. • Stabiliser le prix aux marchés en assurant un potentiel d’approvisionnement sur de vastes régions agricoles et lorsque nécessaire intervenir pour soutenir les prix par des subsides. Par exemple, l’Angleterre est un importateur net de denrées agricoles et dépend sur la France et les Pays Bas pour son approvisionnement. 8 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E • Assurer la disponibilité des denrées agricoles. • Assurer un système de prix uniformes (déterminés à Bruxelles) permettant aux producteurs et aux consommateurs d’avoir une stabilité du marché agricole. Il devient alors possible de mieux planifier la production à moyen terme. La PAC fut difficile d’implantation parce qu’elle impliquait une libéralisation des échanges agricoles longtemps protégés et une fixation des prix à une échelle européenne selon l’offre et la demande. De plus, les difficultés reliées à la production excédentaire et au poids budgétaire que la PAC impose, émergent tôt dans les années 1970. Le mode de vie agricole, très présent dans plusieurs sociétés européennes (la France, l’Italie et l’Allemagne comptent respectivement 23 %, 35 % et 15 % de leur population en milieu rural), est sensible aux mutations socio-économiques qu’entraîne une plus grande facilité des échanges. Le protectionnisme de plusieurs nations européennes continentales face au b uf anglais lors de l’épidémie de la « vache folle » peut s’interpréter selon cette perspective. Un des grands objectifs de la PAC est aussi d’assurer une certaine autosuffisance dans des secteurs clés. Le financement de la PAC est assuré par une partie des recettes de la TVA et une contribution de chacun des états selon leur PIB. Malgré le libre-échange des denrées agricoles, les états protègent massivement leurs secteurs agricoles par des subsides et des systèmes de protection des prix. Crises monétaires et mise en place du système monétaire européen Les crises des années 70 imposent l’établissement de mécanismes de fixation de la valeur des devises européennes. D Les années 1970 marquent d’importantes crises monétaires dont la fin de l’étalon-or supporté par les États-Unis, faisant baisser la valeur du dollar américain. La valeur des devises européennes est liée au dollar, ce qui entraîne des fluctuations, de l’inflation et déstabilise les relations commerciales au sein de l’Europe. Pour un pays relativement autosuffisant comme les États-Unis, les fluctuations à la baisse du dollar ont eu des conséquences limitées puisque le commerce international occupe une faible place dans le PIB, mais dans une Europe interdépendante, les politiques monétaires sont très importantes pour la stabilité des économies. C’est dans ce contexte que nait l’idée d’une Union Monétaire Européenne où les échanges serait associés à une devise pan européenne et non étrangère. Il est cependant trop tôt pour une union monétaire, les nations tenant à leur devise nationale comme symbole d’indépendance. Un compromis est trouvé en établissant le Système Monétaire Européen en 1979 où l’ÉCU (European Currency Unit) est déterminé par une pondération de la valeur des différentes monnaies des pays membres selon leur poids économique (PIB) et leur commerce. Le Mark allemand et le Franc français sont les deux monnaies y contribuant le plus. L’Union Européenne Dans les années 1980, une volonté de poursuivre l’intégration européenne se démarque surtout au niveau de l’élimination des barrières restantes au commerce et 9 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E aux investissements, notamment en ce qui a trait aux mouvements de main d’oeuvre et de capitaux. Les processus de mondialisation renforcent la présence des intérêts japonais et américains sur le marché mondial et aussi sur le marché européen. Les firmes européennes se trouvent nettement désavantagées dans ce système très compétitif, surtout au niveau des économies d’échelle. Vers une Union Européenne En 1985, la Commission Européenne mandate un projet visant à déterminer les mesures et politiques pour l’établissement d’un véritable marché commun. Il s’agit du projet de l’Europe 1992 (ou encore l’Acte Unique) puisque que ces mesures devront être adoptées par les pays membres pour 1992. L’Acte Unique signé en 1987 vise à mettre en application le marché commun établit les objectifs suivants: • Libéralisation des contrôles frontaliers pour les règles et procédures du transport de marchandises. Ceci vise à éliminer progressivement les barrières non tarifaires au sein de l’UE. • Liberté de mouvements et le droit des personnes de s’établir dans les pays membres. • Harmonisation des standards techniques (poids et mesures). • Libéralisation des services financiers. • Ouverture des marchés de services d’information. • Libéralisation des services de transport. • Réglementation sur la propriété industrielle et intellectuelle. • Enlèvement des barrières fiscales. D’un point de vue politique, les initiatives de Jacques Delors (alors président de la Commission Européenne) à partir de 1987 visent à réformer la CE selon les points suivants: • Nouvelles ressources budgétaires par des contributions supplémentaires des pays membres dans une réforme des structures institutionnelles. • Réforme de la PAC pour réduire les contributions nationales et ainsi la part de la PAC dans le budget de la CE. Les contributions à la PAC ne sont plus basées sur les importations de denrées agricoles, mais sur le poids de l’économie nationale. • Amélioration dans les systèmes de redistribution pour favoriser les états et les régions défavorisés. 10 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E En 1992, les échanges pan européens se libéralisent davantage avec l’établissement de l’Espace Économique Européen (EEE) qui met en place une zone de libre-échange entre les pays de la Communauté Européenne et de l’AELE. Cet accord garantit le libre mouvement des biens, personnes, services et capitaux mais ne donne pas aux pays de l’AELE des pouvoirs de décision au sein de la CE, seulement des consultations en cas de décisions importantes. La Suisse rejette cependant l’EEE par référendum, ce qui favorise le passage de pays membres de l’AELE, c’est-à-dire l’Autriche, la Finlande et la Suède, vers l’Union Européenne en 1995. Le Traité de Maastricht et d’Amsterdam Le Traité de Maastricht est le document qui crée l’Union Européenne. L’Unions Européenne qui se met en place avec le Traité de Maastricht repose sur trois bases. La première est une extension des acquis des la Communauté Européenne en ce qui a trait aux relations économiques entre ses membres. La seconde est relative à une politique commune en matière de sécurité et d’affaires étrangères tandis que le troisième implique et une coopération dans le domaine de la justice et des affaires internes. La deuxième base préoccupe beaucoup l’Europe de l’Ouest post guerre froide avec le retrait d’une partie des forces militaires étasuniennes et les problèmes politiques et économiques des pays de l’Europe de l’Est et de l’ex-URSS. La signature du Traité de Maastricht a lieu en 1992, mais avant que l’Union Européenne devienne une réalité, il devra être ratifié par chacune des nations. Ceci ne cause pas de problèmes au sein de plusieurs pays, mais en France où un référendum donne un résultat de 51 % en faveur du traité il est très difficile de faire accepter ce traité à la population qui y voit des concessions sur son identité nationale. Un référendum au Danemark en 1992 rejette le traité dans une proportion de 50,7 % qu’il faudra reprendre en 1993 et ou cette fois le traité est accepté à 56,8 %. Il sera finalement ratifié par l’ensemble des pays membres de la CE en 1993. D’un point de vue social, l’Union Européenne créée une citoyenneté qui confère le droit de vivre et de travailler dans n’importe quel pays membre en plus de pouvoir participer aux élections locales et même de s’y présenter. La citoyenneté européenne se superpose aux citoyennetés nationales sans les supprimer. C’est dans ces conditions que les fondements d’une union monétaire et politique sont établis. La fin des années 1990 laisse cependant l’UE dans une situation difficile face à l’ajout potentiel de nouveaux membres, un chômage chronique, des problèmes géopolitiques dans les balkans qui soulèvent des questions sur la sécurité et des problèmes administratifs dans une Europe multiculturelle. Le Traité d’Amsterdam, signé en 1997, tentent d’adresser ces problèmes de façon plus spécifique. L’émergence de l’Union Européenne repose donc sur une série d’événements qui ont à la fois accru l’interdépendance entre les nations de l’Europe en plus d’accroître le nombre de membres de 6 en 1957 à 15 en 1995. 1952 Création de la Communauté Européenne de l’Acier et du Charbon. 11 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E 1957 Traité de Rome établissant la Communauté Économique Européenne, aussi appelée le Marché Commun. Les premiers membres sont la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Allemagne de l’Ouest. 1959 Premières réductions des tarifs. 1962 Établissement de la Politique Agricole Commune (PAC). 1967 Système de la taxe sur la valeur ajoutée (VAT). La CEE change de nom pour s’appeler la Communauté Européenne (CE). 1968 Tous les tarifs internes sont éliminés et des tarifs extérieurs communs sont établis (Marché commun). 1973 Le Danemark, l’Irlande et le Royaume Uni deviennent membres. 1979 Élection du premier parlement Européen. Le système monétaire européen entre en opération. 1981 La Grèce devient membre. 1985 Rapport de la Commission Européenne sur les recommandations pour éliminer toutes les barrières (non tarifaires) sur le commerce interne des biens et services. 1986 L’Espagne et le Portugal deviennent membres. 1988 Le Parlement Européen obtient des pouvoirs accrus. 1991 Création de l’Espace Économique Européen. 1992 Élimination des toutes les barrières commerciales à l’intérieur de la CE. 1993 Le Traité de Maastricht est adopté, la CE devient l’Union Européenne. 1995 Adhésion de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède. La Norvège refuse par référendum son adhésion. 1996 La candidature de la Turquie est rejetée mais elle obtient une union monétaire avec l’UE. 1997 Signature du Traité d’Amsterdam renforcant les politiques et institutions de l’Union Européenne. 1998 Décision sur la liste des nations qualifiées pour l’union monétaire basée sur la performance économique en 1996-97. Création de la Banque Centrale de l’Europe et du réseau des banques centrales nationales. 1999 Union monétaire (1er janvier). Les banques centrales utilisent l’euro ainsi que les gouvernements pour l’émission d’obligations. L’Angleterre, la Suède et le Danemark n’y participent pas. Grèce exclue de l’union monétaire. 2002 Utilisation des billets et pièces euro comme seul mode de paiement. 12 L ’ I N T É G R A T I O N 1952 1973 Allemagne de l’Ouest Belgique France Italie Luxembourg Pays Bas Danemark Irlande Royaume Uni 1986 9.2 1981 Grèce 1990 Réunifica tion de l’Allemagne Espagne Portugal Figure 5.1 Évolution de l’Union Européenne, 19521995. E U R O P É E N N E 1995 Autriche Finalnde Suède L’évolution de l’Union Européenne actuelle repose à la fois sur des processus géopolitiques et économiques tels une union douanière et une devise commune, mais aussi sur une expansion territoriale. Au fur et à mesure que de nouveaux membres s’ajoutent, la taille du marché européen s’accroît, de même que la variété des ressources et le potentiel des économies d’échelle. Union Européenne: problèmes et perspectives L’Union Européenne est de fait l’espace économique présentant les processus d’intégration les plus avancés. Il convient dans ces conditions de porter une analyse de sa structure organisationnelle, c’est-à-dire des grandes institutions qui la compose. L’importance de la question financière dans les processus d’intégration européenne en cours impose une considération de l’union monétaire. Il s’en suit des processus de restructuration économique sur une Europe des quinze à laquelle plusieurs nations esteuropéennes veulent adhérer. A L’Union Européenne a une structure organisationnelle qui vise à établir une entité politique supranationale. B L’union monétaire est l’un des principaux enjeux de l’espace économique européen. Sa mise en place en 1999 renforce les processus régionaux d’intégration. 13 L ’ I N T É G R A T I O N A E U R O P É E N N E C Dans la foulée de l’UE, plusieurs processus ont des impacts sur les économies européennes. L’espace économique régional s’intègre tant bien que mal à la mondialisation. D Le début du XXIe siècle en sera un d’expansion de l’Union Européenne par l’ajout des nouveaux membres et par la consolidation des intégrations existantes. Structure organisationnelle de l’Union Européenne Étant donné que l’Union Européenne est un espace économique et politique complexe, un ensemble de structures administratives ont été établies pour mettre en place les diverses politiques et réglementations. La Commission Européenne La Commission Européenne a une fonction de surveillance et de recommandation des politiques de l’UE. La Commission Européenne, en tant que pouvoir exécutif, suggère et implante les politiques de l’UE et est donc supposée représenter les intérêts de ses membres à l’intérieur de l’UE aussi bien qu’à l’extérieur. Elle est redevable seulement devant le Parlement Européen et les autres institutions de l’UE et vérifie si les membres respectent les lois et les traités. Les membres de cette commission sont nommés par les gouvernements des pays membres, mais les choix doivent être approuvés par les autres membres. Un commissaire est attribué pour chaque membre, mais l’Allemagne, la France, l’Italie, le Royaume Uni et l’Espagne, par leur poids économique et démographique se voient attribués deux commissaires chacun. Il existe donc vingt commissaires en tout, plus un président dont le poste est assuré par une rotation des pays membres. Le Parlement Européen Le Parlement situé au Luxembourg est élu par la population européenne depuis 1979. Il est consulté dans le cadre des politiques et du budget l’UE et a droit de veto sur son budget, les demandes d’admission et les accords commerciaux. Le Parlement nomme et contrôle les membres de la Commission Européenne. Sa représentation se fait par parti politique et non selon les états. Il représente donc un lieu où des partis politiques pan européens peuvent se former. Le Conseil des Ministres Le Conseil des Ministres a le pouvoir législatif, c’est-à-dire de décision. Le Conseil des Ministres, siégeant à Bruxelles, est l’instance la plus puissante de l’UE puisque qu’il a le pouvoir législatif. Composé d’un représentant de chaque gouvernement, il décide des politiques majeures qui incluent l’approbation de celles soumises par la Commission Européenne et le Parlement Européen. Selon les problèmes débattus, les membres du Conseil des Ministres changent. Par exemple, pour des questions environnementales, ce sont les ministres de l’environnement qui se réunissent alors que pour d’autres les ministres des transports, des finances ou des relations internationales peuvent se réunir. 14 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E Le Conseil décide à l’unanimité des décisions politiques majeures et sur une majorité de 70 % pour les cas de moindre importance. Le Conseil des Ministres se réunit toujours à huis clos et seulement les résultats de ses décisions en ressort et il est donc difficile de savoir comment en arrive-t-on aux décisions. Le Conseil n’est pas assujetti à l’accord des parlements nationaux, même si la nomination des ministres l’est. Le Conseil Européen Le Conseil Européen est la réunion des chefs d’état et donne les grandes orientations politiques. Les principales institutions de l’Union Européenne Le Conseil Européen est composé des chefs d’état de tous les membres de l’UE et est principalement concerné avec les affaires extérieures. Sa formation remonte à 1974, mais ce n’est qu’en 1987 qu’il est légalement constitué. Il est une rencontre spéciale du Conseil des Ministres ayant les chefs d’état des gouvernements de l’UE comme représentants ainsi que les ministres des affaires extérieures, le président de la Commission Européenne et trois commissaires. Le Conseil Européen se réunit deux fois par année. Sa principale force réside dans l’élaboration, sur une base souvent informelle, des politiques de l’UE puisque ce sont ses chefs politiques qui se réunissent. Il est en quelque sorte un centre d’impulsion pour les développements futurs des processus d’intégration. Commission Européenne Parlement Européen • • • • • • • Conseil des Ministres Conseil Européen • • • • • Pouvoir exécutif. Droit d’initiative sur les directives, règlements et décision. Assure le respect des traités et des lois de l’UE. Responsable de l’exécution des politiques communautaires. Participe aux procédures législatives. Participe à l’élaboration du budget et contrôle les dépenses communautaires. Peut demander à la Commission Européenne de faire une proposition. Nomme et contrôle la Commission Européenne. Représente les intérêts nationaux des états membres. Pouvoir législatif. Prend des décisions après avis du Parlement Européen ou en coopération ou codécision avec le Parlement. Composé des chefs d’état des pays membres. Donne à l’UE les impulsions nécessaires à son développement et définit les orientations politiques générales. Source: adapté de Saint-Girons, 1995. 15 L ’ I N T É G R A T I O N Le poids politique au sein de l’Union Européenne, 1997 E U R O P É E N N E Luxembourg Nombre de Commissaires Irlande Sièges au Parlement Européen Finlande Votes au Conseil des Ministres Danemark % de la population de l’UE Autriche Suède Portugal Belgique Grèce Pays Bas Espagne Italie France Angleterre Allemagne 0.0% 5.0% 10.0% 15.0% 20.0% 25.0% La répartition du pouvoir exécutif et legislatif au sein de l’Union Européenne ne concorde pas directement avec la répartition démographique. Les principaux pays, l’Allemagne, l’Angleterre, la France et l’Italie abdiquent en quelque sorte une partie de leur pouvoir représentatif au profit des nations européennes de plus petite taille. Le Luxembourg est le pays le plus sur représenté tandis que l’Allemagne est la plus sous représentée. Budget La mise en place des institutions et des politiques de l’UE nécessite un budget et une fonction publique supranationale de plus de 15 000 fonctionnaires qui s’ajoute déjà à la bureaucratie des pays membres. Comme tout système de type fédéraliste, il implique une redistribution géographique du budget vers les régions moins développées. La régulation du système pourrait devenir très lourde et inefficace. Cette caractéristique est sujette à la critique de plusieurs nations membres dont le Royaume Uni. 16 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E Balance budgétaire (revenus moins recettes) des pays de l’Union Européenne, 1997 (en millions d’ECU) Le budget compte pour environ 1,2 % du PIB des pays de l’Union Européenne. Deux nations, l’Allemagne et la France contribuent pour 48 % du budget qui totalisait 76.5 milliards d’Écu (approximativement 100 milliards de dollars) en 1997. Sur ce montant, 37,4 millions d’Écu sont affectés à la PAC, 25,6 pour les infrastructures et le développement régional, 4,8 pour la coopération avec les pays en voie de développement, 2,8 pour la recherche et le développement technologique et 4,7 milliards aux réserves. Il existe cependant d’importantes disparités géographiques entre les régions générant les revenus de l’Union Européenne et celles bénéficiant des recettes. Les pays contribuant le plus au budget sont ceux du « coeur », notamment l’Allemagne, les Pays Bas et le Royaume Uni. A elle seule, l’Allemagne est respondable de 13,8 % du surplus budgétaire. La plupart des pays les plus avancés de l’Europe (France, Italie, Suède, Belgique, Finlande et Autriche) ont aussi une balance positive. Les nations périphériques de l’Union Européenne, l’Irlande, l’Espagne, le Portugal et la Grèce, sont les récipiendaires du processus de redistribution de la richesse. 7% Figure 6.1 Provenance du budget de l’Union Européenne, 1997 TVA 42% 34% Droits de douane sur le commerce extérieur Taxes percues sur les échanges de denrées agricoles Perceptions sur le PIB des pays membres Autres 2% 15% 17 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E Le financement du budget de l’Union Européenne provient de plusieurs sources. La principale est la Taxe sur la Valeur Ajoutée (42 %), suivit d’une contribution relative au PIB des pays membres (34 %). Étant donné que l’UE est une union douanière fortement impliquée dans le commerce international, les droits de douane vont en partie dans ses coffres (34% du budget). B L’Union Monétaire Européenne Le problème de la monnaie au sein de l’Europe est plus flagrant que dans d’autres régions économiques. Par exemple, on ne compte que trois monnaies en Amérique du Nord, le dollar américain, le dollar canadien et peso mexicain, ce qui simplifie les échanges commerciaux à l’échelle du continent d’autant plus que le dollar américain est la monnaie du commerce international. Dans un espace économique tel que l’Europe, la diversité des langues, cultures et modèles économiques a fait en sorte de créer un contexte où les identités nationales sont très fortes avec de multiples monnaies. Compte tenu de ces conditions, pourquoi la nécessité d’une union monétaire dans une Europe où l’histoire encore récente souligne des conflits marqués tels que les deux grandes guerres mondiales, la guerre froide et la guerre civile en exYougoslavie plus récemment? La raison principale qu’il est possible de souligner est d’ordre économique. La taille des nations européennes fait en sorte qu’elles ont individuellement de la difficulté à évoluer dans une économie de plus en plus mondialisée et compétitive. En groupe, ils forment une spécialisation des forces productives qui accroît la productivité en permettant à chaque membre de développer ses créneaux et renforcer ses avantages comparatifs. Étant donné que les nations européennes échangent plus entre elles qu’avec le reste du monde, la stabilité de la monnaie est très importante pour les relations commerciales. Il importe aussi de considérer que convertir les monnaies dans le règlement des échanges commerciaux impose des frais supplémentaires qui deviennent importants dans la présence de partenaires multiples ayant chacun leur monnaie. Cette rationalité entraîne la considération d’une union monétaire. Mise en place de l’union monétaire L’union monétaire repose sur une série d’accords engendrés eux-mêmes par une série de crises qui ont ébranlé les économies européennes. Dès 1969, le Conseil Européen reconnaît la nécessité de créer une union économique et monétaire au sommet de La Haye en tentant de limiter les fluctuations de leurs devises respectives. Il faudra cependant attendre les accords de Bâle en 1972 pour que les six pays de la CEE et l’Angleterre tentent de stabiliser leurs devises selon le principe du « tunnel » et du « serpent ». Les accords de Bâle: vers la formation du Système Monétaire Européen Les accords de Bâle en 1972 créent le principe du « tunnel » et du « serpent ». Le premier autorise une fluctuation maximale de +2.25 ou -2.25% relativement au dollar US tandis que le second stipule que les monnaies européennes ne peuvent s’écarter l’une de l’autre de plus de 2.25 %. Très tôt le principe du « tunnel » et du « serpent » éprouve des difficultés causées surtout par le manque de coordination des politiques économiques des pays y participant. De 18 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E plus, le premier choc pétrolier aura des impacts variés sur les taux d’inflation au sein de l’Europe, ce qui fera fluctuer les devises de façon différente. Plusieurs banques centrales sont très réticentes à épuiser leurs réserves pour soutenir leurs monnaies face à des fluctuations et à la spéculation. Quelques mois après sa formation, l’Angleterre se retire pour être suivie par l’Italie en 1973 et la France en 1974 (cette dernière réintègre le système en 1975 pour s’en retirer en 1976). En 1976, seule la zone du mark, comprenant l’Allemagne de l’Ouest, les PaysBas, le Danemark, la Belgique et le Luxembourg, souscrit toujours aux accords de Bâle. Les autres membres de la CE laissent leur monnaie fluctuer librement. “Tunnel” A 2.25% Valeur du $US 2.25% B “Serpent” A Devise européenne A B Devise européenne B Cette figure illustre les principes du « tunnel » et du « serpent » en prenant deux devises européennes hypothétiques (A et B). Le « tunnel » varie selon la valeur du dollar US tandis que les devises se doivent de respecter l’écart maximal du « serpent ». Dans le cas contraire, la banque centrale de la nation concernée intervient pour stabiliser sa devise vis-à-vis les autres. Devant l’échec des accords de Bâle pour intégrer les pays de la CE dans un mécanisme de stabilité des taux de change et du contrôle de l’inflation, une nouvelle initiative forme le Système Monétaire Européen (SME) en 1979. Le SME a deux grands objectifs dont le premier est d’autoriser une fluctuation maximale de ±2.25 % autour d’un taux pivot que forme la création de l’Écu. Ceci libère les pays membres des fluctuations d’une devise extérieure et favorise l’harmonisation de leurs devises par une dépendance monétaire réciproque. L’Italie, l’Espagne et l’Angleterre se voient attribuer une plus grande marge de fluctuation. Le second objectif est que les banques centrales mettent 20 % de leurs réserves en or et en dollars dans le Fonds Européen de Coopération Monétaire (FECOM), organisme qui garantie en contrepartie des prêts à court et moyen terme. Dans les années 1980, le SME connaît une stabilité qui reflète l’alignement progressif des politiques monétaires des pays de la CE et le renforcement de l’Écu comme instrument de règlement entre les banques centrales. En 1992, le SME entre en crise par des mouvements de spéculation intenses qui forcent la lire italienne et la livre anglaise hors du système. Malgré les politiques de contrôle monétaire des pays européens, ce sont en réalité les marchés financiers qui déterminent la valeur des monnaies. Avec des échanges de devises qui dépassent mille milliards de dollars par jour, il est impossible pour une banque centrale d’endiguer un 19 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E mouvement de dévaluation de sa monnaie. Il est difficile d’établir des causes spécifiques à la crise monétaire européenne, mais plusieurs facteurs convergent. D’une part, l’inflation de plusieurs pays était élevée au cours des années 1970 alors que leurs devises demeuraient stables. En effet, le SME a connu peu de rajustements des devises qui le compose. D’une autre, il existait beaucoup d’incertitudes sur le ratification du Traité de Maastricht. Un des principaux objectifs du Traité de Maastricht vise la création d’une union monétaire. La composition de l’Euro 1998 Avec la ratification du Traité de Maastricht de 1992, les pays de l’Union Européenne se sont entendus pour coordonner leurs politiques économiques et fiscales et de préparer l’introduction d’une devise unique, l’Euro. L’Union Monétaire Européenne (UME) est donc en voie d’être établie selon une série d’étapes dont la première qui débute à partir de 1990 a permit la liberté des mouvements de capitaux et des stratégies visant la baisse des fluctuations entre les monnaies. La seconde qui a débuté en 1994, vise la création de banques centrales formant l’Institut Monétaire Européen (IME) ainsi que l’élaboration des mécanismes supportant une devise unique. La dernière, qui se met en place à partir de 1997, est l’union monétaire comme telle et est entré en vigueur le premier janvier 1999. Cependant, le Danemark et l’Angleterre ont décidé de retarder l’application de l’union monétaire tandis que la Grèce ne respecte pas encore les critères d’adhésion. Le premier janvier 2002, l’euro deviendra la seule monnaie ayant cours légal au sein de l’Union Européenne. Pour qu’elle se réalise, les pays de l’UE devront respecter un ensemble de critères, dits de convergence. Franc (Belgique et Luxembourg) 8% Autres 9% Lire (Italie) 8% Mark (Allemagne) 32% Guilde (Pays Bas) 10% Livre (Angleterre) 13% Franc (France) 20% A eux seuls, le Mark et le Franc totalisent plus de 50 % de la valeur de l’Euro. Ce poids soulève des polémiques surtout auprès de nations de plus petite taille qui craignent de voir leur politique monétaire contrôlée par les grands de l’Union Européenne que sont l’Allemagne et la France. Les critères de convergence de Maastricht L’union monétaire implique plusieurs aspects dont la renonciation pour une nation de faire varier le taux de change de sa monnaie. Il se crée ainsi une relation entre les marchés financiers des nations impliquées au point où chacun des éléments à une incidence marquée sur les autres. Un problème peut survenir si les nations ayant une union monétaire n’ont pas une convergence de leurs systèmes politiques, 20 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E économiques et monétaires. Par exemple, un haut taux d’inflation impose des ajustements dans la valeur des devises qui dans le contexte d’une union monétaire sont très déstabilisateurs pour les autres nations. Il importe donc pour avoir une union monétaire de respecter certains critères assurant une stabilité et une convergence économique. Le Traité de Maastricht stipule les critères suivants: • Le taux d’inflation d’une nation ne doit pas excéder de plus de 1.5% le taux moyen des trois états membres de l’UE ayant les taux d’inflation les plus faibles. Cette valeur était de 2,4% pour 1996. De hauts taux d’inflation font baisser le pouvoir d’achat et forcent l’augmentation des salaires. • Les taux d’intérêts à long terme ne doivent pas dépasser de 2% ceux des trois pays ayant les taux d’intérêts les plus faibles, soit une valeur de 8,1% pour 1996. De hauts taux d’intérêts attirent les investissements extérieurs mais attisent l’inflation. • La dette publique et le déficit ne doivent pas être supérieur à 60% et 3% du PIB respectivement. En effet, une nation ayant un fort déficit et un haut niveau d’endettement déstabilise sa monnaie parce qu’elle a besoin d’emprunter sur les marchés financiers, souvent extérieurs. • Les de la monnaie par rapport aux autres états membres, c’est-à-dire ±2.25 %, doivent être respectées pendant au moins deux ans avant l’entrée en vigueur l’union monétaire. Ce critère entre en application à partir de 1997 et démontrera la stabilité d’une monnaie et le niveau de contrôle d’une nation sur sa devise. marges de fluctuation Les critères exigent donc une convergence des objectifs monétaires (inflation, taux d’intérêts et fluctuations de la monnaie) des nations ainsi que de leurs objectifs financiers (dette et déficit public). Les objectifs monétaires sont plus faciles à réaliser que les objectifs financiers puisque ces derniers se rapportent à des facteurs structurels des économies tandis que les premiers sont davantage conjoncturels. Les critères les plus important pour la formation de l’euro restent cependant les objectifs monétaires que presque tous les pays membres de l’UE ont atteints. 21 L ’ I N T É G R A T I O N Les critères de convergence de l’union monétaire, 1996 E U R O P É E N N E Suède Pays-Bas Luxembourg Italie Irelande France Finlande Espagne Danemark Belgique Autriche Convergence financière Angleterre Convergence monétaire Allemagne -10 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 La plupart des pays de l’Union Européenne (11 des 15 membres) ont atteint l’objectif de convergence monétaire (indice plus petit que 0), ce qui implique que leurs devises respectives ont peu de fluctuations et confèrent une stabilité future à l’union monétaire. L’objectif de convergence financière est beaucoup plus difficile à atteindre. Un seul pays, le Luxembourg, avait atteint cet objectif en 1996. Des progrès importants sont effectués au point de vue du déficit puisque la plupart des pays de l’Union Européenne vont atteindre cet objectif. La dette gouvernementale est beaucoup plus difficile à circonscrire dans un laps de temps court puisqu’elle est généralement cumulée sur une longue période de temps et que son remboursement l’est tout autant. Certains stipulent que la politique monétaire n’est pas très corrélée à la politique fiscale et que donc le déficit d’une nation et sa dette, si raisonnables, auront peu d’effets sur la stabilité d’une monnaie. L’institut Monétaire Européen L’Institut Monétaire Européen (IME) fut crée en 1994 en vue de préparer l’union monétaire. Il représente la seconde étape d’un processus qui en comprend trois et dont les bases furent établies en 1988 par le Conseil Européen. • La première étape vise une plus grande convergence de la performance économique en renforçant la coordination des politiques économiques et monétaires des membres. Elle débute en 1990. • La établit à partir de 1993 les institutions de base de l’union monétaire telles l’IME. seconde étape • Avec la troisième étape les taux de change entre les devises européennes commencent à être fixés avec l’introduction d’une devise unique qui remplace les devises nationales. Le système européen des banques centrales est alors responsable des politiques monétaires, des taux de change, des réserves de devises et du système de règlement des paiements. 22 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E Cette étape marque la fin de l’Institut Monétaire Européen par la création de la Banque Centrale Européenne qui gére un réseau de banques centrales. Conséquences et impacts de l’union monétaire L’union monétaire renforce la division du travail et la spécialisation régionale. Dans une union monétaire le facteur prédominant de localisation des activités économiques devient la politique salariale puisque la plupart des autres facteurs (imposition, lois, subsides) sont harmonisés. Il en résulte une division accrue du travail et le renforcement des spécialisations régionales. Les marchés de biens et services deviennent plus intégrés et plus efficaces. Pour les entreprises plusieurs avantages en ressortent dont un plus vaste marché permettant des économies d’échelle mais aussi des économies sur les frais de transaction entre différentes devises à l’échelle européenne. Ceci s’intègre aussi dans un processus de consolidation industrielle et financière à l’échelle de l’Europe. L’harmonisation des taux d’intérêts rendra la valeur de la devise uniforme sur l’ensemble de l’Europe prévenant ainsi la spéculation. Il est souhaité que l’Euro devienne une force dans le système monétaire international dominé par le dollar étasunien et le yen japonais. Cependant, l’application de l’union monétaire ne risque pas de toucher initialement l’ensemble des pays membres de l’Union Européenne et ce principalement pour des raisons de stabilité des devises. Les divises de la Belgique, des Pays Bas, du Luxembourg, de l’Allemagne, de la France, de l’Autriche et de l’Irlande ont une forte convergence. C La restructuration des économies européennes Il est important de noter que l’UE est un processus en cours et non un ensemble de changements radicaux des conditions. En général, l’Europe à un retard technologique sur les États-Unis et le Japon qui rendent les firmes européennes moins compétitives face aux processus de mondialisation. Cette condition ajoutée aux processus d’intégration de l’Europe par le marché commun et l’union monétaire ainsi qu’aux changements géopolitiques en Europe de l’Est impose une restructuration des économies européennes sur plusieurs points qu’il convient de considérer. Les structures économiques régionales Les échanges internes de l’UE ont cru deux fois plus rapidement que ses échanges externes qui comptent pour 17 % des transactions mondiales. 75 % du commerce européen est interne. La nature des échanges agricoles internes s’est modifiée avec la France et l’Italie comme principaux fournisseurs de denrées agricoles. Des stratégies européennes de localisation industrielle face aux marchés, aux ressources, à la main d’ uvre et aux grandes infrastructures de transport se mettent en place. Dans une Europe en voie d’intégration, il existe des possibilité de disparition des petites et moyennes entreprises, surtout celles évoluant dans un marché national jusqu’alors protégé, principalement pour deux raisons: 23 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E La compétition favorisée par l’enlèvement des barrières commerciales a tendance à bénéficier aux grandes entreprises qui peuvent agressivement pénétrer de nouveaux marchés Une vague de jumelages et d’acquisitions ont lieu pour que les entreprises puissent concurrencer avec le Japon et les États-Unis sur leur propre marché, mais aussi sur le marché mondial. La taxe sur la valeur ajoutée est effective sur l’ensemble du territoire de l’UE et collectée par les nations membres. Elle est prélevée à chaque fois qu’une opération à valeur ajoutée est effectuée (vente, assemblage, transport, etc.). Sa valeur représente donc la différence entre la valeur des extrants et des intrants. Cette harmonisation bénéficie aux consommateurs des pays ayant préalablement de hauts niveaux de taxation, mais nuit (inflation) à ceux qui sont dans une situation inverse. TVA de plusieurs nations européennes, 1997 0 5 10 15 20 Suède Danemark Norvège Finlande Belgique France Autriche Italie Grèce Angleterre Pays Bas Portugal Espagne Allemagne Suisse Il existe des différences significatives de la TVA au sein de l’Europe qui pourraient être sources de problèmes avec son harmonisation. Les pays scandinaves (Suède, Norvège et Danemark) verront une baisse significative des prix des biens et services, mais les revenus des gouvernements connaîtront une baisse proportionnelle. Ces nations ayant une longue tradition de protection sociale pourrait alors avoir des difficultés à financer leurs programmes sociaux. A l’autre extrémité, des pays comme l’Angleterre, les Pays Bas, le Portugal, l’Espagne et l’Allemagne verront une augmentation du prix des biens et services pouvant nuire à leur croissance économique. La Suisse, un pays non membre de l’Union Européenne a des raisons économiques de refuser l’adhésion. Son haut taux de change et sa faible TVA entraîneraient d’importantes fluctuations du prix des biens et services. 24 25 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E On observe l’émergence de grands centres de transbordement en Belgique et aux Pays-Bas ainsi que des grands axes, notamment Paris-Lyon, Trieste-Turin, ParisAmsterdam et Berlin-Vérone. Ces axes sont supportés par la mise en place d’un réseau de trains à grande vitesse (TGV) liant les grandes métropoles européennes. Les grands systèmes de distribution de personnes et de marchandises, qui préalablement avaient une dimension majoritairement nationale, font face à une orientation d’échelle européenne. Le chômage Avec l’entrée en opération de l’union monétaire, les baisses des économies locales ou régionales ne peuvent plus être atténuées par des politiques monétaires nationales. Ces fluctuations seront donc « encaissées » par le marché de la main d’ uvre locale. Si ce marché ne peut s’ajuster la conséquence directe sera le chômage. Entre 1970 et 1994, les pays membres de l’ALENA ont crée plus de 40 millions d’emplois dans le secteur privé et environ 7 millions dans le secteur public. Les pays de l’Union Européenne ont eu une performance similaire pour le secteur public, mais pour la même période environ 2 millions d’emplois dans le secteur privé ont été perdus. En 1999, le taux de chômage moyen dépassait les 10%, le double de celui de l’Amérique du Nord. Taux de chômage des pays de l’Union Européenne, 1997 Les effets de l’UE sur le chômage soulèvent beaucoup de controverses dans une Europe où ce taux avoisinait les 12 % en 1997. Il existe aussi de fortes disparités régionales avec des taux de l’ordre de 12 % en France, Italie et Allemagne et de l’ordre de 6 % en Angleterre et aux Pays Bas. Une migration des emplois, grâce aux libres mouvements des capitaux, pourrait favoriser l’Europe du Sud (péninsule ibérique, Italie du Sud et Grèce) où les salaires sont généralement plus faibles. 25 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E Le manque de compétitivité des firmes européennes peut aussi être attribué aux barrières non tarifaires que maintenaient plusieurs nations pour protéger ses secteurs économiques. La question technologique y joue aussi une part importante puisque les entreprises européennes sont en général moins productives que leurs équivalentes américaines et japonaises. Tout ajout technologique en vue d’augmenter la productivité risque donc d’accentuer le problème du chômage européen. Figure 5.1 Taux de chômage, 1974-1996 12 10 8 6 4 2 0 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 -2 1990 1992 1994 1996 Union Européenne ALENA Japon Écart UE-ALENA -4 -6 La situation de l’emploi en Europe continue de se dégrader relativement aux autres pôles de l’économie mondiale. A partir du début des années 1980 l’écart entre le taux de chômage de l’UE et celui de l’ALENA devient positif et s’est récemment accru. Sur le marché de l’emploi nord américain, les fluctuations économiques ont des conséquences directes sur le chômage, puisque le licenciement est la méthode par excellence que préconisent les entreprises américaines pour s’ajuster aux changements. La force de ce système réside dans sa capacité d’adaptation et le marché de l’emploi récupère donc beaucoup plus rapidement dans les périodes de croissance. Le marché de l’emploi des nations de l’Union Européenne est encore représentatif d’un système relativement fermé sur les influences extérieures. Il est donc pas étonnant de constater les difficiles ajustements des économies européennes dans le contexte de leur intégration. Impacts externes Sur le plan des relations extérieures qu’entretiennent les économies européennes, trois principaux impacts se démarquent: • Accords bilatéraux. Plusieurs pays européens tendent à conserver les accords bilatéraux qu’ils entretiennent avec leurs anciennes colonies, même si l’UE impose une union douanière. Il n’y a qu’à penser à l’Angleterre et le Commonwealth ainsi qu’à la France et plusieurs pays africains dont la monnaie est assujettie au Franc. 26 L ’ I N T É G R A T I O N • Firmes multinationales. • Stratégies commerciales. E U R O P É E N N E Les entreprises multinationales étrangères ouvrent des branches en Europe, par crainte de ne pouvoir avoir accès au marché. Certaines entreprises comme Ford, IBM et Coca-Cola sont plus européennes par leur étendue géographique que le sont plusieurs autres grandes entreprises d’Europe. Ceci est sujet à controverse, notamment pour les tarifs et la TVA. Il existe plusieurs différences nationales et régionales au sein de l’Europe dont doivent tenir compte les firmes. Même si l’Europe devient plus ouverte, ses cultures, langues et nationalismes préviennent des stratégies commerciales homogènes à l’échelle européenne, surtout en ce qui a trait au marketing. Les aires linguistiques de l’Europe Il importe de souligner que l’espace économique européen est une mosaïque culturelle importante composée d’aires linguistiques sans qu’aucune aire ait une dominance marquée sur les autres. L’allemand est la langue la plus parlée avec 89 millions de personnes, mais le français, l’anglais et l’italien ont des aires linguistiques importantes. Langue Allemand Français Anglais Italien Espagnol Flamand Grecque Portugais Suédois Danois Finlandais Aire linguistique 88.8 millions en Allemagne, Autriche, Belgique, Italie et au Luxembourg 63.3 millions en France Belgique, Luxembourg et Italie. 60.0 millions au Royaume Uni et en Irlande 56.4 millions en Italie. 39.2 millions en Espagne 21.1 millions aux Pays-Bas et en Belgique 10.3 millions en Grèce 9.8 millions au Portugal 9.0 millions en Suède et en Finlande 5.2 millions au Danemark 4.7 millions en Finlande Cette mosaïque culturelle est le reflet d’habitudes de vie et donc de consommation très différentes où des impératifs nationaux l’emportent sur la productivité. Ce problème est beaucoup moindre dans un espace économique plus homogène tel l’Amérique du Nord. La restructuration des grandes économies européennes • Allemagne. L’Allemagne est sans contredit la principale puissance économique de l’Europe avec ses 81 millions d’habitant et un PIB de 1 800 milliards de dollars américains. La base de l’économie allemande repose sur le libéralisme et le consensus social qui expriment une complémentarité entre les facteurs de production, la main d’ uvre et le capital. L’état intervient de façon minimale tandis que le consensus entre le patronat et la main d’ uvre est solidement établit et permet une distribution équitable de la richesse. Le système de protection sociale y est 27 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E puissant et réglementé. La réunification avec l’Allemagne de l’Est en 19891990 a imposé un stress important sur l’économie par la nécessité d’investissements dans l’ex Allemagne de l’Est pour la reconversion des infrastructures. Le modèle Allemand est d’ailleurs compromis car il impose de lourdes charges sociales que seul un accroissement de la productivité peut rencontrer. L’ouvrier allemand est le mieux payé au monde. • Tout comme l’Allemagne, la France a un système de protection sociale très élaboré, mais le libéralisme économique est moins l’apanage des politiques de l’état puisque la France est socialiste et le consensus entre les employeurs et la main d’ uvre est moins fréquent. En effet, l’état joue un rôle important dans l’économie par le biais de sociétés d’état dans plusieurs secteurs dont l’énergie et l’agriculture. La France est un important exportateur de céréales, le second au monde, et le seul pays du G7 avec le Canada et les États-Unis a avoir un excédent dans sa balance alimentaire. Le statut d’état providence impose des prélèvements massifs sur l’économie, 40 % du PIB alors que la moyenne des pays de l’OCDE est de 25 %. Au début des années 1990, la France connaît plusieurs problèmes reliés à son insertion dans l’Union Européenne et dans l’économie mondiale. Il en résulte un accroissement du chômage qui avoisine les 12 % et de la dette publique qui atteint 55 % du PIB. • Italie. L’Italie, avec une population similaire à la France et l’Angleterre, présente un espace économique où le nord riche et industriel se démarque nettement du sud pauvre et agricole. La structure industrielle est caractérisée d’une part par de très grandes entreprises (Pirelli, Fiat) et de l’autre plusieurs petites et moyennes entreprises. La production se spécialise dans les biens de consommation standard à forte intensité en main d’ uvre dans lequel le nord bénéficie d’un afflux continuel de main d’ uvre bon marché provenant des régions défavorisées du sud. Les exportations italiennes sont favorisées par une lire qui connaît une dévaluation annuelle moyenne de 2 % relativement au dollar américain. Ceci n’est pas sans causer des problèmes face à l’UME. • Royaume Uni. France. De première puissance économique au monde au siècle dernier, l’Angleterre a connu un déclin relatif continuel au cours du XXe siècle. D’un point de vue énergétique, elle possède toujours d’importantes réserves houillères et la découverte des gisements de pétrole et de gaz naturel de la Mer du Nord au début des années 1970, contenant 3 % des réserves mondiales, a assuré à l’Angleterre des revenus d’exportation. La principale puissance de l’Angleterre repose sur son secteur financier, Londres étant une des trois principales bourses au monde avec New York et Tokyo. Par exemple, le secteur de l’assurance génère 10 % du PIB de la nation. 28 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E La réunification allemande: vers un rééquilibrage économique régional L’occupation de l’Allemagne par les forces alliées à partir de 1945 (États-Unis, France, Angleterre et URSS) a divisé l’Allemagne en deux entités politiques distinctes, la République Fédérale Allemande (Allemagne de l’Ouest) et la République Démocratique Allemande (Allemagne de l’Est). Cette situation perdura durant toute la période de la Guerre Froide, soit de 1949 à 1989. L’écroulement du bloc communiste à partir de 1989 a entraîner des changements politiques et économiques majeurs en Europe de l’Est dont la réunification rapide des deux Allemagnes en octobre 1990. Même si la réunification allemande est un événement majeur dans le processus d’intégration européenne, accroissant de ce fait la taille du marché, de nombreux problèmes furent soulevés. La base même des problèmes de la réunification allemande repose sur les différences économiques régionales entre les Lander (provinces) de l’ouest et de l’est. Il est même possible d’avancer qu’il s’agit d’un processus d’intégration entre une économie avancée et une économie en voie de développement. La productivité de l’économie est-allemande était faible et en grande partie supportée par le gouvernement. L’ex-Allemagne de l’Est a fait face à plusieurs problèmes dont des pénuries de logements et le chômage. Le nouveau gouvernement fait face à des déficits budgétaires forçant un accroissement de la taxation, une baisse des subsides, la privatisation de certains secteurs et une baisse des dépenses dans les services sociaux. Les perspectives à moyen terme laisse entrevoir une croissance très significative du poids de l’Allemagne au sein de l’UE, pouvant atteindre la dominance. Ceci est plutôt vu d’un mauvais il par les autres acteurs européens, notamment la France et l’Angleterre, et ce pour des raisons historiques. En effet, deux fois au cours du XXe siècle l’Allemagne a tenté de prendre le contrôle de l’Europe. D L’expansion de l’Union Européenne L’Union Européenne est une entité dynamique et en expansion. Rappelons en premier lieu les principales étapes dans les processus d’intégration ayant mené à la formation de l’UE ainsi que les pays pouvant s’y intégrer. • Les membres fondateurs • La première expansion eu lieue à partir de 1973. Le Danemark, l’Irlande et l’Angleterre s’ajoutent alors. • La deuxième expansion • La troisième expansion du Traité de Rome sont au nombre de six: Allemagne de l’Ouest, France, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg. devient membre. survient à partir de 1981 lorsque la Grèce eu lieue à partir de 1986. Il implique l’ajout de l’Espagne et du Portugal ainsi que de la réunification allemande. 29 L ’ I N T É G R A T I O N • La quatrième expansion • La cinquième expansion E U R O P É E N N E se réalise à partir de 1995 avec l’adhésion de l’Autriche, la Finlande et la Suède. impliquera au début du XXIe siècle les pays de l’AELE et plusieurs pays de l’Europe de l’Est2. Il est fortement possible qu’au début du XXIe siècle plusieurs ajouts se feront au sein de l’UE. La logique derrière cette volonté d’expansion est simple : assurer que l’Europe soit en mesure de concurrencer avec les pôles économiques nord américain et asiatique. L’intégration des pays de l’AELE Les pays qui appartenaient et qui appartiennent encore à l’AELE ont été ou sont les meilleurs candidats à l’expansion de l’UE. L’UE reconnaît très tôt que les pays de l’AELE représentaient une des additions les plus probable, surtout à cause des nombreuses similarités avec les pays de l’UE. En effet, il s’agit d’économies avancées qui contribueront positivement au budget de l’UE et seront peu bénéficiaires des plans d’aide et de restructuration qu’une adhésion imposerait. L’année 1993 marque la création de l’Espace Économique Européen créant une zone de libre-échange entre l’UE et l’AELE. Compte tenu que 61 % des importations de l’AELE proviennent de l’UE et que 55 % de ses exportations s’y dirige, l’intégration au marché commun est prioritaire. En 1995, l’Autriche, la Finlande et la Suède ont adhéré à l’UE, augmentant son PIB de 7 % et sa population de 6 %. Les effets de cette adhésion peuvent se résumer ainsi: • Les nations de l’AELE doivent adopter la PAC, ce qui risque de nuire à leur industrie agricole fortement subventionnée. • Les barrières tarifaires élevés de l’AELE dans les secteurs industriels et des services mettent en péril plusieurs secteurs de leur économie jusque là protégés de la concurrence. • Étant donné que le PIB per capita des pays de l’AELE est d’environ 40 % plus élevé que celui de l’UE, de forts mouvements de capitaux sont à prévoir au détriment de l’AELE. L’intégration de l’Europe de l’Est et du Bassin Méditerranéen L’unification allemande fut très coûteuse mais ouvre la porte à l’intégration de plusieurs pays de l’Europe de l’Est. Suite à l’écroulement des régimes socialistes d’Europe de l’Est au cours de 1989, l’UE a modifié considérablement son agenda politique et économique. Avec la réunification de l’Allemagne, l’ex-Allemagne de l’Est devient automatiquement membre de l’UE en 1990. Ce changement fondamental a impliqué une réorganisation en profondeur de l’espace économique allemand qui a pris une décennie à se mettre en place. Il faut cependant considérer que l’Europe de l’Est a une longue histoire d’instabilité politique, dont certaines parties (les Balkans) en sont toujours les témoins. Les pays membres de Bulgarie (1995), Chypre (1990), République Tchèque (1996), Estonie (1995), Hongrie (1994), Lettonie (1995), Lituanie (1994), Malte (1990), Pologne (1994), Roumanie (1995), Slovaquie (1995), et Slovénie (1996). 2 30 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E l’UE sont en général très réticents à l’expansion en Europe de l’Est qui pourrait apporter une instabilité dans une union où les consensus sont parfois difficile à atteindre. La République Tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovénie sont les candidats les plus sérieux formant le premier groupe qui pourrait devenir membre dès 2002. Le second groupe inclut la Slovaquie et les pays Baltes, tandis que le troisième groupe comporte la Bulgarie et la Roumanie. Certaines estimations prévoient leur adhésion vers 2005-2010, mais avant d’y parvenir ces nations devront avoir une stabilité politique et économique. Sur ce point, la plupart ont des accords commerciaux avec l’UE, ce qui leur confère le statut de membre associé. Ils offrent de nouveaux marchés pour l’écoulement des produits de l’UE ainsi qu’une main d’ uvre qualifiée et à bas salaire. L’Allemagne est le point d’articulation principal du commerce entre l’UE et l’Europe de l’Est. Si l’ensemble des 10 appliquants de l’Europe de l’Est devenaient membres de l’UE, la population de cette dernière augmenterait de 30 % alors que le PIB ne connaîtrait qu’une croissance de 4 %. Attributs des Appliquants à l’Union Européenne Turquie Slovénie Slovaquie Roumanie % des exportations vers l'UE, 1995 Pologne PIB per capita, 1995 (en % de la moyenne de l'UE) Lithuanie Lettonie Population, 1996 (en millions) Hongrie Estonie République Tchèque Chypre Bulgarie 0 20 40 60 80 100 Les pays de l’Europe de l’Est ont un haut niveau de dépendance envers l’Union Européenne pour leurs exportations. Il est commun que cette dernière en compte pour plus de 50 %. Le lien économique entre l’Europe de l’Est et l’Europe de l’Ouest est donc établit, favorisant les processus d’intégration. Le principal problème n’est pas sur cette dimension, mais bien relatif au niveau de vie et au poids démographique. Le PIB per capita avec parité du pouvoir d’achat est beaucoup plus faible en Europe de l’Est, de l’ordre de 30 % du niveau de l’Union Européenne. Cet écart serait très coûteux à assumer par l’UE, d’autant plus que l’Union prévoit l’utilisation de fonds structurels pour les régions en difficulté économique. La dimension démographique changerait les relations de pourvoir au sein de l’UE car un pays comme la Pologne avec ses 38,6 millions d’habitants irait chercher environ 8 votes au conseil des ministres, 64 sièges et 2 commissaires, lui conférant un pouvoir politique équivalent à l’Espagne. L’intégration de plusieurs nations du bassin de la Méditerranée (Turquie, Chypre, Tunisie, Algérie, Maroc, Malte, etc.) est plus problématique. Ils produisent des biens, 31 L ’ I N T É G R A T I O N E U R O P É E N N E tels les produits agricoles, vêtements, textiles et cuirs, similaires à ceux de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne et se butent donc au veto de ces membres de l’UE. Sur ce point la candidature de la Turquie a été suspendue pour une période indéterminée. L’espace économique européen et son expansion future Pays membre de l’Union Européenne Pays ayant soumit sa candidature Pays membre de l’Association Européenne de Libre-Échange Islande 1 - Pays Bas (1958) 2 - Belgique (1958) 3 - Luxembourg (1958) 4 - République Tchèque (1996) 5 - Slovaquie (1995) 6 - Slovénie (1996) Finlande (1995) Norvège Suède (1995) Danemark (1973) Océan Atlantique Irlande (1973) Estonie (1995) Lettonie (1995) Lithuanie (1995) Angleterre (1973) 1 2 3 Allemagne (1958,1990) Pologne (1994) Ukraine 4 5 Autriche Suisse Moldavie (1995) Hongrie (1995) Roumanie 6 Italie Croatie (1995) (1958) Bosnie Mer Noire Serbie Bulgarie (1995) Albanie Mac. Turquie (candidature en Grèce suspend) Mer Méditerranée (1981) France (1958) Portugal (1986) Espagne (1986) Russie Belarus 32