Nicolas Buffe, entre baroque et manga
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Nicolas Buffe, entre baroque et manga
PRESQUE CÉLÈBRE TEXTE: SONIA DESPREZ Photo Satoshi Asakawa, courtesy of Hermès Japon © Nicolas Buffe 16 • DANS L’AIR La Peau de licorne de Nicolas Buffe, premier prix du premier appel à création contemporaine de la Cité internationale de la tapisserie d’Aubusson. Nicolas Buffe, entre baroque et manga Photo Antoine Piechaud/Théâtre du Châtelet d Nicolas Buffe est précoce : il est rare, pour un artiste de 33 ans, d’avoir dessiné l’ensemble des décors et des costumes d’un opéra de Haydn (Orlando Paladino, actuellement au Châtelet). Surtout à sa façon singulière, qui mélange ornements baroques, dessins de mangas et codes visuels de jeux vidéo. 19/03/12 A NOUS iplômé des Beaux-Arts de Paris en 2006, Nicolas Buffe avait déjà été repéré l’année précédente par une jeune galerie qui l’avait très vite pris sous son aile. C’est là que Jean-Luc Choplin, le directeur du Châtelet, qui aime le mélange des genres, est tombé sur ses toiles, où la rencontre entre les motifs classiques ou baroques avec des personnages de la culture populaire japonaise et américaine le séduisent Et si Choplin, dès lors, fomente l’idée d’inviter le jeune Buffe à collaborer à une production de son théâtre, l’artiste ne l’attend pas pour tracer sa route. Parmi les hauts faits qui émaillent son parcours, il a gagné un concours de tapisserie contemporaine, à la cité internationale de la tapisserie d’Aubusson, avec une Peau de licorne en forme de pied de nez à la célèbre Dame à la licorne, revisité le petit chaperon rouge pour les vitrines de la maison Hermès à Tokyo, et exposé à la Maison Rouge à Paris aussi bien qu’au musée d’art contemporain de Tokyo. Le Japon à toutes les sauces, c’est parce que Nicolas Buffe vit désormais làbas, où il a épousé une native rencontrée aux Beaux-Arts de Paris. « Je n’étais pas particulièrement fan du Japon petit », se souvient ce fils d’informaticien et d’employée des Postes. « C’est juste que toute ma génération a baigné dans la culture manga sans s’en rendre compte, à travers les dessins animés que nous regardions à la télé. Aujourd’hui, quand je parle d’X-Or, Bioman ou Goldorak à des Japonais, ils trouvent que j’ai des références très pointues ! » La décision de devenir artiste et d’intégrer ces références-là dans son travail ne lui est venue que tard. Après un rapide passage à l’école d’arts appliqués Olivier de Serres, il est reçu aux Beaux-Arts de Paris, où il découvre que le dessin, qu’il pratique passionnément, n’est pas le seul moyen de s’exprimer. Ornements A cette période, il développe aussi un intérêt particulier pour les ornements Renaissance et baroques, et établit un parallèle entre cet art particulier et la culture populaire actuelle. « En 2002, j’ai fait, pour une exposition aux Beaux Arts, des tests sur le maniérisme, qui se sont révélés concluants. J’ai donc continué à travailler avec les cultures “de marge”. » Car l’ornement, pour Nicolas, c’est la marge : « De nombreux grands artistes comme Raphaël, par exemple, en ont fait sans complexe. Notre vision a été déformée au XXe siècle, lorsque l’art et l’architecture s’en sont libérés. Alfred Loos, architecte Vitrine de la maison Hermès à Ginza (Tokyo), par Nicolas Buffe. et grand précurseur de l’archi moderne, a ainsi connu un grand succès en 1908, avec un ouvrage intitulé Ornement et crime ». Sans nier les apports de ce courant (très présent dans le Bauhaus et chez Le Corbusier) Nicolas Buffe ne voit pas pourquoi il faudrait « écraser toute une période historique. » Et si dans ses grandes fresques murales en noir et blanc où fourmillent mille personnages frénétiques, Marge Simpson côtoie des héros antiques, ce garçon, qui aime se documenter avec précision, s’attache toujours, dans ses citations, à « jouer en respectant ». Au Châtelet, l’artiste accoutumé à la craie s’attaque enfin à la couleur. Ses extravagantes créations pour Orlando Paladino sauront-elles conquérir le public ? Réponse ces jours-ci. En parallèle, une balade parmi les œuvres de son expo solo, à la galerie Schirman & de Beaucé à partir du 22 mars, est vivement conseillée pour découvrir son univers à la fois baroque et contemporain. • Opéra Orlando Paladino de Joseph Haydn, les 17, 19, 21, 23 et 25 mars au Théâtre du Châtelet, 1er. Rés. : 01 40 28 28 40. Places : de 10 à 80 ¤. Du 17 au 25 mars, La Peau de licorne de Nicolas Buffe, actuellement exposée au musée d’Aubusson, sera visible au salon Nijinski du Châtelet. Une monographie consacrée à l’œuvre du plasticien vient de paraître aux éditions Dilecta. Exposition solo de Nicolas Buffe, du 22 mars au 28 avril à la galerie Schirman & de Beaucé, 9, rue du Perche, 3e. Du mardi au vendredi de 11 h à 19 h, samedi de 14 h à 19 h 30. Entrée libre.