WEEK-END

Transcription

WEEK-END
Katsura Funakoshi
舟越桂
17 mars au 30 avril 2016
Vernissage le jeudi 17 mars de 18h à 21h
Galerie Claude Bernard
7/9 rue des Beaux-Arts 75006 Paris Tél. : 01 43 26 97 07
www.claude-bernard.com
WEEK-END
VENDRE DI 15 AV RIL 2016
NU M ÉRO 10 4 5
Le Kunstmuseum
Basel inaugure son
extension
p.2
P.4
DISPARITION
DU PHOTOGRAPHE
MALICK SIDIBÉ
P.5
LE MUSÉE
DU QUAI BRANLY
VA PRENDRE LE NOM
« JACQUES CHIRAC »
2 euros
WWW.LEQUOTIDIENDELART.COM
Colloque international
L’irR ESPONSA BI LIT É
de l’Artiste
Mercredi 27
et jeudi 28 avril 2016
Entrée libre
Palais des Beaux-Arts
13, quai Malaquais
Paris 6 Informations et inscriptions
beauxartsparis.com/colloque
En partenariat avec
France Culture
et le Quotidien de l’Art
Avec le soutien
de l’Université de recherche
Paris Sciences et Lettres (PSL),
d’Artistik Rezo et
de l’Hôtel du Danube
Alberto Sorbelli
Confessions
2014
BEAUX-ARTS DE PARIS
Ministère
de la Culture et
de la Communication
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02
ÉDITO
LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045
Le Kunstmuseum Basel
inaugure son extension
PA R PH I L I PPE R É GN I E R
Quand on dit « Bâle » dans le milieu de
l’art, on pense immédiatement à la foire Art
Basel qui se déroule tous les ans au mois de
juin. La manifestation, qui a créé des boutures
à Miami Beach et à Hongkong, est aujourd’hui
sans conteste la référence des salons d’art. Il
est loin le temps où, en 1970, elle fut créée
par trois marchands bâlois, dont une autre
référence, immortalisée par sa Fondation,
Ernst Beyeler. Mais Bâle ne se réduit pas à sa
foire, et cette ville de moins de 170 000 habitants peut aussi s’enorgueillir
d’héberger l’un des principaux musées d’art d’Europe, le Kunstmuseum Basel.
Et cet engagement n’est pas récent. Le noyau de sa collection remonte à 1661
lorsque le conseil et l’université de la ville ont acquis le Cabinet Amerbach,
un ensemble comprenant notamment une centaine d’œuvres d’Hans Holbein
le Jeune. Bâle ouvrit alors le premier musée public d’Europe et l’un des
premiers au monde. Ces peintures sont aujourd’hui toujours visibles dans
l’institution qui inaugure ce week-end son nouveau bâtiment conçu par les
architectes bâlois Christ & Gantenbein. Son édifice principal, datant de 1936,
vient également de bénéficier d’une rénovation partielle. Un passage
souterrain relit dorénavant les deux architectures. La construction
LE NOUVEAU
BÂTIMENT
d’une extension était devenue indispensable pour ce musée qui ne
DISPOSE
disposait pas d’espaces pour les expositions temporaires. Chacune
AUJOURD’HUI
d’entre elles nécessitait de décrocher en partie la collection permanente
DE SALLES
d’art moderne, et les espaces lourdement cloisonnés n’offraient
SPÉCIALEMENT
aucune souplesse pour la scénographie. Le nouveau bâtiment dispose
DÉVOLUES AUX
EXPOSITIONS,
aujourd’hui de salles spécialement dévolues aux expositions, inaugurées
INAUGURÉES
avec « Sculpture on the move » conçue par le directeur de l’institution,
AVEC « SCULPTURE
Bernhard Mendes Bürgi. Cette même construction a aussi permis de
ON THE MOVE »
redéployer les collections d’après-guerre. Bâle s’était dotée en 1980 du
CONÇUE PAR LE
premier musée d’Europe dédié uniquement à l’art contemporain. Ce
DIRECTEUR DE
L’INSTITUTION ,
dernier est désormais consacré à l’art depuis 1990, avec des œuvres
BERNHARD
de Miriam Cahn, Pierre Huyghe, Douglas Gordon, Tacita Dean… La
MENDES BÜRGI
nouvelle extension du Kunstmuseum se concentre quant à elle sur
l’art des années 1950 à 1990, avec un bel ensemble d’art américain,
de l’expressionnisme abstrait à Bruce Nauman, actant le basculement de
la capitale de l’art de Paris à New York. Dans le bâtiment principal, les
collections d’art ancien et d’art moderne ont également été redéployées. Les
salles de la fin du XIXe siècle ont malheureusement perdu les dépôts de la
collection Staechelin, dont Nafea, de Gauguin, vendue pour 300 millions de
dollars au Qatar. Nina Zimmer, directrice adjointe du musée, a alors conçu un
nouvel accrochage commençant par le XVIIIe siècle français, en intégrant l’art
suisse, notamment Hodler et Böcklin, tandis que la salle des impressionnistes
a été enrichie par de nouveaux prêts de collections privées. « L’histoire est
racontée d’une autre manière », insiste la conservatrice, ce que pourra découvrir
le public ce week-end, puisque l’institution ouvre gratuitement ses portes les
17 et 18 avril.
Kunstmuseum Basel,
nouveau bâtiment.
Photo : Philippe
Régnier.
Exclusively on view at
Jan Hoet. Photo Dirk Pauwels. Courtesy S.M.A.K., Ghent
art brussels
Cabinet d’Amis:
The Accidental Collection
of Jan Hoet
Organised by EASYFAIRS
Thu 21 April – Sun 24 April
Tour & Taxis, Hôtel de la Poste
An exhibition of works from the
private collection of Jan Hoet.
Curated by Katerina Gregos
Exhibition scenography by Richard Venlet
Artists include:
Joseph Beuys, Michaël Borremans,
James Lee Byars, Marcel Broodthaers,
Cai Guo-Qiang, Thierry De Cordier,
Raoul De Keyser, Jessica Diamond,
Marlene Dumas, Jimmie Durham,
Rodney Graham, David Hammons,
Kris Martin, Mario Merz, Marisa Merz,
Cady Noland, Panamarenko,
Richard Prince, Royden Rabinowitch,
Luc Tuymans, among others.
The exhibition is made possible through
the generous sponsorship of
Anglo Belge Special Risks and Stibbe.
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BRÈVES
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LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045
LA FOIRE DESIGN MIAMI/ BASEL DÉVOILE
SES EXPOSANTS 2016
DISPARITION DU PHOTOGRAPHE
MALIEN MALICK SIDIBÉ
> Malick Sidibé est décédé hier après-midi à Bamako
des suites d’un diabète. Né en 1935 à Soloba, il étudie
à l’École des Artisans Soudanais de Bamako, puis ouvre
son studio photo en 1958 dans le quartier de Bagadadji.
Très vite, il devient une figure incontournable de la vie
cultuelle de la capitale du Mali. Il se fera une spécialité
des soirées, mariages, photographiant la jeunesse qui
découvre la musique venue d’Europe et des États-Unis,
notamment sur les pistes de danse. Ses images sans mises
en scène racontent une époque festive et insouciante.
Défendu par André Magnin, son travail a été exposé dans
les plus grandes institutions mondiales. Il a reçu le Lion
d’or de la Biennale de Venise en 2007.
> La foire Design Miami/ Basel comprendra cette année
les galeries Friedman Benda (New York), Carpenters
Workshop (Paris, Londres, New York), Alain Marcelpoil
(Paris), Kreo (Paris, Londres), VIVID (Rotterdam),
Feldt (Copenhague, Berlin), Colombari (Milan),
ALL (Los Angeles, Pékin), Heritage (Moscou), Jousse
Entreprise (Paris), Laffanour/Galerie Downtown (Paris),
Maniera (Bruxelles), Nilufar (Milan) et Patrick Parrish
(New York). La 3e édition de Design at Large, curatée
par Martina Mondadori (Cabana Magazine), présentera
trois pièces monumentales de Jean Prouvé chez Patrick
Seguin (Paris, Londres), de Kengo Kuma chez Philippe
Gravier (Paris) et de Ron Arad chez Revolution Pavilions
(New York). La deuxième édition de Design Curio
réunira les projets de Giustini Stagetti | Galleria O. Roma
(Rome), de Roehrs & Boetsch (Zürich), et de Dansk
Møbelkunst (Copenhague, Paris).
http://basel2016.designmiami.com
LE FUTUR MUSÉE D’ART ET DE DESIGN
MODERNE ET CONTEMPORAIN LIBANAIS
PRÉSÉLECTIONNE SES ARCHITECTES
Premier festival photographique
de Lagos (Nigeria). © D. R.
ART BASEL LÈVE 1 MILLION DE DOLLARS
POUR DES PROJETS ARTISTIQUES
> Art Basel a réussi à lever 1 million de dollars afin de
soutenir 37 projets artistiques à buts non lucratifs dans
le monde, a annoncé la foire, qui se tiendra à Bâle du
16 au 19 juin 2016. La « Crowdfunding Initiative » a été
lancée en septembre 2014. Elle permet d’aider, grâce à
la récolte de « micro-donations », des projets en Chine,
en Angleterre, aux États-Unis… Parmi eux figurent des
programmes explorant l’art de la performance dans le
monde arabe ou l’extension du premier festival de photo
à Lagos, au Nigeria. La Ghetto Biennale (Port-au-Prince,
Haïti), The Land Foundation (Chiang Mai, Thaïlande),
le musée MOCAD de Détroit, aux États-Unis, ou encore
le SOMA de Mexico ont pu bénéficier de cet apport pour
réaliser des projets.
www.artbasel.com/crowdfunding
> L’Association for the Promotion and Exhibition of the
Arts in Lebanon (APEAL) a sélectionné 13 architectes
parmi 66 candidats d’origine libanaise provenant de
16 pays afin de construire un nouveau musée dédié à
l’art et au design moderne et contemporain libanais. Le
lauréat sera annoncé à l’automne 2016, et la livraison
du bâtiment prévue en 2020. Il sera construit sur le
site du musée national et de l’université Saint-Joseph,
à Beyrouth. Présidé par Lord Peter Palumbo (président
du Pritzker Prize), le jury réunira notamment Julia
Peyton-Jones et Hans Ulrich Obrist (Serpentine Gallery),
Rodolphe el-Khoury (urbaniste, professeur à l’University
of Toronto), Lamia Joreige (artiste) et Farès el-Dahdah
(architecte, professeur à la Rice University, Houston). Il
devait aussi compter Zaha Hadid, avant sa disparition
brutale. Dans les mois à venir, devraient être révélés le
nom officiel de l’institution et l’identité de son directeur.
http://www.amuseuminthemaking.com
Vue de Beyrouth.
© 2015 A Museum
in the Making.
Photos : Roger
Moukarzel.
/…
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05
BRÈVES
LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045
Pablo Picasso, Couple à l’oiseau, 1969,
huile sur toile, 130 x 162 cm,
Anthax Collection Marx, Prêt de longue durée
à la Fondation Beyeler, Riehen/Bâle. © 2016,
Succession Picasso / ProLitteris, Zürich.
L’ANTHAX
COLLECTION
MARX
CONSENT UN
IMPORTANT
DÉPÔT À LA
FONDATION
BEYELER
LE MUSÉE DU QUAI BRANLY VA PRENDRE
LE NOM « JACQUES CHIRAC »
> Stéphane Martin, président du musée du quai Branly,
l’avait laissé entendre dans le Quotidien de l’Art du 7 mars
2016. À l’occasion de ses dix ans, le musée du quai Branly
va changer de nom et s’appeler « Musée du quai Branly Jacques Chirac », en hommage à l’ancien président de la
République, à l’origine de la création, en 2006, de cette
institution. Stéphane Martin en a fait la proposition,
après avoir consulté la famille de l’ancien chef de l’État,
qui ne souhaite cependant pas « personnaliser » ce choix
en abrégeant son nom à « Musée Jacques Chirac ».
La demande a été transmise aux deux ministères de
tutelle, Culture et Recherche. Le décret officialisant le
changement pourrait intervenir pour l’inauguration, le
20 juin, de l’exposition « Jacques Chirac ou le dialogue
des cultures », qui se tiendra jusqu’au 9 octobre. « Ce sera
une grande première, française et peut-être internationale,
qu’un musée reçoive un nom du vivant de son créateur », a
dit un porte-parole du musée.
> Treize œuvres de l’Anthax Collection Marx vont faire
l’objet d’un prêt de longue durée à la Fondation Beyeler, à
Riehen, près de Bâle, résultat d’une négociation entamée
en 2013. Le lot comporte principalement des peintures
de Pablo Picasso, mais aussi des sculptures d’Alberto
Giacometti et de Constantin Brancusi. Du 1er mai au
14 août, 9 toiles de Pablo Picasso issues de cette collection
privée seront montrées aux côtés d’une sélection d’une
dizaine d’autres créations du peintre espagnol conservées
dans la collection permanente de la Fondation Beyeler,
dotée au total de 34 œuvres de l’artiste. La ville de
Riehen, où se trouve la fondation, se situe à proximité
immédiate du lieu de naissance du docteur Erich Marx,
collectionneur qui, par ce geste, a souhaité marquer ses
liens privilégiés avec la région.
http://www.quaibranly.fr
http://www.fondationbeyeler.ch/fr/Home
Toutes les
enchères en
un seul endroit
COUP DE CŒUR
Propos recueillis par
Roxana Azimi
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LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045
« Lily Hibberd explore
les origines de la captation
de la lumière »
Dans cette rubrique, nous demandons à un collectionneur de
nous dévoiler son tout dernier coup de cœur. Cette semaine, Jean
Mairet nous évoque son intérêt pour le travail de Lily Hibberd.
Lilly Hibberd,
Le passage de Vénus.
Courtesy Galerie de
Roussan, Paris.
« Toujours déstabilisé, hypnotisé ou pris de
vertige par les installations de James Turrell, les
monochromes noirs sur papier de Richard Serra et ceux
d’Yves Klein (à condition qu’ils soient présentés sans
vitre de protection), mais aussi par les grands miroirs
paraboliques d’Anish Kapoor, je ne pouvais qu’être
littéralement aimanté par Le passage de Vénus de Lily
Hibberd. C’est en décembre 2015 que je découvrais ses
œuvres à la galerie de Roussan [à Paris] et au musée des
arts et métiers à Paris. Dans cette exposition intitulée
“FIRST LIGHT - un voyage dans la lumière”, l’artiste
australienne explorait les origines de la captation de
la lumière. Au côté de documents et
matériels historiques d’observation
astronomique de la collection
du musée, en collaboration
avec des scientifiques
de différents pays, Lily
Hibberd mettait en scène
ses vidéos, des miroirs
et plexiglas peints à
l’huile, à l’encre, avec des pigments photo
luminescents et un matériau d’un noir dense et
profond.
Le Passage de Vénus, tout en les alternant, est
une synthèse des sensations éprouvées face à
chacune des œuvres évoquées plus haut. Il s’agit
d’un miroir parabolique de 40 cm de diamètre
recouvert en son centre, sur 20 cm de diamètre, de
pigments photo luminescents. Sur cette surface pigmentée
est intégrée une pastille ronde de 2 cm enduite du matériau…
ultra-noir, qui ne réfléchit pas la lumière.
Les pigments photo luminescents annulent la parabole du miroir qu’ils
recouvrent, créent l’illusion d’un disque luminescent perçu comme étant
un espace infini, percé d’un vide abyssal créé par la pastille d’ultra-noir,
l’ensemble cerné par une couronne en miroir.
L’actualité d’Anish Kapoor s’assurant dorénavant l’exclusivité d’un noir
absolu m’a rappelé le texte du physicien Étienne Klein dans le catalogue de
l’exposition de Lily Hibberd. Nous éclairant sur notre perception de la nuit,
Étienne Klein cite Arthur Rimbaud dans Les premières communions : “La nuit
vient, noir pirate aux cieux d’or débarquant”.
Lily Hibberd, l’artiste férue de science, aurait-elle damé le pion au grand Anish
Kapoor ? »
Jean Mairet.
Photo : R. W.
MONTROUGE
Par Pedro Morais
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LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045
Benjamin Efrati :
Rêves acérés
Benjamin Efrati renoue avec l’esprit des avant-gardes, à la fois à
travers la dimension conflictuelle – en s’attaquant à l’héritage du
Surréalisme – et en réactivant un esprit de bande underground
avec le collectif Miracle, mélangeant fanzines, musique ou
bande dessinée érotique. Ses conférences performances font
côtoyer la philosophie analytique et le karaoké, le Manifeste
Xénoféministe et le marquis de Sade : la pensée devient narration
et la rationalité est mise à l’épreuve du corps. Benjamin Efrati
a participé au Salon de Montrouge en 2014, et livrera une
performance avec le collectif Miracle aujourd’hui, vendredi
15 avril, au Festival Exit de la Maison des Arts de Créteil.
Benjamin Efrati,
Chercheur Aveugle,
vidéo HD, 5 minutes,
2013, japonais
sous-titré français.
MALGRÉ
L’ABSENCE
DE GROUPES
D’ARTISTES
VA -T-EN-GUERRE
DERRIÈRE DES
MANIFESTES
DOGMATIQUES,
LE TEMPS DE L A
PACIFICATION
ESTHÉTIQUE ET
DU PLURALISME
DÉSENGAGÉ
PARAÎT RÉVOLU
Le discours dominant, depuis quelques décennies, veut que le temps
ne soit plus aux avant-gardes. Pourtant, il est à nouveau possible d’identifier
des positions marquées et conflictuelles en lien avec les débats dans le champ
anthropologique ou philosophique (du réalisme spéculatif à l’anthropocène,
en passant par la métaphysique des objets, l’accélérationnisme ou les
métaphysiques cannibales). Malgré l’absence de groupes d’artistes va-ten-guerre derrière des manifestes dogmatiques, le temps de la pacification
esthétique et du pluralisme désengagé paraît révolu. C’est la question que
se pose Olivier Quintyn dans l’ouvrage Valences de l’avant-garde (Questions
Théoriques, 2015), où il examine les ressources de la notion d’avant-garde
en lien avec sa capacité à être un laboratoire de critique sociale débordant le
champ esthétique.
L’artiste Benjamin Efrati s’était approprié la pensée de l’économiste Frédéric
Lordon sur la notion de valeur dans l’une de ses conférences performances
en 2012 – avant que celui-ci ne devienne l’un des maîtres à penser du
mouvement « Nuit Debout » place de la République. Il est vrai que l’artiste,
titulaire d’une formation de philosophie à Lyon avant de faire les beauxarts à Paris, n’hésite pas à se confronter aux avant-gardes historiques (son
concept de « significatogenèse » s’attaque à l’héritage surréaliste) et réactive
un esprit de bande (le collectif Miracle, dont il est cofondateur) basé sur un
modèle d’autogestion résolument underground. Genevois, il a été marqué
par la dynamique d’un lieu expérimental mythique, L’Usine, et s’investit alors
/…
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08
MONTROUGE
LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045
dans la musique (il a créé le label Narwhal Recordings
et joue actuellement dans Rhodes Tennis Court) et la bande dessinée. « J’ai
suivi l’exemple de Joann Sfar, dont je suis fan, croyant qu’il fallait faire des études
de philo pour devenir dessinateur, se souvient-il. Ensuite, j’ai mené une recherche
en philo des sciences sur l’interprétation psychanalytique du rêve, et l’idéologie
sous-jacente, dont la propagande s’est faite par le mouvement Surréaliste. Plutôt
qu’une logique du désir comme expression d’une frustration inconsciente, ayant
toujours des visées (complexe d’Œdipe par exemple), il faut envisager le rêve
comme un cadre d’expérimentation d’idées avec une fonction de simulation,
d’entraînement ». Benjamin Efrati réalise alors une comédie musicale
improvisée et des conférences performées qui mettent le discours rationnel
à l’épreuve du corps et de l’absurde. « Le rêve a une vertu adaptative : un corps
qui s’entraîne fait spontanément ce dont il a envie. Nous avons besoin d’une
fiction pour percevoir notre vie comme réelle, la signification se génère dans l’œil
du spectateur, elle n’existe pas en soi ».
Pour les performances, il s’approprie
la figure de l’ellipse chez Marx
accompagné d’une contorsionniste,
analyse les accointances du neuroSUITE DE LA PAGE 07
BEN JA MIN E FR ATI :
RÊ VE S A CÉ R É S
Benjamin Efrati,
Contraceptive Deceiver,
tourné à Genève,
Suisse, 2015.
marketing avec le marché de l’art,
tout en employant des photos et des
dessins arbitraires. « Du moment où
il est impossible de rendre compte du
monde à la façon de la théologie ou
de la psychanalyse, on ne peut qu’archiver le réel, à l’intérieur du libre jeu des
déterminismes qui nous façonnent ». Le plus troublant dans la démarche de
Benjamin Efrati, c’est sa capacité à concilier la précision de sa réflexion avec
du catch d’improvisation, voulant garder un côté amateur et potache. Cela
peut prendre la forme d’une BD érotique sur le dieu Pan ou sur Diogène,
d’une présentation en japonais phonétique apprise de mémoire, ou d’un
film d’animation pour enfants. Dans ce dernier, Dieu est un crocodile qui
cherche la cruauté, inspiré de Lautréamont et de Sade, faisant suite à une
longue recherche de l’artiste sur l’influence d’Artaud dans le buto, une danse
japonaise. « Il est fascinant de voir comment voyage un paysage d’idées, la façon
dont les cultures fabriquent l’exotisme pour justifier leur propre nécessité. Tandis
que les Surréalistes parlaient de liberté émancipatrice dans l’automatisme, la
question de la cruauté pour Artaud est la description d’une nécessité, pas d’un
choix. L’important est alors de pouvoir identifier ses propres déterminismes, de
hacker notre sensibilité et de modifier le résultat de nos capteurs sensoriels »,
conclut-il.
COMMENT ET POURQUOI BIOHACKER VOTRE CONSEILLER POLE EMPLOI ?,
le 15 avril à 17 heures, avec le collectif MIRACLE : conférences du site Droguistes,
lancement du fanzine Mystère#7 et concert de Rhodes Tennis Court, Festival Exit,
Maison des Arts de Créteil, 1 Place Salvador Allende, 94000 Créteil, tél. 01 45 13 19 19,
www.maccreteil.com/fr/mac/event/338/Home-cinema-Festival-Exit
BENJAMIN
EFRATI RÉALISE
UNE COMÉDIE
MUSICALE
IMPROVISÉE
ET DES
CONFÉRENCES
PERFORMÉES
QUI METTENT
LE DISCOURS
RATIONNEL À
L’ÉPREUVE DU
CORPS ET DE
L’ABSURDE
Benjamin Efrati,
Fumeur Actif,
vidéo-performance,
1 minute, 2012.
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CHRONIQUE
POLITIQUE
CULTURELLE
LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045
Patrimoine
PA R GU I L L A U M E C E R U TTI
[email protected]
—
GUILLAUME
CERUTTI,
Guillaume Cerutti propose une chronique consacrée aux politiques
culturelles sous la forme d’un abécédaire.
spécialiste des politiques
culturelles
—
On considère habituellement que la politique culturelle repose sur
trois grands piliers : le patrimoine, la création, et la transmission, ce dernier
concept regroupant de manière un peu hétéroclite les enseignements
artistiques spécialisés et les actions de démocratisation culturelle. Au sein de
la politique en faveur de la création, la plus grosse partie des efforts publics
porte sur le spectacle vivant, un secteur politiquement et médiatiquement
sensible (surtout pour un gouvernement de gauche), dont les moyens qui
lui sont alloués sont en général préservés d’année en année. Au sein de la
thématique « transmission », l’éducation artistique fait également l’objet
d’une attention particulière, et est devenue depuis une décennie LA priorité
affirmée des ministres de la Culture successifs. Si bien que le patrimoine – et
plus précisément les monuments historiques – fait un peu figure de parent
pauvre ou de variable d’ajustement de la politique culturelle au cours des
dernières années.
Cette réalité se mesure d’abord à l’aune de l’état général des monuments
historiques en France, et des moyens financiers qui leur sont attribués
par les collectivités publiques. Le dernier rapport sur l’état du patrimoine
monumental date de 2007. À cette époque, 41 % des monuments
LE DERNIER
étaient en mauvais état ou en situation de péril, contre 32 %
RAPPORT SUR
cinq ans plus tôt. Il paraît évident que, presque dix ans plus tard,
L’ÉTAT DU
la situation n’aura fait qu’empirer puisque dans l’intervalle le
PATRIMOINE
nombre de monuments protégés a augmenté d’environ 2 000
MONUMENTAL
DATE DE 2007.
unités, pour atteindre aujourd’hui un total d’environ 44 000,
À CETTE ÉPOQUE,
alors que les crédits budgétaires de restauration et d’entretien
41 % DES
affectés par l’État ont stagné autour de 300 millions d’euros par
MONUMENTS
an, et qu’un tassement se fait plus récemment sentir du côté des
ÉTAIENT EN
collectivités locales. Le retard pris depuis une décennie est donc
MAUVAIS ÉTAT OU
EN SITUATION DE
considérable. On peut en constater l’ampleur partout sur notre
PÉRIL, CONTRE
territoire et dans nos cités, à commencer par Paris où l’état de
32 % CINQ ANS
certains monuments insignes est un crève-cœur. Cette situation
PLUS TÔT. IL PARAÎT
justifiera un effort exceptionnel de rattrapage au cours des
ÉVIDENT QUE,
prochaines années pour éviter de plonger le patrimoine construit PRESQUE DIX ANS
PLUS TARD, L A
dans une situation de délabrement ou d’abandon indigne de
SITUATION N’AURA
l’histoire et de l’image de notre pays.
FAIT QU’EMPIRER
Une deuxième preuve du malaise a été fournie à l’occasion
de la présentation par le ministère de la Culture du projet de
loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (loi dite
LCAP), qui est encore en discussion au Parlement et devrait être adopté
bientôt. Au sein de ce texte fleuve figuraient des dispositions inquiétantes
pour le patrimoine, notamment celle visant à créer un nouveau concept de
« cité historique » pour remplacer les dispositifs des secteurs sauvegardés, une
notion créée par André Malraux, et des zones de protection du patrimoine
/…
architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), un instrument inventé par Jack
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10
CHRONIQUE
POLITIQUE
CULTURELLE
LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045
Lang. Dans le cadre du nouveau régime envisagé par
le ministère de la Culture, le risque d’un affaiblissement de la protection du
Par Guillaume
patrimoine historique au plan local aurait été si fort qu’il a immédiatement
Cerutti
suscité une levée de boucliers de la part des associations de défense du
patrimoine, mais également, de manière plus extraordinaire, de la part de
très nombreux et importants élus. Cette mobilisation a été entendue, et les
modifications salutaires introduites par le Sénat et confirmées par l’Assemblée
nationale permettront in fine de préserver l’essentiel des dispositifs
de protection existants. Mais le fait que le ministère de la Culture
IL PARAÎT ÉVIDENT
QUE L A POLITIQUE
ait pu proposer un texte aussi éloigné de sa vocation de défenseur
EN FAVEUR DU
du patrimoine national interpelle, et est un autre révélateur du
PATRIMOINE
déclin de l’intérêt gouvernemental à l’égard de ces sujets.
DEVRA ÊTRE
Il paraît évident que la politique en faveur du patrimoine
REMISE AU CENTRE
devra
être
remise au centre de la politique culturelle, et on
DE L A POLITIQUE
CULTURELLE, ET
espère que les candidats à la prochaine présidentielle sauront
ON ESPÈRE QUE
s’en emparer. Cela doit passer d’abord par une affirmation
LES CANDIDATS
politique forte, inscrivant la stratégie et l’effort financier de l’État
À L A PROC HAINE
dans un cadre pluriannuel. C’est à hauteur d’une participation
PRÉSIDENTIELLE
de 400 millions d’euros par an pendant les cinq prochaines
SAURONT S’EN
EMPARER.
années que l’État devrait s’engager, montant que les spécialistes
considèrent nécessaire à l’entretien correct des monuments
historiques. D’autres pistes ont déjà été évoquées dans ces colonnes, telle la
relance de la politique de décentralisation et l’extension aux monuments
historiques du dispositif fiscal bénéficiant aux trésors nationaux. Il conviendra
plus généralement de redéfinir les termes du pacte qui doit unir – pour la mise
en œuvre de cette politique – l’État, les collectivités locales et les particuliers,
ces derniers étant propriétaires de la moitié des monuments protégés en France.
—
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11
CHRONIQUE
ART ET
ÉCON OMIE
LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045
Dublin, le goût des mots
PA R C H R I ST OPH E R I OUX
—
CHRISTOPHE RIOUX
EST PROFESSEUR
EN ÉCONOMIE
À LA SORBONNE
À PARIS ET
DANS PLUSIEURS
GRANDES ÉCOLES.
IL EST EXPERT
DES INDUSTRIES
CULTURELLES
—
Labélisée « City of Literature » en 2010 par l’Unesco, le moins que l’on
puisse dire est que Dublin n’usurpe pas son titre de ville littéraire. Ainsi, chaque
année, Leopold Bloom, le héros d’Ulysse de James Joyce, est célébré le 16 juin
lors du « Bloomsday », manifestation de grande ampleur qui revisite les lieux
où le personnage du roman s’est arrêté, au rythme d’une journée devenue
mythique. De même, alors que dans l’enceinte de l’université de Trinity College
se trouve le « Book of Kells », l’un des plus précieux livres d’Irlande et peut-être
du monde, Dublin regorge de bibliothèques dignes du Nom de la Rose, abrite
un Dublin Writers Museum et peut s’enorgueillir d’avoir donné naissance à
quatre Prix Nobel de Littérature. Cité du livre par excellence, Dublin était donc
l’endroit idéal pour créer un « Franco-Irish Literary Festival », qui fêtait cette
année sa dix-septième édition, du 8 au 10 avril, autour du thème « Les mots à la
bouche », la gastronomie étant l’autre grande passion dublinoise et irlandaise.
Citant en préambule de leur présentation du festival la formule d’Oscar Wilde
selon laquelle « après un bon dîner, on n’en veut plus à personne, même à sa propre
famille », Frédéric Rauser, conseiller de coopération et d’action culturelle de
l’Ambassade de France en Irlande, et Philippe Milloux, directeur et délégué
général de l’Alliance Française de Dublin, ont proposé trois jours de débats, de
lectures et de performances afin de répondre à la formule de l’écrivain irlandais.
Conçu par Christine Weld, festival manager à l’Alliance Française
de Dublin, comme un véritable menu avec « starters », « main course » et
« dessert », le festival « Les mots à la bouche » donnait notamment la parole
à des écrivains comme John Banville, Serge Joncour ou Noëlle Châtelet,
qui a lu des passages de son livre À table ! accompagnée d’une projection de
photographies et de la saxophoniste jazz Géraldine Laurent. Il se déroulait
également dans des lieux emblématiques de Dublin, à l’instar des locaux de
l’Alliance Française et du Dublin Castle, ainsi que dans le cadre imposant de la
Résidence de France à Dublin, où Jean-Pierre Thébault, ambassadeur de France
en Irlande, conviait les intervenants du festival à un dîner gastronomique
exaltant les mets et les mots et rendait hommage aux relations unissant la
littérature et les plaisirs de table. Enfin, à travers des performances culinaires
et la diffusion d’extraits d’une série d’interviews de grands chefs français
triplement étoilés réalisées par Industries Créatives Conseil (ICC), le dialogue
entre littérature et gastronomie prenait tout son sens lorsque Marc Haeberlin,
le chef de la mythique Auberge de l’Ill alsacienne, évoquait certaines recettes
restées inchangées depuis cinquante ans, telle une « Madeleine » : on ne pouvait
alors s’empêcher de penser à Marcel Proust lui-même, formant le vœu dans ses
écrits que « le texte rende son jus ».
Le Quotidien de l’Art
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SOIRÉE
Photographe :
Luc Castel
LE QUOTIDIEN DE L’ART | VENDREDI 15 AVRIL 2016 NUMÉRO 1045
Remise du Prix
Jean-François Prat 2016
au Palais de Tokyo le 13 avril
Fabrice Hergott, Anne-Sophie de Gasquet et Frédéric Brière.
Le Laureat Janis Avotinš.
Marie-Aline Prat et Jean-Denis Bredin.
Anne Consigny et Éric de Chassey.
Laurent Dassault et Michel Rein.
Arielle de Rothschild
et Frédéric Naquet.
Juliette Laffon et Daniel Templon.