TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

Transcription

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
TRIBUNAL
DE GRANDE
INSTANCE
DE P A R I S
3ème chambre 2ème
section
N°RG:
09/17076
û
N°MINUTE:
£
Assignation du :
03 Novembre 2009
JUGEMENT
rendu le 28 Octobre 2011
DEMANDERESSE
Société EXPLOITATION DE L'HEBDOMADAIRE LE POINT
SEBDO, représentée par son DG délégué Mr Franz-Olivier
GIESBERT.
74 avenue du Maine
75682 PARIS CEDEX 14
représentée par Me Renaud LE GUNEHEC de la SCP NORMAND &
ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0141,
DEFENDEURS
Monsieur Jean Marc MORANDINI
131 rue de la Pompe
75116 PARIS
représenté par Me Roland PEREZ, avocat au barreau de PARIS,
vestiaire #P0310
Expéditions
exécutoires ,,„ .,,
.
délivrées le : 7j /Mp ^
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Audience du 28 Octobre 2011
3ème Chambre 2ème section
RG 09/17076
Société THE WEB FAMILY, représentée par son gérant Monsieur
Jean Marc MORANDINI.
131 rue de la Pompe
75116 PARIS
représentée par Me Roland PEREZ, avocat au barreau de PARIS,
vestiaire #P0310
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique RENARD, Vice-Président,
Eric HALPHEN, Vice-Président, signataire de la décision
Valérie DISTINGUIN. Juge
assistés de Jeanine ROSTAL, FF Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 07 Octobre 2011
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe
Contradictoire
en premier ressort
FAITS, PROCEDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SOCIETE D'EXPLOITATION DE L'HEBDOMADAIRE LE
POINT-SEBDO est la société éditrice du magazine LE POINT et du site
Internet "lepoint.fr" dont la rubrique "MEDIAS 2.0" propose des
informations sur l'univers des médias.
Ayant constaté depuis l'année 2006, la reprise de plusieurs d'articles sur
le site "jeanmarcmorandini.com", la société SEBDO a, par acte
d'huissier du 3 novembre 2009, fait assigner devant le Tribunal de
Grande Instance de PARIS la société THE WEB FAMILY éditrice du
site internet ainsi que Monsieur Jean-Marc MORANDINI en
contrefaçon de droits d'auteur et de marques, concurrence déloyale et
parasitaire pour obtenir, outre des mesures d'interdiction et de
publication sous astreinte, paiement de dommages-intérêts ainsi que
d'une indemnité fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par huissier le 18
novembre 2010 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé
plus ample de ses prétentions et moyens, la SOCIETE
D'EXPLOITATION DE L'HEBDOMADAIRE LE POINT-SEBDO (ciaprès désignée SEBDO) demande au tribunal de :
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RG 09/17076
- condamner in solidum Monsieur Jean-Marc MORANDINI et la
société THE WEB FAMILY à lui verser :
-100.000 €au titre de la contrefaçon commise par atteinte à ses
droits patrimoniaux, ainsi que 50.000 € du chef de l'atteinte à
son droit moral,
- 100.000 € au titre de la contrefaçon des marques LE POINT,
- 150.000 € sur le fondement de l'article 1382 du code civil du
chef des actes de concurrence déloyale et de dénigrement
commis à son préjudice,
- ordonner la suppression de tous les articles litigieux sur le site
"jeanmarcmorandini.com" et de leurs adresses URL, sous astreinte de
1.000 € par jour de retard à compter de la signification de la présente
décision,
- faire interdiction aux défendeurs de reproduire tout ou partie des
articles publiés par elle, ainsi que la marque LE POINT, sous astreinte
définitive de 10.000 €par jour de retard à compter de la signification de
la présente décision,
- ordonner la publication par extraits du jugement à intervenir dans deux
organes de presse papier ou en ligne de son choix, aux frais avancés des
défendeurs sur simple présentation d'un devis,
- ordonner la publication sur la page d'accueil du site
"jeanmarcmorandini.com" dans un délai de huit jours à compter de la
signification du jugement et sous astreinte définitive de 1.000 €par jour
de retard à compter de cette date, d'un communiqué défini dans les
écritures,
- dire que cette publication devra apparaître directement sur la page
d'accueil du site "jeanmarcmorandini.com" pendant un mois, dans un
encadré, en lettres rouges sur fond blanc de 0,5 cm de hauteur, hors tout
commentaire ou publicité,
- condamner les défendeurs, in solidum à lui payer la somme de 15.000
€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les débouter de leurs demandes reconventionnelles,
- ordonner l'exécution provisoire,
- condamner les défendeurs en tous les dépens, dont distraction au profit
de son conseil.
Aux termes de dernières conclusions signifiées par huissier le 12 mai
2010 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé plus ample
de leurs prétentions et moyens, Monsieur Jean-Marc MORANDINI et
la société THE WEB FAMILY demandent au tribunal de :
- prononcer la mise hors de cause de Monsieur Jean-Marc
MORANDINI,
- dire et juger que les actes de contrefaçon des droits de propriété
intellectuelle allégués ne sont pas constitués,
- dire et juger qu'ils ont été autorisés, voire invités à publier des extraits
des publications de la société SEBDO, par envoi massif et régulier de
communiqués de presse,
-dire et juger qu'ils bénéficient à tout le moins de l'exception de revue
de presse en respectant et en reproduisant les sources,
- dire et juger qu'ils bénéficient dans leur activité de blog média, de la
liberté d'expression, d'information et de communication qui prévaut sur
les droits de propriété intellectuelle s'agissant des illustrations
pertinentes des informations éditées,
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- dire et juger qu'ils n'ont pas commis d'actes de contrefaçon de la
marque LE POINT,
- dire et juger qu'ils n'ont pas commis d'actes de concurrence déloyale
par parasitisme, ni par dénigrement au détriment de la société
demanderesse,
- débouter en conséquence la société SEBDO de l'ensemble de ses
demandes,
A titre subsidiaire,
- constater que la société SEBDO ne justifie ni de la réalité ni de
l'étendue des dommages qu'elle prétend avoir subi,
- la débouter de toute prétention indemnitaire,
- dire n'y avoir lieu à faire publier le dispositif du jugement à intervenir
et débouter la société SEBDO des demandes à ce titre,
- la condamner aux dépens,
A titre reconventionnel :
- condamner la société SEBDO à leur verser solidairement la somme de
100.000 € au titre des agissements fautifs et par dénigrement commis
à leur encontre,
- la condamner à leur verser la somme de 15.000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir sur les
demandes reconventionnelles,
- condamner la société SEBDO en tous les dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mise hors de cause de Monsieur Jean-Marc MORANDINI
Prétendant n'être que le gérant de la société THE WEB FAMILY
éditrice du site internet "jeanmarcmorandini.com" et ne pas avoir
personnellement publié les contenus litigieux, Monsieur Jean-Marc
MORANDINI sollicite sa mise hors de cause.
Mais indiquant que plusieurs articles litigieux apparaîtraient sur le site
comme "postés" par Monsieur MORANDINI, la société SEBDO entend
rechercher ce dernier, non en sa seule qualité de gérant mais également
à titre personnel comme auteur ou co-auteur.
Force est donc de constater que cette demande nécessite de se prononcer
sur son éventuelle responsabilité dans la publication des articles
litigieux et suppose par conséquent un examen préalable du fond du
litige.
Sur la contrefaçon de droit d'auteur
L'article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que
"toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le
consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est
illicite. Il en est de même pour traduction, l'adaptation ou la
transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un
procédé quelconque".
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En l'espèce, la société SEBDO, tout en faisant observer que la liste des
articles prétendument contrefaisant publiés sur le site
"jeanmarcmorandini.com" étant difficile à établir de manière
exhaustive, nécessitant selon elle une veille permanente et quotidienne
ainsi qu'une multiplication des constats et des frais d'huissiers eu égard
au grand nombre de publications, ne revendique des droits d'auteur que
sur les sept articles suivants :
- "Piaf contre Taxi 4",
- "Fremantle à prendre"
- "Karl Zéro ampute Bové"
- "Sophie Marceau exige la couverture de Paris Match"
- "M6 veut retenir ses cerveaux"
- "Endemol : Farrugia succéderait à Courbit"
- "En Corse, Nicolas SARKOZY rompt le pain avec Patrick de
Carolis";
La société THE WEB FAMILY et Monsieur Jean-Marc MORANDINI
qui ne contestent pas le caractère original des articles en cause, ni leur
reprise intégrale sur leur site internet, prétendent à titre principal que la
société SEBDO leur aurait donné une autorisation expresse et préalable
pour les diffuser. Ils soutiennent en effet que par un envoi massif et
volontaire de communiqués de presse et d'éléments d'information,
notamment sur le contenu à venir du magazine LE POINT, la société
SEBDO, par cette démarche incitative, les aurait autorisés à mettre en
ligne les contenus adressés.
Il ressort des pièces versées aux débats que par plusieurs courriers
électroniques émanant de l'agence "Patricia GOLDMAN", présentée
par les défendeurs comme le "Cabinet de conseil en communication" de
la société SEBDO et adressés entre novembre 2009 et mai 2010 à
Monsieur MORANDINI, en sa qualité de gérant de la société THE
WEB FAMILY, des extraits des contenus informationnels du magazine
LE POINT ainsi que des pages entières des numéros à venir leur ont été
régulièrement transmis, parfois la veille de la parution du magazine.
Mais outre le fait que les envois émanent d'un tiers et non directement
de la société SEBDO et qu'il n'est justifié de l'expédition de tels
communiqués de presse qu'à compter du mois de novembre 2009 alors
que les publications en cause sont intervenues entre 2006 et mai 2009,
la diffusion par une agence de communication d'extraits substantiels de
contenus d'un magazine en vue d'en assurer la promotion, ne saurait
valoir autorisation expresse d'en publier le contenu et ce, quand bien
même l'envoi de tels communiqués serait volontaire et massif.
Or, il n'est produit aucune autorisation écrite préalable de la part de la
société SEBDO qui aurait été donnée à Monsieur MORANDINI ou à
la société THE WEB FAMILY ; force est donc de constater que les
défendeurs ne rapportent pas la preuve d'avoir obtenu le consentement
de la société SEBDO à la reproduction de ses articles sur leur site
internet.
Cependant, aux termes l'article L-122-5 3° b) du Code de la Propriété
Intellectuelle, lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut
interdire, sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur
et la source, les revues de presse.
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L'exception concerne les oeuvres de journalistes et la reproduction doit
être faite pour inviter, par rapprochement ou par contraste, le lecteur à
une réflexion à partir d'un thème.
Il ne peut être contesté en l'espèce que les sept contenus litigieux,
s'apparentant à des "brèves journalistiques" par leur caractère
strictement informationnel et très concis, sont repris sur le site
"jeanmarcmorandini.com" dont le principal objet est de traiter de
l'actualité des médias et de proposer en continu de nombreuses
informations puisées dans divers médias de presse portant tous sur cette
thématique commune. Il apparaît ainsi que les articles revendiqués ont
été publiés au même titre que d'autres contenus portant toujours sur un
thème commun, à savoir l'actualité des médias et issus de sources
journalistiques variées, dans le but d'alimenter une revue de presse sur
la vie des médias en invitant les internautes à une réflexion sur le sujet,
comme en attestent les nombreux commentaires suscités par les
publications mises en ligne. Or, pour chacun des articles reproduits,
figure l'indication de leur source, la mention "Selon l'hebdomadaire LE
POINT, ou "selon le POINT', ou "selon le site internet du POINT'ou
encore "source : LE POINT' apparaissant systématiquement en début
ou en fin d'article, parfois une seconde fois dans le corps du texte ainsi
reproduit.
Les articles en cause étant par conséquent reproduits parmi d'autres
publications portant sur un thème similaire et constituant ainsi une
revue de presse sur l'actualité des médias, il ne peut être fait grief aux
défendeurs d'avoir procédé à leur reproduction intégrale, ni de les avoir
inscrits dans leur propre charte graphique, pas plus que d'avoir inséré
depuis 2008 un lien hypertexte renvoyant à l'article concerné publié sur
le site LE POINT, ces pratiques étant inhérentes à la revue de presse
dont l'objet est précisément de reproduire intégralement et sur son
propre support d'autres articles en lien avec le thème traité.
Par ailleurs, la société SEBDO ne peut sérieusement reprocher aux
défendeurs de ne pas avoir mentionné le nom du journaliste, auteur de
l'article, dès lors qu'il est indiqué de manière claire l'origine de l'article
en cause par la mention de la source de l'information, à savoir le
magazine ou le site internet LE POINT. Comme ils le font en outre
observer, de nombreux articles mis en ligne par la société SEBDO citent
des sources parmi lesquelles figurent PEXPRESS, LES ECHOS ou LA
TRIBUNE sans mention du journaliste auteur de l'article.
Enfin, la seule modification du titre de l'article repris dès lors qu'il n'est
nullement démontré en quoi elle constituerait une dénaturation de
l'oeuvre originale, ne constitue pas d'atteinte au droit moral de son
auteur.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société THE WEB
FAMILY, en publiant les sept articles revendiqués par la société
SEBDO sur le site internet "jeanmarcmorandini.com", doit bénéficier
de l'exception de revue de presse.
Les actes de contrefaçon de droit d'auteur ne sont donc pas constitués
et les demandes formées tant au titre du droit patrimonial qu'au titre du
droit moral seront rejetées.
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Sur la contrefaçon de marques
La société SEBDO qui justifie être titulaire des marques semi
figuratives n° 1214774 déposée le 6 octobre 1972, renouvelée le 6
octobre 1982, n° 1349302 déposée le 4 avril 1986, n° 1521707 déposée
le 3 mars 1989, n° 94 513 840 le 1er avril 1994 dans les classes 9,16 et
41, n° 3334695 déposée le 13 janvier 2005 dans les classes 16 et 41 et
n° 3663381 déposée le 9 juillet 2009, reprochent à Monsieur
MORANDINI et à la société THE WEB FAMILY un usage
systématique du signe LE POINT.
Outre le fait que la société SEBDO ne précise pas dans ses écritures
laquelle de ses marques ferait l'objet d'un tel usage, qu'il pourrait
cependant s'agir de la marque semi-figurative en couleur n° 3334695
enregistrée dans les classes 16 et 41 puisque désignée dans ses
conclusions comme celle correspondant à la charte actuelle du POINT
et de son site internet, force est de constater que le signe n'a été utilisé
en l'espèce par la société THE WEB FAMILY que dans l'unique
dessein de citer la source exacte de ses publications et de respecter ainsi
l'article L 122-5 3° du Code de la Propriété Intellectuelle exigeant dans
toute revue de presse l'indication du nom de l'auteur de l'article
reproduit.
Etant rappelé que 1 ' article L 713 -2 du Code de la Propriété Intellectuelle
interdit sauf autorisation du propriétaire la reproduction , l'usage ou
l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite,
pour des produits ou des services identiques à ceux visés dans
l'enregistrement, l'usage du signe LE POINT par la société THE WEB
FAMILY n'ayant d'autre but que d'identifier la source de l'information
qu'elle publie et non d'établir un quelconque lien économique avec les
services ou produits identiques à ceux pour lesquels les marques en
cause sont enregistrées, le signe LE POINT n'étant pas utilisé comme
marque, la contrefaçon n'est pas caractérisée de ce chef.
La demande formée à ce titre sera rejetée.
Sur les actes de concurrence déloyale par parasitisme et dénigrement
Selon l'article 1382 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme,
qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé à le réparer."
Le parasitisme est caractérisé dès lors qu'une personne physique ou
morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une
valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage
concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et
d'investissements.
La société SEBDO estimant intervenir dans le même secteur d'activité
que la société THE WEB FAMILY, à savoir la presse en ligne, reproche
aux défendeurs de reprendre de manière systématique et parfois avant
même leur parution officielle, les informations qu'elle publie sur son
site internet ou dans le magazine LE POINT et de s'approprier ainsi le
travail intellectuel et d'investigation fournis par ses journalistes sans en
supporter les investissements financiers.
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Outre le fait que le site de la société THE WEB FAMILY et celui de la
société SEBDO n'ont ni les mêmes contenus, ni la même finalité, le
premier ayant vocation à informer sur l'actualité des médias, l'autre
proposant une information générale sur la vie politique, sociale,
culturelle et sportive, française et internationale, la seule reprise sur le
site "jeanmarcmorandini.com d'articles de l'hebdomadaire LE POINT
ou de son site internet" ne caractérise pas à elle seule un comportement
fautif, ces publications s'inscrivant dans le cadre légal de la revue de
presse, aucun procédé déloyal ne pouvant se déduire de leur diffusion
avant la sortie en kiosque du magazine LE POINT dès lors que toutes
ces parutions sont rendues possibles par l'envoi systématique à
Monsieur MORANDINI d'exemplaires de presse, le but poursuivi par
l'expéditeur, présenté comme l'agence de communication de la société
SEBDO, étant d'assurer une promotion la plus large possible du
contenu rédactionnel de ses éditions.
La société SEBDO fait ensuite grief aux défendeurs de réduire à néant
les efforts de recherche et d'investigation qu'elle réalise, en déformant
les articles du POINT par des formulations tendancieuses. Elle cite en
exemples :
- l'article mis en ligne le 6 décembre 2006 et intitulé " le Point se prend
les pieds dans les chiffres" suivi du commentaire "visiblement les pages
médias de l'hebdomadaire...ne sont pas très au Poinfou encore " (...)
"Dans la même page, on trouve à la rubrique indiscrétions, qu 'Estelle
Denis va peut-être animer une émission politique sur M6...une info
connue depuis 15 jours... Petite forme pour le Point ?"
- l'article du 1er mars 2007 intitulé, Déprogrammation de "Brigade
Navarro....info ou intox ? avec cette observation : (...) TFl nous a fait
savoir que l'article du Point était faux / archi-faux ! "
- l'article intitulé "Ardisson à la place de Denisot, La réaction C+ en
exclu " qui remettrait en cause la véracité d'une brève de trois lignes à
paraître le lendemain dans LE POINT du 22 mars 2007,
- l'article du 15 juin 2005 intitulé "Patrick Poivre d'Arvor va bien faire
un film" qui n'aurait d'autre but, selon la société SEBDO que de
dénigrer le travail du journaliste du POINT.
Etant rappelé que le dénigrement ne présente pas un caractère fautif s'il
est présenté sous forme humoristique, caricaturale et modérée, il
apparaît en l'espèce que la plupart des articles du site
jeanmarcmorandini.com sont rédigés dans un style volontairement
caustique, destiné à susciter la polémique, la critique et l'émulation
entre les sites de presse en ligne. Il ressort du constat d'huissier de
justice établi le 20 novembre 2009 à la requête de la société THE WEB
FAMILY que ce ton humoristique se retrouve sur de nombreux sites de
presse, dont le site "lepoint.fr", comme en attestent plusieurs articles
contenant des propos moqueurs à rencontre de Monsieur MORANDINI
tels que " comme d'habitude, la presse, Jean-Marc MORANDINI en
tête, s'est emparée de ces quelques lignes sans trop vérifier" (article du
20 mars 2009), ou "quand MORANDINI s'envoie desfleurs ", titre d'un
article mis en ligne le 6 mai 2008 dans lequel sont tournés en dérision
les résultats d'audience publiés par le site de Monsieur MORANDINI.
Il ne peut donc être reproché aux défendeurs de remettre en cause une
information publiée par LE POINT dès lors que ces critiques ne
constituent pas une diffamation et que cette pratique est commune à de
nombreux sites d'information.
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Par conséquent, la société SEBDO ne caractérise pas les actes de
concurrence déloyale et parasitaire qu'elle dénonce. Ses demandes à ce
titre tant à l'encontre de Monsieur MORANDINI que de la société THE
WEB FAMILY seront rejetées.
La demande de mise hors de cause de Monsieur MORANDINI est
devenue sans objet.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts :
Monsieur MORANDINI et de la société THE WEB FAMILY
soutiennent qu'en initiant la présente procédure, la société SEBDO
aurait volontairement cherché à leur nuire. Ils prétendent en outre
qu'elle n'hésiterait pas dans de nombreux articles mis en ligne sur le
site "lepoint.fr" à dénigrer de façon récurrente l'activité journalistique
de Monsieur MORANDINI.
Il sera préalablement rappelé que l'exercice d'une action en justice
constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner
naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice,
de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol ;
En l'espèce, l'intention de nuire ou la légèreté blâmable de la part de la
société SEBDO n'est pas démontrée, celle-ci ayant pu légitimement se
méprendre sur l'étendue de ses droits.
De même, les articles critiquant l'activité journalistique de Monsieur
MORANDINI, publiés par la société SEBDO sur le site internet
"lepoint.fr", sont rédigés sur le ton de l'humour et de la moquerie, dans
un style similaire de celui des articles publiés par la société THE WEB
FAMILY et Monsieur MORANDINI. Or, comme ces derniers ont pu
le soutenir à juste titre, s'agissant de leurs propres publications, le
dénigrement ne présente pas un caractère fautif s'il est présenté sous
forme humoristique, caricaturale et modérée. Tel est bien le cas en
l'espèce. Ils ne peuvent donc se prévaloir d'aucune faute commise à
leur encontre, ni d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais de
défense exposés.
Par conséquent, leur demande reconventionnelle de dommages et
intérêts sera rejetée ;
Sur les demandes accessoires
Les circonstances de l'espèce ne commandent pas d'assortir le jugement
de l'exécution provisoire.
Il y a lieu de condamner la société SEBDO, partie perdante, aux dépens;
La société SEBDO qui succombe ne peut voir prospérer sa demande de
remboursement de frais irrépétibles ;
Elle doit être condamnée à verser à la société THE WEB FAMILY et
à Monsieur Jean-Marc MORANDINI qui ont dû exposer des frais
irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de
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l'article 700 du Code de Procédure Civile qu'il est équitable de fixer à
la somme globale de 3.000 euros ;
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant contradictoirement, en premier ressort et par
jugement mise à disposition au greffe,
- DIT que la société THE WEB FAMILY et Monsieur Jean-Marc
MORANDINI bénéficiant de l'exception de revue de presse, n'ont pas
commis d'actes de contrefaçon des droits d'auteur de la SOCIETE
D'EXPLOITATION DE L'HEBDOMADAIRE LE POINT-SEBDO en
publiant les articles suivants :
-"PiafcontreTaxi4",
- "Fremantle à prendre"
- "Karl Zéro ampute Bové"
- "Sophie Marceau exige la couverture de Paris Match"
- "M6 veut retenir ses cerveaux"
- "Endemol : Farrugia succéderait à Courbit"
- "En Corse, Nicolas SARKOZY rompt le pain avec Patrick de
Carolis";
- DIT que la société THE WEB FAMILY et Monsieur Jean-Marc
MORANDINI n'ont pas commis d'actes de contrefaçon des marques
LE POINT,
- REJETTE les demandes formées par la SOCIETE
D'EXPLOITATION DE L'HEBDOMADAIRE LE POINT-SEBDO au
titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;
- DEBOUTE la SOCIETE D'EXPLOITATION DE
L'HEBDOMADAIRE LE POINT-SEBDO de l'ensemble de ses
demandes indemnitaires ;
- DEBOUTE la société THE WEB FAMILY et Monsieur Jean-Marc
MORANDINI
de leur demande reconventionnelle de
dommages-intérêts ;
- CONDAMNE la société SOCIETE D'EXPLOITATION DE
L'HEBDOMADAIRE LE POINT-SEBDO à payer à la société THE
WEB FAMILY et Monsieur Jean-Marc MORANDINI la somme de
3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
t
- CONDAMNE la société SOCIETE D'EXPLOITATION DE
L'HEBDOMADAIRE LE POINT-SEBDO aux dépens ;
- DIT n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
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