L`équilibre macro

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L`équilibre macro
L’équilibre Macro-Economique
Jean-Pierre Damon,
octobre 1985.
La position de départ des théoriciens est la situation d’équilibre qui permet à la totalité de la production d’être soit consommée, soit utilisée comme investissement et, à ce niveau supposé d’équilibre,
correspond une hypothèse de plein emploi de la main-d’oeuvre et des machines.
L’analyse macro-économique s’attache alors à déterminer les condi tions qui réalisent les niveaux
équilibrés de la production d’une part, de la consommation et des investissements d’autre part. A ces
niveaux, mesurés en quantités, il convient d’ajouter le niveau de la masse monétaire en circulation qui
conditionne le niveau général des prix.
Cette méthode d’analyse repose sur un certain nombre d’hypothèses :
– au niveau macro-économique, on ne distingue pas les différentes sortes de biens fabriqués; toute
production donne lieu à un produit unique, utilisé indifféremment pour la consommation et l’investissement;
– la détermination des quantités produites est indépendante du niveau des prix, lequel est supposé
dépendre de la quantité de monnaie en circulation (théorie quantitative de la monnaie);
– il est fait abstraction de l’environnement international, tant en ce qui concerne les échanges de
marchandises que la valeur de la monnaie nationale.
On distingue ainsi quatre grandes fonctions dont l’ajustement correspond à la situation d’équilibre
macro-économique : production, consommation, investissement et liquidité.
Mais la stabilité et la définition de cet équilibre diffèrent selon deux grands courants de pensée : les
Néo-Classiques d’une part, les post-Keynesiens d’autre part.
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L’équilibre néo-classique
Cette école d’économistes découpe les activités économiques en autant de marchés où s’égalisent une
offre et une demande spécifiques.
1.1
Le niveau de l’emploi
Face à une offre de travail constituée de l’ensemble des travailleurs qui souhaitent s’embaucher, existe
une demande de travail qui est le fait des chefs d’entreprise. La fonction d’offre est déterminée par le niveau
du salaire réel, chaque travailleur étant supposé faire un choix entre son embauche et les satisfactions
qu’il pourra retirer du salaire qui lui sera versé. Plus le salaire réel est élevé, plus l’offre de travail sera
grande. Ainsi, l’offre de travail est une fonction croissante du taux de salaire réel.
La demande de travail émanant des chefs d’entreprise résulte d’un calcul économique mettant en
rapport le coût du travail, c’est-à-dire le salaire payé, et le produit de ce même travail pour l’entreprise.
La valeur de ce produit dépend des conditions techniques de production, la productivité du travail, et du
prix de vente de ce produit sur le marché des produits.
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Si on suppose données les conditions techniques, c’est-à-dire le matériel et l’outillage, la productivité
physique du travail est aussi donnée. Seule peut varier la productivité en valeur, c’est-à-dire le coût du
travail pour l’entreprise, le salaire. Plus le rapport entre ce salaire et le prix de vente du produit est
élevé, moins les entreprises ont intérêt à embaucher des travailleurs. Or, ce rapport, au niveau macroéconomique, n’est autre chose que le salaire réel, rapport entre le salaire nominal et le niveau général
des prix. En conséquence, la demande de travail est aussi une fonction du taux de salaire réel, mais une
fonction décroissante.
salaire réel
w
p
D
O
w
p 0
N0
Emploi N
Fig. 1 – Le niveau de l’emploi
Sur le marché du travail, tout est supposé se passer comme si l’on avait affaire à la rencontre de deux
courbes représentant chacune la continuité des offreurs et demandeurs de travail. Il existe alors un point
d’intersection et un seul qui permet l’embauche d’un certain nombre de travailleurs N0 à un certain taux
de salaire réel (w/p)0 : cf. fig 1.
Ce niveau d’emploi, ainsi déterminé sur le marché du travail, est considéré par la théorie comme un
niveau de plein-emploi. Ceci tient au fait que si d’autres travailleurs non embauchés souhaitaient l’être, ils
sont supposés réclamer un salaire supérieur au salaire d’équilibre. Par le jeu de la concurrence, supposée
pure et parfaite, un accroissement des demandeurs d’emploi doit faire baisser le niveau du salaire réclamé
ou, en termes graphiques, décaler vers le bas la courbe d’offre de travail : l’intersection avec la courbe de
demande s’effectuerait alors à un niveau de salaire inférieur et à un niveau d’emploi supérieur.
1.2
Le niveau de la production
Le niveau de l’emploi ayant ainsi été déterminée le niveau de la production se déduit automatiquement.
En effet, le produit résulte de la combinaison du travail et des machines. A un moment donné, les
machines constituent une quantité donnée. Leur rendement dépend seulement du nombre de travailleurs
qui leur sont affectés. Ce rendement peut être croissant si, à un accroissement de l’emploi, correspond un
accroissement plus fort du produit, constant si les deux accroissements relatifs sont égaux ou décroissant si
la liaison est inverse. Cette caractéristique du rendement détermine la forme de la fonction de production.
Économiquement, la situation la meilleure pour le chef d’entreprise est celle où tout accroissement de
l’emploi entraı̂nerait un accroissement de production inférieur au profit retiré sur cet accroissement. Ce
raisonnement à la limite ou à la marge, est à la base de ce qu’on appelle le calcul marginal. La situation
limite d’embauche pour une entreprise est ainsi celle où le produit marginal en valeur du travail égalise
le coût marginal du travail, c’est-à-dire fait disparaı̂tre tout profit sur cette unité marginale.
Au niveau macro-économique, on considère en général que l’ensemble des entreprises ont une fonction
de production croissante, mais dont le taux de croissance diminue constamment au fur et à mesure que
l’emploi augmente. Cette fonction correspond à la courbe Y de notre fig. 2. C’est en rapportant le volume
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L’ÉQUILIBRE MACRO-ECONOMIQUE
Produit
Y
Y0
N0
Emploi
Fig. 2 – Le niveau de la production
d’emploi préalablement déterminé sur cette courbe qu’on détermine alors le niveau de la production en
volume Y0 , niveau de plein emploi puisqu’il correspond au plein emploi de la main-d’oeuvre.
1.3
Le marché des biens et services
Comme le raisonnement présuppose l’existence d’un équilibre macro-économique, cette production
trouve automatiquement un débouché soit sous forme de consommation, soit sous forme d’investissement.
Ceci correspond, en fait, à une hypothèse supplémentaire selon laquelle les revenus distribués lors de la
production permettent l’achat de cette même production et ne donnent pas lieu à thésaurisation. Cette
hypothèse se traduit par l’existence de deux marchés nouveaux : celui des biens de consommation et celui
des biens d’investissement.
Sur chacun de ces deux marchés existent une offre représentée par les biens produits et une demande
sous la forme des revenus distribués lors de la production. L’égalisation de ces offres et de ces demandes
est toujours possible si l’on suppose que les prix sont totalement flexibles : ceci est vrai dans l’hypothèse
de concurrence parfaite où aucun vendeur ni aucun acheteur n’est susceptible d’influer à lui seul sur le
prix du marchés qui est seulement subi par chacun. Précisons seulement que, sur le marché des biens
d’investissement, la demande correspond à l’épargne, c’est-à-dire la part non consommée des revenus :
sur ce marché, le prix est, en réalité, le taux d’intérêt auquel les épargnants ont droit pour prêter aux
entreprises les moyens d’investir.
1.4
Le niveau général des prix
Si l’on peut ainsi supposer que sur les différents marchés de biens, les variations de prix permettent
d’équilibrer les offres et les demandes il n’en reste pas moins que pour l’ensemble de l’économie, doit être
déterminé un niveau général des prix. Celui-ci a été supposé indépendant des conditions de production et
d8échange. Selon la théorie quantitative de la monnaie, il doit être déterminé par la quantité de monnaie
en circulation.
Comme la thésaurisation est exclue de l’analyse, la quantité de monnaie en circulation est supposée
équilibrer très exactement la production disponible. Le prix de cette production globale, ou niveau général
des prix, s’obtient donc en rapportant le montant de la production (Y0 sur la fig. 3) à la masse monétaire
figurée par la courbe M . Cette courbe est construite de telle façon que le produit des coordonnées de
chaque point donne le même résultat : pY = M
Les prix réels, tels qu’ils s’établissent sur les marchés de biens et services spécifiques sont supposés se
répartir de part et d’autre du niveau général, celui-ci constituant une moyenne de prix.
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Produit
M
Y0
p0
Prix
Fig. 3 – Le niveau général des prix
Rappelons que le produit Y0 correspond à une situation de plein-emploi. Dès lors, toute augmentation
de la masse monétaire en circulation (par création de monnaie ou par accélération de la vitesse de
circulation) ne peut se traduire que par une hausse du niveau général des prix. Tout se passe alors comme
si la courbe M était déplacée vers la droite.
1.5
Le taux de salaire
La clôture du modèle d’équilibre néo-classique est réalisé lorsque le taux de salaire est déterminé. Or,
le taux de salaire réel (w/p)0 a été préalablement déterminé sur le marché du travail. Comme le niveau
général des prix (p0 ) est maintenant connu, le niveau du salaire nominal (w0 ) se déduit automatiquement.
w
p 0
Salaire
w0
p0
Prix
Fig. 4 – Le taux de salaire
Ainsi, sur la fig. 4, la droite (w/p)0 est le lieu des points où le taux de salaire réel est celui déterminé
préalablement. En rapportant sur cette droite le niveau général des prix (p0 ), on détermine le salaire
nominal (w0 ).
Finalement, l’analyse néo-classique met en lumière l’interdépendance des différents marchés à partir
du marché du travail. Le niveau de l’emploi étant déterminé, on en déduit le niveau de la production,
le niveau général des prix et le taux de salaire. L’économie est présentée comme un tout homogène. Si
l’on ajoute que le niveau de l’emploi est celui du plein emploi, on voit que la position d’équilibre macro-
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économique correspond à une position optimale. On peut alors en déduire des principes politiques : il
s’agit de permettre à toutes les relations de jouer parfaitement, c’est-à-dire assurer la flexibilité totale
des prix, des salaires et des taux d’intérêt.
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L’équilibre post-Keynesien
Keynes et ses successeurs se sont attachés à expliciter le comportement des échangistes sur les différents
marchés. L’interdépendance des marchés est présentée par eux comme une succession d’équilibres instantanés.
2.1
L’équilibre sur le marché des produits
Pour les Keynesiens, la demande de biens de consommation est déterminée Par le niveau du revenu
distribué (application de la propension à consommer). Le problème du prix d’équilibre sur le marché
des biens de consommation est alors remplacé par le problème de la transformation du produit réel (on
quantités) en revenu (produit en valeur). Or, à un moment donné (en statique de courte période), le prix
peut être considéré comme une donnée, donc fixe. Dans ces conditions, l’égalisation entre l’offre et la
demande de biens de consommation est automatiquement réalisée.
Taux d’intérêt
IS
i0
Y0
Revenu
Fig. 5 – L’équilibre sur le marché des produits
Il en va tout autrement sur le marché des biens d’investissement. L’équilibre sur ce marché repose
sur l’égalisation entre l’épargne et l’investissement. Or, ces deux variables sont indépendantes : l’épargne
dépend du niveau du revenu (propension à épargner) et l’investissement dépend du taux d’intérêt (par le
jeu de l’efficacité marginale du capital). Supposer, dès lors, un ajustement entre l’épargne et l’investissement, c’est poser une relation entre le niveau de revenu et le taux d’intérêt. Cette relation (fonction IS)
est une fonction décroissante du revenu par rapport au taux d’intérêt (cf. fig. 5). Tout point de la courbe
correspond à un équilibre sur le marché des biens d’équipement. Si la propension à investir augmente,
cela signifie que, pour un taux d’intérêt inchangé, le volume d’investissement est plus important, le revenu
s’accroı̂t d’autant : dans ce cas, la courbe se déplace vers le haut.
2.2
L’équilibre monétaire
L’égalisation entre l’offre et la demande de monnaie est une seconde condition de réalisation de
l’équilibre macro-économique. Or, pour les Keynesiens, la demande de monnaie dépend de deux variables :
le niveau de revenu (par la jeu de la préférence pour la liquidité) et la taux d’intérêt. Dès lors, quelque soit
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le niveau de l’offre de monnaie (qui dépend du système bancaire), l’égalisation entre l’offre et la demande
de monnaie pose une nouvelle relation entre le niveau de revenu et le taux d’intérêt : c’est la fonction LM
(cf. fig. 6).
Taux d’intérêt
LM
i0
Y0
Revenu
Fig. 6 – L’équilibre monétaire
Lorsque le niveau du revenu est faible, la demande de monnaie pour les transactions est faible. Les
encaisses de spéculation sont importantes, donc le taux d’intérêt doit être faible. Au contraire, lorsque le
revenu s’élève, les transactions exigent davantage de monnaie, ce qui raréfie la monnaie disponible pour la
spéculation et fait monter le taux d’intérêt. Il s’agit donc d’une fonction croissante du revenu par rapport
au taux d’intérêt.
On peut spécifier les deux limites de la courbe :
– il existe une limite inférieure au taux d’intérêt, correspondant à l’ouverture de la ”trappe à liquidités” : en dessous de ce niveau, aucune épargne n’accepte de s’investir.
– lorsque la monnaie disponible est toute utilisée pour les transactions, on atteint un niveau maximum
du revenu : la courbe tend vers la verticale.
Un accroissement de l’offre de monnaie correspond à un déplacement vers la droite de la courbe LM.
2.3
La conjonction des deux équilibres
Taux d’intérêt
LM
IS
i0
Y0
Revenu
Fig. 7 – La conjonction des deux équilibres
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Pour que les deux conditions d’équilibre soient réalisées il faut et il suffit qu’existe un point de concours
entre les deux courbes précédentes. L’une des courbes étant croissante et l’autre décroissante, ce point
de concours existe dans tous les cas, il détermine à la fois le niveau du revenu, donc de la production (les
prix étant donnés) et le taux d’intérêt.(fig. 7)
Ce schéma fait apparaı̂tre une contrainte pour que l’équilibre soit réalisé, que le taux d’intérêt soit
flexible sur le marché. Il fait apparaı̂tre aussi les conditions d’une action politique. En modifiant la quantité
de monnaie en circulation, les pouvoirs publics peuvent déplacer le point d’intersection des deux courbes.
2.4
L’équilibre sur le marché du travail
En ce qui concerne le marché du travail, les hypothèses Keynesiennes renversent le problème par
rapport à la problématique néo-classique. Ici le niveau de la production détermine le niveau de l’emploi.
Dès lors, dans les conditions techniques de production du moment, il est tout à fait possible que le niveau
de production déterminé précédemment ne s’ajuste pas à l’offre de travail.
Ainsi, il est théoriquement possible que le niveau de la production soit supérieur aux capacités de
travail et, dans ce cas, l’équilibre macro-économique est fictifs à prix constants : il ne peut être réalisé que
grâce à l’inflation.
Symétriquement, il se peut que le niveau de la production ne réclame l’emploi que d’une partie de
la main-d’oeuvre disponible. Dans ce cas, il y a chômage malgré la réalisation de l’équilibre macroéconomique. Il s’agit alors d’un équilibre de sous-emploi, situation qui peut être durable sans intervention
des pouvoirs publics sur l’une des courbes IS ou LM. C’est d’ailleurs cette hypothèse qui a justifié en son
temps tout l’intérêt de la théorie Keynesienne.
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