Imagine, John Lennon
Transcription
Imagine, John Lennon
Imagine, John Lennon 1971 Date de création C’est la première chanson de l’album Imagine, écrite et composée par Lennon, et produite par Phil Spector en 1971. C’est aussi l’une des plus célèbres de cet auteur. En 1971, Lennon a quitté le groupe les Beatles depuis deux ans, provoquant leur dislocation déjà en cours qui sera définitive. Il a déjà entamé une carrière solo comme Paul Mc Cartney ou Georges Harrisson. Cette chanson serait inspirée d’un poème de Yoko Ono, la femme de John Lennon, une artiste « expérimentale » qui touche à l’art sous toutes ses formes ; dans les années 1960, elle fait partie de l’avant-garde artistique new-yorkaise qui inclut le compositeur John Cage Le sens politique de la chanson Cette chanson invite à imaginer un monde « sans religion, sans pays, sans frontière, sans possession ». John Lennon a toujours assuré qu’il demandait juste à ses auditeurs « d’imaginer » pour réinventer à neuf une société avec de nouveaux codes, une nouvelle façon de structurer et de penser la société. Il faut bien sûr la replacer dans le contexte biographie de son auteur et de sa femme qui ont tous deux connus la violence de la seconde guerre mondiale dans leur enfance, elle au Japon, et lui en Angleterre, alors au plus fort de son bombardement par l’aviation allemande. A la violence de la guerre, s’est ajoutée la violence de son enfance : abandonné par sa mère, élevé par sa tante, puis récupéré par son père, repris par sa tante, puis élevé à moitié-moitié par sa mère et sa tante, tandis que son père disparaît pendant 20 ans, l’enfance de Lennon n’a été ni paisible, ni stable… il n’a jamais aimé l’école, et à régler ses comptes avec les professeurs dans de nombreuses chansons. En outre, le contexte de la guerre puis de l’après-guerre a coloré toute son enfance… la ville dans laquelle il a grandi, Liverpool, était une ville ouvrière et pauvre. Quant Sa femme Yoko Ono, a elle aussi connu des heures bien sombres au Japon pendant cette même période. Et tout comme lui, elle s’est opposé à son milieu familial pour affirmer son identité. Ces deux artistes sont des « écorchés » vifs, qui n’assument pas bien les blessures et souffrances de leur enfance. Tout deux manient plusieurs formes d’art pour exprimer leur immense sensibilité : dessin, écriture, poésie, cinéma, etc… On peut imaginer que ce monde de paix, de partage, de « communion » d’êtres humains a sans doute pris racine dans l’esprit de Lennon dans son enfance puis son adolescence et soit ensuite devenu l’un des thèmes centraux de sa vie d’adulte. Les deux artistes seront d’ailleurs un couple connu pour son engagement politique, à tel point que le président Nixon tentera de faire expulser Lennon des Etats-Unis (qui sont en pleine guerre du Viet-Nâm – voir Jimi Hendrix à Woodstock) sans y parvenir. John Lennon et Yoko Ono organisant un be-in for peace et y invitant toute la presse John Lennon a toujours eu la violence en horreur ; dans la chanson Revolution (face B de Hey Jude, d’un single des Beatles) il exprime ses idées politiques : d’accord pour créer un monde meilleur, mais sans lui s’il faut agir violemment ; d’accord pour les barricades mais si c’est pour y porter des fleurs. Cet artiste illustre à merveille le mouvement Flower power et Peace dans love des années 1967-1969. Il veut que la société change mais sans violence, sans sang, sans guerre, sans conflit, sans blessure…. En douceur. Nous l’avons évoqué à travers Jimi Hendrix et son trio « the Jimi Hendrix experience » ainsi qu’avec la chanson Vodoo Child. Nous avons évoqué comment ce mouvement est parti de San Francisco pour s’étendre à tous les Etats-Unis mais également avoir un puissant impact en Europe où il fera naître une profonde révolution sociale. A noter que la chanson Révolution a été conçue à l’origine par John Lennon dans un tempo lent et accompagné de guitare, mais le groupe Beatles en a fait un morceau qui emprunte à l’esthétique hard rock, ce qui ne plaisait pas du tout à Lennon qui a toujours préféré un pôle plus apaisé à la musique. Toutes ces idées politiques lui vaudront d’être toujours surveillé étroitement aux Etats-Unis, car il était considéré comme un gauchiste dangereux. Le texte Imagine Imagine there's no heaven It's easy if you try No hell below us Above us only sky Imagine all the people Living for today... Imagine there's no countries It isn't hard to do Nothing to kill or die for And no religion too Imagine all the people Living life in peace... You may say I'm a dreamer But I'm not the only one I hope someday you'll join us And the world will be as one Imagine no possessions I wonder if you can No need for greed or hunger A brotherhood of man Imagine all the people Sharing all the world... Refrain 2 ( comme le 1er sauf la fin) And the world will live as one La chanson s’adresse directement à l’auditeur ; il lui dit “ you/tu ”. Il l’implique dans sa chanson, et lui parle « de cœur à cœur ». C’est un appel à un monde de paix, un monde sans préjugé, sans barrière. Les paroles sont simples ; elles lui demandent d’imaginer un monde sans paradis, sans enfer, juste avec le ciel au dessus de nous ; « c’est facile, si tu essaies » dit la chanson. « Le monde ne sera qu’un » Sous ses dehors un peu « niais », un peu « nunuches », cette chanson est une véritable petite bombe qui demande à chacun de faire sauter mais tout en douceur ses convictions religieuses, politiques, et ses repères dans la société qui devient « a brotherhood of man » sans plus aucune distinction de classe sociale, de couleur de peau, de religion. Ces thèmes ont déjà été abordés dans Revolution, Get Back, Get a chance to peace composées ou pas avec les Beatles. Comme pour l’Hymne américain mis en pièce par Hendrix à Woodstock, Imagine intervient dans le contexte de la guerre dans lequel les Etats-Unis sont enlisés au Viet-Nâm depuis maintenant près de 10 ans. Elle pourrait être prise pour une belle utopie, mais John Lennon a toujours accompagné son texte d’un : « j’ai seulement dit – essaye ! » Et bien des années plus tard, l’ex-batteur Ringo Star a insisté sur les aspirations pacifistes du chanteur. La musique La chanson serait une niaiserie achevée s’il n’y avait pas le double talent de John Lennon comme musicien et de Phil Spector comme producteur. Cette chanson très sucrée est vraiment très à part dans la production de John Lennon qui n’a rien composé d’aussi « sirop » que cette chanson ; mais le sirop prend parce que : - Phil Spector, à l’enregistrement, a réussi à donner une couleur au piano vraiment très particulière ; ni vraiment là, ni vraiment absent, le piano sonne comme d’un autre monde. On dirait qu’on entend Lennon jouer à l’étage de notre propre maison, comme s’il était au dessus de nous. Il devient presque notre voisin ; ce qui efface la distance que l’on peut ressentir quand on écoute d’autres chansons. Cela renforce l’idée du « above us, only sky » - au dessus de nous (ce nous, qui nous inclut, nous, l’auditeur) juste le ciel. Cela a été possible grâce à un très savant dosage de l’utilisation de la chambre d’écho qui semble nous faire entendre un piano dans une pièce vide au dessus de nous. Phil Spector a donc longtemps cherché avant de placer ses micros puis a ensuite effectué tout un travail pour les cordes, la basse et la batterie qui n’alourdissent absolument jamais la chanson, mais renforce son tempo modéré mais bien marqué cependant. - - - - Par ailleurs, on dirait que le piano sonne un peu « faux » comme s’il n’avait pas été accordé depuis longtemps ; cela renforce le côté « spontané » de la chanson ; John arrive, trouve un vieux piano, ouvre le clavier poussiéreux et se met à improviser la chanson. Les arrangements sont très simples, mettant en lumière la voix presque à nue de John qui semble s’être mis au piano, là, à l’instant, pour improviser. Le côté « non préparé » est touchant, et donne le sentiment d’une proximité, d’une intimité avec le chanteur dont on partage pour un moment la musique comme en direct, comme s’il s’était invité dans notre monde. La voix n’est ni amplifiée, ni embellie, ni arrangée. Il y a une petite ritournelle de quatre notes - si do do# ré – qui donne une poésie, presque une mélancolie indéfinissable et qui permet de l’identifier immédiatement, de lui donner sa signature. Le tempo est lent, sans être mou, l’oscillation des accords qui se répète en fait une ballade poétique et calme, qui évoque un autre monde, un ailleurs où tout est possible Piano, chant, basse, cordes, batterie, les arrangements sont très légers et n’engluent pas la chanson dans quelque chose de trop artificiel qui lui aurait fait perdre son caractère spontané. - L’impact de la chanson La chanson, dès sa sortie, a eu un impact important sur le public des années 1970 ; c’est l’une des chansons les plus populaires, toutes catégories confondues, mais ce qui est curieux, c’est que son succès ne se soit jamais démenti ; elle est aujourd’hui encore régulièrement chantée par de très nombreux artistes, et récemment mise à l’honneur dans le contexte récent des attentats. (Bataclan, Bruxelles) Dans un autre genre, on retrouve son influence de bien des façons ; voici deux exemples parmi d’autres : - Le piano dans la chanson de Gérard Manset « il voyage en solitaire » évoque celui de John Lennon - Il y a aussi une utilisation un peu à l’identique dans les premiers albums de Coldplay, ceux-ci exagérant encore davantage le côté désaccordé du piano. Coldplay a d’ailleurs lui aussi comme des dizaines d’autres artistes, reprit Imagine. Hommage Imagine a été reprise par absolument tous les chanteurs ; cette chanson est devenue au fil du temps emblématique et plus encore après la mort tragique de John Lennon, assassiné devant chez lui en 1981 par une arme à feu : il est tragique qu’un homme qui prône la paix sans assassiné d’une façon aussi violente. Après sa mort, la chanson devient en quelque sorte son propre hymne, et il n’est pas un groupe ou un chanteur qui ne l’ait programmé au moins une fois dans ses tournées, voire enregistrés, de Lady Gaga à Chek Khaled, de Herbie Hancock à Queen, de Madonna à ray Charles ou Johnny Halliday. Suite aux tragiques attentats de 2015 et 2016 ( Paris, Bruxelles, et ailleurs) elle est systématiquement chantée. Parmi les très nombreux hommages rendus à cet artiste, on peut noter celui de l’aéroport de Liverpool, ville dans laquelle a grandi John Lennon ; l’aéroport porte son nom ; sur son plafond, est peinte de la devise « above us, only sky » tiré de la chanson.