Chicago S ymphon y Orchestra | Riccardo Muti | S amedi 2 5 e t
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Chicago S ymphon y Orchestra | Riccardo Muti | S amedi 2 5 e t
Chicago Symphony Orchestra | Riccardo Muti | Samedi 25 et dimanche 26 octobre 2014 Samedi 25 et dimanche 26 octobre 2014 Chicago Symphony Orchestra | Riccardo Muti SOMMAIRE SAMEDI 25 OCTOBRE – 20H p. 3 DIMANCHE 26 OCTOBRE – 16H p. 9 BIOGRAPHIES p. 14 SAMEDI 25 OCTOBRE 2014 – 20H Felix Mendelssohn Ouverture « Mer calme et heureux voyage » Claude Debussy La Mer entracte Piotr Ilitch Tchaïkovski Symphonie n° 4 Chicago Symphony Orchestra Riccardo Muti, direction Fin du concert vers 22h. 3 Felix Mendelssohn (1809-1847) Ouverture « Meeresstille und glückliche Fahrt » [« Mer calme et heureux voyage »] op. 27 Composition : 1828. Création privée le 7 septembre 1828 à Berlin par le compositeur, reprise le 1er décembre 1832 à la Singakademie. Effectif : piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, contrebasson – 3 trompettes, 2 cors – timbales – cordes. Durée : environ 12 minutes. Treize ans plus tôt, Beethoven donnait le même titre à une cantate, sur les mêmes deux brefs poèmes de Goethe qui, ici, ont inspiré à Mendelssohn une page purement orchestrale. Peut-être le jeune compositeur anticipait-il les longs et beaux voyages qu’il devait entreprendre à travers l’Europe entre 1829 et 1830. L’introduction évoque le calme majestueux de la mer (« un silence profond règne dans l’eau », dit le poème). L’écriture des cordes, discrètement relevées de bois, laisse lentement glisser son chant continu entre les pupitres ; les arches mélodiques sonnent comme autant d’hymnes et quelques beaux graves suggèrent une sérénité qui atteint de transparents tréfonds. L’oiseau d’une flûte solo met doucement fin à cette méditation : « la nuée se déchire, le ciel devient clair ». Car c’est l’heure de partir, et le vent se lève, essentiel à cette époque où les bateaux sont encore à voiles. L’allegro de « l’heureux voyage » se montre, lui, enthousiaste. Les thèmes sont enveloppés de motifs tournoyants où s’engouffre l’air marin. Le cantabile d’un bref thème secondaire aux violoncelles est vite balayé par le souffle impatient des violons. Si le développement ne manque pas de soulever quelques menaces d’orage, la coda signe l’arrivée, en fanfare, à bon port. 4 SAMEDI 25 OCTOBRE Claude Debussy (1862-1918) La Mer, trois esquisses symphoniques De l’aube à midi sur la mer Jeux de vagues Dialogue du vent et de la mer Composition : septembre 1903-5 mars 1905. Création : le 15 octobre 1905 à Paris par l’Orchestre Lamoureux sous la direction de Camille Chevillard. Effectif : piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, cor anglais, 2 clarinettes, 3 bassons, contrebasson – 4 cors, 3 trompettes, 2 cornets à piston, 3 trombones, tuba – timbale, grosse caisse, cymbales, triangle, tam-tam, glockenspiel (ou célesta), 2 harpes, cordes. Durée : environ 25 minutes. « La mer a été très bien pour moi, elle m’a montré toutes ses robes », écrit Debussy depuis la Normandie où il s’est attardé en longues contemplations. Mais la magistrale fresque dédiée à la mer ne sera commencée… qu’en Bourgogne (!), à l’appui « d’innombrables souvenirs » ; la continuation de l’ouvrage se poursuivra sur les bords d’une Manche plus adéquate. Le terme d’« esquisse » utilisé dans le titre renvoie à un effet frémissant et flou, très ouvert à l’imaginaire, mais obtenu au prix d’une écriture fouillée, tout en petites touches décalées, et difficile à diriger. Debussy, qui aimait sincèrement la peinture, en particulier celle de Turner et de Monet, invente ici une musique du moment présent ; le son est puissamment évocateur, non seulement d’images, mais aussi de sensations tactiles auprès des éléments : l’Eau et l’Air. D’autre part, cette « marine » doit sa juste notoriété à un langage très personnel, fait d’échelles diverses à quatre ou cinq sons, ou de gammes par tons, avec des retours inopinés à la mélodie tonale. L’orchestre émietté attire l’attention de tous les côtés ; les motifs sont valorisés, entre autres, par une percussion très figurative. Le premier volet se déroule sur un fond de clapotis sonores, analogues au fourmillement de traits horizontaux dans la peinture impressionniste ; sur cet arrière-plan se déploient des arabesques, lignes mélodiques libres, ivres d’espace. Le crescendo initial évolue de l’élément liquide indistinct, dans la semi-obscurité où roulent les timbales, jusqu’à l’éclosion de la lumière ; un motif de quatre notes, qui va habiter toute la pièce, s’élabore progressivement devant nous. Une deuxième partie est amorcée par les fameux « seize violoncelles » au lyrisme plus expressément chantant ; puis un dessin délié de flûte semble suivre, du regard, le vol agile d’un oiseau. La coda, lente et nostalgique, fait place à un choral solennel, rempli de dévotion panthéiste, qui reviendra dans le troisième mouvement ; enfin une lame de fond prodigieuse, où brille l’écume de la cymbale roulée – Debussy est un des premiers à l’utiliser ainsi – engloutit la pièce, en rappelant une fameuse estampe de Hokusaï, que le compositeur a fait reproduire sur la partition d’origine. 5 Le volet central est le plus moderne et le plus informel. Bâti en séquences librement juxtaposées, il est à la fois mystérieux par ses trémolos, ses frissons, ses incantations, capricieux par ses appels – en particulier ce petit dessin ascendant issu de Nuages – et surtout très joyeux par son va-et-vient, son kaléidoscope de motifs : c’est « la mer toujours recommencée » de Valéry. Ces visions éphémères, bouts de mélopées, allusions à l’Orient, accueillent fugitivement la danse : ici apparaît un rythme de boléro ; là s’élabore un souple et euphorique tempo de valse, aux plongeons riants et sensuels. Le tableau nous quitte en s’estompant, horizon sonore qui retourne à la brume, appels qui disparaissent, très loin… Le troisième volet est une marine plus proche que les deux autres du romantisme, des encres noires et fantastiques de Victor Hugo. Dans ce rondo, les thèmes, espacés les uns des autres par de larges tranches d’atmosphère diffuse, ont un côté volontaire, voire pathétique : l’homme, « travailleur de la mer », semble plus présent, confronté au gros temps, ou émerveillé devant de féeriques embellies. L’introduction, menaçante et ténébreuse, renvoie à certains effrois indéfinis de Pelléas. Le thème du « refrain », à la trompette bouchée, cite le premier mouvement (thème cyclique) et projette sa lumière criante, comme un phare assailli de tous côtés. Le deuxième thème, lancinant et longiligne, aux intervalles ambigus, est aussi capable de passion et d’entraînement que d’extase suspendue. Quant au troisième thème, il n’est autre que le choral entrevu à la fin du premier mouvement : « Je me suis fait une religion de la mystérieuse Nature, nous confie le compositeur. Devant un ciel mouvant, en contemplant, de longues heures, ses beautés magnifiques, une incomparable émotion m’étreint. Et insensiblement, les mains prennent des poses d’adoration... ». Celle-ci n’empêche pas les vagues de galoper, fougueux coursiers aux crescendos rythmés, jusqu’aux fanfares entrechoquées de la coda, en un jubilant raz-de-marée. Isabelle Werck 6 SAMEDI 25 OCTOBRE Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) Symphonie n° 4 en fa mineur op. 36 Andante sostenuto – Moderato con anima Andante in modo di canzona Scherzo. Allegro Finale. Allego con fuoco Composition : 1877. Première exécution publique : Moscou, le 10 février 1878, sous la direction de Nikolaï Rubinstein. Dédicace : « à mon meilleur ami » (Nadejda von Meck). Première édition : 1879 pour piano à 4 mains (arrangement de Sergueï Taneïev), 1880 pour la partition d’orchestre, P. Jurgenson, Moscou. Effectif : piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons – 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, tuba – timbales, triangle, cymbales, grosse caisse – cordes. Durée : environ 44 minutes. Écrite et orchestrée en alternance avec l’opéra Eugène Onéguine, la Quatrième Symphonie est le fruit d’une difficile maturation, et sa composition fut interrompue par une violente crise psychologique due au mariage catastrophique de l’auteur au cours de l’été. Elle inaugure ce que l’on a souvent considéré comme un triptyque malgré un relatif éloignement temporel (1878, 1888, 1893), celui des trois dernières symphonies, qui pourraient s’appeler symphonies « de ma vie », pour paraphraser Smetana. Chacune est à sa manière le reflet d’un univers intérieur hanté par le fatum (le terme latin – signifiant fatalité, destin – fut d’ailleurs le titre d’un poème symphonique de 1869 détruit par le compositeur et reconstitué après sa mort), profondément marqué par une philosophie pessimiste, qui pose sans cesse la question de la possibilité d’un espoir ou, à défaut, d’une acceptation de la réalité ô combien pénible. Ainsi, la Symphonie n° 4 se veut « la confession musicale de l’âme qui est passée par beaucoup de tourments et qui par nature s’épanche dans les sons, de même qu’un poète lyrique s’exprime dans des vers » (lettre à Nadejda von Meck du 17 février/1er mars 1878). Bien que Tchaïkovski se méfie des « programmes » en musique, comme il l’a expliqué maintes fois, il n’en a pas moins commenté abondamment les sentiments exprimés par cette symphonie dans une célèbre lettre à sa protectrice et mécène Nadejda von Meck, dont il a fait la connaissance (épistolaire) au cours de l’année 1876. Voici ce qu’il dit de la fanfare de cors et de bassons qui ouvre la symphonie : « l’introduction est le germe de toute la symphonie, son idée principale. C’est le fatum, cette force inéluctable qui empêche l’aboutissement de l’élan vers le bonheur, qui veille jalousement à ce que le bien-être et la paix ne soient jamais parfaits ni sans nuages, qui reste suspendue au-dessus de notre tête comme une épée de Damoclès et empoisonne inexorablement et constamment notre âme. » Suit un thème de valse d’allure tourmentée, ponctué de syncopes et de bégaiements, aussitôt développé, puis une alerte petite phrase chantée par la clarinette et bientôt reprise par le hautbois et la flûte (« rêves de bonheurs fugitifs »), bientôt contrepointé d’une mélodie lyrique de violoncelle, et qui semble un moment pouvoir 7 triompher de l’angoisse ; mais la reprise de la fanfare qui marque le début du développement achève de démentir l’illusion. De larges plages tendues, seulement entrecoupées du rappel du thème du rêve dans la réexposition, mènent à un choral recueilli inspiré des intervalles finaux de la fanfare : court repos avant une dernière accélération emplie de violence. Un Andantino mélancolique fait suite à ce monumental premier mouvement ; sa chanson triste et doucement variée en si bémol mineur est interrompue en son centre par un passage plus animé en fa majeur, qui se souvient du motif du fatum et du thème de valse de l’Allegro initial. Le scherzo, fait d’« arabesques capricieuses » et d’« images insaisissables, […] étranges, absurdes et décousues », utilise l’orchestre d’une façon très moderne, jouant des instruments par blocs : bloc des cordes « pizzicato ostinato » (une écriture dont se souviendront Bartók dans son Quatuor n° 4 et Britten dans sa Simple Symphony), bloc des bois pour une chanson de rue, bloc des cuivres parfois renforcé d’une clarinette ou d’un piccolo solistes. Le finale tournoyant est « le tableau d’une grande fête populaire » où passe et repasse la mélodie d’une célèbre chanson russe, Dans un champ se dressait un bouleau (que Balakirev avait utilisée dans son Ouverture sur trois thèmes populaires russes), avec ses notes répétées descendantes. Le thème du fatum y fait irruption pour rappeler à l’artiste sa solitude ; et si la fête reprend, d’abord timide puis de plus en plus véhémente, il est clair dorénavant qu’elle charrie l’angoisse sous ses dehors exubérants. Angèle Leroy 8 DIMANCHE 26 OCTOBRE 2014 – 16H Piotr Ilitch Tchaïkovski La Tempête Igor Stravinski L’Oiseau de feu – version de 1919 entracte Robert Schumann Symphonie n° 3 « Rhénane » Chicago Symphony Orchestra Riccardo Muti, direction Fin du concert vers 17h50. 9 Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) La Tempête d’après Shakespeare, Fantaisie symphonique en fa mineur op. 18 Composition : août-octobre 1873. Dédicace : à Vladimir Stassov. Création le 7 décembre 1873 à Moscou sous la direction de Nicolas Rubinstein. Effectif : 1 piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons – 2 trompettes, 4 cors, 3 trombones, 1 tuba – timbales, grosse caisse, cymbales – cordes. Première publication : Moscou, Jurgenson, 1877. Durée : environ 22 minutes. Après son ouverture-fantaisie Roméo et Juliette de 1870, Tchaïkovski revient à Shakespeare, avec La Tempête qui a inspiré au moins un musicien (Beethoven, Sonate n° 17) et de nombreux peintres. En tête de la partition figure un argument de quelques lignes, dont le premier mot est tout simplement : « La mer ». Point. Puis le dernier mot : « La mer ». Entre les deux est résumée l’histoire des personnages humains ou chimériques dans l’île déserte, mais la merveille de cette œuvre, c’est sans conteste : « la mer », les trois envoûtantes premières minutes de pur paysage. Les arpèges, joués en triples cordes, ondoient, leur surface moirée recouvre des modulations étranges, et les cors, voire le tuba, lancent des appels pleins de lent mystère et d’aventure, dans un espace-temps qui n’est plus exactement le nôtre. L’Or du Rhin n’est certes pas loin, mais Debussy, qui a été saturé de Tchaïkovski en Russie grâce à Mme von Meck, connaissait peut-être aussi cette page. Sur l’île séjournent l’exilé Prospero et sa fille, la belle Miranda. L’elfe Ariel déclenche la tempête : un motif de quatre notes monte, menaçant, se resserre en valeurs de plus en plus brèves ; suit un orage de cordes frémissantes et tourbillonnaires, de vents cinglants, où se précipite le chaos des cuivres. Un bateau échoue sur l’île, avec à son bord plusieurs hommes dont Fernando, jeune premier qui s’éprend de Miranda et réciproquement : l’épisode amoureux et lyrique, entrepris par les violoncelles en sourdine, où les violons chantent, timidement d’abord, puis avec une émotion intense, est de la même eau que Roméo et Juliette. L’épisode suivant est un dialogue entre les deux esprits de la nature, l’elfe Ariel et le monstre Caliban, ce qui musicalement donne lieu à un scherzo audacieux, d’une étonnante modernité. Qu’Ariel s’exprime à la façon de Mendelssohn entre violons et flûtes, dans le sautillement caractéristique de ce grand compositeur de danse qu’est Tchaïkovski, ne surprend pas, mais ce ballet est sans cesse contrarié par l’écriture discordante et rustaude de Caliban dans les graves, comme si Stravinski demandait à s’exprimer, déjà. Le grand thème d’amour atteint sa plénitude, puis une conclusion un peu tonitruante semble annoncer une pseudo-fin. Au fond, tout ce scénario n’était peut-être qu’un rêve ; l’ouvrage, ouvrant noblement ses ailes, retourne à ses premières mesures, à une expression musicale de l’infini. La mer. Isabelle Werck 10 DIMANCHE 26 OCTOBRE Igor Stravinski (1882-1971) L’Oiseau de feu – version de 1919 1. Introduction 2. L’Oiseau de feu et sa danse – Variation de l’oiseau de feu 3. Ronde des princesses, khorovode 4. Danse infernale du roi Kastcheï 5. Berceuse. Andante 6. Finale. Lento maestoso – più mosso – allegro non troppo – doppio valore, maestoso – molto pesante Titre original du ballet : L’Oiseau de feu, conte dansé en deux tableaux, d’après un conte national russe. Composition du ballet : novembre 1909-18 mai 1910, à Saint-Pétersbourg. Dédicace : « À mon cher ami Andreï Rimski-Korsakov ». Première représentation du ballet : à l’Opéra de Paris, le 25 juin 1910, par la troupe des Ballets russes, direction musicale Gabriel Pierné. Première édition : Jurgenson, Moscou, 1910. Deuxième Suite : Composition : février 1919, à Morges (Suisse). Dédicace : « À l’Orchestre Romand, à son chef Ernest Ansermet et à son comité ». Première édition : J&W Chester, Londres, 1920. Durée : environ 20 minutes. Première commande importante de Serge Diaghilev à Stravinski, L’Oiseau de feu s’imposa comme le fleuron de la deuxième saison des Ballets russes et projeta brusquement cet obscur jeune musicien, naguère encore élève de Rimski-Korsakov, au premier plan de la scène musicale internationale, suscitant l’admiration de Debussy, Falla, Ravel et Erik Satie. Une étroite collaboration réunit, autour de l’impresario des Ballets russes, Michel Fokine, auteur de l’argument et de la chorégraphie, le compositeur, ainsi qu’Alexandre Golovine, réalisateur des décors et costumes, à l’exception de ceux de l’oiseau et de la princesse, créés par Léon Bakst. Librement adapté d’un conte populaire russe, L’Oiseau de feu met en scène un jeune prince, Ivan Tsarevitch, qui, à la poursuite de l’oiseau, pénètre dans le jardin de l’enchanteur Kastcheï. Fait prisonnier par ce dernier, il est sauvé par l’oiseau. Kastcheï périt, ce qui met fin aux enchantements. Les chevaliers pétrifiés reviennent à la vie et les princesses, retenues captives par l’enchanteur, sont délivrées. Dans son illustration musicale de la Russie légendaire, Stravinski adhère encore à l’esthétique du Groupe des Cinq, telle qu’elle lui a été transmise par son maître. Deux pièces tirent leur matériau de thèmes folkloriques authentiques, que le compositeur a empruntés au recueil de Rimski-Korsakov Cent Chansons populaires russes (1876). D’une manière plus générale, le monde des hommes et le surnaturel génèrent deux univers musicaux : l’un diatonique, l’autre chromatique et orientalisant, suivant un principe exploité particulièrement par 11 Rimski-Korsakov, qui trouve son origine dans Rouslan et Ludmila de Glinka (1842). Le jeune compositeur se montre novateur dans une trame orchestrale plus complexe et plus dissonante que celle de son maître, ainsi que par une invention rythmique qui annonce les expérimentations du Sacre du printemps. L’Introduction (le jardin de Kastcheï, la nuit) instaure, par son dessin chromatique lové dans les graves, un climat chargé de maléfice. L’irruption de l’oiseau de feu se traduit par un glissando des cordes en sons harmoniques, procédé dont Stravinski revendique l’invention. La Variation de l’oiseau de feu imprime son tournoiement dans la texture aérienne des pupitres divisés, qui doit beaucoup à Debussy, tandis que son harmonie exploite avec subtilité des procédés (oppositions d’accords distants d’une quarte augmentée) chers à Moussorgski. Le Khorovode (ronde chantée traditionnelle) des princesses emprunte son thème au recueil de Rimski-Korsakov. La Danse infernale du roi Kastcheï, pièce la plus originale de la partition, propose un affrontement de blocs aux sonorités et aux rythmes accusés. Le compositeur les désarticule à loisir avant de les précipiter dans un tourbillon orgiaque. D’une couleur borodinienne, la Berceuse exhale les parfums de l’Orient, par les mélismes chromatiques du basson. Une transition impressionniste conduit au Finale, qui déclame un thème folklorique évocateur de la « Sainte Russie ». Anne Rousselin Robert Schumann (1810-1856) Symphonie n° 3 en mi bémol majeur op. 97 « Rhénane » Lebhaft Scherzo. Sehr mässig Nicht schnell Feierlich Lebhaft Composition : début novembre-9 décembre 1850. Création : le 6 février 1851 à Düsseldorf sous la direction de Schumann. Effectif : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons – 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones – timbales – cordes. Durée : environ 34 minutes. Composée à son arrivée à Düsseldorf, la Symphonie dite « Rhénane » « reflète », comme Schumann le dit à son éditeur, « un peu de la vie sur les bords du Rhin ». Elle aurait aussi été inspirée par la vue grandiose de la cathédrale de Cologne. Ainsi renoue-t-elle implicitement avec une thématique déjà abordée dans le cycle Dichterliebe d’après Heine, de 1840. Le Rhin évoqué est à la fois le fleuve majestueux et l’attirant lieu pressenti du suicide. 12 DIMANCHE 26 OCTOBRE La Symphonie n° 3 est en cinq mouvements, avec un Feierlich (Solennel) ajouté en quatrième position. Avant de les supprimer, Schumann avait fourni des indications d’atmosphère d’ensemble pour les mouvements pairs : le deuxième évoquait « Une matinée sur le Rhin », le quatrième était « Dans le caractère d’un accompagnement pour une cérémonie solennelle ». Tout entier dominé par la personnalité de son premier thème, jetant un arc vers l’aigu, en grandes enjambées (avec hémioles en 3/4), le premier mouvement donne le ton : résolu, majestueux et festif, avec une participation importante des cuivres. Le Scherzo, Sehr mässig (Très modéré), fait entendre un thème de danse populaire de type ländler, évoquant un cadre pastoral, puis un motif staccato dans une humeur plus scherzando. Le troisième mouvement, Nicht schnell (Pas vite), frappe par le ciselé de son articulation et de sa dynamique, son écriture d’essence pianistique et son intimité proche de la musique de chambre. En mi bémol mineur, le Feierlich, au ton religieux, fait entrer les trois trombones pour énoncer un choral dont le profil avait déjà été utilisé par Clara Schumann dans ses Trois Préludes et Fugues op. 16 de 1845. Il nourrit une texture contrapuntique d’une grande densité émotionnelle, faisant de ce mouvement sombre le centre de gravité de la symphonie. Le finale retrouve un ton populaire et résolu. Il fait réapparaître le thème du Feierlich, devenu festif, et fait référence au premier mouvement. Marianne Frippiat 13 Riccardo Muti Né à Naples, Riccardo Muti est l’un des chefs d’orchestre majeurs de notre époque. À sa nomination comme dixième directeur musical du Chicago Symphony Orchestra en 2010, il avait déjà derrière lui plus de quarante ans d’expérience au pupitre du Maggio Musicale Fiorentino (1968-1980), du Philharmonia Orchestra (1972-1982), du Philadelphia Orchestra (1980-1992) et du Théâtre de la Scala de Milan (1986-2005). Très demandé comme chef invité par des orchestres et des maisons d’opéra du monde entier, il collabore avec les orchestres philharmoniques de Berlin et de Vienne, l’Orchestre Symphonique de la Radio bavaroise, la Staatsoper de Vienne, le Covent Garden de Londres, le Metropolitan Opera de New York et bien d’autres. Riccardo Muti vient d’être invité à Paris en mars 2014 pour diriger l’Orchestre National de France à l’occasion du 80e anniversaire de la formation. Riccardo Muti est diplômé avec les honneurs du Conservatoire San Pietro a Majella de Naples, où il a étudié le piano avec Vincenzo Vitale. Par la suite, il a obtenu un diplôme de composition et de direction du Conservatoire Giuseppe Verdi de Milan où ses principaux enseignants ont été Bruno Bettinelli et Antonino Votto. Invité par Herbert von Karajan à diriger au Festival de Salzbourg en 1971, Riccardo Muti a su instaurer depuis plus de quarante ans une relation de proximité avec le festival et son orchestre, l’Orchestre Philharmonique de Vienne, dont il est membre honoraire. Il est également membre honoraire de la Gesellschaft der Musikfreunde (Société des Amis de la Musique), de la Hofmusikkapelle de Vienne et de la Staatsoper de Vienne. Tout au long de sa carrière, Riccardo Muti a témoigné d’un engagement très fort envers la formation des jeunes musiciens. En 2004, il a fondé l’Orchestre des Jeunes Luigi Cherubini. Avec cet ensemble basé en Italie, il se produit régulièrement lors de tournées internationales qui les mènent dans de prestigieuses salles de concert et d’opéra. Depuis 1997, dans le cadre du projet Le vie dell’Amicizia (les chemins de l’amitié) du Festival de Ravenne, Riccardo Muti dirige chaque année des concerts d’envergure dans des zones touchées par la guerre et la pauvreté partout dans le monde, utilisant la musique comme vecteur d’espoir et d’unité au service de causes sociales, culturelles et humanitaires. Riccardo Muti s’est vu attribuer un nombre incalculable d’honneurs que ce soit en Italie, aux États-Unis, en Allemagne, Autriche, GrandeBretagne, Israël, Espagne, Russie, Suède et au Vatican, ainsi que plus d’une vingtaine de diplômes honoraires d’universités du monde entier. En 2010, il a été fait officier de la Légion d’Honneur. Sa vaste discographie, de plusieurs centaines d’ouvrages, va du répertoire symphonique et opératique traditionnel aux pièces contemporaines. Son premier enregistrement avec les Chicago Symphony Orchestra & Chorus, le Requiem de Verdi (2011), a remporté deux Grammy Awards, et leur deuxième enregistrement, Otello de Verdi (2013), a remporté l’International Opera Award. Considéré comme l’un des plus grands interprètes actuels de Verdi, Riccardo Muti est l’auteur d’un livre sur le compositeur, Verdi, l’italiano, publié en italien, en allemand et en japonais. Son premier ouvrage, 14 Riccardo Muti: An Autobiography: First the Music, Then the Words, a également été publié en plusieurs langues. www.riccardomutimusic.com Chicago Symphony Orchestra Fondé en 1891, le Chicago Symphony Orchestra est invariablement salué comme l’un des meilleurs orchestres au monde. Il a pour directeur musical depuis 2010 Riccardo Muti, l’un des chefs d’orchestre majeurs de notre époque. Le Chicago Symphony Orchestra a su s’entourer d’autres personnalités de renom telles que Pierre Boulez (chef émérite « Helen Regenstein »), Yo-Yo Ma (conseiller à la création « Judson & Joyce Green »), ainsi que Mason Bates et Anna Clyne (compositeurs en résidence « Mead »). Le vaste répertoire de l’ensemble va du baroque à la musique contemporaine. Les musiciens chevronnés qui le constituent donnent plus de cent cinquante concerts annuels, la plupart au Symphony Center de Chicago et chaque été au Festival de Ravinia dans la banlieue nord de la ville. Ils se produisent également dans tous les États-Unis et dans le reste du monde : en comptant sa tournée actuelle, le Chicago Symphony Orchestra totalise cinquante-huit tournées internationales dans vingt-neuf pays et cinq continents. Depuis 1971, le Chicago Symphony Orchestra s’est rendu en France à douze reprises (sans compter cette tournée), tous ses concerts ayant été donnés à Paris. Plusieurs ont eu lieu à la Salle Pleyel, comme le premier programme dirigé par Riccardo Muti (2007) et le plus récent (2011). Depuis 1916, les enregistrements ont beaucoup fait pour la réputation internationale de l’orchestre et lui ont valu un total de soixante-deux Grammy Awards. BIOGRAPHIES Le premier enregistrement réunissant Muti et le Chicago Symphony Orchestra – le Requiem de Verdi avec le Chicago Symphony Chorus, paru en 2010 – a remporté deux Grammys. Leur deuxième, Otello de Verdi, également avec le Chicago Symphony Chorus et paru en 2013, a remporté un International Opera Award. Le troisième enregistrement de Muti avec le Chicago Symphony Orchestra, Riccardo Muti Conducts Mason Bates and Anna Clyne, ainsi que le quatrième, consacré aux suites de Roméo et Juliette de Prokofiev, sont parus cette année. Tous quatre sont commercialisés par le label de l’ensemble, CSO Resound (cso.org/Resound) et disponibles en ligne, notamment sur iTunes. Les auditeurs du monde entier peuvent également apprécier la sonorité de l’orchestre grâce aux diffusions hebdomadaires de la série CSO Radio Broadcast sur les ondes de la WFMT et en ligne sur cso.org/Radio. Les programmes sont constitués de concerts du Chicago Symphony Orchestra retransmis en direct ainsi que d’une sélection d’enregistrements et de commentaires des interprètes. L’organisation mère du Chicago Symphony Orchestra est la Chicago Symphony Orchestra Association. Elle chapeaute également le Chicago Symphony Chorus et le Civic Orchestra of Chicago, ensemble de formation. À travers sa série Symphony Center Presents, la CSOA présente des artistes invités venus d’horizons variés – classique, jazz, pop, musique du monde et contemporain. Autre acteur des projets de l’orchestre, le Negaunee Music Institute propose un ensemble de programmes locaux et éducatifs qui permettent de toucher plus de 200000 personnes de tout âge et de toute origine. À travers l’Institut et par le biais d’autres activités comme un concert annuel gratuit de l’orchestre dirigé par Riccardo Muti, le Chicago Symphony Orchestra promeut le concept de Citizen Musicianship™ (engagement musical citoyen), réaffirmant l’impact de la musique sur le lien communautaire. Le Chicago Symphony Orchestra est soutenu par des milliers de bénévoles, de mécènes et de donateurs : individus, entreprises, fondations ou fonds publics. Le travail du Negaunee Music Institute est subventionné à perpétuité par une donation généreuse de la Fondation Negaunee. Merrill Lynch, filiale de la Bank of America Corporation, est le mécène mondial du Chicago Symphony Orchestra. Chicago Symphony Orchestra Riccardo Muti, directeur musical Pierre Boulez, chef émérite « Helen Regenstein » Yo-Yo Ma, conseiller à la création « Judson Joyce Green » Duain Wolfe, directeur du chœur et chef de chœur Mason Bates, Anna Clyne, compositeurs en résidence « Mead » Yuan-Qing Yu (concertmaster assistant) * So Young Bae Cornelius Chiu Alison Dalton Gina DiBello Kozue Funakoshi Russell Hershow Qing Hou Nisanne Howell ** Blair Milton Paul Phillips, Jr. Sando Shia Susan Synnestvedt Rong-Yan Tang Baird Dodge (chef d’attaque) Sylvia Kim Kilcullen (2e chef d’attaque) Lei Hou Ni Mei Fox Fehling Hermine Gagné Rachel Goldstein Mihaela Ionescu Melanie Kupchynsky Wendy Koons Meir Aiko Noda ** Joyce Noh Nancy Park Ronald Satkiewicz Florence Schwartz-Lee Altos Charles Pikler (chef d’attaque) *** Le poste de directeur musical du Chicago Li-Kuo Chang (2e chef d’attaque) Symphony Orchestra est subventionné à The Louise H. Benton Wagner Chair perpétuité par une donation généreuse John Bartholomew de la Zell Family Foundation. Catherine Brubaker Wei-Ting Kuo Violons Danny Lai Robert Chen (concertmaster) Diane Mues The Louis C. Sudler Chair, endowed Lawrence Neuman ** by an anonymous benefactor Yukiko Ogura ** Stephanie Jeong (concertmaster associée) Daniel Orbach The Cathy and Bill Osborn Chair Max Raimi David Taylor (concertmaster assistant) * Weijing Wang 15 Violoncelles John Sharp (chef d’attaque) The Eloise W. Martin Chair Kenneth Olsen (2e chef d’attaque) The Adele Gidwitz Chair Karen Basrak Loren Brown Richard Hirschl Daniel Katz Katinka Kleijn Jonathan Pegis David Sanders Gary Stucka Brant Taylor Contrebasses Alexander Hanna (chef d’attaque) The David and Mary Winton Green Principal Bass Chair Daniel Armstrong Roger Cline Joseph DiBello Michael Hovnanian Robert Kassinger Mark Kraemer Stephen Lester Bradley Opland Harpes Sarah Bullen (soliste) Lynne Turner Flûtes Mathieu Dufour (soliste) ** The Erika and Dietrich M. Gross Chair Richard Graef (co-soliste) Louise Dixon Jennifer Gunn Piccolo Jennifer Gunn Hautbois Eugene Izotov (soliste) The Nancy and Larry Fuller Chair Michael Henoch (co-soliste) Gilchrist Foundation Chair Lora Schaefer Scott Hostetler John Hagstrom Tage Larsen Cor anglais Scott Hostetler Trombone basse Charles Vernon Clarinettes Stephen Williamson (soliste) John Bruce Yeh (co-soliste) Gregory Smith J. Lawrie Bloom Tuba Gene Pokorny (soliste) The Arnold Jacobs Principal Tuba Chair, endowed by Christine Querfeld Clarinette en mi bémol John Bruce Yeh Clarinette basse J. Lawrie Bloom Bassons William Buchman (soliste remplaçant) Dennis Michel Miles Maner Contrebassoon Miles Maner Cors Daniel Gingrich (soliste remplaçant) James Smelser David Griffin Oto Carrillo Susanna Gaunt Trompettes Christopher Martin (soliste) The Adolph Herseth Principal Trumpet Chair, endowed by an anonymous benefactor Mark Ridenour (co-soliste) ** 16 Trombones Jay Friedman (soliste) Michael Mulcahy Charles Vernon Timbales David Herbert (soliste) Vadim Karpinos (co-soliste) Percussion Cynthia Yeh (soliste) Patricia Dash Vadim Karpinos James Ross Piano Mary Sauer (soliste) * Les concertmasters assistants apparaissent par ordre d’ancienneté. ** en congé *** en congé sabbatique Les pupitres des cordes du Chicago Symphony Orchestra obéissent à un placement tournant. Les musiciens assis derrière les solistes et co-solistes changent de place toutes les deux semaines et apparaissent ici par ordre alphabétique. Les percussionnistes apparaissent également par ordre alphabétique. The Chicago Symphony Orchestra is grateful to Merrill Lynch, a subsidiary of Bank of America Corporation, for its generous support of CSO concerts at home and around the world. Global Sponsor of the CSO