Chicago S ymphon y Orchestra | Riccardo Muti | S amedi 2 5 e t

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Chicago S ymphon y Orchestra | Riccardo Muti | S amedi 2 5 e t
Chicago Symphony Orchestra | Riccardo Muti | Samedi 25 et dimanche 26 octobre 2014
Samedi 25 et dimanche 26 octobre 2014
Chicago Symphony Orchestra | Riccardo Muti
SOMMAIRE
SAMEDI 25 OCTOBRE – 20H
p. 3
DIMANCHE 26 OCTOBRE – 16H
p. 9
BIOGRAPHIES
p. 14
SAMEDI 25 OCTOBRE 2014 – 20H
Felix Mendelssohn
Ouverture « Mer calme et heureux voyage »
Claude Debussy
La Mer
entracte
Piotr Ilitch Tchaïkovski
Symphonie n° 4
Chicago Symphony Orchestra
Riccardo Muti, direction
Fin du concert vers 22h.
3
Felix Mendelssohn (1809-1847)
Ouverture « Meeresstille und glückliche Fahrt » [« Mer calme et heureux voyage »] op. 27
Composition : 1828.
Création privée le 7 septembre 1828 à Berlin par le compositeur, reprise le 1er décembre 1832 à la Singakademie.
Effectif : piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, contrebasson – 3 trompettes, 2 cors – timbales – cordes.
Durée : environ 12 minutes.
Treize ans plus tôt, Beethoven donnait le même titre à une cantate, sur les mêmes deux
brefs poèmes de Goethe qui, ici, ont inspiré à Mendelssohn une page purement orchestrale.
Peut-être le jeune compositeur anticipait-il les longs et beaux voyages qu’il devait
entreprendre à travers l’Europe entre 1829 et 1830.
L’introduction évoque le calme majestueux de la mer (« un silence profond règne dans
l’eau », dit le poème). L’écriture des cordes, discrètement relevées de bois, laisse lentement
glisser son chant continu entre les pupitres ; les arches mélodiques sonnent comme autant
d’hymnes et quelques beaux graves suggèrent une sérénité qui atteint de transparents
tréfonds. L’oiseau d’une flûte solo met doucement fin à cette méditation : « la nuée se
déchire, le ciel devient clair ».
Car c’est l’heure de partir, et le vent se lève, essentiel à cette époque où les bateaux sont
encore à voiles. L’allegro de « l’heureux voyage » se montre, lui, enthousiaste. Les thèmes
sont enveloppés de motifs tournoyants où s’engouffre l’air marin. Le cantabile d’un bref
thème secondaire aux violoncelles est vite balayé par le souffle impatient des violons.
Si le développement ne manque pas de soulever quelques menaces d’orage, la coda signe
l’arrivée, en fanfare, à bon port.
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SAMEDI 25 OCTOBRE
Claude Debussy (1862-1918)
La Mer, trois esquisses symphoniques
De l’aube à midi sur la mer
Jeux de vagues
Dialogue du vent et de la mer
Composition : septembre 1903-5 mars 1905.
Création : le 15 octobre 1905 à Paris par l’Orchestre Lamoureux sous la direction de Camille Chevillard.
Effectif : piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, cor anglais, 2 clarinettes, 3 bassons, contrebasson – 4 cors, 3 trompettes,
2 cornets à piston, 3 trombones, tuba – timbale, grosse caisse, cymbales, triangle, tam-tam, glockenspiel (ou célesta),
2 harpes, cordes.
Durée : environ 25 minutes.
« La mer a été très bien pour moi, elle m’a montré toutes ses robes », écrit Debussy depuis
la Normandie où il s’est attardé en longues contemplations. Mais la magistrale fresque
dédiée à la mer ne sera commencée… qu’en Bourgogne (!), à l’appui « d’innombrables
souvenirs » ; la continuation de l’ouvrage se poursuivra sur les bords d’une Manche plus
adéquate. Le terme d’« esquisse » utilisé dans le titre renvoie à un effet frémissant et
flou, très ouvert à l’imaginaire, mais obtenu au prix d’une écriture fouillée, tout en petites
touches décalées, et difficile à diriger. Debussy, qui aimait sincèrement la peinture, en
particulier celle de Turner et de Monet, invente ici une musique du moment présent ;
le son est puissamment évocateur, non seulement d’images, mais aussi de sensations
tactiles auprès des éléments : l’Eau et l’Air. D’autre part, cette « marine » doit sa juste
notoriété à un langage très personnel, fait d’échelles diverses à quatre ou cinq sons,
ou de gammes par tons, avec des retours inopinés à la mélodie tonale. L’orchestre
émietté attire l’attention de tous les côtés ; les motifs sont valorisés, entre autres,
par une percussion très figurative.
Le premier volet se déroule sur un fond de clapotis sonores, analogues au fourmillement
de traits horizontaux dans la peinture impressionniste ; sur cet arrière-plan se déploient
des arabesques, lignes mélodiques libres, ivres d’espace. Le crescendo initial évolue
de l’élément liquide indistinct, dans la semi-obscurité où roulent les timbales, jusqu’à
l’éclosion de la lumière ; un motif de quatre notes, qui va habiter toute la pièce, s’élabore
progressivement devant nous. Une deuxième partie est amorcée par les fameux « seize
violoncelles » au lyrisme plus expressément chantant ; puis un dessin délié de flûte
semble suivre, du regard, le vol agile d’un oiseau. La coda, lente et nostalgique, fait place
à un choral solennel, rempli de dévotion panthéiste, qui reviendra dans le troisième
mouvement ; enfin une lame de fond prodigieuse, où brille l’écume de la cymbale roulée –
Debussy est un des premiers à l’utiliser ainsi – engloutit la pièce, en rappelant une fameuse
estampe de Hokusaï, que le compositeur a fait reproduire sur la partition d’origine.
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Le volet central est le plus moderne et le plus informel. Bâti en séquences librement
juxtaposées, il est à la fois mystérieux par ses trémolos, ses frissons, ses incantations,
capricieux par ses appels – en particulier ce petit dessin ascendant issu de Nuages – et
surtout très joyeux par son va-et-vient, son kaléidoscope de motifs : c’est « la mer toujours
recommencée » de Valéry. Ces visions éphémères, bouts de mélopées, allusions à l’Orient,
accueillent fugitivement la danse : ici apparaît un rythme de boléro ; là s’élabore un souple
et euphorique tempo de valse, aux plongeons riants et sensuels. Le tableau nous quitte en
s’estompant, horizon sonore qui retourne à la brume, appels qui disparaissent, très loin…
Le troisième volet est une marine plus proche que les deux autres du romantisme,
des encres noires et fantastiques de Victor Hugo. Dans ce rondo, les thèmes, espacés
les uns des autres par de larges tranches d’atmosphère diffuse, ont un côté volontaire,
voire pathétique : l’homme, « travailleur de la mer », semble plus présent, confronté au
gros temps, ou émerveillé devant de féeriques embellies. L’introduction, menaçante et
ténébreuse, renvoie à certains effrois indéfinis de Pelléas. Le thème du « refrain », à la
trompette bouchée, cite le premier mouvement (thème cyclique) et projette sa lumière
criante, comme un phare assailli de tous côtés. Le deuxième thème, lancinant et longiligne,
aux intervalles ambigus, est aussi capable de passion et d’entraînement que d’extase
suspendue. Quant au troisième thème, il n’est autre que le choral entrevu à la fin du
premier mouvement : « Je me suis fait une religion de la mystérieuse Nature, nous confie
le compositeur. Devant un ciel mouvant, en contemplant, de longues heures, ses beautés
magnifiques, une incomparable émotion m’étreint. Et insensiblement, les mains prennent
des poses d’adoration... ». Celle-ci n’empêche pas les vagues de galoper, fougueux coursiers
aux crescendos rythmés, jusqu’aux fanfares entrechoquées de la coda, en un jubilant
raz-de-marée.
Isabelle Werck
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SAMEDI 25 OCTOBRE
Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
Symphonie n° 4 en fa mineur op. 36
Andante sostenuto – Moderato con anima
Andante in modo di canzona
Scherzo. Allegro
Finale. Allego con fuoco
Composition : 1877.
Première exécution publique : Moscou, le 10 février 1878, sous la direction de Nikolaï Rubinstein.
Dédicace : « à mon meilleur ami » (Nadejda von Meck).
Première édition : 1879 pour piano à 4 mains (arrangement de Sergueï Taneïev), 1880 pour la partition d’orchestre,
P. Jurgenson, Moscou.
Effectif : piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons – 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, tuba – timbales,
triangle, cymbales, grosse caisse – cordes.
Durée : environ 44 minutes.
Écrite et orchestrée en alternance avec l’opéra Eugène Onéguine, la Quatrième Symphonie
est le fruit d’une difficile maturation, et sa composition fut interrompue par une violente crise
psychologique due au mariage catastrophique de l’auteur au cours de l’été. Elle inaugure ce
que l’on a souvent considéré comme un triptyque malgré un relatif éloignement temporel
(1878, 1888, 1893), celui des trois dernières symphonies, qui pourraient s’appeler symphonies
« de ma vie », pour paraphraser Smetana. Chacune est à sa manière le reflet d’un univers
intérieur hanté par le fatum (le terme latin – signifiant fatalité, destin – fut d’ailleurs le titre
d’un poème symphonique de 1869 détruit par le compositeur et reconstitué après sa mort),
profondément marqué par une philosophie pessimiste, qui pose sans cesse la question de la
possibilité d’un espoir ou, à défaut, d’une acceptation de la réalité ô combien pénible. Ainsi,
la Symphonie n° 4 se veut « la confession musicale de l’âme qui est passée par beaucoup de
tourments et qui par nature s’épanche dans les sons, de même qu’un poète lyrique s’exprime
dans des vers » (lettre à Nadejda von Meck du 17 février/1er mars 1878). Bien que Tchaïkovski
se méfie des « programmes » en musique, comme il l’a expliqué maintes fois, il n’en a pas
moins commenté abondamment les sentiments exprimés par cette symphonie dans une
célèbre lettre à sa protectrice et mécène Nadejda von Meck, dont il a fait la connaissance
(épistolaire) au cours de l’année 1876.
Voici ce qu’il dit de la fanfare de cors et de bassons qui ouvre la symphonie : « l’introduction
est le germe de toute la symphonie, son idée principale. C’est le fatum, cette force
inéluctable qui empêche l’aboutissement de l’élan vers le bonheur, qui veille jalousement
à ce que le bien-être et la paix ne soient jamais parfaits ni sans nuages, qui reste suspendue
au-dessus de notre tête comme une épée de Damoclès et empoisonne inexorablement
et constamment notre âme. » Suit un thème de valse d’allure tourmentée, ponctué de
syncopes et de bégaiements, aussitôt développé, puis une alerte petite phrase chantée par
la clarinette et bientôt reprise par le hautbois et la flûte (« rêves de bonheurs fugitifs »),
bientôt contrepointé d’une mélodie lyrique de violoncelle, et qui semble un moment pouvoir
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triompher de l’angoisse ; mais la reprise de la fanfare qui marque le début du développement
achève de démentir l’illusion. De larges plages tendues, seulement entrecoupées du rappel
du thème du rêve dans la réexposition, mènent à un choral recueilli inspiré des intervalles
finaux de la fanfare : court repos avant une dernière accélération emplie de violence.
Un Andantino mélancolique fait suite à ce monumental premier mouvement ; sa chanson
triste et doucement variée en si bémol mineur est interrompue en son centre par un
passage plus animé en fa majeur, qui se souvient du motif du fatum et du thème de valse
de l’Allegro initial. Le scherzo, fait d’« arabesques capricieuses » et d’« images insaisissables,
[…] étranges, absurdes et décousues », utilise l’orchestre d’une façon très moderne, jouant
des instruments par blocs : bloc des cordes « pizzicato ostinato » (une écriture dont
se souviendront Bartók dans son Quatuor n° 4 et Britten dans sa Simple Symphony),
bloc des bois pour une chanson de rue, bloc des cuivres parfois renforcé d’une clarinette
ou d’un piccolo solistes.
Le finale tournoyant est « le tableau d’une grande fête populaire » où passe et repasse
la mélodie d’une célèbre chanson russe, Dans un champ se dressait un bouleau (que Balakirev
avait utilisée dans son Ouverture sur trois thèmes populaires russes), avec ses notes répétées
descendantes. Le thème du fatum y fait irruption pour rappeler à l’artiste sa solitude ;
et si la fête reprend, d’abord timide puis de plus en plus véhémente, il est clair dorénavant
qu’elle charrie l’angoisse sous ses dehors exubérants.
Angèle Leroy
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DIMANCHE 26 OCTOBRE 2014 – 16H
Piotr Ilitch Tchaïkovski
La Tempête
Igor Stravinski
L’Oiseau de feu – version de 1919
entracte
Robert Schumann
Symphonie n° 3 « Rhénane »
Chicago Symphony Orchestra
Riccardo Muti, direction
Fin du concert vers 17h50.
9
Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
La Tempête d’après Shakespeare, Fantaisie symphonique en fa mineur op. 18
Composition : août-octobre 1873.
Dédicace : à Vladimir Stassov.
Création le 7 décembre 1873 à Moscou sous la direction de Nicolas Rubinstein.
Effectif : 1 piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons – 2 trompettes, 4 cors, 3 trombones, 1 tuba – timbales,
grosse caisse, cymbales – cordes.
Première publication : Moscou, Jurgenson, 1877.
Durée : environ 22 minutes.
Après son ouverture-fantaisie Roméo et Juliette de 1870, Tchaïkovski revient à Shakespeare,
avec La Tempête qui a inspiré au moins un musicien (Beethoven, Sonate n° 17) et de
nombreux peintres. En tête de la partition figure un argument de quelques lignes, dont
le premier mot est tout simplement : « La mer ». Point. Puis le dernier mot : « La mer ».
Entre les deux est résumée l’histoire des personnages humains ou chimériques dans
l’île déserte, mais la merveille de cette œuvre, c’est sans conteste : « la mer », les trois
envoûtantes premières minutes de pur paysage. Les arpèges, joués en triples cordes,
ondoient, leur surface moirée recouvre des modulations étranges, et les cors, voire le tuba,
lancent des appels pleins de lent mystère et d’aventure, dans un espace-temps qui n’est plus
exactement le nôtre. L’Or du Rhin n’est certes pas loin, mais Debussy, qui a été saturé de
Tchaïkovski en Russie grâce à Mme von Meck, connaissait peut-être aussi cette page.
Sur l’île séjournent l’exilé Prospero et sa fille, la belle Miranda. L’elfe Ariel déclenche la tempête :
un motif de quatre notes monte, menaçant, se resserre en valeurs de plus en plus brèves ; suit
un orage de cordes frémissantes et tourbillonnaires, de vents cinglants, où se précipite le chaos
des cuivres. Un bateau échoue sur l’île, avec à son bord plusieurs hommes dont Fernando, jeune
premier qui s’éprend de Miranda et réciproquement : l’épisode amoureux et lyrique, entrepris
par les violoncelles en sourdine, où les violons chantent, timidement d’abord, puis avec une
émotion intense, est de la même eau que Roméo et Juliette.
L’épisode suivant est un dialogue entre les deux esprits de la nature, l’elfe Ariel et le
monstre Caliban, ce qui musicalement donne lieu à un scherzo audacieux, d’une étonnante
modernité. Qu’Ariel s’exprime à la façon de Mendelssohn entre violons et flûtes, dans
le sautillement caractéristique de ce grand compositeur de danse qu’est Tchaïkovski,
ne surprend pas, mais ce ballet est sans cesse contrarié par l’écriture discordante et
rustaude de Caliban dans les graves, comme si Stravinski demandait à s’exprimer, déjà.
Le grand thème d’amour atteint sa plénitude, puis une conclusion un peu tonitruante
semble annoncer une pseudo-fin. Au fond, tout ce scénario n’était peut-être qu’un rêve ;
l’ouvrage, ouvrant noblement ses ailes, retourne à ses premières mesures, à une expression
musicale de l’infini. La mer.
Isabelle Werck
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DIMANCHE 26 OCTOBRE
Igor Stravinski (1882-1971)
L’Oiseau de feu – version de 1919
1. Introduction
2. L’Oiseau de feu et sa danse – Variation de l’oiseau de feu
3. Ronde des princesses, khorovode
4. Danse infernale du roi Kastcheï
5. Berceuse. Andante
6. Finale. Lento maestoso – più mosso – allegro non troppo – doppio valore, maestoso – molto pesante
Titre original du ballet : L’Oiseau de feu, conte dansé en deux tableaux, d’après un conte national russe.
Composition du ballet : novembre 1909-18 mai 1910, à Saint-Pétersbourg.
Dédicace : « À mon cher ami Andreï Rimski-Korsakov ».
Première représentation du ballet : à l’Opéra de Paris, le 25 juin 1910, par la troupe des Ballets russes, direction
musicale Gabriel Pierné.
Première édition : Jurgenson, Moscou, 1910.
Deuxième Suite :
Composition : février 1919, à Morges (Suisse).
Dédicace : « À l’Orchestre Romand, à son chef Ernest Ansermet et à son comité ».
Première édition : J&W Chester, Londres, 1920.
Durée : environ 20 minutes.
Première commande importante de Serge Diaghilev à Stravinski, L’Oiseau de feu s’imposa
comme le fleuron de la deuxième saison des Ballets russes et projeta brusquement cet
obscur jeune musicien, naguère encore élève de Rimski-Korsakov, au premier plan de la
scène musicale internationale, suscitant l’admiration de Debussy, Falla, Ravel et Erik Satie.
Une étroite collaboration réunit, autour de l’impresario des Ballets russes, Michel Fokine,
auteur de l’argument et de la chorégraphie, le compositeur, ainsi qu’Alexandre Golovine,
réalisateur des décors et costumes, à l’exception de ceux de l’oiseau et de la princesse,
créés par Léon Bakst.
Librement adapté d’un conte populaire russe, L’Oiseau de feu met en scène un jeune
prince, Ivan Tsarevitch, qui, à la poursuite de l’oiseau, pénètre dans le jardin de l’enchanteur
Kastcheï. Fait prisonnier par ce dernier, il est sauvé par l’oiseau. Kastcheï périt, ce qui
met fin aux enchantements. Les chevaliers pétrifiés reviennent à la vie et les princesses,
retenues captives par l’enchanteur, sont délivrées.
Dans son illustration musicale de la Russie légendaire, Stravinski adhère encore à l’esthétique
du Groupe des Cinq, telle qu’elle lui a été transmise par son maître. Deux pièces tirent leur
matériau de thèmes folkloriques authentiques, que le compositeur a empruntés au recueil
de Rimski-Korsakov Cent Chansons populaires russes (1876). D’une manière plus générale,
le monde des hommes et le surnaturel génèrent deux univers musicaux : l’un diatonique,
l’autre chromatique et orientalisant, suivant un principe exploité particulièrement par
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Rimski-Korsakov, qui trouve son origine dans Rouslan et Ludmila de Glinka (1842).
Le jeune compositeur se montre novateur dans une trame orchestrale plus complexe
et plus dissonante que celle de son maître, ainsi que par une invention rythmique qui
annonce les expérimentations du Sacre du printemps.
L’Introduction (le jardin de Kastcheï, la nuit) instaure, par son dessin chromatique lové
dans les graves, un climat chargé de maléfice. L’irruption de l’oiseau de feu se traduit
par un glissando des cordes en sons harmoniques, procédé dont Stravinski revendique
l’invention. La Variation de l’oiseau de feu imprime son tournoiement dans la texture
aérienne des pupitres divisés, qui doit beaucoup à Debussy, tandis que son harmonie
exploite avec subtilité des procédés (oppositions d’accords distants d’une quarte
augmentée) chers à Moussorgski. Le Khorovode (ronde chantée traditionnelle) des
princesses emprunte son thème au recueil de Rimski-Korsakov. La Danse infernale
du roi Kastcheï, pièce la plus originale de la partition, propose un affrontement de blocs
aux sonorités et aux rythmes accusés. Le compositeur les désarticule à loisir avant
de les précipiter dans un tourbillon orgiaque. D’une couleur borodinienne, la Berceuse
exhale les parfums de l’Orient, par les mélismes chromatiques du basson. Une transition
impressionniste conduit au Finale, qui déclame un thème folklorique évocateur de
la « Sainte Russie ».
Anne Rousselin
Robert Schumann (1810-1856)
Symphonie n° 3 en mi bémol majeur op. 97 « Rhénane »
Lebhaft
Scherzo. Sehr mässig
Nicht schnell
Feierlich
Lebhaft
Composition : début novembre-9 décembre 1850.
Création : le 6 février 1851 à Düsseldorf sous la direction de Schumann.
Effectif : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons – 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones – timbales – cordes.
Durée : environ 34 minutes.
Composée à son arrivée à Düsseldorf, la Symphonie dite « Rhénane » « reflète »,
comme Schumann le dit à son éditeur, « un peu de la vie sur les bords du Rhin ».
Elle aurait aussi été inspirée par la vue grandiose de la cathédrale de Cologne.
Ainsi renoue-t-elle implicitement avec une thématique déjà abordée dans le cycle
Dichterliebe d’après Heine, de 1840. Le Rhin évoqué est à la fois le fleuve majestueux
et l’attirant lieu pressenti du suicide.
12
DIMANCHE 26 OCTOBRE
La Symphonie n° 3 est en cinq mouvements, avec un Feierlich (Solennel) ajouté en
quatrième position. Avant de les supprimer, Schumann avait fourni des indications
d’atmosphère d’ensemble pour les mouvements pairs : le deuxième évoquait « Une
matinée sur le Rhin », le quatrième était « Dans le caractère d’un accompagnement
pour une cérémonie solennelle ».
Tout entier dominé par la personnalité de son premier thème, jetant un arc vers l’aigu,
en grandes enjambées (avec hémioles en 3/4), le premier mouvement donne le ton :
résolu, majestueux et festif, avec une participation importante des cuivres. Le Scherzo,
Sehr mässig (Très modéré), fait entendre un thème de danse populaire de type ländler,
évoquant un cadre pastoral, puis un motif staccato dans une humeur plus scherzando.
Le troisième mouvement, Nicht schnell (Pas vite), frappe par le ciselé de son articulation
et de sa dynamique, son écriture d’essence pianistique et son intimité proche de la
musique de chambre.
En mi bémol mineur, le Feierlich, au ton religieux, fait entrer les trois trombones
pour énoncer un choral dont le profil avait déjà été utilisé par Clara Schumann dans
ses Trois Préludes et Fugues op. 16 de 1845. Il nourrit une texture contrapuntique
d’une grande densité émotionnelle, faisant de ce mouvement sombre le centre de
gravité de la symphonie. Le finale retrouve un ton populaire et résolu. Il fait réapparaître
le thème du Feierlich, devenu festif, et fait référence au premier mouvement.
Marianne Frippiat
13
Riccardo Muti
Né à Naples, Riccardo Muti est l’un
des chefs d’orchestre majeurs de notre
époque. À sa nomination comme dixième
directeur musical du Chicago Symphony
Orchestra en 2010, il avait déjà derrière
lui plus de quarante ans d’expérience
au pupitre du Maggio Musicale
Fiorentino (1968-1980), du Philharmonia
Orchestra (1972-1982), du Philadelphia
Orchestra (1980-1992) et du Théâtre
de la Scala de Milan (1986-2005).
Très demandé comme chef invité par
des orchestres et des maisons d’opéra
du monde entier, il collabore avec les
orchestres philharmoniques de Berlin
et de Vienne, l’Orchestre Symphonique
de la Radio bavaroise, la Staatsoper de
Vienne, le Covent Garden de Londres,
le Metropolitan Opera de New York
et bien d’autres. Riccardo Muti vient
d’être invité à Paris en mars 2014 pour
diriger l’Orchestre National de France
à l’occasion du 80e anniversaire de la
formation. Riccardo Muti est diplômé
avec les honneurs du Conservatoire
San Pietro a Majella de Naples, où il a
étudié le piano avec Vincenzo Vitale.
Par la suite, il a obtenu un diplôme
de composition et de direction du
Conservatoire Giuseppe Verdi de
Milan où ses principaux enseignants
ont été Bruno Bettinelli et Antonino
Votto. Invité par Herbert von Karajan
à diriger au Festival de Salzbourg en
1971, Riccardo Muti a su instaurer
depuis plus de quarante ans une relation
de proximité avec le festival et son
orchestre, l’Orchestre Philharmonique
de Vienne, dont il est membre honoraire.
Il est également membre honoraire
de la Gesellschaft der Musikfreunde
(Société des Amis de la Musique),
de la Hofmusikkapelle de Vienne et de
la Staatsoper de Vienne. Tout au long
de sa carrière, Riccardo Muti a témoigné
d’un engagement très fort envers la
formation des jeunes musiciens.
En 2004, il a fondé l’Orchestre des
Jeunes Luigi Cherubini. Avec cet
ensemble basé en Italie, il se produit
régulièrement lors de tournées
internationales qui les mènent dans
de prestigieuses salles de concert
et d’opéra. Depuis 1997, dans le
cadre du projet Le vie dell’Amicizia
(les chemins de l’amitié) du Festival de
Ravenne, Riccardo Muti dirige chaque
année des concerts d’envergure dans
des zones touchées par la guerre et
la pauvreté partout dans le monde,
utilisant la musique comme vecteur
d’espoir et d’unité au service de causes
sociales, culturelles et humanitaires.
Riccardo Muti s’est vu attribuer
un nombre incalculable d’honneurs
que ce soit en Italie, aux États-Unis,
en Allemagne, Autriche, GrandeBretagne, Israël, Espagne, Russie,
Suède et au Vatican, ainsi que plus
d’une vingtaine de diplômes honoraires
d’universités du monde entier.
En 2010, il a été fait officier de la Légion
d’Honneur. Sa vaste discographie,
de plusieurs centaines d’ouvrages,
va du répertoire symphonique et
opératique traditionnel aux pièces
contemporaines. Son premier
enregistrement avec les Chicago
Symphony Orchestra & Chorus, le
Requiem de Verdi (2011), a remporté
deux Grammy Awards, et leur deuxième
enregistrement, Otello de Verdi (2013),
a remporté l’International Opera
Award. Considéré comme l’un des plus
grands interprètes actuels de Verdi,
Riccardo Muti est l’auteur d’un livre
sur le compositeur, Verdi, l’italiano,
publié en italien, en allemand et en
japonais. Son premier ouvrage,
14
Riccardo Muti: An Autobiography: First
the Music, Then the Words, a également
été publié en plusieurs langues.
www.riccardomutimusic.com
Chicago Symphony Orchestra
Fondé en 1891, le Chicago Symphony
Orchestra est invariablement salué
comme l’un des meilleurs orchestres
au monde. Il a pour directeur musical
depuis 2010 Riccardo Muti, l’un des chefs
d’orchestre majeurs de notre époque.
Le Chicago Symphony Orchestra a su
s’entourer d’autres personnalités de
renom telles que Pierre Boulez (chef
émérite « Helen Regenstein »), Yo-Yo
Ma (conseiller à la création « Judson
& Joyce Green »), ainsi que Mason
Bates et Anna Clyne (compositeurs en
résidence « Mead »). Le vaste répertoire
de l’ensemble va du baroque à la
musique contemporaine. Les musiciens
chevronnés qui le constituent donnent
plus de cent cinquante concerts annuels,
la plupart au Symphony Center de
Chicago et chaque été au Festival de
Ravinia dans la banlieue nord de la ville.
Ils se produisent également dans tous
les États-Unis et dans le reste du monde :
en comptant sa tournée actuelle,
le Chicago Symphony Orchestra totalise
cinquante-huit tournées internationales
dans vingt-neuf pays et cinq continents.
Depuis 1971, le Chicago Symphony
Orchestra s’est rendu en France à
douze reprises (sans compter cette
tournée), tous ses concerts ayant été
donnés à Paris. Plusieurs ont eu lieu
à la Salle Pleyel, comme le premier
programme dirigé par Riccardo Muti
(2007) et le plus récent (2011). Depuis
1916, les enregistrements ont beaucoup
fait pour la réputation internationale
de l’orchestre et lui ont valu un total
de soixante-deux Grammy Awards.
BIOGRAPHIES
Le premier enregistrement réunissant
Muti et le Chicago Symphony Orchestra
– le Requiem de Verdi avec le Chicago
Symphony Chorus, paru en 2010 –
a remporté deux Grammys. Leur deuxième,
Otello de Verdi, également avec le
Chicago Symphony Chorus et paru en
2013, a remporté un International Opera
Award. Le troisième enregistrement
de Muti avec le Chicago Symphony
Orchestra, Riccardo Muti Conducts
Mason Bates and Anna Clyne, ainsi que
le quatrième, consacré aux suites de
Roméo et Juliette de Prokofiev, sont
parus cette année. Tous quatre sont
commercialisés par le label de l’ensemble,
CSO Resound (cso.org/Resound) et
disponibles en ligne, notamment sur
iTunes. Les auditeurs du monde entier
peuvent également apprécier la sonorité
de l’orchestre grâce aux diffusions
hebdomadaires de la série CSO Radio
Broadcast sur les ondes de la WFMT
et en ligne sur cso.org/Radio.
Les programmes sont constitués
de concerts du Chicago Symphony
Orchestra retransmis en direct ainsi
que d’une sélection d’enregistrements
et de commentaires des interprètes.
L’organisation mère du Chicago
Symphony Orchestra est la Chicago
Symphony Orchestra Association.
Elle chapeaute également le Chicago
Symphony Chorus et le Civic Orchestra
of Chicago, ensemble de formation.
À travers sa série Symphony Center
Presents, la CSOA présente des artistes
invités venus d’horizons variés –
classique, jazz, pop, musique du monde
et contemporain. Autre acteur des
projets de l’orchestre, le Negaunee
Music Institute propose un ensemble
de programmes locaux et éducatifs qui
permettent de toucher plus de 200000
personnes de tout âge et de toute
origine. À travers l’Institut et par le biais
d’autres activités comme un concert
annuel gratuit de l’orchestre dirigé par
Riccardo Muti, le Chicago Symphony
Orchestra promeut le concept de Citizen
Musicianship™ (engagement musical
citoyen), réaffirmant l’impact de la
musique sur le lien communautaire.
Le Chicago Symphony Orchestra est
soutenu par des milliers de bénévoles,
de mécènes et de donateurs :
individus, entreprises, fondations ou
fonds publics. Le travail du Negaunee
Music Institute est subventionné à
perpétuité par une donation généreuse
de la Fondation Negaunee. Merrill
Lynch, filiale de la Bank of America
Corporation, est le mécène mondial
du Chicago Symphony Orchestra.
Chicago Symphony Orchestra
Riccardo Muti, directeur musical
Pierre Boulez, chef émérite
« Helen Regenstein »
Yo-Yo Ma, conseiller à la création
« Judson Joyce Green »
Duain Wolfe, directeur du
chœur et chef de chœur
Mason Bates, Anna Clyne,
compositeurs en résidence « Mead »
Yuan-Qing Yu (concertmaster assistant) *
So Young Bae
Cornelius Chiu
Alison Dalton
Gina DiBello
Kozue Funakoshi
Russell Hershow
Qing Hou
Nisanne Howell **
Blair Milton
Paul Phillips, Jr.
Sando Shia
Susan Synnestvedt
Rong-Yan Tang
Baird Dodge (chef d’attaque)
Sylvia Kim Kilcullen (2e chef d’attaque)
Lei Hou
Ni Mei
Fox Fehling
Hermine Gagné
Rachel Goldstein
Mihaela Ionescu
Melanie Kupchynsky
Wendy Koons Meir
Aiko Noda **
Joyce Noh
Nancy Park
Ronald Satkiewicz
Florence Schwartz-Lee
Altos
Charles Pikler (chef d’attaque) ***
Le poste de directeur musical du Chicago Li-Kuo Chang (2e chef d’attaque)
Symphony Orchestra est subventionné à The Louise H. Benton Wagner Chair
perpétuité par une donation généreuse
John Bartholomew
de la Zell Family Foundation.
Catherine Brubaker
Wei-Ting Kuo
Violons
Danny Lai
Robert Chen (concertmaster)
Diane Mues
The Louis C. Sudler Chair, endowed
Lawrence Neuman **
by an anonymous benefactor
Yukiko Ogura **
Stephanie Jeong (concertmaster associée) Daniel Orbach
The Cathy and Bill Osborn Chair
Max Raimi
David Taylor (concertmaster assistant) * Weijing Wang
15
Violoncelles
John Sharp (chef d’attaque)
The Eloise W. Martin Chair
Kenneth Olsen (2e chef d’attaque)
The Adele Gidwitz Chair
Karen Basrak
Loren Brown
Richard Hirschl
Daniel Katz
Katinka Kleijn
Jonathan Pegis
David Sanders
Gary Stucka
Brant Taylor
Contrebasses
Alexander Hanna (chef d’attaque)
The David and Mary Winton
Green Principal Bass Chair
Daniel Armstrong
Roger Cline
Joseph DiBello
Michael Hovnanian
Robert Kassinger
Mark Kraemer
Stephen Lester
Bradley Opland
Harpes
Sarah Bullen (soliste)
Lynne Turner
Flûtes
Mathieu Dufour (soliste) **
The Erika and Dietrich M. Gross Chair
Richard Graef (co-soliste)
Louise Dixon
Jennifer Gunn
Piccolo
Jennifer Gunn
Hautbois
Eugene Izotov (soliste)
The Nancy and Larry Fuller Chair
Michael Henoch (co-soliste)
Gilchrist Foundation Chair
Lora Schaefer
Scott Hostetler
John Hagstrom
Tage Larsen
Cor anglais
Scott Hostetler
Trombone basse
Charles Vernon
Clarinettes
Stephen Williamson (soliste)
John Bruce Yeh (co-soliste)
Gregory Smith
J. Lawrie Bloom
Tuba
Gene Pokorny (soliste)
The Arnold Jacobs Principal Tuba
Chair, endowed by Christine Querfeld
Clarinette en mi bémol
John Bruce Yeh
Clarinette basse
J. Lawrie Bloom
Bassons
William Buchman (soliste remplaçant)
Dennis Michel
Miles Maner
Contrebassoon
Miles Maner
Cors
Daniel Gingrich (soliste remplaçant)
James Smelser
David Griffin
Oto Carrillo
Susanna Gaunt
Trompettes
Christopher Martin (soliste)
The Adolph Herseth Principal
Trumpet Chair, endowed by an
anonymous benefactor
Mark Ridenour (co-soliste) **
16
Trombones
Jay Friedman (soliste)
Michael Mulcahy
Charles Vernon
Timbales
David Herbert (soliste)
Vadim Karpinos (co-soliste)
Percussion
Cynthia Yeh (soliste)
Patricia Dash
Vadim Karpinos
James Ross
Piano
Mary Sauer (soliste)
* Les concertmasters assistants
apparaissent par ordre d’ancienneté.
** en congé
*** en congé sabbatique
Les pupitres des cordes du Chicago
Symphony Orchestra obéissent à
un placement tournant. Les musiciens
assis derrière les solistes et
co-solistes changent de place toutes
les deux semaines et apparaissent
ici par ordre alphabétique.
Les percussionnistes apparaissent
également par ordre alphabétique.
The Chicago Symphony Orchestra is grateful to Merrill Lynch,
a subsidiary of Bank of America Corporation, for its generous
support of CSO concerts at home and around the world.
Global Sponsor of the CSO

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