Le prêtre sur le devant de la scène
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Le prêtre sur le devant de la scène
L’œil critique Retour sur l’événement dans le journal du 7 mai Exclusif 10 films, 10 figures de prêtres passés à la loupe de Pierre Faure, critique cinéma L’entretien avec Frédéric Van Den Driessche, comédien nordiste, dans la peau de Louis Page. p. 2 et 3 Un dossier spécial Supplément gratuit au N°2154 - Du 16 au 22 avril 2010 - Ne peut être vendu Le mot DE la rédaction Le prêtre sur le devant de la scène Peu de premiers rôles, souvent caricaturés, mais des personnages présents et discrets. Combien de leurs paroles, de leurs écoutes, ont influé de manière décisive leur entourage. Le 7e art nous entraîne à leur rencontre et par le biais de sa lucarne, à nous laisser saisir par leur humanité. Bravo donc au diocèse de Lille d’avoir imaginé ce festival. Les Nordistes ont là une occasion originale de découvrir des visages de prêtres, décrits par des réalisateurs français, italiens, anglais ou américains, d’hier et d’aujourd’hui. Cette semaine de festival va être un élément supplémentaire au débat actuel sur la prêtrise. Que n’a-t-on pas entendu ces derniers temps autour du célibat incompris des prêtres, de leur solitude et des dramatiques actes de pédophilie commis par certains. Mais le prêtre reste une figure majeure de nos sociétés. Leur place dans les scénarios de films en témoigne. Ce festival leur rend hommage en cette année où Benoît XVI les met en avant. Gageons qu’à l’issue de ces rencontres et débats, nous saurons mieux définir ce qu’est un prêtre, aujourd’hui en 2010, dans une société laïque. Nous en rendrons compte dans notre journal du 7 mai. Tous invités, petits et grands, croyants et non-croyants « Le prêtre fait son cinéma » est un festival du film créé dans le diocèse de Lille à l’occasion de l’année sacerdotale. Un festival qui se veut ouvert au plus grand nombre, petits et grands, croyants et non-croyants, désireux de voir ou de revoir des films montrant différents visages de prêtres. Des visages du passé, mais aussi du présent, qui témoignent du rôle et de la vie du prêtre dans le monde d’aujourd’hui. Ce festival se veut aussi un lieu de rencontre et de débat autour des thèmes liés au ministère du prêtre et plus largement de la foi. Bon festival à tous ! P. Thierry Vandemoortele, vicaire épiscopal sur métropolys Sur RCF radio t.o Pour suivre l’actualité du festival, retrouvez chaque matin, le flash du jour La Bonne nouvelle, à 7 h 20 sur 97.6 FM Émission L’image du prêtre le 21 avril à 20 h (redif. le 22 à 11 h 30 et le 25 à 10 h 30) et analyse des films, les 28, 29 et 2 mai, mêmes heures. « Pour être parmi les hommes, le prêtre n’en est pas moins à une distance mystérieuse, due à son caractère sacré. Certains films impressionnent à cet égard parce que leur sujet, pour une part, nous échappe. » Édouard Huber, chroniqueur cinéma 2I I I Croix du Nord supplément gratuit au n°2154 16 au 22 avril 2010 I Le prêtre fait son cinéma Une série télévisée Louis Page : sur les chem Frédéric Van Den Driessche, attendu mardi à L E comédien Frédéric Van Den Driessche participera, le 27 avril à Lille,à ce festival. Occasion pour celui qui a grandi entre Tourcoing et Roubaix, de rencontrer son public et de retrouver le Nord… Actuellement en tournage en région parisienne, il nous a accordé quelques instants pour plonger, en avant-première, dans le vif du sujet : sa vision du prêtre. Un regard nourri d’une expérience de 10 ans de tournage de la série Louis Page,où il incarnait un prêtre itinérant sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle… Quand on vous a proposé le rôle du prêtre, avez-vous hésité ? J’ai hésité pour une seule raison : je sentais que ce prêtre avait commis quelque chose qui le rendait coupable et je craignais que ce soit un prêtre défroqué, ce que l’on avait déjà vu 50 000 fois. J’ai appelé la production qui m’a dit que le prêtre a euthanasié sa mère. L’euthanasie est interdite, mais que ce soit un prêtre qui euthanasie, je trouvais cela intéressant et le fait qu’il porte en lui cette faute, original. C’était évident qu’il ne pouvait pas se poser en juge mais se plaçait comme accompagnateur. Et puis ce qui est très rare à la télé, où il y a du bavardage et encore du bavardage, c’est que j’ai pu couper tout ce qui était redondant ou inutile pour laisser ce prêtre apparaître à l’écoute des personnes,et jouer sur la force des regards. Comment vous êtes-vous préparé à jouer ce personnage ? Je n’ai pas choisi d’aller dans un séminaire pendant 6 mois,j’ai joué avec ce que je ressentais. Comme beaucoup, j’avais une image caricaturale. J’ai grandi dans des congrégations. J’étais allé au collège de Marcq puis chez les frères de l’école Saint Luc à Tournai. J’ai aimé le personnage de Louis Page. J’y suis allé avec un effet boomerang : je devais m’inscrire dans ce que je disais, et je n’aurais pas pu dire certaines choses. Il y a eu des épisodes auxquels je tenais plus qu’à d’autres. Dans l’épisode qui sera projeté à Lille, vous accompagnez un prêtre qui doute. J’aime cet épisode qui est bien joué et bien écrit. Il y est question du La série télé Louis Page 9 films « Peut-on en tant qu’acteur faire passer ce à quoi on croit ? » s’interroge le comédien Frédéric Van Den Driessche. Il incarne Louis Page, prêtre catholique, héros d’une série télévisée diffusée sur France 2. et une série présentés lors de ce festival analyse. Pierre Faure, notre spécialiste du cinéma, établit les « pitchs » et décrypte en quelques lignes l’essentiel de la problématique posée par les films faisant partis de la sélection. la messe est finie 1987 Ce sentiment terrible que « tout fout l’camp »… 1 Venant de sa petite île paisible, Don Giulio arrive dans la grande ville, Rome, pour découvrir sa nouvelle paroisse. L’église est poussiéreuse et désertée par les fidèles. Elle est désertée aussi par Antonio, ancien prêtre qui a choisi le mariage et la paternité. Il habite juste en face du presbytère et se montre prêt à meubler la solitude de son successeur. Peu à peu, Don Giulio découvre les habitants du quartier : Réalisateur : Nanni Gianni, l’intellectuel maniéré, Andrea le dur, Moretti. Saverio l’artiste, Cesare le pur. Casting : Avec Nanni Il les écoute, tente de leur être utile et de leur Moretti, Margarita faire partager ce en quoi il croit, mais sa parole Lozano, Ferruccio de ne passe pas. Ceresa... Il va d’incompréhension en révolte, de colère en détresse dans son petit monde qui semble lui échapper totalement. Dans sa propre famille, Don Giulio n’est pas épargné : sa sœur enceinte veut rompre et avorter, son père part avec une jeunette dont il veut un enfant, sa mère accuse le traumatisme, qui la conduit au suicide. Le prêtre est sérieusement ébranlé. Il n’a plus cette voix calme et assurée qui bénissait jadis les jeunes époux, avant son départ de l’île. Il s’en va au-delà du La problèmatique cercle polaire où il Les questions de la déchristianisation, faut arrimer les habitations pour qu’elles d’une société en perte de repères, de la résistent à ce vent place du prêtre et de la recherche d’un qui, dit-on, rend fou… nouveau langage sont posées ici. Un prêtre catholique, héros d’une série télévisée diffusée sur France 2 est un fait rare. Tournée dès 1997 et diffusée jusqu’en 2008, elle met en scène un prêtre qui effectue le chemin de St Jacques. S’arrêtant de presbytère en presbytère, il rencontre des familles et prêtres affrontant de difficultés. Il leur vient en aide, les accompagne, sans régler tous les problèmes,se laisse bousculer dans ses certitudes. Gran Torino 2009 Ancien combattant de Corée à l’heure de la rédemption 2 Clint Eastwood est à la fois le réalisateur et l’interprète principal de « Gran Torino ». Il incarne Walt Kowalski, un citoyen américain moyen, ancien de la guerre de Corée, retraité après avoir travaillé durant quelques décennies dans les usines Ford. Récemment veuf, il passe ses journées la canette de bière à la main à se prélasser sur son perron. Il a beaucoup de mal à supporter Réalisateur : Clint tous ces « chinetoques », ces « faces de citron » Eastwood. qui envahissent sa rue et son quartier. Ses Casting : Avec Clint sentiments deviennent haineux lorsqu’il surEastwood, Bee Vang, prend l’un d’eux dans son garage, tentant de Ahney Her... lui voler sa voiture de collection, une « Gran Torino ». Un jour, parce qu’il a conservé de vieux réflexes de justicier, Kowalski sauve l’un de ces jeunes immigrés des griffes d’un gang. Un acte de bravoure qui fait de lui le héros du quartier, admiré et respecté par tous ceux qu’il qualifiait de « chinetoques ». Il est l’objet de nombreux témoignages d’amitié, et cela change peu à peu son regard sur l’humanité qui l’entoure. Une sorte de conversion, sous le regard bienveillant du père Janovitch qui, par fidélité à une promesse faite à la La problèmatique défunte Mme Un prêtre qui, après avoir tenté assez Kowalski, avait promaladroitement de ramener au bercail la mis de « ramener « brebis égarée » va être le témoin d’une son époux au bercail »… véritable rédemption… Le prêtre fait son cinéma I : un prêtre mins de Saint Jacques Lille, raconte comment il s’est pris d’intérêt pour le prêtre le plus célèbre du petit écran. célibat des prêtres. Louis Page accompagne un prêtre qui a une relation avec une femme, ce qui oblige Louis Page à avoir une action dans l’église : il l’aide à retrouver le chemin de la prêtrise dans le célibat. Ce scénario est intéressant alors qu’on aurait pu, pour le moderniser, lui faire dire n’importe quelle c… Personnellement,que pensez-vous du célibat des prêtres ? J’ai des tentations d’idées, mais je n’y réponds pas. C’est très délicat et le débat m’intéresse. Pour autant que j’ai joué le rôle d’un prêtre, je n’ai pas les réponses. Je sais qu’il y a de la souffrance. C’est une question à traiter probablement au cas par cas. Dans cet épisode (présenté le 27 avril à Lille, Ndlr) Louis Page aide le prêtre à retrouver sa solitude de prêtre, qui est au cœur de son ministère. Un jour de tournage, alors qu’on déjeunait dans un presbytère, j’ai rencontré un prêtre qui m’a dit : « Je vis maritalement ». C’était un homme heureux et épanoui. Pourquoi lui retirer son ministère ? Dernièrement, j’ai entendu à la radio quelque chose que j’ignorais : le célibat aurait été instauré au XIIe pour que les biens de l’Église ne soient pas dilapidés par les liens du mariage. Sur ce point notamment, on reproche au Pape sa fermeté. Le pape est le gardien des préceptes de l’Église. Il est dans son rôle de gardien du temple.Dans l’église anglicane, j’ai appris que des prêtres sont mariés. Des échelles d’analyses en profondeur existent qui permettraient de s’apercevoir que les prêtres mariés sont plus heureux ou exercent mieux, utilisons-les. Le statisme de cette situation me paraît un risque de gangrène.Je regrette que certaines personnes pensent que les prêtres deviennent pédophiles parce qu’ils ne peuvent pas se marier. C’est Un souvenir plus précis ? Mon premier baiser à Marcq, qui a duré un après-midi, au manège à chevaux de l’Hippodrome ! Nous « Je regrette que certaines personnes pensent que les prêtres deviennent pédophiles parce qu’ils ne peuvent pas se marier. C’est insultant pour eux. » insultant : l’un est névrosé, l’autre est un cœur qui parle. Cet amalgame est terrible. Revenons à vous. Quelles sont vos attaches avec le Nord ? Je suis né à Tourcoing, et j’y ai grandi. Quand mes parents ont divorcé, j’ai fréquenté Roubaix. Mon enfance s’est beaucoup passée avec mes deux frères. Au collège de Marcq, où je n’étais pas vraiment bon élève, je n’ai pas été très heureux,on m’a fait sentir que je serai mieux ailleurs. Je suis parti à Saint Luc à Tournai, une école de photo. Là j’ai fait de l’art déco et du dessin ; j’ai pu m’exprimer autrement,ça m’a rendu assidu en cours Rome, ville ouverte 1945 Monsieur le curé revit la Passion du Christ 3 et j’ai été heureux.Nous étions des classes de 18 puis 15 élèves,on était tous potes et aujourd’hui,à 50 ans, mes meilleurs amis datent de cette époque. Nous sommes tous mariés et avec des enfants.Je viens régulièrement les retrouver dans le Nord et la Belgique. Nous sommes à Rome, au cours de l’hiver 1944. De violents affrontements ont lieu entre la Gestapo et les réseaux de la Résistance. Giorgio Manfredi, ingénieur communiste activement recherché a trouvé refuge chez un ami typographe, Francesco, qui doit épouser prochainement sa voisine, la veuve Pina (Anna Magnani). L’immeuble de la Via Casilina où habite Francesco devient un nid de résistance où se retrouvent Réalisateur : Roberto notamment les enfants du patronage et le père Rossellini. Don Pietro qui, tous, participent à la lutte. Un Casting : Avec Aldo jour les S.S. cernent l’immeuble, embarquent les Fabrizi, Marcello hommes et abattent froidement la veuve Pina. Pagliero, Francesco La maîtresse de Manfredi (Judas ?) a dénoncé Grandjaquet... tout le monde aux Allemands. Le militant communiste mourra sous la torture sans avoir parlé. Le prêtre sera fusillé au petit jour sur les hauteurs de Rome, tandis que les enfants sifflent doucement leur air de ralliement avant de redescendre vers la ville qui s’éveille… Tourné avec de petits moyens dès 1945, juste au lendemain de la Seconde guerre mondiale et dans un pays exsangue, « Rome ville ouverte » est l’exemple parfait de ce que l’on a appelé le « néo-réalisme » dont Rossellini allait être le chef La problèmatique de file. Une façon L’héroïsme, le don de sa vie… En des d’exprimer avec une totale humilité la circonstances historiques particulières, le souffrance du sacrifice exemplaire d’un prêtre, comme monde. une nouvelle Passion du Christ. étions deux petits oiseaux amoureux, et quand sa mère nous a retrouvés le soir, elle lui a donné une claque ! J’ai vu dans les yeux de mon amie qu’elle n’avait même pas eu mal ! Le monde des adultes m’a paru bien pauvre.Depuis,cette fille m’appelle à chacun de mes anniversaires ! En quoi les frères de Saint Luc vous ont-ils marqué ? Ils étaient extraordinaires ! Ils nous ont épaulés. Quand j’en suis parti, le frère directeur m’a envoyé un courrier me disant « Les portes du noviciat te seront toujours ouvertes ». Je n’avais pas compris à l’époque et quelques années plus tard, je lui ai rendu ce qu’il m’avait proposé. C’est troublant. J’ai toujours voulu être acteur, et en 5e je m’arrêtais prier dans les églises pour que ce vœu se réalise. Vous arrive-t-il encore de prier ? Est-ce que je prie ? Un ami m’a écrit ceci qui m’a touché : « Quand tu joues, on voit que tu pries. » J’ai un rapport à la spiritualité par moments. J’ai été injuste avec ça, mais je m’apaise depuis deux ans. Autre fait troublant : dans mon groupe de copains à Vincennes, il y avait un prêtre. Quand je suis rentré du Jura où je venais de tourner le 1er épisode de Louis Page, j’ai reçu un courrier où il me racontait son pèlerinage sur les chemins de Saint Jacques. J’ignorais son projet, il ignorait le mien. J’ai noté des détails qu’il décrivait - sa façon de marcher et de ne pas courir - qui m’ont servi. « Quand tu es prêtre, tu vas au-devant des gens, mais sans précipitation. Ce sont des choses déterminantes. » Votre définition du prêtre ? Un accompagnateur. Quelqu’un qui prie. Avec beaucoup de souffrance. Pas mal de prêtres m’ont dit l’importance de la prière pour vivre leur solitude. Pour le dernier épisode, j’aurais aimé que Louis Page retourne chez les trappistes et arrête d’être un serviteur social pour retourner à la prière, dans un endroit retiré. Le dernier épisode n’a pas été tourné. Recueilli par Véronique Durand Ma nuit chez Maud 1969 Foi, amour et fidélité : le long dialogue nocturne 4 Jean-Louis est un ingénieur célibataire, récemment rentré de l’étranger, qui vit à Clermont-Ferrand. A quelques jours de Noël, il remarque à la messe une jeune femme blonde. Coup de foudre : il lui voue aussitôt un amour exclusif et décide qu’elle sera sa femme sans rien savoir d’elle. Vidal, ancien camarade de lycée devenu professeur de philosophie et libre penseur, invite Jean-Louis à dîner le soir de Noël Réalisateur : Eric chez une amie, doctoresse divorcée, Maud. Rohmer. La soirée se passe en longues discussions sur Casting : Avec Jeanle mariage, la morale, la religion, la philosophie Louis Trintignant, de Pascal. Discussions à trois, puis à deux. L’état Françoise Fabian, des routes oblige Jean-Louis à passer la nuit Marie-Christine Barchez Maud. rault, Antoine Vitez . Tour à tour se manieront sincérité et séduction, mais jamais la barrière platonique ne sera franchie, sinon un chaste baiser au petit matin. Le lendemain, Jean-Louis retrouve Françoise, la jeune femme blonde. Un peu plus tard, il lui propose de l’épouser et celle-ci après s’être rebiffée (elle sort d’une liaison avec un homme marié) accepte. Cinq années plus tard, le hasard veut que Françoise, Maud et Jean-Louis devenu père de famille se croisent La problèmatique sur une plage. Ils Opposition entre ascétisme et légèreté, échangent des proquestions sur les exigences de la foi et pos anodins, avant que certaines vérités considérations sur l’amour, la fidélité, et n’apparaissent... réflexion sur le « pari de Pascal ». I I Croix du Nord supplément gratuit au n°2154 16 au 22 avril 2010 I3 le froid de l’hiver, 6 Dans cet appel qui retentit… Hiver 54 1989 Il n’avait jamais fait aussi froid en France depuis l’hiver de 1880 ! Nous sommes en 1954, et un bébé vient de mourir de froid chez les compagnons d’Emmaüs. Une communauté au sein de laquelle l’abbé Pierre, ancien aumônier des Résistants du Vercors et député, accueille dans une grande maison de Neuilly-Plaisance acquise avec ses indemnités parlementaires tous les « cabossés de la vie ». Récupération et recyclage des déchets sont les formes d’activité de cette petite communauté. A la suite de cette mort scandaleuse, l’abbé Pierre adresse une lettre ouverte au Ministre du Logement, le suppliant de venir à l’enterrement découvrir la misère qu’il ne sait pas soulager : le ministre viendra ! Quand un peu plus tard, une femme expulsée de son loge- ment meurt sur un trottoir de la capitale, il lancera un appel pathétique sur Radio-Luxembourg, secouant d’innombrables auditeurs. C’est ce qu’on appellera « l’insurrection de la bonté ». Avec Lambert Wilson dans le rôle de l’abbé Pierre, Denis Amar fait revivre l’actualité de l’hiver 54, à travers l’action d’un prêtre passionné de justice et de vérité. Un film respectueux des faits et qui résonne particulièrement par rapport avec l’actualité, alors que les morts de froid du rigoureux hiver 2010 se comptent pas dizaines. Révolté par l’indifférence d’une société oublieuse de ses exclus, c’est un prêtre qui appelle à cette charité évangélique par laquelle le Christ préférait les « petits », les « méprisés ». UnE séance pour le caté Pour faire découvrir à la nouvelle génération qui était l’Abbé Pierre, prêtre engagé, mais aussi homme politique et fondateur de la communauté Emmaüs, décédé en janvier 2007. Cette séance est réservée aux équipes de caté de CM 1 suivie d’un goûter et d’une rencontre avec des membres d’Emmaüs. Séance gratuite à 14 h 30 au Fresnoy à Tourcoing. Sous le soleil de Satan 1987 Ciels du Nord et lutte entre le péché et la grâce 5 En portant à l’écran le premier roman de Georges Bernanos, publié en 1926, « Sous le soleil de Satan », Maurice Pialat a reçu en 1987 la palme d‘Or du festival de Cannes. L’histoire de l’abbé Donissan, un homme qui doute de sa vocation malgré le soutien de son confrère, l’abbé Menou-Segrais. Lorsque la jeune Mouchette tue son amant, tout le monde croit que celui-ci s’est suicidé. Mais elle se tourne vers lui, Réalisateur : Maurice l’abbé, qui l’accable et la pousse au suicide. Un Pialat. soir, sur une route de campagne, il croise un Casting : Avec Gérard maquignon dans lequel il reconnaît Satan. Depardieu, Sandrine Nommé curé de Lumbres, l’abbé Donissan est Bonnaire, Alain considéré comme un saint par ses paroissiens Artur, Yann Dedet... et en échange du salut de son âme, il accomplit un miracle. Peu après, l’abbé Menou-Segrais le retrouve mort dans son confessionnal. Le film n’avait pas fait l’unanimité auprès du public et de la presse, et la palme d’Or a été remise à Maurice Pialat sous les huées de l’assistance. C’est alors que le cinéaste avait lancé le poing levé cette phrase restée célèbre : « Si vous ne m’aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus !». Le propos du film n’a visiblement pas été compris par tous. Ce La problèmatique combat du péché et « Un abbé éperdu et fruste, comme encombré de la grâce n’était de Dieu » : telle est l’image donnée par l’abbé pas au cœur des Donissan. Mais c’est dans l’obscurité, dans la préoccupations des festivaliers… grisaille du monde, que peut éclore la grâce. 4I I I Croix du Nord supplément gratuit au n°2154 16 au 22 avril 2010 I Le prêtre fait son cinéma Quelle image avez-vous du prêtre au cinéma ? Soline, 30 ans, secrétaire de direction, Lille « Un personnage caricatural, en dehors de la réalité » « Le premier film qui me vient à l’esprit, c’est Amen. L’ histoire d’un homme d’église confronté à des choses horribles... Dans ce film, le prêtre n’est ni caricatural, ni effacé, ni moqué, c’est rare au cinéma ! En général, il est dépeint comme une personne en dehors de la réalité, ou alors on en fait un personnage comique, comme dans le cinéma italien. » Claudine, 21 ans, hôtesse de caisse, Lille « Loufoque et déjanté… comme Rabbi Jacob ! » « Ca peut sembler bizarre mais je pense tout de suite à Rabbi Jacob. Ce n’est pas un prêtre, c’est un rabbin mais il a ce côté loufoque et déjanté qu’on colle souvent aux prêtres au cinéma. Dans Rabbi Jacob, le personnage vous donne plus envie de danser que de prier ! » Frédérique, 31 ans, professeur de Lettres, Valenciennes « Un acteur social » « Je pense à L’ Exorciste, c’est une vision assez américaine du prêtre. Un homme en crise qui retrouve la foi. Dans le film il a plutôt une fonction sociale que religieuse. Il a un rôle important dans la société, il travaille dans un centre de délinquants, c’est vraiment un acteur social. Et petit à petit il va retrouver la foi. » Annette, 65 ans, retraitée, Lille « Un prêtre qui m’a marqué au cinéma ? » « J’ai du mal à me souvenir d’un personnage ou d’un film en particulier mais dans l’ensemble, je pense que le cinéma donne des prêtres une vision plutôt négative. Ce qui me vient à l’esprit, c’est l’image du prêtre torturé, et non celle du prêtre serein. » Doute 2008 Antoine, 26 ans, contrôleur des impôts, Lille « Omniprésent » « Au cinéma, le prêtre est rarement un personnage principal, pourtant, quand on y pense, il y est omniprésent. Les films en donnent une image très manichéenne, le prêtre peut aussi bien incarner le mal et être un personnage très noir, qu’être le cliché du bon prêtre serviable. Je me rappelle du prêtre dans Le Bon, la Brute, et le Truand, il est plus nuancé. Il représente le bien, mais son frère est un bandit. » Louise, 21 ans, étudiante, Arras « Anachronique » « Le prêtre qui m’a le plus marquée, c’est celui de Roméo et Juliette. Le personnage est détourné par rapport au livre. Il est complètement anachronique avec son look décalé. Il se balade torse nu avec une boucle d’oreille, rien à voir avec Shakespeare ! En fait, il ne ressemble pas à un prêtre mais à un illuminé. » Recueilli par Noémie Delchambre Et vous, qu’en pensez-vous ? Envoyez vos réactions et commentaires à Croix du Nord, 33 rue Négrier - BP 29 - 59009 Lille cedex ou par mail à [email protected] Léon Morin, prêtre 1961 Un prêtre soupçonné, de graves accusations Telle est prise qui croyait prendre 1964, dans une école catholique du Bronx, St Nicholas. Le père Flynn, un prêtre charismatique et entraîneur de basket qui tente de chambouler les rigoureuses coutumes de l’école, est soupçonné d’avoir pratiqué des attouchements sur un garçon noir de 12 ans. Sœur Aloysius Beauvier (Meryl Streep), directrice de l’école au gant de fer qui croit dans le pouvoir de la crainte et de la discipline, a des doutes sérieux sur la Réalisateur : John moralité du prêtre mais ne parvient pas à étaPatrick Shanley. blir les preuves nécessaires à son renvoi. Casting : Avec Meryl Quand sœur James, simple et naïve, vient lui Streep, Philip Seyraconter un épisode impliquant le père Flynn et mour Hoffman, Amy un garçon de l’école, sœur Aloysius estime que Adams... ses soupçons sont confirmés. Elle part donc en guerre contre le prêtre, bien déterminée à le démasquer. L’aumônier accusé va tenter de se disculper, mais sœur Aloysius n’a pas dit son dernier mot. Le doute s’installe. Quelles en seront les conséquences ? Et si tout cela n’était rien d’autre qu’un malentendu ? Le « doute » dont il est question dans le titre reste constamment présent : le cinéaste se garde bien de trancher. Entre les certitudes de la directrice et l’innocence proclamée du prêtre, où est la La problèmatique vérité ? Fragilité du Un film qui s’inscrit dans une actualité témoignage humain, danger des « convicbrûlante pour l’Église, et qui montre bien tions intimes » sans la fragilité du témoignage humain grâce à la composition de deux grands interprètes. preuves… À l’origine, « Léon Morin, prêtre » est un roman de Beatrix Beck qui a obtenu le prix Goncourt en 1952. Pendant l’Occupation, Barny, une jeune femme passionnée vit dans une petite ville de province où s’est repliée l’entreprise de cours par correspondance pour laquelle elle travaille. À la fois intelligente et frustrée, Barny élève Réalisateur : Jeanseule sa petite fille France. Incroyante, elle Pierre Melville. décide un jour de braver un prêtre qu’elle choiCasting : Avec Jeansit au hasard. Et Barny se trouve prise au Paul Belmondo, piège… Léon Morin (Jean-Paul Belmondo) est Emmanuelle Riva, jeune, beau, fort et intelligent lui aussi. Il sait Irene Tunc... user de sa force morale pour indiquer à Barny les chemins de la conversion. Mais les deux personnages, qui n’évoluent pas sur le même plan, ne se rencontreront pas. Barny s’éprend violemment de Léon Morin. Cependant celui-ci, au cours des rencontres qui les opposent quotidiennement et tout en estimant à sa juste valeur son interlocutrice, sait lui résister. Quand survient la Libération, les routes de Barny et de Léon Morin se séparent brusquement. La vie les éloiLa problèmatique gne à jamais. Et le « Par passion pour un prêtre, elle risque tous prêtre a le dernier mot : « On se reverra… les tourments de l’enfer », proclamait l’affiche Pas dans ce monde, (datée !) du film. Confrontation amoureuse dans l’autre ! » et religieuse, entre Ciel et terre… 7 8 Programme Séance, débats et tarifs La messe est finie de Nani Moretti. Vendredi 23 avril, 19 h 30, au Fresnoy à Tourcoing. Lancement officiel du festival, en présence de Mgr Ulrich, Mgr Coliche, PThierry Vandemoortele et Philippe Rocher, de l’association catholique mondiale pour la communication. Tarif plein : 5 €, tarif réduit : 4,50 €, tarif adhérent : 4€. Gran Torino de Clint Eastwood. Dimanche 25, 18 h, au cinéma Le Flandrio à Bailleul, suivi d’un débat avec le frère Benoît Ente, dominicain. Tarif plein : 6,40 €, tarif réduit : 5,20 €. Rome ville ouverte de Roberto Rossellini. Dimanche 25, 20 h, cinéma L’Univers à Lille. Débat avec Philippe Rocher. Séance : 3 €. Louis Page avec le comédien Frédéric Van Den Driessche. Mardi 27 avril, 20 , à La Catho (60 bb Vauban) à Lille. Suivi d’un débat avec le comédien, le père Bruno Cazin, vice-recteur de la Catho et le père Gonzague Cuvelier, de la Cité de l’évangile. Gratuit ; participation aux frais. Hiver 54 de Denis Amar. Mercredi 28, 14 h 30, au Fresnoy à Tourcoing. Séance catéfamilles, entrée gratuite (Voir détails page 3). Doute de John Patrick Stanley. Mercredi 28, 20 , au cinéma Le Flandria à Bailleul. Suivi d’un débat avec Catherine Ternynck, psychanaliste, le P. Dominique Foyer, théologien et le P. Frédéric Lefèvre, prêtre du diocèse de Lille, responsable du service des vocations. Tarif plein : 6,40 €, tarif réduit : 5,20 €. Ma nuit chez Maud d’Éric Rohmer. Mercredi 28, 20 h 30, au cinéma Gérard Philipe, à Roncq. Suivi d’un débat avec Loïc Barché du service chrétien du cinéma. Séance : 3 €. Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat. Jeudi 29, 20 h, cinéma Sportica à Gravelines. Suivi d’un débat avec Loïc Barché du service chrétien du cinéma. Séance : 3,50 €. Léon Morin, prêtre de Jean-Pierre Melville. Jeudi 29 avril, 20 h, cinéma Le Kino, à Villeneuve d’Ascq. Débat avec Mélisande Leventopoulos, doctorante en histoire, thèse sur les enjeux religieux du cinéma. Tarif plein : 5,50 €, Tarif réduit : 4,50 €, Tarif Pass’Culture : 4 €, Tarif abonnés : 3,50 €, Tarif super réduit : 2,50 €. Raining stones de Ken Loach. Samedi 1er mai, 17 h, au Fresnoy à Tourcoing. Débat de clôture en présence du P. Vandemoortele et Philippe Rocher. Tarif plein : 5 €, Tarif réduit : 4,50 €, Tarif adhérent : 4 €. Raining stones 1993 Rien n’est trop beau pour une communion 9 Le film de Ken Loach, prix du jury lors du festival de Cannes 1993, emprunte son titre en forme de métaphore à un proverbe britannique : « Chez les ouvriers, il pleut des pierres sept jours sur sept ». Cinéaste « social », Ken Loach se fait cette fois encore le porte-parole des déshérités. Bob, le personnage principal, vit avec son épouse Ann et sa fille Coleen dans une banRéalisateur : Ken lieue misérable de Manchester. Lui et son ami Loach. Tommy se débrouillent pour vivre du mieux Casting : Avec Bruce qu’ils peuvent dans la Grande-Bretagne des Jones, Julie Brown, années Thatcher. Le film dépeint la précarité Ricky Tomlinson... de la société anglaise de l’époque en montrant tous les emplois que Bob est obligé d’exercer : de la revente de viande au marché noir jusqu’à être vigile dans une discothèque. En dépit d’une situation pour le moins précaire, Bob, catholique, tient par-dessus tout à acheter une robe de communion neuve pour sa fille, afin de ne pas perdre la face devant le voisinage. Même si son épouse et le père Barry tentent de le raisonner ! Dans ce combat pour la dignité de sa famille, il va prendre de terribles risques à coups de dettes et de petites arnaques, se La problèmatique heurter à la cupidité « Un film sur ces humbles qui tentent de et à la violence mais aussi redécouvrir la garder le respect d’eux-mêmes » dit Ken solidarité et la Loach. Et ne partagent pas forcément la fraternité. vision du curé de la paroisse…