Document 1 de 1 Cour d`appel Saint

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Cour d'appel
Saint-Denis de la Réunion
Chambre sociale
30 Avril 2013
N° 12/00244
Monsieur Didier BOYER
CINEPALMES CINEXPLOIT
Classement :Inédit
Contentieux Judiciaire
AFFAIRE : N° RG 12/00244
ARRÊT N°
Code Aff. :
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST DENIS en date du 15 Février 2012,
rg n° 10/783
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 30 AVRIL 2013
APPELANTE :
Monsieur Didier BOYER
Présent
INTIMÉ :
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CINEPALMES CINEXPLOIT
Représentant : la SELARL GARRIGES- GERY SCHAEPMAN SCHWARTZ (avocats au barreau
de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION)
DÉBATS : En application des dispositions de l'
article 945-1 du
code de procédure civile
,
l'affaire a été débattue le 19 Mars 2013 en audience publique, devant Christian FABRE, conseiller chargé d'instruire
l'affaire, assisté de Nadia HANAFI, greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au
greffe le 30 AVRIL 2013;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président : Hervé PROTIN
Conseiller : Christian FABRE
Conseiller : Catherine PAROLA
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 30 AVRIL 2013
**
*
LA COUR :
Monsieur Didier BOYER a interjeté appel d'un jugement rendu le 15 février 2012 par le conseil de
prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion dans une affaire l'opposant à la société CINEPALMES CINEXPLOIT.
*
**
Monsieur BOYER a été embauché par la société CINEPALMES CINEXPLOIT le 06 mars 2006
pour une durée indéterminée comme opérateur projectionniste. Par un courrier du 21 janvier 2010, Monsieur BOYER a
pris acte de la rupture de son contrat de travail invoquant des conditions de travail illégales.
Il a ensuite saisi la juridiction prud'homale en paiement de diverses sommes et en indemnisation de
la rupture du contrat. Le jugement déféré l'a débouté.
Les parties ont déposé leurs conclusions au greffe :
les 19 juin 2012 et 18 mars 2013 par Monsieur BOYER,
le 1er février 2013 par la société CINEPALMES CINEXPLOIT,
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auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et des moyens. Elles ont développé
leurs observations orales à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'exception de nullité du jugement, qui d'ailleurs procède d'une lecture erronée de la décision
déférée, faisant prévaloir les titres de présentations de ses différentes parties à son contenu, est sans intérêt du fait de
l'effet dévolutif de l'appel.
Le courrier du salarié du 21 janvier 2010 mentionne en objet 'démission, prise d'acte de rupture du
contrat de travail pour faute de l'employeur', vise des conditions de travail illégales en référence au refus de l'employeur
de donner suite à ses demandes formalisées par un courrier du 11 janvier 2010 et la nécessité pour lui de présenter sa
démission aux torts exclusifs de la société CINEPALMES CINEXPLOIT. S'agissant d'un courrier de rupture motivé, le
terme de démission utilisé par le salarié n'est pas approprié. Ce courrier constitue une prise d'acte de la rupture du
contrat. Quant à ses effets, ils sont ceux d'une démission en l'absence de faute retenue à l'encontre de l'employeur, ou si
celles retenues sont d'une gravité insuffisante pour justifier la rupture, et, dans le cas contraire, ils sont ceux d'un
licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Monsieur BOYER impute à la société CINEPALMES CINEXPLOIT plusieurs manquements tenant
au non-paiement des heures supplémentaires, au fait qu'il ne bénéfice plus de repos hebdomadaire le dimanche depuis le
13 juillet 2009, à l'absence de pause après six heures de travail consécutif, à un travail de sept jours consécutifs et à une
amplitude de repos inférieur aux onze heures légales.
Sur les heures supplémentaires, la problématique tient au fait que l'employeur se fonde sur la
semaine 'cinématographique', soit du mercredi au mardi, alors que le salarié revendique un décompte des heures
travaillées sur la semaine légale. Ainsi à titre d'exemple, pour l'employeur, sur la période du 30 juillet au 26 août 2008,
le décompte est de 35 heures hebdomadaires alors que le décompte du salarié, pour les mêmes horaires et sur la période
du 04 au 31 août 2008, retient 23 heures 50 supplémentaires (durée hebdomadaire de 20h40 du 04 au 10 août, de 39h20
du 11 au 17 août, de 54h30 du 18 au 24 août et de 20h40 du 25 au 31 août).
La société CINEPALMES CINEXPLOIT n'invoque aucune disposition conventionnelle validant les
modalités de son décompte. Elle fait valoir qu'il s'agit d'un usage de la profession et produit pour en justifier un courrier
du président de l'Union Cinématographie Française (syndicat des directeurs de théâtres cinématographiques de
Marseille et de la Région) aux termes duquel il est d'usage que 'les plannings des employés soient mis en place sur la
semaine cinématographique à savoir du mercredi au mardi soir'.
Pour autant, la société CINEPALMES CINEXPLOIT n'explique pas la pertinence de cette
déclaration au regard d'un usage national alors que le syndicat concerné concerne des exploitants de la région
marseillaise. Par ailleurs, ce témoignage concerne les plannings et non le décompte du temps de travail hebdomadaire
qui demeurent deux choses intrinsèquement différentes. En effet, rien n'empêche l'élaboration d'un planning en
concordance avec la semaine cinématographique et un décompte des heures travaillées selon les dispositions légales sur
la base de la semaine civile soit du lundi à 00h au dimanche à 24h. En l'absence de convention collective applicable,
d'accord d'entreprise invoqué ou d'un usage prouvé, c'est la semaine légale qui doit être prise en compte pour le
décompte du temps de travail hebdomadaire.
De ce chef, l'argumentaire de Monsieur BOYER est pertinent. Le décompte des heures
supplémentaires réalisé par le salarié sur la base des plannings établi par Monsieur DERANCY, responsable de l'équipe
de cabine, qui n'est pas contesté dans le cadre de l'application de la semaine civile, s'en trouve validé. Par ailleurs, le fait
que Monsieur BOYER ait pu signer les plannings hebdomadaires n'est pas de nature à valoir renonciation à ses droits
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quant aux heures supplémentaires déterminées en référence à la semaine civile. La somme de 16.909,17 euros
demandées au titre des heures supplémentaires, qui n'est pas contestée dans son montant, est donc allouée au salarié. Le
non-paiement de ces heures, le décompte des heures selon des modalités distinctes de celles découlant de la semaine
civile et le refus de l'employeur de faire droit à la réclamation du salarié (courriers des 11 et 14 janvier 2010) sont autant
de fautes à retenir à l'encontre de la société CINEPALMES CINEXPLOIT dans le cadre de la prise d'acte de la rupture
du contrat.
La deuxième faute invoquée par Monsieur BOYER concerne l'absence de repos dominical à
compter de juillet 2009. La société CINEPALMES CINEXPLOIT ne conteste pas ce point mais invoque les
dispositions de l'
article L. 3132-12 du
Code du travail
. Elle
élude néanmoins la fin de ce texte permettant de déroger au repos dominical à la condition d'attribuer le repos
hebdomadaire par roulement. Faute d'avoir mis en oeuvre ce roulement, la société CINEPALMES CINEXPLOIT ne
pouvait pas priver Monsieur BOYER du repos dominical. Cette infraction aux règles légales est constitutive d'une faute
à retenir dans le cadre de la prise d'acte.
La troisième faute invoquée est relative à l'absence de la pause de 20 minutes après six heures de
travail consécutif prévue par l'
article L. 3121-33 du
Code du travail
. La
société CINEPALMES CINEXPLOIT explique que le temps de pause n'était pas fixé à une heure précise. Elle n'indique
cependant pas les modalités de la prise de celle-ci.
L'avertissement décerné au salarié le 02 août se réfère à une note de service du 27 mars 2007
interdisant de quitter son poste de travail durant le service. Or, cette interdiction non justifiée par des impératifs de
sécurité n'est pas compatible avec la notion de pause durant laquelle le salarié doit être libre de vaquer à des occupations
personnelles. Le non-respect de la pause est ainsi établi et il convient de retenir ce fait comme fautif à l'encontre de
l'employeur.
La dernière faute concerne le non-respect de l'interdiction du travail durant sept jours consécutifs et
l'amplitude du repos journalier. Sur ces deux points, le décompte produit par le salarié ainsi que les plannings suffisent à
l'établir. Le non-respect des dispositions légales est encore à retenir comme fautif à l'encontre de la société
CINEPALMES CINEXPLOIT.
Au regard des fautes ainsi retenues à l'encontre de l'employeur et de leur gravité intrinsèque et
cumulée, celles-ci sont d'une gravité suffisante pour justifier la rupture de la relation salariale dès lors qu'elles sont un
obstacle à une vie de famille du salarié, de nature à avoir un effet néfaste sur la santé de ce celui-ci et en infraction avec
l'obligation de payer les heures supplémentaires.
La prise d'acte de Monsieur BOYER a donc les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et
sérieuse.
Lors de sa prise d'acte, Monsieur BOYER avait une ancienneté de 47 mois, son salaire brut était de
1.637,70 euros. En considération de ces éléments et du préjudice subi, l'indemnité de licenciement sans cause réelle et
sérieuse est fixée à la somme de 12.800 euros. Monsieur BOYER qui demande une indemnité à ce titre et une autre au
titre du licenciement abusif est débouté du surplus de sa demande de ces chefs.
L'indemnité de préavis est fixée à la somme de 3.180 euros, les congés payés s'y rapportant à celle
de 318 euros et l'indemnité légale de licenciement à celle de 1.283 euros.
En l'absence de procédure de licenciement, l'indemnité de procédure irrégulière n'est pas due et la
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demande s'y rapportant est rejetée.
Monsieur BOYER demande la somme de 60 euros pour la participation de l'employeur aux tickets
restaurant. Selon l'accord de fin de conflit du 23 octobre 2009, la société CINEPALMES CINEXPLOIT s'était engagée
à participer à concurrence de 2,50 euros pour 08 tickets mensuels. La demande correspond ainsi à trois mois. Les
bulletins de paye ne faisant pas mention du paiement de ces tickets, il est fait droit à la demande.
Le salarié demande aussi la somme de 530 euros pour le treizième mois. Celui-ci résulte du même
accord de fin de conflit mais avec des modalités de mise en place progressive (un tiers en décembre 2009, deux tiers en
décembre 2010 et intégral en décembre 2011). La proratisation n'a pas été retenue et Monsieur BOYER a perçu la
somme de 530 euros en décembre 2009. Sa demande n'est donc pas fondée. Elle est rejetée.
Monsieur BOYER doit être indemnisé de ses frais irrépétibles à concurrence de la somme de 500
euros. Les dépens sont à la charge de la société CINEPALMES CINEXPLOIT qui succombe.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en matière sociale et en dernier ressort,
Infirme le jugement,
Dit que la prise d'
acte
du
21 janvier 2010
produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société CINEPALMES CINEXPLOIT à payer à Monsieur Didier BOYER les
sommes suivantes:
- 12.800 euros pour l'indemnité de licenciement abusif,
- 3.180 euros pour le préavis,
- 318 euros pour les congés payés s'y rapportant,
- 1.283 euros pour l'indemnité légale de licenciement,
- 16.909,17 euros pour les heures supplémentaires,
- 60 euros pour la participation aux tickets restaurant,
article 700 du
- 500 euros en application des dispositions de l'
Code de procédure civile
Rejette toute autre demande,
Condamne la société CINEPALMES CINEXPLOIT aux dépens de première instance et d'appel.
,
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Le présent arrêt a été signé par Monsieur Hervé PROTIN,
président, et Madame Nadia HANAFI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat
signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Décision Antérieure
Conseil de prud'hommes
10/783
du
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15 février 2012
n°