Les accidents ne sont pas une fatalité - Biagi (Alleen
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Les accidents ne sont pas une fatalité - Biagi (Alleen
Les accidents ne sont pas une fatalité Certes le fait de voler en planeur présente plus de risques que de jouer à la pétanque. Néanmoins ce qui me parait dangereux pour le mouvement vélivole, c’est précisément, ces dernières années, l’emploi de ce terme associé à notre activité. Particulièrement ces derniers mois, il est symptomatique que dans les c o n f ér e n c es o u a s s em b l é e s générales, le temps passé et les commentaires liés à ce qu'il convient de faire en cas de..., font penser à une véritable «industrie de la gestion des accidents». Prévenir le District, ne pas déplacer l'épave, faire des photographies sous des angles adéquats, organiser, prévenir, etc.... Tout cela est nécessaire, nous le savons, mais ne concerne que les problèmes situés en aval. D'autre part, Dieu merci, nous n'en sommes pas encore au stade des services de la Sécurité Routière qui, depuis longtemps déjà, peuvent prévoir les accidents qui surviendront à Pâques ou à la Toussaint â quelques % prés. Les raisons qui ont fait admettre la fatalité des accidents de la route sont nombreuses, connues, et ont été longuement analysées. Citons en une simple et importante: vous n'êtes pas maître de ce qui survient devant ou derrière votre véhicule, et vous n'avez guère de possibilités de dégagement. En planeur, à part les rares exceptions dont nous allons parler, TOUT ce qui survient ne dépend que de VOUS. Il est le plus souvent facile, parfois difficile mais toujours possible, de surmonter ou de contourner les difficultés visibles ou prévisibles, et même de limiter à un incident les conséquences d'une grosse erreur. Nous nous devons donc de démontrer qu'un accident au départ, en vol, ou à l'issue d'un vol peut, et par conséquent doit, rester l'exception liée aux impondérables. Nous parlerons de problèmes techniques bien sûr, et comme nous sommes ici devant une assemblée de médecins, nous solliciterons leur nos problèmes psychologiques, dont le “stress”, comme on dit maintenant, aussi important parfois que difficile à maîtriser. Eliminons de suite les cas très rares où la responsabilité du pilote, ou d'un des pilotes, est nulle: la défaillance matérielle évidemment et, par exemple, le cas du planeur percuté percuté par l’arrière par un autre en ressource. Cela est arrivé trois fois à notre connaissance, avec des dégâts exclusivement matériels. Maintenir une "haute vigilance" Cela dit, dans les trois principaux cas de vol: décollage en remorqué, vol libre et atterrissage, les principales causes de nos accidents sont bien connues et peu nombreuses. Il doit donc être possible de les faire disparaître dans la plus grande partie des cas. Après le décollage, tout au début du vol en remorqué et jusqu'au largage, rien ne vous autorise à quitter des yeux l’avion remorqueur sous peine de risques potentiels. A l'atterrissage, même en campagne sur un terrain court mais convenablement choisi, si l'approche a commencé au «point clé», c'est-à-dire a bénéficié de la totalité de son étape de base, elle-même précédée de tout ou partie de la branche vent arrière, il n'y a aucune raison de craindre des difficultés. Que dire alors des incidents, ou accidents, que nous avons à déplorer en approche sur l'aérodrome de départ dans des conditions normales ? Peut-on incriminer la fatalité, ou plus simplement le danger du vol à voile quand nous lisons dans le N° d'avril 1990 de «Vol à Voile», sous le titre: « 1989, année record» (je cite) : «Autre constatation inquiétante: sur les 21 biplaces accidentés, 17 avaient un instructeur à bord... Il y a là un problème, auquel devront s'attaquer tous ceux qui vont prendre la responsabilité d'assurer, dans le cadre associatif, la formation de nos futurs cadres techniques». En effet, nous pouvons extraire de ce texte le mot FORMATION, et lui faire l’honneur des lettres majuscules. En vol, particulièrement sur la campagne les problèmes à résoudre, les choix nécessaires au bon déroulement du circuit, sont nombreux et parfois difficiles. Mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, même en compétition, il est rare d'être confronté à des choix critiques. Et quand le cas se présente, c'est vous qui décidez de prendre ou de ne pas prendre la décision qui vous tente. Si, comme je l’ai fait moi-même un jour, vous prenez le risque d’arriver sur le point de virage en même temps que la pluie et la forte chute d’un orage qui menace , et d'atterrir en dehors de la zone répertoriée, vous jouez. Si vous perdez et abîmez votre machine, vous savez fort bien que la fatalité n'y est pour rien ! Pour retrouver un cas semblable, également en compétition, il me faut remonter à il y a 32 ans. On pouvait lire dans le N° 50 de la revue Aviasport d'avril 1958, à la page 181 (je cite): “Mais à 100 m. de haut, il est difficile de mettre le cap sur une clairière toute proche, engageante et surmontée d'un magnifique cumulus, car si ça rate, il y aura tout à l'heure un petit stère de bois de plus, à côté de ceux que l'on peut voir, assez prés pour compter les bûches sagement alignées. C'est bien vrai que le vol à voile, à certains moments, met à la torture l'esprit de décision des pilotes”. Les principales causes d'accident sont bien connues En vol à voile de plaisance la philosophie ne consiste pas, et de loin, à gérer une activité dangereuse ni même à haut risque, mais plus simplement à veiller, si les conditions deviennent difficiles, à maintenir une «haute vigilance» pour reprendre l'expression de Michel Bouet, parfaitement adaptée en l'occurrence. Effectivement la “haute vigilance” est de mise pour éviter ou retarder la nécessité d'un choix difficile, inévitable un jour ou l'autre. Nous l'avons écrit: “Même un pilote expérimenté et prudent peut se trouver confronté à une situation difficile pour des raisons diverses” Nous pouvons lire dans l'article de “Vol à Voile”, mentionné plus haut (je cite) : “Un autre record, beaucoup moins réjouissant, c'est celui des accidents survenus en 1989. On en a compté cent quatre, ayant causé la mort de quatorze personnes, dont cinq pilotes étrangers. Sur les neufs accidents mortels concernant des pilotes français, deux se sont produits sur autorotation en approche, un pour non branchement de la profondeur, et les six autres lors de crashes dans /e relief, ce qui illustre bien la nécessité d'intensifier et d'améliorer, dans tous les clubs concernés. I'entraînement au vol de montagne». Le constat de ces chiffres bruts, et même brutaux, est sûrement plus significatif que les statistiques, qui méritent un examen approfondi avant la proposition des conclusions. Là encore le mot FORMATION est déterminant. Les chiffres cités plus haut montrent à l'évidence ce que l'on savait déjà: la montagne est plus exigeante sur le plan de la formation en général et de l'initiation en particulier. Tous les pilotes, du plus jeune (en âge ou en heures de vol) au plus âgé sont concernés. A ce propos, il est difficile de ne pas dire un mot sur la discriminatoire sollicitude que les statistiques éprouvent depuis quelque temps pour les pilotes «âgés, c'est-à-dire plus de 45 ans, pour ceux qui l'ignoreraient encore. Sur la forme, passons sur le côté indécent et la motivation de cette démarche, qui ne sont pas l'objet du débat. Le docteur Deloupy a parfaitement traité ce problème ici même l'an dernier. Passons également sur les questions lancées en l'air et qui bien sur un jour, retomberons bien quelque part. Sur le fond, en attendant d'analyser les conséquences éventuelles de la culpabilisation d'une catégorie d'individus, interrogeons-nous plutôt sur les solutions à proposer, qui encore une fois concernent tous les pilotes, jeunes ou vieux. Le vol de montagne pose tous les problèmes du vol de plaine, plus les problèmes spécifiques du vol de montagne. En vol de plaine, quand vous arrivez à 50 m. du sol les problèmes seront terminés, bien ou mal, dans les secondes qui suivent. En montagne les problèmes commencent à 50 m., et ils peuvent durer de quelques minutes à quelques dizaines de minutes d'accrochage laborieux. Plus encore si les conditions se dégradent et permettent le vol de pente en rendant les transitions aléatoires. Les problèmes techniques: vol de pente, procédures de transition, appréciation du local à vue, doivent impérativement être étudiés au sol. Ainsi, les exercices en vol indispensables aux pilotes aussi qualifiés soient-ils mais débutant en vol de montagne, seront non seulement plus efficaces mais moins fatigants. Nous admettons bien volontiers que les pilotes qui ne sont pas au mieux de leur forme physique sont plus vulnérables. Notons au passage que le problème de la forme physique que nous venons d'évoquer peut se poser lors d'un banal vol en local. Notons également qu'en vol à voile de plaisance, des circuits types, bâtis en fonction des possibilités aérologiques et des zones répertoriées, ne sont qu'une succession de vols locaux. Mais il y a plus important: c'est le problème du «stress», qui nous est apparu lors des vols d'initiation au vol de montagne. Cela nous a donné l'idée de l'étudier et de intégrer dans la formation de base (Cf. «Vol à Voile,. N° 26). un Important problème: le stress Pour l'instant nous ne disposons ni d'unité, ni d'instrument permettant de le mesurer. Nous ne pouvons qu'évaluer sa valeur et ses variations. Depuis de longues an né es, n o us ess a yo n s de déterminer, dans le cadre de l'activité vol à voile, les raisons, les circonstances pour lesquelles il survient, s'amplifie et disparait. Exemple: dans le cas d'un jeune qui se prépare à effectuer son premier vol solo, le “stress” peut être intense avant le vol et diminuer considérablement, voire disparaître dés le début du vol. Un lâcher qui s'est bien déroulé à l'issue d'une formation saine et complète, et les confidences de l'impétrant, permettent cette conclusion. A l'inverse un pilote confirmé surpris par un cas de vol difficile, ou supposé tel, peut être assailli par un “stress” qui ira crescendo, avec tout ce que cela comporte, et ne disparaîtra qu'avec les raisons qui l'ont fait naître. La traque du «stress" nous a amené à nous intéresser à certains incidents qui n'ont provoqué ni blessures ni dégâts. lls sont plus nombreux, et de loin, que ceux qui ont justifié un dossier et par conséquent l'entrée dans les statistiques, mais à l'évidence, ils se sont terminés, si j'ose m'exprimer ainsi «tout près de la porte». Exemple: certains atterrissages en campagne, en général hors des zones répertoriées, qui n'auraient, et de loin, jamais du se produire compte tenu de la proximité de points privilégiés aérologiquement, et des excellentes conditions météo locales. Les traces de l'atterrissage significatives de l'axe de la finale sont également très “parlantes”, et indiquent clairement aux familiers de ces problèmes, que dans l'étape de base et la finale le moral n'était pas au beau fixe. Que dire dans ce domaine des atterrissages dit “en campagne”, qui se produisent tous les ans, dans les Alpes du Sud-Est, et qui sont en fait des atterrissages «en montagne» à 1200, 1400 m. et plus, et bien entendu à finesse 20, 15, ou 12 des zones répertoriées ? Nous pourrions citer bien d'autres exemples, mais il nous faut conclure, en espérant que les médecins ici présents nous permettront de découvrir de nouveaux axes de recherche. Vous noterez que dans cet exposé, le mot “Sécurité” n'a pas été prononcé. C'est pour une raison toute simple, qui a été rappelée par un de nos dirigeants lors de la dernière réunion de la Commission Fédérale «Formation-Sécurité»: «La SECURITE est la fille ainée de la FORMATION». Roger BIAGI