Mémoire - Guillaume Pereira
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Mémoire - Guillaume Pereira
PEREIRA DA SILVA Guillaume Université Lumière Lyon 2 Master 1 Information – Communication Enseignant Tuteur : Jean Claude SOULAGES 2008 – 2009 Mémoire Les humoristes de one-man-show issus de la diversité ethnique française. 1 Remerciements Avant tout développement sur ce mémoire, il me paraît opportun de remercier ceux qui m’ont aidé à sa réalisation et ceux qui m’ont beaucoup appris tout au long de mes études. Pierre Moustapha Diouf (Mouss Diouf) pour avoir accepté de répondre à mes questions lors de sa venue à Lyon. Je lui souhaite un bon rétablissement et une bonne continuation dans sa carrière d'humoriste. Jean Claude Soulages pour son aide et ses nombreux conseils durant les séances de travaux dirigés. Tous les professeurs de l’Université Lyon 2 qui m’ont accompagné durant cette année. Enfin, je remercie les étudiants de Master 1 Information – Communication de l'université qui ont permis une bonne ambiance de travail et une réelle entraide. 2 Sommaire Introduction Première partie : Les mutations du paysage humoristique français. Chapitre 1: Évolution de la figure de l'humoriste et de l'humour à travers les âges. Chapitre 2 : Les flux migratoires et leurs répercutions sur le paysage humoristique français. Deuxième partie : Analyse du discours des humoristes de one-man-show issus de la diversité ethnique française. Chapitre 1 : Étude sémiologique des spectacles des humoristes. Chapitre 2 : Détermination des caractéristiques principales de l'humour ethnique. Troisième Partie : Réflexion sur le rire provoqué par les humoristes issus de la diversité ethnique française. Chapitre 1 : Pourquoi rions-nous ? Chapitre 2 : La place de l'humoriste issu de la diversité ethnique dans la société française. Conclusion Biographie Table des matières 3 Introduction Depuis quelques années, nous voyons apparaître dans les médias français de plus en plus d'humoristes. L'actualité culturelle ne se fait désormais plus sans eux : sortie de nouveaux spectacles, DVD, radio, gags sur Internet, émissions de télévision et même cinéma. Cette présence médiatique est arrivée à un tel point que certains humoristes arrivent à empocher des salaires annuels plus importants que ceux des grands acteurs ayant marqué notre époque. A l'instar de célébrités de la chanson comme Johnny Halliday, l'humoriste Jean-Marie Bigard a par exemple réussi le pari de remplir le Stade de France pour son spectacle Des animaux et des hommes en 2004. Cette omniprésence de l'humour dans la société a ainsi pu faire naître de nouvelles icônes du rire en France. Si l'humour féminin connait un grand succès avec des artistes comme Florence Foresti ou bien Anne Roumanoff, une autre catégorie d'artistes se retrouve sur le devant de la scène : les humoristes issus de la diversité ethnique française. Il est ainsi courant d'entendre dans la vie de tous les jours des répliques de Gad Elmaleh, Élie Kakou, Jamel Debbouze ou encore Manu Payet s'immiscer au sein des conversations. Un autre fait marquant que nous pouvons constater est que tous ces humoristes sont des auteurs de spectacles solos. Encore appelé one-man-show, cette forme de divertissement assez minimaliste fait son grand retour en France et n'est visiblement pas prête de disparaître. J'ai donc choisi comme sujet de mon mémoire les humoristes de oneman-show issus de la diversité ethnique française pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le registre humoristique m'intéresse car j'aimerais travailler prochainement en temps que concepteur-rédacteur dans une agence de publicité. L'humour et la provocation me semblent deux armes efficaces pour attirer l'attention des gens soumis sans cesse à un amas d'informations. Ensuite, je suis un grand fan de comédies et de sketchs et, comme tout enfant de la télé, j'ai grandi 4 avec « l'humour Canal + ». En général, j'affectionne d'ailleurs plus particulièrement les troupes de comiques telles que les Monty Python, les Robins des Bois, les Nuls ou encore les Inconnus. L'apparition presque soudaine de cette nouvelle vague d'humoristes de one-man-show a donc éveillé ma curiosité. Ce simple phénomène culturel nous fait entrevoir différentes approches de questionnement parfois complexes. En effet, il peut nous faire réfléchir à l'histoire de l'humour en France et de ses humoristes à travers les différentes époques. Il repose également sur le mécanisme très spécifique de l'humour qui va produire chez nous le rire et donc sur la signification profonde de cette réaction. Nous pouvons également mettre en évidence plusieurs problèmes sensibles de notre société puisqu'il est ici question d'humoristes appartenant à des minorités culturelles issus de l'immigration. L'intégration de ces populations dans la société française est souvent assimilée à la contrainte d'abandonner leurs propres cultures pour adopter celle de la majorité. Il est donc nécessaire de s'intéresser aux discours de ces nouveaux humoristes pour mieux comprendre leurs cultures et leurs façons de vivre dans notre société. En d'autres termes, l'enjeu de notre recherche sera donc de comprendre les raisons du succès de ces comiques émergents en abordant les questions suivantes : – Quelles ont été les évolutions majeures du paysage humoristique français jusqu'à aujourd'hui ? – Quelles sont les caractéristiques discursives des spectacles de one-manshow des humoristes issus des minorités ethniques françaises ? – Quels sont les rôles que peuvent jouer ces humoristes dans notre société ? Ce vaste sujet peut concerner beaucoup de disciplines des sciences humaines et sociales. L'un des problème étant que les auteurs ou théoriciens de ces sciences ne prennent pas toujours en compte les travaux des chercheurs des autres disciplines. Notre perspective sera pour nous d'établir un état des lieux sur ces questions en étudiant un corpus d'ouvrages d'auteurs ou de chercheurs venant de différentes spécialités scientifiques comme la sociologie, l'anthropologie, la philosophie, etc. 5 L'analyse sémiologique des différents spectacles des humoristes nous permettra également de mettre en évidence des normes et des divergences dans la construction de leur discours. De plus, l'interview que m'a accordé Mouss Diouf pourra nous apporter un témoignage interne de la profession d'humoriste. Nous pourrons alors nous servir des axes de raisonnement des chercheurs ayant travaillé sur la question de l'humour : « De grands axes traditionnels de réflexion sont rappelés ou revisités : oppression / subversion, transgression / sacralisation, distanciation / engagement, identité / exclusion.1 » Cette méthodologie nous permettra d'établir un cheminement dans notre raisonnement. Nous commencerons par étudier dans une première partie les mutations du paysage humoristique français. Nous nous intéresserons donc à l'évolution de la figure de l'humoriste et de l'humour à travers les âges. En partant des influences culturelles du monde antique pour ensuite nous focaliser uniquement sur le cas de la France, nous tenterons de montrer l'apparition d'un nouveau genre de représentation humoristique à savoir le one-man-show. Nous verrons ensuite dans quel contexte les minorités ethniques sont arrivées en France puis sur le devant de la scène humoristique. Nous essayerons d'expliquer comment, après les différents flux migratoires, la question de l'intégration de ces populations a mal été traitée par les humoristes de la majorité culturelle. Le sentiment de rejet éprouvé par ces minorités ethniques les aurait alors poussé à monter sur scène pour se faire entendre. Dans une deuxième partie, nous analyserons ensuite les spectacles de plusieurs humoristes issus de l'immigration. En étudiant leur propre histoire, les thèmes abordés, les jeux de scène mis en œuvre ainsi que le comportement de leur public, nous pourrons identifier les caractéristiques principales de ces one-man-show. Nous tâcherons de démontrer que si les thèmes traités sont souvent identiques, le positionnement de chacun de ces artistes est lui différent face au public. Enfin, dans la troisième partie de ce mémoire, nous nous pencherons de plus près 1 MADINI Mongi, et al., 2000 ans de rire : permanence et modernité, Besançon, Presses Universitaires franc-Comtoises, 2002, p. 15. 6 sur le rire provoqué par ces humoristes. Nous déterminerons pourquoi nous rions en examinant le processus du rire tout d'abord du côté du public. On cherchera à prouver ici que le rire est un réflexe de correction face à une attitude sociale contraire à notre idéal. Nous mettrons en évidence ensuite les conditions nécessaires à l'humoriste pour que celui-ci déclenche chez nous le rire. On s'appliquera à confirmer que l'humoriste se doit de créer un décalage avec la norme ou plutôt avec notre idéologie sociale pour y parvenir. Par la suite, nous détermineront la place que peut prendre un humoriste issu de la diversité ethnique dans notre société. La question consistera finalement à savoir si il est destiné à nous faire prendre conscience de notre comportement vis à vis des minorités ou si il est présent pour dédramatiser ces situations. Nous terminerons enfin notre analyse en nous interrogeant sur les limites de l'humour et plus particulièrement si nous pouvons rire de tout. Le but sera alors de signaler que si l'humoriste n'exerce pas une auto-censure de ses propos, il basculera facilement dans le discours politique ou militant. Ce large programme m'a donné tout de même beaucoup de difficultés. En effet, il existe très peu de documents concernant l'histoire de la figure d'humoriste. Mis à part quelques listes d'humoristes ou d'auteurs de comédies, aucun chercheur n'a étudié cette question à ma connaissance. Il aurait été peut être nécessaire pour moi de connaître d'avantage l'histoire de l'art ou les arts du spectacle pour dresser une chronologie complète de l'humour et de ses représentants. Ce sujet de recherche pourrait d'ailleurs représenter à lui seul l'objet d'un mémoire. Les ouvrages vraiment pertinents sur les humoristes sont également difficiles à trouver puisqu'ils possèdent très souvent les mêmes titres comme par exemple L'Humour ou Le Rire. De plus, la majorité de ces livres visent à expliquer l'humour de façon théorique et se réfutent tous entre eux. Il aurait donc fallu trouver pour ce mémoire plus d'ouvrages de référence pour m'aider dans ma réflexion et pouvoir proposer une meilleure argumentation. Un autre problème pour ce sujet réside dans le fait que je ne sois pas moi-même une personne issue d'une minorité mal intégrée. J'adopte donc un point de vue ou une vision peut être fausse de la réalité. 7 Il faudrait qu'une personne issue de la diversité ethnique réalise un travail similaire pour vérifier si nous parvenons aux mêmes conclusions. Enfin, le travail de rédaction de ce mémoire a été pour moi assez laborieux puisque je ne suis pas habitué à produire de tels volumes. Étant surtout entrainé à l'écriture de courts slogans ou de phrases d'accroche pour des publicités, le travail demandé ici en est complètement l'opposé. La gestion du temps est également délicate car on s'imagine toujours en avoir énormément et on se laisse piéger facilement. Mon stage de trois mois a été pour moi une grosse erreur puisque je me suis retrouvé à devoir concilier mon travail, la rédaction d'un rapport de stage et d'un mémoire. Enfin je cesse de me plaindre, et comme le dit ce célèbre dicton : « il vaut mieux en rire qu'en pleurer », alors laissons place aux artistes maintenant ! Pour faciliter votre navigation sur les différents sites internet ou contenus multimédias, un exemplaire de ce mémoire est disponible en PDF à l'adresse suivante : http://guillaumepereira.free.fr/memoire/memoire-gp.pdf avec les liens hypertextes cliquables. 8 Première partie : Les mutations du paysage humoristique français. « L'humour » est un terme plutôt polysémique aujourd'hui puisqu'il désigne beaucoup et peu de choses à la fois. Nous pouvons faire une analogie avec le mot « communication » employé à outrance par les journalistes et les médias sans vraiment faire preuve de rigueur scientifique. Il est donc nécessaire pour nous de définir « l'humour » avant de continuer plus loin dans notre recherche. Nous allons utiliser ici la définition de l'Encyclopædia Universalis : « Humour (mot anglais), forme d'esprit qui présente la réalité sous un angle comique en montrant le côté insolite et absurde de certains aspects de la vie2 ». Cette définition permet d'identifier déjà les notions clés associées à ce terme. Il est question en effet d' « esprit », de « réalité », d' « angle comique » et d' « aspects de la vie ». Il va donc falloir faire le lien entre toutes ces composantes dans ce mémoire. Tout d'abord, nous pouvons faire la remarque que si l'humour s'appuie sur des éléments de notre vie, il paraît clair que l'humour d'aujourd'hui est différent de celui d'hier. L'humour est donc fortement ancré dans l'histoire de l'homme. Ce que nous allons étudier dans cette première partie ce sont ces mutations de l'humour suivant l'histoire. Dans un premier chapitre, nous nous intéresserons aux différents genres comiques qui ont existé en essayant de remonter le plus loin possible dans l'histoire de notre civilisation. Nous passerons également en revue les dénominations successives des personnes ayant été les représentants de l'humour ou de la comédie. Nous nous attarderons aussi plus en détails sur la tradition des one-man-show et les possibilités qu'offre ce genre de spectacles à leurs auteurs. Le second chapitre traitera quant à lui de l'humour face à la question des minorités ethniques françaises. Il sera utile pour nous de faire un point sur les différents flux d'immigration qu'a pu connaître la France durant le siècle dernier ainsi que sur les problèmes d'intégration de ces populations. Les humoristes français ont d'ailleurs 2 Encyclopædia Universalis, 2008, en ligne. 9 abordé petit à petit ce sujet dans leurs sketchs avec plus ou moins de succès. Nous observerons alors quelle image nous transmettent-ils de ces personnes et quels aspects ont-ils choisi de tourner en dérision. En dernier lieu, nous examinerons comment ces minorités sont à leur tour montées sur les planches. On identifiera ainsi quels sont les humoristes les plus célèbres qui résultent du métissage culturel français. Chapitre I Évolution de la figure de l'humoriste et de l'humour à travers les âges. 1) Des influences occidentales anciennes. Le terme « humour » (humor) est relativement récent puisqu'il a été employé pour la première fois au XVIIe siècle en Angleterre. Pourtant, il y avait bien avant cette époque des divertissements destinés à provoquer le rire des foules. La comédie en faisait parti. Nous allons ainsi travailler à partir de l'article intitulé Comédie de l'Encyclopædia Universalis rédigé par Robert Abirached3 pour dresser notre chronologie du comique. Sauf mention, les citations reprises sont tirées de cet article. Nous pouvons remonter jusqu'au VIe siècle avant J.-C., époque à laquelle la comédie apparue dans la Grèce antique. Ce genre théâtral vit le jour durant des célébrations en la gloire du dieu de la vigne et du vin Dionysos. « Au milieu des réjouissances populaires qui suivaient les cérémonies religieuses, un cortège burlesque se formait dans une explosion de plaisanteries et de chansons ». Les 3 ABIRACHED Robert, agrégé des lettres classiques et docteur ès lettres, professeur à l'université de Paris-X-Nanterre, Encyclopædia Universalis, 2008, en ligne. 10 « comiques », bien qu'il soit encore prématuré d'employer ce terme, étaient donc ici des gens du peuple qui durant ces festivités en profitaient pour défiler dans les rues dans une ambiance joviale. La démocratisation officielle de ce nouveau genre ne s'est faite qu'à partir du Ve siècle avant J.-C., elle souffrait en effet d'une image trop folklorique rattachée à ces coutumes. C'est avec Aristophane4 que la comédie grecque ou « comédie ancienne » va prendre toute son importance. Ce poète est vraisemblablement le premier comique reconnu de l'histoire. Auteur de pièces de théâtre satiriques, il va imposer les bases de la comédie : « fantaisiste jusqu'au mépris de toute vraisemblance, mariant la bouffonnerie et la poésie, elle n'en mord pas moins directement sur le réel : elle met en scène les petites gens de l'Attique aux prises avec l'actualité la plus immédiate, pour s'en prendre avec virulence aux personnages en place, aux mœurs politiques, voire aux fondements de la cité. » On peut remarquer que cette première forme de comédie est déjà le reflet de la réalité puisqu'elle prend source dans les « aspects de la vie » des Grecs. Elle ose également remettre en cause les sphères du pouvoir. On peut donc émettre l'hypothèse qu'elle était tolérée des dirigeants de l'époque grâce à son degré de bouffonnerie et de burlesque. Cependant, ce type de comédie ne va pas durer puisque la censure va faire son apparition à la fin du Ve siècle avant J.-C., poussant les auteurs à rajouter de l'eau dans leur vin et abandonner la critique de l'actualité. La comédie va alors subir une première mutation, laissant place ainsi à la « comédie moyenne » et plus tard à la « comédie nouvelle ». Les thèmes principaux ne sont désormais plus la raillerie des gouvernants mais la mythologie, les mœurs, l'amour, les caractères. « On voit le chemin parcouru : du comique au plaisant, du merveilleux et du bouffon au naturel, de la satire débridée à la leçon morale, de la fête populaire au divertissement de bonne compagnie. » Nous pouvons établir une relation entre le degré de bouffonnerie des textes et les thèmes abordés. Plus le sujet traité était satirique et violent, plus le degré de bouffonnerie se devait d'être important pour être accepté des dirigeants, ce qui était le cas chez Aristophane. Les nouveaux genre de comédies ont eux un degré de bouffonnerie 4 Aristophane (Athènes, v. 445 - ?, v. 380 av. J.-C.) 11 faible mais ils traitent d'objets moins sujets à la censure. A partir du IVe siècle avant J.-C., on évolue donc effectivement vers une forme de comique plus intellectuelle et philosophique. Pourtant cette nouvelle sagesse de la comédie ne triomphera pas puisque le théâtre populaire va la supplanter. Au IIIe siècle avant J.-C., la comédie refait son apparition à Rome. Comparable à la Grèce, cette ville était précédemment ancrée dans la tradition du théâtre populaire lorsqu'un auteur comique bouleversa les genres établis. En effet, c'est par le biais de Plaute (254 – 184 av. J.-C.) qu'elle marque son retour. Celui-ci s'inspire de la comédie grecque et l'adapte à la société de son époque. « Plaute nationalise ce fonds étranger, en le rapprochant de la réalité romaine et en y introduisant de très nombreux passages chantés, de multiples jeux de scène, des types hauts en couleur ; il donne le pas au plaisir du théâtre sur les préoccupations morales et sur le souci de la dignité littéraire. » Il s'agit donc de l'importation de la « comédie nouvelle » grecque dans un cadre latin, avec toujours comme précaution de suivre au plus près la réalité contemporaine pour que le comique puisse prendre toute sa dimension. Encore une fois suivant le modèle de l'histoire grecque, au IIe siècle avant J.-C., Rome va connaître une évolution de la comédie avec Caecilius et Térence. « C'est de nouveau le règne de la décence, du sérieux et du bon ton, qui privilégie le naturel et la vraisemblance psychologique ». Cette comédie des élites va là aussi perdre de son succès face au théâtre populaire perpétuellement axé sur la bouffonnerie. On peut également noter que le mime rencontre une franche réussite dans l'Empire romain. « Une fois de plus, le rêve de faire de la comédie un genre littéraire a échoué ». L'engouement pour les divertissements folkloriques va perdurer jusqu'au Moyen Âge. On peut estimer qu'à travers cette forme de comique « foraine » le peuple y trouve son compte puisqu'il peut se laisser distraire sans retenue. A partir du XIIIe siècle, « la renaissance du théâtre comique va se faire au Moyen Âge à travers la satire, la farce et l'allégorie, c'est-à-dire en revivifiant l'immémoriale tradition transmise par les jongleurs et les funambules ». Les humoristes de 12 l'époque ne sont désormais plus des auteurs comiques mais des funambules, des troubadours, des bouffons ou autres saltimbanques. Ce type de représentation étant construit surtout autour de l'improvisation, le théâtre littéraire va être délaissé durant cette période. Ce théâtre de fortune va pourtant voyager grâce au nomadisme de ces artistes. Au XVIe siècle, le théâtre littéraire refait son apparition en Italie avec la « commedia sostenuta ». Les humanistes soucieux d'imposer une structure à la comédie vont instaurer les règles d'écriture de ces œuvres. « On écrira désormais des comédies soumises aux unités de temps et de lieu, avec une intrigue vraisemblable articulée en cinq actes continus, qui seront jouées dans des salles conçues pour le théâtre, comme il s'en construit alors ». La rigidité littéraire devient alors le fer de lance du classicisme qui refuse notamment le mélange des différents genres. En parallèle, une nouvelle forme de théâtre solidaire à la tradition populaire va être en vogue : la commedia dell'arte. Formée par des troupes itinérantes, elle s'inspire de la comédie romaine antique et descend directement du théâtre d'improvisation du Moyen Âge. Ces troupes d'une dizaine d'artistes vont circuler dans toute l'Europe en modifiant sans cesse leurs spectacles au grè de leurs découvertes dans les différents pays. Nous pouvons les comparer aux familles de cirque qui de façon héréditaire font perdurer leurs numéros et s'améliorent constamment pour obtenir une notoriété exemplaire. « Très vite, elles acquièrent une telle réputation que ducs et princes se disputent les services des plus célèbres d'entre elles et qu'on les réclame de plus en plus souvent à l'étranger ; c'est ainsi que, dès 1548, on en trouve une à Lyon, et qu'on peut suivre la trace de plusieurs autres à travers la France et l'Allemagne peu après cette date5 ». La commedia dell'arte trouve donc son succès avec la renommée des acteurs de ces troupes. Les humoristes sont ici bel et bien des acteurs ou des comédiens. La théâtralité de ce genre est fondée sur l'improvisation du jeu de scène autour d'une histoire d'amour souvent récurrente. Les personnages sont des stéréotypes 5 ABIRACHED Robert, Commedia dell'arte, Encyclopædia Universalis, 2008, en ligne. 13 généralement communs à toutes les troupes : « deux vieillards, un capitan, deux jeunes premiers amoureux, deux jeunes premières amoureuses, deux valets, une ou deux soubrettes ». C'est donc essentiellement le talent des acteurs pour l'improvisation et le comique de geste qui font la réussite d'une troupe et de la commedia dell'arte. Ce style très apprécié va se maintenir jusqu'au début du XIXe siècle puis décliner à cause de son inadaptation « au changement des mœurs et de la culture ». Il est donc question ici, encore une fois, de la pérennité des formes de représentations humoristiques en fonction de la réalité et des aspects de la vie qu'elles recouvrent. Nous avons vu que la comédie de la Grèce antique et de l'Empire romain a influencé bon nombre de variations de genres dans différents pays. Nous allons maintenant nous pencher plus en détail sur le rayonnement qu'elle a eu sur la France. 2) Historique du comique en France. La France dispose d'une histoire culturelle très riche et donc des traditions comiques nombreuses. Nous allons les étudier toujours grâce à l'article Comédie de l'Encyclopædia Universalis écrit par Robert Abirached. Comme nous l'avons dit précédemment, la commedia dell'arte a séduit toute l'Europe et la France ne déroge pas à la règle. Elle est même à partir de la fin du XVIe siècle, la terre d'accueil majeure de ce genre théâtral. « Depuis le jour où les premières troupes italiennes se sont introduites à Paris, dans les années 1570, elles n'ont cessé d'y trouver protection et encouragements6 ». A la fin du XVIIe siècle, les troupes se mettent également à réaliser des spectacles en français. Elles iront même, forte de leur succès au XVIIIe siècle, jusqu'à collaborer avec des auteurs professionnels pour obtenir de nouvelles intrigues et de nouveaux schèmes pour 6 ABIRACHED Robert, Commedia dell'arte, Encyclopædia Universalis, 2008, en ligne. 14 leurs improvisations. Les auteurs vont élaborer des pièces entièrement écrites qui vont être par la suite jouées par la troupe officielle. C'est notamment le cas de Marivaux « qui compose à leur intention ses premières comédies ». Malheureusement, cette troupe est renvoyée après une fusion avec « l'OpéraComique, issu du théâtre de foire, avec lequel elle avait de nombreuses affinités ». Les acteurs italiens ne reviendront pas mais ils auront à jamais changé le théâtre français. Simultanément à la commedia dell'arte, un renouveau du théâtre littéraire fait son apparition en France, pays qui jusque là n'avait de sympathie que pour le « théâtre de foire » de tradition populaire. Ce théâtre plus intellectuel se construit autour des règles d'écriture du classicisme. Ses auteurs appartenant généralement à l'aristocratie ont la volonté d'emmener le théâtre vers une dimension plus philosophique et plus élégante. Si les premiers écrivains produisent surtout des œuvres dramatiques au « réalisme hautement stylisé7 », le comique va pouvoir s'intégrer à ce nouveau genre grâce à Molière (1622 – 1673). Cet auteur et acteur, qui n'est plus à présenter aujourd'hui, a su allier le théâtre littéraire à la commedia dell'arte. En d'autres termes, il réconcilie enfin le raffinement et la tradition populaire. « En engageant la comédie dans le temps présent, en l'affranchissant du joug de la raison et en l'accordant à son public, Molière lui donne une fonction sociale et en fait un miroir critique du monde ». Il parvient donc à instaurer une dimension satirique de la réalité provoquant le rire du peuple sans en oublier pour autant l'esthétique littéraire. Au XVIIIe siècle, le succès du théâtre a atteint son sommet. Très rapidement une lassitude se fait sentir. Comme nous l'avons vu, la commedia dell'arte et le théâtre de foire ne sont plus au goût du jour car ils ne se sont pas assez conformés à la culture de l'époque. Privilégiant la bouffonnerie et la farce, le « théâtre comique non littéraire » est de moins en moins ancré dans la réalité et perd donc tout intérêt. En ce qui concerne la comédie, les auteurs suivent le chemin de Molière et donnent naissance à toutes sortes de variantes comme la 7 ABIRACHED Robert, Comédie, Encyclopædia Universalis, 2008, en ligne. 15 comédie de mœurs, la comédie moralisante ou la comédie larmoyante. Toutes ces formes peu innovantes en réalité ne rencontreront pas de véritable succès. La Comédie-Française en profite alors pour prendre de l'importance. Elle s'autoproclame « gardienne de la tradition avec un sens très vif de sa dignité ». Les intellectuels et dramaturges en faveur du théâtre littéraire veulent faire du classicisme une véritable institution. C'est ce qui est chose faite mais seulement cette rigidité du théâtre tourne les écrivains plus vers le passé. A force de vouloir réglementer le théâtre, ils finissent par le paralyser. La France, alors en plein siècle des Lumières et de la Raison, perd petit à petit ce théâtre, l'un des atouts les plus prestigieux de sa culture. Au XIXe siècle, l'organisation de la société ayant changé avec la précédente révolution, c'est la bourgeoisie qui se trouve être la classe dominante. Les thèmes de la comédie évoluent pour suivre l'idéologie de celle-ci. L'auteur Eugène Scribe invente alors, en s'inspirant des vaudevilles, la comédie bourgeoise « où l'habileté du faiseur prime le contenu dramatique : il ne s'agit plus de plaire aux connaisseurs, mais à un public nouveau, de plus en plus hétérogène, qui, en accédant à l'argent, exerce une influence grandissante dans la société ». Ce théâtre plutôt superficiel ne va pas séduire les auteurs romantiques qui vont eux se tourner vers l'écriture de romans. La comédie bourgeoise se rapproche quant à elle de la comédie de mœurs avec notamment Émile Augier ou Dumas. L'objectif est désormais « de peindre la société contemporaine telle qu'elle est : la question d'argent, les problèmes du couple, la prostitution, la morale sociale » font parti des thèmes récurrents. Cependant, aucune retouche n'est faite quant à la forme de la comédie ce qui va conduire petit à petit à une certaine médiocrité des pièces demeurant toujours aussi superficielles. Mis à part Labiche qui fera preuve d'une certaine originalité comique lui permettant d'approcher une véritable vision de la société, les auteurs n'atteignent généralement pas ce réalisme promis. « La comédie s'enlise peu à peu dans la confusion : à vouloir donner l'illusion de la réalité, le théâtre perd toute virulence pour devenir un article de consommation dans un monde de plus en plus soumis aux lois du commerce et de l'industrie ». 16 A la fin du XIXe siècle, la comédie fait peau neuve grâce à une nouvelle vague de jeunes écrivains bien décidés à sortir le théâtre des sentiers battus. C'est par exemple avec Emile Zola, Jules Renard, Georges Courteline ou encore Paul Claudel que cette évolution va pouvoir s'opérer. « Il semble que l'humour moderne naît véritablement dans la seconde moitié du XIXe siècle et, plus particulièrement, dans le courant des années 1880, avec l'esprit fumiste. Réhabilité par le romantisme, le comique ne s'appuie plus sur des mécanismes rassurants : il présente une part obscure et déroutante, accentue les effets de brouillage en rendant caduques les oppositions entre le grave et le risible, entre le sens et le non-sense.8» Les genres sont ainsi entremêlés pour coller au plus proche de la réalité sociale. Le ton des genres change, de nouveaux types comiques sont créés, la poésie est réintroduite dans le théâtre. Le fond et la forme de la comédie sont remaniés pour apporter enfin de la substance aux dialogues. Plus généralement, c'est tout le théâtre qui se voit transformé. Les auteurs suivent chacun leur propre perspective et prennent un malin plaisir à renverser les règles précédemment établies. Le spectateur va ainsi de surprises en surprises jusqu'à la limite de la compréhension parfois comme avec Eugène Ionesco et son « théâtre de l'absurde ». « Tous ces écrivains ont au moins ceci en commun qu'ils ont redécouvert les vertus de la farce, de la pantomime, de l'art des marionnettes, de la clownerie du cirque : en un mot, ils ont rompu avec deux siècles de tradition littéraire au théâtre, et c'est au prix de ce retournement total que la comédie moderne a acquis une puissante vitalité.9 » C'est donc après plusieurs siècles passés à codifier et réglementer toutes formes de théâtre que la France est arrivée devant une impasse culturelle. La société en constante évolution était jusqu'alors mal retranscrite dans les différentes œuvres à cause de cette rigidité des genres. L'explosion inévitable du théâtre et de la comédie a permis de faire table rase du passé. Offrant alors un dynamisme et des horizons nouveaux à la scène, la culture française s'en voit fortement enrichie. Nous allons voir que le XXe siècle va également confirmer cette ouverture. 8 EVRARD Franck, L'Humour, Paris, Hachette Livre, collection Contours littéraires, 1996, p. 14. 9 ABIRACHED Robert, Comédie, Encyclopædia Universalis, 2008, en ligne. 17 3) L'humour au XXe siècle. Si jusqu'au XIXe siècle la comédie et le théâtre étaient quasiment les seuls moyens existants pour divertir et faire rire le public, le XXe siècle va voir naître grâce aux progrès de la science de nouvelles formes de divertissements. Le cinéma va en effet être le premier concurrent du théâtre. Créé en 1895 par les frères Lumière, il obtient très rapidement un succès mondial. Les premiers films sont de très courts métrages comme La Sortie de l'Usine Lumière à Lyon, ou encore L'Arrivée d'un train à La Ciotat. Certaines de ces toutes premières scènes muettes en noir et blanc comportent déjà un aspect comique comme dans L'Arroseur arrosé. Un petit garçon met le pied sur le tuyau d'arrosage d'un jardinier pour arrêter l'eau. Quand ce dernier regarde l'embout du tuyau pour voir ce qui ne fonctionne pas, l'enfant relâche la pression, l'arrosant ainsi en plein visage. Ce gag pourtant très simple a fait le tour du monde. Pour expliquer cet engouement, on peut affirmer que le cinéma de par son procédé montre une image conforme à la réalité, ce qui n'était pas toujours le cas au théâtre. Nous avons vu précédemment que c'est ce rapport à la réalité et aux aspects de la vie qui conditionnait justement l'humour et par extension le succès des genres comiques. Le cinéma étant donc au plus proche de la vérité, il fascine les foules qui délaissent petit à petit le théâtre. C'est au final la même situation qu'a connu la peinture lors de l'apparition de la photographie. Le cinéma va néanmoins s'inspirer fortement du théâtre et des romans pour construire ses histoires. A partir de 1910, le cinéma devient une réelle industrie. Charles Pathé et Léon Gaumont produisent une multitude de films comiques. Les premiers acteurs célèbres apparaissent alors comme Max Linder puis Charlie Chaplin. Ces films sont hautement burlesques et donc très populaires. Une vague d'acteurs comiques américains apparaît ensuite s'inspirant des uns des autres comme Buster Keaton, Laurel et Hardy ou bien Les Marx Brothers. Les acteurs sont de ce fait les humoristes de l'époque. Ces films muets sont construits pour la plupart sur le 18 même modèle. Le personnage principal se trouve dans une situation initiale qui va tourner très vite au ridicule, au loufoque, principalement par le biais du comique de geste, de mime et de répétition. On peut noter que certains de ces films sont plutôt « violents » puisque des coups sont régulièrement échangés. Nous pouvons évoquer par exemple le film Une vie de chien10 de Charlie Chaplin dans lequel celui-ci frappe un agent de police ou lui pique les fesses avec une punaise. Comme dans la comédie antique grecque, la bouffonnerie du cinéma muet permet aux auteurs de faire preuve d'une certaine provocation envers les représentants du pouvoir. « Héritier de formes culturelles comme le pastiche, le burlesque, le vaudeville, l'humour noir, le cinéma s'est ouvert à l'humour. Alors que dans le cinéma muet, dominé par le burlesque (slapstick) avec les films de Charlie Chaplin, de Buster Keaton, Harry Langdon, Mack Sennett, l'humour est à la fois innocent et subversif, à partir des années 1920, l'humour cinématographique évolue vers la comédie sophistiquée.11 » C'est avec l'apparition du cinéma parlant que l'humour cinématographique va radicalement changer. Les acteurs du muet ne vont pas pouvoir rivaliser longtemps face à cette mutation du genre. Seuls « Chaplin, Laurel et Hardy et les Marx Brothers12 » auront assez de talent pour poursuivre leurs aventures. Le cinéma français se rapproche alors de la poésie puis de la littérature, ce qui va véritablement faire de lui un art populaire. Parallèlement au cinéma, une autre invention commence à se démocratiser à cette époque. Il s'agit de la radio ou TSF (transmission sans fil) dont les premières émissions sont diffusées en 1922. L'avantage étant bien sûr la possibilité de l'écouter à domicile. Les programmes sont également variés et « distractifs où la musique, la chanson, les jeux avaient une grande place13 ». La TSF crée de cette manière une réunion des membres de la famille ou des amis 10 A dog's life, USA, 1918. 11 EVRARD Franck, L'Humour, Paris, Hachette Livre, collection Contours littéraires, 1996, p. 20. 12 Source : Wikipédia, 2009. Cinéma muet. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Cin%C3%A9ma_muet>, consulté le 25 août 2009. 13 ALBERT Pierre, Télévision et Radiodiffusion - La naissance et l'expansion de la radiotélévision dans le monde, Encyclopædia Universalis, 2008, en ligne. 19 autour du poste. Les gens se regroupent pour danser, s'informer et rire ensemble. L'humour est alors présent dans les répliques des speakers. Tout comme le cinéma, cette conséquence sociale entraîne même Marshall McLuhan14 à les nommer « médias chauds ». On peut s'apercevoir là encore que la réussite de la TSF réside dans la dimension populaire de l'appareil en lui même, de ses émissions diffusées et du langage utilisé. La radio installe par conséquent une proximité avec ses auditeurs. Tout le monde a en tête d'ailleurs la phrase d'introduction des émissions : « Bonjour à vous tous très chers auditeurs ». Nous ne retrouvons pas ce ton chaleureux par exemple à la télévision aujourd'hui. Nous entendons rarement des phrases comme : « Bonjour à vous tous très chers téléspectateurs » en dehors des journaux télévisés. La télévision arrive justement un peu plus tard vers 1930 mais il va tout de même falloir attendre 1949 pour que la RTF (Radiodiffusion et télévision française) soit créée. Elle ne se popularise qu'à partir de cette période là car le prix des récepteurs était encore inaccessible pour beaucoup de gens. La Deuxième Guerre Mondiale va aussi stopper sont développement puisqu'elle est alors dans les mains des Allemands. Dans les années 50, les premières émissions de variétés et d'humour font leur apparition sur l'unique chaine de la RTF. Le programme hebdomadaire La Piste aux étoiles présenté à ses débuts par Pierre Tchernia retransmettait des numéros de cirque15. Les enfants pouvaient alors rire devant les farces des clowns du Cirque d'hiver de Paris. Pour un public plus averti, l'émission La Boîte à sel présentée, là encore par Pierre Tchernia ainsi que Jacques Grello et Robert Rocca, proposait le premier journal télévisé satirique dans lequel les acteurs comiques de l'époque venaient participer aux sketchs. Toutefois, l'humour est ici surveillé puisque « ses créateurs sabordent l’émission le 2 février 1960 pour refuser la censure au sujet de la Guerre d'Algérie16». On peut noter que la question 14 MCLUHAN Herbert Marshall (1911 – 1980), sociologue et théoricien de la communication canadien. 15 Source : Wikipédia. 2009. La Piste aux étoiles. En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Piste_aux_%C3%A9toiles>, consulté le 26 août 2009. 16 Source : Wikipédia. 2009. La Boîte à sel. En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Bo %C3%AEte_%C3%A0_sel>, consulté le 26 août 2009. 20 des colonies françaises du Maghreb est déjà problématique dans les médias et l'humour n'y a pas trop sa place. Durant les années 60, la radio reste tout de même plus populaire que la télévision notamment grâce à l'invention du transistor qui permet aux postes de radio de se miniaturiser et donc de devenir transportables. La presse ne tombe pas non plus dans l'oubli. Le professeur Choron et François Cavanna créent le magazine Hara-Kiri. Ce journal hautement satirique remporte un franc succès. La provocation et la critique des hommes hauts placés sont donc toujours de mise dans les médias français. Le mensuel est pourtant interdit en 1961 et 196617. Début 1969, Hara-Kiri Hebdo sort également en parallèle pour pouvoir mieux réagir à l'actualité. Puis fin 1970, cet hebdomadaire crée un scandale médiatique le lendemain de la mort du général De Gaulle. On lit en effet à la une du journal : « Bal tragique à Colombey : 1 mort » faisant référence à un accident survenu une semaine auparavant dans un bal en Isère où 146 personnes trouvèrent la mort dans un incendie. Ce trait d'humour cynique est une critique envers la « société de spectacle » dans laquelle les médias d'information s'inscrivent. La recherche du sensationnel prime de plus en plus sur l'actualité pour générer de l'audimat ce que condamne Hara-Kiri. L'hebdomadaire est alors définitivement interdit mais une semaine plus tard les auteurs créent sur le même modèle Charlie Hebdo. L'humour est dorénavant présent dans tous les médias dès les années 70. La télévision devient de plus en plus populaire car les récepteurs sont de plus en plus accessibles. Sous l'ORTF (Office de radiodiffusion télévision française) plusieurs chaînes sont créées et la couleur fait son entrée sur les écrans. En 1974, l'ORTF est démantelé et divisé en sept établissements. Les chaînes de télévision vont alors pouvoir suivre des politiques éditoriales différentes selon les structures auxquelles elles dépendent. On peut noter par exemple la création de l'émission Le Petit rapporteur sur TF1 en 1975. Il s'agit ici d'un journal télévisé satirique, dans le même genre que La Boîte à sel, qui est présenté par Jacques Martin 17 Source : Wikipédia. 2009. Hara-Kiri (journal). En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/HaraKiri_%28journal%29>, consulté le 26 août 2009. 21 entouré d'une équipe intégrant notamment Pierre Desproges et Daniel Prévost. Du côté de la radio, nous avons l'excellente émission Les Grosses têtes sur RTL. Créée en 1977, elle est présentée par Philippe Bouvard. Il s'agit là d'un jeu divertissant où l'animateur pose des questions ou devinettes à ses invités généralement comiques et hauts en couleurs. L'un des événements marquants des années 70 est le développement du café-théâtre. Beaucoup de comédiens, d'acteurs ou d'auteurs ne trouvaient pas à l'époque de salle de théâtre pour pouvoir jouer ou apprendre le métier. De petites salles vont alors petit à petit s'improviser dans des lieux insoupçonnés : caves, cabarets, bateaux mouches, et autres bars. Ainsi, il s'ouvre « à Paris, en mars 1966, le premier café-théâtre d'Europe18 » dans la « salle du café Le Royal à Montparnasse ». Même si malheureusement ils sont souvent éphémères, ces caféthéâtres obtiennent un succès retentissant et une cinquantaine de salles apparaissent durant les premières années. Selon Charles Joyon, il existe plusieurs temps dans l'histoire du café-théâtre. La période « des pionniers » commence donc avec l'inauguration du Royal ensuite « le Fanal, et la Vieille Grille, s'ouvrirent, sur la rive gauche, l'Absidiole, animé par Jacques Bocquet, le Tripot par Stéphan Meldegg, et le Sélénite par Paul Grenouel ». C'est d'ailleurs à la Vieille Grille que naquit le one-man-show. L'époque « des copains » arrive par la suite. C'est à ce moment là que les troupes de comiques se forment autour des animateurs de caféthéâtres sous l'impulsion donnée par Romain Bouteille du Café de la Gare et qui s'étend ensuite « au Vrai Chic Parisien qu'anima Coluche ». Ces troupes prennent alors le nom du café-théâtre dans lequel elles débutent. Un peu plus tard, d'autres compagnies se composent comme « le Splendid, la Veuve Pichard, et aussi le Tout-à-la-Joie ». Ces petites communautés d'artistes sont comparables à la troupe des Monty Python qui triomphe en Angleterre, ces comiques de différents horizons et influences se réunissent tous pour créer un spectacle unique. La télévision et le cinéma vont alors s'intéresser de près à ce nouveau phénomène et certains de ces comédiens vont ainsi pouvoir devenir célèbres. Cependant, 18 JOYON Charles, Café-théâtre, Encyclopædia Universalis, 2008. En ligne. 22 « Romain Bouteille poursuit ses réalisations à l'écart du show-business, tandis que Miou-Miou, Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Coluche font les carrières que le cinéma a consacrées ». C'est par ce biais que la troupe du Splendid se retrouve au cinéma en 1978 pour le film Les Bronzés. Nous pouvons dire que d'une certaine manière la boucle est bouclée puisque les humoristes et comiques des café-théâtres se retrouvent pour les plus talentueux d'entre eux dans les théâtres renommés, à la télévision, à la radio ou au cinéma. Les années 80 confirment encore plus ce schéma puisque l'émission de télévision Le Petit théâtre de Bouvard, diffusée sur Antenne 2 et présentée par Philippe Bouvard, fait découvrir aux téléspectateurs les jeunes comiques montants. En parallèle, des tournées étaient également organisées dans les salles de province ou à Paris avec les meilleurs talents de l'émission19. On peut alors y retrouver les Inconnus, Muriel Robin, Bruno Gaccio, Chevallier et Laspalès, Mimie Mathy ou encore Michèle Bernier. En 1984, Canal + la première chaîne à péage fait son entrée dans le paysage audiovisuel français. Au départ le concept a du mal à séduire les français, la chaîne n'a pas encore de réelle identité. C'est avec l'émission Nulle part ailleurs présentée par Philippe Gildas que Canal + va imposer un ton télévisuel nouveau et apporter de l'excentricité dans les programmes. Diffusé en clair, ce divertissement inspiré des talk-shows américains mixe actualités, célébrités, humour et musique. Une troupe de comiques Les Nuls participe à définir l'identité de la chaîne qui comptait déjà Coluche dans ses rangs. Canal + devient à son tour la principale dénicheuse d'humoristes prometteurs. Face à ce constat, les chaînes publiques ont du mal à rivaliser et préfèrent alors suivre d'autres orientations. Les comiques révélés à l'époque par celles-ci se mettent alors pour la plupart à réécrire des one-man-show pour retrouver l'attention qu'ils n'ont plus à la télévision. Ce retour à la scène est bénéfique puisque le public est au rendez-vous. La cérémonie des Molières va même attribuer le prix du meilleur spectacle de one-man-show à partir de 1989. On peut, 19 Source : Wikipédia. 2009. Le Petit Théâtre de Bouvard. En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Petit_Th%C3%A9%C3%A2tre_de_Bouvard>, consulté le 26 août 2008. 23 à titre d'exemple, dresser une liste de ses nominés pour voir qui sont les meilleurs humoristes de cette période : Raymond Devos, Smaïn, Romain Bouteille, Guy Bedos, Muriel Robin, Pierre Palmade, Valérie Lemercier, Rufus ou encore Michel Boujenah20. A la fin des années 90, tous ces artistes vont progressivement se retirer des one-man-show pour rejoindre le théâtre ou le cinéma, créant ainsi de la place pour de nouveaux comiques. C'est ainsi que des noms comme Elie Kakou, Gad Elmaleh ou Dieudonné vont commencer à se faire connaître. Tout au long de ce chapitre nous avons pu voir l'évolution de l'humour à travers les différentes époques de notre histoire. De l'antiquité grecque à aujourd'hui, les genres comiques n'ont pas cessé de se transformer pour coller toujours au plus près à la réalité de la société. L'apparition d'un nouveau genre populaire à savoir le one-man-show au cours des cinquante dernières années est donc le signe d'un changement dans la société française. Ce bouleversement peut être lié à la nouvelle configuration de la population. Effectivement la France est à l'époque une terre d'accueil pour les immigrés. Le but du chapitre suivant est d'identifier quels sont ces flux migratoires et comment se sont-ils mêlés à la société française. Nous pourrons voir ensuite comment les humoristes ont récupéré ce sujet dans leurs spectacles et comment une nouvelle vague d'humoristes issus de ces minorités ethniques est apparue en France. 20 Source : Wikipédia. 2009. Molière du one man show. En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Moli%C3%A8re_du_one_man_show>, consulté le 26 août 2009. 24 Chapitre 2 : Les flux migratoires et leurs répercutions sur le paysage humoristique français. 1) Les problèmes engendrés par l'immigration française. La France a connu plusieurs vagues d'immigration depuis le début du XIXe siècle. Le besoin grandissant de main d'œuvre face à la révolution industrielle était la raison principale de ces déplacements de population. Des travailleurs des pays limitrophes notamment de la Belgique et de l'Italie viennent s'installer en masse. Ensuite après la Première Guerre Mondiale, des immigrants venant de toute l'Europe et plus particulièrement de la Pologne arrivent en France pour aider à la reconstruction du pays et pour pallier aux pertes humaines de la guerre. A la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, la France fait de nouveau appel aux étrangers pour les mêmes raisons. Cette nouvelle vague d'immigration concerne cette fois-ci les pays du Maghreb, l'Afrique noire ainsi que l'Espagne et le Portugal. Enfin à partir de 1954, la guerre d'Algérie va déclencher un autre flux migratoire du peuple algérien vers la France. En 1974, l'État décide de stopper l'immigration en raison de la crise économique liée à la fin des Trente Glorieuses et du choc pétrolier. Elle s'opère tout de même dans une certaine mesure dans le cadre des regroupements familiaux21. Si les immigrés venus d'Europe s'intègrent facilement à la population française en raison d'un changement culturel peu important, les minorités provenant du Maghreb vont connaître de grandes difficultés d'assimilation. En effet, le choc culturel est ici total pour ces peuples d'Afrique du Nord. Une intégration réussie dans un nouveau pays étant pour la plupart du temps synonyme 21 Education France 5. 2008. Les vagues d'immigration en France : Repères historiques. En ligne. <http://www.curiosphere.tv/SITHE/SITHE17785_DYN//medias/synthese_repere_histo.pdf>, consulté le 28 août 2009. 25 de renoncement à sa propre culture pour se conformer à celle de la majorité, c'est ce point qui va être la source de tous les futurs problèmes liés à l'immigration. « Leur langue maternelle est plus éloignée du français que celle des Latins, leurs habitudes culturelles de tous ordres surprennent davantage les Français, leur enracinement religieux n'est pas celui de la tradition judéochrétienne, mais de l'islam, parcouru aujourd'hui par de forts courants intégristes22 ». Tous ces éléments montrent ainsi les conflits qu'il peut y avoir dans le processus d'acculturation de ces minorités ethniques. Les Français ne vont pas faire de leur côté les efforts nécessaires pour comprendre ces populations. Face au nombre important d'immigrés, le problème de logement va également apparaître dans les grandes villes. La politique de l'époque va aboutir à la construction en masse de logements sociaux ou autres HLM dans les périphéries des villes. Les banlieues vont ainsi se former condamnant les minorités à rester éloignées des centres villes. Le chômage touche aussi nettement ces familles qui vivent parfois à plus de dix personnes par appartement. Les enfants de ces migrants constituant une deuxième génération ne trouveront pas une éducation scolaire adaptée à leur niveau. L'apprentissage de la langue française étant l'obstacle majeur à leur réussite, beaucoup d'entre eux vont quitter l'école très tôt. « L'immigration et l'acquisition de la langue française mettent en contact deux systèmes mutuellement incompatibles. La distance anthropologique qui sépare le système individualiste égalitaire du système communautaire endogame est la plus grande concevable à l'échelle de la planète : les parents maghrébins relèvent d'un système, la société française attend des enfants qu'ils entrent dans l'autre.23 » Les enfants de cette deuxième génération se retrouvent ainsi pris entre deux systèmes de valeurs opposés. D'un côté, les institutions françaises représentées par l'école tentent de faire d'eux des citoyens conformes à la société française et laïque et d'un autre côté, leurs parents ancrés dans leur culture d'origine les incitent à faire perdurer les traditions ethniques. La réussite de leur intégration repose alors 22 GIRARD Alain, Migrants, Encyclopædia Universalis, 2008, en ligne. 23 TODD Emmanuel, Le Destin des immigrés, Assimilation et ségrégation dans les démocraties occidentales, Paris, Éditions du Seuil, 1994, p. 378. 26 sur un choix cornélien entre leur famille et la France. Le déshonneur de la famille étant un acte terrible dans la culture maghrébine, les enfants préfèrent en conséquence renoncer à cette trahison et abandonner leurs études. Une fois livrés à eux même dans les banlieues ces jeunes sombrent alors parfois dans la délinquance. Regroupés en bandes, c'est malheureusement par la violence, le racket, le vol, ou la vente de drogue que ces jeunes éprouvent enfin un sentiment d'appartenance à un groupe soudé. « Il est donc possible d'analyser les difficultés d'adaptation des immigrés d'origine algérienne sans évoquer la religion, pourtant si souvent utilisée pour décrire les populations venues d'Afrique du Nord. La structure familiale est, beaucoup plus que le système religieux, cause de tension entre culture d'accueil et culture immigrée24 ». Les politiciens français récupèrent de ce fait ces incidents pour diaboliser ces minorités. Le pays rencontrant une hausse importante du chômage, elles vont constituer alors une cible idéale. Les médias en rajoutent également en instaurant un climat de peur face à l'insécurité qui règne dans ces ghettos. On constate alors une ascension notoire de l'extrême droite incarnée par le Front National et JeanMarie Le Pen. Les tensions entre les Français « de souche » et les minorités ethniques sont de ce fait bien palpables. Les immigrés se sentant rejetés s'accrochent encore plus à leurs racines qu'ils défendent avec ferveur. La situation tombe alors dans un cercle vicieux. « En Europe occidentale, l'immigration constitue un enjeu politique de premier plan qui mobilise plusieurs questions sociales, parmi lesquelles l'exclusion et le problème de la coexistence des différents modes de vie. Les populations immigrées tendent à chercher en elles-mêmes un sens et une unité qu'elles ne trouvent pas dans les normes d'une société qui les rejette. Elles affirment de plus en plus leur identité en se réclamant de leurs appartenances communautaires, lesquelles, à la différence des institutions, ne sont pas fondées sur la raison mais sur la tradition25 ». Toutefois, si les médias nous font croire à une « panne d'intégration » concernant les populations d'Afrique du Nord et d'Afrique noire, la réalité est tout 24 TODD Emmanuel, Le Destin des immigrés, Assimilation et ségrégation dans les démocraties occidentales, Paris, Éditions du Seuil, 1994, p. 381. 25 CONSTANT Fred, Le Multiculturalisme, Evreux, Dominos Flammarion, 2000, p. 26. 27 autre. L'intégration se fait effectivement grâce aux mariages mixtes entre majorité et minorité ethnique. On constate ce fait aussi bien du côté des hommes que des femmes issus de la diversité culturelle. « En France, la force du vote d'extrême droite, signe idéologique d'intolérance, masque le niveau rapidement élevé des taux d'exogamie immigrés, signe anthropologique de tolérance26 ». Ces unions donnent ainsi naissance à une troisième génération d'enfants qui sont le symbole même d'une intégration réussie. Cependant, le poids de la tradition maghrébine reste un obstacle à ces mariages. « Désintégration à la française, plutôt qu'intégration, serait l'expression exacte pour décrire le processus d'adaptation des populations venues d'Algérie. Le mécanisme tirant les hommes et les femmes arrivés du Maghreb de leur endogamie ethnique passe par la destruction de leur système familial traditionnel, processus dont le cœur est la désorganisation du rapport parentsenfants.27 » Les parents des enfants de la seconde génération préfèrent qu'ils épousent un conjoint qui soit issu du même pays d'origine voir parfois de la même ville qu'eux. Si ce n'est pas le cas, ils préfèrent encore que le conjoint soit originaire d'un pays du Maghreb avec selon les peuples une préférence entre Algériens, Marocains ou Tunisiens. Puis si cela n'est toujours pas le cas, ils demandent au moins que le conjoint soit musulman. Les Français « de souche » sont donc loin dans la liste des prétendants idéals que se font les parents pour leurs enfants. Mais petit à petit le nombre de mariages exogamiques augmente et les parents impuissants acceptent cette nouvelle « trahison » envers leur tradition. « Lorsque l'on passe du plan de l'idéologie à celui de l'anthropologie, la France semble redevenir elle-même. Seule de toutes les démocraties occidentales, elle est engagée dans un processus d'assimilation de tous ses groupes immigrés ou minoritaires, indépendamment de leur apparence physique ou de leur origine religieuse, même si l'absorption des populations maghrébines se fait un peu plus lentement que les autres et dans la douleur28 ». 26 TODD Emmanuel, Le Destin des immigrés, Assimilation et ségrégation dans les démocraties occidentales, Paris, Éditions du Seuil, 1994, p. 12. 27 TODD Emmanuel, Le Destin des immigrés, Assimilation et ségrégation dans les démocraties occidentales, Paris, Éditions du Seuil, 1994, p. 380. 28 TODD Emmanuel, Le Destin des immigrés, Assimilation et ségrégation dans les démocraties occidentales, Paris, Éditions du Seuil, 1994, p. 13. 28 Si la mixité ethnique s'opère dans les faits, le seul problème qui subsiste alors réside dans l'image que les Français se font de ces minorités. Les préjugés sont légions et persistent dans la société. Les humoristes français conscients ou non de ce problème vont alors réaliser des sketchs traitant de ce sujet pour coller à la réalité de leur époque. 2) Apparition du thème de la diversité ethnique chez les humoristes français de la majorité. Comme nous l'avons vu auparavant, l'humour faisait sur certains sujets l'objet de censure dans les médias. C'était le cas par exemple de l'émission de télévision La Boîte à sel sur le thème de la guerre d'Algérie. Un sujet grave et encore trop d'actualité pour qu'on puisse en rire à cette époque sans choquer les spectateurs. Un peu plus tard, les mentalités ayant changées, les humoristes ont l'avantage de ne pas subir ces interdictions, ou très peu. Libre à eux de choisir alors quels thèmes ils vont développer dans leurs sketchs. Suite au climat de tension qui règne en France à propos des banlieues et des immigrés, certains humoristes vont décider de s'attaquer à ce sujet à partir des années 90. Tout d'abord, le trio Les Inconnus se lance dans cette voie en 1989 avec leur spectacle Au secours tout va mieux comportant notamment le sketch intitulé La ZUP29(Zone à Urbaniser en Priorité). Un décor de façade de HLM couvert de tags est installé sur scène avec en haut une fenêtre pour recréer une banlieue. Les trois humoristes jouent le rôle de jeunes habitants de la cité. Pascal Légitimus entre en mobylette et appelle Didier Bourdon qui se trouve dans l'immeuble. Entre temps, Bernard Campan arrive et la conversation s'engage. Ce sketch dépeint la vie de ces jeunes qui se retrouvent en bas des tours d'immeubles pour passer la 29 Vidéo en ligne : <http://www.dailymotion.com/video/x1wbpn_la-zup_fun>. 29 journée ensemble sans vraiment avoir de but précis. Le fil conducteur étant de réussir à faire descendre de chez lui Manu joué par Didier Bourdon pour rejoindre son ami. Le sketch tourne en dérision la façon de communiquer des jeunes. On se moque alors du langage en verlan et de l'habitude qu'ils ont qui consiste à se parler à distance en criant au lieu d'aller directement voir la personne chez elle. On retiendra ici la célèbre réplique : « - Hé Manu ! Tu descends ? - Et pour quoi faire? - Bah je sais pas, descends ! ». Les difficultés scolaires rencontrées par ces adolescents sont aussi passées au crible de l'humour avec par exemple les répliques : « mon frère il est balaise, il a redoublé que trois fois » ou encore « j'étudie deux langues étrangères : l'anglais et le français ». Ils évoquent également les vacances payées par la mairie pour emmener les enfants à la mer ou encore l'incarcération du grand frère. Ce sketch est plutôt réussi car la caricature de ces personnages poussée à l'extrême les font devenir complètement loufoques. On rit alors plus des attitudes propres de chacun des personnages que du fait qu'ils soient issus de la banlieue. Cet angle comique permet ainsi de pouvoir aborder certains problèmes de la société sans pour autant choquer les spectateurs. On peut comparer cette forme d'humour à celle retenue dans l'émission Les Guignols de l'info créée en 1988 sur la chaîne Canal +. Les hommes politiques passent ici pour des protagonistes plutôt drôles, sympathiques et attachants grâce à une triple caricature. Les personnages sont d'abord caricaturés physiquement par le biais de la marionnette puis leur caractère est parodié par les humoristes qui imitent en même temps leur voix. On fait donc ainsi la part des choses entre le personnage réel et la marionnette. On a donc une impression similaire avec les Inconnus, on différencie bien également chez eux les jeunes des banlieues des personnages grotesques inventés. En 1990, ils continuent sur le sujet des banlieues avec le sketch C'est ton destin30. Cette chanson est une parodie du rap dans laquelle les Inconnus reprennent le même angle humoristique et certaines répliques de leur sketch précédent. On 30 Vidéo en ligne : <http://www.dailymotion.com/video/x4jy5v_les-inconnus-cest-tondestin_music>. 30 notera tout de même les phrases : « institutions, immigration, moi je dis non ! Ce sont des mots que tu refuses en bloc ! » ou « la banlieue c'est pas rose, la banlieue c'est morose ». Dans ce sketch c'est plutôt l'attitude rebelle des jeunes qui est donc tournée en dérision. La même année, ils jouent le sketch Avis de recherche31 dans lequel Pascal Légitimus d'origine antillaise veut retrouver son père qui a quitté le foyer familial et l'a abandonné à sa naissance. Il montre par conséquent la seule photo qu'il a de lui et on reconnaît alors le visage de Jean-Marie Le Pen. On dénonce ici évidemment la politique du Front National qui entraîne la montée du racisme. « De toutes les démocraties occidentales, la France est la seule dont la vie politique soit empoisonnée, depuis une dizaine d'années, par un parti d'extrême droite spécialisé dans la diabolisation de l'immigré32 ». Ce sketch prouve ainsi qu'ils se placent plus du côté des minorités, il permet aussi de légitimer le fait qu'ils se moquent gentiment des jeunes issus des banlieues. En 1991, Les Inconnus toujours aussi célèbres sortent le sketch Les Envahisseurs33 une parodie de la série télévisée de science-fiction du même nom. Le personnage principal aperçoit une soucoupe volante se poser devant lui. On voit qu'il s'agit en fait d'une couscoussière symbolisant l'arrivée des Maghrébins en France. Ce personnage va alors constamment reconnaître autour de lui « ces êtres étranges venus d'ailleurs ». Il les retrouve en tant qu'éboueurs ou épiciers par exemple et commence à se méfier de tout le monde. Les dénonçant aux autorités, il indique les coins où ils semblent se rassembler comme l'ANPE, les Assédic ou les magasins Tati. A la fin du sketch, d'autres envahisseurs arrivent et cette fois-ci on peut voir atterrir un bol en porcelaine chinoise. Le côté humoristique de ce sketch réside dans tous les non-dits puisqu'à aucun moment on précise que les envahisseurs sont les Maghrébins. Ces sous-entendus et le côté parodique de ce sketch permettent encore une fois aux Inconnus de nous faire rire sans craindre 31 Vidéo en ligne : <http://www.dailymotion.com/video/x5y5kv_avis-de-recherche_fun>. 32 TODD Emmanuel, Le Destin des immigrés, Assimilation et ségrégation dans les démocraties occidentales, Paris, Éditions du Seuil, 1994, p. 9. 33 Vidéo en ligne : <http://www.dailymotion.com/video/xe44i_les-envahisseurs-lesinconnus_fun>. 31 d'être jugés comme racistes. C'est ici la véritable difficulté pour les humoristes qui ne sont pas eux-mêmes issus des minorités ethniques. On peut cependant émettre l'hypothèse que Pascal Légitimus apporte aussi de par ses origines une plus grande facilité au trio à aborder ces sujets sans craindre de polémiques. Muriel Robin s'est elle aussi penchée sur le sujet des minorités ethniques en 1990 avec le sketch Le Noir34. Elle joue une mère qui apprend que sa fille va se marier le lendemain avec un homme noir pour ensuite aller vivre dans son pays natal. On comprend que Muriel Robin veut mettre le doigt sur les préjugés qui demeurent dans beaucoup de familles françaises concernant les mariages mixtes et notamment chez les gens de « bonne famille ». Le comique réside ici dans la décomposition morale et physique progressive du personnage de la mère au fur et à mesure des annonces faites par sa fille. La mère doit également en informer le père qui se trouve dans la cuisine et qui est sûrement beaucoup plus sévère. Elle s'empresse donc de rejoindre la cuisine mais systématiquement une autre révélation est dévoilée par sa fille l'obligeant ainsi à rester l'écouter. Le texte du sketch est parfois très rude envers ces gens issus de minorités. On peut retenir entre autres les répliques : « mais tu as tout à fait le droit d'épouser un nègre » ou encore « il est noir noir noir noir ou noir un peu blanc ? Ah, noir noir, complètement noir... Oui... on est pas dans la merde... ». En regardant ce sketch en temps que blanc on saisit tout de suite la portée ironique du texte. Par contre, les personnes issues de la diversité ethnique ont trouvé qu'il allait beaucoup trop loin créant alors quelques débats. L'humour est ici contenu dans le jeu du discours, l'exagération et dans la façon dont évolue la diction du texte. On adopte alors un ton complètement différent de celui retenu par Les Inconnus. Enfin, Michel Leeb connu pour ses imitations a joué un sketch intitulé L'Épicier africain35 en 1994. Dans celui-ci, il imite deux frères africains qui viennent d'acquérir une épicerie. Ne connaissant pas le métier, ils commencent un jeu de rôle. L'un joue l'acheteur et l'autre le vendeur. L'acheteur entre et demande 34 Vidéo en ligne : <http://www.videorama.fr/video-muriel-robin-noir-sketch-humour_368.html>. 35 Vidéo en ligne : <http://www.dailymotion.com/video/x3267a_michel-leeb-lepicierafricain_fun>. 32 trois tonnes de patates. Devant l'absurdité de la situation son frère lui demande de recommencer. Il exige alors trois grammes de patates et pour les mêmes raisons il se fait encore prier de recommencer. Finalement, au bout de la troisième fois il réclame trois kilos de patates. Le comique est dans ce sketch uniquement basé sur l'imitation des Africains, l'histoire ne comportant que très peu d'intérêt. Il caricature notamment leur accent quand ils parlent français, leur démarche et leur attitude à chanter tout le temps. Si l'imitation est assez bien réussie elle reste tout de même trop exagérée. Les Africains passent ici vraiment pour des idiots. Michel Leeb va par conséquent être victime d'une polémique à cause de ce sketch. Les autres humoristes ainsi que les collectifs militants vont lui reprocher de transmettre « (de manière volontaire ou non) des clichés racistes36 ». Le sujet de l'immigration n'est donc pas pour les humoristes français de l'époque une mince affaire. Il nécessite une aptitude à jauger avec précision jusqu'où on peut aller dans la dérision ou dans l'ironie quand on cible un groupe de personnes en particulier. De plus, la propre histoire de l'humoriste peut légitimer ou non ses propos. Dans certains cas, l'humour n'a pas l'effet escompté et on stigmatise alors encore plus ces minorités. « L'existence d'un groupe paria conduit aussi à la définition d'un certain égalitarisme interne au peuple dominant37 ». Le piège de cet humour réside ici. Lorsqu'un groupe de gens se moque ouvertement d'une personne ou d'un autre groupe, la cible visée peut se sentir exclue et très mal réagir si elle ne fait pas suffisamment preuve d'autodérision. C'est d'ailleurs pour cette raison que la majorité des humoristes français « de souche » n'abordent pas ces sujets, par peur de se retrouver devant les tribunaux face à des associations militant contre le racisme. Pour ne pas entacher leur image, ils préfèrent alors traiter d'autres thèmes et laisser généralement celuici aux humoristes issus de la diversité ethnique. 36 Source : Wikipédia. 2009. Michel Leeb. En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Leeb>, consulté le 28 août 2009. 37 TODD Emmanuel, Le Destin des immigrés, Assimilation et ségrégation dans les démocraties occidentales, Paris, Éditions du Seuil, 1994, p. 15. 33 3) Apparition des minorités ethniques dans l'humour. Nous avons vu précédemment un historique de l'humour et également une chronologie des flux migratoires en France. Pour connaître comment les premiers humoristes de one-man-show issus de la diversité culturelle sont apparus, il nous suffit de superposer ces deux histoires. Nous pouvons dire qu'il existe deux périodes durant lesquelles ces artistes vont rejoindre la scène. La première concerne le début des années 80 et la seconde le milieu des années 90. Il faut toutefois remarquer que l'on parle ici seulement des humoristes car il existe aussi différentes vagues d'apparitions d'acteurs célèbres issus de l'immigration. Si aujourd'hui ces deux professions sont de plus en plus liées, nous nous intéresserons uniquement aux comiques ayant foulés la scène. Le premier humoriste issu des minorités à se faire connaître est sans doute Guy Bedos. Né à Alger (Algérie) en 1934, il arrive sur le sol français quinze ans plus tard38. Il commence sa carrière au cinéma à partir de 1954 puis il forme un duo humoristique avec sa femme Sophie Daumier en 1965. Ils interprètent notamment le fameux sketch La Drague. Après leur divorce en 1977, il commence alors sa carrière dans le one-man-show. « Sur scène, il laisse exploser son sale caractère, son cynisme et la rage qu'il porte en lui depuis sa plus tendre enfance. Il devient alors féroce et ses piques prennent une cible bien définie : les hommes politiques dont il dénonce tour à tour l'hypocrisie, la bêtise, la corruption ou encore parfois, l'indifférence39 ». Guy Bedos fait donc de la satire sociale et politique le thème majeur de ses spectacles à ses débuts. A peu près à la même période, un autre humoriste répondant au nom de Michel Boujenah commence également sa carrière. Ce tunisien rejoint la France en 1963 à l'âge de onze ans40. Après avoir fait parti 38 Source : Wikipédia. 2009. Guy Bedos. En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Bedos>, consulté le 31 août 2009. 39 Universrobin. 2001. Guy Bedos biographie. En ligne. <http://www.universrobin.com/bedos.htm>, consulté le 31 août 2009. 40 Michel Boujenah. 2007. Site officiel. En ligne. <http://www.michelboujenah.com/siteflash/michelboujenah-artiste-site-officiel.html>, consulté le 31 août 2009. 34 pendant six ans d'une troupe de théâtre destinée aux enfants, il crée son premier one-man-show intitulé Albert en 1980. Dans ce spectacle il raconte sa jeunesse, ses origines et sa vie en tant que tunisien juif immigré. Un peu plus tard pour clore cette première vague d'humoristes, c'est Smaïn qui se fait découvrir. Algérien né de parents inconnus en 1958, il est adopté en France par une famille marocoalgérienne lorsqu'il a deux ans. Après s'être formé dans les café-théâtres, il débute sa carrière d'humoriste de one-man-show en 1986 avec son spectacle A Star is beur41. Il rencontre alors un énorme succès. On peut dire que cette première génération de comiques était plutôt soudée puisque ces trois artistes se sont retrouvés ensemble pour un spectacle contre le racisme en 1991 intitulé Coup de soleil à l'Olympia. Elle était également talentueuse puisque Guy Bedos obtient le « Molière du meilleur ''one-man-show'' en 199042 », Smaïn gagne la même récompense en 1992. Michel Boujenah a quant à lui remporté le César du meilleur acteur dans un second rôle pour le film Trois hommes et un couffin en 1986. Au milieu des années 90, une déferlante d'humoristes de one-man-show va débuter sur les planches des théâtres. Elle correspond étrangement à la période durant laquelle les humoristes français se sont essayés à leur tour de parler de l'immigration. Nous pouvons donc émettre l'hypothèse que cette nouvelle génération d'humoristes issus des minorités ethniques, lassée de se voir tourner en ridicule, a décidé de monter sur scène pour exercer son droit de réponse. Ces humoristes ont pu également être choqués par le fait que l'on parle d'eux dans des spectacles puisque dans les pays du Maghreb et notamment en Algérie, il était tabou d'aborder les sujets liés à la colonisation dans l'humour. « Il faudrait reprendre les nombreux humoristes qui, du temps de la colonisation déjà, s'employaient à faire rire la population. Là encore, il semble que ces spectacles s'adressaient de façon privilégiée à l'une ou l'autre des communautés. On rit de soi, pour soi, entre soi. Les difficultés de cohabitation des communautés, celles qu'on nommait l'indigène et l'Européenne, se manifestent à ce niveau aussi et ont pu être pensées, d'une certaine façon 41 Rouge Basket, 2009. Bienvenue chez Smaïn. En ligne. <http://www.smain.net/>, consulté le 31 août 2009. 42 Source : Wikipédia. 2009. Guy Bedos. En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Bedos>, consulté le 31 août 2009. 35 comme une manière de maintenir une relative paix sociale43 ». Ces humoristes possèdent donc aussi une culture du rire différente de celle des Français. C'est peut être d'ailleurs en reprenant cette tradition comique que ces humoristes ont apporté un souffle nouveau à l'humour en France. On pourrait expliquer alors le succès de ces comiques par ce métissage de l'humour français qu'ils créent. Ce mélange culturel incarnerait donc plus le miroir de la réalité de notre société française. La vision sectaire diffusée par l'humour français sur le thème de la diversité n'étant pas le reflet de la réalité, il perd ainsi sa force et sa légitimité. L'humour métis beaucoup plus populaire par sa forme même supplante alors l'humour strictement français tout comme la commedia dell'arte a pu évincer le théâtre traditionnel français autrefois. C'est donc dans ce contexte que « les petits frères » de la première génération d'humoristes font leur apparition. On a par exemple Elie Kakou en 1994, Fellag en 1995, Jamel Debbouze en 1996, Gad Elmaleh et Dieudonné en solo en 1997 puis Mouss Diouf en 2003 et Manu Payet en 2007. Nous nous attarderons davantage sur ces humoristes dans notre deuxième partie. Avec l'apparition d'Internet à haut débit au début du XXIe siècle, leurs sketchs se retrouvent sur les sites de partage de vidéos et génèrent un nombre de visionnage énorme. Ces artistes vont être alors très convoités par la télévision qui va les inviter constamment dans les émissions de divertissement pour augmenter l'audience. Puis, les autres médias comme la presse magazine et la radio vont à leur tour relayer ce phénomène faisant alors d'eux des stars incontournables du rire. Enfin, le cinéma qui a aujourd'hui calqué son humour sur celui de la télévision, et notamment sur la chaîne Canal + qui produit une grande majorité de films français, ouvre ses portes à ces humoristes. Ils créent alors des comédies inspirées des personnages de leurs sketchs qui font de très bons chiffres au box office. Par conséquent, ils se retrouvent visibles en permanence dans les médias et adulés par la majorité alors qu'ils n'étaient que des jeunes issus de la diversité ethnique jusque-là rejetés. 43 MADINI Mongi, et al., 2000 ans de rire : permanence et modernité, Besançon, Presses Universitaires franc-Comtoises, 2002, p. 61. 36 Nous avons donc pu comprendre dans cette première partie que l'humour a fait l'objet de nombreux changements de genres au fil de l'histoire. C'est le lien avec la réalité de la société qui a toujours conditionné le succès d'une forme d'humour. Le one-man-show s'est démocratisé aujourd'hui puisqu'il permet à ses auteurs d'adopter avec une liberté totale différents angles comiques. Avec l'arrivée de plusieurs flux d'immigrés sur le sol français, les cultures qui au départ semblaient incompatibles avec le mode de vie français se sont petit à petit mélangées donnant ainsi naissance à un métissage de l'humour. 37 Deuxième partie : Analyse du discours des humoristes de one-manshow issus de la diversité ethnique française. Nous allons maintenant nous intéresser plus en détails sur la construction de ces spectacles de one-man-show. Au travers des cassettes vidéos ou DVD des représentations de ces humoristes de la diversité ethnique, nous pourrons déterminer de ce fait quelles sont les caractéristiques principales de cet humour multiculturel. Les artistes retenus ici sont majoritairement ceux appartenant à la deuxième génération d'humoristes qui correspond à la période allant du milieu des années 90 jusqu'à aujourd'hui.. Les objets de notre analyse concerneront tout d'abord l'histoire personnelle de l'humoriste pour savoir quelle est la contenance autobiographique de ces one-man-show. Nous énumèrerons les principaux thèmes abordés pour déterminer si certains sont récurrents entre les différents spectacles d'un artiste. On examinera également l'angle comique et les jeux de scène de chacun pour déceler quelle est importance accordée au comique verbal et non verbal. Enfin on observera le comportement du public pour voir quelle place lui donne l'humoriste. Tous ces éléments nous permettront donc de faire un récapitulatif des caractéristiques générales du discours de chaque artiste. Nous pourrons ainsi les comparer et rechercher si il existe des normes dominantes, divergentes ou périphériques chez ces humoristes issus de la diversité ethnique. 38 Chapitre 1 : Étude sémiologique des spectacles des humoristes. Dans un souci de clarté, nous étudierons d'abord chaque humoriste séparément. Le classement des artistes est arbitraire mais respecte tant que possible l'ordre chronologique de leur premier spectacle en France. 1) Élie Kakou Alain – Élie Kakou est né le 12 janvier 1960 à Nabeul en Tunisie mais il va passer son enfance à Marseille. « Cadet d'une famille de 7 enfants44 », il fait son armée à 18 ans. Ici les troupes militaires vont constituer pour lui son premier public pour réaliser ses pitreries. Ensuite, il va travailler au Club Med où il exerce encore une fois ses talents de comique et réalise ses premiers sketchs. Il passe après cela un diplôme de prothésiste mais son envie de faire rire les gens le conduit à se produire pour la première fois dans un cabaret La Payotte à Marseille. Fort de son succès, il décide de s'installer à Paris pour commencer sa carrière d'humoriste. Il commence l'écriture d'un spectacle et le présente au théâtre Plateau 26 dans le quartier des Halles. La télévision le remarque et il se retrouve alors dans l'émission La Classe sur France 3. Il rejoint parallèlement en 1994 le café-théâtre le Point Virgule et fait rapidement salle comble tous les soirs. Il enchaine ensuite avec l'Olympia, le Casino de Paris, le Zénith puis il part en tournée. En 1997, il débute également une carrière au cinéma avec La Vérité si je mens ! Il décède le 10 juin 1999 des suites d'un cancer du poumon. Il laisse derrière lui quatre vidéos de ses spectacles : Elie Kakou au Point Virgule en 1994, Elie Kakou à l'Olympia ,déjà ! la même année, Elie Kakou au Zénith en 1995 et enfin Elie Kakou au Cirque d'Hiver en 1997. 44 CUCUEL Xavier. 2008. Elie Kakou : Site Officiel. En ligne. <http://www.eliekakou.com/rubriques/2/Bio>, consulté le 2 septembre 2009. 39 Nous allons nous focaliser sur ses deux premières vidéos pour notre analyse. Il s'agit globalement du même spectacle mais réalisé avec beaucoup plus de moyens pour celui de l'Olympia. Élie Kakou est connu pour ses multiples personnages qu'il invente et réutilise dans chacun de ses spectacles. Il s'agit donc plus ici d'un comique de sketchs puisqu'il se déguise différemment pour chaque rôle. Chez Élie Kakou le charisme des personnages prime sur l'histoire en ellemême. Il aborde cependant plusieurs thèmes en fonction des protagonistes qu'il joue. Le professeur lui permet ainsi de traiter le sujet de l'éducation scolaire stricte dispensée par les curés. Il nous fait alors revivre les angoisses que nous avons tous connu dans notre enfance avec sa parodie du cours d'anglais et de français. Il imite à la perfection l'enseignant hors de lui qui fini par donner une interrogation surprise à toute la classe car aucun élève n'a fait ses devoirs. On peut émettre l'hypothèse que son talent pour retranscrire les personnes autoritaires avec justesse lui vient de sa propre scolarité et de l'armée. On évoque ensuite le monde de la mode avec le créateur Jean-Paul Goudier. Là encore la vie personnelle d'Élie Kakou l'influence dans ses sketchs puisqu'il est ami avec Jean Paul Gaultier. Il fait également preuve d'auto-dérision envers son propre succès dans le sketch Je ne veux pas être une star. Il critique en effet les stars qui ont la « grosse tête ». Il met aussi son spectacle en abîme grâce à l'Attachée de presse d'Élie Kakou. Il se plaint alors de ses propres invités qui viennent au spectacle sans payer et qui prennent des places qui pourraient être occupées par des journalistes. Son personnage le plus célèbre reste tout de même Madame Sarfati, une mère juive tunisienne qui a eu douze enfants et qui n'arrive pas à marier sa fille Fortunée. Dans ce sketch il est question bien évidemment des mariages endogamiques et des relations parentsenfants que nous avons abordé précédemment. Élie Kakou reprend dans tous ses spectacles ces mêmes personnages clef et poursuit leurs histoires. L'humour d'Élie Kakou repose essentiellement sur le caractère des protagonistes qu'il invente. Ce sont en général des stéréotypes grossiers et burlesques basés sur des préjugés que nous connaissons tous. Ses spectacles fonctionnent beaucoup sur le comique de répétition. Les différents personnages 40 reviennent plusieurs fois dans un même spectacle et utilisent des expressions récurrentes. On peut retenir par exemple des répliques comme: « que ce soit bien clair entre vous et moi ! » du professeur, « bah alors faut rigoler ! » de l'attachée de presse ou encore « vous êtes juif ? » de Madame Sarfati. Il accorde une grande place au comique non verbal notamment grâce à toutes ses mimiques exagérées et ses pas de danse farfelus. « Élie peut entrer sur scène et ne piper mot pendant de nombreuses secondes. D’un regard, d’un geste, d’un mouvement d’épaule il pouvait déclencher l’hilarité dans le public45 ». Il se met aussi tellement bien dans la peau de ses personnages et avec une telle énergie qu'on ne peut qu'adopter son univers. Son goût pour le déguisement y contribue aussi pour beaucoup. Son humour peut faire l'objet d'une analogie avec la commedia dell'arte. On y retrouvait là aussi une grande diversité de personnages, de masques et de déguisements. Elle fonctionnait de la même façon sur des textes simples mis en valeur par des effets de style classiques mais toujours efficaces. Cette forme d'humour peut ainsi plaire à un grand nombre de personnes et ce peu importe leur âge. Élie Kakou laisse aussi une place importante à son public puisqu'il l'implique directement dans ses sketchs. Par exemple avec le personnage du professeur, il fait l'appel de la classe représentée par le public. Les gens répondent alors chacun à leur tour ou en chœurs « présent ! ». Dans le sketch de l'attachée de presse, il va aussi rencontrer le public et en profite pour jouer avec lui. Il feint qu'un homme du public lui a mis une main aux fesses, s'approche de lui et commence à le draguer. Au fur et à mesure des retransmissions de ses sketchs à la télévision, les gens ont également appris toutes ses répliques, que nous évoquions plus haut, par cœur et c'est donc des salles entières qui jouent le spectacle avec lui. Cependant, certains sketchs n'ont pas beaucoup de succès car le public se sent parfois un peu perdu dans l'univers d'Élie. Il lui arrive effectivement, dans certains sketchs élaborés spécialement pour sa représentation au Cirque d'Hiver, d'arriver 45 CUCUEL Xavier. 2008. Elie Kakou : Site Officiel. En ligne. <http://www.eliekakou.com/rubriques/2/Bio>, consulté le 2 septembre 2009. 41 avec un chameau ou une voiture de clown sur scène sans qu'il y ai de véritable logique avec le spectacle. C'est donc dans la tradition du théâtre populaire qu'Élie Kakou tire en majorité ses influences pour nous offrir un spectacle où ses personnages hauts en couleurs nous transportent dans un univers loufoque. 2) Fellag Mohand Saïd Fellag de son vrai nom, est « né en 1950 dans le Djurdjura en Kabylie46 » (Algérie). Il apprend l'arabe, le français puis l'anglais à l'école. Féru de cinéma, il se découvre plus tard une passion pour le théâtre. A 18 ans, il rejoint ainsi l'école de théâtre d'Alger et s'initie à l'improvisation. Ensuite de 1973 à 1985, il va voyager en France, au Canada et aux États-Unis pour participer « à plusieurs expériences théâtrales ». Puis de retour en Algérie, il est recruté par le théâtre national. Il obtient notamment le premier rôle dans L’Art de la comédie d’Eduardo de Filippo. Il écrit par la suite son premier one-man-show en 1987 intitulé Les aventures de Tchop et joue dans différents films à la télévision et au cinéma. Il réalise ensuite un nouveau spectacle : Un bateau pour l'Australie, en 1991. La montée de l'activisme islamiste conduit à une vague d'assassinats et d'émeutes en 1992, plongeant le pays dans la terreur. « Le 29 juin, le président Boudiaf est assassiné sur la scène de la Maison de la Culture d’Annaba où Fellag était programmé quatre jours plus tard ». Ces événements vont profondément choquer Fellag. Il reviendra sur cette période dans un autre spectacle appelé Delirium écrit en 1994. Il va voyager ensuite encore une fois avec son spectacle dans les mêmes pays qu'auparavant. Il s'installe finalement en France en 1995 où il continue les représentations de sa pièce. En 1997 il écrit Djurdjurassique bled et réécrit Un bateau pour l’Australie en français en 1999. A partir de 2002, il crée ou met en scène plusieurs spectacles, écrit des livres et tourne dans de nombreux films. Il 46 FELLAG Mohammed. 2009. Myspace – Mohammed Fellag. En ligne. <http://www.myspace.com/mohammedfellag>, consulté le 3 septembre 2009. 42 sort en 2009 sont dernier spectacle Tous les Algériens sont des mécaniciens. Pour notre analyse nous nous intéresserons seulement aux spectacles : Un bateau pour l'Australie, Djurdjurassique Bled et Le Dernier chameau (2005). Fellag raconte dans ses one-man-show sa propre histoire et l'histoire de l'Algérie en faisant souvent des parallèles avec la France avec une poésie et un humour remarquable. Les sujets qu'il aborde sont nombreux puisqu'à chaque spectacle il se focalise sur une période ou un aspect de sa vie en particulier. On peut néanmoins mettre en évidence certains thèmes majeurs. Il parle très souvent de la difficulté des relations hommes-femmes en Algérie : « Algerian love story ». Il est très compliqué en effet de sortir avec une femme à cause de toutes les restrictions imposées par l'islam. Il existe même des brigades anti-amoureux pour veiller à ce que les personnes de sexes opposés ne s'approchent pas de trop près. Les parents et les frères des filles surveillent également le moindre de leurs faits et gestes. Si un garçon regarde une fille un peu trop, il reçoit généralement des avertissements ou des violences de la part de la famille de cette dernière. Quand malgré tous ces obstacles un homme et une femme arrivent à se rencontrer et à tomber amoureux, le prétendant doit passer devant le père de la jeune fille pour lui demander sa main. C'est généralement un refus catégorique, les mariages étant arrangés à l'avance. « La virginité chez nous c'est le capital... c'est le CAC 40 ! ». Lorsque Fellag arrive en France, il va alors directement dans une boîte de nuit où il peut enfin découvrir les femmes et entre autres « une carte de résidence aux yeux bleus ». Un autre sujet récurrent abordé par l'humoriste est la misère dans laquelle les gens vivent en Algérie. Il évoque le taux de chômage, les appartements où parfois trois ou quatre générations se retrouvent à cohabiter sous le même toit dans un trois pièces, le manque d'eau ou la lassitude de manger constamment la même chose : « haricots, macaroni, couscous ». La guerre d'Algérie, la cohabitation avec les Algériens Français et l'indépendance l'ont aussi beaucoup marqué : « l'indépendance était venue, ou elle était partie... je m'en souviens plus ! ». Son père est emprisonné pendant trois ans durant la guerre, il en rigole alors : « les trois seules années où ma mère n'a pas accouché ». Enfin, Fellag parle 43 aussi de l'émigration pour la France. Il plaisante sur ce point et exagère à l'extrême pour inventer des situations nouvelles. Pour lui les Arabes « coulent » tout ce qu'ils touchent. Trente millions d'Arabes ou « trente millions d'amis » vont vouloir venir coloniser la France après avoir fait couler leur pays, faisant alors couler la France à son tour. Les Français iront eux pendant ce temps émigrer en Algérie qu'ils vont réussir à sauver et moderniser. Voyant ça les Arabes vont vouloir revenir en Algérie pour la couler et ainsi de suite. L'humour de Fellag réside dans l'auto-dérision qu'il applique à sa vie, à son peuple, à son pays l'Algérie. Il se moque aussi beaucoup des Français mais jamais de façon véritablement méchante. Il voit surtout le monde avec son regard algérien. On sent que ses origines sont constamment dans sa tête même quand il vit en France. « Fellag va quitter Alger pour Paris. Mais ce n'est pas un changement de lieu, ce n'est pas un déplacement géographique, c'est un détour, un décalage qui lui permet de revenir mentalement en Algérie47 ». Il parle très vite avec un accent prononcé ce qui impose un rythme soutenu à son texte. Il place des jeux de mots ou des traits d'humour constamment ce qui fait qu'on se prépare toujours à rire en l'écoutant. Nous pouvons dire qu'il se place dans la tradition des conteurs d'autrefois. En effet, c'est véritablement une histoire qui nous est racontée avec un talent presque pictural. Lorsqu'il s'emporte, il se met très souvent à parler en arabe ou en kabyle mais il traduit généralement tout de suite après pour que tout le monde puisse comprendre. Le comique non verbal est aussi présent dans une moindre mesure pour donner de la vie à ses aventures. Il possède une gestuelle et des mimiques comparables à celles de Louis de Funès. Il fait beaucoup de grimaces et il illustre ses propos en mimant les situations qu'il décrit. Le public n'a pas de fonction particulière dans ses spectacles. Il ne joue pas vraiment avec le public mais il fait quelques fois des clins d'œil pour garder l'attention des gens. On assiste plus à ses spectacle que l'on y participe. En bref, on l'écoute parler et c'est plutôt bien comme ça. Il transporte les gens dans son 47 MONGIN Olivier, De quoi rions-nous ? Notre société et ses comiques, Paris, Plon, 2006, p. 82-83. 44 univers, dans son pays et nous fait ressentir les mêmes sentiments qu'il a pu connaître grâce à son talent d'orateur et d'écrivain. On comprend alors beaucoup mieux le mode de vie des Algériens. Certaines de leurs attitudes qui pouvaient nous interpeller trouvent ici leurs explications et en plus de façon humoristique. C'est donc à sa manière qu'il nous fait participer à son spectacle. Fellag nous donne ainsi un one-man-show très enrichissant culturellement et partage avec nous sa philosophie de la vie remplie d'humour. 3) Jamel Debbouze Né à Paris le 18 juin 1975 de parents marocains, il est l'ainé d'une famille de six enfants48. De 1976 à 1979, ils retournent vivre au Maroc puis reviennent en France. Ils s'installent alors à Trappes dans les Yvelines. Jamel est victime d'un grave accident en 1990. Happé par un train, il perd l'usage de son bras droit. Un autre garçon sera tué dans la catastrophe ce qui conduira Jamel Debbouze à être accusé d'homicide involontaire. Il obtient alors un non-lieu pour fautes de preuves49. Peu de temps après, le directeur de la compagnie Déclic Théâtre de la cité des Merisiers repère Jamel et l'initie au théâtre et à l'improvisation. Il atteindra alors la finale du Championnat de France junior de la Ligue d'Improvisation Française. En 1995, il est recruté par Radio Nova où il animera une chronique quotidienne Le Cinéma de Jamel. Quelques temps plus tard, il fait son entrée à la télévision sur la chaîne Paris Première. Puis en 1998, il rejoint Canal + où il adapte sa chronique Le Cinéma de Jamel dans l'émission Nulle part ailleurs. Ensuite, il sera acteur dans la série H produite par Canal +. Il joue également dans plusieurs films au cinéma comme Zonzon, ou Le Ciel, les oiseaux 48 Source : Allocine. 2009. Jamel Debbouze. En ligne. <http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne_gen_cpersonne=24871.html>, consulté le 4 septembre 2009. 49 Source : Wikipédia. 2009. Jamel Debbouze. En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Jamel_Debbouze>, consulté le 4 septembre 2009. 45 et... ta mère ! Il écrit un one-man-show intitulé Jamel en scène en 1999 et connaît alors un véritable succès. Il se consacre ensuite uniquement au cinéma en jouant dans des films comme Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain ou encore Astérix et Obélix : mission Cléopâtre. Jamel retourne sur les planches en 2004 avec un nouveau one-man-show nommé 100 % Debbouze et encore une fois c'est une réussite pour lui. Enfin, à la suite de ça, il se consacre encore une fois au cinéma et joue dans une multitude de films. Avec simplement deux spectacles, Jamel a su se forger une grande notoriété. Les sujets qu'il aborde sont ceux de son quotidien. Il parle notamment de son succès et de la transition entre jeune de cité et artiste dans le show business en seulement deux ans. Il insulte ou se moque d'ailleurs de beaucoup de gens qui en font parti. Il s'en prend par exemple à Ophélie Winter : « cette salope », « espèce de pute ». Il plaisante aussi sur le physique de Joey Starr le chanteur de NTM, de Mimie Mathy. Il renomme Jackie Chan en Jackie Tchang, traite Séverine Ferrer de « poney » et nous dit qu'il enfermerait bien Adriana Karembeu dans une cave avec ses trois frères. En bref, il n'est pas vraiment là pour se faire des amis et pourtant les gens aiment ça : « comment c'est mortel d'être comique ! Tu peux insulter les gens, ils sont morts de rire ! ». Cependant dans son deuxième spectacle, il dit qu'il a eu des problèmes avec ces gens à cause de tout ça. De ce fait, il met alors un peu d'eau dans son vin dans 100 % Debbouze. C'est aussi une preuve qu'il a mûri étant donné qu'il n'avait que 24 ans quand il jouait son premier spectacle. Il parle également des problèmes dans les banlieues et notamment de la délinquance. « Trappes, lieu de pèlerinage de tous les cambrioleurs, c'est le rendez-vous des intermittents du cambriolage. » C'est avec les films Les Guerriers de la nuit et Scarface qu'ils ont pris goût à la violence. Il rigole avec le fait qu'avant il rackettait des gens « Mathieu, Jean-Baptiste » mais là encore il confie que désormais il se rend compte du tort qu'il a pu causer. On peut dire que son spectacle est pour lui une sorte de rédemption. Jamel fait partager les erreurs qu'il a fait dans sa jeunesse, en essayant de trouver souvent des justifications à ses actes. Il constate aussi que les enfants sont violents de plus en plus tôt et 46 qu'aujourd'hui beaucoup de ses amis sont en prison. « 20 ans dans ma cité, 18 ans à courir » plaisante-t-il. Le thème de l'éducation scolaire est aussi traité avec les écoles en ZEP (zones d'éducation prioritaire ). Les professeurs ont peur des élèves par conséquent, on en vient à mettre des policiers dans les collèges. « Ils vont galérer, les keufs, en maths. Vous pouvez m'expliquer le théorème de Pythagore ? » Il montre aussi toute l'importance que présente pour lui sa famille et certains moments difficiles qu'il a pu connaître dans son enfance. Issu d'une famille nombreuse, les problèmes d'argent sont courants. Il se moque alors des produits alimentaires de hard-discount qui sont des contrefaçons dégoûtantes. Il précise cependant qu'il n'a pas vécu dans la misère mais qu'il aurait aimer avoir les mêmes choses que ses camarades plus riches. « J'avais pas de jouets mais Gregory il en avait 18 ! » Enfin, son intégration est aussi exposée. Il affirme qu'aujourd'hui il est totalement intégré après avoir fait de son côté des efforts : « j'ai acheté le CD de Johnny ». Cependant, les médias n'en font pas trop de leur côté pour que les préjugés disparaissent. Il évoque notamment les reportages sur la chaîne TF1 diabolisant les banlieues. « Ils nous vendent de la peur pour mieux nous vendre du dentifrice. » Le cinéma aussi n'accorde que des rôles d'arabes aux Arabes : « c'est pas des scénarios que je reçois, c'est des casiers judiciaires ! » enfin comble de son intégration, une fois célèbre il s'est installé dans un quartier riche à SaintGermains-des-Prés et a été à son tour cambriolé. Pour la première fois de sa vie, il a alors appelé la police. Jamel Debbouze est très nettement influencé par une forme de one-manshow particulière très en vogue aux États-Unis appelée le Stand-up. Ce genre repose essentiellement sur la capacité de son auteur à improviser sur sa propre histoire et sur des sujets de la vie quotidienne. Le jeu avec le public est là aussi primordial pour donner une impression de proximité. L'humour de Jamel est calqué sur ce modèle. En effet durant toute la durée de ses spectacles, il raconte sa vie comme si il était dans un café entrain de discuter avec un ami. L'humour passe alors par l'exagération ou la critique franche de certains aspects de la vie. Jamel apporte également sa propre touche en conférant une certaine naïveté à son propre 47 personnage. C'est alors Jamel Debbouze qui joue Jamel Debbouze, d'où probablement le nom de son deuxième spectacle 100 % Debbouze. Sa façon d'inventer des mots ou de mélanger des expressions toutes faites donne un peu de fraicheur ou plutôt un peu d'absurdité à la langue française. Sa vulgarité peut également dans une certaine mesure amener un côté comique puisqu'elle n'est pas vraiment attendue dans les spectacles humoristiques. Du point de vue de la communication non verbale, il tire de son handicap une gestuelle insolite. En effet, il garde toujours sa main paralysée dans sa poche ce qui lui donne un style tout à fait original. Conscient de cette dimension comique, il se met à mimer des scènes avec des mouvements complètements désordonnés, nous faisant alors penser à ceux d'un pantin désarticulé. L'autre composante essentielle de ses spectacles est comme nous le disions un peu plus haut, la façon dont il gère son public. Étant donné qu'il parle de réalités de la vie en banlieue, les gens connaissant les mêmes difficultés réagissent souvent en lui criant des mots inaudibles à cause de l'écho de la salle. Jamel les fait alors passer pour des idiots ou parfois même les insultes de façon humoristique. « Y a que dans mon spectacle où ça part en couille. » Ce point peut nous faire penser à une analogie avec la musique hip-hop où dans certains quartiers les jeunes s'affrontent dans des joutes verbales improvisées sur de la musique par le biais du rap ou du slam. Il adresse aussi de temps à autres certaines blagues ou taquineries directement à une personne du public prise au hasard. Il ne vise en réalité personne en particulier mais le public apprécie de cette manière son sens de la répartie (faussement improvisé). Il utilise souvent aussi la langue arabe pour s'adresser uniquement aux personnes maghrébines ou pour ponctuer ses phrases pour montrer son énervement. Il traduit quelques fois pour que les gens puissent comprendre que l'on ne se moque pas d'eux en cachette. Dans son dernier spectacle, il fait aussi passer dans les rangs un cahier pour que le public puisse y marquer ses impressions ou commentaires. A la fin de la représentation, il lit quelques-uns de ces messages et il improvise dessus. Il en invente aussi surement qui n'ont pas été réellement écrits pour pouvoir placer des répliques préparées 48 également à l'avance. Cependant, la situation qui nous a le plus prouvé qu'il aime jouer avec son public reste celle dans laquelle il arrête son spectacle le temps qu'une femme aille aux toilettes50. L'humour de Jamel qui est au premier abord assez épuré et peu travaillé, repose en réalité sur une conception spéciale de ses spectacles rompant avec les spectacles de one-man-show classiques dans lequel l'humoriste récite simplement son texte. Ses spectacles s'adressent également beaucoup aux personnes issues de la diversité ethnique française et aux habitants des quartiers défavorisés. 4) Dieudonné Dieudonné M'bala M'bala est né le 11 février 1966 dans les Hauts-de-Seine d'une mère bretonne et d'un père camerounais. Après avoir été lassé d'effectuer des « petits boulots » pour gagner sa vie, il se lance dans le monde du spectacle. Seul au départ, il rencontre plus tard Élie Semoun avec qui il se met en duo. « Le tandem traite des thèmes du racisme et de l'exclusion, cristallisant les hostilités communautaires dans plusieurs de leurs sketchs et notamment dans celui, caractéristique, où Dieudonné jouant le rôle de Bokassa, un Noir, est opposé à Élie incarnant Cohen, un Juif51. » Dans les années 90, il achète le théâtre de La Main d'or à Paris qu'il ouvre aux jeunes artistes et dans lequel il jouera plus tard ses spectacles. En 1993 et en 1995, il fonde sa maison de production puis une maison d'édition. Notre duo de comiques réalise trois spectacles : Élie et Dieudonné en 1991, L'avis des bêtes - Une certaine idée de la France en 1993 et Élie et Dieudonné en garde à vue en 1996. Ils décident de se séparer en 1997 à cause de divergences d'opinions. Ils retournent tous les deux aux spectacles en solo créant ainsi une sorte de compétition entre eux. Elle sera bénéfique puisque durant la 50 Vidéo en ligne : <http://www.youtube.com/watch?v=9PqqUYSFbdU>. 51 Source : Dieudonné. 2008. Biographie de Dieudonné M'BALA M'BALA. En ligne. <http://dieudonne-mbala.fr/index_biographie.html>, consulté le 7 septembre 2009. 49 même année Dieudonné réalise son one-man-show intitulé Tout seul. Il enchaîne alors avec une longue liste de spectacles : Pardon Judas (2000), Cocorico à Bobino (2002), Le Divorce de Patrick (2003), Mes excuses (2004), 1905 (2005), Dépôt de bilan (2006), Best of 1 et 2 (2007–2008), J'ai fais le con (2008) et enfin Sandrine (2009). Durant cette période il va également faire des apparitions dans de nombreux films pour la télévision ou le cinéma. Malgré son talent indéniable que reconnaissent beaucoup de ses confrères humoristes, Dieudonné fait l'objet de nombreuses polémiques. Il est régulièrement accusé d'incitation à la haine et au racisme à cause de certains de ses sketchs et de ses engagements politiques douteux. Il se lance d'ailleurs dans la campagne européenne de 2009 en créant une liste antisioniste. Nous reviendrons sur ces polémiques dans notre troisième et dernière partie. Nous nous appuierons ici sur les spectacles Tout seul, Pardon Judas, Cocorico à Bobino, Mes excuses et 1905 pour faire notre analyse. Chaque oneman-show de Dieudonné est construit différemment et repose sur un thème, une histoire, un fait d'actualité ou voire même sa propre actualité. Il joue généralement plusieurs personnages pour amener des sujets et des points de vue divers. Il se rapproche donc plus des comiques à sketchs. Même si la ligne directrice de ses spectacles ne s'y prête pas forcement, Dieudonné en profite toujours pour y faire apparaitre son sujet de prédilection qui est la religion. Il critique généralement toutes les religions montrant ainsi son anticommunautarisme. Par exemple, déguisé en Judas, il surnomme le prophète Mahomet fondateur de l'islam « l'allumette » en raison de son physique et pour faire opposition à ceux qui évoquent sa grandeur. Il traite aussi Jésus Christ de « vieille tarlouze ». Il désacralise également la Cène le dernier repas du Christ. Il raconte qu'ils étaient lui et ses apôtres toute une bande d'alcooliques toujours entrain de boire du vin. Il raconte plus tard que les croisades n'étaient pas la quête du saint Graal mais plutôt du « Saint godet ». Dieudonné démystifie encore la religion catholique lorsqu'il dit « Jésus et Zavatta c'était mes deux idoles ». La religion à laquelle il s'attaque le plus reste tout de même la religion juive. En prenant par exemple le personnage 50 d'un vieillard collaborateur durant la deuxième Guerre Mondiale, il plaisante en disant qu'à l'époque « il ne fallait pas se tromper de train ! ». Il continue également en parlant des juifs : « le peuple élu […] Mais on a pas voté nous ! » Parallèlement, il parle beaucoup du racisme envers les Noirs dont il a sûrement souffert. « Le trou dans la couche d'ozone c'est le continent africain qui doit foutre la merde ». Il critique entre autres aussi les philosophes des Lumières pour les phrases qu'ils ont écrites à propos des Noirs. En dehors de ces deux thématiques principales, il aborde le sujet de l'éducation scolaire, des jeunes de banlieues en reprenant notamment le personnage de Toufic. Il s'attaque aux politiciens, à la justice, aux médias. En bref, il est seul contre tous et il a l'air de bien se complaire dans cette situation. La façon de parler de Dieudonné est assez linéaire. Il adopte toujours le même ton de voix assez grave et par moment il se met à crier en fin de phrase. Ce sursaut de voix est généralement placé sur les mots ou passages sujets au rire, ce qui accentue l'effet comique. Il imite également très bien les comiques de caractères lorsqu'il prend la peau d'un personnage. L'humour de Dieudonné repose souvent sur l'exagération des stéréotypes qu'il amène parfois jusqu'à l'humour noir ou le cynisme. Ses différentes satires de la société sont aussi réussies grâce à son attitude de rejet systématique envers toutes formes de pouvoirs illégitimes. Dans certains spectacles et dans certaines scènes, il est accompagné d'un ou deux autres comédiens qui sont aussi ses assistants techniques et qui lui donnent la réplique. Cette habitude peu commune dans les one-man-show transforme alors l'action et confère une forme plus théâtrale au spectacle. Il se sert de ses assistants pour installer un dialogue lorsqu'il aborde des points trop épineux. Cette conversation prend souvent la forme d'un débat très court entre Dieudonné et une personne d'un point de vue opposé. Dieudonné peut placer ainsi sans risques des blagues ou des critiques poussées sous couvert de cet échange fictif. On peut se demander si ce besoin de ne pas se retrouver seul sur scène n'est pas lié au fait qu'il jouait en duo avec Élie Semoun. Au niveau du jeu de scène, Dieudonné n'utilise pas trop le comique de gestes. Il se retrouve souvent assis dans un fauteuil ou sur une chaise 51 recréant un salon où règne une ambiance plutôt calme. Il a cependant beaucoup de déguisements différents pour ses personnages, ce qui nous permet rapidement de savoir sur quel ton va se dérouler le sketch. Dieudonné s'adresse à son public en lui lançant de temps à autres des piques sur le ton de l'humour. « Autant paraître un peu crétin comme ça le public peut s'identifier ! » A la fin du spectacle Pardon Judas, il met en abîme son propre spectacle en installant un décor représentant sa loge. Devant son miroir, il en profite pour dire que le public a été nul ce soir-là à son assistante. Dans le premier sketch de 1905, il joue même un spectateur assistant au spectacle de Dieudonné. Concernant les sujets sur la religion ou le racisme, il y a certaines fois où le public ne sait pas si il doit rire ou non car il n'arrive pas toujours à comprendre où Dieudonné veut en venir dans son sketch. Il y a le risque de se retrouver par exemple seul à rire dans toute la salle sur un sujet portant à confusion. C'est alors la personne du public qui serait peut être à son tour considérée comme raciste. L'humour de Dieudonné peut donc être hilarant comme ambigu selon les moments. Il s'adresse en conséquence à un public plutôt averti. 5) Gad Elmaleh Né le 19 avril 1971 au Maroc, Gad Elmaleh passe toute son enfance à Casablanca52. A 17 ans, il quitte « sa province » pour aller étudier à Montréal les sciences politiques. Ce juif marocain s'initie également au théâtre et va découvrir une nouvelle passion. En 1992, il s'installe finalement à Paris et s'inscrit au cours Florent. Il crée en 1997 un premier one-man-show autobiographique intitulé Décalages. Il se tourne ensuite vers le cinéma où il joue dans Salut cousin ! ou L'homme est une femme comme les autres ainsi que dans plusieurs films. En 2001, Gad écrit son nouveau spectacle : La Vie normale. Il continue toujours en parallèle 52 Source : Gad Elmaleh Info. 2009. Gad Elmaleh – Biographie. En ligne. <http://gadelmaleh.info/biographie/>, consulté le 8 septembre 2009. 52 sa carrière d'acteur au cinéma avec La Vérité si je mens ! 2, et A + Pollux53. En 2003, un personnage de son précèdent spectacle est transposé au cinéma : Chouchou. En 2005, il est de retour avec son spectacle L'Autre c'est moi. Ensuite, il va jouer dans de nombreux films au cinéma et va faire une petite tournée aux États-Unis où il se produira à Broadway. En 2007, « il est élu ''homme le plus drôle de l'année'' (par les spectateurs de la chaîne TF1) devant 49 autres humoristes54 » pour son dernier one-man-show qu'il continue à jouer en tournée dans toute la France et à l'étranger. A la fin de cette même année, Gad Elmaleh sort son dernier spectacle Papa est en haut. En 2008, il reprend Coco un ancien personnage de La Vie normale sur lequel il réalise un long métrage. Une fois le film sorti en 2009, Gad reprend alors la tournée de son dernier spectacle. Nous prendrons en compte ici les quatre spectacles de Gad Elmaleh dans notre étude. Ses deux premiers one-man-show sont des spectacles à sketchs dans lesquels il joue différents personnages. Dans Décalages, il imite des personnes en rapport direct avec sa propre histoire : son grand père, ses amis, sa professeur de théâtre. Puis dans La Vie normale, il met en scène des personnages comme Chouchou, un clandestin marocain travesti la nuit, ou Coco un père voulant organiser une bar mitsva hors du commun pour son fils. Il va ensuite changer de style pour ses deux spectacles suivants en s'inspirant du stan-up. Les sketchs et les personnages apparaissent alors au fil du discours de l'humoriste sans créer de véritables ruptures dans l'énonciation. On retrouve ainsi de nombreux sujets dans tous ses spectacles. Le thème de la technologie et de la modernité est récurrent que ce soit avec son personnage du grand-père ou lorsque c'est Gad qui parle luimême. On s'arrête alors sur le téléphone portable, Internet, la machine à expresso, le wifi. Venant d'un pays où ces avancées technologiques n'étaient pas courantes, il regarde toutes ces inventions d'un œil amusé. Il nous montre alors l'absurdité de certains nouveaux moyens de communication et la façon dont ils dégradent les 53 Source : Wikipédia. 2009. Gad Elmaleh. En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Gad_Elmaleh>, consulté le 8 septembre 2009. 54 Source : Wikipédia. 2009. Gad Elmaleh. En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Gad_Elmaleh>, consulté le 8 septembre 2009. 53 relations entre les hommes. Personne ne va plus voir le grand-père maintenant qu'on lui a offert un téléphone portable par exemple. Il est aussi étonné d'avoir, au Canada, sa ligne téléphonique branchée en seulement une heure alors qu'au Maroc il faut des mois. Le thème de ses voyages revient aussi régulièrement. Il fait partie des gens qui ont toujours peur en avion. A son arrivée à la douane au Canada, il est pris pour un terroriste à cause de tout son excédant de bagages et de son accent. Une fois installé, il évoque le calme inquiétant qui règne à Montréal par rapport à Casablanca. Il plaisante alors en disant qu'il a apporté une cassette audio du bruit des rues de Casablanca qu'il se passe le soir pour s'endormir. Une fois arrivé à Paris, c'est alors l'inverse qui se produit puisque les rues sont beaucoup trop bruyantes. Il a alors un peu la nostalgie de son pays natal et pense à sa famille, l'un des thèmes majeurs également. Il parle de sa mère tout le temps et lui fait des dédicaces à chaque spectacle. Étant donné qu'à son tour il est parent aussi, il évoque tous les thèmes relatifs à l'éducation de son enfant dans son spectacle Papa est en haut. Enfin, on peut dire qu'il parle beaucoup de petites choses de la vie quotidienne. Il nous explique par exemple les difficultés qu'il a à réaliser certaines actions comparé à un personnage fictif représentant la perfection : « le blond ». Ce sont en réalité des défauts que la majorité des gens ont également comme marcher avec des chaussures de ski, manger un sandwich sans que les ingrédients tombent, nager le dos crawlé sans se taper la tête contre le rebord de la piscine, etc. Il montre ainsi que nous ne sommes pas si différents les uns des autres. Il nous prouve par la même occasion sa « normalité » et dédiabolise nos préjugés sur les « étrangers ». Sous couvert de l'humour, il essaie de nous faire comprendre qu'il est inutile de mettre à l'écart des gens puisque personne n'est parfait. C'est d'ailleurs de là que vient son humour et son talent. En partant d'un simple objet ou d'une simple situation de la vie quotidienne, il arrive à créer des histoires hilarantes. Il rebondit de sujets en sujets et on ne sais jamais vraiment jusqu'où il va s'arrêter. Il parle de choses que tout le monde connaît ou des petites manies que tout le monde a et il nous fait réfléchir dessus en les tournant en 54 dérision. Il gesticule aussi dans tous les sens et maîtrise l'art du mime à la perfection. Ayant toujours rêvé d'être musicien, il joue à chaque spectacle d'un instrument : les percussions, la guitare, le piano ou alors il chante tout simplement. Nous pouvons dire que Gad Elmaleh est vraiment un artiste complet. On a l'impression qu'il sait tout faire et que tout ce qu'il touche devient comique. Le public est généralement très enthousiaste face à toute l'énergie qu'il lui renvoie. Lors des passages musicaux, c'est toute la salle qui applaudit en rythme et qui chante en chœur ses chansons. Il joue également beaucoup avec son public. Il a d'ailleurs un sketch d'improvisation où il demande au public de l'aider à construire une histoire. De même, lors de la captation du spectacle Papa est en haut en DVD, durant un sketch Gad s'apprête à donner une chute à son histoire lorsqu'une personne dans le public souffle une autre fin. Gad s'arrête et trouve cette fin beaucoup mieux que la sienne. Il rejoue alors le sketch avec la chute de celui-ci. Toute la salle applaudit alors le souffleur. Gad Elmaleh propose ainsi une forme d'humour très populaire qui laisse cependant moins de place à ses origines que dans ses premiers spectacles. 55 Chapitre 2 : Détermination des caractéristiques principales de l'humour ethnique. 1) Normes dominantes. Nous allons essayer ici de comparer les différentes observations menées plus haut pour voir si il s'en dégage une typologie dominante concernant les oneman-show des humoristes. Il faut au préalable constater que nous ne disposons que d'un échantillon très minime de la population des humoristes issus de la diversité ethnique française. On ne peut donc pas être vraiment sûr que nos futures interprétations reflètent au plus juste la réalité. Cependant, ces cinq humoristes sont vraisemblablement les plus célèbres de cette génération et ce sont eux qui fixent les règles du métier. Tout d'abord, si on regarde les origines ethniques de ces cinq personnes, nous ne pouvons pas dire qu'il existe un pays d'où ces artistes viendraient en majorité. Ils sont par contre tous originaires du Maghreb mis à part Dieudonné. Si on s'intéresse aux thèmes traités par ces humoristes on s'aperçoit qu'ils en ont beaucoup en commun. L'importance de la famille est surement celui qui est le plus développé chez ces comiques. « Les divers groupes immigrés venus du Tiers-Monde ne diffèrent pas seulement par l'apparence physique ou par l'étiquette religieuse. Chacun est porteur d'un système anthropologique spécifique dont le noyau central est la structure familiale, qui entraine un mode de vie concret et sert de support à des croyances religieuses et idéologiques.55 » Nous comprenons ici pourquoi les allusions à la famille sont récurrentes chez les humoristes maghrébins. Bien plus que la religion, c'est la famille qui dicte les 55 TODD Emmanuel, Le Destin des immigrés, Assimilation et ségrégation dans les démocraties occidentales, Paris, Éditions du Seuil, 1994, p. 10. 56 conduites. Le rôle que joue la mère est aussi primordial et largement retranscrit par ces artistes. « On parle souvent de la mama italienne, et de celle qui lui a tout appris : la mère juive. Mais ceux qui l'ont fréquentée savent que la mama maghrébine est loin d'être en reste. Elle qui a le droit de vie ou de mort sur son fils, de lui choisir son épouse, et jusqu'au métier qui ''lui rait le mieux''.56 » Ainsi nous retrouvons souvent des imitations de celle-ci dans les spectacles. Nous avons par exemple, la mère protectrice pour Gad Elmaleh et une mère autoritaire dans le personnage de Madame Sarfati d'Élie Kakou. La question du mariage est également récurrente que ce soit du côté du Maghreb ou en France. On voit la place que prend l'endogamie dans leur culture. Le thème des relations hommesfemmes est de ce fait largement rependu. On privilégie alors les histoires d'amours impossibles ou les ruptures. La situation dans les cités ou les quartiers pauvres est également un sujet qui revient assez systématiquement avec la figure emblématique du jeune de banlieue. On retrouve aussi beaucoup de témoignages sur l'éducation scolaire et sur la violence. De même, le problème d'intégration des minorités dans la société française fait l'objet de nombreux sketchs. Le thème du progrès technique et de la technologie en général peut être retenu également. « Le choc culturel subi aujourd'hui par un Marocain ou un Malien lorsqu'il arrive à Paris est sans commune mesure avec celui qui pouvait être éprouvé entre les deux guerres par un Polonais dans le nord de la France ou par un Italien dans le Midi méditerranéen. Un écart technologique immense est en lui-même désintégrateur des cultures immigrées.57 » On voit cet impact sur la vie de Fellag avec l'apparition de la radio, de la télévision ou du câble. Puis sur celle de Gad Elmaleh avec toutes les nouveautés high tech d'aujourd'hui. La dimension autobiographique de ces spectacles est l'une des caractéristiques majeures de l'humour ethnique. Concernant l'angle comique adopté, on fonctionne dans la majorité des cas avec des stéréotypes de caractères, de personnes ou des préjugés que l'on va pousser à l'extrême pour les rendre 56 MOUAATARIF Yasrine, « Les Maghrébins de France », Le Courrier de L'Atlas, n° 27, juin 2009, p. 59. 57 TODD Emmanuel, Le Destin des immigrés, Assimilation et ségrégation dans les démocraties occidentales, Paris, Éditions du Seuil, 1994, p. 445. 57 ridicules. Pour le comique non verbal de ces humoristes, le mime est le plus utilisé. Enfin, ces humoristes s'adressent tous un minimum à leur public de façon directe en les interpelant soit pour voir si ils sont toujours attentifs soit pour placer une réplique et se moquer d'une personne fictive. 2) Normes divergentes et périphériques. Les normes divergentes représentent les glissements ou les évolutions qui sont entrain d'apparaître par rapport aux normes dominantes. Nous pouvons affirmer que la forme classique de l'humour ethnique vue auparavant tend à se rapprocher de plus en plus du modèle du stand-up comme dans les derniers spectacles de Jamel Debbouze et Gad Elmaleh. Les thèmes se rapportent à la vie de tous les jours et doivent être bien connus de tous. L'aspect « ethnique » de l'humour peut s'estomper alors petit à petit. Dans le dernier spectacle de Gad Elmaleh par exemple, il n'y a que très peu de références au Maroc et au judaïsme. Concernant la structure du one-man-show, les sketchs laissent alors place à un discours sans interruption de deux heures. L'humoriste se rapproche de plus en plus de son public et il doit savoir improviser avec lui. Il doit également occuper au maximum tout l'espace de la scène et ce sans aucun autre accessoire que son propre corps. Il peut donc ainsi danser, chanter, faire de la musique mais toujours dans l'optique finale de pouvoir faire rire les gens ou de les divertir. En d'autres termes, il doit être l'homme à tout faire et doit posséder un bon charisme. Les normes périphériques correspondent aux typologies complètement différentes des normes dominantes. Dans notre étude, elles représentent les caractéristiques des spectacles de Dieudonné. En effet, durant ses one-man-show il fait intervenir ses assistants sur scène avec lui, ce qui rompt l'essence même de ce genre de spectacle. Dans les thèmes qu'il aborde, il se focalise presque uniquement sur les différentes religions, sujet que les autres humoristes essayent 58 d'éviter. Il ne bouge presque pas pendant ses spectacles mais il en est conscient puisque dans Mes excuses il plaisante : « j'ai décidé de repositionner mon image, à partir de maintenant je vais zouker ! » Il se met alors à danser puis retourne s'asseoir. Enfin, il ne parle pas toujours directement avec son public mais il rit avec lui sur les sujets trop extrêmes pour montrer qu'il est bien dans du second degré. Il ne correspond donc pas vraiment avec les normes dominantes que nous avons défini plus haut. Nous venons de voir dans cette deuxième partie qu'il existe certaines caractéristiques communes aux différents spectacles et aux différents humoristes de one-man-show confirmant donc bien la présence d'un humour ethnique. Cet humour est d'ailleurs en perpétuelle évolution puisqu'il s'efforce de dépeindre les aspects de la vie quotidienne. Si tous ces humoristes reprennent des thèmes communs, chacun d'eux adopte un positionnement qui lui est propre sur le « marché » de l'humour. En effet, nous avons : Jamel Debbouze que l'on peut considérer comme le rebelle, Gad Elmaleh qui est cet homme à tout faire à la recherche de la perfection, Fellag qui joue le rôle du poète conteur, Élie Kakou qui représente l'excentricité et Dieudonné l'engagé politique. 59 Troisième Partie : Réflexion sur le rire provoqué par les humoristes issus de la diversité ethnique française Nous avons vu jusqu'à présent que le paysage humoristique français était en constante mutation. L'arrivée de migrants de différentes cultures en France, au XXe siècle, a conduit à un métissage de l'humour dont deux vagues d'artistes en ont posé tour à tour les bases. Après avoir analysé les multiples caractéristiques des one-man-show des humoristes issus de la diversité ethnique française, nous en avons compris le discours. Une dernière étape nous reste maintenant à franchir pour compléter nos connaissances sur l'humour. Il nous faut comprendre quelle est la véritable signification du rire et pourquoi celui-ci est-il déclenché chez nous. Pour cela, nous étudierons le processus du rire tout d'abord du côté du public. Nous verrons ensuite comment l'humoriste arrive à le provoquer. Nous pourrons alors enfin comprendre quelle place les humoristes issus de ces minorités peuvent avoir dans notre société. Nous terminerons notre parcours en discernant quelles sont les limites de cet humour spécifique. 60 Chapitre 1 : Pourquoi rions-nous ? 1) Le processus du rire chez le public. Le fonctionnement du rire a toujours intéressé bon nombre de chercheurs. Parmi toutes les théories établies, nous nous pencherons ici sur celle d'Henri Bergson (1859-1941). D'après ce philosophe français, le rire est intimement lié à la société et plus particulièrement à notre expérience sociale intériorisée. « Pour comprendre le rire, il faut le replacer dans son milieu naturel, qui est la société ; il faut surtout en déterminer la fonction utile, qui est une fonction sociale. Telle sera, disons-le dès maintenant, l'idée directrice de toutes nos recherches. Le rire doit répondre à certaines exigences de la vie en commun. Le rire doit avoir une signification sociale58. » Il ne peut donc n'y avoir de rire sans une dimension sociale. Pour Bergson, le comique viendrait à nous lorsque « du mécanique » serait « plaqué sur du vivant ». Cette définition un peu étrange peut s'expliquer en d'autres termes. Ce qui nous fait rire, ce sont les éléments qui perturbent la fluidité de la vie, faisant passer alors le corps pour une machine et non une entité vivante. Voyons cette affirmation avec un exemple pour mieux la comprendre. Admettons qu'un homme marche dans la rue trébuche et tombe par terre, les gens vont rire de la situation. Ici c'est la fluidité de la marche et du corps qui est rompue par un mouvement non désiré, un geste mécanique qui fait « tache » dans la continuité de la démarche. « Toute raideur du caractère, de l'esprit et même du corps, sera donc suspecte à la société, parce qu'elle est le signe possible d'une activité qui s'endort et aussi d'une activité qui s'isole, qui tend à s'écarter du centre commun autour duquel la société gravite, d'une excentricité enfin.59 » 58 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 6. 59 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 15. 61 La définition de Bergson ne concerne donc pas simplement le physique, elle s'applique également au mental. De plus, il précise que ce qui nous fait rire, ce sont les éléments qui sont incohérents avec la société. On parle donc ici de notre idéal social, ou encore de notre Habitus comme l'appelle Pierre Bourdieu60. L'idéal collectif correspondrait à l'image que l'on se fait d'une société parfaite, dans laquelle chacun réagirait de la meilleure façon possible. L'erreur n'existant pas dans cet idéal, la société et les rapports humains seraient alors tous fluides. « Ce que la vie et la société exigent de chacun de nous, c'est une attention constamment en éveil, qui discerne les contours de la situation présente, c'est aussi une certaine élasticité du corps et de l'esprit, qui nous mette à même de nous y adapter.61 » Chacun dispose de son propre idéal social en fonction de l'éducation qu'il a reçu et de ses expériences de la vie. C'est notamment pour cela que nous ne rions pas tous des mêmes choses. Ceci est encore plus vrai quand on passe d'un pays à un autre, les cultures et donc les visions de la société sont différentes. « Au caractère enfin ? Vous avez les inadaptations profondes à la vie sociale, sources de misère, parfois occasions de crime. Une fois écartées ces infériorités qui intéressent le sérieux de l'existence (et elles tendent à s'éliminer elles-mêmes dans ce qu'on a appelé la lutte pour la vie), la personne peut vivre, et vivre en commun avec d'autres personnes. Mais la société demande autre chose encore. Il ne lui suffit pas de vivre ; elle tient à vivre bien.62 » On peut alors expliquer les difficultés qu'ont connu les immigrés à s'intégrer en France par une mauvaise connaissance des exigences de l'idéal social français. Cette incompréhension étant réciproque, les français ne voulant pas s'intéresser à la culture de ces étrangers, ils ont alors mis à l'écart ces populations. Rassemblées entre elles, elles n'ont pas pu alors être en contact avec cet idéal français et « apprendre à bien vivre ». Elles se sont donc accrochées à leur idéal d'origine. « Plus surprenant, certains réflexes nationalistes vis-à-vis du pays d'origine sont apparus chez les nouvelles générations de Maghrébins nés en 60 BOURDIEU Pierre (1930-2002), sociologue français. 61 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 14. 62 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 14. 62 France. Une situation qui ne trouve pas son origine dans une quelconque propagande, mais dans cette fameuse crise identitaire développée par nombre de sociologues. Puisque ces jeunes ne sont pas vus comme français, ils vantent leurs ascendances marocaines, algériennes, tunisiennes.63 » Selon Bergson, le comique ne met pas seulement ces inadaptations à la lumière du jour, il tend à les corriger. Le rire aurait donc bien une utilité concrête. « Il exprime donc une imperfection individuelle ou collective qui appelle la correction immédiate. Le rire est cette correction même. Le rire est un certain geste social, qui souligne et réprime une certaine distraction spéciale des hommes et des événements. 64» Pour résumer, nous rions lorsque nous voyons la manifestation d'un élément non conforme à notre idéal social. On peut émettre tout de même des réserves sur cette définition puisqu'on ne rit pas systématiquement à chaque fois que notre idéal se trouve contrarié. « Il y a beaucoup de niveaux d'existence. C'est pourquoi il y a tant d'humours divers qui se ressemblent si peu. Tous ne coïncident pas avec le rire, et Bergson a rendu un mauvais service aux définisseurs de l'humour en leur fournissant une analyse toute faite du rire. Tentés de commencer leur exploration de l'humour par le rire, ils ne pouvaient, tôt ou tard, que se trouver dans un cul-de-sac (Robert Escarpit, L'humour, P.U.F, coll. « Que sais-je ? », 1960, pp.126-127).65 » Comme nous le disions un peu plus haut, chacun a une vie différente et donc un habitus ou un idéal social différent. On ne rit donc pas tous des mêmes situations et chaque situation « excentrique » n'est pas forcement risible. Si par exemple, je vois quelqu'un se faire voler son portefeuille, cette situation est contraire à l'idéal que je me fais de la société pourtant je ne vais pas en rire. On peut donc dire que la théorie de Bergson ne marche que dans certains cas particuliers. Cependant, il en est conscient et nous explique pourquoi le rire n'est pas toujours au rendezvous. « Pour frapper toujours juste, il faudrait qu'il procédât d'un acte de réflexion. 63 BRANINE Abdelkrim, « Les Maghrébins de France », Le Courrier de L'Atlas, n° 27, juin 2009, p. 56. 64 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 67. 65 EVRARD Franck, L'Humour, Paris, Hachette Livre, collection « Contours Littéraires », 1996, p. 7. 63 Or le rire est simplement l'effet d'un mécanisme monté en nous par la nature, ou, ce qui revient à peu près au même, par une très longue habitude de la vie sociale.66 » Le rire viendrait donc du plus profond de nous même sans que nous puissions véritablement contrôler son déclenchement. Cette réflexion étant faite, nous pouvons tout de même nous servir de cette théorie pour comprendre ce qui peut nous fait rire chez les humoristes issus de la diversité ethnique. 2) Le processus du rire chez l'humoriste. Nous allons importer ici la théorie d'Henri Bergson pour comprendre comment l'humoriste s'y prend pour faire naître cet humour. Nous avons vu, dans notre deuxième partie, les principaux effets comiques que les artistes utilisent dans leurs one-man-show mais nous ne savons pas réellement par quels moyens ceux-ci réussissent à déclencher le rire chez nous. Nous venons en effet d'expliquer que le rire ne se manifeste pourtant pas de façon rationnelle. Selon Bergson, la solution réside donc toujours dans la rupture d'une certaine fluidité sociale. « Oui, ces esprits chimériques, ces exaltés, ces fous si étrangement raisonnables nous font rire en touchant les mêmes cordes en nous, en actionnant le même mécanisme intérieur, que la victime d'une farce d'atelier ou le passant qui glisse dans la rue. Ce sont bien, eux aussi, des coureurs qui tombent et des naïfs qu'on mystifie, coureurs d'idéal qui trébuchent sur les réalités, rêveurs candides que guette malicieusement la vie.67 » Ce serait donc la distraction du personnage et les embûches dans lesquelles il tomberait qui permettraient de recréer les conditions propices au rire. Il faut ainsi que l'humoriste fasse en quelque sorte semblant d'être naïf pour qu'on puisse y croire. « Le comique est inconscient. Comme s'il usait à rebours de l'anneau de 66 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 151. 67 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 10-11. 64 Gygès, il se rend invisible à lui-même en devenant visible à tout le monde.68 » L'humoriste opère donc un décalage avec l'idéal social pour que l'on puisse rire de lui. On peut illustrer ces arguments avec le spectacle de Gad Elmaleh qui s'intitule également Décalages. Il est toujours décalé par rapport à la réalité. Il est pris entre le Maroc et le Canada, le Canada et la France puis entre la France et le Maroc. Il fait l'aller-retour dans sa tête constamment jusqu'à mélanger toutes ces cultures. « Supposez maintenant, dans un homme bien vivant, ces deux sentiments irréductibles et raides ; faites que l'homme oscille de l'un à l'autre ; faites surtout que cette oscillation devienne franchement mécanique en adoptant la forme connue d'un dispositif usuel, simple, enfantin : vous aurez cette fois l'image que nous avons trouvée jusqu'ici dans les objets risibles, vous aurez du mécanique dans du vivant, vous aurez du comique.69 » C'est donc par ce jeu de va-et-vient entre deux valeurs que l'humoriste peut créer un décalage et donc de l'humour. Nous pouvons dire que les humoristes issus de la diversité culturelle possèdent déjà en eux ce déchirement. Comme nous l'évoquions avec les problèmes parents-enfants, ils sont tiraillés entre la tradition et les institutions, entre leurs origines et leur avenir. L'humoriste est coincé entre l'envie de renvoyer l'image d'un « bon français » et celui de critiquer la société qui l'a rejeté. Partagé entre ces deux sentiments ou ces deux ficelles, il devient alors une sorte de pantin désarticulé. Il crée ainsi cet « inconscience » et le public peut alors rire de cette marionnette. « Le rire ethnique oscille entre plusieurs ''mises en formes''. Soit il raconte un roman familial, une histoire de famille où l'on parle des mœurs de la famille pour en rire, soit il marque la sortie obligée d'un lieu, une migration que symbolise le déplacement vers un autre lieu, soit il traduit un entrechoquement des langues, des corps et des identités.70 » Nous comprenons maintenant pourquoi les thèmes liés à la famille, l'immigration, ou la technologie étaient très présents dans les spectacles de ces humoristes. Ce sont effectivement ces sujets qui font que les personnes issues de la diversité 68 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 13. 69 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 58-59. 70 MONGIN Olivier, De quoi rions-nous ? Notre société et ses comiques, Paris, Plon, 2006, p. 30. 65 ethnique se retrouvent entre deux cultures différentes à prendre en compte. Les humoristes emploient ainsi ce décalage presque naturel qu'ils ont avec la société pour créer leurs sketchs. « Le comique exprime avant tout une certaine inadaptation particulière de la personne à la société71 ». La dimension autobiographique des histoires et des textes de ces humoristes trouve donc sa justification. « D'Arlequin à Jamel Debbouze sans oublier Coluche, le comique identitaire raconte toujours ''l'histoire d'un mec'', mais d'un mec ''d'ailleurs'' plutôt que ''d'ici'', l'émancipation d'un individu qui fait plus ou moins bien corps avec les autres. Il casse les identités lourdes en inventant une identité légère car singulière.72 » La gestuelle est alors mise en route pour accentuer encore ce phénomène. « Les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l'exacte mesure où ce corps nous fait penser à une simple mécanique.73 » C'est entre autres ce que l'on pouvait observer dans la gestuelle de Jamel Debbouze sans pouvoir réellement mettre un mot sur cette façon si étrange de bouger et sans savoir pourquoi il était risible. « Supposons qu'au lieu de participer de la légèreté du principe qui l'anime, le corps ne soit plus à nos yeux qu'une enveloppe lourde et embarrassante, lest importun qui retient à terre une âme impatiente de quitter le sol. Alors le corps deviendra pour l'âme ce que le vêtement était tout à l'heure pour le corps lui-même, une matière inerte posée sur une énergie vivante.74 » Nous pouvons établir un parallèle entre la gestuelle de Jamel Debbouze, celle d'Élie Kakou au travers de ses personnages et les imitations ou autres mimes chez tous les humoristes. « Imiter quelqu'un, c'est dégager la part d'automatisme qu'il a laissée s'introduire dans sa personne. C'est donc, par définition même, le rendre 71 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 101. 72 MONGIN Olivier, De quoi rions-nous ? Notre société et ses comiques, Paris, Plon, 2006, p. 34. 73 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 22-23. 74 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 38. 66 comique, et il n'est pas étonnant que l'imitation fasse rire. 75» Les nombreuses répétitions de phrases dans les sketch d'Élie Kakou, fonctionnent également sur le même modèle. Elles sont tellement répétées qu'on se croit devant un robot. Le personnage du professeur a d'ailleurs une gestuelle très saccadée, il a cette « raideur » propice au mécanique et donc à l'humour. Nous pourrions éventuellement repérer aussi un décalage chez Dieudonné. Ses frasques pourraient alors passer pour du second degré. « Si l'humoriste semble adhérer aux thèses qu'il expose, il adopte à leur égard une position décalée qui les affecte d'ambiguïtés. Se détachant momentanément de lui-même, prenant une distance avec un tiers ou le monde, le locuteur semble désengagé de l'énoncé littéral qu'il n'assume pas et invite ainsi le récepteur à décoder un sens second.76 » Malheureusement, Dieudonné tient les mêmes propos aussi bien dans la vie que dans ses spectacles, alors on peut se demander si le second degré est vraiment présent. Nous reviendrons d'ailleurs sur cette question à la fin de cette partie. Ce décalage qui crée le rire se fait donc au détriment de l'humoriste. Celuici passe en effet pour une sorte de marionnette impuissante face à son destin comme nous l'expliquions précédemment. « Au centre de l'action de toutes les œuvres comiques, il y a un conflit qui fait souffrir le ou les personnage(s). ''The comic films are full of pain'', écrit un spécialiste américain (Mast, 1973, p.342), mais on peut dire la même chose de toute œuvre comique.77 » Le fait qu'on puisse se moquer de lui à cause d'événements de sa propre existence pourrait lui poser un problème. On peut se demander alors si l'humoriste souffre de cette position de « tête de Turc ». Le spectacle humoristique ne serait ainsi qu'un lynchage en public du comique. « Les penseurs se sont beaucoup interrogés sur le sentiment qui domine chez la personne assistant à un spectacle comique. Pour la plupart, l'essentiel 75 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 25. 76 EVRARD Franck, L'Humour, Paris, Hachette Livre, collection « Contours Littéraires », 1996, p. 7. 77 STORA-SANDOR Judith, « Rire ensemble : la comédie et son public », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n° 44, janvier 2005, p. 21. 67 du plaisir comique est dans le sentiment de supériorité que nous éprouvons par rapport à celui qui est ridicule ou se rend ridicule. C'est aussi l'avis de Freud quand il parle du comique. C'est dans le cas de l'humour, où la personne est capable de rire d'elle-même, que celui qui en est témoin éprouve de l'admiration pour l'humoriste.78 » Cette « supériorité » du public face à un homme issu de l'immigration serait presque une attitude colonialiste ou raciste. Hors le but de ce type d'humour n'est pas de faire surgir ce type de sentiment en nous. Il y a donc surement un élément qui fait que l'humoriste arrive à endosser cette souffrance ou cette crainte du ridicule. « L'interprétation freudienne met en valeur le caractère ''sublime'' et ''élevé'' de l'humour qui permet non seulement à l'humoriste d'échapper à la souffrance par un déplacement de l'accent psychique du Moi sur le Surmoi, mais aussi de s'élever au-dessus de sa propre condition.79 » C'est donc encore une fois grâce à ce décalage opéré par l'artiste sur sa propre existence que celui-ci devient « inconscient » des moqueries de son public. Il triomphe même de cette posture en nous montrant qu'il est capable d'auto-dérision et attire alors l'adoration de ses spectateurs. Nous nous sommes rendus compte dans ce chapitre que le rire était plutôt délicat à expliquer puisqu'aucune théorie n'est vraiment universelle. Même si certains auteurs la critique, la définition d'Henri Bergson permet d'identifier la cause de nombreux effets comiques. Elle a pu nous conduire à la notion de décalage si propre à la vie des humoristes issus de la diversité ethnique française. Elle est d'ailleurs la principale raison pour laquelle leur humour fait effet chez chacun de nous sans distinction d'origine. On peut affirmer désormais que c'est cette particularité qui a conduit à leur immense succès. 78 STORA-SANDOR Judith, « Rire ensemble : la comédie et son public », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n° 44, janvier 2005, p. 22. 79 EVRARD Franck, L'Humour, Paris, Hachette Livre, collection « Contours Littéraires », 1996, p. 5. 68 Chapitre 2 : La place de l'humoriste issu de la diversité ethnique dans la société française. 1) Les rôles endossés par les humoristes issus des minorités dans la société. Les humoristes de one-man-show issus de la diversité ethnique sont aujourd'hui pour la plus part très médiatisés et occupent une place importante dans les relations interculturelles. Nous avons vu précédemment que l'humoriste occupe une position particulière qui lui permet de passer outre ses souffrances liées à sa propre existence grâce au décalage humoristique. Il n'exerce pas uniquement un effet sur sa propre condition, il joue également un rôle vis à vis de son public. « Il serait erroné de réduire l'humour à une attitude individualiste de l'homme face aux désagréments de son destin. Le détachement concerne ses propres malheurs mais aussi ceux de l'existence humaine et de l'humanité dont l'humoriste fait partie. 80» Le fait d'aborder des sujets ou des problèmes que tout le monde rencontre ou plus simplement de coller au plus proche de la société, permet au public d'échapper le temps du spectacle aux soucis de la vie. De par leur métier, le premier rôle qu'ils jouent consiste donc tout simplement à nous faire rire et nous apporter de la joie pour briser notre routine quotidienne. Pour cela, ils nous invitent à rejoindre leur univers décalé, une sorte de monde parallèle dans lequel les malheurs se transforment en fous rires. « Transgressant la cohérence du monde rationnel par l'illogisme et l'absurdité, l'humour donne l'impression aussi de créer un monde différent, libéré de la raison et du réel. Ainsi, ce qui apparait comme incohérent et 80 EVRARD Franck, L'Humour, Paris, Hachette Livre, collection « Contours Littéraires », 1996, p. 6. 69 insensé, peut devenir l'expression et la logique d'un autre ordre.81 » Chaque humoriste serait alors prescripteur d'un « monde possible ». Ces utopies sont des descriptions de certaines sphères de la vie sociale mais qui dans leur formatage ou simplification ne représentent pas la véritable réalité. Le public adhère ainsi à ces nouveaux angles de vision du monde le temps de la représentation et se retrouve transporté dans un contexte imaginaire propice à la propagation du rire. « Les spectacles d'humoristes sont particulièrement recherchés, de même qu'il existe aujourd'hui des thérapies par le rire. Les stratégies du comique en spectacle ont pour effet la création d'un groupe soudé par le rire dans un sentiment de communauté, une sorte de communion éphémère sur la base de nos fantasmes originaires.82 » Ces humoristes par le biais de leurs spectacles réunissent un public multiethnique uni grâce au rire. C'est là le deuxième rôle majeur que l'on peut identifier. Ils créent dans une salle souvent comble une micro-société utopique où tout le monde est heureux. « Rien de tel en France où le multiculturalisme semble être, sur fond d'antiaméricanisme, un concept tabou.83 » Que ce soit en conférant aux spectateurs une meilleure estime d'eux-mêmes ou une supériorité face aux personnages grotesques et bourrés de défauts qu'il invente ou en leur transmettant un art de l'auto-dérision, l'humoriste par son simple talent crée un melting pot. « Notre rire est toujours le rire d'un groupe. […] Si franc qu'on le suppose, le rire cache une arrière-pensée d'entente, je dirais presque de complicité, avec d'autres rieurs, réels ou imaginaires.84 » Le rire provoqué par ces humoristes issus de la diversité ethnique engendre ainsi une solidarité entre les gens de différentes cultures. On peut faire une analogie avec les concerts qui avaient lieu aux Antilles à l'époque et où la communauté noire pouvait se rassembler : 81 EVRARD Franck, L'Humour, Paris, Hachette Livre, collection « Contours Littéraires », 1996, p. 6. 82 GRANGE-SEGERAL Évelyne et EIGUER Alberto, « L'humour et le comique dans le groupe », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n° 44, janvier 2005, p. 7. 83 CONSTANT Fred, Le Multiculturalisme, Evreux, Dominos Flammarion, 2000, p. 17. 84 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 5. 70 « Plus que toute autre institution de l'univers du prolétariat antillais sans doute, le ''sound-system'' était l'espace privilégié de l'exploration et l'expression ouverte et sans compromis de La Négritude. Pour cette communauté cernée de toutes parts par la discrimination, l'hostilité, la suspicion et la pure incompréhension, et plus particulièrement pour les jeunes, le sound-system en vint une espèce de sanctuaire non contaminé par les influences exogènes, un cœur noir battant en direction de l'Afrique au rythme obsédant du dub.85 » Nous pouvons dire que les spectacles des humoristes en sont les héritiers en quelque sorte. Cette communion non pas autour de la musique mais du comique permet à ces gens d'apprendre à mieux se connaître les uns et les autres en dehors des reportages souvent néfastes diffusés par les médias. Il se crée alors dans ce lieu d'expression, une ambiance favorable à l'écoute des minorités jusque là incomprises. « Le ''sens'' du style sous-culturel, c'est donc avant tout de communiquer une différence et d'exprimer une identité collective. C'est là la formule suprême à laquelle obéissent toutes les autres significations, le message à travers lequel tous les autres messages s'expriment.86 » Les humoristes s'attachent alors à défaire les préjugés que nous avons tous que ce soit du côté de la majorité ou des minorités. C'est bel et bien grâce à l'humour que ceux-ci arrivent à corriger ces tendances comme nous l'avons expliqué précédemment avec la théorie de Bergson. La fonction sociale du rire est donc primordiale ici pour que le message de l'humoriste puisse passer sans nous choquer et souvent sans que l'on s'en rende compte de par la nature non rationnelle du rire. « Toute petite société qui se forme au sein de la grande est portée ainsi, par un vague instinct, à inventer un mode de correction et d'assouplissement pour la raideur des habitudes contractées ailleurs et qu'il va falloir modifier. […] Il faut que chacun de ses membres reste attentif à ce qui l'environne, se modèle sur l'entourage, évite enfin de s'enfermer dans son caractère ainsi que dans une tour d'ivoire. Et c'est pourquoi elle fait planer sur chacun, sinon la menace d'une correction, du moins la perspective d'une humiliation qui, pour 85 HEBDIGE Dick, Sous-culture, le sens du style, Paris, Zones, Éditions La Découverte, 2008. p. 41. 86 HEBDIGE Dick, Sous-culture, le sens du style, Paris, Zones, Éditions La Découverte, 2008. p. 108. 71 être légère, n'en est pas moins redoutée. Telle doit être la fonction du rire. Toujours un peu humiliant pour celui qui en est l'objet, le rire est véritablement une espèce de brimade sociale.87 » L'humour permet ainsi de nous faire porter un regard sur nous-même face à nos attitudes ridicules qui ne correspondent pas à l'idéal social collectif. Une fois la correction sociale opérée, l'individu peut alors éprouver un sentiment de parfaite intégration dans le groupe constitué par le public et plus généralement dans la société. « L'appétence des minorités (souvent des minorités rejetées) pour des histoires où elles se moquent de leurs propres attributs, de leurs propres styles, de leur propre façon de faire, peut se comprendre comme un moment de jouissance partagée aux dépens d'un environnement étranger. […] Cet humour se rencontre aussi lorsqu'une personne issue d'une minorité peut se moquer devant une majorité des attributs de sa propre minorité, montrant ainsi que la majorité n'a rien à craindre du risque intrusif (on voit en France un humour ''beur'' de la part des sujets de la communauté arabe française, tout comme il y a un humour juif). La convocation de l'autre dans l'humour est un humour pacifié, une exaltation narcissique qui confine à la jouissance partagée d'une situation de différence et de renonciation acceptée.88 » Le rôle majeur des humoristes issus de la diversité ethnique est donc d'aborder ou de pointer du doigt les problèmes de notre société liés à la cohabitation des différentes cultures en France. Grâce à la fonction sociale du rire, les spectateurs corrigent d'eux-mêmes leurs écarts à l'idéal. L'humoriste désamorce alors toutes les tensions qu'il peut y avoir entre les différents peuples. Son but est donc de jouer le rôle de « soupape de décompression » en quelque sorte dans la société avant que les problèmes n'explosent dans la réalité. L'humoriste arrive alors à redorer l'image des sous-cultures et des populations issues de l'immigration. Il s'agit, rappelons-le, du chaînon manquant à l'intégration totale de ces personnes puisque comme nous l'avons vu dans notre première partie les mariages exogamiques sont la preuve que les minorités 87 HEBDIGE Dick, Sous-culture, le sens du style, Paris, Zones, Éditions La Découverte, 2008. p. 103. 88 DUEZ Bernard, « L'humour, mise en scène des rapports originaires à l'autre et plus d'un autre », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n° 44, janvier 2005, p. 29. 72 ethniques s'intègrent à la population française de « souche ». Ces humoristes porteurs ainsi de fortes valeurs pacifistes sont invités dans les médias pour diffuser leur humour et leurs messages au plus grand nombre. Les minorités qui n'avaient alors que très peu de possibilités de s'exprimer face à la France, trouvent ici un moyen de communication efficace pour partager leurs différences et simultanément leur volonté de faire partie à part entière de la culture française. « Ainsi, par exemple, une brève réflexion suffira à nous convaincre que les moyens par lesquels les idées sont diffusées au sein de la société (à savoir principalement les mass média) ne sont pas également accessibles à toutes les classes sociales. Certains groupes sociaux ont plus d'influence, plus d'opportunités de dicter les règles et d'organiser le sens, tandis que d'autres occupent une position moins favorable et ne disposent pas à un même degré du pouvoir de produire et d'imposer leurs définitions du monde.89 » L'humour est donc un bon moyen pour les personnes issues des minorités de se faire entendre autrement que par la violence par exemple. Les humoristes endossent alors le rôle de porte-paroles des différentes cultures et communautés. « Il ne s'agit pas ici d'une revendication, claire et directe, de contrôle ou d'accès au pouvoir politique ; ce qui importe aux groupes ethniques concernés est plutôt d'être pleinement reconnus au lieu d'être simplement tolérés.90 » Leur position médiatique et financière leur permet alors de sensibiliser les Français et de contribuer de temps à autres à des causes humanitaires pour aider leurs semblables ou parrainer des associations. Jamel Debbouze a participé notamment à l'opération « Un Avion pur Gaza91 » avec le Secours Populaire et le Secours Islamique pour faire don de matériel médical aux hôpitaux de Gaza. C'est aussi le cas de beaucoup d'humoristes comme également Mouss Diouf : « c'est bien de faire des causes, toujours. J'en ai fait, on en a fait, on en fait et on en fera encore. C'est notre rôle aussi... les plus démunis, de les aider. Normal. C'est comme ça que ça doit se passer et pas autrement.92 » Il peuvent aussi prendre position sur des sujets 89 HEBDIGE Dick, Sous-culture, le sens du style, Paris, Zones, Éditions La Découverte, 2008. p. 18. 90 CONSTANT Fred, Le Multiculturalisme, Evreux, Dominos Flammarion, 2000, p. 30. 91 Site internet de l'association : <http://www.unavionpourgaza.com/>. 92 Propos de Mouss Diouf recueillis le 23 janvier 2009. 73 d'actualité ou de politique en affichant leur soutient à un candidat pour les élections présidentielles par exemple. « Si aujourd'hui un humoriste se présentait, un humoriste comme Gad Elmaleh se présenterait aujourd'hui, il y aurait beaucoup de votes pour lui. Pourquoi ? Parce qu'il fait rire, il dit des choses, il est intelligent, il a une belle présence, le gendre idéal voilà. Donc s'il faisait de la politique aujourd'hui, Gad, il aurait un fauteuil de préfet ou je ne sais pas.93 » Mouss Diouf nous explique ainsi jusqu'où le pouvoir d'un humoriste pourrait aller grâce à son succès médiatique. On peut se demander alors si un jour un humoriste issu de la diversité ethnique française pourrait être élu président de la république. Les personnalités politiques actuelles n'ayant pas de réel charisme fédérateur et étant pour la plupart issues de la majorité culturelle, Gad Elmaleh aurait effectivement toutes les chances de s'imposer, à l'instar du personnage emblématique Barack Obama. 2) Les limites de l'humour ethnique. Nous venons de voir que les humoristes issus de la diversité ethnique pouvaient jouer des rôles importants dans la médiation interculturelle grâce à leur faculté de nous faire rire et de désamorcer certains problèmes de société difficiles. Le fait qu'ils soient adulés par énormément de Français de toutes origines confondues pourrait leur être aussi très utile pour obtenir des voix en politique, si jamais l'idée de se présenter à des élections leur venait à l'esprit. Cependant, nous devons rester critiques et réalistes face à tous ces privilèges dont ils semblent disposer. En effet, si ils possèdent une visibilité conséquente dans les médias, leur poids dans la société est tout de même relatif par rapport aux hommes politiques ou aux grands patrons d'industries et des médias par exemple. Certains humoristes 93 Propos de Mouss Diouf recueillis le 23 janvier 2009. L'enregistrement de l'interview est disponible à cette adresse : http://guillaumepereira.free.fr/memoire/Mouss_Diouf23_01_09.mp3 74 ont par le passé essayé de se frotter au pouvoir et en ont fait les frais. C'est notamment le cas de Coluche qui s'était présenté aux élections présidentielles de 1981. Pas prise au sérieux au départ, cette candidature spontanée de la part de l'humoriste va susciter environ 16 % d'intentions de vote de la part des Français 94. Il va recevoir alors des pressions de la part des hommes politiques de l'époque et des menaces de mort pour qu'il retire sa candidature à l'élection. Chose qu'il fera immédiatement après l'assassinat de son régisseur. Il serait donc extrêmement risqué, même aujourd'hui, pour un humoriste comme Gad Elmaleh de se présenter en politique. Il ne faut également pas perdre de vue que les personnes issues de la diversité ethnique sont quasiment absentes de la vie politique. « En dehors de Fadela Amara et Rachida Dati, qui doivent leur place à une nomination du président de la république et non à une élection au suffrage universel, les Français d'origine maghrébine n'ont pour le moment aucun poids ou presque dans la vie politique française : aucun député à l'Assemblée nationale, aucun maire d'une ville de premier plan.95 » Nous l'avons compris, les humoristes ne peuvent évidemment pas changer le monde et ils en sont conscients eux aussi. Ils développent alors au maximum leur présence dans les médias pour exercer leur influence. Mais là encore, leur place est discutable. On peut se demander si les médias ne les auraient pas adopté au départ à cause d'une politique de quotas ethniques pour montrer à la télévision l'image d'une France multiculturelle plus proche de la réalité. Voyant que ces artistes généraient beaucoup d'audimat, ils ont alors essayé de faire de ces humoristes de la diversité ethnique de véritables vedettes. Tous les médias se sont alors emparés du phénomène et en ont fait un vrai business. « Ce processus de récupération adopte deux formes caractéristiques : – la transformation de signes sous-culturels en objets de consommation standardisés (forme marchandise) ; – ''l'étiquetage'' et la redéfinition des comportements déviants par les groupes dominants, à savoir la police, la justice, les médias (forme 94 Source : Wikipédia. 2009. Coluche. En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Coluche>, consulté le 18 septembre 2009. 95 BRANINE Abdelkrim, « Les Maghrébins de France », Le Courrier de L'Atlas, n° 27, juin 2009, p. 56. 75 idéologique).96 » Ces humoristes fortement rémunérés également ne représentent désormais plus qu'un produit culturel de grande consommation que l'on vend sous forme de DVD durant les fêtes de fin d'années. Une fois devenus riches, ils ne disposent plus au final de la même crédibilité. Les causes qu'ils soutiennent sont alors justement des moyens pour eux de retrouver une certaine légitimité. On peut comparer cette situation avec celle des rappeurs célèbres qui continuent à dire dans leurs chansons que leur vie est dure en France alors qu'ils touchent beaucoup d'argent et ressemblent plus à des businessmen qu'à des jeunes de banlieue. L'artiste et les médias y trouvent donc chacun leur compte mais l'humoriste ayant de ce fait réussi son intégration dans la société ne peut plus critiquer avec autant d'audace le système auquel il appartient dorénavant. « Aucune sous-culture n'échappe au cycle qui mène de l'opposition à la banalisation, de la résistance à la récupération. Nous avons vu le rôle du marché et des médias dans ce cycle.97 » Nous pouvons citer l'exemple de Gad Elmaleh qui se veut toujours proche de son public mais qui parallèlement vend ses places de spectacles aux environs de 45 euros et qui se dit également favorable au bouclier fiscal. Il y a donc ici un décalage mais qui pour le coup n'est pas vraiment humoristique. L'autre question majeure concernant les limites de l'humour ethnique consiste à savoir si on peut rire de tout. Les polémiques autour de l'humoriste Dieudonné sont en effet légion. A la fin de sa carrière en duo avec Élie Semoun, Dieudonné se remet à écrire des one-man-show dès 1997. Il enchaîne ensuite les représentations avec presque chaque année un nouveau spectacle jusqu'à aujourd'hui. Il est pour beaucoup de comiques et de spectateurs, le meilleur humoriste français. Malheureusement, ses prises de positions et ses sketchs parfois un peu douteux vont petit à petit faire de lui la bête noire des médias. Contrairement à la polémique autour de la caricature de Mahomet apparue dans le 96 HEBDIGE Dick, Sous-culture, le sens du style, Paris, Zones, Éditions La Découverte, 2008. p. 98. 97 HEBDIGE Dick, Sous-culture, le sens du style, Paris, Zones, Éditions La Découverte, 2008. p. 106. 76 journal Charlie Hebdo, qui avait reçu le soutient de nombreuses personnalités politiques comme Nicolas Sarkozy en faveur de la liberté d'expression, Dieudonné va lui subir un lynchage médiatique pour un de ses sketchs. En effet, le premier décembre 2003, il est invité dans l'émission On ne peut pas plaire à tout le monde présentée par Marc-Olivier Fogiel sur France 3 pour présenter un de ses sketchs98. Il met en scène un colon israélien qui critique la présence d'un musulman sur le plateau en la personne de Jamel Debbouze. Il incite entre autres les jeunes à se convertir au judaïsme pour bénéficier de meilleurs débouchés dans la vie. Il termine son sketch en faisant ce qui semble être un salut nazi en criant « Israël » ou « Isra-Heil », la qualité sonore nous empêchant de distinguer précisément ses mots. Bien que les invités rient tous à ses propos y compris Jamel Debbouze, le lendemain le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) rappel au président de France Télévision que ses animateurs doivent maîtriser l'antenne et que les propos de Dieudonné ne sont pas acceptables « dans un contexte de tension entre communautés ». Les médias vont alors tous s'intéresser à cet événement et faire de Dieudonné la cible numéro un en l'accusant d'antisémitisme. Les humoristes vont également à leur tour critiquer son sketch et ses propos. Il faut noter que même Jamel Debbouze, qui ne semblait pas vraiment dérangé par l'humour de son collègue puisqu'à la fin du sketch il prend Dieudonné dans ses bras, a lui aussi condamné l'humoriste par la suite. C'est ainsi qu'en 2004, Dieudonné présente son spectacle Mes Excuses dans lequel il revient sur cette affaire. Il commence son one-man-show de cette façon : « Je m'excuse, je m'excuse ! ô peuple élu ! Héhé ! Pardonne à la bête que je suis les offenses proférées mais, mais, je n'ai pas d'âme... héhéhé ! Je ne suis qu'une bête ! » Il fait alors un bras d'honneur à son interlocuteur fictif pour nous faire comprendre qu'il n'est pas décidé à faire ses excuses. En 2006, avec son spectacle 1905, date de la séparation de l'Église et de l'État, il revient encore une fois sur cette affaire. « J'aime faire chier les cons, c'est mon truc ouais ! Puis ces derniers temps, je suis tombé sur un filon faut être 98 Vidéo disponible en ligne : <http://www.dailymotion.com/video/x1ac0w_dieudonne-fogielcolon_politics>. 77 honnête ! » Il en profite aussi pour critiquer l'attitude hypocrite de Jamel Debbouze vis à vis de lui. Enfin en 2009, il s'engage dans la campagne pour les européennes en proposant une liste antisioniste. Il reçoit alors le soutien symbolique du terroriste Carlos (Ilich Ramírez Sánchez) enfermé à la prison de Poisy. Les médias et les associations contre le racisme vont alors encore une fois soulever une polémique autour de lui. Pour comprendre l'humour de Dieudonné, il faut connaître sa vision de la société. Il revendique un humour plus intellectuel que ses collègues puisqu'il traite vraiment de sujets problématiques. Il aborde constamment le thème des religions, du pouvoir, de la justice et des médias. « Plutôt que de mettre en relation les communautés et les ethnies, Dieudonné les radicalise en invoquant implicitement une égalité (égaux car tous racistes) qui justifie les surenchères (pourquoi la communauté juive serait-elle considérée comme plus victime que les autres alors que l'esclavage a décimé une partie de la population africaine ?).99 » Même s'il critique toutes les religions, il a fait du judaïsme sa cible principale. Il reproche le comportement des juifs qui se plaignent toujours d'être des victimes dans la société. « C'est toujours délicat de toucher à la religion, toujours. Y a des religions qui ont moins d'humour que d'autres » nous confie Mouss Diouf. Ce qui insupporte d'avantage Dieudonné, c'est le fait que les juifs soient à la tête des médias et que leur communauté est ainsi très influente en France. Il parle surtout de cet aspect là d'ailleurs dans son sketch sur le colon israélien. Même si son humour est efficace et qu'il n'a pas tout à fait tort, son humour est toujours à cheval entre le discours comique et le discours militant. Comme il développe les mêmes théories dans la vie avec son engagement politique, on ne sait donc jamais si on assiste à un spectacle ou à un meeting. « Dieudonné en est la preuve, on ne peut pas rire de tout ; ou on peut rire de tout mais pas n'importe comment. 100 » 99 MONGIN Olivier, De quoi rions-nous ? Notre société et ses comiques, Paris, Plon, 2006, p. 114. 100 Propos de Mouss Diouf recueillis le 23 janvier 2009. L'enregistrement de l'interview est disponible à cette adresse : http://guillaumepereira.free.fr/memoire/Mouss_Diouf23_01_09.mp3 78 Tous les sujets concernant uniquement la religion ne sont donc pas réellement exploitables même dans les spectacles des humoristes issus de la diversité culturelle. « Une des raisons qui ont dû susciter bien des théories erronées ou insuffisantes du rire, c'est que beaucoup de choses sont comiques en droit sans l'être en fait, la continuité de l'usage ayant assoupi en elles la vertu comique.101 » Il faut toujours prendre garde à bien maintenir un certain équilibre entre les critiques ou les moqueries entre les différents groupes sociaux si on choisit d'aborder des sujets difficiles. Lorsqu'un humoriste issu de la diversité ethnique se moque par exemple d'un « Blanc », il va alors ensuite faire de même avec un « Noir » pour garder une égalité entre les communautés. « Caractérisé par des ruptures, par la transgression des conventions tacites qui règlent l'échange ordinaire, l'humour instaure une communication ambiguë, alternant la solidarité (''rire avec'') et l'exclusion (''rire de'').102 » Pour ces humoristes issus des minorités toute la difficulté réside ici. Il doivent faire un bon dosage entre ces deux notions opposées « la solidarité » et « l'exclusion ». C'est encore une fois un constant aller-retour que l'humoriste doit opérer ici pour créer un décalage humoristique. Nous avons vu dans cette dernière partie que le rire était entièrement lié à notre idéal social propre et collectif. Les humoristes issus de la diversité ethnique opèrent alors un décalage humoristique entre l'idéal social de leur pays d'origine et celui de leur pays d'accueil pour provoquer chez nous le rire. Grâce à leur médiatisation, ils permettent de créer une communion entre les différentes cultures et deviennent de véritables porte-paroles de leurs communautés. Leur humour est notamment très utile pour corriger nos préjugés et pour favoriser l'intégration des populations immigrées. Leur rôle est toutefois restreint à cause de leur appartenance à un système économique relatif à la classe dominante ainsi que par son mode de penser. 101 BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940, p. 30. 102 EVRARD Franck, L'Humour, Paris, Hachette Livre, collection « Contours Littéraires », 1996, p. 7. 79 Conclusion Tout au long de ce mémoire, nous avons vu que l'humour et les humoristes ont toujours existé et occupé un rôle important dans la société. De la Grèce antique avec Aristophane à la France d'aujourd'hui avec les humoristes de oneman-show issus de la diversité ethnique, en passant par l'Italie et sa commedia dell'arte, les genres comiques n'ont cessé d'évoluer en important des influences d'autres cultures. C'est toujours avec le soucis de coller au plus près de la réalité de la société que les humoristes critiquaient les dirigeants et blaguaient sur les aspects de la vie quotidienne. Avec l'arrivée d'importants flux d'immigration, la France a dû faire face à de nombreux problèmes d'intégration de ces populations, surtout concernant les immigrés maghrébins et africains après la Seconde Guerre Mondiale. Leur culture et donc leur idéal social étant considérablement différents de ceux des Français « de souche », ils ont été victimes d'un rejet de la part de la majorité dominante qui n'a pas voulu faire d'efforts pour comprendre les raisons de leurs difficultés d'adaptation. Dans les années 80 et 90, les humoristes de l'époque ont essayé de dédramatiser la situation mais malheureusement sans succès puisque les personnes issues des minorités ce sont senties insultées. Grâce aux café-théâtres, à la radio et à la télévision, des humoristes issus de la diversité ethnique ont pu faire leur apparition dans le paysage humoristique français. C'est ainsi que des noms comme Michel Boujenah, Smaïn ou Guy Bedos se sont faits connaître au début des années 80. Puis, une nouvelle vague d'humoristes a repris le flambeau au milieu des années 90. Encore plus médiatisés que leurs ainés, ils ont pu faire rire la France entière avec leurs propres histoires. Ces comiques comme Élie Kakou, Fellag, Jamel Debbouze ou Gad Elmaleh se sont attachés à nous dépeindre les différents problèmes de relations interculturelles en France. Grâce à leur humour basé sur le décalage entre les idéaux sociaux des minorités et ceux de la majorité dominante, ils nous aident à corriger nos préjugés par l'intermédiaire du rire. Ils occupent alors le rôle de catalyseurs de l'intégration des 80 différentes populations. Leur succès médiatique pose cependant quelques problèmes car plus ils sont célèbres moins ils sont crédibles par rapport à leur discours. Certains humoristes comme Dieudonné, n'hésites pas alors à utiliser la provocation pour obtenir plus d'importance et de pouvoir dans les médias. Nous pouvons toutefois nous demander si notre analyse est l'exacte reflet de la réalité. Puisqu'il faudrait en effet, disposer des avis de tous ces humoristes pour véritablement pouvoir tirer des conclusions quant aux rôles qu'ils pensent avoir dans notre société. « Il est extrêmement improbable que les adeptes des sous-cultures décrites dans ce livre se reconnaissent dans le portrait qui est fait d'eux. Il est encore plus douteux qu'ils accueillent positivement le moindre effort de notre part pour essayer de les comprendre. Après tout, nous autres, sociologues et analystes issus du monde ''straight'', nous ne faisons que risquer d'étouffer par notre sollicitude les formes que nous cherchons à élucider. Alors que la première impulsion de l'homme noir selon Fanon est de ''dire non à ceux qui tentent de le définir'' (Fanon, 1952), nous ne devrions guère être surpris de constater que nos interprétations ''sympathisantes'' des cultures subalternes sont considérées par leurs membres avec tout autant d'indifférence et de mépris que les étiquettes hostiles imposées par les tribunaux et les médias.103 » La seule chose que nous pouvons dire avec certitude, c'est que l'humour est sûrement la façon la moins égoïste pour eux de nous prouver qu'ils existent. 103 HEBDIGE Dick, Sous-culture, le sens du style, Paris, Zones, Éditions La Découverte, 2008. p. 146. 81 Biographie Ouvrages scientifiques : BERGSON Henri, Le rire, Essai sur la signification du comique, Paris, Quadrige, PUF, 1940. CONSTANT Fred, Le Multiculturalisme, Evreux, Dominos Flammarion, 2000. EVRARD Franck, L'Humour, Paris, Hachette Livre, collection « Contours Littéraires », 1996. HEBDIGE Dick, Sous-culture, le sens du style, Paris, Zones, Éditions La Découverte, 2008. MADINI Mongi, et al., 2000 ans de rire : permanence et modernité, Besançon, Presses Universitaires franc-Comtoises, 2002. MONGIN Olivier, De quoi rions-nous ? Notre société et ses comiques, Paris, Plon, 2006. TODD Emmanuel, Le Destin des immigrés, Assimilation et ségrégation dans les démocratie occidentales, Paris, Éditions du Seuil, 1994. Revue scientifique : FALGUIERE Jacqueline et ROUCHY Jean Claude, « Rire ensemble : la comédie et son public », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n° 44, janvier 2005. Revue : BRANINE Abdelkrim, « Les Maghrébins de France », Le Courrier de L'Atlas, n° 27, juin 2009. 82 Table des matières Remerciements...........................................................2 Sommaire....................................................................3 Introduction................................................................4 Première partie : ........................................................9 Les mutations du paysage humoristique français.. .9 Chapitre I .................................................................10 Évolution de la figure de l'humoriste et de l'humour à travers les âges......................................10 1)Des influences occidentales anciennes.................10 2)Historique du comique en France.......................14 3)L'humour au XXe siècle.......................................18 Chapitre 2 :...............................................................25 Les flux migratoires et leurs répercutions sur le paysage humoristique français...............................25 1)Les problèmes engendrés par l'immigration française....................................................................25 2)Apparition du thème de la diversité ethnique chez les humoristes français de la majorité...........29 3)Apparition des minorités ethniques dans 83 l'humour....................................................................34 Deuxième partie :.....................................................38 Analyse du discours des humoristes de one-manshow issus de la diversité ethnique française.........38 Chapitre 1 :...............................................................39 Étude sémiologique des spectacles des humoristes. ....................................................................................39 1)Élie Kakou.............................................................39 2)Fellag......................................................................42 3)Jamel Debbouze....................................................45 4)Dieudonné..............................................................49 5)Gad Elmaleh..........................................................52 Chapitre 2 :...............................................................56 Détermination des caractéristiques principales de l'humour ethnique....................................................56 1)Normes dominantes..............................................56 2)Normes divergentes et périphériques..................58 Troisième Partie :.....................................................60 Réflexion sur le rire provoqué par les humoristes issus de la diversité ethnique française..................60 84 Chapitre 1 :...............................................................61 Pourquoi rions-nous ?..............................................61 1)Le processus du rire chez le public......................61 2)Le processus du rire chez l'humoriste.................64 Chapitre 2 :...............................................................69 La place de l'humoriste issu de la diversité ethnique dans la société française...........................................69 1)Les rôles endossés par les humoristes issus des minorités dans la société..........................................69 2)Les limites de l'humour ethnique........................74 Conclusion.................................................................80 Biographie.................................................................82 85