Une promenade vivifiante, rien de tel pour donner de l`entrain à son

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Une promenade vivifiante, rien de tel pour donner de l`entrain à son
«Une promenade vivifiante, rien de tel pour donner de l’entrain à
son cerveau.»
Qu’est-ce qu’une scientifique préconise contre la peur de l’alzheimer? Existet-il des moyens de conserver de l’allant à son cerveau? Existe-t-il des aliments
qui stimulent notre matière grise? Entretien entre le Cerveau et Ann Kato, exprofesseure au département de neurosciences de l’Université de Genève.
le Cerveau: Il faut bien accepter de vieillir. Que dit la chercheuse que vous êtes
de la peur qu’inspirent la démence et le déclin physique?
Prof. Ann Kato: Il est inévitable de vieillir, mais cela présente aussi beaucoup d’aspects
positifs qu’il ne faut pas oublier. Qui aimerait encore être la personne qu’elle ou qu’il
était il y a vingt ans? L’âge donne une sagesse et une lucidité qu’on est loin d’avoir
étant jeune.
Il est vrai que bien des fonctions corporelles, notamment les articulations, sont
forcément touchées par l’âge, mais la médecine moderne permet de remplacer
l’articulation du genou, des hanches et de l’épaule et de prolonger ainsi une mobilité
que l’on compte souvent par décennies. Pour ce qui est de la démence, il existe trois
règles fort simples: 1) avoir chaque jour 30-45 minutes d’activité physique, 2) manger
sainement et ne pas prendre de poids et 3) cultiver ses contacts sociaux avec ses amis
et les membres de sa famille.
Comment doit-on se représenter le vieillissement du cerveau? S’agit-il
vraiment d’une involution ou plutôt d’une transformation?
On ne sait pas encore exactement ce qui déclenche le processus de vieillissement
cérébral, mais on sait que le cerveau diminue de taille avec le temps, ce qui est sans
doute à l’origine d’une multitude de problèmes. Il s’agit toutefois d’un phénomène
qu’une bonne alimentation et une bonne activité physique ralentissent
considérablement.
On sait que le cerveau dispose à tout âge d’une certaine plasticité et qu’il est, toute la
vie durant, capable de former de nouvelles connexions neuronales. Aussi est-il
important de solliciter activement son cerveau, que ce soit en lisant, en écrivant, en
jouant d’un instrument de musique ou en se mettant à apprendre de nouvelles choses.
Interview Prof. Ann Kato
Le Cerveau 4/2014
Vous avez étudié les effets que les aliments ont sur le cerveau. Dites-nous ce
qu’il faudrait manger pour conserver sa jeunesse mentale et intellectuelle.
Aucun aliment n’en est à lui seul capable. L’être humain a besoin d’une grande diversité
d’aliments. Ce qu’on peut dire, c’est que les fruits et légumes de couleur foncée
contiennent normalement davantage d’antioxydants, c’est-à-dire de substances
capables de protéger le cerveau. Le poisson est important parce que les poissons gras
contiennent beaucoup d’omégas 3. Les céréales et les noix aussi sont riches en
antioxydants de divers types. Et un petit morceau de chocolat noir contient non
seulement des antioxydants, mais également de la sérotonine, laquelle a un effet
antidépresseur.
Que faut-il éviter pour ne pas accélérer davantage encore le vieillissement?
Il faut surtout ne pas fumer, ne pas prendre de poids, éviter le stress, le manque
d’exercice et une consommation excessive d’alcool. Deux verres de vin rouge ou une
bière par jour sont considérés comme une limite raisonnable.
Dans le film «Lucy», Scarlett Johansson se transforme grâce à une superdrogue de synthèse en une sorte de superwoman aux capacités cérébrales
maximales. Que faut-il en penser? Existe-t-il, de votre point de vue, des
substances capables d’augmenter perceptiblement les performances
cérébrales?
Beaucoup d’amphétamines ont sur l’activité cérébrale un effet manifeste. Ces produits,
uniquement délivrés sur ordonnance, ne se prêtent cependant pas à un usage
ordinaire, car ils ont, en particulier pour le cœur, des effets secondaires de nature très
grave.
Existe-t-il un moyen naturel, sans danger pour la santé, de dynamiser
passagèrement son activité cérébrale?
Le meilleur moyen serait sans doute une promenade vivifiante d’une vingtaine de
minutes à l’air frais. Cela active l’irrigation sanguine du cerveau et donne tout de suite
un surcroît d’énergie.
Interview Prof. Ann Kato
Le Cerveau 4/2014
On dit la nicotine bénéfique pour la mémoire et on en parle pour la prophylaxie
de la maladie d’Alzheimer et de celle de Parkinson. La cigarette pourrait-elle
être mauvaise pour la santé mais bonne pour le cerveau?
Il n’y a pas que sous nicotine, mais également sous caféine qu’a été observé un recul
du risque parkinsonien. Actuellement sont conduites des études visant à établir si ces
deux substances ont vraiment des propriétés neuroprotectrices, c’est-à-dire si elles
protègent vraiment les cellules nerveuses. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faudrait
fumer. Les inconvénients pour la santé l’emportent de loin sur les avantages.
Les décès par maladies cardiovasculaires sont moins fréquents dans le midi
de la France, dont la plupart des habitants boivent régulièrement du vin. Les
buveurs de vin auraient-ils une meilleure hygiène de vie que les abstinents?
Il y a longtemps qu’on essaie d’identifier l’élément «sain» du vin rouge. L’une des
substances entrant en ligne de compte est le resvératrol, actuellement testé à l’état pur
chez la souris et le rat. Ce qu’on cherche à déterminer est la quantité de cette
substance qu’il faut pour obtenir une amélioration notable de l’état de santé. A ce qu’il
semble, il faudrait sans doute boire plusieurs centaines de bouteilles de vin pour obtenir
cet effet en une journée. Le résultat serait vraisemblablement le même avec du jus de
raisin.
Vous vous engagez également pour la recherche sur la sclérose latérale
amyotrophique (SLA), qui est une grave maladie du système nerveux se
traduisant par une fonte musculaire progressive et conduisant à la mort. Saiton à quoi pourrait être due cette maladie?
On a beaucoup avancé au cours des dernières décennies dans la connaissance des
mécanismes de la SLA, et la recherche se poursuit pour tenter de répondre à quelquesunes des questions que pose encore cette maladie d’une très grande complexité.
Pour sensibiliser l’opinion et lever des fonds en faveur de la recherche, la ALS
Association (USA) a inventé un challenge consistant à se faire filmer en train de recevoir
un seau d’eau glacée sur la tête. Les personnes qui ont subi l’épreuve avec succès ont
ensuite le droit d’en désigner d’autres, qui subiront le même sort. Ces dernières
disposent généralement d’un délai de 24 heures pour relever le défi ou s’en dégager en
faisant un don. On trouve parmi les personnes ayant participé au challenge des
Interview Prof. Ann Kato
Le Cerveau 4/2014
célébrités telles que David Beckham, Bill Gates, Mark Zuckerberg, Jennifer Lopez,
Steven Spielberg et George W. Bush; et, en Suisse, Ueli Maurer et Damien Brunner (un
joueur de hockey sur glace).
L’espérance de vie des patients a-t-elle augmenté grâce à la recherche?
Non, l’espérance de vie n’a pas augmenté; la qualité des soins, le confort et le bien-être
des patients, en revanche, se sont nettement améliorés.
Est-il vrai qu’on observe une incidence particulièrement élevée de SLA parmi
les joueurs de football italiens. Et, dans l’affirmative, quelle pourrait en être la
raison?
On a signalé, il y a quelques années, un nombre considérable de cas de SLA chez des
footballeurs italiens. Des joueurs d’âge différent et jouant dans des clubs différents.
Beaucoup de chercheurs se sont alors mis au travail, pensant, mais sans résultat, que
la maladie pouvait être provoquée par une toxine nerveuse contenue dans la pelouse
des stades.
Nombreux sont les pays ayant signalé de telles accumulations de cas de SLA. On a eu,
par exemple, celui de plusieurs personnes habitant la même maison. Des cas très
nombreux de SLA ont été observés sur l’île de Guam, dans l’Océan pacifique, qui,
cependant, retrouvèrent un niveau normal après la Deuxième Guerre mondiale, quand
les habitudes alimentaires de la population eurent changé. Beaucoup de scientifiques
ont évidemment cherché à savoir quelle substance contenue dans les aliments pouvait
avoir causé la maladie.
Ces exemples montrent qu’existent des facteurs environnementaux susceptibles de
contribuer à une éruption de cas de SLA.
Ann C. Kato, Ph.D., professeure honoraire, faculté de médecine, département de
neurosciences fondamentales, Université de Genève
Ann C. Kato a obtenu son doctorat en neurosciences en 1972 à l’Université McGill de Montréal,
Canada, et suivi une formation postdoctorale au Collège de France à Paris. Entrée à la Faculté
de médecine de l’Université de Genève en 1977, elle a été professeure au département de
neurosciences de celle-ci. Son domaine de recherche comprenait notamment la SLA. Elle
étudie aujourd’hui l’influence des aliments sur le cerveau.
Interview Prof. Ann Kato
Le Cerveau 4/2014