Stratégies de développement et de promotion des industries
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Stratégies de développement et de promotion des industries
Stratégies de développement et de promotion des industries culturelles en Océanie Jessie F. McComb, Consultante Publié au titre du projet « Structuration du secteur culturel dans le Pacifique à des fins de développement humain », financé par l’Union européenne et mis en œuvre par le Département développement humain du Secrétariat général de la Communauté du Pacifique Secrétariat général de la Communauté du Pacifique Suva (Fidji), 2012 © Secrétariat général de la Communauté du Pacifique (CPS), 2013 Tous droits réservés de reproduction ou de traduction à des fins commerciales/lucratives, sous quelque forme que ce soit. Le Secrétariat général de la Communauté du Pacifique autorise la reproduction ou la traduction partielles de ce document à des fins scientifiques ou éducatives ou pour les besoins de la recherche, à condition qu’il soit fait mention de la CPS et de la source. L’autorisation de la reproduction et/ou de la traduction intégrale ou partielle de ce document, sous quelque forme que ce soit, à des fins commerciales/lucratives ou à titre gratuit, doit être sollicitée au préalable par écrit. Il est interdit de modifier ou de publier séparément des graphismes originaux de la CPS sans autorisation préalable. Texte original : anglais Secrétariat général de la Communauté du Pacifique, catalogage avant publication (CIP) McComb, Jessie F. Stratégies de développement et de promotion des industries culturelles en Océanie / Jessie F. McComb 1. 2. 3. Cultural property — Kiribati. Cultural policy — Kiribati. Culture diffusion — Kiribati. I. McComb, Jessie F. II. Titre III. Secrétariat général de la Communauté du Pacifique 344.0995 AACR2 ISBN : 978-982-00-0639-3 Secrétariat général de la Communauté du Pacifique BP D5 98 848 Nouméa Cedex NouvelleCalédonie Tél. : +687 26.20.00 Télécopieur : +687 26.38.18 Courriel : [email protected] Table des matières RÉSUMÉ ............................................................................................................................................................. 1 DESCRIPTION DE LA MÉTHODE................................................................................................................ 5 PRINCIPALES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS................................................................... 5 DÉBOUCHÉS NATIONAUX ET DIASPORAS ........................................................................................... 29 ANALYSE SWOT DES INDUSTRIES CULTURELLES ............................................................................. 30 MEILLEURES TECHNIQUES DE PROMOTION DES INDUSTRIES CULTURELLES ........................ 36 DEUXIEME PARTIE : POLITIQUES ET ACCORDS COMMERCIAUX APPLICABLES AUX INDUSTRIES CULTURELLES ................................................................................................................... 42 POLITIQUES ET ACCORDS COMMERCIAUX ......................................................................................... 42 TROISIÈME PARTIE : DÉVELOPPEMENT ET PROMOTION DES INDUSTRIES CULTURELLES EN OCÉANIE........................................................................................................................................................... 48 STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT ET DE PROMOTION DE L’ARTISANAT ................................. 48 STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT ET DE PROMOTION DES ARTS PLASTIQUES....................... 58 STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DU SECTEUR DE LA MODE ...................................................... 68 STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DE LA MUSIQUE .......................................................................... 76 STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT DE LA DANSE ............................................................................... 88 CONCLUSION ................................................................................................................................................ 96 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 97 Annexe A – Descriptif de la méthode employée par la consultante ...................................................... 100 Annexe B – Liste des parties prenantes contactées ................................................................................... 101 LISTE DES MODÈLES DE PROMOTION Figure 1: Méthode employée par la consultante ............................................................................................................ 5 Figure 2: Exportations 2008 en provenance d’Océanie et des PEID tous secteurs culturels confondus .............. 14 Figure 3: Exportations 2008 en provenance d’Océanie et des PEID pour le secteur du design ............................ 14 Figure 4: Matrice d’analyse SWOT des industries culturelles océaniennes ............................................................. 31 Figure 5: Diagramme de la chaîne de valeur commerciale de l’artisanat océanien ................................................ 48 Figure 6: Chaîne de valeur commerciale du secteur des arts plastiques en Océanie ............................................. 59 Figure 7: Chaîne de valeur créative du secteur des arts plastiques en Océanie. ..................................................... 62 Figure 8: Chaîne de valeur commerciale du secteur de la mode aux Fidji .............................................................. 68 Figure 9: Chaîne de valeur « créative » du secteur de la mode des Fidji ................................................................. 71 Figure 10: Chaîne de valeur commerciale du secteur de la musique dans le Pacifique ......................................... 77 Figure 11: Chaîne de valeur créative du secteur de la musique dans le Pacifique ................................................. 81 Figure 12: Chaîne de valeur créative du secteur de la danse en Océanie ................................................................. 88 LISTE DES MODÈLES DE PROMOTION Premier modèle de promotion l’artisanat : design, formation et promotion au Ghana ......................................... 15 Deuxième modèle de promotion : les biennales nationales et à l’étranger .............................................................. 17 Troisième modèle de promotion : semaines de la mode, mannequins et célébrités ............................................... 20 Quatrième modèle de promotion : la Jamaïque et le reggae ...................................................................................... 22 Cinquième modèle de promotion : L’Afrique du Sud, un nouveau carrefour de la mode ................................... 36 Sixième modèle de promotion : L’opposition technologies/tradition dans la musique ....................................... 39 LISTE DES ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES A2IM ACP APE ARIA AusAID CARICOM CARIFORUM CE CNUCED CPS FAC FCS FIP GATT ITC NCSMED NZAID OMC ONG PACER PEID PICTA PIMA PMA PNUD RFID SPARTECA SWOT UE USAID USP Société américaine de la musique indépendante Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique Accord de partenariat économique Association australienne des sociétés d’enregistrement Agence australienne pour le développement international Communauté des Caraïbes Pays ACP membres du Forum des Caraïbes Communauté européenne Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement Secrétariat général de la Communauté du Pacifique Conseil des arts des Fidji Société des métiers de l’artisanat des Fidji Forum des îles du Pacifique Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce Centre du commerce international Centre national pour le développement des PME des Fidji Programme d’aide néo-zélandais Organisation mondiale du commerce Organisation non gouvernementale Accord de rapprochement économique entre les pays océaniens Petits États insulaires en développement Accord commercial entre les pays insulaire du Pacifique Association des musées des îles du Pacifique Pays les moins avancés Programme des Nations Unies pour le développement Radio-identification Accord régional de coopération commerciale et économique dans le Pacifique Sud Forces, faiblesses, opportunités et menaces Union européenne Agence pour le développement international des États-Unis Université du Pacifique Sud RÉSUMÉ En Océanie, les industries culturelles se nourrissent d’une très riche diversité de traditions, allant des pratiques ancestrales aux expressions contemporaines de la culture. La présente étude a été commandée par le Département développement humain du Secrétariat général de la Communauté du Pacifique (CPS) afin de définir les modalités d’exploitation optimale de ces industries, pour que ces dernières deviennent de véritables moteurs de la croissance économique et participent au développement durable et au bien-être des populations. La présente étude vise à améliorer l’état des connaissances sur les marchés de la culture, les exigences et les obstacles auxquels sont confrontés les secteurs des arts plastiques, de l’artisanat, de la mode, de la musique et de la danse en Océanie, afin de contribuer à la commercialisation des biens et des services des industries culturelles de la région. Le présent rapport propose des stratégies de développement et de promotion commerciale pour chacun de ces cinq secteurs culturels, dans l’optique d’ériger des passerelles entre, d’un côté, les compétences et les potentialités qu’ils recèlent et, de l’autre, les marchés qui leur sont les plus réceptifs et accessibles, en mettant l’accent sur les marchés locaux, le tourisme et les marchés à l’exportation dans la région. De façon générale, l’artisanat et les arts plastiques sont les secteurs les plus porteurs et les mieux à même de dynamiser la croissance économique à l’échelle de la région et des pays, l’industrie de la mode étant particulièrement prometteuse aux Fidji. Dans ces secteurs, les producteurs nous offrent d’innombrables produits et talents à l’état brut. Pourtant, ils n’exploitent pas suffisamment les marchés locaux, le tourisme ou encore les marchés régionaux, ce qui laisse augurer un fort potentiel de croissance dans ces marchés très accessibles. Pour séduire les marchés locaux et le marché touristique et se faire une vraie place sur les marchés à l’exportation, il est toutefois nécessaire de mettre en place pour ces trois secteurs des programmes de développement global axés sur l’amélioration de chacun des maillons de la chaîne de valeur, de la production à la promotion commerciale. Par ailleurs, dans cette chaîne de valeur, on constate l’absence d’un maillon important : la boucle de l’information, qui permet de faire circuler l’information sur les marchés jusqu’aux producteurs sous la forme d’un soutien à la conception et au développement des produits. Cette lacune, de même que d’autres, doit être comblée avant de cibler les marchés à l’exportation. Alors que le monde de la musique compte de nombreux artistes dans toute la région, l’industrie musicale est gravement mise en péril par le piratage systématique (CD gravés et partage de fichiers), au point d’être aujourd’hui au bord de l’effondrement. La protection de la propriété intellectuelle doit faire l’objet d’une législation de portée régionale plus stricte, afin que les droits des artistes soient protégés dans tous les pays océaniens, quel que soit leur pays d’origine. À l’instar des autres secteurs, la danse reste très cantonnée à la culture traditionnelle. Quelques troupes font le choix de proposer des tableaux contemporains ou de danse fusion, et l’une d’entre elles au moins cherche à assurer sa viabilité financière grâce à la diversification des produits. Néanmoins, à ce jour, aucune troupe n’est parvenue à faire des bénéfices, ou même à rentrer dans ses frais, en se produisant à l’étranger. Pour que la danse alimente les économies nationales, il faut que des mécènes privés externes financent les coûts de production et de déplacement. Voici quelques-unes des conclusions et recommandations du rapport : Marchés cibles : La plupart des producteurs n’exploitent pas tout le potentiel que représentent les marchés locaux, le tourisme, les diasporas et les marchés régionaux, et seule une poignée d’entre eux ont déjà exécuté une commande standard pour le compte d’un grossiste en import/export. Sur les marchés à l’exportation, les acheteurs en gros et les consommateurs ont des exigences spécifiques en termes de qualité des produits, de stabilité de la capacité de production et d’actualité des créations. En Océanie, les producteurs des industries 1 culturelles doivent améliorer la qualité de leurs produits, accroître leur capacité de production et créer de nouveaux produits, tandis que le secteur a besoin de structures spécialisées dans l’exportation. Compte tenu de ce contexte, la consultante recommande aux producteurs de cibler dans un premier temps les marchés locaux et touristiques, les diasporas et les marchés à l’exportation de la région. L’expérience qu’ils acquerront en pénétrant ces marchés les préparera à partir à l’assaut des grands marchés à l’exportation. Soutien des pouvoirs publics et coordination : En Océanie, les organismes publics chargés de la culture ont concentré une grande partie de leurs efforts sur la conservation du patrimoine et la protection des savoirs traditionnels en raison des risques importants, et bien réels, de disparition de certains aspects de la culture et d’appropriation par des tiers. Il est rare que le concept de commercialisation éthique des produits des industries culturelles soit étudié en profondeur, si bien que les pouvoirs publics sont mal préparés pour embrasser ces nouvelles façons commerciales de penser les industries culturelles. Les stratégies à adopter pour combler ces lacunes varient d’un pays à l’autre et toute décision relative au rôle éventuel des pouvoirs publics dans la commercialisation de la culture doit naître d’une concertation bien encadrée entre les pouvoirs publics, le secteur privé et les producteurs de chaque pays. Mise en œuvre des politiques : En règle générale, les ministères et services de la culture sont mal informés au sujet des différentes options de politique générale qui sont employées ou pourraient l’être pour faciliter le commerce international. Une action d’éducation et de sensibilisation est nécessaire afin de montrer en quoi les industries culturelles peuvent bénéficier des différentes mesures de politique générale actuellement appliquées ou envisagées par les organismes publics chargés de la culture et du commerce. De plus, il est nécessaire que les autorités chargées de la promotion des investissements et les ministères de l’industrie aient une meilleure connaissance des besoins des industries culturelles de manière à intégrer des solutions pertinentes à leurs nouvelles politiques. Manque d’infrastructures : Dans l’ensemble, on constate un manque d’infrastructures propres aux industries culturelles. Les artistes et les interprètes désireux de se former ou de poursuivre des études dans des établissements officiels ont très peu de choix, ce qui freine leur avancement professionnel dans les marchés à l’exportation et les empêche dans certains cas de maîtriser les techniques de base de leur art. Ce manque d’infrastructures touche aussi le secteur de l’exportation, qui ne compte aucune structure privée spécialisée dans l’export. Les pays de la région sont encouragés à investir dans un centre régional proposant un enseignement officiel des arts. Pour bâtir cette infrastructure propice au développement des arts dans la région, ils pourraient dans un premier temps appuyer la proposition visant à réintroduire un programme d’études à vocation artistique dans l’offre de cours de l’Université du Pacifique Sud, aux Fidji. Manque d’innovation dans la création : Partout en Océanie, on constate que le travail de conception des industries culturelles manque cruellement d’innovation, en particulier dans les secteurs de l’artisanat et des arts plastiques. Dans un système où les producteurs ne bénéficient d’aucun accompagnement de la part des professionnels de la création, un grand nombre des produits proposés ne répondent pas aux exigences du marché. Il est possible de mettre certains plasticiens en contact avec des artisans afin qu’ils créent des produits bien conçus, mais ces apprentis en devenir ont besoin de connaître les marchés et d’être épaulés pour se rapprocher de ces groupes de professionnels. Dans cette optique, un programme d’encadrement des créateurs pourrait être mis en place afin de bâtir des passerelles entre les aspirants créateurs du Pacifique et des créateurs reconnus dans les pays qui constituent un marché cible. Forte concurrence des produits importés : Fabriqués en faibles quantités, de mauvaise qualité et peu innovants, les produits locaux sont confrontés à une forte concurrence des produits importés sur les marchés touristiques, en particulier dans les secteurs de l’artisanat et de la mode. Si les acheteurs se tournent 2 vers les produits importés, essentiellement parce que les produits locaux ne sont pas adaptés et laissent à désirer au niveau de l’exécution, il faut aussi souligner que les producteurs n’ont pas suffisamment de compétences en gestion et en marketing pour frapper à la porte des détaillants locaux et établir avec eux de bonnes relations professionnelles. À court terme, les règles relatives aux appellations d’origine et les campagnes nationales de promotion des produits locaux peuvent conférer à ces derniers un avantage concurrentiel, mais, à long terme, il est nécessaire de bien informer les producteurs et les grossistes. Droits de propriété intellectuelle : L’absence de textes de loi astreignants et exécutoires sur la propriété intellectuelle et le faible degré de coopération régionale ont permis la généralisation du piratage dans l’industrie de la musique en Océanie. C’est une question urgente qu’il faut régler en priorité dans le secteur de la musique avant de pouvoir prétendre cibler les marchés à l’exportation. 3 PREMIERE PARTIE : ANALYSE DES MARCHÉS ET DES SECTEURS INTÉRESSANT LES INDUSTRIES CULTURELLES DU PACIFIQUE INTRODUCTION Le Département développement humain de la CPS cherche à améliorer la commercialisation des produits des industries culturelles du Pacifique afin de stimuler la croissance économique et d’améliorer le développement humain dans la région. En se dotant de stratégies de développement et de promotion adaptées, les parties prenantes des industries culturelles océaniennes peuvent accroître leurs ventes de biens et de services sur les marchés locaux, régionaux et à l’exportation. En Océanie, les industries culturelles se nourrissent d’une très riche diversité de traditions, allant des pratiques ancestrales aux expressions contemporaines de la culture. Ces biens et services culturels peuvent devenir d’importants moteurs de la croissance économique. Toutefois, le secteur est handicapé par un manque de coordination et de communication entre les agents des marchés et les producteurs. Comme dans beaucoup d’autres régions, en Océanie, les industries culturelles restent informelles et manquent de structures, de sorte qu’elles ne sont pas en mesure de mettre à profit les possibilités d’expansion commerciale qui s’offrent à elles. Si elles parviennent à s’organiser et à se développer, les industries culturelles d’Océanie pourraient devenir un moteur économique. Les producteurs pourraient alors faire fructifier leurs compétences et stimuler la croissance au sein du secteur des micro, petites et moyennes entreprises. Si l’on parvient à améliorer la circulation de l’information et les compétences en gestion, et à mettre en place un véritable soutien à la création et des structures bien développées de commercialisation et d’exportation, les producteurs du secteur culturel pourraient s’allier à des institutions culturelles, à des exploitants et au secteur privé et profiter des marchés lucratifs que représentent le tourisme et les destinations à l’exportation. Ensemble, ces améliorations au sein du secteur permettront de garantir le transfert des connaissances aux jeunes générations et de perpétuer, longtemps encore, les savoirs et les traditions de la région. Objectifs Les objectifs fixés pour cette étude étaient initialement les suivants : • améliorer l’état des connaissances sur les marchés de la culture, ainsi que sur les attentes et les obstacles auxquels sont confrontés les biens et les services des secteurs culturels d’Océanie ; • favoriser la commercialisation des biens et des services proposés par les industries culturelles océaniennes au sein de l’Union européenne (UE) et d’autres régions ; et • mettre au point une stratégie de promotion commerciale pour cinq secteurs culturels du Pacifique, afin d’améliorer la circulation des biens et des services du Pacifique vers l’UE et d’autres régions. Néanmoins, sur la base d’études de terrain, la consultante a estimé qu’un grand nombre de secteurs n’étaient pas suffisamment développés pour cibler les marchés à l’exportation de l’UE. Par conséquent, la consultante esquisse ici des stratégies de développement et de promotion pour cinq secteurs culturels, afin d’ériger des passerelles entre, d’un côté, les compétences et les potentialités qu’ils recèlent et, de l’autre, les marchés qui leur sont les plus réceptifs et accessibles, en mettant l’accent sur les marchés locaux, le tourisme et les marchés à l’exportation dans la région, et accessoirement sur les marchés à l’exportation des États-Unis et de l’UE. 4 DESCRIPTION DE LA MÉTHODE La consultante s’est appuyée sur une méthode participative pour effectuer des recherches documentaires et des études de terrain et formuler, sur cette base, des stratégies de développement et de promotion. Elle a travaillé en étroite collaboration avec les intervenants de la CPS pour s’assurer que le projet serait mené dans le prolongement des activités précédemment exécutées. Le cadre de la chaîne de valeur, établi après un diagnostic de la situation, et les résultats de la consultation participative régionale ont jeté les bases de ce travail. Première phase : Analyse des marchés Deuxième phase : Politiques et meilleures pratiques au sein de l’UE Troisième phase : Analyses sectorielles •Analyse des industries culturelles dans le contexte des marchés mondiaux, européens et du bassin Pacifique •Définition des possibilités et des obstacles •Meilleures pratiques dans les pays en développement •Analyse de l’approche commerciale appliquée par l’UE aux industries culturelles •Analyse des options, outils et meilleures pratiques actuels et potentiels • Analyse de terrain de secteurs donnés : artisanat, arts plastiques, mode, musique et danse •Rencontres avec les parties prenantes régionales et évaluation des produits •Rencontres avec les parties prenantes régionales et évaluation des produits Figure 1: Méthode employée par la consultante Vous trouverez une description complète de la méthode employée à l’annexe A. Pour la troisième phase, la consultante s’est rendue aux Fidji, aux Tonga, à Vanuatu et en PapouasieNouvelle-Guinée, afin de rencontrer les parties prenantes (voir liste des personnes contactées à l’annexe B). PRINCIPALES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS L’artisanat et les arts plastiques sont les secteurs les plus porteurs et les mieux à même de dynamiser la croissance économique à l’échelle de la région et des pays, l’industrie de la mode étant particulièrement prometteuse aux Fidji. Dans ces secteurs, les producteurs nous offrent d’innombrables produits et talents à l’état brut. Pourtant, ils n’exploitent pas suffisamment les 5 marchés locaux, le tourisme ou encore les marchés régionaux, ce qui laisse augurer un fort potentiel de croissance dans ces marchés très accessibles. Pour séduire les marchés locaux et le marché touristique et se faire une vraie place sur les marchés à l’exportation, il est toutefois nécessaire de mettre en place pour ces trois secteurs des programmes de développement global axés sur l’amélioration de chacun des maillons de la chaîne de valeur, de la production à la promotion commerciale. Par ailleurs, dans cette chaîne de valeur, on constate l’absence d’un maillon important : la boucle de l’information, qui permet de faire circuler l’information sur les marchés jusqu’aux producteurs sous la forme d’un soutien à la conception et au développement des produits. Cette lacune, de même que d’autres, doit être comblée avant de cibler les marchés à l’exportation. Alors que le monde de la musique compte de nombreux artistes dans toute la région, l’industrie musicale est gravement mise en péril par le piratage systématique (CD gravés et partage de fichiers), au point d’être aujourd’hui au bord de l’effondrement. La protection de la propriété intellectuelle doit faire l’objet d’une législation de portée régionale plus stricte, afin que les droits des artistes soient protégés dans tous les pays océaniens, quel que soit leur pays d’origine. Il est nécessaire que les pouvoirs publics réservent des moyens suffisants à la mise en œuvre des lois sur la propriété intellectuelle. Enfin, on constate une absence généralisée de coordination au sein des secteurs culturels à l’échelon national (exception faite des Fidji) et peu de pays se sont dotés d’organismes appropriés de perception de redevances pouvant défendre les droits des musiciens. Ces questions doivent être réglées à l’échelon local et régional avant toute tentative de pénétration des marchés à l’exportation. À l’instar des autres secteurs, la danse reste très cantonnée à la culture traditionnelle. Quelques troupes, surtout aux Fidji, font le choix de proposer des tableaux contemporains ou de danse fusion, et l’une d’entre elles au moins (la troupe VOU) cherche à assurer sa viabilité financière grâce à la diversification des produits (cours de danse, ventes de musique et de vidéos et une ligne de vêtements). Néanmoins, à ce jour, aucune troupe n’est parvenue à faire des bénéfices, ou même à rentrer dans ses frais, en se produisant à l’étranger. Pour que la danse alimente les économies nationales, il faut que des mécènes privés externes financent les coûts de production et de déplacement. Les mécénats privés étant rares, la danse peut être considérée davantage comme un outil de promotion du tourisme et des autres industries culturelles que comme un produit en soi. Voici quelques-unes des conclusions et recommandations du rapport : Marchés cibles : En dépit de la taille et du volume du marché européen des biens et des services culturels, la majorité des producteurs océaniens ne sont actuellement pas équipés pour s’y faire une place. En effet, la plupart des producteurs n’exploitent déjà pas tout le potentiel que représentent les marchés locaux, le tourisme, les diasporas et les marchés régionaux, et seule une poignée d’entre eux ont déjà exécuté une commande standard pour le compte d’un grossiste en import/export. Sur les marchés à l’exportation européens, les acheteurs en gros et les consommateurs ont des exigences spécifiques en termes de qualité des produits, de stabilité de la capacité de production et d’actualité des créations. En Océanie, les producteurs des industries culturelles doivent améliorer la qualité de leurs produits en se conformant à des normes de contrôle de la qualité, accroître leur capacité de production en améliorant leur efficacité économique et en créant de nouveaux produits, et faire appel à des spécialistes du développement des produits afin de mettre au point des produits bien conçus et de fixer des prix appropriés. En raison du nombre très limité de structures spécialisées dans l’exportation, les producteurs doivent soit perfectionner leurs propres compétences en gestion pour devenir eux-mêmes grossistes exportateurs, soit rechercher des partenariats avec le secteur public ou privé pour remplacer ce maillon manquant de la chaîne de valeur. 6 Compte tenu de ce contexte, la consultante recommande aux producteurs de cibler dans un premier temps les marchés locaux et touristiques, les diasporas et les marchés à l’exportation de la région. L’expérience qu’ils acquerront en pénétrant ces marchés les préparera à partir à l’assaut des grands marchés à l’exportation, notamment les États-Unis. Ce n’est qu’en cas de capacité de production excédentaire que les producteurs devraient envisager les marchés de l’UE. Des recommandations complètes sur les marchés cibles et l’élaboration de stratégies par secteur sont proposées ci-après. Soutien des pouvoirs publics et coordination : Les industries culturelles trouvent rarement leur place logique dans les structures gouvernementales. En Océanie, les organismes publics chargés de la culture ont concentré une grande partie de leurs efforts sur la conservation du patrimoine et la protection des savoirs traditionnels en raison des risques importants, et bien réels, de disparition de certains aspects de la culture et d’appropriation par des tiers. Il est rare que le concept de commercialisation éthique des produits des industries culturelles soit étudié en profondeur, si bien que les pouvoirs publics sont mal préparés pour embrasser ces nouvelles façons commerciales de penser les industries culturelles. Si l’on observe un certain élan en faveur de la commercialisation du côté des autorités de promotion des investissements ou des ministères de l’industrie, on constate aussi un manque de coordination et de partage d’informations entre les organismes publics tournés vers le commerce, d’une part, et les services nationaux de la culture, d’autre part. Les ministères du tourisme participent également à l’équation. Le potentiel d’exploitation des marchés touristiques est énorme, mais les services nationaux de la culture entretiennent actuellement très peu de relations avec les ministères du tourisme. Chaque pays devra se doter d’une approche spécifique pour combler ces lacunes. Toute décision relative au rôle éventuel des pouvoirs publics dans la commercialisation de la culture doit naître d’une concertation bien encadrée entre les pouvoirs publics, le secteur privé et les producteurs de chaque pays. Voici quelquesunes des recommandations adressées spécifiquement aux pays : Fidji : Le développement et la promotion des industries culturelles des Fidji sont actuellement placés sous la houlette du Conseil des arts des Fidji (FAC) et de la Société des métiers de l’artisanat des Fidji (FCS). Ensemble, les structures de ces organismes offrent une bonne combinaison de soutien au développement et à la commercialisation, mais elles manquent d’effectifs et de ressources pour aider correctement tous les secteurs. Par ailleurs, leurs employés ont besoin de renforcer leurs capacités dans les domaines de la gestion, de la promotion, de la conception et du développement des produits, et de l’exportation. Les Fidji ont beaucoup à gagner en établissant un programme global de développement de l’artisanat et des arts plastiques, où des spécialistes internationaux des métiers de l’artisanat s’associeraient au FAC et à la FCS pour venir en aide aux producteurs, tout en renforçant les capacités des organismes locaux. Tonga : Aux Tonga, les métiers de l’artisanat représentent le secteur le plus prometteur. Il est toutefois complètement inorganisé. Au moins cinq associations d’artisans se partagent les mêmes membres et dirigeants. Un programme global de développement s’impose pour permettre une meilleure organisation du secteur et appuyer son développement, en mettant particulièrement l’accent sur le développement et la conception des produits. Le ministère du travail a beaucoup amélioré son approche de la promotion commerciale, en particulier en ciblant les diasporas lors de festivals et de foires commerciales, mais il a besoin d’un soutien supplémentaire. Il serait nécessaire d’engager un coordonnateur à plein temps pour le secteur de l’artisanat afin de pousser cette approche plus loin et de viser les marchés à l’exportation régionaux, plus lucratifs. Pour développer les exportations du secteur privé, il convient également de mettre en place un plan et un soutien à long terme, 7 dans l’optique, à l’avenir, de décharger le ministère du travail de cette mission de promotion commerciale et de développement des produits. Vanuatu : À Vanuatu, comme dans beaucoup d’autres pays, il n’existe pas d’organisme public chargé de promouvoir la commercialisation éthique des produits des industries culturelles. Des associations privées, toutes spécialisées dans un secteur particulier, ont fait avancer leurs secteurs respectifs, mais la plupart d’entre elles ont besoin d’un soutien des pouvoirs publics, de fonds et de capacités renforcées pour développer plus avant les métiers de l’art qu’elles défendent. S’agissant de l’artisanat et des arts plastiques, il est recommandé qu’un programme global de développement soit mis en œuvre par des spécialistes ou organismes internationaux, par le biais de partenaires privés, tels qu’ACTIV, une association dotée de réseaux bien établis et présente depuis longtemps dans le pays. Papouasie-Nouvelle-Guinée : L’Autorité de promotion des investissements s’intéresse de plus en plus à la promotion et à l’exportation des biens culturels. Pour que le pays s’engage sur cette voie, un programme global de développement doit être mis sur pied pour aider les producteurs des industries culturelles à répondre aux exigences pointues des marchés. La Commission culturelle nationale n’est actuellement pas équipée pour assumer cette responsabilité, et il convient d’établir un nouvel organisme pour élaborer et piloter ce programme en coordination avec la Commission et l’Autorité de promotion des investissements. La structure et le site d’implantation de ce nouvel organisme devront être décidés par les parties prenantes des secteurs public et privé dans le cadre d’une concertation bien encadrée. Il est recommandé de faire appel à une personne externe, spécialisée dans le développement et la commercialisation de l’artisanat, pour animer cette concertation et éviter d’éventuels conflits. Mise en œuvre des politiques : En règle générale, les ministères et services de la culture semblent mal informés des différentes options de politique générale qui sont employées ou pourraient l’être pour faciliter le commerce international. Au sein des autorités de promotion des investissements ou des ministères du commerce, les chargés des relations commerciales connaissent ces options, mais il est rare qu’ils s’interrogent sur leur application créative au profit des industries culturelles. Une action d’éducation et de sensibilisation est nécessaire afin de montrer en quoi les industries culturelles peuvent bénéficier des différentes mesures de politique générale actuellement appliquées ou envisagées par les organismes publics chargés de la culture et du commerce. Il est nécessaire que les services nationaux de la culture aient une meilleure lecture des différentes options disponibles et de la façon dont elles peuvent étayer de nouvelles politiques visant à mieux répondre aux besoins du secteur. De plus, il est nécessaire que les autorités chargées de la promotion des investissements et les ministères de l’industrie aient une meilleure connaissance des besoins des industries culturelles de manière à intégrer des solutions pertinentes à leurs nouvelles politiques. Une amélioration du partage de l’information et de la coordination permettra aux organismes publics de mieux défendre des politiques adaptées aux industries culturelles. C’est d’autant plus vrai dans les pays qui ont la possibilité de conclure un protocole de coopération culturelle dans le cadre des nouveaux Accords de partenariat économique (APE). Manque d’infrastructures : Dans l’ensemble, on constate un manque d’infrastructures propres aux industries culturelles. Les artistes et les interprètes désireux de se former ou de poursuivre des études dans des établissements officiels sont confrontés à un choix limité, ce qui freine leur avancement professionnel dans les marchés à l’exportation et les empêche, dans certains cas, de maîtriser les techniques de base de leur art. Ce manque d’infrastructures touche aussi le secteur de l’exportation, qui ne compte aucune structure privée spécialisée dans l’export. Tant que cette lacune ne sera pas comblée, il ne sera pas possible de créer des passerelles commerciales viables vers les grands marchés de l’UE. 8 Compte tenu de l’isolement géographique et de la faible densité démographique de nombreux pays de la région, il ne serait pas judicieux de mettre en place des centres officiels de formation et d’enseignement dans chaque pays. En revanche, les pays de la région sont encouragés à étudier la possibilité d’établir un centre régional proposant un enseignement officiel des arts. Les Fidji se sont engagées sur cette voie dans le secteur de la mode en mettant sur pied un programme de création de mode qui devrait bientôt être proposé aux étudiants de l’Université nationale des Fidji. Depuis toujours, le campus fidjien de l’Université du Pacifique Sud (USP) est un centre de promotion des arts, mais la fermeture du programme d’étude des arts et expressions de la création a été un coup dur pour les industries culturelles. Pour bâtir une infrastructure propice au développement des arts dans la région, les pays pourraient, dans un premier temps, appuyer la proposition visant à réintroduire un programme à vocation artistique dans l’offre de cours de l’USP aux Fidji. Il est important de préciser que tout programme officiel de formation aux métiers de l’art doit comprendre des cours de gestion afin de promouvoir l’esprit d’entreprise et de permettre aux artistes et aux producteurs d’acquérir une autonomie financière. Manque d’innovation dans la création : Partout en Océanie, on constate que le travail de conception des industries culturelles manque cruellement d’innovation, en particulier dans les secteurs de l’artisanat et des arts plastiques. Une toute petite poignée de créateurs autoproclamés travaillent dans le secteur de l’artisanat, par exemple, si bien qu’un grand nombre des produits proposés ne répondent pas aux exigences du marché. Cette absence de produits bien conçus s’explique en partie par un désintérêt culturel et sociétal pour l’innovation. Un grand nombre de cultures océaniennes accordent beaucoup d’importance à la tradition, ce qui freine la création de nouveaux produits pouvant être compétitifs sur les marchés touristiques et à l’exportation. Il est possible de mettre certains plasticiens en contact avec des artisans afin qu’ils créent des produits bien conçus, mais ces apprentis en devenir ont besoin de connaître les marchés et d’être épaulés pour se rapprocher de ces groupes de professionnels. Dans cette optique, un programme d’encadrement des créateurs pourrait être mis en place afin de bâtir des passerelles entre les aspirants créateurs du Pacifique et des créateurs reconnus dans les pays qui constituent un marché cible (Australie, Nouvelle-Zélande et les États-Unis par exemple). De cette façon, les créateurs locaux pourraient acquérir ou perfectionner leurs compétences en matière d’étude de marché et de développement des produits, en partenariat avec des créateurs très au fait des tendances des marchés cibles. Cette idée est expliquée plus en détail dans la partie « Stratégies de développement et de promotion ». Forte concurrence des produits importés : Fabriqués en faibles quantités, de mauvaise qualité et peu innovants, les produits locaux sont confrontés à une forte concurrence des produits importés, en particulier dans les secteurs de l’artisanat et de la mode. Ainsi, aux Fidji et à Vanuatu, les marchés touristiques sont le théâtre d’une rude concurrence entre les objets d’artisanat locaux et les produits importés d’Indonésie, de Malaisie et de Chine. Si les acheteurs se tournent vers les produits importés, essentiellement parce que les produits locaux ne sont pas adaptés (en termes de conception et de qualité) et qu’ils laissent à désirer au niveau de l’exécution, il faut aussi souligner que les producteurs n’ont pas suffisamment de compétences en gestion et en marketing pour frapper à la porte des détaillants locaux et établir avec eux de bonnes relations professionnelles. Par exemple, certains artistes et artisans ont cherché à vendre leurs produits à de grands magasins de vente au détail destinés aux touristes, mais ont découvert qu’après réception des produits, ces enseignes avaient envoyé leurs créations en Indonésie pour les faire copier. Un programme global de développement, axé sur l’amélioration de la qualité des produits et de la capacité de production et de création des artisans, pourrait apporter des éléments de solution à long terme. Les producteurs ont également besoin de compétences solides en gestion, afin de connaître leurs droits et de 9 disposer des outils nécessaires à la fixation des prix et au choix des sources d’approvisionnement, ainsi qu’à l’étude des questions liées au droit d’auteur. Cette idée est décrite intégralement dans la partie « Stratégies de développement et de promotion ». À court terme, les règles relatives aux appellations d’origine et les campagnes nationales de promotion des produits locaux peuvent conférer à ces derniers un avantage concurrentiel. Cette idée est développée plus avant dans la partie « Stratégies de développement et de promotion ». Droits de propriété intellectuelle : Nous sommes au cœur d’une période charnière pour la protection de la propriété intellectuelle dans le secteur de la musique. Bien qu’un certain nombre de lois aient été promulguées, elles sont peu appliquées et la coopération régionale fait défaut. Le piratage systématique, sous la forme de copies illégales sur CD gravés et sur périphériques externes, coûte des millions de dollars aux producteurs, aux studios et aux musiciens. En l’absence de lois adaptées sur la propriété intellectuelle et de moyens suffisants pour les faire appliquer, l’industrie océanienne de la musique se dirige doucement vers une disparition certaine d’ici à cinq ans. 10 LA CULTURE ET L’ECONOMIE MONDIALE Bien qu’elle soit difficile à définir, la culture tient une place fondamentale dans nos nations, nos économies et notre quotidien. Les biens et les services culturels, englobés dans les termes industries culturelles ou de la création 1, ont une valeur intrinsèque, puisqu’ils portent les traditions, les croyances et les expressions, et acquièrent une valeur économique dès lors qu’ils sont échangés. D’après le Rapport sur l’économie créative 2010 (Creative Economy Report 2010), publié en anglais par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), la valeur économique de ces biens et services s’élevait à 592 milliards de dollars É.-U. dans l’économie mondiale en 2008. De 2002 à 2008, les industries de la création ont enregistré une croissance régulière, au rythme de 14 % par an. Si la crise économique de 2008 continue de se faire sentir dans l’éconosphère mondiale, les spécialistes prédisent une hausse ininterrompue de la demande de biens et de services des industries de la création dans les années à venir. Dans les industries de la création, les biens sont au centre de la grande majorité des échanges commerciaux internationaux ; ils ont rapporté 407 milliards de dollars É.-U. en 2008, un chiffre quasiment deux fois supérieur aux 205 milliards enregistrés en 2002. Quant aux exportations de services du secteur de la création, elles ont connu une croissance saine au cours de la même période, passant de 62 milliards de dollars É.-U. en 2002 à 185 milliards en 2008. Dans les pays industrialisés, les industries de la création sont à la fois un moteur puissant capable de doper la croissance économique et un marché potentiel pouvant accueillir des biens et des services culturels importés. L’Europe est actuellement la première destination des exportations de biens des industries de la création, avec 184 milliards de dollars É.-U. en 2008, soit une hausse de 97 % par rapport aux 93 milliards de 2002. Les ÉtatsUnis, le Japon et le Canada représentent le deuxième plus gros marché à l’exportation dans les pays industrialisés, leurs importations de biens culturels atteignant un total de 123 milliards de dollars É.-U. en 2008. Ces marchés ont connu un remarquable essor au cours des dix dernières années, la croissance moyenne entre 2002 et 2008 s’établissant à 69 % toutes économies industrialisées confondues. De façon générale, on assiste à une prise de conscience du rôle d’innovation des industries culturelles et de leur contribution active aux économies nationales. La tendance est à l’élaboration de politiques de développement prévoyant des incitations fiscales, des subventions publiques et des interventions sur le marché en faveur des industries culturelles afin de stimuler leur croissance (UNCTAD 2010: 20). Le présent rapport confirme que les industries créatives offrent un immense potentiel aux pays en développement désireux de diversifier leur économie, et qu’elles sont en passe de devenir l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie mondiale. - Rapport sur l’économie créative, CNUCED 1 Dans la terminologie employée par la CNUCED, les industries culturelles sont un sous-ensemble des industries de la création. Des analyses plus ciblées des secteurs compris dans les industries culturelles sont présentées plus loin dans le présent rapport 11 Les industries culturelles dans les pays en développement Le renforcement de l’accès aux technologies et la conclusion d’accords commerciaux améliorés ont permis aux économies en développement de multiplier leurs débouchés commerciaux et de mieux pénétrer les marchés, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Les exportations tous biens confondus en provenance des économies en développement sont passées de 1 400 milliards de dollars É.-U. à 6 100 milliards de dollars É.-U. entre 2002 et 2008. Au cours de la même période, les exportations des pays en développement à destination d’autres pays en développement ont également grimpé, pour passer de 828 à 3 000 milliards de dollars, traduisant une dynamisation du commerce et de l’économie des pays en développement. Bien qu’à l’échelle mondiale, les pays industrialisés tiennent le haut du pavé dans les importations et les exportations de biens et de services des industries de la création, les pays en développement sont bien présents dans le secteur depuis une dizaine d’années. Sur le marché mondial des industries de la création, les pays en développement ont accru leurs parts de marché à un rythme plus rapide que les pays industrialisés (UNCTAD 2012: 127). En effet, un taux de croissance annuelle de 13,5 % des exportations en provenance des économies en développement entre 2002 et 2008 (UNCTAD 2010:136) représente 43 % des exportations mondiales de biens des industries de la création. Ces chiffres témoignent de la vigueur et du dynamisme du commerce dans les industries de la création dans les pays en développement et soulignent leur potentiel de croissance. Alors que les industries de la création pourraient constituer un outil économique au service du développement des nations, elles sont encore mal comprises. Cette méconnaissance s’explique en partie par les limites des méthodes statistiques et le manque d’information en provenance des pays les moins avancés (PMA) et des petits États insulaires en développement (PEID). De surcroît, dans les nations en développement, la création a souvent sa place dans l’économie non structurée, où les données statistiques sont rares ou inexactes. Les industries culturelles et le Pacifique En termes économiques, le Pacifique regroupe un certain nombre de PMA et de PEID. En conséquence, il est souvent difficile de dégager des données spécifiques à la région océanienne. Par ailleurs, les données disponibles pour ces catégories de pays sont encore très limitées. Le Pacifique appartient au groupe ACP (groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique), qui réunit 79 États de ces trois régions. Là aussi, la taille du groupe et sa grande diversité économique et culturelle ne permettent pas d’isoler aisément des données propres à la région océanienne (UNCTAD 2010: 133). Cela dit, les données disponibles sur les trois régions révèlent l’énorme importance des industries de la création et peuvent servir de référence pour estimer le potentiel de ces industries dans le Pacifique. La part totale que représentent les industries de la création des pays ACP sur le marché mondial reste modeste (seulement 1,65 % en 2008). Toutefois, elles disposent d’une importante marge d’expansion, comme en témoignent les exportations de biens qui ont plus que triplé entre 2002 et 2008, passant de 446 millions de dollars É.-U. à 1,6 milliard de dollars É.-U. (UNCTAD 2010: 135-136). Des trois groupes, les PMA arrivent en deuxième place des exportations (328 millions de dollars É.-U. en 2008). Encore une fois, si leur part de marché reste assez minime sur le plan mondial, la croissance des exportations des PMA est stable, le taux de croissance annuel moyen se chiffrant à 32 % pour la période 2002-2008. Les PEID arrivent en dernière position, peut-être en raison d’une communication fragmentée et imprécise des données les concernant. Les exportations de biens des industries de la création dans ces pays représentaient un total de 135 millions de dollars É.-U. en 2008 et enregistrent un taux de croissance variable. La croissance moyenne annuelle, estimée à 16 % entre 2002 et 2008, cache une importante variabilité interannuelle. Ainsi, les exportations du groupe ont grimpé de 40 % entre 2002 et 2004, mais le taux de croissance a chuté à seulement 7 % entre 2004 12 et 2005, pour accuser une baisse spectaculaire à - 20 % entre 2005 et 2006, avant une embellie l’année suivante à 13 % de croissance (UNCTAD 2010: 316). Les pays océaniens qui ont communiqué leurs données ces dix dernières années sont les Îles Cook, les Fidji, la Polynésie française, Kiribati, la Nouvelle-Calédonie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Vanuatu. Leurs rapports, sporadiques, ne reflètent pas toute l’importance des industries de la création dans la région. Ensemble, ces pays ont déclaré avoir exporté en 2008 des biens « créatifs » pour une valeur de 27 millions de dollars É.-U., contre seulement 7 millions en 2002. Bien que cette croissance de 386 % s’explique essentiellement par l’augmentation de la notification des données, en particulier de la Polynésie française qui a commencé à envoyer ses rapports en 2004, la région a connu une croissance lente, mais régulière, de 15,76 % de ses exportations de biens « créatifs » entre 2002 et 2008 (UNCTAD, 2010: 352-353). En 2008, dans le groupe Océanie/PEID2, le design arrive, avec 75 %, en tête des exportations des biens des industries de la création, contre 6 % pour l’artisanat et 4 % pour les arts plastiques (voir figure 2). Dans la catégorie « design », la joaillerie est de loin le secteur le plus porteur, représentant à lui seul 68 % des exportations de biens « créatifs » de l’industrie du design en 2008 (voir figure 3). Les exportations de produits de design ont connu une expansion régulière entre 2002 et 2008, totalisant 130 % par rapport aux chiffres de 2002. Le secteur de l’artisanat est stable, les exportations ayant légèrement augmenté en 2005, tandis que la croissance du secteur des arts plastiques est modeste, mais constante, sur la décennie. Les arts du spectacle (y compris les CD et les musiques enregistrées) ont une place négligeable en termes de recettes à l’exportation. Malgré la progression des exportations des industries de la création dans le Pacifique, la région reste un importateur net de biens culturels. D’après les données actuelles, en 2008, le Pacifique3 a importé des biens « créatifs » pour une valeur de 184 millions de dollars É.-U., alors que ses exportations n’ont rapporté que 27 millions de dollars É.-U., ce qui constitue un déficit de 157 millions pour cette catégorie de biens dans la région. Néanmoins, les importations ralentissent ces dernières années. Entre 2002 et 2008, les importations se sont développées à un taux annuel de 7 %, mais entre 2004 et 2008, elles ont chuté de 24 % en moyenne par an. 2 Les pays océaniens représentent plus de 40 % des PEID, mais seulement 10 % des PMA. Par conséquent, la consultante s’est peu appuyée sur les données relatives aux PMA et a choisi d’utiliser les données disponibles pour les pays repris dans les catégories Océanie et PEID pour compenser le fait que la plupart des pays océaniens ne communiquent pas de données. 3 Les données concernent uniquement les pays qui transmettent leurs rapports de données : Îles Cook, Fidji, Polynésie française, Kiribati, Nouvelle-Calédonie, Papouasie-Nouvelle-Guinée et Vanuatu. 13 Exportations 2008 - Océanie et PEID Design Figure 2: Exportations 2008 en provenance d’Océanie et des PEID tous secteurs culturels confondus Exportations 2008 - Océanie et PEID Figure 3: Exportations 2008 en provenance d’Océanie et des PEID pour le secteur du design 14 Premier modèle de promotion l’artisanat : design, formation et promotion au Ghana Le Ghana possède une riche tradition séculaire de l’artisanat. Ce savoir-faire culturel ancestral et très vivant a toujours joué un rôle fondamental dans la vie des artisans ghanéens et est aujourd’hui une source vitale de revenus. En 1993, Aid to Artisans (ATA), une organisation non gouvernementale (ONG) américaine sans but lucratif, a lancé un projet sur cinq ans avec les artisans du Ghana en vue d’accroître les exportations du secteur. Ce projet s’inscrivait dans le cadre d’un programme plus vaste de promotion des exportations non traditionnelles, financé par l’Agence pour le développement international des États-Unis (USAID). Durant toute la durée du projet, l’ONG s’est concentrée sur le développement du secteur dans son ensemble, plutôt que de se limiter à des activités de promotion. Onze consultations ont été organisées pour aider les artistes à développer et à concevoir leurs produits, et une trentaine d’artisans chefs d’entreprise ont été accompagnés pour perfectionner leurs compétences en gestion. Beaucoup ont assisté au Market Readiness Program, formation dispensée par l’ONG à New York. Grâce à cette approche globale, les artisans se sont préparés à participer à huit salons destinés aux grossistes pendant la durée du projet. ATA a également fait venir des acheteurs sur place pour que les artisans aient un contact direct avec des clients potentiels capables de commenter leurs collections et leurs produits. À la fin du projet, les ventes cumulées des artisans ont atteint 859 000 dollars É.U. et les exportations d’artisanat sont passées de 160 000 dollars en 1989 à 11 millions de dollars en 2002. Les métiers de l’artisanat font aujourd’hui vivre plus d’une dizaine d’artisans-exportateurs, qui voient dans le travail de création et de formation d’ATA la clé de leur réussite. Si la promotion à proprement parler a contribué sensiblement à la vente des produits ghanéens sur les marchés à l’exportation, les conseils en matière de design et la formation en gestion ont permis aux produits et aux artisans de s’imposer une fois en contact avec ces marchés (Cockram 2005). SECTEURS CULTURELS DES MARCHÉS EUROPÉENS La présente étude se concentre sur cinq secteurs culturels particuliers : l’artisanat, la mode, les arts plastiques, la danse et la musique. Si tous ces secteurs relèvent des industries culturelles, ils ont chacun des caractéristiques spécifiques : tendances du marché, possibilités et obstacles, et différents niveaux de demande sur le marché mondial. Le présent résumé analytique fait la synthèse des recherches effectuées sur chacun des secteurs dans le contexte européen. Artisanat L’artisanat est classé dans une multitude de secteurs sur le marché mondial, dont les marchés à l’exportation pour la décoration d’intérieur, les cadeaux, les accessoires de mode et l’ameublement. Ces marchés se recoupent avec le marché de l’architecture d’intérieur et, parfois, celui de l’architecture. La décoration d’intérieur et l’ameublement représentent le marché le plus solide et ses ventes ont pesé 418 milliards de dollars É.-U. en 2007 (Unity Marketing 2008). Les marchés des accessoires de mode et des cadeaux/souvenirs sont un peu plus difficiles à définir de par la très grande variété des produits. En 2009, les ventes d’accessoires de mode ont rapporté plus de 20 milliards de dollars É.-U. Rien que dans les secteurs de la bijouterie fantaisie, des sacs, des chaussettes et des lunettes solaires (Major Development 2011). Quant au marché des cadeaux/souvenirs, qui va des cartes de vœux aux paniers faits main, il pesait 21 milliards de dollars É.-U. Au milieu des années 2000 (The Gail Group 2011). Sur ces énormes marchés, l’artisanat doit toutefois rivaliser avec un large éventail d’autres produits, dont les produits fabriqués à la main, en tout ou partie, et les produits faits à la machine. Ainsi, aux salons des grossistes, on trouve de tout, des paniers sud-africains tressés à la main à partir de chutes de fils de téléphone, valant 500 dollars, aux portecartes en plastique d’une valeur de 0,5 dollar. Pour réduire la base servant à l’estimation de la demande des marchés, la valeur du marché des accessoires de maison a été choisie dans une étude de l’USAID en 2006 comme indicateur de la taille de la demande d’objets d’artisanat. D’après l’étude, la valeur du marché mondial des accessoires de maison était estimée à au moins 100 milliards de dollars É.-U. Les marchés régionaux dominés par les États-Unis représentaient 67 milliards par an, l’Europe arrivant en deuxième place avec environ 48 milliards par an (USAID 2006: 17). La classification des biens sur le marché européen nous renseigne un peu plus sur le potentiel des marchés. En 2005, le marché européen (Europe des 25) des cadeaux et articles de décoration a été estimé à 13 milliards de dollars É.-U. En 2003, les importations du marché européen des textiles de maison et des tissus d’ameublement ont été estimées à 6,3 milliards de dollars É.-U., dont 3,4 milliards en 15 provenance des pays en développement. La même année, les importations sur le marché européen de l’ameublement ont représenté grossièrement 29 milliards de dollars É.-U., dont 5,6 milliards en provenance des pays en développement (USAID 2006: 17). La CNUCED fait également remarquer qu’au sein des industries culturelles, l’artisanat a affiché le meilleur taux de pénétration des marchés mondiaux, en particulier dans les pays en développement. Il représentait 65 % de la part de marché mondial détenue par les pays en développement dans le secteur des industries culturelles. Les produits de design en provenance de ces pays, notamment les bijoux, les articles de mode, la verrerie, les objets de décoration d’intérieur et les jouets qui pourraient être classés parmi les produits artisanaux, absorbaient 50 % de la demande mondiale en 2008 (UNCTAD 2010: 129). Si la marge de progression de l’artisanat sur les marchés mondiaux est importante, les producteurs des nations en développement se heurtent à un certain nombre d’obstacles. Le marché classique de l’artisanat n’est pas intégré au marché du « commerce équitable », si bien que les exigences commerciales auxquelles doivent répondre les producteurs sont élevées. Le marché laisse peu de place à la négociation sur la qualité des produits, les prix et les délais d’exécution des commandes. Si, à la première commande, les producteurs ne sont pas en mesure de l’exécuter correctement, cela peut fortement ternir leur réputation sur le marché et mettre en péril leurs futures commandes. Sur le marché de l’artisanat, non seulement la concurrence est rude, mais les droits de propriété intellectuelle sont peu protégés. Aussi est-il fréquent que les exportateurs asiatiques s’approprient les créations artisanales pour les produire et les vendre à moindre coût au prochain cycle du marché. De plus, la tendance actuelle est à la marchandisation croissante de l’artisanat, caractérisée notamment par une diminution du cycle de vie des produits (en partie en raison de l’appropriation des créations par des tiers) et un abandon progressif des créations traditionnelles au profit d’un design contemporain/minimaliste. Pour que les artisans océaniens soient compétitifs, ils doivent se distinguer en proposant des créations tendance avec beaucoup de personnalité et en adoptant des stratégies dynamiques de promotion, alliant participation aux salons commerciaux classiques et présence en ligne. Arts plastiques Le secteur des arts plastiques repose sur quatre grandes formes artistiques : la photographie, la peinture, la sculpture et les objets anciens. D’autres formes d’art émergentes, telles que les installations, sont incluses dans ces catégories. D’après le Rapport sur l’économie créative 2010 de la CNUCED, le marché des arts plastiques est solide, les importations s’élevant à 28,9 milliards de dollars É.-U. en 2008, contre 17 milliards en 2002 (UNCTAD 2010: 131). Cette croissance annuelle moyenne soutenue, chiffrée à 12,8 % entre 2002 et 2008, traduit une demande stable et en hausse dans le secteur des arts plastiques de par le monde. Il est toutefois important de préciser qu’en dépit d’une hausse des exportations des biens, la part du marché mondial de la création détenue par les arts plastiques est restée quasiment identique sur cette même période (5,77 % en 2002, contre 5,02 % en 2008) (UNCTAD 2010: 126). Ce sont les ventes d’art contemporain et d’objets anciens qui dopent la croissance du secteur des arts plastiques depuis quelques années. Sur le marché européen, les importations ont affiché une bonne santé ces dix dernières années, passant de 7,5 milliards de dollars É.-U. en 2002 à 13 milliards en 2008. Dans le sillage des tendances mondiales, la peinture arrive en tête du marché européen, avec 6 milliards de dollars É.-U. en importations en 2008, suivie de la sculpture, avec 4 milliards de dollars d’importations. Les secteurs des objets anciens et de la photographie se sont aussi développés entre 2002 et 2008, les importations européennes se chiffrant respectivement à 2 milliards et à 818 millions de dollars É.-U. en 2008 (UNCTAD 2010: 134). 16 Les tableaux se sont exportés pour une valeur de 6,3 milliards de dollars É.-U. en 2002, chiffre qui est passé à 15 milliards de dollars É.U. en 2008, soit environ la moitié de l’ensemble des exportations d’arts plastiques pour cette année. Les exportations du secteur de la sculpture, regroupant les œuvres traditionnelles d’ornement et les sculptures contemporaines, ont atteint près de 9 milliards de dollars É.-U. en 2008, soit une hausse spectaculaire par rapport aux 5 milliards de 2002. Fait impressionnant : près de la moitié de ces exportations provenaient d’économies en développement. Ces économies ont également tiré la croissance du marché des objets anciens, qui est passé, entre 2002 et 2008, de 2,2 à 3,2 milliards de dollars É.-U. La bonne santé des ventes en photographie s’est confirmée, les exportations mondiales se montant à 2,5 milliards de dollars É.-U. pour l’année 2008. Les pays en développement ont accru leur part d’exportations pour passer de 8 % en 2002 à 17 % en 2008. Néanmoins, les ventes tous supports plastiques confondus sont souvent sous-estimées, car les données disponibles ne tiennent pas compte des marchés non structurés ou touristiques (UNCTAD 2010: 148). Sur le marché des arts plastiques, les pays en développement ont accru leur présence : leurs exportations représentaient 7,1 milliards de dollars É.-U. en 2008 contre 3,5 milliards en 2002 (UNCTAD 2010: 128). Toutefois, leur pénétration reste assez modeste sur un marché dominé par New York et Londres, où les ventes se sont élevées respectivement à 4 milliards de dollars É.-U. et à 1,8 milliard de livres en 2006 (Nurse 2006). En 2008, les exportations d’arts plastiques des pays en développement ne représentaient que 23 % du total mondial, soit une hausse négligeable par rapport aux 22 % de 2002 (UNCTAD 2010: 128). Toujours en 2008, les arts plastiques ne comptaient que pour 11 % des exportations de biens « créatifs » des PMA et seulement 4 % des chiffres combinés pour l’Océanie et les PEID. La répartition des exportations entre les disciplines plastiques varie sensiblement selon la catégorie de pays considérée (PMA, Océanie ou PEID). En 2008, les objets anciens dominaient les exportations des PMA (80 % du total pour les arts plastiques), alors que la peinture représentait 57 % des exportations en provenance d’Océanie et des PEID, suivie de la sculpture (29 %) et des objets anciens (14 %). La photographie y tient une place négligeable. D’après le rapport sur la diversité créatrice publié par l’UNESCO en 2009, ce sont les pays industrialisés qui gardent la mainmise sur les arts plastiques, dont la peinture, la gravure, le tirage d’estampes et la sculpture, la région océanienne ne contrôlant que 0,6 % du marché mondial à l’exportation dans ce secteur (UNESCO 2009: 166). Deuxième modèle de promotion : les biennales nationales et à l’étranger L’univers de l’art contemporain mondial tourne autour des maisons de vente aux enchères, des galeries et des biennales. Alors qu’elles n’étaient jadis qu’une dizaine, les biennales, qui dépassent aujourd’hui la centaine, représentent des artistes issus aussi bien des pays industrialisés que des pays en développement. Pour les artistes locaux, elles constituent une fenêtre d’ouverture sur le système mondial de l’art. En participant à ces événements, les artistes peuvent s’assurer une présence sur les marchés et rencontrer d’autres artistes. Pour un artiste originaire d’un pays en développement, se faire connaître à l’échelle mondiale lors d’une biennale peut constituer un tremplin vers le monde de l’art. Une poignée d’artistes contemporains caribéens excellent aux biennales internationales. En 2003, Keith Morrison, Albert Chong et Arthur Simms sont devenus les premiers artistes jamaïcains à pouvoir présenter leur travail à la Biennale de Venise (la plus ancienne et peut-être la plus importante du monde de l’art). Simms a remporté le Prix de Rome pendant l’exposition et a été invité par le gouvernement italien à travailler en résidence à Rome l’année suivante. Les Caraïbes accueillent également l’une des plus anciennes biennales instituées dans un pays en développement. Fondée en 1989, la Biennale de la Havane a vu le jour pour donner un espace d’expression aux artistes des pays en développement. Elle vise non seulement à remettre en question l’eurocentrisme du monde de l’art, mais aussi à créer un espace d’échanges horizontaux entre les artistes des pays en développement. Si elle expose aujourd’hui des artistes du monde entier, la Biennale de la Havane reste un espace privilégié d’expression et de représentation des artistes issus des pays en développement. Bien que le marché international de l’art présente un potentiel pour les artistes des pays en développement, ils ont bien du mal à y accéder en raison d’un manque de transparence, d’une concurrence féroce et du « plafond de verre » qui freine la pénétration des artistes 17 non occidentaux. Le marché est dominé par les États-Unis et le Royaume-Uni, à qui l’on attribue 47 % des ventes internationales d’arts plastiques, qui transitent généralement par New York ou Londres. Ces deux plaques tournantes sont suivies de Paris, Berlin, Genève et Tokyo (UNCTAD 2010: 148), la Russie, l’Asie et le Moyen Orient figurant parmi les marchés émergents (UNESCO 2009: 166). Souvent, les artistes des pays en développement ont même du mal à rivaliser dans leur propre pays. Par exemple, les marchés locaux caribéens sont principalement constitués de galeries d’art commerciales centrées sur la peinture à l’huile et les aquarelles de style anecdotique. On retrouve une tendance parallèle dans le Pacifique, où la plupart des pays ne comptent aucun espace structuré et professionnel servant de galerie d’exposition et de vente des œuvres d’art. Les artistes contemporains plus innovants, qui créent des œuvres avant-gardistes, telles que les installations, ont du mal à positionner leur art sur les marchés locaux (Nurse 2006). Aux États-Unis et au sein de l’Union européenne, la plupart des œuvres d’art sont vendues par l’intermédiaire de sociétés de vente aux enchères, qui privilégient les artistes occidentaux déjà connus. En 2004, les deux grandes maisons Sotheby’s et Christie’s ont vendu au moins 378 œuvres, pour plus d’un million de dollars la pièce (CRNM 2008). Les conditions de vente sont rarement divulguées et, pour chaque enchère gagnante, les commissions des commissaires-priseurs peuvent atteindre 20 %, tant en commission acheteur qu’en commission vendeur. Par ailleurs, l’identité des acheteurs et des vendeurs est souvent tenue secrète, étouffant la circulation de l’information sur les marchés. Les galeries sont également un acteur majeur de la vente d’objets d’art et sont souvent encore moins transparentes que les sociétés de vente aux enchères. Les ventes s’appuient sur des collectionneurs et informations privilégiés, et il est rare que les chiffres des ventes soient rendus publics. Les maisons de vente aux enchères et les galeries peuvent travailler dans un climat commercial extrêmement opaque, car le secteur est très peu réglementé et aucun agrément n’est obligatoire pour exploiter une galerie (UNCTAD 2010: 148). Le marché en ligne est assez restreint et concerne essentiellement les dessins et estampes. Il est important de noter que les enchères en ligne peuvent constituer un bon espace de vente pour les œuvres de moins de 50 000 dollars É.-U. (Nurse 2006). Les artistes des pays en développement sont également confrontés à une hiérarchie bien ancrée dans le marché de l’art. En 2003, sur les 87 artistes exposés au Centre Georges Pompidou à Paris, seuls 39 % n’étaient pas des ressortissants européens et seuls 5,7 % venaient d’un pays en développement (Brésil, Chine et République de Corée). On dresse le même constat pour la foire internationale d’art de Bâle (Allemagne), extrêmement influente, où, tant en 2000 qu’en 2005, les principales nations représentées étaient l’Allemagne, les États-Unis, la Suisse, la France, le Royaume-Uni et l’Italie (UNESCO 2009: 166). Dans le rapport de recherche qui leur a été commandé par l’UNESCO en 2007, les commissaires d’exposition internationale, curateurs et critiques d’art Okwui Enwezor et Jean Fischer soulignent qu’en dépit de la mondialisation et d’une meilleure compréhension du relativisme culturel sur le marché international de l’art, les artistes des pays en développement restent peu reconnus (Enwezor and Fisher 2007). Pour ces artistes, d’autres obstacles sont à signaler, en particulier l’absence de systèmes structurés de soutien, commerciaux ou publics, au sein de leur pays. En général, dans les pays en développement, le secteur des arts plastiques est emmené par des chefs d’entreprise travaillant seuls, sans soutien appuyé des pouvoirs publics et sans marché bien structuré. Les distributeurs, notamment les galeristes, les commerçants des marchés aux puces et des magasins touristiques et les encadreurs, tirent en général plus de bénéfices que les artistes eux-mêmes, car ce sont eux qui gèrent l’interface avec le client. Dans le monde, peu d’artistes contemporains issus de pays en développement sont conviés aux biennales internationales, vitrines majeures de l’expression artistique et étape obligée vers la reconnaissance internationale (UNCTAD 2010: 148). 18 Le caractère imprévisible du marché international de l’art est peut-être le principal obstacle à surmonter sur la voie de la compétitivité. Toutes les industries de la création sont tributaires des goûts des clients ou de l’attrait culturel de leurs produits. Toutefois, notre capacité à prédire l’évolution des tendances et des goûts sur ce marché est pour le moins limitée. La demande et les tendances sont édictées par une petite poignée de critiques d’art, de commissaires d’exposition et de galeristes, qui marquent de leur empreinte les mouvements esthétiques, encadrent les artistes et prescrivent au bout du compte ce qui est tendance et ce qui ne l’est pas. Par ailleurs, les artistes créent avec passion, faisant fi des tendances du marché. C’est ce que Richard Caves, économiste d’Harvard, universitaire et spécialiste des industries de la création, appelle le précepte de « l’art pour l’art ». Les artistes peuvent alors renoncer à la valeur commerciale de leurs œuvres, si les conditions de vente ne sont pas en adéquation avec leurs convictions philosophiques et esthétiques. Mode L’industrie mondiale de la mode représente une source à la fois de débouchés et de difficultés pour la région océanienne. Elle est segmentée de façon générale en trois catégories : la haute couture, le prêt-à-porter et la mode grand public, ou streetwear. Les grands couturiers créent des vêtements, des chaussures, des parfums, des bijoux et des accessoires de mode pour une même marque. Les ventes se font par l’intermédiaire de grands événements de mode très influents et reposent sur l’identité des marques. Ce sont aussi les marques qui déterminent les ventes des articles de prêt-à-porter, mais on les trouve également dans les magasins conventionnels, et de plus en plus, sur les sites de vente en ligne. La mode grand public se vend par l’intermédiaire des salons commerciaux spécialisés dans les différentes catégories de l’habillement (mode féminine, chaussures, mariages, mode enfant) et, de plus en plus, via des ventes en gros et au détail sur Internet. La mode grand public et les accessoires de mode faits main sont aussi vendus en ligne et via des salons commerciaux (Fashion Marketing 3rd ed 2009). En 2006, les recettes de l’industrie mondiale de l’habillement se sont montées à 1 252,7 milliards de dollars É.U. et devaient atteindre, d’après les prévisions, 1 781,7 milliards à la fin 2010 (total comprenant les importations, la fabrication et les salaires). Ces données recouvrent toute la gamme de la mode haute couture, prêt-à-porter et grand public, l’accent étant mis sur cette dernière catégorie. Les importations d’articles de mode en Europe, qui traduisent de façon plus réaliste la valeur réelle du marché, se chiffraient à 53,6 milliards de dollars É.-U. en 2006. Ce sont les magasins en dur de vente au détail qui ont la haute main sur les circuits de vente au détail, avec 92,9 % du marché. Les ventes par correspondance et en ligne ont représenté respectivement 3,9 % et 3,2 % des ventes (Fashionproducts.com 2011). Si les ventes en ligne gagnent du terrain depuis le début des années 2000, il est important de noter que les magasins traditionnels continueront de booster les ventes du secteur de l’habillement. En effet, chaque client a une relation très personnalisée avec les articles vendus dans l’industrie de la mode (taille du vêtement, goûts individuels, texture et coupe du tissu, etc.), si bien que le consommateur a, encore aujourd’hui, besoin de toucher, de sentir et d’essayer un article avant de l’acheter. 19 Troisième modèle de promotion : semaines de la mode, mannequins et célébrités L’industrie de la mode caribéenne connaît un bel essor depuis la première édition de la Semaine de la Mode caribéenne en 2001. La société Pulse Entertainment accueille et promeut l’événement, en s’appuyant sur un large éventail de méthodes de promotion. Cette semaine de défilés, destinée à faire connaître les créateurs de toute la région, a finalement trouvé écho en 2005 dans l’édition britannique du magazine Vogue, où elle a été décrite comme l’une des voix montantes de la scène internationale de la mode. Cet événement a permis, non seulement, d’alimenter la demande et de faire connaître les créateurs caribéens, mais aussi de promouvoir des mannequins caribéens qui portent la mode régionale sur la scène mondiale. Pour les artistes caribéens, les grands défilés régionaux et internationaux sont un grand tremplin pour se faire connaître mondialement. En présentant leurs modèles à la Semaine de la Mode caribéenne, les créateurs disposent d’une vitrine internationale. Cette exposition médiatique est encore plus forte lorsqu’ils font appel à des mannequins connus mondialement. Les mannequins ont sensiblement contribué à la promotion des créateurs de talent caribéens et à l’émergence d’un nom pour la mode caribéenne. La participation de top models a placé la Semaine de la Mode caribéenne sous le feu des projecteurs, et le succès international récent de mannequins caribéens, tels que Teresa Lourenco et le modèle masculin Andre Stewart, a permis à la région de se faire une place de premier plan dans l’industrie mondiale de la mode. Le plébiscite de certaines célébrités a également propulsé les créateurs caribéens sur la scène mondiale de la mode. L’une des créatrices caribéennes les plus connues, Jessica Ogden, s’est faite un nom le jour où l’actrice américaine Sarah Jessica Parker a porté l’une de ses robes pour la couverture de l’édition londonienne de Time Out en 2003. Jessica Ogden a par la suite été invitée à la Fashion Week de Londres. Le secteur de la mode grand public s’est toujours appuyé sur de la main-d’œuvre bon marché pour entretenir son modèle commercial de production de masse à faible valeur. L’Arrangement multifibres (1974-2004) a restreint l’application de ce modèle en créant des quotas pour les importations de textiles en provenance des nations en développement, à l’exception des plus pauvres. À l’expiration de l’Arrangement en 2005, les importations de certains articles textiles chinois au sein de l’Union européenne ont connu une croissance de près de 500 %, ce qui a poussé l’UE à fixer de nouvelles restrictions pour les importations chinoises (BBC 2005). Encore aujourd’hui, la Chine garde la mainmise des exportations de vêtements et contrôle 50 % du marché (Fashionproducts.com 2011). Par ailleurs, l’élasticité-prix de la demande des consommateurs sur le marché de l’habillement incite les marques à emprunter le chemin de la « déverticalisation » ou à consolider leur chaîne de valeur. La compétitivité-prix est de plus en plus rude dans un marché de l’habillement reposant sur la production de masse à faible valeur, tributaire d’une main-d’œuvre bon marché. L’Océanie, où les coûts de la main-d’œuvre sont plus élevés et les populations plus petites, devrait adopter une approche globale de la création à la production et cibler les segments moyen/haut de gamme du marché de la mode, où la demande est moins sensible aux prix. Dans le marché de la mode, la valeur des produits est déterminée par la griffe unique du créateur, la qualité des matières premières et des finitions et la marque. Il est essentiel de bâtir et d’entretenir une marque pour être concurrentiel sur le marché haut de gamme. Certaines marques, telles que Chanel, créent des produits et des tendances depuis plus d’un siècle. Elles ont gagné la confiance des acheteurs et le statut correspondant et peuvent se permettre de demander des prix élevés. En termes de promotion, les semaines de la mode contribuent sensiblement à l’avènement de nouvelles marques et créateurs et à leur reconnaissance internationale (UNCTAD 2010: 156). Les États-Unis accueillent le plus grand nombre annuel d’événements de mode, mais ils ne sont pas aussi prestigieux que les défilés européens. La mode européenne est dynamisée par les événements annuels organisés à Paris et à Milan, reconnues capitales européennes de la mode. Avec une tradition historique de la mode sur le Vieux continent, les nouveaux créateurs peuvent parfaire leur apprentissage dans de grandes maisons de couture (comme Chanel ou Givenchy). Aux États-Unis, en revanche, le secteur est soutenu par des financiers privés, tels que FTC Commercial Corp, qui promeut les nouveaux créateurs et organise des défilés régionaux. Comme indiqué plus haut, la progression du commerce électronique et la consolidation de la chaîne de valeur figurent parmi les principales tendances du secteur. Cela dit, on voit actuellement se dégager une tendance plus importante pour les pays en 20 développement, à savoir une transition vers l’écolo-chic promouvant un approvisionnement éthique, un développement durable et des créations éco-responsables (UNCTAD 2010: 67). D’après une étude de TNS Worldpanel réalisée en 2008, 72 % des consommateurs britanniques disaient accorder de l’importance à la production éthique de vêtements, tandis que le spécialiste des études de marché Mintel estimait la même année que le marché britannique de l’habillement éthique avait quadruplé au cours des cinq années précédentes pour se chiffrer à 294 millions de dollars É.-U. (McAspurn 2009). Dans son rapport de 2005 sur le consumérisme éthique, la banque britannique Co-operative Bank faisait état de tendances similaires dans la consommation éthique au Royaume-Uni, et notamment d’une croissance ininterrompue pendant six années consécutives. D’après ce rapport, la mode éthique était évaluée à 680 millions de livres en 2005 (Domeisen 2006). Pour le Pacifique, cette tendance fait naître un défi, mais c’est aussi une chance à saisir. Si les créateurs et les fabricants océaniens parviennent à mettre au cœur de leur production un respect des normes du travail éthique et des matières premières écologiques, ils pourront tirer profit de cette tendance. Les fabricants doivent se conformer à des normes du travail strictes, ce qui suppose toutefois des coûts de production plus élevés. Dans les pays en développement, les entreprises de la filière textile et habillement en quête de réussite doivent penser de façon globale la mode. Le plus souvent, les pays en développement se concentrent sur la création de fibres et produits textiles dans la chaîne de valeur du secteur de l’habillement (United Nations Industrial Development Organization 2003). Toutefois, pour récolter une plus grande part du juteux marché de la mode, ces pays doivent adopter une approche intégrée, incluant création, promotion et fabrication des textiles et vêtements. Les pays en développement sont capables de tirer parti de leurs textiles ethniques uniques sur la scène mondiale, mais, pour ce faire, ils doivent améliorer leur lecture des tendances actuelles et mettre au point une marque forte. Les pays en développement au potentiel le plus prometteur sont le Brésil, l’Afrique du Sud, les Émirats arabes unis, Singapour, l’Inde et la Russie. Ces pays sont parvenus à se faire connaître sur la scène internationale de la mode en organisant des événements salués dans le monde entier et en s’attachant d’abord à créer et à entretenir un attrait pour les marques nationales sur les marchés nationaux (Grail Research 2009). Si les pays océaniens veulent rivaliser avec ces étoiles montantes de la mode, ils auront besoin d’un soutien adéquat des pouvoirs publics, de marques nationales fortes et d’événements de mode reconnus mondialement. Musique Le marché mondial de la musique est immense et extrêmement diversifié. Il est difficile d’obtenir des statistiques fiables et de comprendre ses complexes chaînes de valeur. Les ventes de musique sur support matériel (CD, bandes, vinyles) ne sont qu’une des dimensions de la contribution de l’industrie à l’économie mondiale. Il faut y ajouter les recettes des concerts et des ventes en ligne. Néanmoins, d’après les estimations du rapport Global Entertainment and Media Outlook 2005–2009 publié par PricewaterhouseCoopers, le marché mondial de la musique enregistrée pesait 33,6 milliards de dollars É.-U. en 2004. Si ces chiffres sont bons, ils sont en baisse de 7,4 % par rapport aux chiffres de 2003, essentiellement en raison du piratage physique (CD et cassettes) et sur Internet (PriceWaterhouseCoopers 2010). 21 L’absence de données sur les représentations en direct, les recettes tirées du droit d’auteur et les transactions financières intra-entreprise masque la véritable taille du marché. Par contre, les analystes savent que, malgré une hausse de la consommation de musique dans le monde, les revenus des compositeurs, des producteurs et des artistes sont en baisse pour cause de contrats inéquitables avec les maisons de disques et en raison de l’expansion des téléchargements et partages illégaux de musique (UNCTAD 2010: 143) Le marché de la musique a une structure d’oligopole à franges. L’édition musicale est dominée par quatre grandes maisons de disques, les « majors » : Warner Music, EMI, Sony Music et Universal Music. Elles monopolisaient 80 % du marché mondial de la musique en 2008 (UNCTAD 2010: 144), contre 72 % en 2003 (IFPI 2005). Ces quatre grands noms sont basés dans des pays industrialisés : trois sont américains et un, britannique. Cela dit, l’industrie se compose aussi de centaines de milliers, voire de millions, de musiciens, artistes et compositeurs indépendants, qui exercent leur activité comme des microentreprises de production. La musique indépendante connaît son second souffle aux États-Unis, comme en témoigne la multiplication des groupes qui décident de former leur propre label de musique et d’enregistrer et de produire leur musique de façon indépendante. D’après la Société américaine de la musique indépendante (A2IM), en 2008, les labels indépendants représentaient 32 % des ventes cumulées d’albums aux États-Unis, soit 1,5 % de plus qu’en 2007. En outre, les radios du net et les diffusions de vidéos en direct sur Internet sont un moteur de découverte de la musique indépendante, puisque 40 % des morceaux diffusés sont enregistrés sous des labels indépendants (Top40 Charts 2009). En Australie, la musique indépendante ne cesse de gagner du terrain. L’Association australienne des labels indépendants d’enregistrement est ainsi passée de seulement 25 membres au début des années 2000 à 350 membres actifs aujourd’hui (AIR 2011). On a également assisté ces dernières années à la montée en puissance des labels indépendants. Les sociétés Eleven: A Music Company et Laughing Outlaw ont ainsi récemment signé de grands artistes, en Australie et ailleurs (Australian Government 2007). Quoique plus jeune et encore en plein développement, l’association Independent Music New Zealand s’est aussi élargie ces dernières années et compte aujourd’hui 80 membres représentant plus de 300 musiciens et artistes néo-zélandais (IMNZ 2010). Il est important de préciser que si ces musiciens ont accru leurs recettes en termes de ventes de musique, un grand nombre d’entre eux obtiennent leurs galons sur le marché en se produisant lors de tournées et en participant à des festivals influents du secteur, notamment South by Southwest, qui se tient chaque année à Austin, dans l’État du Texas. Quatrième modèle de promotion : la Jamaïque et le reggae Parmi les genres musicaux nés dans les Caraïbes, le reggae est celui qui se vend le mieux. À la fin des années 90, les ventes mondiales de reggae se chiffraient à 1,2 milliard de dollars É.-U., dont 300 millions de recettes versés directement aux producteurs, aux musiciens et aux compositeurs jamaïcains. En Jamaïque, les recettes de concerts étaient estimées à 50 millions de dollars É.-U. en 2006, chiffre qui illustre le poids des représentations « live » dans l’économie musicale du pays. La mouvance reggae a connu la gloire à la faveur du succès international de son groupe phare, Bob Marley and the Wailers. Bob Marley reste la référence du genre, ses ventes d’albums caracolant encore largement en tête des classements de reggae chaque année. Si le nombre de musiciens et de producteurs de reggae non jamaïcains s’est multiplié, le berceau du genre est parvenu à conserver sa place sur le marché en promouvant l’industrie de l’enregistrement. On compte plus de 200 studios d’enregistrement jamaïcains, dont VP Records qui conserve une part importante du marché du reggae aux États-Unis. VP Records est classé depuis plusieurs années numéro un des ventes dans les catégories maison de disques et/ou label reggae. Bien que les ventes de reggae fléchissent à l’échelle mondiale, la société doit son succès à sa collaboration avec des stars internationales du reggae et du hip hop et à l’édition d’albums de compilations. Aux antipodes du succès jamaïcain, dans les autres îles caribéennes, seuls les artistes solos sont parvenus à percer dans des genres musicaux non originaires des Caraïbes. Des styles tels que le calypso n’attirent le public que dans des concerts régionaux, et les exportations se limitent aux festivals organisés par les diasporas. 22 L’évolution des technologies numériques et de l’Internet a profondément transformé l’industrie musicale. Grâce à la numérisation de la musique, la vente de morceaux et d’albums est aujourd’hui plus facile et plus rapide, mais elle a favorisé le partage illégal de fichiers en pair à pair, qui vient grignoter les recettes de l’industrie. En 2007, les ventes de musique numérique représentaient 15 % du marché, les Internautes ayant téléchargé légalement 1,7 milliard de morceaux, ce qui représente 2,9 milliards de dollars É.-U. de recettes pour les sociétés d’enregistrement (IFPI 2008). Néanmoins, le piratage se généralise : on estime que 34 % des Internautes âgés de 15 à 24 ans partagent illégalement de la musique. D’après la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI), le partage illicite de fichiers en pair à pair est à l’origine de près de 95 % du total des téléchargements de musique (IFPI 2008). Les ventes physiques (CD et cassettes) sont en baisse depuis 2005, et l’écart ainsi créé n’a pas été comblé par les ventes de musique en ligne. À la fin 2008, les recettes des ventes d’albums affichaient – 3,2 % par rapport à l’année précédente, perte qui n’a pas été compensée par la croissance des ventes de formats numériques (IFPI 2008). Fait important : le taux de piratage est d’au moins 50 % dans l’ensemble des pays d’Amérique latine et des Caraïbes. La Communauté des Caraïbes (CARICOM) estime, dans son rapport The Cultural Industries in CARICOM: Trade and Development Challenges (Les industries culturelles de la CARICOM : défis du commerce et du développement), que la plupart des pays de la région enregistrent en fait un taux de piratage proche de 80 % (Nurse 2006). Certes, la numérisation de la musique a favorisé le partage illégal de fichiers et entraîné une baisse des recettes provenant de la vente de morceaux, mais les musiciens ont aussi su exploiter la technologie à leur avantage. Ils ont aujourd’hui accès à un plus large public, devenu plus éclectique. Les amateurs de musique peuvent faire leur choix en ligne parmi une offre légale de plus de 6 millions de titres (UNCTAD 2010). En outre, des groupes imaginatifs ont su utiliser Internet pour se propulser sur le devant de la scène médiatique. En 2008, Das Racist, un groupe de rap américain, a fait le buzz sur Internet en diffusant sur youtube.com son clip ‘Combination Pizza Hut and Taco Bell’ (voir Modèle de promotion en page 36 pour des explications détaillées sur son utilisation créative de la technologie multimédia). Les amateurs de musique n’ont pas attendu la technologie numérique et s’échangent de la musique depuis des décennies. En raison de ce partage et des contrats inéquitables proposés par les grandes maisons de disques, la plupart des musiciens tirent le plus gros de leurs revenus des interprétations en direct et des produits dérivés. Dans le monde, les recettes des concerts et interprétations « live » ont dépassé 22,2 milliards de dollars É.-U. en 2010, contre 16,6 milliards en 2006 (eMarketer 2011). Au Royaume-Uni, par exemple, en 2008, les ventes de musique enregistrée ont fléchi, tandis que les recettes des représentations en direct sont passées à 490 millions de dollars É.-U. (Michaels 2009 ; Music Ally 2009). Ce ne sont pas les artistes qui manquent dans l’industrie musicale des pays en développement. En revanche, ils ont du mal à rivaliser sur le marché mondial, car il leur manque les technologies et les compétences spécialisées à l’échelon local pour produire et distribuer de la musique. En général, l’édition musicale profite par ailleurs très peu aux artistes des pays en développement, désavantagés par des contrats inéquitables avec des grandes maisons de disques et par l’inefficacité des organismes chargés de relever les diffusions de musique et de percevoir les droits à reverser aux artistes, quand ces organismes existent. Même l’Amérique latine et les Caraïbes, pourtant riches en sons populaires, figurent étonnamment parmi les grands absents du marché mondial de la musique. Le Mexique et l’Argentine sont les premiers exportateurs de musique dans la région, tandis que le Brésil séduit un très grand marché national, mais un tout petit marché à l’exportation. Alors que la musique brésilienne est très appréciée sur le marché international, les problèmes structurels qui frappent la commercialisation et la distribution sont un obstacle à l’exportation (UNCTAD 2010: 146). 23 Le Pacifique est confronté à des difficultés similaires. Le Secrétariat général du Forum des Îles du Pacifique (FIP) s’est intéressé dans une étude à l’absence de mécanisme régional de gestion collective et de droit d’auteur pour la musique et la littérature. D’après l’étude, la protection des œuvres par le droit d’auteur et la formation d’organisations de gestion collective permettraient aux industries musicale et littéraire du Pacifique d’engranger dans un premier temps des recettes estimées à un demi-million de dollars É.-U., chiffre qui pourrait grimper à un million par an avec le temps. En outre, ces organismes de gestion collective renforceraient la protection des cultures océaniennes et encourageraient l’innovation (Tiang 2003). Les pratiques commerciales des grandes maisons de disques sont à l’origine des trois principaux obstacles barrant l’accès des pays en développement au marché mondial. Premièrement, quelles que soient ses origines culturelles, la musique est le plus souvent enregistrée dans des studios dans les pays industrialisés où elle est éditée et distribuée. Cela s’explique en grande partie par le fait que les studios d’enregistrement et les systèmes de distribution ne sont pas assez performants dans les pays en développement, ainsi que par le souhait des maisons de disques de contrôler la production dans leurs propres studios. Deuxièmement, comme les droits d’auteur sont perçus dans le pays où la musique est produite, dans la pratique, les recettes à l’exportation sont réacheminées vers les pays industrialisés possédant des studios de production de grande qualité (UNCTAD 2010: 146). Troisièmement, les musiciens qui font une carrière internationale quittent généralement leur pays pour s’installer dans un pays développé où les possibilités de se produire en direct et d’être reconnus sont plus nombreuses. L’industrie de la musique, tant traditionnelle que moderne, est très vivante en Océanie, mais elle aura besoin de bons studios d’enregistrement et d’une forte présence sur Internet pour être concurrentielle sur le marché musical international. En plus des moyens traditionnels, les artistes en quête de succès devront avoir recours à des stratégies de promotion novatrices et auront besoin de systèmes de soutien. Surtout, il est essentiel d’élaborer des textes de loi énergiques sur la protection des droits de propriété intellectuelle et d’affecter les moyens nécessaires pour les mettre en application, afin de protéger les marchés locaux et régionaux qui alimentent actuellement l’industrie musicale océanienne. Danse On dispose de très peu de statistiques précises sur la taille du marché international de la danse, mais l’industrie mondiale des arts du spectacle (théâtre, opéra et danse) pesait, d’après les estimations, 40 milliards de dollars É.-U. en recettes de billetterie en 2005. Les États-Unis et la France restent les deux principaux marchés, avec des ventes chiffrées respectivement à 7 milliards de dollars É.-U. et à 1 milliard de livres en 2005. Le mécénat public et privé vient compléter le tableau : en 2005, 6 milliards de dollars É.-U. ont été injectés aux États-Unis contre 350 millions de livres en France (PriceWaterhouseCoopers 2005). L’industrie de la danse est fragmentée et diversifiée, alliant spectacles conventionnels à succès, produits dans des salles connues mondialement, et troupes de danse indépendantes et non conventionnelles qui ont du mal à subsister. Au premier abord, l’industrie qui rassemble danseurs, chorégraphes et spectacles semble petite. On peut toutefois voir la danse de façon plus globale et y inclure les festivals, la vie nocturne et les cours de danse (UNCTAD 2010: 248). Dans un marché international à la taille et à l’ampleur difficilement quantifiables, le spectacle Riverdance de 1995 se démarque par son immense succès. En tournée pendant plus de 15 ans, ce spectacle de danse irlandaise a été vu par 18 millions de spectateurs et a rapporté plus d’un milliard de dollars É.-U. rien qu’en recettes de billetterie pendant ses dix premières années d’existence. Les créateurs du spectacle, John McColgan et Moya Doherty, ont financé seuls la quasi-totalité du spectacle et ont touché, en bénéfices bruts annuels, 20 millions de dollars É.-U. (Lavery 2004). Riverdance fait toutefois figure d’exception sur la scène 24 mondiale. La plupart des danseurs et des troupes vivotent avec des salaires en-dessous de la moyenne, tant dans les pays développés que dans les pays en développement. Dans les deux catégories de pays, la phase de création et de production reste la plus délicate de la chaîne de valeur. L’accès aux financements étant difficile, les artistes et les institutions artistiques des secteurs structurés et non structurés doivent redoubler de créativité pour obtenir des fonds. Sans aide financière, le parcours créatif de l’artiste s’arrête à la phase de création (Lebethe 2003). Dans les pays industrialisés, les arts du spectacle, dont la danse, sont lourdement subventionnés par les pouvoirs publics et les mécénats privés. En Australie, en 2007-2008, le gouvernement a subventionné les arts du spectacle à hauteur de 587,2 millions de dollars australiens (chiffres incluant les subventions aux sociétés et salles de spectacle accueillant les productions musicales, les pièces de théâtre, les spectacles de danse, les comédies musicales et les opéras) (Australian Bureau of Statistics 2010b). Expliquée en partie par l’absence de politiques astreignantes et la sous-utilisation des politiques en place par les artistes, la faible protection des droits de propriété intellectuelle affecte la danse, comme la plupart des autres industries de la création. Or, ce manque-à-gagner pourrait être réinvesti par les artistes pour appuyer de nouveaux projets dans le secteur (Lebethe 2003). Dans les pays en développement, l’industrie de la danse allie généralement les expressions dansées traditionnelles (secteurs structurés et non structurés) et, souvent dans une plus large mesure, les expressions actuelles (secteurs structurés). Parmi les arts scéniques non originaires d’Occident qui connaissent un succès notable, on peut citer le théâtre balinais et le nô, art théâtral japonais, qui ont gagné en popularité sur les marchés européens dans la première moitié du XXe siècle. Aujourd’hui, la danse Theyyam originaire du Kerala (Inde) est en vogue dans les festivals culturels européens et asiatiques, tandis que l’opéra, un genre essentiellement européen et américain, progresse sur les marchés asiatiques (UNESCO 2010: 165). Il est important de signaler que c’est l’actualité géopolitique qui a favorisé l’émergence de ces productions culturelles en Occident. Au début du XXe siècle, le Japon et la Grande-Bretagne mesurent leur amitié en signant l’Alliance anglo-japonaise. Aujourd’hui, la croissance économique de l’Inde et son importance grandissante sur l’échiquier politique mondial attirent l’attention politique et culturelle de l’Occident sur le sous-continent. Ces événements politiques et économiques ont mis des pays étrangers sur le devant de la scène médiatique, permettant aux publics occidentaux de porter aisément leur regard sur leurs cultures uniques. Les artistes connus contribuent aussi sensiblement à mettre la culture de toute une nation au centre de l’attention du public. Les artistes locaux qui font une brillante carrière internationale en solo galvanisent la demande de produits locaux et contribuent à dynamiser le marché intérieur. Le spectacle Africa Footprint a été représenté en Afrique du Sud pendant 2 ans avant une tournée internationale. Son succès international a attisé la demande locale (Lebethe 2003). Voici quelques-uns des obstacles auxquels est confrontée l’industrie de la danse dans les pays en développement : • le manque souvent criant de mobilité des artistes des pays en développement, désireux de s’exporter dans les pays industrialisés (UNCTAD 2010: 239) ; • la tendance à la fragmentation des industries, couplée au manque de soutien financier, de soutien public et de reconnaissance ; • le fait que les productions scéniques dépendent souvent de l’aide financière des ONG et des bailleurs internationaux ; • la concentration de la chaîne de valeur, où l’on retrouve à chaque étape les mêmes agents du marché ; et • le manque fréquent de compétences en gestion artistique et financière au sein du secteur et au sein des groupes et entreprises (Lebethe 2003: 22). 25 Le secteur sud-africain de la danse nous offre un exemple intéressant. Les industries culturelles sudafricaines figurent parmi les plus dynamiques d’Afrique et ont pu prospérer avec le soutien des pouvoirs publics et du secteur privé. Si l’industrie de la danse sud-africaine est l’une des plus importantes du sud du continent, on estime que les salles de spectacle ont connu une baisse d’affluence de plus de 50 % ces dernières années. Les chercheurs l’expliquent en partie par une promotion et un marketing insuffisants des arts du spectacle et l’évolution des préférences culturelles (Lebethe 2003: 25). Cet exemple illustre combien il est difficile de tenir le public en haleine, même dans les pays où la danse est bien établie. Non seulement les phases de démarrage et de production des spectacles sont fortement tributaires des subventions publiques et privées, mais, dans de nombreux cas, le retour économique n’est même pas suffisant pour rémunérer les investisseurs. Créé pour être présenté au carnaval national, le spectacle The Brand New Lucky Diamond Horseshoe Club at a Glance, de la Trinité-et-Tobago, a bénéficié du concours du programme Summerstage de l’Université de l’État d’Indiana, du Ministère de la culture, du développement communautaire et de la condition féminine ainsi que d’autres partenaires privés. Les producteurs espéraient que le spectacle marcherait et qu’ils pourraient rentrer dans leurs frais. Toutefois, bien que l’œuvre ait été vue par deux à trois mille personnes pendant les deux semaines de représentation, les ventes de billetterie n’ont rapporté que 460 000 dollars de la Trinité-et-Tobago, un chiffre bien en deçà des coûts de production (1,3 million TT$) et de la paie hebdomadaire des artistes (2 000 TT$) (Nurse 2006). Pour combler cet écart entre des coûts de production élevés et des recettes souvent faibles, les sociétés du spectacle sont tributaires des mécènes publics et privés. Les quelques troupes de danse caribéennes qui se sont produites dans le monde viennent principalement de Jamaïque. Les compagnies L'Acadco, Ashe, National Dance Theatre Company, Area Youth Foundation et les groupes de danse représentés au concours du festival annuel de la Commission du développement culturel de la Jamaïque sont tous partis en tournée ou se sont produits à l’étranger. Toutefois, dans la plupart des cas, les danseurs reçoivent une aide des pouvoirs publics : leurs frais de transport et leurs indemnités journalières de subsistance sont prises en charge par l’État, mais les danseurs perçoivent rarement un pourcentage des recettes de billetterie (Nurse 2006). Les recherches de terrain effectuées au cours de la troisième phase de la présente étude montrent que ce constat vaut aussi pour les troupes de danse du Pacifique. Dans l’ensemble, les perspectives d’exportation de la danse océanienne sur le marché international sont ténues. En raison de son isolement géographique et de son éclatement en un grand nombre de pays aux régimes politiques divers, l’Océanie est mal connue sur la scène mondiale. À l’échelle internationale, la viabilité des productions de danse est impensable sans d’importants fonds de démarrage et de fonctionnement, sans oublier que la rémunération des investissements n’est en rien garantie. Par ailleurs, les restrictions applicables aux voyages des artistes dans le monde viennent compliquer davantage encore une situation déjà difficile sur le plan de la distribution et grevée par le coût d’exportation des productions dansées. Il serait plus judicieux sur le plan de la stratégie marketing de cibler le marché du tourisme international, dans le but de faire connaître les danses d’Océanie à un public occidental. En ciblant les touristes, important vecteur de devises étrangères dans les pays, on limite par ailleurs les coûts de fonctionnement et de promotion. Avec un soutien financier approprié, le Pacifique pourrait concevoir une grande manifestation qui ferait office de vitrine régionale de la danse auprès des touristes étrangers en visite dans la région. Si une telle production séduisait le public et était soutenue, on pourrait ensuite envisager de l’exporter en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis, les principaux marchés touristiques du Pacifique, et ensuite en Europe. 26 POTENTIEL DU MARCHÉ DU BASSIN PACIFIQUE Le bassin Pacifique regroupe les pays qui bordent l’océan Pacifique en Amérique du Nord et du Sud, en Asie et en Océanie. En termes de débouchés potentiels pour les industries culturelles d’Océanie, les pays les plus accessibles sont l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, dont les marchés à l’importation sont en très bonne santé dans le secteur des biens et des services culturels. Ainsi, la Nouvelle-Zélande a importé pour 1,22 milliard de dollars É.-U. de biens culturels en 2008, et les États-Unis, un mirobolant 18,5 milliards la même année (UNCTAD 2010). Ces deux pays peuvent offrir d’importants débouchés pour les biens culturels, mais, pour les besoins de la présente étude, la consultante a choisi de concentrer son analyse sur l’Australie. En effet, en plus d’être un exemple représentatif de marché du bassin Pacifique, l’Australie doit être ciblée en priorité par les producteurs des industries culturelles océaniennes. Étant donné que le présent rapport est axé sur les marchés européens des biens et des services culturels, l’étude du marché australien présentée ici est de portée limitée. Cela dit, d’après des études de terrain réalisées au cours de la troisième phase, la consultante a estimé que les marchés du bassin Pacifique offraient de meilleures perspectives que les marchés européens aux producteurs culturels d’Océanie, en raison de leur proximité, de leur connaissance de la région et des accords commerciaux et d’investissement préférentiels déjà en vigueur ou en projet. La consultante préconise la réalisation d’une étude approfondie des marchés du bassin Pacifique. Australie L’Australie est un marché accessible et en pleine croissance que peuvent ambitionner les producteurs culturels du Pacifique. En Australie, les consommateurs sont friands de biens et services culturels variés, comme en témoigne le fait que le pays continue d’importer plus de biens et services culturels qu’il n’en exporte. En 2008-2009, les importations de biens culturels étaient cinq fois supérieures aux exportations (en termes de valeur exprimée en dollars australiens) (Australian Bureau of Statistics, 2010a). En pratique, l’Australie a importé pour plus de 7 milliards de dollars É.-U. de biens et services culturels en 2008, soit une croissance de 12,3 % par rapport aux importations de 2002 (UNCTAD 2010). Les industries culturelles de façon générale sont très appréciées dans le pays. L’Australie encourage depuis longtemps le concept de villes créatives ; Melbourne a d’ailleurs été désignée Ville de Littérature au sein du Réseau des villes créatives de l’UNESCO en 2008 et l’Australie a revendiqué la paternité du terme « industries créatives » en 1994. En 2008, l’économie créative nationale valait 31 milliards de dollars australiens, employait quelque 5 % de la population active et générait 7 % des richesses nationales (UNCTAD 2010: 30). Artisanat Bien que le Bureau australien de la statistique dispose de données sur les arts plastiques et les « métiers de l’art et de l’artisanat », il est difficile d’obtenir des informations sur la valeur réelle de l’artisanat dans le pays. En raison du nombre limité de données accessibles au public, il est difficile de quantifier la véritable ampleur des marchés de la décoration d’intérieur, de l’ameublement, des accessoires de mode et de l’architecture d’intérieur en Australie. Si nous connaissions la taille et la valeur de ces marchés, nous aurions une idée plus précise des débouchés que représente l’Australie pour les produits de design haut de gamme. Faute de chiffres sur le secteur, on peut choisir comme valeur de référence la taille de l’industrie des articles personnels et ménagers pour déterminer la valeur des segments du marché. En 2008-2009, le chiffre des ventes au détail (grands magasins, habillement, biens non durables, biens ménagers et autres articles) a dépassé 104 milliards de dollars australiens. Même en supposant que le segment de marché qui nous intéresse n’en représente qu’un petit pourcentage, on parle toujours de plusieurs millions de dollars (Australian Bureau of Statistics, 2010b). 27 En outre, d’après diverses sources, les marchés australiens de la décoration d’intérieur et du design sont en très bonne santé. Le pays accueille chaque année plus de 35 salons grossistes et détaillants où les acheteurs peuvent voir des articles de design et de décoration d’intérieur produits en Australie et à l’étranger. Par ailleurs, l’Australian Gifts and Homewares Association, l’une des plus anciennes associations spécialisées dans les articles de maison, compte plus de 3 000 membres et organise de façon indépendante deux salon commerciaux grossistes chaque année (Australian Gifts & Homewares 2011). D’après les données statistiques ainsi que d’autres sources, le marché australien de l’artisanat constitue un débouché considérable pour les producteurs du Pacifique. La taille et la proximité du marché et les accords commerciaux préférentiels en projet en font sans nul doute une destination de choix. Arts plastiques L’Australie est devenue un acteur incontournable des beaux-arts et de la culture ; elle est représentée par une myriade d’artistes à d’importantes biennales et organise sa propre biennale à Sydney depuis 1973. La demande d’œuvres de beaux-arts au sein du marché australien est solide, comme en témoignent les dépenses annuelles engagées par les ménages dans les arts plastiques (peinture, gravure et sculpture) et la photographie, à savoir 282 et 203 millions de dollars australiens respectivement (Australian Bureau of Statistics 2010a). Le pays compte plus de 500 galeries commerciales d’art, dont la grande majorité expose régulièrement les artistes avec lesquels elle travaille. En 2000, les galeries ont déclaré 132 millions de dollars australiens de recettes et 9 millions de dollars australiens de bénéfices d’exploitation (Australian Bureau of Statistics 2010a). Outre les galeristes, les artistes, les sociétés de vente aux enchères, les musées, les grands magasins et les commerçants sur les marchés participent aussi aux ventes du marché des arts plastiques australien, ce qui en fait un marché diversifié et robuste. Si le marché australien est très prometteur pour les artistes océaniens, certaines informations obtenues d’artistes de Papouasie-Nouvelle-Guinée semblent indiquer que la discrimination anti-océanienne et la concurrence de l’art aborigène pourraient freiner l’accès au marché. Les premières tentatives de pénétration du marché néo-zélandais des beaux-arts ont été plus fructueuses. Mode En Australie, le secteur de la mode, de taille enviable, s’appuie sur des fournisseurs et des marques locaux comme étrangers. Dans le secteur de l’habillement, le commerce de détail pesait 16,3 milliards de dollars australiens en 2007, soit 4,5 % de plus qu’en 2006 (New Zealand Trade & Enterprise 2008). Alors que l’Australie possède une vaste industrie de la mode locale et des marques nationales bien établies, plus de 40 % de la demande est satisfaite par les importations directes. La mode féminine est en première place des ventes au détail, avec 48 % des ventes au détail de vêtements, suivie de la mode masculine, avec 24 % (Hall Chadwick, sans date). Comme la plupart des grands marchés de la mode, le marché de détail australien est extrêmement concurrentiel. Les principaux points de vente au détail sont les grands magasins, les grands magasins de vente au rabais, les chaînes de magasins de détail et les petites boutiques. Les grands magasins totalisent 35 à 40 % de l’ensemble des ventes de vêtements pour femme et pour homme et occupent une position dominante sur le marché. Si les petits exploitants indépendants n’assurent que 20 % des ventes au détail d’articles d’habillement, cela représente quand même plus de 3 milliards de dollars australiens (Hall Chadwick, sans date). Sur fond d’accords commerciaux et d’investissement avantageux, le marché australien de la mode est, de par sa taille et sa proximité, une bonne cible pour les créateurs du Pacifique. Si la concurrence est rude, la 28 vaste gamme d’acheteurs et de consommateurs dans le secteur du détail constitue, pour les créateurs de la région, un bon tremplin vers le marché mondial. Musique Le marché australien de la musique se porte bien, les dépenses annuelles des ménages s’élevant à 665 millions de dollars australiens dans ce secteur (Australian Bureau of Statistics 2010a). L’association australienne des sociétés d’enregistrement (ARIA) indique que les ventes au gros de musique, y compris les enregistrements sonores et les vidéos musicales, se sont chiffrées à 446,1 millions de dollars australiens en 2009, soit 5 % de plus qu’en 2008. Si les ventes de supports physiques (CD) ont baissé sur la même période, les ventes de vidéos musicales et de DVD musicaux sont bonnes et les ventes numériques sont en hausse, avec 18 % des ventes totales de musique en 2009 (Australian Bureau of Statistics 2010a). Malgré ces bons chiffres et la multiplication des ventes numériques, le partage illégal de fichiers en pair à pair n’épargne pas l’industrie musicale australienne. Plusieurs émissions radiophoniques, notamment Pacific Break sur Radio Australia, constituent des réseaux de diffusion accessibles sur les marchés australiens. Par ailleurs, le fait que l’Australie soit proche sur le plan géographique, accueille d’importantes diasporas océaniennes sur son territoire et connaisse la région en fait un marché plus facile d’accès que les marchés européen et américain, en particulier pour les musiciens océaniens désireux de partir en tournée et de se produire en direct contre rémunération. Danse Les marchés australiens de la danse et des arts du spectacle sont le miroir des tendances mondiales. Bien que les ménages dépensent chaque année 644 millions de dollars australiens dans les arts du spectacle (Australian Bureau of Statistics 2010a), la grande majorité des compagnies sont encore subventionnées et encadrées par les pouvoirs publics et le secteur privé. D’après une enquête réalisée par la fédération australienne des compagnies d’arts du spectacle (Australian Major Performing Arts Group, AMPAG), les troupes basées en Australie ont reçu 48,7 millions de dollars australiens d’aide en 2009 (Australian Bureau of Statistics 2010a). Ces importantes subventions publiques et privées avantagent les compagnies australiennes, et les troupes océaniennes, privées de ces aides substantielles, ont bien du mal à rivaliser au sein du pays. DÉBOUCHÉS NATIONAUX ET DIASPORAS Quelle que soit l’industrie considérée, les producteurs et les chefs d’entreprise peuvent souvent se laisser éblouir par la perspective prometteuse de pénétrer de vastes et passionnants marchés à l’exportation. Dans cette quête, beaucoup négligent des marchés plus accessibles et, souvent, plus rentables, qui se trouvent à leur portée immédiate. Bien qu’elle ne soit pas exhaustive, l’étude de marché présentée ci-dessous donne un aperçu des marchés cibles potentiels, où les producteurs culturels pourraient mesurer leurs compétences et leurs produits avant de viser les très exigeants marchés à l’exportation. Touristes : Dans de nombreux pays du Pacifique, le tourisme est un secteur dynamique, et c’est d’ailleurs la principale source de richesse (PIB) dans des pays comme Vanuatu, les Fidji, les Îles Cook et Palau (Jiang et al 2010). En 2010, la région a accueilli 11,6 millions de touristes du monde entier et le secteur a rapporté 33,5 milliards de dollars É.-U. de recettes en 2009 (UNWTO 2011). En dépit du fort potentiel de ce marché, de nombreux producteurs culturels ne disposent pas d’un accès fiable et de qualité au marché du tourisme et ne sont pas équipés pour satisfaire à ses exigences. Les touristes sont généralement moins regardants sur les normes de qualité, mais ont des besoins particuliers en termes de prix, de taille, de fonctionnalité et de design. Par ailleurs, les plasticiens et les artisans ont de fortes possibilités d’exploiter les marchés créneaux qu’offre l’industrie du tourisme, notamment les mariages et lunes de miel dans le Pacifique. En créant des produits 29 particuliers adaptés à ces expériences et en les commercialisant via les complexes hôteliers et les agences de voyages, les producteurs peuvent séduire de nouveaux consommateurs. Dans tous les secteurs culturels, les producteurs doivent faire preuve de créativité pour mieux exploiter les marchés touristiques . Tourisme d’affaires et événementiel : Le tourisme d’affaires et l’événementiel sont un marché touristique créneau qui offre des débouchés aux producteurs culturels. À l’échelle mondiale, ce marché, regroupant réunions d’entreprises, séminaires de motivation, congrès et autres événements, représente environ 30 milliards de dollars É.-U. annuels (One Caribbean 2010). De nombreux offices nationaux du tourisme visent ce marché pour diversifier et renforcer leur secteur touristique. Les producteurs des industries culturelles doivent se préparer à commercialiser des produits et des expériences adaptés à ce marché en plein essor. Cadeaux d’entreprise/associations avec des entreprises : Comme le tourisme d’affaires, le secteur des articles promotionnels et le mécénat privé représentent un fort potentiel dans le Pacifique. Les pays où sont présentes de grandes sociétés d’exploitation des ressources naturelles, comme la Papouasie-NouvelleGuinée, doivent penser de façon créative à la façon d’accéder à ces marchés : cadeaux d’entreprise, articles promotionnels, mécénat ou encore séminaires de motivation. Les producteurs doivent, néanmoins, répondre à des exigences spécifiques et respecter des délais courts pour se faire une place sur ces marchés à potentiel lucratif. Résidents/Expatriés : Dans certains pays océaniens où sont implantées de grandes organisations bailleurs de fonds et des organisations de coopération régionale, le nombre d’expatriés, déjà élevé, ne cesse de croître. Ces consommateurs aiment acheter des produits locaux pour équiper leur maison et faire des cadeaux à leurs amis et à leurs proches. Toutefois, comme nombre d’entre eux sont des férus de voyage, leurs attentes sont élevées, que ce soit en termes de qualité ou de design. Diaspora : Les diasporas océaniennes sont présentes partout dans le monde. L’Australie, la NouvelleZélande et la côte ouest des États-Unis sont la destination de nombreux Océaniens, qui gardent des liens très forts avec leur terre natale. Certains pays insulaires, tels que les Tonga, exploitent déjà ce marché lucratif lors de festivals et de voyages d’échanges, qui sont l’occasion pour les émigrés de revenir au pays une fois par an. Toutefois, l’absence de structure du marché et le caractère ponctuel des ventes laissent entrevoir une grande marge d’expansion. En tablant sur un développement intelligent des produits, un renforcement de la promotion et des réseaux, et un perfectionnement des compétences de gestion (en particulier en matière de fixation des prix), les producteurs peuvent espérer de meilleures recettes. ANALYSE SWOT DES INDUSTRIES CULTURELLES L’analyse SWOT, selon son acronyme anglais, est une méthode rigoureuse d’évaluation des forces (Strengths) et faiblesses (Weaknesses) d’une industrie, ainsi que des opportunités (Opportunities) et menaces (Threats) qui se profilent dans un secteur particulier. Les forces et les faiblesses désignent les facteurs endogènes, c’est-àdire ceux sur lesquels les acteurs de l’industrie peuvent agir. Quant aux opportunités et aux menaces, elles correspondent aux facteurs exogènes avec lesquels l’industrie doit composer. La consultante a développé une analyse SWOT des industries culturelles du Pacifique sur la base des informations présentées dans l’état des lieux des industries culturelles de la région dressé par Helene George et Letila Mitchell (George and Mitchell 2010), ainsi que des données qu’elle a elle-même collectées dans le cadre de ses travaux de recherche documentaire et appliquée. Cet exercice a été réalisé afin de distinguer et de hiérarchiser d’une manière systématique les éléments susceptibles de contribuer au développement des industries culturelles océaniennes, et ceux qu’il convient de corriger en élaborant des programmes ou des politiques. L’analyse 30 n’est pas exhaustive, mais elle permet de mettre en évidence les principaux facteurs entrant en ligne de compte dans chacune des catégories. Figure 4: Matrice d’analyse SWOT des industries culturelles océaniennes Forces des industries culturelles océaniennes Diversité : L’Océanie est une région riche de diversité et de variété, qui recèle d’innombrables biens et services culturels. Dans les secteurs de l’artisanat, de la musique, de la danse et d’autres pratiques culturelles, ce potentiel de diversité pourrait se traduire par une large gamme de produits correspondant aux goûts des acheteurs. Bien que cette diversité ne soit pas mise à profit pour le moment, elle est susceptible de favoriser l’innovation dans le marchandisage des collections destinées à l’exportation, notamment des produits artisanaux, qui, bien souvent, ont plus de succès lorsqu’ils font appel à la technologie multimédia et sont commercialisés de manière judicieuse au sein de collections originales et fascinantes. Cela s’applique également à l’industrie de la musique. La mondialisation a créé une demande pour des musiques plus complexes, qui s’inspirent de diverses traditions. L’essor du mixage (qui consiste à mélanger des échantillons de musique et à les mixer de façon à créer un titre original) a favorisé l’intégration des musiques du monde dans le marché de la musique pop. Richesse culturelle : Avec 22 pays, des milliers de langues et autant de traditions, l’Océanie se caractérise par un patrimoine culturel très riche, dans lequel les artistes peuvent puiser leur inspiration. De fait, Albert Wendt, un écrivain samoan, a noté que le Pacifique offre une plus grande diversité de cultures que les autres régions du monde (Synexe Consulting 2010). Cette diversité favorise un environnement créatif dans lequel les artistes peuvent constamment trouver de nouvelles inspirations. En l’a bsence d’une gestion efficace de la propriété intellectuelle, les artistes doivent sans cesse innover et créer de nouveaux produits pour survivre. Cette richesse culturelle de la région océanienne est un des grands atouts de l’industrie. 31 Tourisme : L’attrait touristique du Pacifique Sud constitue sans doute la plus grande force de la région. Comme indiqué précédemment, la région a accueilli 11,6 millions de touristes étrangers en 2010, et le secteur a généré 33,5 milliards de dollars des É.-U. de recettes en 2009. Ce sont les petites îles qui ont induit cette croissance à l’échelon régional, nombre d’entre elles enregistrant une hausse des arrivées égale ou supérieure à 10 % (UNWTO 2011). Bien qu’il ne s’agisse pas d’un marché d’exportation traditionnel, le tourisme permet d’engranger des devises fortes dans la région. Il offre également un terrain pour tester des produits et des pratiques, en vue d’évaluer leur potentiel sur les marchés d’exportation traditionnels. En outre, lorsqu’ils sont bien conçus et de qualité, les souvenirs achetés en Océanie et ramenés par les touristes dans leur pays d’origine sont susceptibles de favoriser la diffusion des produits océaniens sur les marchés à l’exportation et, finalement, d’accroître la demande. Diasporas : En Australie, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis, les diasporas offrent d’importants débouchés aux producteurs culturels. Les produits traditionnels font recette auprès de ce type de consommateurs, et la qualité et la conception du produit priment moins que sur les marchés d’exportation traditionnels. Il est facile de toucher ces diasporas, car de nombreuses personnes rentrent dans leur pays d’origine dans le but explicite d’acheter des biens culturels, qu’ils ramènent ensuite dans leur pays de résidence. La mise en place de circuits de distribution bien structurés serait très profitable aux producteurs culturels. Entreprises pionnières : Bien que la majorité des industries culturelles commencent tout juste à exporter leurs produits, une poignée d’entreprises compétitives ont déjà réussi à se faire une place sur les marchés à l’exportation. C’est notamment le cas de TAV, une maison de couture des Îles Cook, qui imagine, confectionne et exporte des lignes de vêtement. Dans le secteur de la musique, Laisa Vulakoro, une chanteuse de pop fidjienne, s’est également fait connaître sur la scène internationale et a contribué à accroître la popularité du vude, un genre musical originaire des Fidji, mêlant disco, rock, country et musique insulaire. Faiblesses des industries culturelles océaniennes Irrégularité de la production : Malgré le nombre de producteurs culturels en Océanie, il est difficile de maintenir des niveaux de production stables. Étant donné que bien des producteurs, en particulier dans le secteur de l’artisanat, vivent dans des zones rurales, leurs activités sont rythmées par les traditions et la vie de leur village. Un événement inattendu au sein du village peut interrompre la production, ce qui entraîne des dépassements de délais et le mécontentement des acheteurs. L’absence de planification à long terme au niveau des communautés rurales signifie que les producteurs ne voient pas forcément la nécessité d’accroître leur production à l’approche de la haute saison. Ces efforts de planification pourraient permettre d’améliorer la capacité de production, mais ils doivent être coordonnés par un gestionnaire chevronné. Manque d’innovation dans la création : En règle générale, les industries culturelles, notamment les secteurs de l’artisanat et des arts plastiques, souffrent d’un manque d’innovation dans la création. Les producteurs ont aujourd’hui tendance à recréer toujours les mêmes produits, et les articles proposés se ressemblent beaucoup d’un producteur à l’autre. Pour pouvoir se vendre sur n’importe quel marché (touristique ou d’exportation), les produits artisanaux doivent être bien conçus et respecter les tendances qui se dégagent sur les marchés cibles. La diversification des produits proposés (par les différents producteurs) est la clé du succès. Dans le secteur du tourisme, les visiteurs auront davantage de chances d’acheter plusieurs articles, si un choix de produits leur est proposé. Il en va de même sur le marché de l’exportation. Les acheteurs en gros rechercheront des lignes et des collections variées, qui reflètent l’éventail de compétences et de modèles que les producteurs ont à offrir. 32 Dans le secteur de l’artisanat, l’un des principaux facteurs qui induit le manque d’innovation dans la création est le nombre limité de créateurs à l’échelon local. Il s’agit d’une lacune majeure dans la chaîne de valeur du secteur artisanal océanien, qui doit être comblée afin de dynamiser les ventes sur les marchés locaux et d’exportation de façon durable. Dans le secteur des arts plastiques, il existe une quantité d’artistes qui créent une multitude de produits, mais la plupart se concentrent sur la peinture ou le dessin en deux dimensions. L’avant-garde artistique est peu développée, alors qu’elle est essentielle pour faire évoluer la perception de l’art océanien. Frilosité à l’égard des risques : L’une des principales raisons qui expliquent l’irrégularité de la production et le manque d’innovation dans la création en Océanie est que les gens n’ont généralement pas l’esprit d’entreprise ou le goût du risque. Cette frilosité à l’égard du risque empêche les producteurs de prendre les risques nécessaires pour développer leur activité. Lorsqu’il s’agit de contracter un emprunt, de participer à un salon professionnel, d’acheter des matières premières ou d’essayer de nouveaux modèles n’ayant jamais été testés, les producteurs refusent généralement de prendre un petit risque au départ, alors qu’il pourrait être payant par la suite. Le manque d’esprit d’entreprise explique également l’absence de structure d’exportation dans ce secteur et le manque de compétences professionnelles. Absence de structure spécialisée dans l’exportation : La frilosité des Océaniens à l’égard du risque est ce qui explique l’absence de structure d’exportation dans la chaîne de valeur des industries culturelles. À quelques exceptions près (comme l’Art Street Gallery en Papouasie-Nouvelle-Guinée), il n’existe aucune entreprise privée spécialisée dans l’exportation. Pour pouvoir pénétrer les marchés à l’exportation, il est nécessaire de créer des entreprises locales capables de communiquer avec les acheteurs souhaitant importer, de passer commande auprès des producteurs, de veiller au contrôle de la qualité, d’expédier les produits, d’accomplir les formalités douanières et de percevoir et redistribuer l’argent. Tant que ce secteur ne sera pas développé, les possibilités d’exportation à long terme resteront très faibles. Manque de compétences professionnelles et de systèmes de soutien : Les marchés à l’exportation sont complexes et concurrentiels, et les producteurs des pays développés doivent eux aussi prendre des risques pour les pénétrer. Néanmoins, dans la plupart de ces pays, les chefs d’entreprise peuvent recourir à des systèmes de soutien pour les aider dans cette voie. Dans les pays océaniens, tout comme dans la plupart des pays en développement, les chefs d’entreprise des industries culturelles pâtissent d’un manque de soutien approprié. Souvent, les producteurs eux-mêmes ne possèdent pas de compétences suffisantes en marketing, gestion et finance, ce qui limite leur capacité de négocier des contrats, d’établir des lettres de crédit et de dédouaner les produits. Ce problème se pose également dans le secteur du commerce électronique, dans lequel les petites et moyennes entreprises (PME) se heurtent généralement à des incertitudes juridiques liées aux échanges transfrontaliers. De façon générale, l’accès aux financements peut être difficile, en particulier pour les musiciens, les créateurs et les danseurs qui n’ont aucune garantie matérielle (International Trade Forum 2009). Ces difficultés sont aggravées par la situation politique actuelle de pays tels que les Fidji, où les restrictions économiques ont entraîné une réduction des financements en faveur des arts (Dyce 2008). Le manque de soutien dans le secteur privé peut également freiner la croissance. En Afrique du Sud, par exemple, il existe peu de juristes spécialisés en droit de la musique capables d’aider les musiciens à négocier des contrats, et le manque de capacités des sociétés caribéennes de perception et de redistribution des droits engendre une perte de redevances pour les artistes (Dyce 2008). Droits de propriété intellectuelle : Même les producteurs des pays les plus développés doivent combler des lacunes en matière de gestion et d’application des droits de propriété intellectuelle dans les industries créatives. Pour les producteurs, et en particulier les micro-, petites et moyennes entreprises, ces lacunes ne se 33 traduisent pas seulement par un faible retour sur investissement, elles sont aussi un frein à la création de nouveaux produits. Les producteurs culturels océaniens doivent remédier à l’inadéquation des politiques et à la faible protection des droits de propriété intellectuelle, en innovant sans cesse. Opportunités pour les industries culturelles océaniennes Taille et croissance du marché : Les biens et les services culturels, qui s’inscrivent dans le champ des industries créatives, représentent une formidable opportunité pour le Pacifique. En dépit de la crise économique mondiale de 2008, la demande en biens et services culturels ne fléchit pas. Étant donné que les distances continuent de se rétrécir sous l’effet de la mondialisation et du développement des communications, les pratiques et les biens culturels uniques seront de plus en plus valorisés. Débouchés offerts par le tourisme et les diasporas : Bien qu’à l’heure actuelle, l’accès aux marchés européens à l’exportation soit encore trop difficile pour de nombreux producteurs océaniens, le tourisme et les diasporas offrent beaucoup de débouchés. Sur ces marchés, il est en effet plus facile d’atteindre les consommateurs, car ces derniers se rendent dans les pays d’origine des producteurs, parfois dans le but spécifique d’acheter des produits culturels. Les touristes et les membres des diasporas ont tendance à être moins exigeants quant à la conception et à la qualité des produits, et les producteurs n’ont pas besoin de disposer de compétences professionnelles approfondies pour séduire ces consommateurs. Cependant, plus les producteurs auront de compétences en marketing, conception de produits et gestion, plus ils auront de chances de parvenir à pénétrer ces marchés et à en tirer profit. Technologies : On s’est déjà longuement étendu sur le rôle des technologies dans les industries culturelles. Si les technologies peuvent porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle, elles offrent aussi aux artistes de nombreux débouchés, notamment dans les pays en développement. L’une des opportunités les plus attrayantes pour les artistes océaniens réside dans le fait de pouvoir obtenir facilement des renseignements sur le marché, de promouvoir ou de distribuer des produits numérisés à bas prix et de faire mieux connaître les cultures du Pacifique dans le monde entier. Développement des micro-, petites et moyennes entreprises : En Océanie, le secteur des micro-, petites et moyennes entreprises est très dynamique et joue un rôle moteur dans l’économie, surtout dans les zones rurales. Dans les industries culturelles, ces entreprises présentent un fort potentiel, car elles reçoivent un vrai soutien des pouvoirs publics et bénéficient, par conséquent, de conditions favorables et d’un accès au capital. Accès à l’aide au développement : Ces dernières années, les bailleurs de fonds internationaux s’intéressent de plus en plus au potentiel de la culture comme outil de développement. L’Agence australienne pour le développement international (AusAID), le Programme d’aide néo-zélandais (NZAID) et l’Union européenne (UE) y ont tous trouvé un intérêt dans leur domaine, offrant aux pays océaniens la possibilité de bénéficier du soutien de grands bailleurs de fonds et de financements en faveur du développement des industries culturelles. L’AusAID a ainsi fait des dons à l’association ACTIV de Vanuatu en vue de promouvoir le développement artisanal et a soutenu ce secteur au Laos, en partenariat avec la Banque mondiale. La Nouvelle-Zélande a également soutenu des organisations œuvrant au développement de l’artisanat au Samoa, ainsi qu’un vaste projet dans la soierie impliquant l’ensemble du secteur, au Cambodge. Menaces pour les industries culturelles océaniennes Technologies : Les technologies restent l’une des principales menaces pour les industries culturelles, bien qu’elles constituent aussi l’une des opportunités les plus intéressantes pour ce secteur. L’accès à Internet a 34 facilité le développement du commerce et du marketing en ligne, des techniques simples et peu coûteuses, mais il a également favorisé la contrefaçon de produits, le recours à une main-d’œuvre bon marché et le travail d’usine, ainsi que la vente de produits à bas prix. Par ailleurs, les technologies ont contribué à tirer les prix vers le bas, ce qui, en fin de compte, est une bonne chose pour les consommateurs ; mais les producteurs, notamment ceux qui proposent des produits faits main, ne tirent pas toujours profit de ce modèle de production en série et à moindre coût. Isolement géographique et fragmentation des marchés : Les superbes îles qui composent la région ainsi que leur caractère « exotique » et lointain font du Pacifique une destination touristique de choix. Pourtant, ces mêmes caractéristiques peuvent freiner la croissance du commerce d’exportation. L’isolement géographique des pays de la région entraîne des coûts d’expédition élevés, car les produits doivent être acheminés par voie aérienne, ce qui est très coûteux, ou maritime, ce qui prend beaucoup de temps. L’isolement géographique a également un impact sur le rayonnement de la région à l’échelon mondial. À l’heure actuelle, l’Océanie est peu connue sur le marché mondial, excepté dans le secteur du tourisme ou dans certains cas particuliers (comme Fiji Water). L’éclatement de la région constitue un autre obstacle au développement de pôles créatifs stimulant l’innovation. Les pôles créatifs sont le plus souvent des villes où le secteur des industries créatives est en pleine expansion et très dynamique. Ces pôles contribuent à informer les producteurs et à tenir les artistes au fait des tendances du marché. Secteur guidé par les goûts des consommateurs : Les industries créatives se nourrissent du dynamisme de la culture et de ses spécificités. Les producteurs mettent à profit ces éléments pour créer des produits qui soient fonctionnels et esthétiques. C’est pourquoi les biens et les services culturels suscitent chez le consommateur une réaction à la fois rationnelle et émotionnelle. C’est cette réaction émotionnelle du consommateur face aux biens et aux services culturels qui donne toute leur force aux produits culturels sur les marchés. Pourtant, elle constitue également le plus gros défi auquel se heurtent les producteurs lorsqu’ils créent et commercialisent de tels produits. L’instabilité de la demande est une caractéristique intrinsèque des industries culturelles. Ce secteur doit en effet satisfaire les goûts personnels et culturels des consommateurs. Même si les tendances font l’objet d’analyses, il peut être difficile de savoir à l’avance quels produits auront du succès et quels produits n’en auront pas (UNCTAD 2010: 87). Courte durée de vie des produits : Étant donné que le secteur est guidé par les goûts des consommateurs, la durée de vie des produits est généralement courte. Le renouvellement fréquent des produits exige que les producteurs innovent sans cesse et créent de nouveaux produits. À titre d’exemple, la Recording Industry Association of America estime que l’industrie musicale américaine investit au moins 15 % de ses bénéfices dans la recherche et le développement chaque année, un investissement supérieur à celui réalisé par les industries informatique, chimique et aérospatiale (Nurse 2006: 7). Bien souvent, les produits n’ont de succès que s’ils sont mis sur le marché au bon moment. Le succès d’un nouvel album peut dépendre des tendances du moment dans le monde, et son échec peut être lié à la sortie inopportune d’un album à succès ou très attendu le même jour. Les entreprises doivent investir dans la création de produits, même si les tendances du marché et le calendrier peuvent compromettre leur succès (UNCTAD 2010: 75). Immigration : Bien que ce problème n’affecte généralement pas les secteurs de l’artisanat et de la mode, le succès dans les industries musicale, chorégraphique et plastique peut souvent pousser les grands producteurs culturels à s’expatrier. Étant donné que dans ces secteurs, la reconnaissance, les interprétations ou exécutions en direct, ou l’accès aux lieux d’exposition sont importants, les musiciens, les danseurs et les artistes à succès vont souvent s’établir ailleurs, là où les opportunités sont plus nombreuses et les marchés, plus vastes. En s’expatriant, les producteurs culturels privent la région d’un fer de lance créatif et d’un retour économique (UNCTAD 2010: 42). 35 Cinquième modèle de promotion : L’Afrique du Sud, un nouveau carrefour de la mode En Afrique du Sud, l’industrie de la mode pèse désormais plus de 4,3 milliards de dollars É.-U. En 2008, le pays a accueilli neuf défilés reconnus mondialement. Les principaux facteurs qui ont permis à l’Afrique du Sud de se faire une place dans l’industrie mondiale de la mode sont le soutien ciblé apporté par les pouvoirs publics nationaux, la notoriété des marques de mode sud-africaines sur le marché local et la diversité des maisons de couture, reflétant une multitude de cultures et de styles. Dans ce pays, l’industrie de la mode bénéficie du soutien des pouvoirs publics, au titre du programme national de développement économique. Dans le but spécifique et bien défini de faire de Johannesburg un pôle créatif de renommée internationale, le Service du développement économique de la ville s’est attaché à mener un certain nombre de projets. Concrètement, il a créé un quartier de la mode au sein de la ville et a organisé des concours de mode pour stimuler la création sur le marché. Dans cette ville, l’industrie de la mode se nourrit de la diversité des stylistes, qui s’établissent et se dégagent, et encourage à la fois les maisons de couture et les créateurs individuels. MEILLEURES TECHNIQUES DE PROMOTION DES INDUSTRIES CULTURELLES Les industries culturelles englobent une multitude d’activités économiques et de produits dans le monde. Les paragraphes qui suivent recensent quelques-unes des meilleures techniques de promotion des industries culturelles utilisées dans les pays en développement, et plus particulièrement dans les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). La liste est loin d’être exhaustive, mais elle donne une idée de la palette d’options qui s’offrent aux acteurs des industries culturelles océaniennes. Partenariats régionaux Pour que le Pacifique soit compétitif dans un secteur culturel donné, il est essentiel qu’un ensemble minimal de produits soit proposé aux acheteurs, afin que ceux-ci aient le choix. Sur les marchés de la décoration d’intérieur et de la mode notamment, les amateurs de produits artisanaux apprécient les collections bien conçues de produits faisant souvent appel à des techniques mixtes et dont la conception nécessite tout un éventail de compétences. En rassemblant des produits culturels venant de divers pays océaniens, les entreprises peuvent créer des collections artisanales attrayantes, qui permettront de capter l’attention de différents acheteurs potentiels. Les musiciens et les chorégraphes qui s’inspirent des différentes traditions de la région ont accès à un plus grand nombre de marchés de niche, car ils s’adressent à une audience très diversifiée. Dans un contexte plus large, le fait de relier les entreprises de toute la région permettra de souligner l’abondance des biens et des services culturels dans le Pacifique. Les partenariats régionaux peuvent également permettre de structurer les différents secteurs et d’intervenir au nom des producteurs individuels. La Caribbean Copyright Link est un bon exemple de fédération régionale visant à soutenir les musiciens et les compositeurs. Ce projet commun regroupe quatre organismes de gestion des droits d’auteur et a permis d’accroître les droits perçus de 1,2 million de dollars É.-U. en 1999 à 2,6 millions en 2005. Enrichissement mutuel Les partenariats régionaux sont source d’enrichissement mutuel, un élément vital pour les industries créatives. Dans les industries culturelles, on parle d’enrichissement mutuel lorsque deux traditions, dessins, motifs ou autres éléments distincts sont réunis de manière à former un nouveau bien ou service culturel. C’est de cette façon que naissent la plupart des grands genres musicaux : le jazz est issu d’un brassage de musique populaire américaine et de rythmes africains, et le reggae est le fruit de l’évolution du ska et du rocksteady. 36 La culture n’est pas immuable et son dynamisme dépend de ces possibilités d’enrichissement mutuel au profit de l’innovation et du changement. Bien que, la plupart du temps, cet enrichissement mutuel se fasse naturellement, les pouvoirs publics et les organisations artistiques peuvent encourager le partage et l’échange d’idées culturelles. Les biennales internationales d’art constituent, par exemple, des occasions de partager et d’échanger des idées de manière systématique ainsi qu’un espace privilégié de promotion pour les artistes individuels. De même, pour le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Festival panafricain de la danse représente un moyen de promouvoir l’enrichissement mutuel en Afrique. Le PNUD a soutenu trois artistes du Ballet national du Rwanda et deux artistes de l’Association des arts créatifs des lacs Victoria et Nyassa, afin qu’ils travaillent avec des membres d’une ONG brésilienne. À l’issue de cette expérience, le groupe a présenté le fruit de son travail dans le cadre du Forum culturel mondial et de la Conférence internationale sur l’économie créative pour le développement, à Rio de Janeiro. Ensemble, ces artistes ont créé plus de 300 pièces, en utilisant diverses techniques de teinture par nœuds, de batik et de sérigraphie (UNCTAD 2010: 36). Ainsi, ils ont acquis différentes compétences et techniques, et ont profité de cette occasion pour lancer leurs produits sur le marché. Partenariats avec le secteur privé Seule une petite poignée de marques venant des pays en développement sont capables d’entrer en concurrence avec Louis Vuitton, Prada et Chanel. Cependant, avec le soutien et l’aide de ces sociétés mondialement connues, les chefs d’entreprise des pays en développement peuvent utiliser les grandes marques pour pénétrer les marchés internationaux. La collaboration entre Louis Vuitton et Edun, une maison fondée par Bono, le chanteur du groupe U2, et sa femme, est un exemple de partenariat avec le secteur privé. Ensemble, les deux marques ont tendu la main à Made, une société éthique qui regroupe des artistes kényans, en vue de créer une nouvelle collection qui évoque les origines africaines de l’homme. Cette collection a remporté un franc succès et a bénéficié de l’image de marque de Louis Vuitton ainsi que de la célébrité de Bono. Partenariats avec le secteur public Les chefs d’entreprise des pays en développement n’ont pas tous la chance d’être choisis personnellement par Bono. Néanmoins, un grand nombre d’organisations multilatérales de développement financent des programmes visant à développer les industries culturelles. En 2008, le Centre du commerce international (ITC), organisme conjoint de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et des Nations Unies, a fait appel aux leaders de la mode européenne afin d’évaluer le potentiel commercial des producteurs africains de sacs et d’accessoires. Max&Co, une maison de mode italienne, a utilisé des échantillons pour créer une collection de sacs et de foulards provenant d’Ouganda et du Kenya. Cette collection a fait fureur, mais celle-ci n’aurait pu voir le jour sans la collaboration et le soutien de l’ITC (l’ITC a également apporté aux producteurs des compétences en matière de création d’entreprises) (Cipriani 2009). Dans le monde, de nombreux organismes soutiennent le développement des PME et les industries culturelles des nations en développement : le PNUD, la Banque mondiale, l’ITC, EuropeAid, le Secrétariat du Commonwealth et l’USAID, pour n’en citer que quelques-uns. Cela dit, il est également important que les industries culturelles bénéficient d’un soutien à l’échelon national. Les pouvoirs publics doivent mettre en place des politiques de développement des industries culturelles et des exportations, pour stimuler le secteur culturel dans leur pays. Dans le cas des six étoiles montantes de la mode (mentionnées précédemment), le soutien public a joué un rôle de premier plan dans cinq pays. Dans l’industrie de la mode sud-africaine, le soutien public a conditionné l’essor de ce pays en tant que carrefour de la mode (voir Modèle de promotion ci-dessus pour plus de détails) (Grail Research 2009: 12). 37 Dans le cadre des partenariats avec les secteurs privé et public, les producteurs doivent passer par des intermédiaires, qui les mettent en relation avec les grandes sociétés occidentales et renforcent leurs compétences professionnelles. Ces intermédiaires apportent un capital social et financier aux partenariats en faveur des entreprises des pays en développement. Des marchés nationaux aux marchés à l’exportation La croissance des marchés nationaux, notamment des marchés locaux et touristiques, est une étape essentielle dans le développement de secteurs d’exportation profitables. Les marchés nationaux contribuent à financer la production et permettent, par conséquent, d’absorber les produits qui ne marchent pas et de développer les compétences professionnelles des producteurs, tout en présentant moins de risques que les marchés à l’exportation. Par ailleurs, les marchés touristiques permettent aux producteurs de tester leurs produits en investissant moins d’argent dans la distribution et de recueillir directement les réactions des consommateurs des marchés d’exportation. Ils peuvent également permettre de renforcer la présence d’un pays sur les marchés à l’exportation. Ce n’est qu’après que les marques de mode locales ont gagné en notoriété sur les marchés nationaux que l’industrie de la mode sud-africaine a acquis une renommée internationale. Festivals Les festivals constituent un facteur déterminant de l’économie nationale. Au Brésil, en Colombie, à Cuba et à la Trinité-et-Tobago, les carnavals génèrent des retombées économiques et culturelles à l’échelon national. Sur le plan économique, les festivals ont des retombées considérables, notamment des avantages commerciaux directs en ce qui concerne les interprétations ou exécutions en direct et enregistrées, ainsi que des avantages indirects liés aux recettes touristiques. Sur le plan culturel, ils permettent de pousser les musiciens et les danseurs de chaque pays sur le devant de la scène internationale. Les festivals tiennent également lieu d’incubateur ou de banc d’essai en permettant aux artistes de tester de nouveaux produits, et aux chefs d’entreprise, d’acquérir des compétences professionnelles. Au Brésil, le carnaval génère un chiffre d’affaires annuel d’environ 600 millions de dollars É.-U. et constitue une source d’emploi pour près d’un demi-million de personnes (UNCTAD 2010: 39). Cependant, pour que les festivals entraînent de telles retombées économiques, il est nécessaire de les « vendre » de façon judicieuse et de proposer des produits culturels qui répondent aux besoins des marchés cibles. Stratégie de marque La stratégie de marque reste le pilier de la promotion traditionnelle et joue un rôle de plus en plus important dans la différenciation des produits et des entreprises dans toutes les industries. Un nombre croissant de consommateurs font de plus en plus attention à leur statut et à la mesure dans laquelle les produits et services peuvent contribuer à renforcer ce statut (une tendance appelée « statusphère » par Trendwatching.com). Les marques de luxe, les marques écologiques, les marques locales et les marques de l’information attisent toutes la volonté du consommateur de paraître riche, respectueux de l’environnement, amateur de produits locaux ou constamment informé. Une stratégie de marque peut donc permettre de pousser une petite entreprise peu connue sur le devant de la scène internationale. La stratégie de marque peut être appliquée à différents échelons, notamment au niveau régional, national, sectoriel ou entrepreneurial. La renommée d’une entreprise ou d’un secteur peut permettre de rehausser l’image d’un pays, et vice-versa (UNCTAD 2010:50). Le Pacifique pourrait repenser et exploiter ses marques touristiques pour se forger une image de région riche de diversité culturelle et d’intérêt. Il n’en reste pas moins que la valorisation de la marque à tous les niveaux requiert un investissement considérable. L’image de marque doit incarner l’essence de l’entreprise et non se contenter de décrire le produit. De plus, elle devrait être considérée comme une promesse que l’entreprise fait au consommateur. C’est pourquoi les sociétés devraient consacrer du temps à leur image de marque, de façon à formuler des promesses réalistes. 38 Stratégies de promotion innovantes Bien que de nombreuses industries culturelles utilisent les circuits de commercialisation traditionnels (encore aujourd’hui, 92,9 % des ventes du secteur de l’habillement sont réalisées dans des magasins traditionnels), il peut être profitable pour les producteurs d’associer des méthodes de promotion traditionnelles et des stratégies innovantes. Les points évoqués ci-après constituent des exemples de stratégies de promotion innovantes qui ne peuvent être considérées comme les meilleures techniques, car la plupart d’entre elles sont encore trop récentes pour être évaluées. Il s’agit plutôt d’activités pouvant éventuellement être intégrées dans des stratégies de promotion plus traditionnelles. Cocréation : Décelée par Trendwatching.com comme une tendance à observer, la cocréation (aussi appelée customer-made) désigne une approche unique selon laquelle les producteurs et les consommateurs créent un produit ensemble. Voici la définition qu’en donne Trendwatching.com : Pratique commerciale consistant à créer des biens, des services et des expériences, en étroite collaboration avec des consommateurs avertis et créatifs, et à exploiter le capital intellectuel de ces derniers, en leur donnant voix au chapitre (et en les rémunérant) en échange de ce qui est réellement produit, fabriqué, développé, conçu, proposé ou transformé (Trendwatching.com 2011). Les produits ainsi créés suscitent l’intérêt des consommateurs et renforcent la notoriété de la marque et du produit final, grâce aux réseaux sociaux et à la couverture médiatique. Le fait d’inclure les consommateurs dans le projet permet également de vendre la marque et le produit final via leurs propres circuits commerciaux et réseaux sociaux. Traçabilité affective : Dans l’ère de l’information, les consommateurs sont désireux d’obtenir le maximum de renseignements sur les produits et les expériences qui leur sont proposés. Ils désirent savoir qui a élaboré leur repas, d’où viennent les aliments qui le composent et comment ceuxci ont été acheminés jusqu’à leurs magasins locaux. Dans les industries culturelles, ce désir est encore plus vif. L’intérêt que suscitent les produits et services culturels réside souvent dans la singularité du produit ou l’histoire de l’artiste qui l’a créé. Cependant, lorsque les producteurs et les biens sont séparés sur les marchés à l’exportation, il est plus difficile d’obtenir ces renseignements. Pour remédier à cette situation, les producteurs ont commencé à « marquer » leurs produits de leur empreinte. Sixième modèle de promotion : L’opposition technologies/tradition dans la musique En dépit de la généralisation du piratage sur Internet, un grand nombre de musiciens utilisent le Web et les services de musique en ligne pour se faire connaître sur le marché. En 2008, Das Racist, un groupe de rap de New York, est devenu célèbre en diffusant sur youtube.com son clip phare ‘Combination Pizza Hut and Taco Bell’. La renommée qu’il a acquise sur Internet a permis à ce groupe de distribuer deux albums gratuitement en ligne, en 2010. MTV a placé Das Racist parmi les 25 meilleurs nouveaux groupes du monde et Rolling Stone Magazine a classé le titre ‘Sit Down, Man‘parmi les 50 meilleurs singles de 2010. Le groupe prévoyait de sortir son premier album payant fin 2011, en ayant déjà une foule de fans prêts à l’acheter. En revanche, certains groupes préfèrent utiliser des stratégies de promotion traditionnelles pour acquérir une popularité et se voir proposer un contrat par une grande maison de disques. Menwhopause, un groupe de rock indien qui s’est formé en 2001, s’est fait connaître petit à petit, en utilisant essentiellement des méthodes de promotion classiques. En 2007, le groupe a assisté au festival South by Southwest, le plus grand rendez-vous des professionnels de l’industrie musicale mondiale, participé à des concours internationaux, ce qui lui a valu le prix Jack Daniels du meilleur groupe de l’année 2007, et effectué des tournées en Inde et aux États-Unis. En 2008, le groupe a finalement signé un contrat avec EMI/Virgin Records India, qui a produit son second album et parrainé sa première tournée nationale en Inde. Le premier album du groupe, financé et produit de façon indépendante, a eu peu de succès, mais le second, financé et enregistré sous le label EMI/Virgin, est resté en tête du hit-parade indien au cours des premiers mois qui ont suivi sa sortie. 39 Les technologies contribuent pour beaucoup à rapprocher les producteurs des consommateurs, par le biais de la traçabilité affective. En ayant recours à la radio-identification (RFID), au code-barres ou au code QR, les producteurs ont la possibilité de mettre à la disposition des consommateurs des informations sur l’histoire du produit. Ainsi, le groupe Borges attribue à chacune de ses bouteilles d’huile d’olive un numéro de lot permettant au consommateur d’obtenir des renseignements sur l’origine géographique des olives, la date de pression, le nom du producteur, le lieu de pression, ainsi que sur la dominante et les notes de dégustation. Cette technique convient parfaitement aux industries culturelles, qui sont riches d’histoires fascinantes au sujet des traditions, des producteurs, des lieux et des procédés. Les consommateurs recherchent de plus en plus des produits authentiques et singuliers ayant une histoire. Le fait de leur donner des explications sur l’histoire d’un produit culturel permettra d’accroître sa présence sur le marché et l’intérêt qu’il suscite. Par ailleurs, les producteurs culturels et les vendeurs peuvent créer des étiquettes radio, des codes-barres et des codes QR uniques qui, lorsqu’ils sont lus (généralement à l’aide de lecteurs mobiles), permettent d’orienter les acheteurs potentiels vers une page Web interactive sur le produit et ses producteurs. Ces codes peuvent accompagner les supports de promotion touristiques, être affichés dans les restaurants, les hôtels ou les sites touristiques, ou encore figurer sur des affiches, afin de faire mieux connaître les produits et les producteurs culturels. Services d’abonnement : Les abonnements aux magazines et les services de livraison à domicile ne sont pas des stratégies nouvelles. C’est le fait de les associer qui est nouveau. Par exemple, Canadian Papirmasse livre une reproduction artistique chaque mois à ses abonnés, tandis qu’Alula, une société implantée aux États-Unis, propose à ses abonnés quatre œuvres d’art textiles en édition limitée par an. Turntable Kitchen, une société américaine, a adopté une stratégie de promotion unique fondée sur des services d’abonnement, en faisant rimer cuisine avec musique. Chaque mois, les consommateurs reçoivent une recette, des ingrédients sélectionnés et emballés, ainsi qu’un accompagnement musical enregistré sur une clé USB. Cette technique permet de faire une promotion croisée et de solliciter plusieurs des cinq sens des consommateurs (marketing sensoriel). Les associations de produits dans les industries culturelles sont très nombreuses. Il est possible d’associer des musiques et des reproductions artistiques et de les envoyer aux abonnés, afin de leur faire connaître plusieurs genres culturels océaniens. Cette stratégie de promotion permet aux artistes et aux musiciens de conquérir de nouveaux marchés, tout en conservant une source de revenus stable, alimentée par des produits plus modestes et moins coûteux. Technologies : Bien que les technologies tiennent une place importante dans nombre de stratégies de promotion innovantes mentionnées précédemment, elles peuvent être considérées comme une menace pour les industries culturelles, en particulier pour le secteur musical. Pourtant, de nombreux musiciens finissent par s’y convertir. Le partage illicite de fichiers musicaux constitue l’un des plus gros problèmes auxquels sont confrontés les musiciens. Pour le contourner, Madonna a décidé de distribuer son dernier album gratuitement en ligne. Au lieu de continuer à tirer l’essentiel de ses revenus de la vente d’albums, la chanteuse a mis un terme au contrat qu’elle avait signé avec une maison de disques pour se tourner vers une société de production. Elle s’est alors attachée à organiser sa tournée la plus grandiose. En distribuant leurs musiques gratuitement, les musiciens ont la possibilité d’embrasser un marché plus large, tout en tirant leurs revenus des concerts, plutôt que de la vente d’albums. Cette stratégie peut être mise en œuvre dans d’autres secteurs. Le site de style Kuvva.com acquiert des fonds d’écran auprès de graphistes et d’artistes en vue d’habiller les comptes Twitter et les ordinateurs des utilisateurs. Kuvva propose à ces derniers de s’inscrire pour pouvoir « styliser » leur ordinateur ou leur compte Twitter. Ce site a été partagé par 1,6 million d’utilisateurs de Twitter et a vu sa taille quadrupler depuis son lancement. Les artistes qui y apportent leur contribution ont de cette façon la possibilité d’acquérir une notoriété au niveau mondial, notoriété qui pourrait déboucher sur des ventes dans le futur. 40 Financement participatif : La création de produits et la promotion des biens culturels sont souvent des processus coûteux et très longs. Pour supporter les coûts induits par la création et la promotion, les producteurs créatifs se tournent de plus en plus vers le grand public. Le Web et des plateformes avantageuses telles que Microfundo.com et Indiegogo.com ont effectivement permis à différents chefs d’entreprise d’entrer personnellement en relation avec des particuliers prêts à investir. Les particuliers peuvent ainsi investir dans de nouvelles entreprises par le biais d’une plateforme en ligne et partager les profits du projet. Parfois, un chef d’entreprise sollicite l’avis et les conseils de ses investisseurs (voir Cocréation ci-dessus), créant ainsi des liens directs entre entreprises et consommateurs4. Kickstarter.com est l’un des plus grands sites de financement participatif essentiellement dédiés aux projets créatifs. L’un de ces projets, appelé Rabbit Island, consistait à créer une résidence d’artistes sur une île du lac Supérieur (États-Unis). Pour cela, ses fondateurs avaient besoin de bâtir les infrastructures de base requises sur l’île, d’acheter un bateau et de couvrir les dépenses locales de fonctionnement. Alors que leur but était de réunir seulement 12 500 dollars, ils ont récolté 14 840 dollars auprès de 189 mécènes. Les catégories de contribution variaient de 10 dollars à 6 000 dollars, différentes contreparties ayant été accordées aux investisseurs (du fourre-tout sérigraphié au choix du nom du bateau, en passant par l’octroi du statut de membre campeur officiel) (Kickstarter.com 2011). 4 Pour tout complément d’information sur les sites de financement participatif et leurs conditions, veuillez consulter la page suivante : http://blog.webdistortion.com/2010/07/18/9-crowdfunding-websites-to-help-you-change- the-world/ 41 DEUXIEME PARTIE : POLITIQUES ET ACCORDS COMMERCIAUX APPLICABLES AUX INDUSTRIES CULTURELLES POLITIQUES ET ACCORDS COMMERCIAUX Les politiques et les accords portant sur le commerce national, régional et international peuvent contribuer sensiblement à l’essor des échanges commerciaux de biens et de services culturels au sein et au départ de la région océanienne. Il existe dans le Pacifique trois accords commerciaux régionaux visant à intensifier le commerce infrarégional : l’Accord commercial entre les pays insulaires du Pacifique (PICTA), l’Accord de rapprochement économique entre les pays océaniens (PACER) et l’Accord régional de coopération commerciale et économique dans le Pacifique Sud (SPARTECA). Les pays océaniens planchent actuellement sur PACER+, accord qui inclut l’Australie et la Nouvelle-Zélande dans le but d’étendre le régime de libre-échange à toute la région Pacifique. Par ailleurs, l’UE est depuis 2008 en pourparlers avec les pays du Pacifique dans l’optique d’établir un Accord de partenariat économique (APE) en lieu et place de l’Accord de Cotonou/Convention de Lomé. La présente analyse vise à présenter sous un éclairage nouveau la façon dont on pourrait utiliser ces accords en devenir pour promouvoir le commerce et le développement des industries culturelles dans le Pacifique. Il faut toutefois préciser que les industries culturelles ne figurent généralement pas parmi les premiers secteurs concernés par les accords commerciaux internationaux. Le plus souvent, les politiques nationales, les analyses précises des marchés et la conception des produits jouent un rôle bien plus important dans la réussite ou l’échec des industries culturelles qui tentent de percer sur les marchés à l’exportation. Pour faciliter le commerce des biens et des services culturels, on dispose de deux grandes catégories de mesures de politique générale : les mesures tarifaires et les mesures non tarifaires. La mise au point et l’application de mesures non tarifaires restent une option importante pour les industries culturelles, et il convient d’en évaluer le pour et le contre. Parmi les mesures non tarifaires, les prescriptions relatives au contenu d’origine locale, à l’étiquetage, à la mise sur le marché, au conditionnement et aux droits de propriété intellectuelle peuvent influencer de façon décisive l’application concrète d’un accord commercial dans les secteurs culturels. Avant d’entrer dans le détail des politiques et accords commerciaux en vigueur et en projet, il convient de réitérer que les politiques nationales jouent un rôle central dans le développement des industries culturelles. L’existence de politiques nationales énergiques en faveur de la culture peut permettre de jeter des bases solides et de bâtir l’infrastructure nécessaire pour que les industries culturelles prospèrent, y compris via l’affectation directe ou indirecte de fonds publics à la stimulation du commerce culturel. Au sein de l’UE, par exemple, les dépenses publiques engagées dans le secteur de la culture ont atteint quelque 50 milliards d’euros en 2008 (UNCTAD 2010:209). Dans le Pacifique, les politiques nationales doivent être améliorées à plusieurs égards : augmentation des crédits affectés au développement des secteurs culturels, accélération du dédouanement des marchandises d’exportation aux ports et aux douanes, accélération et simplification des inspections et des formalités administratives, et recherche de solutions à la pénurie (ou au coût prohibitif) des matières premières de qualité. Approche du commerce dans les industries culturelles de l’UE Depuis 1947, les relations économiques qu’entretient officiellement l’UE avec le reste du monde sont régies par l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Les négociations et les accords conclus à ce titre ont donné naissance en 1995 à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), créée pour contribuer à réglementer le courant des échanges et superviser la mise en œuvre d’accords tels que le GATT (World Trade Organization 2012). En 2000, l’UE et les pays ACP ont noué des relations privilégiées en signant l’Accord de Cotonou, visant à développer et à libéraliser les échanges entre l’UE et les 79 États du 42 groupe ACP (European Commission 2011). En 2008, l’UE a décidé de remplacer l’Accord de Cotonou par une multitude d’APE négociés individuellement avec les différents pays ACP ou collectivement avec des sous-régions du groupe (Overseas Development Institute 2008). Tels qu’ils s’appliquent aux industries culturelles, les APE offrent davantage de perspectives de développement et une plus grande marge de manœuvre pour élaborer des politiques portant spécifiquement sur les échanges commerciaux culturels. Toutefois, ils viennent substituer un régime temporaire de libre-échange réciproque entre les pays océaniens et l’UE aux arrangements commerciaux préférentiels nés de l’Accord de Cotonou. D’après l’UE, les avantages pour le Pacifique sont les suivants : accès renforcé aux marchés de l’UE, amélioration de la capacité de production, possibilités de formation et renforcement de la transparence politique. Les volets des APE intéressant les producteurs et les prestataires de services des pays ACP sont notamment les suivants : • accès en franchise de droits aux marchés de l’UE, sans restrictions quantitatives ni droits à acquitter pour les exportations vers l’UE ; • élargissement des marchés régionaux ; • ouverture progressive des marchés des pays ACP aux importations de l’UE et protection permanente de 20 % des marchandises dans les secteurs de l’économie les plus fragiles ; • accroissement des possibilités offertes par l’UE en matière de développement lié au commerce ; et • engagement de réformes plus vastes visant à renforcer les lois, à attirer les investisseurs locaux et étrangers et à créer des conditions propices aux échanges commerciaux (European Commission: Trade 2011). Du côté des industries culturelles, les volets des APE revêtant le plus de pertinence et d’importance sont les suivants : • des règles d’origine simplifiées et plus souples, susceptibles de dynamiser sensiblement les secteurs de l’artisanat, des arts plastiques et de la mode ; • des dispositions mode 4 autorisant l’entrée et le séjour temporaire de personnes physiques au sein de l’UE pour le lancement d’une activité commerciale (voir analyse CARIFORUM-UE ci-dessous pour plus de détails) ; • une réduction des tarifs applicables aux biens culturels (hormis ceux de l’audiovisuel) ; et • un assouplissement des mesures non tarifaires, notamment des formalités administratives pour les exportations et des prescriptions douanières et portuaires. Bien que les APE aient été conçus pour accroître le commerce des pays en développement vers l’Europe, la réduction progressive des tarifs applicables aux exportations européennes aura également une incidence sur les économies des pays en développement. Certains pays craignent une inondation des marchés nationaux par des marchandises importées d’Europe si le régime commercial préférentiel instauré par l’Accord de Cotonou est abandonné au profit d’un régime de libre-échange. C’est d’autant plus préoccupant pour les industries culturelles du Pacifique que la balance commerciale de la région reste déficitaire dans les secteurs de la création (les importations sont supérieures aux exportations) et que les consommateurs locaux préfèrent la mode et la musique occidentales. En outre, certains pays estiment que la perte des recettes tarifaires découlant de la mise en place d’un APE aura des retombées néfastes sur leur économie. Les effets particuliers que pourraient avoir les APE dans chacun des cinq secteurs concernés sont décrits succinctement dans le tableau 1. 43 Tableau 1 : Effets possibles des APE sur les différentes industries culturelles du Pacifique Effets possibles des APE sur les différentes industries culturelles du Pacifique Secteur Artisanat Tarifs • Prix réduits sur les marchés de l’UE • Marchés nationaux potentiellement affectés par des produits moins chers en provenance de l’UE Mesures non tarifaires Mesuresdes • Amélioration procédures de dédouanement •Assouplissement des règles d’origine • Accès à des fonds, à l’investissement et à la formation Importations Mode 4 • Matériaux de finition et d’emballage importés moins chers • Possibilité de • Matières • Possibilité de bénéficier d’un régime amélioré de libre circulation des personnes pour se rendre à des foires commerciales au sein de l’UE Arts plastiques • Le facteur prix n’est généralement pas déterminant dans le secteur des arts plastiques • Amélioration des Mode • Prix réduits sur les • Amélioration des • Matières • Possibilité de marchés de l’UE • Marchés nationaux potentiellement affectés par des produits moins chers en provenance de l’UE procédures de dédouanement •Assouplissement des règles d’origine • Accès à des fonds, à l’investissement et à la formation • Renforcement des droits de propriété intellectuelle premières importées moins chères et largement distribuées • Accès à de nouvelles matières premières bénéficier d’un régime amélioré de libre circulation des personnes pour se rendre à des événements de mode dans l’UE • Nouvelles possibilités d’étudier dans les pays de l’UE • Accès à des fonds, à • Concurrence accrue • Possibilité de Danse procédures de dédouanement •Assouplissement des règles d’origine • Accès à des fonds, à l’investissement et à la formation • Renforcement des droits de propriété intellectuelle l’investissement et à la formation • Accords de coproduction Musique • Prix réduits sur les marchés de l’UE • Marchés nationaux potentiellement affectés par des produits moins chers en provenance de l’UE • Accès à des fonds, à l’investissement et à la formation • Accords de coproduction • Renforcement des droits de propriété intellectuelle premières importées moins chères et largement distribuées des productions européennes bénéficier d’un régime amélioré de libre circulation pour se rendre à des biennales et autres événements au sein de l’UE • Nouvelles possibilités d’étudier dans les pays de l’UE bénéficier d’un régime amélioré de libre circulation des personnes pour se produire dans l’UE • Nouvelles possibilités d’étudier dans les pays de l’UE • Matériel • Possibilité de d’enregistrement disponible à prix réduits • Concurrence accrue de musique enregistrée dans l’UE • Diffusion dominée par la musique de l’UE bénéficier d’un régime amélioré de libre circulation des personnes pour se produire dans l’UE • Nécessité de réfléchir à la façon d’inclure les tournées autoorganisées 44 Accords commerciaux dans le Pacifique PICTA L’Accord commercial entre les pays insulaires du Pacifique (PICTA) a été élaboré pendant la période 2005-2006 dans le but d’établir une zone de libre-échange entre les pays membres du Forum des Îles du Pacifique (FIP). Les 12 États qui ont ratifié l’accord se sont engagés à supprimer les droits de douane applicables à la plupart des marchandises à l’horizon 2012. S’agissant des biens culturels (les services sont exclus de l’accord), l’accord PICTA autorise les pays signataires à appliquer des exceptions, excluant ainsi certaines marchandises spécifiques de l’accord (Pacific Island Countries Trade Agreement 2001). Le seul élément de l’accord qui pourrait nuire au commerce des biens culturels est l’exclusion des peintures à l’eau et à l’huile et des vernis-laques par la Papouasie-NouvelleGuinée, ce qui pourrait aggraver la pénurie de matières premières peu coûteuses dont souffrent les plasticiens et entraver leur capacité de production et de vente. Au sein des services publics du pays, le chargé de la culture devrait s’interroger sur les raisons de ces exclusions. PACER Entré en vigueur en 2001, l’Accord de rapprochement économique entre les pays océaniens (PACER) est un accord-cadre entre les pays membres du FIP et l’Australie et la Nouvelle-Zélande. S’il jette les bases générales du développement de la coopération commerciale dans la région, le texte ne contient aucune disposition de fond quant à la libéralisation des échanges. En revanche, il expose une méthode étape par étape pour tendre à ce but, qui se matérialise par des programmes de travail (Pacific Agreement on Closer Economic Relations 2001). À ce jour, l’accord PACER a favorisé l’élaboration de l’accord PICTA, ainsi que de programmes d’assistance au profit des pays membres du FIP dans les domaines de la facilitation des échanges et du renforcement des capacités. Cette assistance leur est fournie par l’intermédiaire du FIP, de la CPS et de l’Organisation des douanes d’Océanie. PACER Plus En cours d’élaboration, le projet d’accord PACER Plus se veut un accord de libre-échange entre les pays membres du FIP et l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Les États océaniens devraient envisager d’inclure dans cet accord commercial des mesures tarifaires et non tarifaires et s’inspirer de l’APE conclu entre les Caraïbes et l’UE (décrit plus loin dans le rapport), étant donné que nombre des questions couvertes par l’APE s’appliquent également aux accords commerciaux entre l’Océanie et ses voisins australien et néozélandais. SPARTECA L’Accord régional de coopération commerciale et économique dans le Pacifique Sud (SPARTECA) est un accord commercial régional entre l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les pays insulaires en développement membres du FIP. Cet accord préférentiel non réciproque donne à certains produits océaniens un accès en franchise de droits et sans restriction aux marchés australien et néo-zélandais (Pacific Islands Forum Secretariat 1996). Cet instrument a joué un rôle crucial dans le développement du secteur des textiles, de l’habillement et de la chaussure aux Fidji. Ce régime d’accès ne s’applique qu’au commerce de marchandises, et plus particulièrement aux produits satisfaisant aux prescriptions relatives aux règles d’origine contenues dans l’accord (Pacific Islands Forum Secretariat 1996). Il est nécessaire que les producteurs des industries culturelles, notamment les plasticiens, aient une meilleure compréhension de ces prescriptions pour tirer un meilleur parti de cet instrument. 45 Accords commerciaux s’appliquant aux industries culturelles des Caraïbes En 2008, les négociations entamées par les 15 pays ACP membres du Forum des Caraïbes (CARIFORUM) et les pays membres de la Communauté européenne (CE) ont abouti à l’adoption d’un Accord de partenariat économique (APE) entre les deux groupes. Remplaçant l’Accord de Cotonou et doté d’un champ d’application plus large, l’APE est un nouveau type d’accord commercial compatible avec les règles de l’OMC. L’APE qui lie actuellement le CARIFORUM et la CE vise à libéraliser le commerce et l’investissement et comprend, pour la première fois, un protocole de coopération culturelle, qui contient des dispositions propres aux secteurs culturels. Bien que l’APE soit en partie inspiré de l’Accord de Cotonou, il accorde une place privilégiée aux questions relatives à l’accès aux marchés. L’APE est sous-tendu par un certain nombre de principes, notamment les suivants : • « soutenir et mettre à profit le processus d’intégration régionale ; • promouvoir les objectifs de développement des pays de la Région, dans le droit fil de leurs stratégies de développement respectives ; • reprendre le principe du traitement spécial et différencié, y compris en incluant des dispositions allant au-delà des mesures proposées actuellement par l’OMC pour éliminer les obstacles qui se posent aux économies vulnérables et de petite taille ; • garder un régime suffisamment souple pour que chaque pays puisse adapter les modalités et calendriers de mise en œuvre, en fonction du contexte national et dans le respect de l’objectif d’intégration régionale ; • intégrer et améliorer les acquis de Lomé et de Cotonou concernant l’accès aux marchés des exportations traditionnelles et non traditionnelles caribéennes ; et • s’engager, par un texte contraignant, à entamer des consultations sur toute question jugée nécessaire afin de préserver les avantages prévus dans l’accord. » (CRNM 2011) Pour ce qui est des industries « créatives » et culturelles, l’APE marque un tournant pour les États caribéens. Dans ce nouveau texte, la CE ouvre son marché à tous les services de divertissement, exception faite de l’audiovisuel. L’accord prévoit également la libre circulation des services culturels, soit un régime de type mode 4. Cette disposition autorise l’entrée et le séjour temporaire de personnes physiques au sein de la CE, sous réserve de certaines restrictions quantitatives et durant six mois au plus, pour la fourniture de services culturels. Le marché est ainsi ouvert aux prestataires de services de divertissement, aux artistes et aux autres professionnels de la culture caribéens, à la condition qu’ils possèdent les qualifications requises et répondent aux critères d’examen des besoins économiques. Certains experts critiquent ces exigences, arguant qu’elles limitent le champ d’application des dispositions mode 4. Elles barrent en effet l’accès de certains producteurs des industries culturelles. Si un tel accord était appliqué dans le Pacifique, les artistes pourraient rencontrer les obstacles suivants : Par principe, cet APE ne doit pas être considéré comme un modèle générique, car chaque accord doit être adapté aux besoins spécifiques et aux priorités de la région considérée. Néanmoins, l’Accord de partenariat UE-CARIFORUM constitue un précédent important, d’autant que la coopération culturelle était quasiment absente des précédents accords commerciaux de l’UE. Rapport sur l’économie créative 2010, CNUCED 46 L’obligation pour le professionnel d’être employé par une entreprise du secteur culturel ou de travailler à son compte peut exclure certains producteurs, étant donné qu’en Océanie, la plupart des artistes et producteurs ne peuvent pas vivre de leur art et occupent généralement un emploi à plein temps dans un autre secteur. • Il est possible que les producteurs ou artistes employés à plein temps dans d’autres secteurs ne répondent pas aux critères d’examen des besoins économiques. Dans certains cas, les producteurs culturels ou prestataires de services sont tenus de signer un contrat avec une entreprise de l’UE pour obtenir un visa au titre du régime mode 4. Un musicien a besoin de tourner en Europe pour se faire connaître sur le marché. Or, les tournées auto-organisées ne répondent pas à ce critère. Le régime mode 4 s’applique essentiellement aux professionnels qualifiés, la notion de qualification étant généralement rattachée à une formation technique dans des structures officielles. Étant donné que l’enseignement officiel des arts et de la culture est inexistant dans la plupart des pays de la région, la majorité des artistes ne possèdent pas de qualification officielle, ce qui pourrait faire de ce critère de qualification un facteur d’exclusion. • • S’ils couvrent désormais les industries culturelles, les APE en vigueur et en projet n’auront, selon les prévisions de certains experts, qu’une incidence minime sur les droits tarifaires qui grèvent les industries culturelles. D’après l’Overseas Development Institute, le régime d’accès en franchise de droits et de tarifs institué par l’Accord de Cotonou a déjà fait économiser 1,4 milliard d’euros aux pays ACP, régime qui sera prolongé au titre des APE (Stevens et al. 2010 and CRNM 2006). Les effets du protocole de coopération culturelle, intégré à l’APE CARIFORUM-UE, se feront le plus sentir au niveau des industries culturelles. Le protocole de coopération culturelle vise à octroyer aux producteurs culturels et aux prestataires de services caribéens des avantages en matière de développement et de commerce, en allant plus loin que la disposition de l’Accord de Cotonou sur la coopération en faveur des industries culturelles (CRNM 2006). Le protocole autorise et encourage la coopération bilatérale entre les pays caribéens et européens dans le secteur culturel. Cette coopération peut prendre la forme d’une assistance technique en matière de formation ou d’échanges d’informations, de savoir-faire et d’expériences. Surtout, l’APE autorise les entreprises des deux régions à investir dans les activités culturelles et de divertissement de l’autre région. Ces investissements peuvent se matérialiser par la création de sociétés mixtes, avec notamment la conclusion d’accords de coproduction, ainsi que de partenariats public-privé et privé-privé. Sachant que, dans le monde, l’Union européenne est le premier bailleur de fonds pour la coopération technique, ce protocole pourrait avoir des effets extrêmement positifs s’il est élaboré et exploité à bon escient (Anuradha 2009). Bien que l’UE ait franchi une étape importante en intégrant à l’accord un protocole de coopération culturelle, ce dernier n’est pas contraignant sur le plan juridique. L’UE n’a réservé aucun crédit pour appuyer la mise en œuvre du protocole, tandis que les acteurs du secteur culturel européen ne sont guère conscients de cette possibilité d’association avec leurs homologues caribéens (KEA European Affairs 2011). Par conséquent, les États membres du CARIFORUM doivent travailler avec les différents pays de l’UE pour mettre au point un programme de travail qui leur permettra de bénéficier concrètement du protocole. 47 TROISIÈME PARTIE : DÉVELOPPEMENT ET PROMOTION DES INDUSTRIES CULTURELLES EN OCÉANIE STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT ET DE PROMOTION DE L’ARTISANAT L’artisanat est le secteur qui affiche le plus fort potentiel de développement à l’exportation, en raison de sa diversité et de son vaste périmètre. La capacité de production, l’excellence des savoir-faire et la disponibilité des matières premières sont autant d’éléments favorables à la croissance de la filière. Pour tirer parti de ces atouts, il reste cependant aux acteurs du secteur à surmonter plusieurs obstacles majeurs Le plus important d’entre eux réside dans le conflit opposant, au sein des cultures, des sociétés et des pouvoirs publics océaniens, les tenants de la préservation de la culture à ceux de sa commercialisation. Les services de la culture se concentrent depuis longtemps sur la préservation de la culture et la protection du patrimoine et des savoirs traditionnels, et ne s’aventurent que depuis peu, et avec grande prudence, sur la voie de la commercialisation. Or, le développement de l’artisanat à l’exportation impose la conception de produits répondant aux attentes du marché et l’adoption d’une véritable logique commerciale. En outre, la chaîne de valeur commerciale du secteur accuse d’importantes lacunes (voir figure 5). Dans la plupart des pays de la région, les artisans sont encore insuffisamment organisés et n’ont pas connaissance des mesures d’accompagnement auxquelles ils peuvent prétendre. Il n’existe pas de secteur de la création dont ils puissent s’inspirer pour la réalisation d’études de marché et la conception de produits vendeurs. De surcroît, on ne trouve actuellement dans le secteur privé que Figure 5: Diagramme de la chaîne de valeur commerciale de l’artisanat océanien 48 très peu d’exportateurs/grossistes disposant des connaissances et du capital nécessaires pour conquérir les marchés d’exportation. Le diagramme présente la situation actuelle du secteur (en bleu), ainsi que les maillons qu’il faut ajouter à la chaîne de valeur pour parvenir à s’introduire sur les marchés d’exportation (en violet). Non seulement il faut mettre en place, dans le secteur privé, des structures chargées de promouvoir la vente en gros et l’exportation, mais le secteur dans son ensemble a besoin d’un éventail d’apports (en orange). Il convient de créer ces compétences par le biais d’un programme global de développement à long terme, destiné à faciliter l’accès des artistes aux marchés touristiques, locaux et régionaux, et à prendre pied sur de nouveaux marchés à l’exportation. Objectifs La stratégie a pour objectif à long terme de développer la filière de l’artisanat océanien pour qu’elle puisse conforter sa présence sur les marchés locaux, touristiques et régionaux et prendre pied sur de nouveaux marchés d’exportation, grâce au renforcement des capacités locales en matière de création, à une offre de produits plus adaptés au marché, à des compétences accrues dans le domaine de la gestion et à des actions de promotion commerciale dignes de ce nom. Description des produits Les produits d’artisanat jouent un rôle de premier plan dans les traditions et la culture des Océaniens. Que ce soit dans le cadre de cérémonies coutumières, dans la vie de tous les jours ou pour des occasions spéciales, ils font partie intégrante de la culture océanienne depuis des millénaires. Ces objets et ces coutumes définissent l’identité des producteurs et ont une grande valeur culturelle. Cependant, la modernisation croissante dans certaines régions et la faible valeur monétaire des produits d’artisanat menacent la survie de ces savoir-faire ancestraux. Un renforcement de la commercialisation éthique des produits de l’artisanat sur un marché plus vaste contribuera à préserver ces compétences culturelles essentielles pour les générations futures. En dépit du nombre d’artisans en activité en Océanie et de l’abondance des matières premières, la production de l’artisanat océanien est assez répétitive et peine à se renouveler. À cause notamment du poids des traditions culturelles, la plupart des artisans hésitent à prendre des risques en créant des produits plus en phase avec les exigences du marché. Lorsqu’un producteur saute le pas malgré tout et parvient à séduire le marché avec une nouvelle création, celle-ci est immédiatement copiée et le marché est bientôt inondé, privant par là-même le produit de sa singularité. En outre, les artisans doivent améliorer le volume, la qualité et la fiabilité de leur production, pour être à même d’exécuter les commandes passées par des grossistes. Dans la plupart des pays, la production locale est confrontée à la rude concurrence des produits importés. Compte tenu de l’insuffisance de la capacité de production et du manque de compétences en matière de fixation des prix et de création, beaucoup de détaillants travaillant sur le marché du tourisme préfèrent importer des produits fabriqués à la main, en tout ou partie, d’Indonésie ou de Chine. Ces produits s’inspirent souvent de la culture océanienne et sont parfois des copies conformes d’objets traditionnels. En raison d’un étiquetage défaillant ou mensonger (« Souvenir des Fidji » par exemple), les touristes qui en font l’acquisition sont persuadés qu’ils ont été fabriqués sur place. 49 Besoins du secteur Comme indiqué plus haut, le secteur océanien de l’artisanat souffre d’un déficit global de coordination et accuse des lacunes importantes en matière de distribution à l’exportation. On constate ainsi l’absence quasi-totale de coordination entre les organismes publics à vocation culturelle et ceux à vocation commerciale. Il n’existe la plupart du temps aucune coopération entre les services de la culture et les autorités chargées de la promotion des investissements, le ministère de l’industrie et du commerce ou le ministère du tourisme, par exemple. Or, de telles relations sont indispensables à l’émergence d’un secteur de l’artisanat à vocation commerciale et à l’amélioration des débouchés et de l’accès aux marchés. Développement5 et création : Les artisans sont nombreux dans la plupart des pays de la région, mais ils sont peu ou mal organisés, ce qui entrave la valorisation de leur savoir-faire. Dans la plupart des cas, les artisans hésitent à prendre l’initiative d’expérimenter de nouveaux produits, car ils ne peuvent s’appuyer sur des études de marché et des informations indispensables à la réussite d’une telle aventure. En général, les groupes d’artisans manifestent peu d’esprit d’entreprise, voire aucun, et rechignent à prendre les risques indispensables : investissement dans les matières premières, expérimentation de nouvelles créations, constitution de stocks pendant la morte saison pour les vendre pendant la haute saison, emprunts, etc. La conjugaison de ces facteurs débouche sur un approvisionnement irrégulier et des produits impropres à séduire le marché. Production : En matière de production, les artisans sont souvent dans l’incapacité de se procurer des matières premières de qualité supérieure à un prix raisonnable, notamment pour la finition (crochets et fermoirs en bijouterie, par exemple). Ce phénomène s’explique en partie par les droits à l’importation et les marges bénéficiaires élevées appliquées aux produits importés. Pour répondre aux exigences de qualité des marchés d’exportation, les grossistes doivent pouvoir compter sur un approvisionnement plus régulier en produits de qualité supérieure. Les artisans maîtrisent parfaitement les techniques traditionnelles, mais il faut qu’ils bénéficient de formations leur permettant d’améliorer leur savoir-faire technique et la qualité de leurs produits, pour créer de nouveaux produits vendeurs. Par ailleurs, des formations axées sur le renforcement de l’efficacité pourraient leur permettre d’augmenter leur capacité de production. Distribution : Actuellement, la distribution vers le consommateur final passe essentiellement par les magasins de vente au détail, les marchés et les festivals, locaux ou internationaux. La majorité des exportations sont réalisées à l’échelon régional, dans le cadre de festivals ou d’exportations informelles, « à la valise ». Dans le commerce de détail local, on trouve deux grandes catégories d’établissements : les magasins gérés par des ONG (organisations non gouvernementales) et les entreprises commerciales. Les magasins des ONG, tels que Langafonua aux Tonga, entretiennent des relations étroites avec leurs producteurs, mais leur assortiment dépend généralement de l’arrivage et ils ne fournissent pas d’études de marché pratiques ou de conseils en matière de création aux artisans. Les établissements à but lucratif, comme Jack’s aux Fidji, ont des relations de nature plus commerciale et prédatrice avec les artisans. Ils achètent souvent des produits d’artisanat importés, appliquent des 5 Dans son état des lieux, la consultante a recommandé l’ajout du stade « Participant », afin de prendre en compte la nature participative de la culture océanienne. Cependant, en optant plutôt pour un stade de « Développement », on inclut la boucle essentielle du retour d’information, permettant aux créateurs d’obtenir des informations sur le marché et aux nouveaux talents de créer des produits nouveaux et de meilleure qualité. 50 grilles de tarifs et des délais d’exécution des commandes stricts et ne prêtent que peu d’attention à la protection de la propriété intellectuelle. Il faut cependant signaler qu’ils achètent immédiatement la production des artisans, en leur versant généralement une avance pour l’acquisition de matières premières. Sur la quasi-totalité des marchés, les consommateurs sont confrontés aux contrôles douaniers et phytosanitaires, ce qui peut avoir un effet fortement dissuasif, en particulier en Australie, en Nouvelle-Zélande, ainsi que dans d’autres pays océaniens. Les artisans et les grossistes doivent acquérir une meilleure connaissance de la réglementation douanière et phytosanitaire, afin de fabriquer des produits conformes à la réglementation internationale. Quant aux consommateurs, les touristes en particulier, ils doivent être mieux informés sur les réglementations et les possibilités de fumigation des produits. En dernier lieu, les détaillants doivent prendre en charge les formalités d’expédition pour les touristes désireux d’acquérir une grande quantité d’objets ou une pièce de grande dimension. Si ces démarches sont facilitées, les touristes hésiteront moins à porter leur choix sur des produits volumineux et plus chers. En règle générale, tous les acteurs de la chaîne de valeur ont besoin de davantage d’informations, de meilleures connaissances en gestion et d’un maillage intersectoriel plus développé. C’est là une condition essentielle pour rapprocher les artisans et les vendeurs d’une part, et les revendeurs et les consommateurs d’autre part. Promotion : La plupart des produits artisanaux ne font l’objet d’aucune promotion, sauf lors des festivals. Les budgets promotionnels des magasins des ONG sont souvent insuffisants, si bien qu’ils ne sont pas en mesure de créer des supports de marketing ou d’investir dans la publicité ou des stratégies s’appuyant sur les médias sociaux. Il y a cependant de multiples façons pour les détaillants et les associations de renforcer leur présence sur le marché sans se ruiner pour autant (voir la section Tactique de développement ci-dessous). Marchés Marchés actuels Tourisme : Le tourisme est l’un des plus gros marchés de l’artisanat océanien. Les produits sont généralement vendus dans des boutiques de souvenirs, sur les marchés ou dans la rue. Beaucoup d’artisans sont tributaires de ce marché. Marché local : Dans certains pays océaniens, il subsiste une forte demande locale pour les produits artisanaux intervenant dans les traditions et les cérémonies culturelles. Sur ce marché, les acheteurs sont moins regardants sur la qualité, mais ils privilégient les créations et les motifs traditionnels. Diasporas : Les relations informelles avec les marchés de la diaspora représentent également un important volume de ventes pour les artisans. Les clients de la diaspora achètent des produits d’artisanat intervenant dans les traditions et les cérémonies culturelles, mais aussi des cadeaux. On peut classer ces ventes dans la catégorie des exportations « à la valise », car les consommateurs achètent souvent des produits en grande quantité pour en revendre une partie à d’autres membres de la diaspora, une fois de retour dans leur pays de résidence. 51 Festivals : Les festivals constituent actuellement l’unique filière d’exportation normalisée, mais ces manifestations représentent un coût pour les pouvoirs publics, qui financent la participation des artisans. Afin d’assurer la croissance de ce marché et de faire bénéficier les économies nationales des ventes réalisées, les artisans doivent proposer des créations de meilleure qualité, plus adaptées au marché, et les pouvoirs publics doivent évaluer la pérennité de leur participation financière à ces manifestations6. Collectionneurs : Dans les années 80, le marché des collectionneurs était très dynamique, notamment en Papouasie-Nouvelle-Guinée, mais il accuse dernièrement une baisse de ses ventes. Une sélection judicieuse des produits et une promotion commerciale adaptée peuvent laisser espérer une résurrection de ce marché de niche. Marchés à exploiter Tourisme : S’il est vrai que les artisans sont déjà présents sur ce marché, il existe encore une marge de progression pour l’exploiter pleinement. L’amélioration de la qualité du service dans les magasins, l’offre de produits de meilleure qualité et une politique de marketing plus professionnelle devraient permettre une meilleure exploitation du marché. De plus, l’établissement de relations formelles avec les ministères du tourisme et les associations touristiques pourrait permettre aux artisans de disposer de plus d’informations sur le marché. Les artisans doivent également envisager de cibler d’autres segments du marché. Celui des croisiéristes, par exemple, est très porteur, mais les artisans doivent proposer des produits adaptés et les services chargés de la culture doivent les aider à organiser des marchés accessibles à ces consommateurs. Les marchés du mariage et de la lune de miel sont également prometteurs, mais il faut savoir proposer les bons produits et établir des relations de travail avec les hôtels et les complexes de vacances. Cadeaux d’entreprise, tourisme d’affaires et événementiel : Ces marchés sont actuellement laissés en friche. Les artisans pourraient réfléchir à la possibilité de travailler avec des entreprises pour la fabrication de cadeaux annuels ou spéciaux, ainsi que pour le segment du tourisme d’affaires et événementiel, pour fournir classeurs, cadeaux, sacs, et autres accessoires à l’occasion des conférences et manifestations. Les ministères du tourisme sont susceptibles de jouer un rôle moteur sur ce marché, mais les artisans doivent être capables de proposer une gamme de produits adaptés et d’exécuter les commandes dans de brefs délais. Exportation dans la région : Certains artisans se sont déjà lancés sur les marchés d’exportation de la région dans le cadre du projet Marketi Ples de PT&I. À condition qu’un soutien adéquat existe, les marchés de la région, notamment ceux d’Australie et de Nouvelle-Zélande, peuvent offrir des débouchés considérables aux artisans océaniens. Le secteur doit améliorer la qualité de ses créations, promouvoir l’émergence de grossistes/exportateurs officiels et tisser peu à peu des liens solides avec des grossistes/importateurs et des détaillants sur les marchés ciblés. Exportation vers les États-Unis : En dehors des ventes réalisées au sein de la diaspora installée à Hawaii, les ventes sur les marchés des États-Unis et de l’Amérique du Nord sont très limitées. Ce marché lucratif recèle un fort potentiel, mais le secteur doit remédier à ses nombreuses imperfections avant de se lancer à sa conquête. 6 L’organisation et la participation à des festivals s’accompagnent bien entendu de retombées non économiques très importantes : échanges culturels, prise de conscience de la diversité des cultures océaniennes et renforcement du sentiment de fierté nationale et régionale 52 Marché des arts populaires de Santa Fe (Santa Fe Folk Art Market) : Le marché des arts populaires de Santa Fe7 est le plus grand marché de produits artistiques et culturels haut de gamme des ÉtatsUnis. Il se déroule dans l’État du Nouveau-Mexique, dans l’ouest du pays, et attire des acheteurs du monde entier. Il permet en outre à des artistes d’exception de faire la démonstration de leur talent et de leur savoir-faire. La région Asie-Pacifique n’y a jamais été représentée que par des artistes venus d’Indonésie ou de Malaisie. La présentation de talents océaniens dans le cadre de cette manifestation réservée aux meilleurs aiderait à renforcer la présence des arts plastiques océaniens sur les marchés américains et européens. On trouvera sur le site Internet de cette manifestation toutes les informations pour y participer. Exportations vers l’Union européenne : Les producteurs parvenus à une exploitation optimale des marchés locaux, touristiques, régionaux et des États-Unis peuvent envisager de tourner leur regard vers l’Union européenne. Cependant, la distance géographique, le coût élevé du transport et la forte concurrence qui caractérisent ce marché n’en font pas une cible idéale pour les artisans océaniens. L’entrée sur ce marché doit être considérée comme un objectif à très long terme, réservé aux producteurs déjà bien implantés ailleurs. Tactique de développement La tactique de développement de l’artisanat océanien doit comporter cinq grands éléments. Tout d’abord, dans chaque pays, le secteur doit mieux s’organiser et désigner l’intervenant appelé à jouer un rôle d’impulsion dans le développement commercial du secteur. Ensuite, dans le cadre d’un programme de développement global à long terme, le secteur doit renforcer ses compétences en matière de gestion, de conception des produits, de marketing et de promotion. Enfin, il est absolument impératif de développer des capacités de création locales, pour que les artisans aient accès à une source pérenne de créations, inspirées des attentes du marché. Organisation du secteur L’une des principales difficultés auxquelles se heurte le secteur océanien de l’artisanat est l’absence de direction claire donnée à son développement commercial. Dans beaucoup de pays, les services nationaux de la culture se concentrent depuis très longtemps sur la préservation du patrimoine et n’ont pas toujours les compétences ou la volonté requises pour travailler avec le secteur de l’artisanat dans une logique commerciale. Les autorités chargées de la promotion des investissements et les ministères du commerce disposent quant à eux des compétences et des connaissances techniques nécessaires au développement commercial du secteur, mais ne connaissent pas bien les métiers de l’artisanat. Pour réussir à exporter l’artisanat océanien, il est nécessaire de lancer une passerelle entre la connaissance de l’artisanat et celle de l’exportation. L’organisation (existante ou à créer) appelée à jouer un rôle de chef de file dans le développement de l’artisanat doit être désignée dans le cadre d’une démarche informée et participative. Dans la plupart des cas, il faudra faire appel à un intervenant externe pour trouver la réponse à des questions capitales, mais au bout du compte, la décision appartiendra aux acteurs des secteurs public et privé de chaque pays. Une fois cette démarche accomplie, il conviendra de renforcer les capacités de ces nouvelles organisations chefs de file, afin de les doter des compétences et des connaissances leur permettant de développer le secteur comme il se doit. 7 www.folkartmarket.org 53 Développement des entreprises Le secteur doit également améliorer les relations entre les échelons de la production et de la vente au détail. Toutes les organisations et les entreprises représentées dans la chaîne de valeur doivent améliorer leurs compétences et leurs connaissances en gestion, ainsi que les services qu’elles offrent à leurs membres (s’il s’agit d’associations). Au nombre des domaines de formation spécifiques on peut citer les suivants : • élaboration de plans d’activités et de plans marketing ; • comptabilité et tenue des états financiers ; • établissement des coûts de revient et fixation des prix ; • politiques : ventes, élaboration d’échantillons, exécution des commandes ; • connaissance du secteur : circuits de distribution, tendances dans la création, fixation des prix ; • développement des services aux entreprises : o études de marché ; o conception et mise au point de produits ; o marketing et promotion ; o banques de matières premières (achat en gros de matières premières). Il est essentiel pour les grossistes-exportateurs de maîtriser ces techniques avant de prendre pied sur les marchés d’exportation. S’il est vrai que les pouvoirs publics peuvent faciliter les exportations par le biais des autorités de promotion des investissements et des ministères du commerce, il est indispensable d’encourager l’émergence d’exportateurs dans le secteur privé, afin d’établir des relations durables avec les importateurs. Qu’il s’agisse de détaillants ou d’associations d’artisans dynamiques, ces exportateurs en herbe auront besoin en amont d’un soutien en matière d’investissement et de renforcement des connaissances. Développement des produits Pour que l’artisanat océanien se fasse une plus large place sur les marchés exploités actuellement et parvienne à s’implanter sur de nouveaux marchés, il est indispensable d’améliorer la conception des produits proposés. Il convient de réaliser des études de marché pour que les artisans soient bien informés et puissent limiter les risques auxquels ils s’exposent (fonds consacré à la mise au point d’échantillons par exemple). La conception des produits doit être placée sous la direction d’un créateur professionnel ayant l’expérience du marché ciblé. Ainsi, pour les produits destinés au marché touristique, on choisira un créateur australien, puisque la majorité des touristes viennent d’Australie. Pour cibler le marché des États-Unis, on fera appel à un créateur possédant une expérience du marché de la décoration d’intérieur et des accessoires de mode dans ce pays. En outre, les artisans et les organisations chefs de file dans le développement du secteur doivent réfléchir à des solutions innovantes pour dynamiser les ventes sur les marchés touristiques. De plus en plus de touristes sont à la recherche d’authenticité et d’expériences enrichissantes pendant leurs vacances. Les villages d’artisans, où les touristes peuvent découvrir les produits de l’artisanat et même apprendre à les fabriquer, suscitent un engouement croissant. Il est crucial de travailler avec les ministères du tourisme pour financer et promouvoir ces activités innovantes dans la conception des produits. 54 Renforcement de la création locale S’il est essentiel de travailler avec des créateurs internationaux pour s’introduire sur un nouveau marché, cette coopération a un coût. Pour disposer à long terme de capacités de création pérennes, l’organisation chef de file dans le développement du secteur doit œuvrer au renforcement des capacités de création locales. Voici quelques-uns des modèles de renforcement de capacités ayant fait leurs preuves : • détection de créateurs en puissance (plasticiens, créateurs de mode, professeurs d’arts plastiques, artisans talentueux, etc.) ; • formation à la création et au développement de produits : réalisation d’études de marché, transposition des études de marché dans la conception de produits, étude des tendances, et établissement des coûts de revient et des prix ; • mise en rapport de créateurs locaux avec des créateurs internationaux chevronnés pour des actions de formation sur le terrain et des relations de mentorat de longue durée. Développement du marché Tourisme : Les organisations chefs de file dans le développement du secteur doivent avant tout se concentrer sur le développement du marché touristique, plus accessible et moins exigeant que les marchés d’exportation. C’est également un moyen pour les artisans de s’introduire peu à peu sur des marchés plus coriaces et de tester certains produits. Les principales stratégies de développement sont les suivantes : • mise au point de produits pour les marchés touristiques ; • formation des détaillants à la gestion, aux techniques de ventes, à la présentation des produits et aux techniques marchandes ; • campagne de développement d’une marque nationale pour concurrencer les produits importés ; • mise en place de services d’expédition pris en charge par un coordonateur central pour éviter aux touristes d’avoir à effectuer eux-mêmes ces démarches ; • développement du marché des croisiéristes : création de produits, fixation des prix (en dollars australiens), points de vente, formation aux techniques de vente (pour éviter le harcèlement des touristes) et vente éventuelle de produits dans les magasins du bord ; création de produits spécifiques pour le tourisme des mariages et des lunes de miel et promotion de ces produits au travers des relations existant avec les hôtels, les complexes de vacances, ainsi que les organisateurs de mariages et les spécialistes de l’événementiel ; collaboration avec les voyagistes, les hôtels/complexes de vacances, les guides touristiques et les sites Internet consacrés au voyage, pour faire mieux connaître les points de vente de produits artisanaux, les festivals et autres manifestations. • • Cadeaux d’entreprise, tourisme d’affaires et événementiel : Les ministères du tourisme de nombreux pays de la région constatent un intérêt croissant pour le développement des marchés du tourisme d’affaires et de l’événementiel en Océanie. Les artisans peuvent y trouver de nouveaux débouchés, à condition d’être en mesure de proposer un éventail de produits répondant aux besoins des consommateurs et d’être capables de fabriquer des produits sur mesure (en y faisant par exemple figurer le titre et la date de la conférence en question). Il leur faudra en outre exécuter des commandes dans de brefs délais et avec professionnalisme, pour se faire une bonne réputation. 55 Exportation dans la région : Une fois que les marchés locaux et touristiques seront pleinement exploités, les organisations chefs de file du développement du secteur pourront commencer à s’intéresser aux marchés d’exportation de la région, en ciblant d’abord l’Australie et la NouvelleZélande. Compte tenu de leur proximité géographique, du coût inférieur des transports maritimes et des liens culturels existants, on ciblera d’abord ces deux pays avant de tenter une percée sur les marchés des États-Unis ou de l’Union européenne. S’appuyant sur de solides compétences en gestion et sur la mise en œuvre de la tactique exposée ci-dessus, la stratégie de conquête des marchés d’exportation régionaux doit également comporter les éléments suivants : • conception de produits destinés aux marchés d’exportation en collaboration avec des créateurs australiens/néo-zélandais ; • élaboration de supports de marketing pour la vente en gros ; • participation à des salons professionnels : o Compte tenu de la situation actuelle du secteur océanien de l’artisanat, les exportateurs auront sans doute besoin d’aide pour nouer des relations avec des acheteurs potentiels, importateurs ou détaillants. Pour y parvenir, on peut envisager la création d’une société d’importation sur le marché cible, afin de participer à des salons de grossistes importateurs (qui revendent aux détaillants). C’est l’occasion de présenter de nouveaux produits et d’enregistrer les premières commandes pour amorcer la production. La participation à ces salons vise à remplir les premiers carnets de commandes, et éventuellement à placer les produits auprès d’autres exposants. o Les sociétés d’importation nouvellement créées devront pouvoir prendre en charge les commandes et travailler avec les exportateurs. o De manière générale, les exportateurs devront participer à trois éditions d’un salon consacré à l’exportation avant de gagner la confiance des acheteurs et d’enregistrer des commandes substantielles. • activités de promotion commerciale de suivi dans le prolongement des salons ; • organisation de voyages d’études pour les acheteurs ; • techniques de marketing innovantes : traçabilité affective des produits (leur « petite histoire ») ; • marketing sur les médias sociaux : o travail de relations publiques au travers de blogs et d’autres types de réseaux sociaux ; o désignation d’ambassadeurs culturels chargés de maintenir le secteur sur le devant de la scène, en intervenant régulièrement dans les réseaux sociaux. Partenaires potentiels Le secteur océanien de l’artisanat est actuellement désorganisé dans l’ensemble de la région. Il importe de désigner un chef de file chargé de guider son développement, sachant que l’ensemble des parties prenantes suivantes doivent également y participer : • services nationaux de la culture ; • spécialistes internationaux du développement de l’artisanat (consultants individuels, Aid to Artisans, ByHand Consulting, TradeCraft, etc.) ; • associations d’artisans et artisans individuels ; • points de vente au détail locaux ; 56 • organisateurs de marchés ; • créateurs potentiels, plasticiens par exemple ; • universités ; • Pacific Island Trade and Invest ; • organisations patronales/chambres de commerce ; • autorités chargées de la promotion des investissements. Calendrier de développement du secteur océanien de l’artisanat Activité Année 1 Année 2 Année 3 Année 4 Année 5 Désignation de l’organisme public chef de file Coordination du secteur public Développement des compétences en gestion des artisans Création de sociétés grossistes Création de sociétés d’exportation Développement des produits : marché du tourisme Renforcement des capacités de création locales Développement des produits : marché à l’exportation régional export market du marché du Développement tourisme Développement des marchés des cadeaux d’entreprises, du tourisme d’affaires et de l’événementiel Développement du marché à l’exportation régional Développement du marché des États-Unis 57 STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT ET DE PROMOTION DES ARTS PLASTIQUES En Océanie, le secteur des arts plastiques se caractérise par sa diversité et son dynamisme. Pourtant, faute d'accompagnement éducatif, d’aide au marketing et de soutien de la part des pouvoirs publics, le secteur est loin d’avoir atteint son plein potentiel. Le conflit qui oppose l’art contemporain et l’art traditionnel est également à l’origine de pressions sociales qui freinent l’esprit d’innovation et d’entreprise. Si, à titre individuel, les artistes actuels ont réussi à vaincre ces difficultés, le secteur des arts océanien doit continuer à se battre pour surmonter collectivement ces obstacles et s’affirmer en tant que pôle de création mondialement reconnu. À l’échelon national, le secteur des arts plastiques est souvent désorganisé, et les rapports entre les services de la culture et les artistes sont quasi-inexistants. La plupart des pays océaniens ne disposent pas de galeries nationales dédiées à l’art moderne et contemporain. Bien qu’étant généralement à vocation non commerciale, les galeries nationales permettent de dynamiser le secteur des arts plastiques et de stimuler la demande locale dans ce domaine. Elles peuvent également servir de centres de recherche pour les universitaires et les conservateurs s’intéressant à l’art océanien, et, partant, convaincre les consommateurs réticents qu'acheter une œuvre d'art océanienne est un investissement et non une lubie. Rares sont les possibilités de suivre un enseignement dans le domaine des arts de la création, car ceux-ci ne sont pas considérés comme une priorité par les pouvoirs publics. Les efforts déployés récemment dans certains pays afin d’inclure l’enseignement artistique au programme des écoles primaires doivent se poursuivre, et il convient de faire de même dans l’enseignement supérieur, en offrant des cursus dans les domaines suivants : arts de la création, histoire de l’art, critique d’art et gestion artistique. Ces cursus aideront à créer un potentiel en matière de conservation et de recherche universitaire, lequel est indispensable pour permettre à l’art océanien de percer les marchés internationaux. S’agissant des débouchés commerciaux, la plupart des artistes promeuvent et vendent l’essentiel de leur travail dans la rue et lors de festivals. Il existe peu d’agents commerciaux en art et encore moins de galeries permanentes. De surcroît, les artistes n’ont généralement pas les moyens financiers ni les compétences en marketing et en gestion pour assurer efficacement leur promotion. S’il est vrai que quelques artistes ont réussi à se faire une place sur les marchés internationaux grâce aux festivals, aux sites de vente en ligne et aux rares galeries locales existantes, il leur faut encore surmonter divers problèmes liés aux douanes, au transport et aux paiements en devises étrangères. 58 Figure 6: Chaîne de valeur commerciale du secteur des arts plastiques en Océanie Objectif À long terme, l’objectif de la stratégie de développement et de promotion proposée est de transformer l’Océanie en pépinière de plasticiens, reconnus localement et internationalement. Description des produits Les artistes océaniens utilisent divers supports d’expression, notamment la peinture (peinture à l’huile, aquarelle, peinture acrylique, etc.), la photographie et les techniques mixtes. La peinture à l’huile conventionnelle ou à l’acrylique sur toile devance largement les installations et l’art avantgardiste. On distingue deux grands types de produits : les pièces uniques, de grande valeur, vendues dans un cadre relativement formel (galeries d’art ou festivals, par exemple), et les pièces plus petites, moins originales, produites par des artistes copistes et vendues sur les marchés touristiques. Les artistes copistes font fi de l’innovation et de la créativité et n’ont d’autre but que de reproduire à la chaîne des pièces à l’identique. Besoins du secteur Il est essentiel avant tout de mieux organiser le secteur à tous les niveaux. Les artistes eux-mêmes ont tout intérêt à conjuguer leurs efforts dans le cadre d’associations officiellement constituées, de façon à 59 mieux faire entendre leur voix auprès des organismes publics de soutien, des conseils nationaux des entreprises et des chambres de commerce. Les services de la culture doivent également s’employer à mieux coordonner leurs activités avec les administrations, notamment les autorités nationales de promotion des investissements et les offices de tourisme. Cette infrastructure de base permettra d’améliorer les politiques et les investissements en faveur de la promotion des arts, d’accroître les financements et le soutien des pouvoirs publics dans le secteur des arts et de créer des mécanismes de partage d‘information. Conception, création et production : Ce sont les artistes eux–mêmes qui prennent en charge les phases de conception, de création et de production de l’œuvre artistique. Pour optimiser ces différentes étapes de la chaîne de valeur créative, les pouvoirs publics et les associations artistiques doivent s’atteler à des dossiers tels que l’éducation, l’innovation et l’accès aux matières premières. Comme indiqué plus haut, les arts ne sont pas suffisamment représentés ni subventionnés dans le système éducatif, qu’il s’agisse de l’enseignement primaire ou supérieur. Le soutien des pouvoirs publics est essentiel à l’intégration précoce des arts dans le système éducatif. Ainsi, les artistes en herbe pourront renforcer leurs compétences dès le plus jeune âge et seront encouragés à envisager une carrière artistique. Des cursus universitaires doivent également être mis sur pied afin d’aider les artistes à aiguiser leurs talents et à parfaire leurs connaissances sur les différents mouvements artistiques recensés à travers le monde. La mise en place de programmes structurés de formation est une première étape dans la promotion de la créativité et de l’innovation. De tels programmes permettent aux artistes d’acquérir de nouvelles compétences et de se confronter à de nouvelles tendances et à de nouveaux styles dont ils peuvent ensuite s’inspirer. Cela est particulièrement important dans le contexte artistique océanien, où se côtoient reproductions et œuvres originales. Il existe actuellement des tensions entre les artistes qui créent des pièces uniques et ceux qui produisent à la chaîne des reproductions destinées à la vente de masse ou aux marchés touristiques. S’il est vrai que ces deux catégories d’artistes seront toujours amenées à cohabiter en Océanie, il convient néanmoins de les distinguer de manière à faire émerger ce qu’il est convenu d’appeler « les beaux-arts ». Enfin, il est primordial que les artistes océaniens puissent se procurer plus facilement des matières premières, car force est de constater que celles que l’on trouve actuellement sont coûteuses et de mauvaise qualité, et ce, pour diverses raisons (taxes à l’importation, frais d’expédition, prix de détail élevés). La plupart des commerçants n’étant pas des experts en fournitures artistiques, il est fréquent qu’ils ne vendent pas les peintures ou le matériel dont les artistes ont besoin. Si les matières premières coûtent cher ou sont impossibles à obtenir, les artistes se retrouvent dans l’incapacité d’exprimer pleinement leur créativité ou d’expérimenter de nouveaux styles et de nouvelles techniques. Promotion : À ce jour, il n’existe qu’une poignée de galeristes dans le Pacifique, et seuls certains d’entre eux jouissent de la confiance et du soutien des artistes locaux. La majorité des artistes sont activement impliqués à tous les stades de la chaîne de valeur, notamment en réalisant leur propre promotion, axée essentiellement sur le bouche à oreille et quasiment pas sur les activités en ligne. Rares sont ceux qui ont les compétences requises en marketing et en gestion pour se montrer efficaces dans leurs démarches. 60 Les possibilités de vente au détail et d'exposition sont peu nombreuses et doivent être améliorées. Sauf dans les rares galeries professionnelles, la plupart des expositions se déroulent dans un cadre informel et n’offrent pas d’interprétation des œuvres. Or, les collectionneurs et les acheteurs s’intéressent autant aux explications et aux recherches théoriques qu’aux œuvres elles-mêmes. Lorsqu’ils envisagent d’acheter une œuvre d’art océanienne, les collectionneurs ont en effet besoin d'informations complémentaires pour être convaincus du bien-fondé de leur investissement. En outre, les commissaires d’exposition ou les conservateurs de musée, soucieux de mettre en valeur les œuvres exposées, ont besoin de s’appuyer sur des éléments leur permettant de choisir les solutions les plus adaptées en termes d’agencement, d’installation, d’éclairage et de promotion. En règle générale, les services de la culture souffrent d’un manque de moyens, financiers et humains, associé à une organisation erratique. Partant, ils ne sont guère en mesure d’appuyer le développement à grande échelle du secteur des arts. Nombre d’entre eux sont confrontés à une forte rotation du personnel, laquelle met en péril la mémoire institutionnelle et la relation de confiance avec les artistes. Les agents des services de la culture, plutôt anthropologues ou historiens de formation, ont souvent un bagage insuffisant en commerce et en gestion. Ces lacunes dans le domaine commercial expliquent le fait que de nombreux festivals et marchés parrainés par les pouvoirs publics ne font pas l’objet d’études préalables destinées à assurer leur viabilité financière. De plus, ces agents n’ont pas les capacités pour renforcer les compétences en commerce et en gestion des intervenants du secteur. Distribution : La plupart des ventes sont conclues directement par les artistes, tandis que la distribution des œuvres se fait dans les points de vente au détail. Les artistes tirent essentiellement profit des festivals et des marchés, qui représentent pour eux des espaces de vente privilégiés. Le gros des ventes à l’international se déroule dans le cadre d’échanges frontaliers informels réalisés à l’occasion de festivals et d’expositions à l’étranger. Il arrive fréquemment que les artistes peinent à percevoir les paiements qui leur sont dus, et ce, en raison de difficultés liées aux opérations bancaires internationales, à la conversion de devises étrangères ou à un défaut de paiement de la part de leurs clients. Pour éviter ce genre de problèmes, il est impératif que les artistes comprennent mieux les contrats de vente et les modalités de paiement qui leur sont proposés. Pour pénétrer officiellement et régulièrement les marchés internationaux, les artistes, les agents des services de la culture et les membres d’associations artistiques nouvellement constituées doivent suivre des formations en commerce et en gestion, notamment en ce qui concerne les régimes d’assurance, les protocoles d’expédition, la rédaction de contrats, les politiques générales en vigueur et les transactions internationales. Les artistes doivent également apprendre à déterminer la juste valeur de leurs œuvres en fonction du coût des matières premières utilisées, du temps de réalisation de l’œuvre, des frais généraux encourus, des dépenses engagées aux fins de promotion et de leur notoriété artistique. 61 Figure 7: Chaîne de valeur créative du secteur des arts plastiques en Océanie. Bleu = Situation actuelle Rouge = Situation possible et apports nécessaires Marchés À l’heure actuelle, les artistes visent le marché local et international, mais chaque artiste tend à se charger seul et de façon peu systématique de la commercialisation et de la distribution. Pour favoriser l’essor du secteur, les artistes doivent disposer de filières de distribution mieux structurées afin de percer efficacement ces marchés. Tourisme : Pour la plupart des artistes, le marché touristique reste incontournable et constitue un tremplin. Toutefois, les espaces d’exposition sont rares et les structures officielles de promotion insuffisantes, si bien que les artistes ne sont pas en mesure d’exploiter pleinement le potentiel du marché touristique. À mesure que des espaces d’exposition apparaissent dans les complexes touristiques et les aéroports, les artistes pourront tirer davantage profit de ce marché. En s’appuyant sur une démarche de promotion officielle et des partenariats avec les administrations publiques, les artistes pourraient s’intéresser aux marchés des croisières (expositions à bord), des mariages à l’étranger (photographies, portraits et décors) et des lunes de miel (séances photo postmariage du type « Trash the Dress »). 62 À l’avenir, pour garantir une meilleure rentabilité sur le marché touristique et compléter la vente d’œuvres d’art, toute nouvelle galerie devrait prévoir une diversification de son offre (produits dérivés, souvenirs, et éventuellement services de restauration). Marché local : Le marché local est limité, exception faite des produits vendus aux expatriés. Ces derniers représentent un marché juteux, car ils sont généralement plus enclins à investir dans des œuvres onéreuses et de grande dimension. En revanche, ils mettent plus de temps à se décider et veulent comprendre une œuvre avant de l’acheter. Pour percer ce marché, il est donc important de miser sur les explications fournies et les récits d’artistes. Certains galeristes ont décidé de s’attaquer au marché local des entreprises, nationales ou internationales, en leur louant des œuvres d’art. Pour ce faire, il faut disposer d’un stock solide, d’un catalogue et de supports de vente professionnels, mais un tel marché peut s’avérer lucratif. Avant de se lancer dans l’aventure, il faut toutefois savoir que les entreprises ne signeront aucun contrat sans s’être assurées au préalable qu’elles ont affaire à un galeriste professionnel et pointilleux sur la gestion. Marché régional : La plupart des ventes à l’exportation se déroulent dans un cadre régional. Les festivals jouent un rôle important. On peut citer à cet égard le Festival des arts du Pacifique, le Festival des arts mélanésiens et le Festival The Dreaming. Par ailleurs, Pacific Trade and Invest (PT&I) a accompagné des artistes régionaux dans leurs projets de développement sur le marché australien (Marketi Ples). Une partie des exportations régionales s’est effectuée dans un cadre plus formel, par le biais des rares galeries commerciales existantes. Ainsi, Art Street Gallery, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, a noué des relations professionnelles fructueuses avec des galeries néo-zélandaises. Pour parvenir à ce résultat, il est essentiel de travailler en réseau et de mettre l’accent sur l’aspect commercial en effectuant des visites de ventes et en élaborant des catalogues. Marchés américain et européen : Des démarches ont d’ores et déjà été entreprises en vue de conquérir le marché européen, essentiellement au travers de la participation à des festivals. Les Fidji ont ainsi permis à deux artistes de participer à l’exposition organisée à Londres par la Commonwealth Women’s Foundation, et Art Street Gallery s’emploie actuellement à percer le marché européen, et plus particulièrement britannique, en renforçant sa présence sur la toile et en consolidant ses réseaux de contacts. Pour augmenter les ventes sur ces marchés, il est nécessaire de développer et de maintenir une démarche commerciale structurée et de participer, autant que faire se peut, aux biennales et aux festivals européens et américains. Marché des arts populaires de Santa Fe : Comme indiqué plus haut dans la section consacrée à la stratégie de promotion des produits de l’artisanat, le marché des arts populaires de Santa Fe8 est devenu un événement artistique et culturel incontournable aux États-Unis pour ce qui est de la promotion des produits culturels haut de gamme. Pour l’heure, aucun pays océanien n’y est représenté. Or, ce marché réputé serait l’occasion de braquer les projecteurs sur les plasticiens océaniens et contribuerait à asseoir leur présence sur les marchés américain et européen. Pour toute information concernant les modalités d’inscription, veuillez consulter le site Web consacré à cet événement. 8 www.folkartmarket.org 63 Tactique de développement La tactique de développement du secteur des arts plastiques en Océanie devrait s’articuler autour des quatre volets suivants. Premièrement, les artistes ont besoin d’être soutenus dans la création d’associations nationales pour bâtir l’infrastructure du secteur. Deuxièmement, la reconnaissance du secteur au plan international passe par plus d’innovation et d’explications de la part des artistes et des galeristes. Troisièmement, les artistes, les associations, les services de la culture et les galeristes doivent impérativement renforcer leurs compétences en commerce et en gestion s’ils souhaitent augmenter les ventes et mieux promouvoir les produits. Quatrièmement, dès lors que des infrastructures solides seront mises en place, que les produits seront bien définis et que les organismes concernés auront les connaissances requises, il appartiendra aux parties prenantes de s’atteler au marketing et à la promotion. Développement de l’infrastructure • Bien que certains artistes s’y opposent, il est nécessaire de constituer des associations artistiques auto-gérées, lesquelles pourraient contribuer à relayer les informations et les préoccupations des intéressés auprès des services de la culture, tout en intensifiant les opérations de marketing au profit de tous. Pour constituer ces associations, les artistes auront besoin du soutien des services de la culture et d’experts en gestion artistique. • En collaboration avec d’autres parties prenantes du secteur public, les services de la culture doivent encourager la mise en place de programmes d’enseignement artistique dans les écoles primaires, étape indispensable à l’émergence de la prochaine génération d’artistes. • Les services de la culture doivent également travailler avec les autorités nationales afin de promouvoir le rétablissement ou la mise en place de programmes d’enseignement artistique de niveau universitaire. Pour permettre à l’Océanie de s’affirmer en tant que pépinière d’artistes talentueux et innovants, il convient de mettre l’accent à la fois sur le perfectionnement des compétences techniques des artistes et sur la recherche théorique de niveau universitaire. Ces programmes devront également comporter des cours de gestion d’entreprises afin de permettre aux artistes d’acquérir les compétences nécessaires pour promouvoir et vendre leurs œuvres. • À terme, les services de la culture devront solliciter le concours financier des pouvoirs publics en vue de l’ouverture de galeries nationales d’art, lesquelles favoriseront le développement du secteur dans son ensemble. Innovation et interprétation Pour améliorer le professionnalisme et la réputation du secteur des arts océaniens, les artistes doivent se concentrer sur l’innovation et les galeristes sur l’interprétation. Dans cette optique, on peut imaginer diverses solutions : • renforcement de la recherche universitaire sur les arts par des étudiants inscrits dans des filières non artistiques (anthropologie ou sociologie, par exemple) ; • organisation de manifestations avant-gardistes au cours desquelles les artistes sont invités à présenter leurs œuvres les plus innovantes ; • implication des pouvoirs publics dans la mise en place de programmes d’échange destinés plus particulièrement aux artistes, aux historiens de l’art, aux critiques d’art et aux conservateurs (Fulbright Program, Marshall Fellowship, JICA, Peace Corps, Australian Business Volunteers, par exemple) ; 64 • • mise en place de programmes de résidences d’artistes et de conservateurs permettant à des artistes reconnus de séjourner dans le Pacifique et de travailler avec des artistes océaniens ; aide à la participation d’artistes océaniens à des programmes de résidences à l’étranger. Perfectionnement des compétences en gestion Tous les acteurs du secteur des arts doivent améliorer leurs compétences en gestion. Les services de la culture négligent actuellement l’aspect commercial. Or, pour accompagner efficacement les artistes, ils doivent commencer par renforcer leurs propres capacités en gestion d’entreprises et en marketing. De plus, comme les artistes vendent souvent leurs œuvres sans intermédiaire, il est important qu’ils sachent en calculer eux-mêmes le prix de revient et puissent en fixer le prix de vente. Ils doivent également apprendre à déchiffrer les contrats et les polices d’assurance et à négocier les modalités d’envoi et de paiement. Les associations artistiques nouvellement constituées sont également invitées à renforcer leurs capacités dans ces domaines de façon à aider au mieux les artistes par la suite. Marketing et promotion Une fois mises en place, les filières de distribution traditionnelles (galeries ou associations artistiques) peuvent recourir à diverses tactiques de marketing : • création de sites Web facilement référencés par les moteurs de recherche en vue de renforcer leur présence sur Internet et de faciliter la conquête des marchés à l’exportation ; • • développement d’une stratégie de marque et création de labels d’authenticité/originalité permettant de différencier les œuvres uniques des reproductions et d’augmenter la valeur des œuvres originales ; avec le concours des services de la culture, création de books permettant aux artistes de mieux se faire connaître et de mieux promouvoir leur travail ; on prévoira alors des formations sur la création de books (utilisation d’un appareil photo numérique, mise en page, impression, etc.) ; • diversification des produits, notamment au travers de contrats d’utilisation de leur image sur les produits dérivés et les cartes postales ; on prévoira alors un accompagnement des artistes pour l’examen des contrats et le respect des principes régissant la protection de la propriété intellectuelle ; • participation accrue des artistes aux biennales régionales telles que la Biennale d’art contemporain de Nouméa, et organisation d’événements artistiques professionnels dans tous les pays de la région ; • participation accrue aux festivals régionaux et renforcement des compétences en matière de conservation, d’interprétation et de gestion des œuvres artistiques (Art Summit Australia, Festival The Dreaming, Festival des arts du Pacifique et Festival des arts mélanésiens) ; • renforcement de la coopération avec des institutions culturelles reconnues comme le Centre culturel de Nouvelle-Calédonie ; • renforcement des actions de promotion auprès de l'industrie du tourisme au travers d’une collaboration étroite avec les associations touristiques et les services du tourisme ; les artistes doivent s'employer activement à intégrer leur activité artistique dans les projets de développement touristique ; 65 • sensibilisation des pouvoirs publics à la nécessité de mettre en place des politiques d’investissement visant à inciter ou à obliger les promoteurs du tourisme à passer toute commande d’œuvres d’art décoratives auprès des artistes locaux ; • création de partenariats avec les compagnies aériennes et les magazines à diffusion régionale afin de favoriser les relations publiques et d’augmenter la couverture médiatique de l’art océanien ; • extension du Salon de l’orchidée en Papouasie-Nouvelle-Guinée (Orchid Show) afin d’accorder une place accrue aux artistes régionaux, d’augmenter le professionnalisme (travaux de recherche dans le domaine de la conservation et interprétation des œuvres artistiques) et de se forger une bonne réputation ; • recherche de financements en vue de l’organisation d’une exposition d’art océanien en marge d’une biennale occidentale d’importance majeure : les galeries d’art ou les associations artistiques pourront ainsi exposer les œuvres d’artistes non représentés et tirer parti de la présence sur place d’acheteurs, de collectionneurs et de critiques d’art ; • utilisation de stratégies de promotion innovantes, telles que les étiquettes radio, les services d’abonnement, la promotion croisée et la cocréation, afin d’améliorer l’état des connaissances et la réputation du secteur (voir plus haut la section consacrée aux stratégies de promotion innovantes). • prospection des marchés sud-africain et indien dans le domaine des arts plastiques. Partenaires potentiels À l’heure actuelle, le secteur des arts plastiques en Océanie est désorganisé et sous-représenté, sauf peut-être en Nouvelle-Calédonie et au Samoa, où la consultante n’a pas eu le temps de se rendre. Parmi les acteurs qui devraient, à ce stade, être impliqués dans le processus de développement du secteur, on peut citer : • Pacific Island Trade and Invest ; • les autorités nationales de promotion des investissements ; • • • • • • les conseils représentant les petites et moyennes entreprises ; les services de la culture ; l’Alliance Française ; l’Association des musées des îles du Pacifique (PIMA) ; les galeries privées ; o Art Street Gallery (Papouasie-Nouvelle-Guinée) ; et les artistes indépendants. 66 CALENDRIER DE DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR DES ARTS PLASTIQUES Activités Année 1 Année 2 Année 3 Année 4 Création d’associations artistiques nationales Année 5 Mise en réseau des associations artistiques nationales à l’échelon régional Renforcement de la coordination entre les acteurs du secteur public Intensification de l’enseignement artistique dans les écoles primaires Mise en place de cursus universitaires Ouverture de galeries d’art et de musées nationaux Intensification de la recherche Organisation de manifestations avant-gardistes Mise en place de programmes d’échange Mise en place de programmes de résidences d’artistes Inscription d’artistes à des programmes de résidences Perfectionnement des compétences en gestion (formations) Mise en place d’un programme consacré à la stratégie de marque et à l’authenticité Renforcement de la participation officielle d’artistes aux festivals Renforcement de la participation d’artistes aux biennales Mise en place de partenariats régionaux aux fins de marketing Établissement de liens avec les marchés touristiques Organisation d’événements régionaux destinés aux professionnels Intensification des actions de marketing/relations publiques Intensification du marketing créatif 67 STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DU SECTEUR DE LA MODE Porté par une poignée de créateurs reconnus et un nombre croissant de nouveaux jeunes créateurs, le secteur de la mode, encore naissant dans le Pacifique, commence à prendre son envol. Autour d’un centre névralgique situé aux Fidji et rassemblant nombre de créateurs et de confectionneurs de vêtements, le secteur s’est peu à peu développé avec l’aide de la Semaine de la mode des Fidji et du Conseil de la mode des Fidji. Ces organismes jouent un rôle important dans la promotion et l’essor du secteur, mais ont besoin du soutien des pouvoirs publics et des investisseurs pour réaliser leur ambition qui est de développer une industrie dynamique de la mode féminine dans le Pacifique. Actuellement, la création et la production d’articles de mode se font au cas par cas. Certaines enseignes sont reconnues, notamment Tahroro, Mena (marque samoane) et TAV qui se sont fait connaître dans la région en exécutant des commandes prospectives destinées à l’exportation. Toutefois, la majorité des jeunes designers créent au coup par coup, sans les compétences ni les connaissances requises pour percer sur les marchés à l’exportation. Ces jeunes créateurs dessinent de nouvelles pièces, qu’ils commercialisent ici et là sur des sites de vente en ligne ou via le bouche à oreille. Aux Fidji, les acteurs du secteur voient dans la mode féminine le segment le plus porteur. La mode féminine haut de gamme repose certes sur des créations et des matières de qualité, mais les quantités produites sont plus faibles. Cette stratégie d’écrémage (petit volume de production et prix élevés) est adaptée à la faible capacité de production des Fidji et aux coûts élevés de la maind’œuvre (en particulier par rapport à la Chine et au Bangladesh). Toutefois, comme l’illustre la chaîne de valeur ci-après, le maillon le plus important manque encore au secteur de la mode : les maisons ou marques de mode. Les maisons de mode font office d’incubateur de talents, facilitent la production, promeuvent et commercialisent les créations et distribuent les produits aux points de vente finale. Si elles promeuvent leurs marques et leur griffe unique, les maisons de mode basées dans le Pacifique peuvent faire de la région une plaque tournante de la mode. Toutefois, pour encourager ce secteur déjà prometteur, les pouvoirs publics doivent adopter une stratégie globale de développement. Figure 8: Chaîne de valeur commerciale du secteur de la mode aux Fidji 68 Objectif L’objectif de cette stratégie est d’orienter le développement du secteur naissant de la mode fidjienne vers le marché de la mode féminine haut de gamme. À long terme, le but est de faire des Fidji un centre de la mode, sous-tendu par des marques fortes, une production d’excellente qualité et des créations innovantes. Description des produits La grande majorité des créateurs se concentrent sur la mode féminine haut de gamme, empreinte d’influences occidentales, océaniennes et indiennes. La plupart des créateurs, à l’exception de TAV, Mena et Tahroro, n’imaginent pas des collections avec un thème fédérateur, mais ont coutume de créer au coup par coup. En règle générale, ils créent des vêtements de loisir, des tenues de tous les jours et des tenues de soirée. Un petit nombre de créateurs et d’artistes dessinent aussi des collections d’art-à-porter en édition limitée, mais le plus souvent, ces pièces connaissent un succès éphémère sur le marché. Besoins du secteur Le secteur fidjien de la mode n’en est qu’à ses balbutiements. Avec le concours des pouvoirs publics et d’organisations d’aide bilatérale et multilatérale, un programme de développement global doit être mis en place pour améliorer tous les maillons de la chaîne de valeur créative. Développement et création : Malgré leur talent, les jeunes créateurs fidjiens, de plus en plus nombreux, n’ont pas les compétences nécessaires en termes de création et de maîtrise technique. Faute de programme de formation officiel dans le pays, les jeunes designers manquent, pour la plupart, de connaissances sur les qualités de base des tissus ou les techniques de réalisation des patrons, et de compétences en couture et en apprêt. Par ailleurs, ils n’ont pas accès au matériel, aux logiciels et aux matières premières, qui pourraient pourtant les aider à perfectionner leurs compétences et à concevoir leurs collections. Ils ont aussi besoin d’assistance pour améliorer leurs compétences en gestion, notamment pour la réalisation d’études de marché, l’élaboration d’un projet d’entreprise et la promotion de l’investissement. En l’absence de maisons de mode ou de studios de création de renom dans le pays, les jeunes créateurs sont privés d’un accès à un système d’encadrement structuré qui leur permettrait d’apprendre, d’innover et de gagner en maturité professionnelle. La Semaine de la mode des Fidji contribue sensiblement à la montée des jeunes créateurs : la participation à cette semaine annuelle de défilés est un encouragement à la création, cet événement constitue un espace central de rencontres et de mise en réseaux des créateurs, et ces derniers bénéficient d’une aide pour monter leur entreprise. Aux Fidji, le secteur de la mode se développe sous l’impulsion de la Directrice de la Semaine de la mode, Ellen Whippy. Elle a collaboré avec plusieurs enseignes reconnues, notamment Kookai et Mark Halabe chez Mark One Apparel, pour mettre sur pied le Conseil de la mode des Fidji. Ces premières initiatives ont permis d’apporter un soutien crucial au secteur des créateurs émergents. Production : Étant donné que la plupart des créateurs sont à leur compte et que leurs ventes, ponctuelles, répondent à une démarche de réaction, plutôt que d’anticipation, la confection est le plus souvent assurée par le créateur lui-même ou un tailleur auquel il s’associe. Le développement de l’industrie de la mode aux Fidji ne peut se faire sans la création de centres de production. Heureusement, le secteur de la confection de vêtements, y compris les usines, est déjà bien développé dans le pays. Toutefois, 69 les confectionneurs doivent bénéficier de nouvelles formations pour pouvoir produire des vêtements de qualité, répondant aux critères de vente de la mode féminine haut de gamme. Il est aussi possible de développer un nouveau centre de confection de vêtements aux Fidji. L’accord SPARTECA a créé un climat propice aux investissements dans la confection de vêtements destinés à l’exportation. L’existence d’une zone franche et l’aide à l’exportation font de la confection de vêtements un secteur très attrayant pour les nouveaux investisseurs. Cela dit, les investisseurs devront tenir compte de l’absence de matières premières locales dans leur modèle économique. À l’heure actuelle, les confectionneurs collaborent généralement uniquement avec des clients capables de leur fournir des matières premières. Promotion : La promotion du secteur n’est guère organisée pour le moment. Chaque créateur fait sa propre promotion sur Internet (principalement sur Facebook.com), par le bouche à oreille et lors des défilés de mode locaux. Les créateurs n’ont ni les connaissances, ni les fonds nécessaires pour assurer une promotion plus conventionnelle de leurs produits. La Semaine de la mode des Fidji est la principale fenêtre de promotion de beaucoup de jeunes designers, et la réussite du secteur repose pour beaucoup sur le développement de cet événement. Pour mieux se promouvoir, le secteur doit créer des maisons de mode/studios de création ou s’associer avec des noms déjà bien établis, qui permettront de bâtir la marque de mode fidjienne. Par ailleurs, le fait de favoriser l’ascension internationale de mannequins prometteurs pourrait contribuer sensiblement à la promotion du secteur. Distribution : Pour l’heure, les produits sont distribués de façon peu systématique, via des ventes en ligne et les magasins locaux de détail. On constate un certain élan vers une collaboration avec le secteur du tourisme, mais il faut encore améliorer la qualité de la fabrication et de la création pour consolider ce marché. Lorsque les marchés à l’exportation seront visés, il faudra mettre en place des maisons de mode/studios de création pour orienter et développer la distribution. Des studios de création visionnaires pourraient imaginer des méthodes d’expédition créatives pour faire baisser les coûts élevés du transport de petits lots. 70 Figure 9: Chaîne de valeur « créative » du secteur de la mode des Fidji Bleu = Situation actuelle Rouge = Situation possible et apports nécessaires Marchés Marchés actuels Dans ce secteur encore tout jeune, la plupart des marchés restent sous-développés. Marché de l’habillement : L’industrie de l’habillement affiche une très bonne santé aux Fidji, l’Australie achetant des petits lots de vêtements et uniformes, pour hommes essentiellement. La Nouvelle-Zélande et Hawaii offrent également de petits débouchés, mais ont tendance à entretenir des relations capricieuses avec les confectionneurs fidjiens et à aller voir ailleurs si le prix est plus intéressant. Kookai : Entreprise de création française, Kookai a implanté en Australie une filiale et un studio de création, où sont imaginés des vêtements pour femme haut de gamme. Depuis que la marque a délocalisé sa production aux Fidji, elle peut montrer la voie au secteur de la mode et aux jeunes créateurs du pays. 71 Diasporas : Au niveau des ventes, les jeunes créateurs connaissent un certain succès en ligne auprès des diasporas installées en Australie, en Nouvelle-Zélande et à Hawaii. Le caractère non systématique de ce marché est toutefois synonyme de distribution limitée. Marchés à exploiter Exportations vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande : Le plan de développement exposé ci-après vise essentiellement à aider le secteur de la mode des Fidji à séduire les marchés à l’exportation australien et néo-zélandais des vêtements pour femme haut de gamme. La taille de ces marchés et leur proximité géographique en font une cible de choix pour l’exportation. Marché local : Dans le monde de la mode, le développement de secteurs jeunes repose souvent sur la popularité des marques nationales sur le marché local. Le soutien du marché local aide les jeunes créateurs à obtenir et à faire croître une source stable de revenus qu’ils peuvent investir dans la promotion de leurs créations à l’étranger. Le développement du marché local reste une étape importante à franchir pour atteindre les marchés à l’exportation. Tourisme : Les vêtements de loisir et de bain ont un fort potentiel vendeur sur les marchés touristiques de l’ensemble du Pacifique. Désireux de trouver des tenues et maillots de bain incarnant les motifs et le style uniques du Pacifique, le touriste pourra s’attacher à la marque et lui rester fidèle bien après son premier achat en tant que vacancier. Les créateurs fidjiens peuvent exploiter ce marché lucratif en réunissant plusieurs conditions : créations adaptées, matières premières d’excellente qualité, forte stratégie de marque, et réseaux de distribution bien établis. Exportations vers les États-Unis et l’UE : À plus long terme, les créateurs peuvent se tourner vers les vastes marchés à l’exportation des États-Unis et de l’UE, où la concurrence par la qualité du design et par les prix est rude. En conséquence, les créateurs doivent d’abord s’imposer dans la région avant de s’aventurer sur ces marchés très concurrentiels. Tactique de développement La tactique de développement du secteur fidjien de la mode devrait s’articuler autour de quatre grands volets. Premièrement, les intervenants du secteur, y compris les acteurs publics, doivent s’entendre pour mettre au point de façon autonome une stratégie de développement, engageant notamment les pouvoirs publics et d’autres bailleurs à dégager les ressources financières adéquates. Deuxièmement, les différents intervenants doivent continuer de soutenir le développement de l’infrastructure du secteur, pour permettre aux créateurs d’améliorer leurs compétences. Lorsque cette infrastructure sera en place, les créateurs pourront perfectionner leurs compétences techniques et en gestion. Enfin, le secteur doit accorder une place privilégiée au marketing et à la promotion. Voici quelques-unes des activités recommandées : Élaboration d’une stratégie • Si les parties prenantes du secteur œuvrent au développement de la mode fidjienne depuis environ cinq ans, elles ne disposent d’aucune stratégie nationale officielle. Le ministère fidjien de l’Industrie et du Commerce s’est dit intéressé par l’élaboration d’une stratégie de développement de l’industrie de la mode, mais il a besoin pour ce faire de ressources et d’une assistance technique. • Le Conseil de la mode des Fidji doit être considéré comme le représentant du secteur privé. Toutefois, cette toute nouvelle organisation a besoin de soutien pour décoller. Une 72 assistance financière et technique devrait être fournie au conseil pour l’aider à se constituer des bases solides. • Il est également souhaitable que le Conseil de la mode des Fidji et la Semaine de la mode des Fidji se mettent en relation avec la Fédération du commerce et des employeurs des Fidji afin de l’aider dans ses démarches auprès des pouvoirs publics nationaux et d’obtenir un soutien pour le secteur. Développement de l’infrastructure • La mise en place par le gouvernement de mesures d’incitation attrayantes et d’une politique d’investissement inspirées de la stratégie de développement du ministère de l’Industrie et du Commerce est nécessaire pour favoriser l’essor de l’industrie de la mode. Les pouvoirs publics devraient étudier la possibilité d’obtenir un soutien de la Chine et de l’Agence australienne pour le développement international (AusAID), qui ont déjà manifesté leur intérêt pour le secteur. • L’Université nationale des Fidji (FNU) est en train de mettre au point un programme d’études en design de mode au niveau certificate et diploma. Le lancement de ce programme d’enseignement est indispensable. Il est recommandé aux différentes parties prenantes de tenir compte des éléments suivants lors de l’élaboration du programme de cours : o veiller à ce que l’horaire et le programme des cours soient adaptés aux besoins des étudiants et à leurs disponibilités (ex. : cours du soir, le week-end ou par modules, si les étudiants travaillent) ; o prévoir des formations en apprentissage et des stages pour permettre aux étudiants de créer des réseaux et d’acquérir de l’expérience aux prémices de leur carrière ; o intégrer un cours de gestion et de marketing pour que les étudiants sachent comment gérer leur entreprise ; et o veiller à ce que le programme ne soit pas restrictif en termes de débouchés et permette d’orienter aussi les élèves vers des professions de l’industrie de la mode qui ne relèvent pas du design : critiques/journalistes, représentants commerciaux et organisateurs de défilés de mode. • Les lois fidjiennes relatives à la protection de la propriété intellectuelle dans le domaine de la mode sont déjà assez solides, mais il est nécessaire de les examiner et de les améliorer pour qu’elles soient adaptées au futur développement du secteur. Perfectionnement des compétences techniques Pour donner un coup de fouet au secteur de la mode des Fidji, il faut par-dessus tout parfaire la maîtrise technique du secteur. La création d’un programme de cours à l’Université nationale des Fidji est une première étape décisive en ce sens, mais d’autres actions peuvent être envisagées : • association avec des créateurs australiens pour créer des maisons de mode implantées aux Fidji et former les jeunes créateurs ; • création d’un centre de documentation sur le design afin d’aider les jeunes créateurs à rester au fait des tendances et à effectuer des études de marchés ; • collaboration avec le Centre national pour le développement des PME des Fidji (NCSMED) afin d’aider les jeunes chefs d’entreprise à former leur projet d’entreprise et à perfectionner leurs compétences en gestion ; et • établissement d’un incubateur d’entreprises de mode, projet qui intéresse le NCSMED, mais pour lequel il a besoin d’une assistance technique et financière. 73 Marketing et promotion Pendant la phase de développement du secteur, les créateurs ne doivent pas mettre entre parenthèses la promotion de leurs produits. Toute forme de marketing, qu’elle soit périodique, ponctuelle ou traditionnelle, contribuera au rayonnement international de la mode fidjienne. Voici quelques-unes des actions recommandées : • création d’un site Web « incubateur de talents », vitrine et site de vente qui seraient accessibles à tous les créateurs. Un gros site Web fédérateur serait plus visible qu’une multitude de sites individuels de créateurs. • création d’un magasin de détail incubateur de projets de mode, qui serait géré de façon autonome ou par une enseigne déjà établie (Jack’s, Tapoos, Prouds, etc.). Couplée au label « Fabriqué aux Fidji », cette initiative pourrait contribuer à la promotion de produits de confection locale. Bonnes techniques de vente, vitrines attrayantes, bonne présentation des produits et vendeurs compétents seront alors autant d’éléments déterminants dans le succès des points de vente sélectionnés. • partenariat avec l’industrie du tourisme via l’Association fidjienne de l’hôtellerie et du tourisme afin de commercialiser des lignes de vêtements de loisir et de bain dans les hôtels et les magasins des complexes hôteliers. • recherche de partenariats stratégiques avec une organisation multilatérale afin de soutenir la mise en valeur des créateurs et leur participation à des expositions internationales, telles que les festivals Pasifika et The Dreaming. • poursuite de la politique de développement et de soutien en faveur de la Semaine de la mode des Fidji, le principal événement de mode en Océanie. Partenaires potentiels Aujourd’hui, l’essor de la mode fidjienne suscite un certain engouement. De nombreuses parties prenantes y voient un marché porteur, mais il leur manque les ressources ou le soutien technique nécessaire pour passer à la vitesse supérieure. Les intervenants répertoriés ci-dessous ont tous indiqué qu’ils souhaitaient prendre une part active dans le développement du secteur : • Semaine de la mode des Fidji • Conseil de la mode des Fidji • Université nationale des Fidji • créateurs océaniens et australiens du secteur privé : o Kookai o TAV o Tahroro • fabriques privées de vêtements o Mark One Apparel • Centre national pour le développement des PME des Fidji • Association fidjienne de l’hôtellerie et du tourisme • Fédération fidjienne du commerce et des employeurs 74 Calendrier de développement du secteur de la mode fidjien Activité Année 1 Année 2 Élaboration d’une stratégie Institutionnalisation du Conseil de la mode des Fidji Investissements/achats Offre de cours à la FNU Renforcement des lois sur la propriété intellectuelle Association avec des créateurs australiens Année 3 Année 4 Année 5 Création d’un centre de documentation sur le design Incubateur de mode NCSMED Site Web incubateur de talents Magasin de détail incubateur de projets de mode Relation avec l’industrie du tourisme Participation à des festivals internationaux 75 STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DE LA MUSIQUE Dans le Pacifique, l’industrie de la musique englobe un large éventail de genres musicaux, allant des chansons et ballades traditionnelles aux musiques modernes, telles que le hip-hop et le rap. Cette vaste gamme musicale offre un large choix aux marchés océaniens et une grande source d’inspiration aux musiciens de la région. Actuellement, la majorité des musiciens océaniens vendent leur musique sur les marchés locaux ainsi qu’aux diasporas, et affichent une faible présence sur les marchés internationaux. En dépit du nombre grandissant de musiciens qui cherchent à enrichir leurs connaissances et leur talent, le secteur de la musique océanien est au bord de l’effondrement. Qu’il soit institutionnalisé ou informel, le piratage a fait fondre les bénéfices des musiciens et des studios d’enregistrement, à tel point que plusieurs studios ont fermé leurs portes ces trois dernières années, notamment à Vanuatu et aux Fidji. D’autres, comme CHM en Papouasie-Nouvelle-Guinée, peinent à maintenir leurs services de production musicale, malgré des années d’efforts pour limiter les atteintes à la propriété intellectuelle dans le pays. Les conséquences du piratage sur les ventes locales freinent également le développement des marchés à l’exportation. Pour qu’un musicien océanien puisse se vendre sur les marchés à l’exportation internationaux, il doit bénéficier du soutien d’un studio d’enregistrement professionnel, capable d’éditer un album de qualité et de faciliter les négociations avec les distributeurs sur les marchés cibles. Les studios d’enregistrement sont tributaires des ventes locales pour asseoir financièrement leur activité et, dans certains cas, subventionner les tentatives de percée sur les nouveaux marchés à l’exportation. En l’état actuel des choses, faute de marché local solide, les studios d’enregistrement océaniens courent à leur perte et risquent d’entraîner dans leur chute l’industrie tout entière. La figure 10 décrit la chaîne de valeur commerciale applicable aux circuits de production et de distribution du secteur de la musique océanien sur les marchés locaux. Le manque d’organisation infrasectorielle est évident, au vu du nombre de circuits de vente. En effet, musiciens, studios d’enregistrement, sites de vente en ligne, magasins et salles de spectacles s’échangent des produits et les vendent aussi directement aux consommateurs. En outre, sur le marché local, la plupart des consommateurs se procurent de la musique gratuitement ou à prix réduit. Le piratage institutionnalisé est le fait des magasins locaux, qui font l’acquisition légale d’un album en un seul exemplaire, qu’ils copient et vendent à un prix inférieur à sa valeur marchande. Depuis peu, on observe également un phénomène nouveau : les magasins locaux commencent à vendre des périphériques externes contenant de la musique numérique, à des prix bradés. Incapables de rivaliser dans cette guerre des prix, les studios d’enregistrement et les artistes accusent ainsi un sérieux manque à gagner. Par ailleurs, parce qu’il y a peu de sociétés efficaces de perception et de distribution des droits dans le Pacifique, les musiciens et les studios d’enregistrement doivent encore rajouter à ce manque à gagner la perte de leurs droits de diffusion en radio. 76 Figure 10: Chaîne de valeur commerciale du secteur de la musique dans le Pacifique Objectifs L’objectif de la stratégie de développement présentée ici est de sauver l’industrie de la musique océanienne en lui rendant la part des ventes et des recettes qui lui revient de droit par le renforcement de la protection de la propriété intellectuelle et la mise en place de sociétés de perception des droits. L’objectif secondaire est d’élargir la présence des artistes sur les marchés à l’exportation régionaux. Description des produits L’Océanie recèle une grande diversité de traditions, de cultures et de peuples, qui constituent une riche source d’inspiration pour les musiciens. Sur fond de popularisation de la musique occidentale dans la région, les musiciens peuvent explorer ces influences pour créer des sons uniques. Les principaux genres musicaux écoutés dans le Pacifique sont la musique traditionnelle, la musique fusion, le reggae, le hip-hop/rap et le rock, avec des mélanges de genres chez certains musiciens. Toutefois, hormis quelques pays (Vanuatu, Papouasie-NouvelleGuinée, Nouvelle-Calédonie), la majorité des produits sont des reprises, ciblant principalement les marchés locaux et les diasporas. À l’exception de quelques grands studios d’enregistrement (comme CHM en Papouasie-NouvelleGuinée et Mango (sic) Productions en Nouvelle-Calédonie), la région manque cruellement de studios professionnels. En conséquence, la qualité sonore et technique des albums, produits dans des studios maison ou des studios professionnels sans technicien qualifié, laisse à désirer. Dans les pays industrialisés, les studios d’enregistrement et les producteurs collaborent par ailleurs avec les musiciens pour développer un produit adapté et donc commercialisable sur les marchés cibles. 77 Besoins du secteur Dans le secteur de la musique océanien, la priorité absolue reste de légiférer de manière efficace sur la protection des droits de propriété intellectuelle et de faire appliquer la loi. Le faible degré de protection de ces droits dans le Pacifique s’explique en partie par l’absence d’organismes de défense au sein du secteur. Rares sont les pays du Pacifique à disposer d’un organisme national représentant les musiciens et les studios d’enregistrement, si bien que les acteurs du secteur n’ont aucun interlocuteur officiel sur qui s’appuyer pour s’adresser aux organismes publics et faire entendre leurs préoccupations sur ces enjeux importants. Développement et création : Bien que les talents musicaux foisonnent dans le Pacifique, l’offre de formation est limitée dans l’enseignement officiel. Il manque ainsi aux musiciens en herbe une connaissance approfondie de la musique, ce qui peut freiner l’étape de création. Faute de formation structurée et de recherches locales sur le secteur, les musiciens sont peu exposés aux autres genres musicaux dont ils pourraient s’inspirer pour enrichir leur style. L’avènement d’Internet dans la région a quelque peu changé la donne. Les musiciens ont aujourd’hui accès à un large choix de musique, même s’ils n’ont pas les compétences pour la recréer. Toutefois, le nombre limité de stations de radio locales et le penchant général pour la musique « grand public » restreignent encore les rencontres du secteur avec des musiques nouvelles et alternatives. Enfin, dans la phase de création, les musiciens sont parfois handicapés par le manque d’accès aux instruments, à du matériel d’enregistrement maison et à des lieux de répétition. Souvent, les musiciens n’ont pas les moyens de s’acheter des instruments de très bonne qualité, dont le prix est alourdi par des droits d’importation élevés et les grosses marges pratiquées par les détaillants. En outre, dans certains pays, les artistes ne trouvent pas toujours de lieu confortable et sûr pour répéter et faire évoluer leur musique. Production : Comme indiqué plus haut, la région manque cruellement de studios d’enregistrement et de production professionnels. Les quelques studios de grande qualité qui persistent voient leurs bénéfices fondre et se pensent condamnés à fermer dans quelques années si les droits de propriété intellectuelle ne sont pas mieux protégés. Le piratage a déjà contraint le plus grand studio de Vanuatu, dont le propriétaire est Joe Tjiobang Bong, Président de la Vanuatu Music Federation, et un certain nombre de studios fidjiens à fermer boutique. (Voir section sur la distribution plus loin pour plus de détails sur le secteur de la musique du Vanuatu). Aux quelques studios professionnels existants s’ajoutent des centaines de studios maison équipés d’une large gamme de matériel élémentaire d’enregistrement et de mixage. L’amélioration des technologies numériques et la démocratisation du numérique ont permis aux apprentis « ingénieurs du son » d’expérimenter plus librement avec leur musique. Cela dit, la grande majorité d’entre eux n’ont suivi aucune formation et ne sont pas en mesure de produire des albums de très grande qualité, susceptibles d’intéresser les marchés internationaux. De surcroît, les propriétaires de studios maison n’ont souvent pas les compétences requises en gestion et en marketing pour vendre leurs produits. Par ailleurs, tant les studios maison que les studios professionnels ont besoin d’un meilleur accès au matériel et aux matières premières (CD, boîtes, technologie d’impression des jaquettes). En effet, le prix de certains équipements indispensables est prohibitif, du fait des droits d’importation élevés et des grosses marges pratiquées par les détaillants. 78 Les studios d’enregistrement et de production resteront le plus grand obstacle à franchir pour accéder aux marchés internationaux. Pour rivaliser avec les productions de qualité présentes sur les marchés à l’exportation, les musiciens océaniens devront collaborer avec des ingénieurs du son et des studios d’enregistrement professionnels. Si ces compétences ne sont pas disponibles en Océanie, les artistes qui sortent du lot travailleront avec des studios en Australie et en NouvelleZélande, lesquels engrangeront les bénéfices des ventes d’albums. Promotion : Comme indiqué dans la chaîne de valeur commerciale ci-dessus, un large éventail d’agents du marché participent à la promotion de la musique. Les musiciens promeuvent leur musique auprès des studios d’enregistrement, des grands sites de vente en ligne, des salles de spectacle et des consommateurs. Cette multiplicité contraint les musiciens à consacrer une part importante de leur temps à la commercialisation et à la promotion de leur musique. Les studios d’enregistrement, quand ils existent, sont aussi confrontés à la multiplicité des circuits de commercialisation, notamment les sites de vente en ligne, les magasins traditionnels et les stations de radio. Ce sont généralement les studios qui prennent en main la promotion : publicités, relations publiques et concerts ou tournées. Toutefois, parce que les ventes sont grignotées par le piratage, les studios ont aujourd’hui des fonds limités à leur disposition pour assurer la promotion. Cela se traduit, pour la plupart des musiciens et des studios d’enregistrement, par une présence anodine sur Internet, ce qui limite leur visibilité sur les marchés à l’exportation. Les stations de radio locales figurent parmi les principaux circuits de promotion, mais la musique locale doit rivaliser avec la musique occidentale pour être diffusée à l’antenne. Distribution : Encore une fois, comme indiqué dans la chaîne de valeur commerciale, les circuits de distribution ne manquent pas. Les artistes distribuent leur musique via les ventes en ligne, les studios d’enregistrement, les magasins locaux, les lieux de concert et les ventes directes aux consommateurs. Les studios d’enregistrement ont également face à eux un large éventail de circuits de distribution : ventes en ligne, magasins locaux, lieux de concert, distributeurs internationaux, détaillants et, dans certains cas, ventes directes aux consommateurs. Cela dit, dès que la musique est distribuée dans les magasins locaux ou sur les sites de vente en ligne, le secteur informel prend le dessus. Les enseignes locales font l’acquisition d’une nouvelle sortie en un seul exemplaire et, en l’espace de quelques heures, copient l’album sur des CD bon marché ou des périphériques externes, pour les revendre à bas prix, en deçà de la valeur marchande du produit. Dans certains cas, les stations de radio remettent aux disquaires des exemplaires de l’album avant même sa sortie dans les bacs. En outre, les consommateurs qui achètent légalement un album partagent probablement les fichiers numériques avec leurs amis, par le biais du partage en pair à pair, faisant encore baisser les chiffres des ventes. Le Vanuatu a récemment intensifié sa lutte contre le piratage musical en promulguant en février 2011 la loi n° 42 (2000) relative au droit d’auteur et aux droits connexes. La loi précise que toute vente au détail de CD et de DVD de musique locale sans l’autorisation des propriétaires/studios de production est désormais illégale. Toute marchandise illicite se trouvant en la possession d’un détaillant sera immédiatement saisie et détruite, et le détenteur sera passible de sanctions pénales. Si la loi porte un grand coup au trafic illicite, elle n’est pas sans faille. En l’absence d’accords de coproduction, la loi ne produira que peu d’effets sur la musique océanienne produite en dehors du territoire du Vanuatu. En effet, pour tomber sous le coup de la loi, un album océanien doit être officiellement mis sur le marché au Vanuatu dans les trente jours suivant sa sortie originale. En outre, la Vanuatu Music Federation se heurte à des difficultés de mise en œuvre des lois. Les pouvoirs publics n’ont réservé aucun moyen financier ou autre pour garantir le plein respect de la loi, laissant 79 cette responsabilité aux musiciens et à la fédération. Joe Tjiobang Bong a beaucoup fait à titre personnel pour faire respecter la loi, distribuant des avertissements 9 aux détaillants pour se voir opposer une fin de non recevoir et devoir revenir avec un officier de police. L’érosion de la protection de la propriété intellectuelle provoquera à terme la chute du secteur. S’ils ne peuvent pas s’associer à des studios d’enregistrement et à des producteurs solides, les artistes océaniens seront privés de l’encadrement technique, créatif et promotionnel dont ils ont besoin pour accéder aux marchés locaux, régionaux et à l’exportation. Même si la protection de la propriété intellectuelle est sensiblement renforcée, d’autres obstacles interviennent à l’étape de la distribution. Parmi ces obstacles, on peut citer le fait qu’il y a peu de juristes qualifiés et disponibles susceptibles d’aider les musiciens à décortiquer leur proposition de contrat avec les studios, les radios et les agences de marketing externes. Dans le Pacifique, comme dans le reste du monde, certains studios proposent aux artistes un versement au comptant pour leur disque original (master), sans contrepartie financière sur le long terme. Souvent, les musiciens n’ont pas conscience que les studios vampirisent leur produit et les privent d’importantes recettes (droits de diffusion et ventes). Même si la protection de la propriété intellectuelle est sensiblement renforcée, d’autres obstacles interviennent à l’étape de la distribution. Parmi ces obstacles, on peut citer le fait qu’il y a peu de juristes qualifiés et disponibles susceptibles d’aider les musiciens à décortiquer leur proposition de contrat avec les studios, les radios et les agences de marketing externes. Dans le Pacifique, comme dans le reste du monde, certains studios proposent aux artistes un versement au comptant pour leur disque original (master), sans contrepartie financière sur le long terme. Souvent, les musiciens n’ont pas conscience que les studios vampirisent leur produit et les privent d’importantes recettes (droits de diffusion et ventes). Consommation : Parmi les grands obstacles à la consommation, on peut citer le nombre limité de lieux de spectacle correctement équipés et encadrés par des professionnels, voire sécurisés. Dans la région, une partie des plus grands événements « live » sont organisés par CHM en PapouasieNouvelle-Guinée. CHM se charge de la promotion, de la billetterie, du recrutement du personnel et du matériel son, ces services n’étant proposés dans aucun lieu de spectacle. Par ailleurs, la concurrence des musiques occidentales importées est féroce, car elles sont disponibles à moindre coût en raison du piratage institutionnalisé et informel. 9 Adressé à toute personne qui commet des actes illicites, un avertissement n’est pas un document juridique. Il peut être rédigé par tout un chacun, en général avec l’aide d’un juriste. En gros, ce document prie le destinataire de cesser les faits qui lui sont reprochés et de s’abstenir de les commettre à nouveau à l’avenir. Si la demande reste sans réponse, le destinataire s’expose à des poursuites pénales ; il se verra alors remettre une ordonnance d’interdiction (émanant d’un magistrat) ou sera arrêté par un agent de la force publique. 80 Figure 11: Chaîne de valeur créative du secteur de la musique dans le Pacifique Bleu = Situation actuelle Rouge = Situation possible et apports nécessaires Marchés Partout dans le monde, les bénéfices tirés de la musique enregistrée se réduisent comme peau de chagrin sous l’effet du piratage. Dans l’industrie de la musique océanienne, les agents du marché doivent garder cet élément à l’esprit s’ils décident de tenter une percée sur les marchés à l’exportation. Marchés actuels Marché local : La musique océanienne séduit déjà un marché large et grandissant. Toutefois, cette assise forte s’effrite sous l’effet du piratage institutionnalisé et informel. Le marché local est généralement segmenté par âge. La musique traditionnelle s’adresse aux groupes plus âgés, tandis que les musiques actuelles/fusion sont destinées aux jeunes générations. Dans certains pays, comme les Fidji où se côtoient des Polynésiens, des Mélanésiens et des Indo-fidjiens, l’appartenance ethnique influence considérablement le marché de la musique. Chaque groupe ethnique reste attaché à la musique originaire de sa culture, les jeunes générations passant facilement d’un genre à l’autre. 81 Diasporas : La plupart des studios d’enregistrement professionnels visent les diasporas en organisant des tournées informelles de ventes dans les pays d’accueil ou en établissant des relations officielles avec les distributeurs/diffuseurs dans ces pays. Lorsque les membres des diasporas retournent au pays, ils achètent également de la musique. Il est toutefois possible d’élargir ce marché en assurant une promotion plus structurée. Marchés à exploiter Local : Pour retrouver prise sur le marché local, les pouvoirs publics nationaux doivent mettre en place des lois énergiques sur la propriété intellectuelle, assorties de lourdes sanctions, et réserver des moyens suffisants à la mise en œuvre des textes. Par ailleurs, il faut faire la chasse à la corruption (surtout les pots-de-vin) afin d’éviter que les récidivistes n’échappent aux sanctions financières et/ou aux arrestations. Si elle parvient à bien protéger les droits de propriété intellectuelle, l’industrie de la musique océanienne récupérera son principal marché de base. Sur le marché local, les concerts peuvent également fortement faire grimper les ventes. Malgré le coût des tournées, même au niveau national et régional, les concerts représentent l’avenir de l’industrie de la musique. Toutefois, pour qu’une tournée rapporte d’importants bénéfices dans le Pacifique, il faut investir dans des lieux de spectacle adaptés et récolter des fonds ou investir dans l’organisation de la tournée. Diasporas : Si les artistes océaniens ont déjà un public parmi les diasporas, ils n’exploitent pas encore tout le potentiel que représente ce marché. Les ventes pourraient être boostées par l’organisation de tournées dans les régions où s’établissent les diasporas et la création de relations plus formelles avec les magasins de vente au détail. Toutefois, les studios d’enregistrement ont besoin de fonds pour pouvoir investir dans le développement des marchés. Festivals : Les musiciens participent déjà à une série de festivals en Océanie, y compris le Festival des arts du Pacifique, le Festival des arts mélanésiens et les festivals locaux. Toutefois, peu de musiciens arrivent à tirer parti de ces événements, leur participation étant généralement subventionnée par le festival ou l’État concerné. En outre, il est rare que ces manifestations locales et régionales attirent des consommateurs issus de marchés plus vastes ou des découvreurs de talents. Les organisateurs de festivals ou les studios d’enregistrement doivent étudier la possibilité d’utiliser les concerts produits lors de festivals comme vitrine et espace de promotion des musiciens auprès des agents et des labels d’enregistrement internationaux. Enfin, les pouvoirs publics nationaux doivent apporter une aide aux musiciens désireux de participer à des festivals à visée commerciale sur les marchés ciblés pour l’exportation. Tourisme : Les musiciens n’exploitent pas le marché touristique classique. Pour cibler les touristes, on peut leur proposer des concerts et de la musique enregistrée. Toutefois, il faut s’adapter à la cible, car, lorsqu’ils programment leurs vacances dans le Pacifique, peu de touristes s’imaginent acheter un CD ou assister à un concert. Les musiciens doivent travailler avec des associations du secteur privé et les offices du tourisme pour que leurs produits soient exposés dans des lieux de fréquentation touristique, tels que les hôtels et les restaurants. En outre, les hôtels et les voyagistes devraient faire la promotion des festivals et spectacles musicaux locaux. Musiques du monde : Les musiques du monde sont un genre en plein essor, couplant musique traditionnelle et musique fusion des quatre coins du monde. Malgré l’absence de chiffres précis sur la taille de ce marché, la croissance qu’il affiche depuis quelques années laisse augurer d’importants débouchés pour les musiciens océaniens. Les circuits de distribution des musiques du monde peuvent varier quelque peu et tourner davantage autour des concerts et des festivals, où les adeptes de musique ont la 82 possibilité de découvrir de nouvelles musiques avant de les acheter. En plus de ces événements, il peut rester nécessaire de diffuser et de commercialiser les œuvres musicales locales par l’intermédiaire d’entreprises implantées un peu partout dans le monde, comme Real world music, Lusafrica, Sonodisque, EPIC, Melt 2000, BMG ou EMI. Le plus souvent, ces sociétés, basées aux ÉtatsUnis ou au sein de l’UE, rapatrient les bénéfices et les nouveaux contrats d’enregistrement dans leur pays, ce qui restreint la part de bénéfices qui revient dans le Pacifique. Exportations : Les marchés à l’exportation traditionnels se heurtent aux mêmes difficultés et obstacles que le marché des musiques du monde. La nécessité de s’associer avec des distributeurs internationaux reconnus peut ressembler à une impasse pour les musiciens, car si cette association devient indispensable pour une présence internationale, elle restreint aussi la capacité de l’industrie musicale régionale à bénéficier des ventes internationales. En outre, si les studios d’enregistrement basés en Océanie veulent accéder seuls aux marchés à l’exportation traditionnels, ils doivent investir des sommes considérables dans l’organisation de tournées et la promotion dans les pays ciblés. Parce que leurs bénéfices sont grignotés par le piratage sur le marché local, les studios d’enregistrement et les musiciens ont aujourd’hui des fonds limités à leur disposition pour investir dans la conquête de nouveaux marchés. Ventes en ligne : Si une poignée de musiciens et de studios d’enregistrement ont commencé à vendre des morceaux sur iTunes et d’autres sites de vente de musique sur la toile, la marge de progression est encore énorme. Les musiciens océaniens peuvent envisager plusieurs sites en ligne. Spotify.com vient de s’implanter aux États-Unis et a déjà une large clientèle au sein de l’UE. Proposant des téléchargements à moindre prix, la société américaine eMusic.com a gagné en popularité ces dernières années. Wikipedia propose une liste pratique, mais incomplète, de magasins de musique en ligne, en précisant les restrictions géographiques pour l’envoi des colis, le type de site et les genres musicaux représentés : http://en.wikipedia.org/wiki/Comparison_of_online_music_stores Tactique de développement La tactique de développement de l’industrie de la musique océanienne devrait s’articuler autour de quatre grands volets. Premièrement, dans l’immédiat, il faut développer l’infrastructure nationale et régionale, en insistant sur les organisations du secteur à l’échelon national. Deuxièmement, les pouvoirs publics doivent s’employer sérieusement et énergiquement à renforcer la protection de la propriété intellectuelle et à dégager suffisamment de ressources pour garantir le respect des lois y afférentes. Troisièmement, il convient d’améliorer le développement des produits et de renforcer les compétences commerciales et les connaissances en gestion au sein même du secteur. Quatrièmement, le secteur doit envisager des activités de marketing créatif à court terme et élaborer des stratégies de marketing à long terme. Voici quelques-unes des actions recommandées : Développement de l’infrastructure L’une des principales difficultés auxquelles se heurtent les musiciens réside dans le fait qu’ils ne sont pas représentés par un organisme national entièrement consacré au soutien du secteur de la musique. La plupart des pays disposent d’un service de la culture rattaché au gouvernement, mais sa mission consiste rarement à promouvoir l’industrie musicale commerciale. En formant des associations du secteur privé, les musiciens disposeront d’une voix plus forte pour faire entendre leurs préoccupations auprès des pouvoirs publics nationaux et seront mieux à même de suivre les ventes et les droits à reverser aux membres de l’association. • Pour percevoir des droits de diffusion des stations de radio locales, régionales et internationales, solliciter l’appui des pouvoirs publics afin de mettre en place des politiques et des programmes d’investissement avantageux et créer des réseaux au sein du secteur, il 83 est nécessaire que chaque secteur national de la musique s’organise. Actuellement, les Fidji sont le seul pays océanien à disposer d’un organisme national efficace de perception et de redistribution des droits, l’Association de défense des intervenants du spectacle des Fidji. Chaque pays doit se doter d’une association de musique pouvant percevoir les droits des artistes et aider le secteur à se faire entendre auprès du gouvernement. • Une fois que ces organismes nationaux seront en place, il conviendra de former une fédération régionale chargée de contribuer à la coordination et à la création de réseaux à travers toute la région. Cette association peut aider à la conclusion d’accords de coproduction, à la protection de la propriété intellectuelle, et à l’élaboration de stratégies de marketing créatives afin d’exploiter les produits et les fonds de chaque pays dans l’intérêt de tous. • Il serait également souhaitable que les associations nationales et régionales étudient les régimes mode 4 déjà inclus ou envisagés dans certaines politiques ainsi que leurs applications potentielles à l’organisation de tournées internationales. Protection de la propriété intellectuelle Une fois en place, les associations nationales de musique devront s’attacher en premier lieu à renforcer la protection de la propriété intellectuelle et l’application des textes existants au sein de leur pays. Voici quelques-unes des stratégies recommandées : • Les associations nationales devraient solliciter l’appui des pouvoirs publics pour que des lois astreignantes prévoyant de lourdes sanctions en cas de piratage soient adoptées. Elles sont invitées à s’inspirer de textes de loi en vigueur dans la région, notamment au Vanuatu. La législation du Vanuatu présente des avantages et des inconvénients dont devraient tenir compte les pays qui cherchent à mettre en place une législation sur le droit d’auteur. La loi doit énoncer clairement les dispositifs d’application et préciser à qui incombe la responsabilité financière des enquêtes. • Les associations nationales devraient constituer des groupes de réflexion sur la propriété intellectuelle chargés de faire connaître la législation adoptée en la matière dans leurs pays respectifs et d’assurer eux-mêmes l’exécution des textes de loi (avertissements). Ces groupes de réflexion peuvent aussi collaborer avec les douanes ou l’autorité nationale de régulation de l’audiovisuel afin d’instaurer des garde-fous au sein de l’industrie. • Il sera nécessaire de former les pouvoirs publics et les forces de police aux modalités adéquates d’élaboration et de mise en application des lois sur la propriété intellectuelle. Il est par exemple possible de faire appel à l’Association australasienne de défense des intervenants du spectacle (Australasian Performing Right Association, APRA) ou à la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI) pour former les pouvoirs publics nationaux aux modalités d’introduction et de mise en application d’un régime de protection de la propriété intellectuelle. • Il serait également souhaitable que les associations nationales envisagent de mettre au point une stratégie de marque et une campagne de publicité pour sensibiliser tout un chacun aux effets délétères des atteintes à la propriété intellectuelle. Il est possible de créer un label d’authenticité afin d’aider le consommateur à distinguer les ventes légales de musique des ventes illégales. Développement des produits • Si l’organisation du secteur et la protection de la propriété intellectuelle sont les deux principaux enjeux, les musiciens doivent également aller plus loin dans le développement des produits. Plus la gamme de produits disponible est diversifiée, plus le marché 84 accessible à la région sera large. En disposant d’une gamme de musiques plus vaste, le Pacifique peut se convertir en une plateforme créative de la production musicale. • Le développement des produits peut également aider les musiciens nouvellement arrivés sur le marché à se faire une place sur les marchés à l’exportation. Proposer un remix de musiques occidentales populaires sur les sites Internet où le contenu est généré par les utilisateurs peut permettre aux artistes océaniens de gagner des followers (abonnés) sur les marchés occidentaux. • Les associations régionales devraient également chercher à s’associer avec le nouveau studio d’enregistrement de l’USP afin de renforcer les compétences techniques du secteur en ingénierie du son et en production. (L’USP a fait construire et est en train d’équiper son studio d’enregistrement. Pour l’aider dans cette nouvelle aventure, elle a fait venir tout spécialement le musicien et compositeur de renom Igelese Ete). Perfectionnement des compétences en gestion • Les musiciens doivent renforcer leurs compétences en matière de négociation de contrats. Dans cette optique, des formations peuvent être proposées aux musiciens et aux studios d’enregistrement. • Les propriétaires de studios d’enregistrement maison et les musiciens ont besoin d’acquérir des compétences élémentaires en gestion et en marketing. Pour ce faire, les associations nationales peuvent organiser des formations. Marketing et promotion Le secteur de la musique doit s’attacher en priorité à retrouver prise sur les marchés locaux. Voici quelques-unes des activités de marketing qui peuvent être conduites à moyen et à long terme : • Cibler les marchés touristiques en développant des produits créatifs et en nouant des partenariats avec les hôtels, les associations représentant le secteur touristique privé et les offices de tourisme. o Les musiciens peuvent s’associer à des hôtels afin que leur musique soit diffusée dans le hall de réception, les restaurants ou les chambres et qu’une brochure bien conçue soit mise à disposition du client qui pourra y lire des informations sur la musique diffusée et y trouver l’adresse du site Web où elle est vendue. Dans les courriels de suivi qu’ils envoient à leur clientèle, les hôtels peuvent insérer un lien vers le site de vente en ligne des musiques diffusées. Ils peuvent également proposer à la vente des CD dans leurs magasins de souvenirs. o Les musiciens doivent veiller à faire la publicité de leurs concerts dans les hôtels et chez les voyagistes, car peu de touristes entendront parler de leurs scènes dans la presse locale. o Les musiciens peuvent collaborer avec les offices de tourisme pour mettre au point des produits adaptés à des marchés cibles, par exemple, les croisiéristes et d’autres niches. • Pour accéder aux marchés à l’exportation, les musiciens et les studios d’enregistrement auront besoin que les pouvoirs publics investissent dans leurs projets afin de financer les frais en amont et la promotion. Les pouvoirs publics nationaux devraient mettre en place des programmes d’investissement, adaptés aux exigences des marchés à l’exportation et régis par des critères pointus de sélection des artistes. L’investissement pourrait aider les musiciens à financer leurs tournées ou leur promotion. 85 • En s’appuyant sur une politique publique d’investissement et de soutien adaptée, les associations nationales de musique pourraient proposer à leurs musiciens des expériences novatrices en matière de marketing et de mise en réseaux afin de les aider à se faire connaître à l’étranger. o Par exemple, les associations nationales pourraient parrainer un concours de reprises sur Internet autour des chansons d’un artiste reconnu sur la scène mondiale. Le lauréat pourrait alors se voir offrir la possibilité de collaborer avec cet artiste, avec, à la clé, des concerts organisés dans le pays d’origine de l’artiste et du gagnant du concours. Permettre aux Internautes de voter pour leur reprise préférée serait alors l’occasion d’élargir le public des participants dans le Pacifique et sur les marchés à l’exportation ciblés, tandis que l’organisation de concerts permettrait d’engranger des recettes. Si les musiciens océaniens participent déjà à des festivals régionaux et locaux, la marge de progression est encore grande. Les festivals culturels et musicaux permettent aux musiciens de se faire connaître sur les marchés, de vendre leurs produits et CD et, éventuellement, de se faire remarquer par un agent international ou de conclure un contrat avec une grande maison de disques. Pour participer aux grands festivals et scènes musicales en Australie et aux États-Unis, les musiciens océaniens ont toutefois besoin de fonds considérables. Voici une liste indicative de festivals où se rassemblent professionnels de l’industrie, agents et grandes maisons de disques : o APRA Song Summit ; o Australian World Music Expo ; o South by Southwest, Austin, Texas (États-Unis) ; o CMJ Music Marathon, ville de New York (États-Unis) ; o LeWeb, Paris (France) ; o Like Minds, Exeter, Devon (Royaume-Uni) ; o Surface Festival, à travers tout le Royaume-Uni et l’UE ; o Gilles Peterson’s Worldwide Festival, partout dans le monde. • De façon générale, les musiciens océaniens doivent accroître leur présence dans les médias conventionnels et non conventionnels. Les associations nationales devraient chercher à fournir certains services de promotion aux musiciens affiliés en nouant des relations avec les parties prenantes suivantes : o certains détaillants et distributeurs (visites de ventes et autres visites) ; o stations de radio locales et régionales ; o stations de radio australiennes ; o stations de radio du Net ; o émissions télévisées de clips musicaux. • Les vidéos musicales sont devenues quasiment incontournables pour promouvoir la musique à l’international. Les artistes océaniens devraient tirer parti des sites Internet de diffusion de vidéos, tels que youtube.com et vimeo.com, pour présenter leur musique à une audience mondiale. De nombreux groupes indépendants font leurs débuts internationaux en postant des vidéos imaginatives qui font rapidement le buzz sur youtube.com. • Dès qu’elles seront établies et qu’elles auront engagé des agents commerciaux, les associations nationales devraient envisager d’élaborer des stratégies adaptées de marketing dans les médias sociaux. Souvent, ce sont des stratégies peu coûteuses mais payantes, lorsqu’elles sont correctement mises en œuvre. 86 Partenaires potentiels Le secteur de la musique est encore inorganisé tant à l’échelon régional qu’à l’échelon national. Pour examiner et conduire les actions proposées plus haut, il faudra en premier lieu renforcer la coordination et la communication entre les acteurs du secteur à l’échelon national et fédérer les organisations nationales découlant de ce processus au sein d’un organisme régional. Voici quelques-uns des importants partenaires pouvant s’associer à cette entreprise : • services nationaux de la culture ; • studios privés (CHM, Mangrove Productions, etc.) ; o avec un soutien adéquat, CHM pourrait jouer un rôle de chef de file dans la constitution d’une association nationale des musiciens de PapouasieNouvelle-Guinée ; • Association de défense des intervenants du spectacle d’Australie ; • Association de défense des intervenants du spectacle des Fidji ; • Radio Australia – Pacific Break. Calendrier de développement du secteur de la musique Activité Création d’associations nationales de musique/organisations de gestion collective Année 1 Année 2 Année 3 Année 4 Année 5 Création d’une association régionale de musique Création d’un groupe de réflexion sur la propriété intellectuelle Formation sur la propriété intellectuelle Élaborer/réviser les lois sur la propriété intellectuelle Élaboration de plans de protection de la propriété intellectuelle Élaboration et mise en œuvre d’une stratégie de marque Politiques nationales Développement continu des produits Formation en gestion pour les musiciens et les studios d’enregistrement Élaboration d’un plan de développement et de promotion des produits touristiques Démarches auprès des pouvoirs publics pour un renforcement de l’investissement dans le secteur Participation à des festivals Élaboration d’un plan régional de promotion 87 STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT DE LA DANSE Le secteur océanien de la danse est diversifié, fragmenté et embryonnaire. Creuset de milliers de traditions, il conjugue la culture contemporaine et une gestuelle ancestrale pour produire des expressions dansées nouvelles et fascinantes. Dans chaque pays de la région, le secteur présente une image différente et, partant, une chaîne de valeur qui lui est propre. Ceci étant, on peut dire que, de manière générale, le secteur se caractérise par une structure écrasée, ce qui signifie que l’on retrouve les mêmes acteurs, dans des rôles différents, à tous les niveaux de la chaîne. Au stade de la production, les mécènes et les techniciens (éclairage, son, etc.) font cruellement défaut, tandis que le stade de la promotion souffre de l’absence d’agences de marketing. Actuellement la diffusion se concentre d’abord sur les marchés locaux, suivis des festivals à un degré moindre, et du marché international quand l’occasion se présente. Or, dans la plupart des cas, la participation à un festival ou à une tournée internationale coûte de l’argent aux troupes, qui n’engrangent que des recettes de billetterie négligeables. En règle générale, ces spectacles sont subventionnés par les pouvoirs publics ou par les danseurs eux-mêmes. Par ailleurs, faute de moyens techniques, promotionnels et financiers, il est rare que les spectacles soient filmés pour en diffuser les enregistrements ou les proposer à la vente : les seuls « consommateurs » sont donc les spectateurs qui assistent aux représentations. Enfin, il n’est pas facile de recueillir des données sur le marché au stade du montage des spectacles. Il n’existe que peu de filières structurées de formation à la danse, et les critiques et les écoles de danse se comptent sur les doigts de la main en Océanie. Il est donc difficile pour les artistes et les chorégraphes de bien connaître leur marché et de monter des productions susceptibles d’intéresser et d’interpeller le public. Le diagramme ci-dessous représente l’état actuel de la chaîne de valeur du secteur de la danse en Océanie, ainsi que son évolution potentielle. Figure 12: Chaîne de valeur créative du secteur de la danse en Océanie 88 Objectifs La stratégie de développement présentée ici a pour objectif de renforcer la présence de la danse océanienne sur les marchés locaux et touristiques, tout en exploitant sa singularité et l’enthousiasme qu’elle suscite pour promouvoir l’Océanie en tant que destination touristique et plaque tournante de la création. Produit En Océanie, le secteur de la danse se décline en trois grands produits : la danse traditionnelle, la danse occidentale et la danse fusion. La danse traditionnelle regroupe tout l’éventail des cultures océaniennes et se divise en quatre catégories principales d’expression : mélanésienne, polynésienne, micronésienne et indienne aux Fidji, en raison de l’importante population indofidjienne que compte le pays. Ces grandes catégories se décomposent à leur tour en milliers de variations, qu’il s’agisse de danses exécutées à l’occasion d’événements culturels ou personnels, ou à des fins de divertissement. La plupart des compagnies de danse établies marient les techniques traditionnelles et occidentales dans des spectacles de danse fusion. La troupe Oceania Dance Theatre travaille avec des chorégraphes chevronnés pour se former aux techniques occidentales et actuelles, notamment à la danse classique. L’entraînement nécessaire à la pratique des danses occidentales est fondamental pour le développement global du secteur et permet de stimuler la créativité des chorégraphes de la danse fusion. La danse fusion, c’est la rencontre de traditions et de techniques d’une grande diversité d’où surgissent de nouveaux mouvements dansés. Elle est pratiquée par une poignée de troupes en Océanie. Le genre connaît un engouement particulier aux Fidji, où cohabitent les traditions mélanésiennes, polynésiennes, occidentales et indiennes. Besoins du secteur Comme indiqué plus haut, le secteur se caractérise par une structure écrasée, ce qui explique l’absence de certains maillons dans la chaîne de valeur. La section ci-après passe en revue les paramètres à améliorer pour que la danse océanienne soit à même de conquérir les marchés à l’exportation. Développement et création : On ne peut nier que les rares compagnies de danse professionnelles océaniennes débordent de créativité et d’énergie, mais il n’existe encore pratiquement aucune filière de formation structurée dans la région. En outre, on constate un faible niveau de reconnaissance sociale de la danse, aussi bien comme domaine d’étude que comme orientation professionnelle. L’ensemble de ces éléments empêche le secteur d’exploiter pleinement tout le potentiel créatif de ses danseurs et chorégraphes. En raison du peu de soutien accordé par les pouvoirs publics aux industries culturelles, le secteur de la danse n’a pas été encouragé à se structurer. Jusqu’à une date récente, l’USP aux Fidji était la seule université à préparer à un diplôme des arts de la scène : or ce cursus n’est plus proposé. L’OCACPS (Oceania Centre for Arts, Culture and Pacific Studies) de l’USP met l’accent sur la scène, avec la troupe Oceania Dance Theatre qui fait partie de sa section des arts du spectacle vivant, mais les danseurs ne sont pas salariés à temps plein et ne disposent pas de leur propre 89 espace scénique. Bien que l’OCACPS ait fait avancer la recherche universitaire sur la culture océanienne et notamment sur la danse et d’autres arts de la scène, on doit déplorer l’absence de travaux de recherche réalisés localement sur la danse océanienne. Dans la chaîne de valeur de la danse, les chercheurs et les critiques professionnels sont des acteurs incontournables de l’étape du développement, puisqu’ils transmettent aux chorégraphes et aux danseurs des informations sur le marché qui se révèlent très utiles au stade de la création. Production : Au stade de la production, danseurs et chorégraphes ne disposent pas de ressources techniques suffisantes : techniciens son et lumière, scénographes et costumiers par exemple. En raison de l’absence de formations structurées dans le domaine du spectacle vivant, on ne trouve dans la région que très peu de techniciens correctement formés. Plus grave encore, rares sont les compagnies à adopter une approche commerciale dans la production de leurs spectacles. Beaucoup d’entre elles étant subventionnées par des fonds publics ou des universités, elles ne sont pas perçues comme des structures à but lucratif, mais comme des outils de marketing ou de représentation culturelle. Les pays souhaitant faire de la danse une industrie culturelle à part entière devront commencer par apprendre à estimer correctement la valeur du travail de leurs troupes de danse pour en faire de véritables entreprises commerciales. Cela signifie qu’il faudra réaliser des études de marché et monter des spectacles répondant aux attentes du public. Par ailleurs, les recettes de billetterie permettant rarement d’amortir les coûts de production, les troupes de danse doivent élaborer des plans de parrainage sur mesure, pour renforcer la contribution du mécénat et des bailleurs de fonds à leurs budgets. Promotion : Actuellement, la promotion des spectacles est assurée par les lieux scéniques et les compagnies elles-mêmes. On ne trouve quasiment aucune agence de promotion spécialisée dans le spectacle vivant ou dans les troupes de danse ; ces dernières ne disposent par ailleurs que rarement de moyens à consacrer à la promotion. Ceci limite automatiquement le nombre de spectateurs potentiels, sachant par ailleurs que la population locale connaît et apprécie peu la discipline. Les concours de danse font figure d’exception, notamment lorsqu’il s’agit de manifestations destinées aux élèves des collèges et lycées. Au cours des cinq dernières années, ces concours n’ont cessé de gagner en popularité et pourraient contribuer à améliorer l’image de la danse professionnelle. Diffusion : La diffusion souffre avant tout d’un manque de lieux scéniques et de salles adéquates. Dans beaucoup de pays, il n’y a pas de scène nationale à même d’accueillir des spectacles vivants et celles qui existent sont souvent mal adaptées à la danse contemporaine ou aux autres danses actuelles. Ailleurs, notamment en Papouasie-Nouvelle-Guinée, la sécurité est une préoccupation majeure pour les amateurs de spectacles, qui préfèrent souvent rester chez eux plutôt que de s’aventurer au dehors le soir pour assister à une représentation. Il faut enfin mentionner le temps et le coût nécessaires à l’obtention des visas pour les tournées internationales, difficultés qui peuvent même en entraîner l’annulation. Marchés Les spectacles de danse se caractérisent par des coûts de production élevés et des recettes de billetterie faibles, et ceci même sur les marchés des pays développés. Les compagnies doivent prendre en compte ce paramètre dans le choix de leurs marchés cibles. 90 Marchés actuels Marché touristique : Le marché touristique est actuellement ciblé par le biais des hôtels et concerne surtout des spectacles de danse traditionnelle exécutés par des groupes d’amateurs venus des villages voisins. De manière générale, les groupes de danseurs établis et professionnels ne ciblent pas ce marché, pour des raisons logistiques ou par manque de produits et de stratégies de marketing adaptés. Marché local : Le marché local a certes un périmètre limité, mais il est actuellement en phase d’expansion. Dans certains pays, on assiste à un véritable engouement des jeunes d’âge scolaire pour les concours de danse et les spectacles de hip-hop. Ce phénomène a débouché sur la création de quelques écoles de danse à but lucratif, qui initient enfants et adolescents à la danse. Il faut encourager cette nouvelle prise de conscience sur le marché local, en travaillant avec les écoles, en proposant des spectacles d’artistes reconnus et en adoptant une stratégie de promotion créative : utilisation des réseaux sociaux, ambassadeurs de la danse et concours. Marchés à exploiter Marché touristique : Sur ce marché, la danse contemporaine et la danse fusion ont une marge de progression considérable. Le soleil et la mer constituant les principaux arguments de vente de la destination Océanie, on doit souvent déplorer le manque d’animations nocturnes proposées aux touristes. En créant des spectacles spécifiques, les compagnies de danse établies ont la possibilité de se faire une place sur ce marché lucratif. Les troupes de danse doivent également envisager la création de produits plus interactifs, permettant la participation des touristes. Ces derniers sont en effet de plus en plus souvent en quête d’authenticité et d’interaction avec la population et la culture locales pendant leurs vacances. Les industries culturelles peuvent leur fournir l’occasion unique d’apprendre à connaître la culture océanienne au travers d’une expérience enrichissante. On peut imaginer par exemple qu’une troupe propose des après-midi de cours de danse traditionnelle océanienne pour les touristes et leurs enfants, dans les résidences hôtelières à vocation familiale. Sur le marché touristique, les troupes de danse doivent aussi s’intéresser au segment des croisiéristes, très porteur dans certains pays. Il s’agit de monter des spectacles répondant aux attentes des responsables de l’animation à bord des paquebots et de travailler avec les associations de tourisme locales et les offices de tourisme pour diffuser ces produits auprès des compagnies de croisières. Festivals : Bien que les troupes de danse se produisent dans les festivals depuis de nombreuses années, rares sont celles qui ont pu en retirer des bénéfices substantiels. À l’inverse, la plupart d’entre elles sont subventionnées par les festivals ou par le pays qu’elles représentent. Pour réaliser des bénéfices lors de ces manifestations, les compagnies doivent diversifier leur offre. Voici quelques idées d’activités rémunératrices : • Création de plusieurs productions – En règle générale, les compagnies présentent au moins une fois leur spectacle au cours du festival. Pour s’assurer des revenus supplémentaires, elles doivent essayer de programmer d’autres représentations dans le pays hôte, en dehors du cadre du festival, et en assurer la promotion séparément. • Produits dérivés – Création de produits dérivés sur le thème du spectacle, vendus après la représentation. Une étude de marché approfondie doit être réalisée pour définir les produits et leur prix de vente. 91 • Enregistrements vidéo et musicaux – La vente d’enregistrements musicaux ou vidéo constitue une autre source de revenus potentielle, même si elle nécessite un apport financier pour la production d’enregistrements professionnels. Les troupes ne parvenant pas à réunir les fonds nécessaires pourront choisir la solution « petit budget ». On peut imaginer par exemple de filmer la première partie d’un spectacle avec une caméra numérique et de copier ce fichier sur des clés USB bon marché pendant la deuxième partie de la représentation. On pourra ainsi proposer les clés USB au public à la fin du spectacle. On pourra inclure dans la clé USB un lien vers un site Internet où il sera possible de télécharger, moyennant paiement, une vidéo de la deuxième partie de la représentation. • Cours de danse et expériences formatrices – En dehors des représentations, les groupes de danse peuvent proposer des cours de danse et d’autres expériences formatrices aux festivaliers, sans que ces activités soient nécessairement incluses dans le programme du festival. Marché à l’exportation : Nombreuses sont les troupes à se produire sur des scènes étrangères ou dans le cadre de festivals, mais rares sont celles à en retirer des bénéfices financiers. En l’état actuel des choses, une exploitation rémunératrice des marchés d’exportation semble quasi impossible. Pour percer sur ces marchés, les troupes devront créer des spectacles nouveaux sortant de l’ordinaire, et mettre en place des plans de parrainage pour réunir les fonds nécessaires à des productions de grande envergure. Le Santa Fe Folk Art Market10 représente un débouché possible à l’exportation. Comme indiqué plus haut, cette manifestation constitue un nouveau marché pour les producteurs des industries culturelles océaniennes, et les troupes de danse de la région doivent s’efforcer de l’exploiter. On trouvera sur le site Internet de cette manifestation toutes les informations pour y participer. Tactique de développement La tactique de développement du secteur océanien de la danse doit se construire autour de quatre grands éléments. En premier lieu, il convient d’apporter au développement des infrastructures, matérielles comme immatérielles, un soutien régional à long terme. À court terme, les compagnies pourront mettre l’accent sur la création de produits destinés aux marchés ciblés, sur le renforcement de leurs compétences en matière de gestion, ainsi que sur l’élaboration d’actions de marketing et de promotion innovantes. Cette tactique de développement met en jeu les activités suivantes : Développement de l’infrastructure • L’USP doit bénéficier d’un soutien pour réintroduire un cursus diplômant en arts de la scène (danse, théâtre, chorégraphie, etc.) adossé à des travaux de recherche universitaire. • Les universités océaniennes doivent travailler avec leurs homologues d’Australie, de Nouvelle-Zélande et d’Hawaii à la mise en place de programmes de formation structurés ou d’échanges pour les techniciens du spectacle. • Les services de la culture doivent œuvrer à l’organisation du secteur à l’échelon régional, ouvrant ainsi la porte à la création de réseaux et d’échanges, ainsi qu’à la possibilité de créer, à plus long terme, un produit régional exportable dans le domaine de la danse. La structure ainsi créée devra axer son action sur la collecte de fonds à l’échelon régional, ainsi 10 www.folkartmarket.org 92 que sur l’organisation de tournées et de concours régionaux, afin de donner à la danse océanienne une présence sur la scène internationale. • Les services de la culture doivent faire pression sur leurs gouvernements pour que le régime mode 4 (entrée et séjour temporaire des personnes physiques) soit pris en compte dans les accords commerciaux régionaux et dans les APE, afin de veiller à y inclure les danseurs n’ayant pas reçu de formation officielle. • Les services de la culture doivent envisager d’accorder des dégrèvements fiscaux aux entreprises effectuant des dons au profit d’institutions artistiques, et faire connaître cette possibilité. • Les pouvoirs publics doivent réserver des ressources à la création de lieux scéniques adaptés à la danse et au théâtre. Développement des produits • Promotion des expérimentations créatives par le biais de résidences de chorégraphes et/ou de danseurs. • Création de programmes d’échanges avec des universités étrangères, pour donner l’occasion aux danseurs de se familiariser avec des techniques et des genres nouveaux. • Exploitation de la popularité des concours de danse : offres de stages et valorisation du métier de danseur. Les lauréats du prix de la meilleure danseuse et du meilleur danseur des Fiji Kula Awards pourraient par exemple « gagner » un stage au sein de la troupe VOU Dance, ce qui leur permettrait de recevoir des cours de danse gratuits. En échange de quoi ils feraient office d’ambassadeurs de la danse et partageraient leur expérience grâce à un blog vidéo. • Réalisation d’études sur les marchés du tourisme et des croisiéristes, afin de créer des productions adaptées à ces secteurs. Renforcement des compétences en gestion • Les compagnies de danse doivent inscrire leur organisation et leurs productions dans une logique commerciale. Elles doivent se doter de plans d’activités et de marketing définissant leurs marchés cibles et leurs perspectives financières. Chaque production doit être examinée dans une optique financière pour en déterminer la rentabilité. (N.B. : La consultante ne préconise pas l’abandon des productions déficitaires, puisqu’elles le sont quasiment toutes. En revanche, elle recommande aux troupes d’établir précisément leurs coûts et leurs bénéfices, afin de pouvoir équilibrer leur budget et collecter des fonds en conséquence). • Les troupes doivent se doter de plans de parrainage et de collecte de fonds sur la base de leurs besoins et de leurs objectifs à court et à long terme, en ciblant les entreprises locales et internationales, ainsi que les gouvernements étrangers. Marketing et promotion Dans leurs plans d’activités, les troupes doivent définir les marchés qu’elles ciblent et mettre au point des stratégies de marketing en conséquence. En outre, elles doivent engager (à temps plein ou à temps partiel) un responsable du marketing et de la promotion. Voici quelques idées de marketing créatif : • Marketing dans les médias sociaux – Les danseurs, les élèves des écoles de danse, ou encore des spectateurs ou bénévoles motivés, peuvent faire office d’ambassadeurs de la 93 danse et se servir des médias sociaux pour créer l’événement autour des spectacles, en tenant par exemple un blog mis à jour chaque semaine ou chaque mois, en intervenant régulièrement sur les sites des médias sociaux et en ciblant la presse. • Pour cibler le marché du tourisme, les troupes de danse doivent collaborer avec les associations professionnelles et les représentants du secteur. En travaillant avec les associations nationales du tourisme, de l’hôtellerie ou des complexes de vacances, les groupes de danse peuvent voir s’ouvrir les portes de centaines d’entreprises du secteur. • Les sociétés de croisières entretiennent généralement des relations avec les ministères du tourisme. Les troupes de danse doivent frapper à la porte des services ministériels chargés de l’élaboration des produits et du marketing, afin de déterminer l’intérêt du segment pour la danse et de collaborer à la conception et à la commercialisation de produits adaptés, dont la promotion pourra être assurée dans le cadre de salons professionnels ou de tournées. • Pour gagner en visibilité à l’échelon international, les compagnies doivent s’efforcer de mobiliser des fonds publics ou privés pour participer à des concours de danse internationaux, tels que le concours du International Theatre Institute, ou encore à la Journée internationale de la danse (29 avril). Partenaires potentiels Le secteur océanien de la danse est actuellement désorganisé, tant à l’échelon régional que national. Pour mettre en œuvre le plan exposé ici, il faut commencer par renforcer la coordination et la coopération entre les acteurs du secteur. Voici quelques partenaires potentiels importants : • Université du Pacifique Sud ; • section groupe des arts de la scène du Oceania Theatre ; • • • • • ambassades de France et Alliances françaises ; organisateurs de concours de danse nationaux ; troupes nationales d’arts de la scène ; agences de promotion des spectacles vivants (Bronitsky and Associates par exemple) ; universités d’Australie, de Nouvelle-Zélande et d’Hawaii. 94 Calendrier du développement du secteur de la danse Activité Année 1 Année 2 Organisation à l’échelon régional Développement de cursus universitaires et de programmes d’échanges Élaboration d’une politique générale Année 3 Année 4 Année 5 Développement des lieux scéniques Programmes de stages en résidence Stages de danse Ambassadeurs de la danse Élaboration de plans d’activités Études de marché Conception des produits Élaboration de plans de parrainage Marketing dans les médias sociaux Création de réseaux sur le marché (tourisme, bateaux de croisière) Concours internationaux 95 CONCLUSION Globalement, l’Océanie est bien placée pour valoriser ses industries culturelles si particulières et si foisonnantes. Leur diversité constitue un atout qui doit permettre aux acteurs du secteur de conquérir des marchés et de propulser les créateurs océaniens sur le devant de la scène planétaire. À condition de bénéficier d’un soutien adéquat de spécialistes locaux et internationaux en matière de développement et de marketing, la région a de fortes chances de voir ses compétences et ses produits culturels engranger des retombées économiques substantielles. L’artisanat et les arts plastiques affichent certes le plus fort potentiel de croissance, mais les producteurs, tout comme les parties prenantes publiques et privées, doivent conjuguer leurs efforts pour mettre à niveau la chaîne de valeur de ces secteurs. S’ils parviennent à combler leurs déficits en matière de design et d’innovation, à renforcer leurs capacités de gestion et à mettre au point des stratégies de marketing créatives et globales, ces secteurs seront à même de consolider leur présence sur les marchés locaux et touristiques, puis de se lancer sur les marchés régionaux à l’exportation, en conservant pour objectif à long terme la pénétration des marchés des États-Unis et de l’Union européenne. Bien qu’il n’en soit encore qu’à ses balbutiements, le secteur fidjien de la mode semble promis à un bel avenir. Avec un soutien adapté de la part des pouvoirs publics, un niveau d’investissement suffisant, un renforcement des compétences techniques des jeunes créateurs et le lancement d’un diplôme de styliste à l’université FNU, les Fidji peuvent espérer devenir le centre névralgique de la mode en Océanie. Bien que les perspectives de croissance économique de la musique et de la danse soient moins immédiates, ces vecteurs culturels ne doivent pas être négligés. Les pouvoirs publics doivent promulguer et faire respecter des législations nationales et régionales en matière de propriété intellectuelle, afin de protéger les œuvres des musiciens et des producteurs. Par ailleurs, le secteur de la danse doit chercher à augmenter le niveau de l’aide publique et privée dont il bénéficie, afin de gagner en liberté pour créer des productions nouvelles et innovantes. Pour réaliser ces objectifs ambitieux, l’Océanie doit consacrer des ressources techniques et financières au développement de ses secteurs culturels, tant à l’échelon national que régional. Les pouvoirs publics doivent faire appel à des experts étrangers pour œuvrer, avec les parties prenantes locales, au renforcement de leurs capacités, et pour veiller à ce que les industries culturelles aient les compétences et les connaissances nécessaires pour s’inscrire dans une logique de croissance durable sur le long terme. Une fois tous ces éléments réunis, les producteurs océaniens seront à même de tirer parti des débouchés considérables présentés par les marchés locaux, régionaux et internationaux. 96 BIBLIOGRAPHIE Aid to Artisans. 2009. Aid to Artisans: building profitable craft businesses. Notes from the Field No. 4, Business Growth Initiative. Anuradha, R.V. 2009. EU EPA negotiations: opportunities & limitations. Presentation at EABC EPA Regional Sensitization Workshop. Australian Bureau of Statistics. 2010a. Arts and culture in Australia: A statistical overview. http://www.abs.gov.au/ausstats/[email protected]/Latestproducts/93899AE8CA06D3ADCA2577C0 0013B718?opendocument. 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The GATT years: from Havana to Marrakesh http://www.wto.org/english/thewto_e/whatis_e/tif_e/fact4_e.htm. Consulté en ligne le 2 janvier 2012. 99 Annexe A – Descriptif de la méthode employée par la consultante Phase 1 : Analyse des industries culturelles sur le marché Au cours de la première phase de l’étude, la consultante s’est attachée à définir le marché des industries culturelles à l’échelle mondiale, en Europe et dans les pays du bassin Pacifique. Elle s’est d’abord concentrée sur l’analyse des biens et des services culturels sur le marché mondial, tout en mettant en évidence les débouchés existants et les entraves au commerce des biens et des services culturels. Bien que la présente étude soit axée sur l’Océanie, la consultante a examiné les bonnes pratiques appliquées par les industries culturelles d’autres régions en développement et a mis en évidence des modèles de promotion commerciale des industries culturelles. La consultante a également analysé le marché européen des industries culturelles, en se concentrant sur les marchés cibles potentiels pour chacun des secteurs. Cependant, les études de terrain réalisées au cours de la troisième phase ont amené la consultante à conclure que les marchés du bassin Pacifique offraient de meilleures perspectives que ceux de l’Union européenne ; elle a donc déplacé l’axe de la stratégie de marketing vers ces marchés. Phase 2 : Analyse des politiques et des meilleures pratiques des industries culturelles La consultante a mené une analyse de la politique commerciale appliquée par l’Union européenne aux industries culturelles, en s’intéressant plus particulièrement à certains accords conclus avec la région et les pays océaniens. Chacun de ces textes a été examiné avec soin pour en déterminer les points forts et les faiblesses. Dans un dernier temps, la consultante a passé en revue les bonnes pratiques envisageables en matière d’accords commerciaux, ainsi que certaines initiatives remarquables dans le domaine de l’exportation des biens et des services culturels : elle a notamment mis en évidence les points forts et les faiblesses des accords commerciaux et du protocole de coopération culturelle qui lient l’Union européenne et les États des Caraïbes. Phase 3 : Analyse du secteur et voyage d’études dans la région La dernière phase de l’étude a été consacrée à une analyse des biens et services culturels des secteurs suivants : arts plastiques, artisanat, danse, mode et musique. Ce travail s’est fondé sur des études réalisées précédemment par d’autres consultants, ainsi que sur une analyse réalisée par la consultante elle-même. Le principal objectif était de déterminer la capacité de chacun des secteurs étudiés de pénétrer sur les marchés cibles de l’Union européenne et de s’y maintenir. Pour chaque secteur, la consultante a examiné les moyens d’améliorer la chaîne de valeur, en cernant les possibilités et les contraintes propres à chacun de ses niveaux : création/design, production, diffusion, distribution et promotion. Après avoir étudié ces maillons types de la chaîne de valeur, la consultante s’est également penchée sur sa circularité. Pour apprécier la fluidité de la circulation de l’information dans le secteur, elle a examiné la manière dont les données relatives au marché étaient renvoyées le long de la chaîne de valeur et intégrées au processus de création/design. Ces informations ont servi à l’élaboration des stratégies de développement et de marketing exposées dans le présent rapport. 100 Annexe B – Liste des parties prenantes contactées Secteur Organisation Nom Titre Fidji Artisanat Arts plastiques Fiji Arts Council Meretui Ratunabuabua Conseillère et membre du [email protected] conseil d’administration du Skype : meretui.ratunabuabua FAC 28 juillet 2011 Fidji Artisanat Fiji Crafts Society Seniloli Sovea Présidente 28 juillet 2011 Fidji Arts plastiques Fiji National University Jerry Wong, Miriama Loanakadavu, Namanda Chargés de cours Fidji Arts plastiques Artistes individuels Artistes Artistes Fidji Mode Tahroro Investments Rosie Emberson Semisi Directrice générale et styliste Fidji Artisanat Magasin d’artisanat public (aujourd’hui fermé) Lanieta Kula-Tanoa Ancienne vendeuse Fidji Tous Ministry of Industry and Trade Sangita Devi ; M.Tamanitoakula Économiste en chef Fidji Danse Musique Université du Pacifique Sud Igelese Ete Fidji Tous Secrétariat général du Forum des Îles du Pacifique Glynis Miller, Douveri Henao Directeur de la section du spectacle vivant, Oceania Center for Arts and Culture Chargée du développement du commerce ; Chargé de la politique commerciale Coordonnées Date de la rencontre Pays [email protected] 28 juillet 2011 28 juillet 2011 [email protected] [email protected] 28 juillet 2011 28 juillet 2011 [email protected] [email protected] 29 juillet 2011 [email protected] 29 juillet 2011 [email protected] [email protected] 29 juillet 2011 101 Department of National Heritage, Culture and Arts Fidji Tous Fidji Tous Fidji Musique Fidji Mode Fidji Musique Fidji Danse Fidji Danse VOU Fidji Tous Fidji Artisanat Fidji Artisanat Fidji Arts plastiques Danse Musique Fidji Artisanat Tonga Artisanat Fiji Commerce and Employers Federation Fiji Performing Arts Rights Association Maraia Vakasilimiratu ; Sipiriano Nemani Responsable du développement des entreprises culturelles, Chargé de la politique générale [email protected] 29 juillet 2011 [email protected] Nesbitt Hazelman Directeur exécutif [email protected] 29 juillet 2011 Laisa Vulakoro Directrice [email protected] 29 juillet 2011 Fiji Fashion Week Ellen Whippy Directrice Conservatorium of music Oceania Dance Theatre Danseurs Ulaiasi Taoi ; Inise Selai Kaisuni Tulevu, Glen, Pretina, Danseurs Sangit, Asmita, Katalina Co-directeurs Edward Soro ; Joseph [email protected] 30 juillet 2011 Fiji Hotel and Tourism Association Michael Wong Directeur général [email protected] 1er août 2011 PNUD Jeff Liew Ancien responsable du projet artisanat Ravi Chand Spécialiste des entreprises [email protected] 1er août 2011 Vilsoni Hereniko Directeur et professeur [email protected] 1er août 2011 [email protected] 1er août 2011 [email protected] 2 août 2011 National Center of Small and Micro Enterprise Development Université du Pacifique Sud - Oceania Center for Arts and Culture, and Pacific Studies Secrétariat général de la Communauté du Pacifique Langafonua Lia Maka Hauoli Vi Directrice du Centre de formation à l’éducation communautaire Présidente [email protected] 30 juillet 2011 30 juillet 2011 30 juillet 2011 1er août 2011 102 Tous Tonga Tous Tonga Artisanat Tonga Musique Indépendant Tu'imala Kaho Tonga Artisanat Art of Tonga Ana Fehoko Tonga Arts plastiques Indépendant Tevita Pala'apu Tonga Artisanat Langafonua Taumosi Hemaloto Gérante Tonga Tous SPBD Microfinance Amy Lofgren Directrice générale Tonga Tous John Cvetko Directeur Tonga Artisanat Tonga Artisanat Tonga Artisanat Tonga Ministry of Tourism Sakopo Lolohea Chef de service/Directeur du tourisme Tonga Ministry of Training Sinama Faanunu Education, Youth and Sports Catholic Women's League Aivi S. Siale - Handicraft Shop Tonga Business Enterprise Centre Civil Society Forum of Tonga Tongatapu Handicraft Association Gérante [email protected] 2 août 2011 [email protected] 2 août 2011 Portable : +676 879 8583 ; Tél. : +676 27 524 3 août 2011 Musicienne Gérante 3 août 2011 [email protected] 3 août 2011 Artiste Siale Ilolahia Tuna Présidente Indépendant Leiseli Artisan Artisanat Ministry of Labour Tevita Lautaha Tonga Arts plastiques Danse Musique On the Spot Ruha Fifita Tonga Artisanat Mode Ministry of Training, Education, Youth and Sports Awards Ceremony [email protected] ; Tél. : +676 21014 ; Portable : +676 778 2036 [email protected] 4 août 2011 [email protected] 4 août 2011 [email protected] ; Tél. : +676 28282 4 août 2011 [email protected] ; Tél. : +676 24173 ; Mob :+676 773 7636 [email protected] [email protected] Co-fondatrice et artiste 3 août 2011 4 août 2011 4 août 2011 +676 773 6727 4 août 2011 +676 888 4789 5 août 2011 103 Tonga Artisanat Tonga Tous Tonga Musique Tonga Tonga National Arts and Handicraft Association Université du Pacifique Sud Viliami Leaaetoa 5 août 2011 Seu'ula Johansson Fua Fellow. Research and Leadership Siloni's Musique & Elei Co. Ltd Emaloni 'Iongi Artisanat Tongatapu Handicraft Association Ofa Masila Tonga Artisanat WISE Robina Tonga Artisanat Tonga Handicraft Association Tonga Artisanat Tonga Artisanat Tonga Artisanat Tonga Artisanat Vanuatu Tous Vanuatu Arts plastiques Mode Tonga National Arts and Handicraft Association Tonga National Arts Association Vava'u Handicraft Association Eua Island Handicraft Association Vanuatu Cultural Center Michoutouchkine Creations Vanuatu Artisanat Marché Roy Thompson Vanuatu Tous Chamber of Commerce Alick Berry Vanuatu Artisanat Arts plastiques ACTIV Sandrine Wallez [email protected] 5 août 2011 Directeur général [email protected] ; [email protected] 5 août 2011 Conseillère technique [email protected] Pas de rencontre Fondatrice Pas de rencontre Pas de rencontre Pas de rencontre Pas de rencontre Pas de rencontre Pas de rencontre Abong Marcelin Directeur A. Pilioki Artiste [email protected] 8 août 2011 Artiste et propriétaire d’un +678 567 1217 magasin [email protected] Directrice 8 août 2011 [email protected] 8 août 2011 9 août 2011 9 août 2011 104 [email protected] Vanuatu Artisanat Peace Corps International Sara Lightner Directrice pays par intérim Vanuatu Arts plastiques Vanuatu Institute of Technology Directeur [email protected] Président +678 554 7759 Vanuatu Musique Arts plastiques Artisanat Arts plastiques Tous Vanuatu Artisanat Ambrym Arts Association (Wood Carvers) Vanuatu Tous Vanuatu Vanuatu Vanuatu Kalbeo Kalpat National Arts Association Joe Tjibong Indépendant Jean-Claude Toure Gairae Sébastien Bador 9 août 2011 10 août 2011 Artiste [email protected] 10 août 2011 Richard Saksak +678 775 0622 10 août 2011 Department of Industry Chargée principale des Merilyn Leona Temakon droits de la propriété intellectuelle par intérim [email protected] 10 août 2011 Tous Department of Tourism George Borugu Directeur Vanuatu Musique Music Federation Michael Ligo Membre et musicien Vanuatu Tous Chercheur Mackin Valia Vanuatu Musique Danse Won Smal Bag Jo Walker Fondatrice Vanuatu Artisanat Port Vila Municipality Jerry Aswan Président du Conseil Vanuatu Tous Hotel and Resort Association Tony Pittar Président Vanuatu Tous Department of Industry Donald A Pelam Yavit Chargé du marketing et de [email protected] la promotion 12 août 2011 Vanuatu Artisanat Bénévole du Peace Corps (travaille avec un groupe Marycatherine d’artisans) Bénévole 12 août 2011 Vanuatu Tourism Office Directeur du marketing Sculpteur sur bois 9 août 2011 Chercheur [email protected] 10 août 2011 [email protected] Portable : +678 566 4637 10 août 2011 +678 563 7525 11 août 2011 [email protected] +678 545 6470 [email protected] ; +678 556 5007 11 août 2011 12 août 2011 105 [email protected] Vanuatu Artisanat Department of Industry Astrid Boulekone Vanuatu Musique Ministry of Justice Ralph Regenvanu Vanuatu Tous Alliance française George Cumbo Vanuatu Tous Alliance française Mark Basker Vanuatu Tous Vanuatu Artisanat Arts plastiques Red Wave Association Richard Vanuatu Artisanat Shafer Arts Sandy Fidji Artisanat Namana Tessa Campbell Miller Propriétaire Arts plastiques Indépendant Lemson Niru Artiste +675 710 23453 16 août 2011 Arts plastiques Indépendant Ratoos Haoapa Gary Artiste +675 732 17987 16 août 2011 Tous Papua New Guinea Arts Association Pius Wasi Fondateur Musicien [email protected] ; +675 768 6175/733 77584 16 août 2011 Tous Office of Tourism, Arts and Culture Stalin Jawa Conseiller politique, arts et [email protected] culture +676 320 0270 Tous Office of Tourism, Arts and Culture David Monai Chargé de programme [email protected] 16 août 2011 Tous Office of Tourism, Arts and Culture Evelyn Ofasia Chargée de la stratégie et de la planification [email protected] 16 août 2011 PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée Ministre de la justice/ Responsable du festival de musique +678 774 5001 +678 22947 +678 28700 Ministry of Foreign Affairs Richard 12 août 2011 12 août 2011 Pas de rencontre Pas de rencontre Pas de rencontre +678 535 6152 +678 565 5399 [email protected] Pas de rencontre Pas de rencontre 14 août 2011 16 août 2011 106 PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée Tous Office of Tourism, Arts and Culture Joybertina Piasinu Chargé de programme [email protected] 16 août 2011 Tous Indépendant Jeffery Feeger Artiste [email protected] +675 726 70912 16 août 2011 Artisanat Marché Visite du marché Tous Office of Tourism, Arts and Culture Marianna Ellingson Directrice générale [email protected] ; +675 320 0270 16 août 2011 Arts plastiques Art Stret Amanda Adams Directrice [email protected] ; +675 325 0655 16 août 2011 Danse National Performing Arts John T. Doa Troupe Directeur [email protected] ; +675 53 21152 17 août 2011 Cinéma National Film Institute Robert Boleka & Fred Isasar [email protected] 17 août 2011 Artisanat Jauke Bilum Products Florence Jauke Kauel Fondatrice [email protected] ; +675 715 30140 17 août 2011 Tous PNG Tourism Promotion Authority Leith Isaac Directeur du marketing [email protected] 18 août 2011 Tous Business Council of Papua New Guinea Goini Lydia Loko Directrice générale [email protected] 18 août 2011 Tous Investment Promotion Authority Julienne Leka-Maliaki et Paul Kone Directrice par intérim du marketing et adjointe du chargé de l’investissement [email protected] ; [email protected] 19 août 2011 16 août 2011 107 PapouasieNouvelleGuinée CHM Richard Francisco, Raymond Chin Tous National Cultural Commission Jon and David Taim Artisanat PNG Art Joe D. Chan Directeur [email protected] 20 août 2011 Artisanat Arts plastiques The Gallery Rhonda Purdy Propriétaire [email protected] Pas de rencontre Fidji Tous Fiji Arts Council Master Laisiasa Veikoso Fidji Mode Mark One Apparel Mark Halabe Fidji Mode Training and Productivity Kelera Tukana Authority Fidji Artisanat Arts plastiques Sigavou Studios Maria Rova Australie Tous Pacific Island Trade and Invest Ruth Choulai Directrice de la section arts créatifs Fidji Artisanat Arts plastiques Maria Rova Maria Rova Studio Propriétaire Plasticienne PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée PapouasieNouvelleGuinée Fidji Artisanat Arts plastiques Directeur musique Directeur général [email protected] ; [email protected] ; [email protected] Musique 19 août 2011 [email protected] Directeur Directeur du Fiji Fashion Council 22 août 2011 [email protected] 22 août 2011 22 août 2011 Propriétaire et artiste CreatiVITI Lee Blake, Laisani Malani, Harry William, Ela Ravubale [email protected] [email protected] [email protected] Chargé du développement de la formation, [email protected] ; Coordonatrice du Centre, [email protected] ; artistes plasticiens, [email protected] céramistes, potiers traditionnels 26 août 2011 27 août 2011 26 août 2011 26 août 2011 108