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28 février 2013 page 1/2 sur abonnement Éditions
Corrida, ça parlemente
Toros des Hijos de Cuadri Vides. © Laurent Larrieu, Campos y Ruedos 02, éd. Atelier Baie.
M
ardi 12 à Madrid en début d’après-midi la chambre des
députés a voté l’approbation de la I.L.P. (Initiative
Législative Populaire, 590.000 signatures) qui prévoit de
classer la tauromachie B.I.C. (Bien d’Intérêt Culturel). Deux
cents aficionados, dont les toreros Sergio Aguilar, Robleño, Joselillo,
s’étaient rassemblés calle de Fernanflor autour de l’édifice et on trouvait
du beau monde dans les tribunes du public : Manzanares, El Viti, El Juli,
Perera, Victorino Martín, Joaquin Nuñez, Simon Casas… Le débat a été
pauvre et convenu. Juan Manuel Albendea député Partido Popular (la
droite) de Séville et président de la commission culture du parlement qui
défendait le classement s’est contenté, pour convaincre du contenu culturel de la tauromachie, d’énumérer la longue liste des peintres, musiciens,
sculpteurs, écrivains poètes, cinéastes qui ont abordé la corrida dans leurs
œuvres. C’était sans intérêt. Celia Villalobos, présidente de la séance, a
même dû intervenir pour faire taire ses collègues qui parlaient d’autre
chose. Salvador Armendariz représentant de l’Union du Peuple Navarrais
et favorable au BIC a défendu sa paroisse, Pampelune, en soulignant que
la corrida était une fiesta du peuple et qu’elle contribuait à la promotion
touristique. Viva San Fermin ! Toni Canto du parti laïc et progressiste Union
Progresso y Democracia s’est dit aussi favorable au classement mais a
arrosé tout le monde : le PP qui « politise le débat sur la corrida » et les partis catalans CIU et ERC, hostiles au classement, pour leur politique hypocrite. Pour Canto, ils se foutent des toros comme de l’an quarante. Ils
interdisent la corrida en Catalogne mais y autorisent les correbous, les toros
dans les rues. Il a tenté d’élever le niveau en citant le philosophe Savater,
membre du parti, et sa réflexion sur l’hypothétique « droit des animaux ».
Des animaux « qu’on ne peut considérer comme sujets éthiques capables
de distinguer entre le bien et le mal ». Côté opposition, Chesus Yuste
Cabello, député de la Gauche Plurielle a dénoncé la corrida comme « source
d’éducation à la violence », a affirmé que ce n’était plus un spectacle de
masse et que seulement 8 % des espagnols y assistaient. Ce qui fera bondir
El Juli à la sortie de la séance. Les représentants des partis catalanistes
(Esquerra Republicana Catalana) et basques (Partido Nacional Vasco) n’ont
pas traité le fond du problème, l’aspect culturel ou pas de la corrida, mais
ont condamné via l’imposition de la corrida, « un festejo sadico » selon
Alfred Bosch de ERC, l’intrusion de l’état espagnol dans les prérogatives
des communautés autonomes. C’est leur gagne-pain. José Torres Mora
député du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol a passablement jonglé avec le
« je ne suis ni pour ni contre et réciproquement ». Son parti avait décidé de
voter contre le B.I.C. mais le lobbying de ses élus de l’Andalousie,
d’Estrémadure, de Castille la Manche et Castille Léon lui a fait changer de
position au dernier moment. Il s’est courageusement abstenu. Avoir le cul
entre deux sièges, de députés ou pas, favorise le ping-pong intellectuel.
Mora a donc mis en évidence ce paradoxe espagnol : la majorité des espagnols n’apprécieraient pas la corrida mais la majorité des espagnols seraient
contre son interdiction. Il en a conclu que, de ce fait, l’identité de ce peuple
c’était « l’intelligence pour mener à bien ses propres contradictions ».
Fortiche. Il a dit que oui, c’était de la culture « un étudiant en première
année d’anthropologie le sait » mais qu’on ne pouvait pas utiliser la culture
pour faire de la politique. Sur l’insoluble et sempiternel problème de
corrida oui, corrida non, il a cité Belmonte : « c’est la faute des socialistes
qui n’ont pas interdit la corrida… Qu’est-ce-qu’ils attendent pour le faire. »
Sans préciser que, dans le texte de ses mémoires, c’est sa peur qui le
convainc un temps que risquer sa vie devant un toro est une mortelle
stupidité et le pousse à cette affirmation démentie la phrase suivante : « ça
suffit, assez de bêtises, je vais toréer ». Résultat du vote : le classement de
la corrida comme B.I.C. a été adopté par 180 voix pour, 40 contre et
107 abstentions. Aucun quotidien national du lendemain n’a mis l’information en une. Les toros ? D’autres chats à fouetter. Le projet après examen du sénat sera revoté, peut-être en juin, par le Congreso de Diputados
où il sera définitivement adopté. Conséquence petit a : la corrida qui est en
Espagne comme le sparadrap du capitaine Haddock est intouchable pour
50 ans. Conséquence petit b : il pourrait y avoir des corridas à Barcelone
avant la fin de la saison. Mais le vote va provoquer un beau pastis constitutionnel. Est-ce qu’il rend illégitime l’interdiction de la corrida en
Catalogne votée par le parlement catalan le 28 juillet 2010 ?
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Pour le constitutionnaliste Enrique Arnaldo un tel vote ne déroge pas
nécessairement à la loi catalane. Il faudra attendre le texte complet de la loi
pour en voir l’éventualité. Il faut aussi attendre le résultat du recours
contre la loi catalane posé par les pro-corridas au tribunal constitutionnel
espagnol. À la sortie les toreros étaient satisfaits et indignés à la fois.
On avait caricaturé la corrida, on avait donné de faux chiffres et le toreo
avait été le jouet des partis politiques.
Jean-Michel Mariou dans le besoin
À Pampelune, ville catholique, pendant la San Firmin, dieu est dans le
bétail : Cebada Gago, Miura, Dolores Aguirre… C’est peut-être pour ça
qu’on appelle « divinos » les cadors qui courent l’encierro dans les cornes
« como dios manda ». Le livre de Jean-Michel Mariou1 commence par ça :
le 12 juillet 2007, sur le parcours de l’encierro, Universal, toro du marquis
de Domecq, court, s’arrête, revient, repart, « se le pense », embroche deux
brothers américains : un sur chaque corne. Le texte fait pareil. Il cavale :
l’Andalousie, le Sud-Ouest, l’Estrémadure, le Pays Basque, la Camargue,
la Mancha ; il revient sur l’histoire de Nimeño 2, de Denis Loré, de
Castella par exemple ; il court les tientas, s’arrête devant le magnolia des
jardins sévillans de Murillo, hume les douze naturelles d’affilée de
Talavante, réfléchit, sur la peur et les larmes d’un banderillero à Bayonne,
cite d’anciens voyageurs, repart à Olivenza, embroche ceux de l’Aragon
qui s’habillent en aragonais. Ou les français à Séville qui rouspètent parce
qu’il y a des français à Séville. C’est un livre sensuel et vagabond mais à
l’errance précise et sous haute surveillance : celle qu’impose le toro, ses
codes, ses gens. C’est un livre qui sent le gazole, les aubergines au miel,
la boue séchée du Campo Charro, l’encens de la Semaine Sainte sévillane,
l’herbe drue de la ganaderia de Santa Fe Marton. Sur cette route, beaucoup de monde : la vierge du Pilar en polyester, le toro Idílico gracié par
José Tomás, Curro Romero toréant Parlanchin et dégoûté de toucher ses
deux oreilles, Ojeda sous la pluie, Antonio Corbacho en gourou tyrannique, Morante et sa veronica « désespérée » dans une arène à la sixquatre-deux, Richard Milian en émondeur de vocations, un torero
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veilleur de nuit qui torée sa nuit blanche devant la machine à boissons :
Iker Cobo. On finit par trouver des fincas introuvables et des anchois frits
à Fontarabie. Voilà bien l’Espagne : elle est autant dans les croquettes de
bacalao que dans l’arrogance de El Chano banderillant son amour-propre
à Espartinas. Ce pays a le chic pour s’immiscer partout et créer son
besoin ; c’est d’ailleurs le titre du livre. Pour Théophile Gautier l’Espagne
était un désir, pour Miguel de Unamuno une douleur, pour Orson Welles
une obsession, pour John Dos Passos une attitude, pour Bataille « la nostalgie de l’impossible » pour un autre un coupe-gorge, et, pour tel autre,
sa fascinante étrangeté a retenti pour la première fois dans le curieux
nom d’une station de métro à Barcelone quand on pensait que Barcelone
était l’Espagne : Urquinaona. Pour Jean-Michel Mariou l’Espagne est un
besoin qui exclut le besogneux. Il peut mettre une boule à l’estomac, les
larmes aux yeux aussi bien que le goût du jamon dans la bouche. Quel
besoin ? Pas seulement celui de l’odeur du jasmin, peut-être et surtout
celui d’une « fraternité feinte et sincère », comme enfantine aussi, qu’elle
répand comme l’huile sur ses tartines dans les caféterias de bord de route.
L’Espagne qui, à un moment de son histoire, a tout découvert paraît
toujours à découvrir. Une sorte de parfum d’enfance, l’émerveillement et
la curiosité de l’enfance, rode dans ce qu’elle propose à ses visiteurs. Cet
ébahissement enfantin sous-tend le texte qui, par ailleurs, pose un regard
d’adulte lucide sur cette passion : l’Espagne comme gourmandise, terrain
de jeux, comme grenier et comme malle à ouvrir. Tiens, Manzanares gracie Arrojado à Séville ; tiens, l’alguazil de Zafra s’est fait la tête d’un ténor
carcassonnais ; tiens, la Macarena sourit d’un côté et fait la tête de l’autre.
L’enfantin de l’Espagne, Mariou, le pressent de Séville « une ville où l’on
sent, plus que partout ailleurs, combien il est décevant d’être adulte ».
Ce livre de voyageur respire le privilège du voyageur. Il ne visite pas, il
est visité. Il n’envahit pas le lieu, il est envahi par lui. Il s’offre donc à
d’étonnantes métamorphoses. Voilà un type, gauchiste dans sa jeunesse
et encore plus matérialiste qu’un barreau de chaise qui se surprend à
cavaler derrière les vierges et les confréries de la Semana Santa. Ow,
Jean-Michel, est ce bien raisonnable ? L’Espagne n’est pas raisonnable.
1. Ce besoin d’Espagne, Jean-Michel Mariou. Éd. Verdier. 208 pages. 14,50 ¤.
Amériques. MEDELLÍN (Colombie) samedi 2 :
Blancanieves. Dimanche 17 à Madrid, le film Blancanieves a
Rumeurs. José Tomás se serait séparé de son
Fandiño 2 oreilles. MEXICO le 3, Padilla 2 oreilles.
MEDELLÍN le 9, Castella gracie le toro Pitador de la
Carolina. Bolivar, 2 oreilles, grave coup de corne dans
la cuisse et le rectum avec perforation de l’urètre et
de l’intestin pour le banderillero Monaguillo de
Colombia qui faisait sa dernière corrida. AULTAN DE
LA GRANA (Mexique), Adame 2 et 2 oreilles. Le 10
MÉRIDA (Venezuela) Juan Bautista gracie le toro
Paprika de Santa Fe. Fandiño et el Califa de Aragua,
2 oreilles chacun. VALDEMORILLO (Espagne)
Fernando Cruz 1 et 1 oreille face aux Victorinos.
MÉRIDA (Venezuela) le 11, Léonardo Benitez gracie
le toro Valaladares de El Prado. MEDELLÍN le 16,
Castella 2 oreilles, Morante 1 et 1. MEXICO le 17
Talavante 2 oreilles et queue qu’il refuse de
promener : il a jugé que son estocade n’était pas assez
correcte pour la queue.Il est sorti a hombros sur les
épaules de El Greñas, qui s’est cassé la figure avec
Alejandro. SAN LUIS POTOSI (Mexique) le 22, Diego
Silveti 3 oreilles. MÉRIDA (Mexique) le 24, Adame,
3 oreilles.
obtenu 10 Goya : celui du meilleur film, du meilleur scénario, de la
meilleure actrice (Maribel Verdú), de la meilleure actrice révélation
(Macarena García) etc. Titre de El mundo : Blancanieves par la Grande
Porte. Maribel Verdú en a profité pour attaquer un système « qui vole les
pauvres pour soutenir les riches ». La présentatrice de la soirée Éva Hache
a présenté une petite vidéo où habillée en torera elle tuait un toro au
pistolet. Elle voulait dénoncer le ministre du budget Cristobal Montoro,
l’amnistie fiscale pour les fraudeurs, la hausse de l’IVA (TVA) de 8 à 21%.
Son commentaire de torera : « je n’ai peur que d’un seul toro : mon toro ».
apoderado Salvador Boix qui aurait voulu lui voir faire
une temporada 2013 plus fournie que celle de 2012.
Le nom de Simon Casas ou de José Cutiño circule pour
être son nouvel apoderado. On parlait de José Tomás
pour la corrida picassienne de Malaga le samedi de
Pâques. Ce sera un solo de Jimenez-Fortes.
Léa Vicens. La rejoneadora nîmoise Léa Vicens,
est décédée le 16 à 73 ans, dans une clinique de Benalmadena. Elle
était une importante interprète du cancionero torero : Tengo miedo,
torero, Rejon de muerte, Juan Léon, Angel Teruel, Toro bravo,
Huapango torero, Maria Maletilla, Antonio Romance (Arde el sol en
la plaza sevillana, / llena en su tendido de un clamor. / Hoy debuta un
mozo de Triana, / Antonio Romance, salero y valor).
© DR
Marifé de Triana. La chanteuse populaire Marifé de Triana
23 ans, fera sa présentation à Séville le dimanche matin
de la féria. Remarquée par Angel Peralta qui vient de
recevoir la médaille d’or des beaux-arts espagnols, Léa
Vicens, après une licence de biologie, est partie il y a
cinq ans au Rancho del Rocio à la Puebla del Rio pour
dresser des chevaux et apprendre de Peralta l’art du
rejoneo. Avec ses propres montures, Flor, Samouraï,
Gacela, Bético, Indio, Ardilla, elle a l’an dernier
participé à 27 courses
et coupé 57 oreilles et
10 queues. Léa Vicens
s’entraîne avec le toro
Califa qu’elle a élevé
au biberon.
Caubère . Au théâtre des Carmes, cet été, pour
2
le festival d’Avignon, Philippe Caubère va reprendre
Recouvre le de lumières3, le texte d’Alain Montcouquiol.
2. Lire « Les Toros » in Campos y Ruedos 03, P. Caubère, éd. Atelier Baie.
3. Recouvre le de lumière, Alain Montcouquiol. Éd. Verdier.
Morante. Lundi 25, Morante est sorti a hombros
Drame en Camargue, éd. SAETL, non daté. Collection Henriette et Claude Viallat.
editions.atelierbaie.fr Bruno Doan
mais de l’aéroport de Séville. Il arrivait de sa belle
campagne américaine. Une banda lui ajoué un paso
doble et des aficionados l’ont porté en triomphe.

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