TERROIRDIVO
Transcription
TERROIRDIVO
TERROIR DIVO DIVO Nº 74 Octobre 2013 DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE RIBERA DEL DUERO – RIOJA 15 ANS DE COLLABORATION AVEC SOMMAIRE LA RIBERA DEL DUERO • Rudeles : un projet d’entraide . . . . . . . . . . . 3 • Abadia Retuerta: 15 ans de collaboration . . 7 LA RIOJA • Bodegas Landaluce: des vins francs . . . . . 11 • Remelluri: retour aux racines . . . . . . . . . . . 14 TERROIR DIVO EDITORIAL La Ribera del Duero fait concurrence à la Rioja Il y a une vingtaine d’années, la Rioja était le leader incontesté des vignobles espagnols. L’hégémonie de cette région s’exerçait sans partage. L’entrée de l’Espagne dans l’UE en 1986 a eu pour effet d’accélérer la modernisation du pays, elle-même à l’origine de profonds bouleversements dans une Espagne qui, en terme de superficie, est le plus grand pays viticole du monde. Des régions jusqu’alors quasiment inconnues, comme le Priorat, ont fait leur apparition sur la scène du vin. C’est le cas de la Ribera del Duero. Cette région, qui produit depuis une centaine d’années l’un des meilleurs vins d’Espagne – le mythique Vega Sicilia – est toujours restée dans l’ombre de la Rioja et n’a obtenu son statut d’appellation d’origine (Denominación de Origen) qu’en 1982. Depuis, elle est devenue une concurrente de la Rioja à prendre très au sérieux. La Rioja et la Ribera del Duero produisent presque exclusivement du vin rouge, et les deux régions font de leur mieux à la fois pour sauvegarder leur tradition viticole, et pour investir dans les techniques modernes. Nous avons rendu visite à quatre de nos producteurs, deux de la Ribera del Duero et deux de la Rioja établis dans la plus petite des sous-régions, la montagneuse Rioja Alavesa. La rencontre entre les deux régions s’est terminée par un « match nul »: elles n’ont en effet rien à s’envier mutuellement et produisent toutes les deux des vins authentiques et convaincants, même si leur style diffère. Les vins de la Rioja offrent une trame tannique très fine, une matière fondante, et convainquent surtout par leur charme et leur suavité. Les vins de la Ribera, en revanche, sont les produits d’une viticulture à la limite du réalisable, qui doit composer avec un climat extrême et des terroirs situés en altitude. Ils sont puissants, pas toujours d’accès facile, et ont besoin de temps: ils plaisent par leur caractère et leur vivacité. Dans les deux régions, on constate la même tendance à produire des vins plus frais, plus fins, moins boisés que par le passé. Il est possible que cette évolution soit un effet collatéral de la crise économique: les viticulteurs changent en effet moins vite de barriques en raison de leur prix élevé. II reste à espérer que la crise ne contraindra pas trop de vignerons à laisser leurs précieuses parcelles à l’abandon, ce serait une perte irréparable. Claudia Heine Eric Duret Walter Zambelli Pour l’équipe DIVO E S PA G N E LES DEUX GRANDS VIGNOBLES ESPAGNOLS QUE SONT LA ET LA RIBERA DEL RIOJA DUERO S’ÉTENDENT SUR LES RIVES DE L’EBRE, RESPECTIVEMENT DU DUERO RÉGIONS DIVO DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE VITICOLES 2 DANS LES VIGNES DE RUDELES (DEPUIS LA GAUCHE) : WALTER ZAMBELLI, EVA ZWAHLEN, JUAN-MARTÍN DEL HOYO, JAVIER RUPEREZ, ROSER AMAROS, ERIC DURET, CLAUDIA HEINE ET ANTONIO RUPEREZ RUDELES: UN PROJET D’ENTRAIDE A quelques kilomètres au sud-ouest de San Esteban de Gormaz se trouve un paisible petit village du nom de Penalba de San Esteban. Il n’y a là que quelques maisons en pierre jaune ocre, dont beaucoup ont les volets fermés. Le centre est occupé par une grande place vide et une église majestueuse, construite au XV e siècle sur des fondations romanes. En hiver ne vivent ici que quelques poignées d’habitants. C’est en été, quand les enfants du village reviennent au pays pour quelques jours de vacances, que la bourgade reprend vie. Pour se rendre à la cave Rudeles, il faut franchir le petit pont de pierre qui enjambe le Rio Pedro, directement à l’entrée du village Puis il faut se tenir sur sa gauche, passer devant un garage délabré, sur la droite, et on se trouve déjà devant la bodega. Du point de vue architectural, le bâtiment est tout sauf spectaculaire. On y cherchera en vain un écriteau qui indiquerait aux œnophiles qu’ils sont au bon endroit. Seules deux barriques gravées d’un «R» et placées là, devant ce hangar affreusement banal, indiquent qu’on ne s’est pas trompé. LES VRAIES VALEURS SONT INTÉRIEURES Rudeles fait passer l’être avant le paraître. On s’en aperçoit sur-le-champ. Juan-Martin del Hoyo, l’un des partenaires qui constituent Rudeles, nous DIVO raconte l’histoire de ce projet d’entraide. En 2001, alors qu’elle ne pouvait plus payer les viticulteurs qui lui livraient leur raisin, la coopérative du coin finit par faire faillite. De nombreux vignerons se retrouvèrent au bord du gouffre et furent contraints de renoncer à cultiver leurs vignes. Les quelques viticulteurs qui se trouvent aujourd’hui à la tête de Rudeles étaient également désemparés. C’est alors qu’ils eurent une idée. RuanMartin del Hoyo, son beau-frère Javier Ruperez, le frère de celui-ci, Antonio Ruperez, et Marcos Espinel, beau-frère de Javier et d’Antonio, avaient tous hérité de leurs parents de petites parcelles de vigne, dont la production jusqu’alors était allée à la coopérative. A l’exception d’Antonio et de son fils Sergio, aucun d’entre eux ne vivait plus au village. Ces hommes, unis non seulement par des liens de parenté et d’amitié, mais aussi par l’amour de leur terre et de la viticulture, se lancèrent alors dans une folle aventure et fondèrent leur propre petite exploitation. Ils achetèrent encore quelques parcelles auxquelles les propriétaires avaient renoncé et donnèrent à leur bodega le nom de Rudeles (de Ruperez, del Hoyo et Espinel). « Pour l’instant, c’est encore un hobby assez La Ribera del Duero La Ribera del Duero est un vignoble de 115 km de long et 35 km de large, situé en Castille-et-León, dans la partie supérieure de la vallée du Duero, sur le haut plateau qui traverse le nord de l’Espagne, à une altitude de 700-900 mètres. Plus de cent villages vignerons occupent les deux rives du Duero. Superficie: env. 20 500 ha. Climat: continental et extrême. Les étés sont secs et torrides, avec des températures autour des 40 °C. Les hivers sont très froids, le thermomètre peut chuter jusqu’à -15 °C. Les écarts de température entre le jour et la nuit sont très importants. 2400 heures d’ensoleillement et 450 mm de précipitations par année. Terroir: roche mère schisteuse, sur laquelle reposent divers types de sol, mais toujours riches en calcaire et en minéraux (sols graveleux, sablonneux, pierreux, argileux, gypseux). Cépages: Conformément à l’AOC, les vins rouges doivent être élaborés à partir d’au moins 75 % de Tempranillo (également appelé Tinto Fino ou Tinto del País). Les autres cépages autorisés sont le Cabernet Sauvignon, le Merlot et le Malbec. Ces quatre cépages doivent ensemble constituer au minimum 95 % de la cuvée. Pour les 5 % restant, sont autorisés le Garnacha Tinta et /ou l’Albillo, un cépage blanc. Mais l’AOC n’autorise que des vins rouges et des vins rosés. DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE 3 TERROIR DIVO coûteux en temps et en argent », déclare Juan-Martin en riant, « mais nous espérons naturellement entrer dans les chiffres noirs dans un proche avenir…». Antonio Ruperez est le seul à mettre sa force de travail entièrement au service de cette jeune cave. Il est viticulteur et maître de chais de Rudeles. A la cave, il est aidé par son fils Sergio. En fait, le véritable chef est une femme: l’œnologue patentée Roser Amoros, qui s’occupe ailleurs de dix petites bodegas, situées essentiellement dans les appellations Priorat et Montsant. Une fois par semaine, elle fait la route depuis Tarragone pour surveiller l’élevage des vins de Rudeles et coacher les Ruperez père et fils. VÉNÉRABLES CEPS ET EMPLACEMENT DE RÊVE Nous nous répartissons dans divers véhicules et nous nous mettons en route, direction les vignes. Nous sommes à mi-juin. Ces derniers mois, en Espagne comme dans le reste de l’Europe, le temps a été particulièrement frais et pluvieux. C’est pourquoi la nature est inhabituellement verte pour la saison. L’herbe est haute, parsemée de centaines de coquelicots en pleine floraison. Les marguerites, le colza, les genêts, la sauge sauvage et d’autres fleurs des champs, odorantes et multicolores, rivalisent d’ingéniosité pour attirer les insectes. De mauvaise grâce, nous nous arrachons à la splendeur de LE VITICULTEUR LA CHARMANTE BOURGADE DE SAN ESTEBAN DE GORMAZ ce spectacle. D’étranges formations rocheuses, striées de blanc, de jaune et de rouge, nous font songer aux canyons de l’Amérique du nord. A perte de vue, pas âme qui vive. Tout à coup, adossées à des coteaux qui montent en pente douce, les premières vignes apparaissent. Dans les travées foisonnent des haies d’herbes folles et, ici et là, surgissent des arbres isolés. Un groupe de perdrix paniquées prend le large, un chevreuil s’enfuit et remonte les vignes en bondissant. Lorsque les portes de nos véhicules claquent, le gazouillis des oiseaux s’interrompt un instant, avant de reprendre de plus belle. Nous nous extasions devant ces vignes complantées de vénérables et précieux ceps taillés en gobelet. « Nous exploitons en tout 15,5 hectares de vignes », explique Juan-Martin. L’œnologue Roser Amoros lui coupe joyeusement la parole: « Mais que dis-tu là ? Cela ne ressemble à rien ! En fait, ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a soixante parcelles différentes. Imaginez-vous, c’est un sacré boulot ! ». Et elle rit de bon cœur. « Sur les plus petites parcelles prospèrent parfois cinquante ceps ». La plupart des vignes formées en gobelets ont de 50 à 80 ans d’âge. Avec leurs troncs noueux et leurs branches dressées qui semblent implorer le ciel, elles témoignent de tous ces hivers rigoureux et de tous ces étés caniculaires. Cette haute et large vallée se trouve en effet à une altitude de plus de 900 mètres. CLIMAT ET ALTITUDE EXTRÊMES « Cette année, les vignes ont au moins 3 semaines de retard », estime Antonio. Le front plissé, il nous montre des ANTONIO RUPEREZ F ENÊTRE AMPÉLOGRAPHIQUE Le Tempranillo, noble et précoce hidalgo Vous lirez peut-être dans certains ouvrages que le Tempranillo (de l’espagnol ‘temprano’ signifiant ‘précoce’) a été introduit en Espagne par les moines cisterciens de l’Abbaye de Cîteaux en Bourgogne, et qu’il s’agirait d’un cousin du Pinot ayant pris le chemin du pèlerinage vers SaintJacques de Compostelle. Refermez donc ce livre car cette légende est invalidée par la découverte en 2012 des parents du Tempranillo par le test ADN: il s’agit d’un croisement naturel entre l’Albillo Mayor, un vieux cépage de la Ribera del Duero où le Tempranillo est historiquement cultivé sous le nom de Tinta del País (« rouge du pays »), et un cépage abandonné de la communauté autonome d’Aragon nommé Benedicto dont on ne sait pratiquement rien. Le croisement a dû avoir lieu quelque part entre l’Aragon, la Rioja, la Castilleet-León et la Navarre, avant la première mention du Tempranillo en 1807 dans la Rioja, ou encore bien avant si l’on en croit certaines mentions incertaines en Ribera del Duero dès le XIIIe siècle. José Vouillamoz DIVO DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE 4 Nº 74 DE NOMBREUSES PETITES CAVES SOUTERRAINES OFFRENT AUJOURD’HUI ENCORE DES CONDITIONS IDÉALES POUR L’ENTREPOSAGE ET LE VIEILLISSEMENT DU VIN vignes qui ont conservé les stigmates du gel survenu les nuits du 26 avril et du 16 mai. Rien d’inhabituel dans la Ribera del Duero, où seuls les mois de juin à septembre sont garantis hors gel. En hiver, le thermomètre chute fréquemment bien en dessous de 0 °C, et des températures de -15 °C n’ont rien d’exceptionnel. Même maintenant, au début de l’été, on supporte une petite laine en soirée. Les vignerons de la région ne sont pas gâtés. Ici, dans la province de Soria, nous ne nous trouvons pas seulement à la frontière la plus à l’est de ce très long fleuve qu’est le Duero, mais également à la limite de ce que peut supporter la vigne. Certes, la viticulture est tout à fait possible ici, avec une lutte continuelle contre les éléments naturels. A de telles altitudes, on peut sans autre parler de « viticulture de montagne ». Le climat est en effet marqué par d’importants écarts de température entre le jour et la nuit, ce qui favorise la matu- D’ANTIQUES GOBELET DIVO CEPS DE TEMPRANILLO TAILLÉS EN ration polyphénolique du raisin. Les précipitations sont très faibles, du moins dans les années normales. Seuls les ceps les plus robustes et les plus sains parviennent à amener les raisins à maturité. Ce sont précisément ces conditions extrêmes qui permettent au vin d’atteindre un tel raffinement, une telle fraîcheur et une telle expressivité aromatique. « Hélas, nous ne parvenons pas toujours à récolter les raisins lorsqu’ils ont atteint leur pleine maturité », reconnaît Roser Amoros. « Dans le pire des cas, nous en faisons du rosé ou du vin jeune ; quand ils sont bien mûrs, alors les raisins sont incomparablement aromatiques et frais ! », s’enflamme-t-elle. LE TEMPRANILLO DONNE LE TON Chez Rudeles comme dans toute la Ribera, le Tempranillo est le cépage incontesté. On en trouve aussi une variété locale, le Tinto Fino, également appelé Tinto del País. Sinon, les partenaires de Rudeles ont le bonheur de posséder des ceps de Garnacha vieux de cent ans, qui ont une valeur inestimable dans la région. L’heure est venue de déguster les vins qui prospèrent ici ! Au milieu des vignes, un petit cassecroûte a été préparé pour nous, et les premières bouteilles sont débouchées. Soudainement nous nous sentons observés. Sur les crêtes du haut plateau, que l’on appelle ici las comarcas, cinq gigantesques oiseaux se sont posés l’un après l’autre. Ils ne nous quittent pas des yeux: ce sont des vautours fauves, des rapaces qui ont une envergure de plus de deux mètres. «Aucune crainte, ils ne mangent que des charognes…», rassurent nos hôtes, tout en nous présentant joyeusement leurs vins. Nous commençons par leur seul DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE OCTOBRE 2013 vin blanc, l’Albillo, un cépage rare qui n’a pas droit à l’AOC. Nous testons ensuite le Cepas Jovenes rouge 2012, un vin au fruit étincelant, rond, et au charme désarmant. Puis vient le tour de « L’Original », une cuvée d’une grande élégance, élaborée à partir de raisins provenant de 23 parcelles différentes. Il qui affiche au nez une explosion d’arômes fruités et offre en bouche une matière profonde, soutenue par des tanins bien intégrés. Tous les terroirs de la région sont riches en calcaire, en formant une mosaïque de sols assez différents: certains sont alluviaux, donc sablo-graveleux, d’autres argileux, d’autres encore schisteux, voire gypseux. Cette diversité contribue grandement à la complexité des vins. Sous le regard sévère des vautours, nous poursuivons notre route. Nous passons devant des caves souterraines, creusées à même la pierre dans les collines, et nous retournons au village. La cave Rudeles est simple, d’une propreté irréprochable et équipée avec du matériel dernier cri. Ici, un seul mot d’ordre: sélection. Déjà dans les vignes, les raisins doivent passer par quatre étapes de sélection, toutes effectuées à la main. Avec la taille en gobelet, des vendanges mécaniques sont d’ailleurs impensables. Les raisins sont ensuite livrés à la bodega dans des cageots de 12 kilos. Ils sont alors une nouvelle fois impitoyablement triés sur la table de triage, avant d’être soumis à la fermentation dans des cuves d’acier, à température surveillée. Puis ils sont pressurés et élevés en barriques. « Nous n’en sommes qu’au début », commente modestement Juan-Martin, « avec un objectif clair: nous voulons conserver le précieux héritage viticole que nous ont légué nos parents et nos grands-parents, et nous voulons produire des vins qui reflètent leur terroir. Nous avons commencé en 2003 avec 2500 bouteilles, élevées dans un garage. Aujourd’hui, nous en produisons 40 000. Une chose est sûre: nous ne dérogerons jamais à nos principes de qualité, juste pour augmenter la quantité ! », conclut-il. Et c’est ainsi que trois des cinq partenaires continuent de travailler à l’extérieur, afin de gagner l’argent nécessaire au financement de l’entreprise et maintenir en vie leur rêve: produire un vin de caractère, fidèle à ce coin de pays. Pour les vendanges, toute la famille se réunira au village et aidera à la récolte du raisin. 5 TERROIR DIVO LES VINS DE RUDELES l Rudeles 2006, Selección, Ribera del Duero, Tierras el Guijarral: un cru velouté, au caractère bien affirmé Les raisins à l’origine de ce vin proviennent des meilleures parcelles qui s’étendent sur les coteaux des comarcas. Ils sont soigneusement sélectionnés, puis égrenés et soumis à fermentation dans des cuves en acier inoxydable, à une température contrôlée de 27°C. Le vin est ensuite élevé 13 mois en fûts de chêne français d’une année, puis vieilli douze mois supplémentaires en bouteilles. Il arbore alors une robe intense, étincelante, et affiche au nez des arômes veloutés, au fruit prononcé, sur des notes de cerise, de prune, de café, de chocolat et de réglisse. La bouche déploie une matière étoffée et dense, qui s’appuie sur une acidité remarquablement équilibrée, et sur des tanins soyeux et caressants. Un vin d’une belle complexité aromatique, racé, au caractère bien affirmé. Gigot d’agneau aux fines herbes • Confit de lapin • Ragoût d’agneau aux tomates. Rudeles 2006, Selección, Ribera del Duero, Tierras el Guijarral («vin de l’année» 2013) Garde: 2013-2014 Réf.: 402806 Cépages: 95% Tempranillo/Tinto Fino (deux tiers issus de vignes de 10 ans d’âge, un tiers de vignes de 90 ans d’âge), 5% Garnacha (vignes de 100 ans d’âge) Prix spécial membres: CHF 19.70 Type: intense, de caractère, puissant, tanins soyeux EN JUIN 2013, L’UNE DIVO DES 60 l Rudeles 2012, Cepas Jovenes, Ribera del Duero, Tierras el Guijarral: du fruit à l’état pur Les vignes de Tempranillo à l’origine de ce vin prospèrent à une altitude de 800 m, sur des sols pierreux. La fermentation s’effectue durant sept jours, à une température de 23 °C, ce qui permet de lui conserver tout son fruit. Le vin est ensuite élevé en cuve d’acier et mis en bouteilles tôt. Un cru sympathique, au fruit marqué par les arômes fermentaires et primaires, qui offre en bouche une matière ronde et charnue, soutenue par des tanins légèrement rustiques. Un vin de tous les jours, tout en fraîcheur, tourné vers le plaisir. Rudeles 2012, Cepas Jovenes, Ribera del Duero, Tierras el Guijarral Garde: 2013-2015 Réf.: 402912 Cépage: 95% Tempranillo/Tinto Fino (issu de vignes jeunes), 5% Garnacha (vignes de 100 ans d’âge) Prix membres: CHF 8.95 Type: fruité, frais, d’accès facile des arômes complexes de baies rouges et noires, de café, de violette et d’épices douces, sur une touche boisée discrète, élégante et bien enrobée. Il déploie en bouche une matière racée, ample, agréablement fraîche, soutenue par des tanins au grain fin, qui s’achève dans une finale persistante et aromatique. Tarte aux légumes • Lapin braisé aux olives • Aubergines farcies à la viande hachée. Rudeles 2010, Original, Cuvée Spéciale DIVO, Ribera del Duero, Tierras el Guijarral Garde: 2013-2015 Réf.: 403610 Cépages: 95% Tempranillo/Tinto Fino (deux tiers issus de vignes de 10 ans d’âge, un tiers de vignes de 90 ans d’âge), 5% Garnacha (vignes de 100 ans d’âge) Prix membres: CHF 12.95 Type: complexe, souple, fruit racé l Rudeles 2010, Original, Cuvée Spéciale DIVO, Ribera del Duero, Tierras el Guijarral: un vin tout en souplesse et en harmonie Mise en bouteilles spécialement pour DIVO, cette cuvée provient de 23 parcelles différentes. Les raisins sont fermentés durant deux semaines à 25 °C, puis le vin est élevé six mois en barriques françaises usagées, avant d’être vieilli au moins une année en bouteille. Un vin souple et très harmonieux, au fruit très prononcé, qui affiche au nez PARCELLES QUI CONSTITUENT LE DOMAINE RUDELES DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE SOUS UN OCÉAN DE FLEURS 6 Nº 74 DES VIGNES À PERTE DE VUE: L’ABADÍA RETUERTA OCTOBRE 2013 NE COMPTE PAS MOINS DE 204 HECTARES ABADÍA RETUERTA: 15 ANS DE COLLABORATION AVEC DIVO Christophe von Ritter a présenté l’Abadía Retuerta en 1998, dans la revue DIVO n° 27. Enthousiaste, il saluait alors la volonté explicite de ce domaine nouvellement créé de mettre l’accent sur les terroirs, sans tenir compte des directives restrictives de l’AOC, et de choisir des cépages et des méthodes de vinification exclusivement en fonction des terroirs. Aujourd’hui, 15 ans plus tard, l’Abadía Retuerta est devenue une marque de réputation internationale. Malgré sa grande taille, le domaine convainc plus que jamais par un travail minutieux aussi bien dans la vigne qu’à la cave, et par des vins qui, certes vinifiés de façon moderne, n’en restent pas moins fortement marqués par leurs terroirs. Une raison suffisante pour poursuivre cette longue collaboration. L’Abadía Retuerta se situe à Sardón de Duero, à cent dix kilomètres à l’ouest de Rudeles, à peu près à l’autre extrémité du fleuve Duero, dans la région de Valladolid. Cette imposante abbaye de moines prémontrés, érigée en 1146 durant la reconquista de la péninsule ibérique par les chrétiens contre les Maures, était connue et appréciée loin à la ronde, jusqu’au XIXe siècle, pour la production de ses vins. Elle se trouve à proximité immédiate du Duero et se présente aujourd’hui comme un hôtel cinq étoiles, rénové avec beaucoup de goût, qui porte tout simplement le nom de Le Domaine. Avec son restaurant de luxe, aménagé dans l’ancien réfectoire des moines, et son bistrot moderne, l’hôtel répond à toutes les demandes. L’exploitation s’étend sur LÀ OÙ JADIS S’ACTIVAIENT DES MOINES, DÉBARQUENT AUJOURD’HUI L’ANCIEN CLOÎTRE A ÉTÉ TRANSFORMÉ EN HÔTEL DE LUXE EN VOITURE DES HÔTES FORTUNÉS : 750 hectares de terrain, dont 204 complantés de vignes. Le vignoble et la cave se trouvent sur la rive nord du Duero, sur un coteau qui grimpe tout en douceur jusqu’à une altitude de 850 mètres. Totalement délabrée, la propriété a été achetée en 1988 par un grand groupe suisse actif sur les marchés internationaux, qui a investi des sommes colossales non seulement dans la rénovation de la bâtisse, vestige historique unique en son genre, mais également dans la réorganisation du vignoble et dans la modernisation de la cave en 1996. Aujourd’hui le complexe respire l’élégance et la noblesse, les installations en cave sont bien pensées et techniquement à la pointe du progrès, de quoi faire rêver tout œnologue qui se respecte. AMBITIEUX PROJET DE PRESTIGE A l’Abadía Retuerta, on n’a pas non plus lésiné sur le personnel. Pour cet ambitieux projet de prestige, les meilleurs n’étaient pas encore assez bons. On s’attacha dès le début les services du célèbre œnologue et agronome français Pascal Delbeck, qui fonctionna comme conseiller. Et on engagea comme directeur technique responsable des vignes et de la bodega, le brillant œnologue Angel Anocibar. Aujourd’hui, il est resté le même homme: simple et sans façon, sympathique, avec les deux pieds sur terre. Promu premier œnologue d’Espagne, cet homme formé à Bordeaux, qui a exercé son activité au château Calon Ségur, nous invite à DIVO DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE 7 TERROIR DIVO ANGEL ANOCIBAR FAIT DÉCOUVRIR SON ROYAUME À monter dans sa jeep. Elle est décorée d’un petit ange, symbole et ange protecteur de l’abbaye, qui convient parfaitement à son prénom. Non sans fierté, il nous véhicule à travers son royaume et nous montre avec une joie non dissimulée des vignes sauvages. Il nous parle avec entrain des pins centenaires, des cèdres et des chênes. « Là où poussent les pins, le sol est forcément pauvre et sablonneux » explique-t-il. Il évoque également les animaux qui vivent ici, pour lesquels ses collaborateurs, sur ses directives, ont construit des abreuvoirs. Puis il nous montre les grandes roues à vent, qui sont censées protéger du gel les vignes de la plaine. Elles mélangent en effet les couches d’air froid qui stagnent au niveau du sol avec les couches supérieures plus chaudes. Devant notre incrédulité, il précise: « Au début, beaucoup de gens ont douté de leur efficacité. Mais après un gel survenu au mois de septembre, toutes les feuilles du vignoble sont devenues brunes, à l’exception de celles de nos vignes. Depuis, le doute n’est plus permis.» ERIC DURET, CLAUDIA HEINE ET WALTER ZAMBELLI coup travailler dans la vigne », poursuit Angel Anocibar, qui accorde une grande importance à une approche si possible écologique de la viticulture. En principe, il n’utilise pas d’insecticide, aussi peu d’engrais que possible et des fongicides uniquement en cas d’extrême nécessité. Les parasites sont combattus avec des méthodes naturelles, et tout est entrepris pour favoriser les organismes auxiliaires. Le fait que les chevreuils s’en prennent volontiers aux jeunes pousses ne le dérange pas, « pour autant qu’il n’y en ait pas L’ANCIENNE ABBAYE DES PRÉMONTRÉS trop…», commente-t-il en haussant les épaules. En homme proche de la nature, l’œnologue en chef affiche la même décontraction face aux maladies de la vigne. Il lutte contre elles de manière intransigeante, ceci uniquement si elles mettent en péril la qualité des raisins et des vins. La densité des plants est de 3000 ceps par hectare, un chiffre relativement bas. « Si l’on augmentait cette densité, les ceps souffriraient du manque d’eau » explique-til. Pour la même raison, on procède à un effeuillage conséquent. Le vignoble se subdivise en 54 parcelles qui sont toutes vinifiées séparément. Les meilleures d’entre elles, appelées pagos, donnent des crus de toute grande classe, d’une remarquable profondeur. « Dès le début, nous avons visé la gamme moyenne et supérieure », insiste Angel, « et, pour y arriver, il faut travailler dur ». Notamment en réfrénant les quantités, ce qui se conçoit aisément: « Pour se maintenir dans le temps, le vin a besoin de structure ». Et c’est justement là l’objectif poursuivi par la bodega: produire des vins qui vieillissent bien et qui ne déploient toute leur noblesse et leur personnalité qu’avec les années. LA CAVE: DE LA PRÉCARITÉ AU GRAND LUXE Lorsque notre hôte nous montre la cave, aussi impressionnante qu’avantgardiste, avec ses cuves suspendues, il fait ce commentaire: « Il y a 15 ans, ne SE TROUVE AU MILIEU DES VIGNES, À QUELQUES PAS DU DUERO TRAVAIL INTRANSIGEANT DANS LES VIGNES Dans la Ribera del Duero, la période de végétation est brève, en raison de l’altitude et du climat. « Pour récolter des raisins parvenus à maturité, il faut beau- DIVO DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE 8 Nº 74 travailler qu’avec la gravité était une méthode révolutionnaire ; aujourd’hui, tout le monde fait comme ça ». L’installation dispose également d’un laboratoire très bien équipé, dans lequel on isole des levures indigènes et des bactéries lactiques. « En matière de levures, nous avons dix ans d’avance sur Vega Sicilia », poursuit-il. (Ndlr: Vega Sicilia est une société viticole située au cœur de l’appellation Ribera del Duero). Quant à la gigantesque cave de vieillissement, avec ses 3000 barriques entassées sur des châssis qui montent à des hauteurs vertigineuses, Angel Anocibar se souvient des débuts et raconte: « La première année, Pascal Delbeck et moi-même avons vinifié notre première cuvée dans un véritable trou, sans toit au-dessus de la tête. A l’époque, en effet, la construction de la cave n’était pas terminée. C’était une sacrée période ! » A l’entendre, on soupçonne Angel Anocibar de s’être senti au moins aussi à l’aise dans les conditions précaires de l’époque qu’aujourd’hui dans sa cave grand luxe. parcelle a été examinée sous l’angle géologique, puis complantée avec le cépage qui correspond à ses caractéristiques constitutives et à son orientation. On procède régulièrement à des analyses et des contrôles. Inutile de préciser que les vins sont élaborés exclusivement à partir des raisins de l’exploitation. Ces raisins sont récoltés à la main, séparés par parcelles et sélectionnés sur des tables de triage. Alors seulement, et toujours séparément, ils sont soumis à la fermentation, puis à l’élevage. Cette méthode représente un immense défi logistique: c’est justement dans DANS LA CAVE DE L’ABADÍA OCTOBRE 2013 la personnalité, dans la singularité du terroir que réside toute l’essence des vins haut de gamme, qu’ils soient élaborés à partir d’un cépage indigène, comme le Tempranillo, ou à partir de Cabernet Sauvignon. Même les œnophiles qui recherchent en Espagne un cépage plutôt indigène qu’étranger, ne manqueront pas de tomber sous le charme irrésistible du grandiose Pago Valdebellón, un Cabernet Sauvignon élevé en monocépage qui peut rivaliser avec les plus grands vins de la planète, grâce à son époustouflante élégance et son caractère remarquablement minéral. RETUERTA S’EMPILENT 3000 BARRIQUES CRUS HAUT DE GAMME La grande idée de l’Abadia Retuerta, c’est de produire des vins qui soient l’exacte émanation des parcelles exceptionnelles et des terroirs historiques dont ils sont issus. Cette philosophie a des conséquences sur le travail dans la vigne et dans la cave. En effet, chaque DIVO DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE 9 TERROIR DIVO ment un faible pour ce vin ! Vieilli 24 mois en barriques françaises neuves, ce pago d’une grande noblesse tient toutes ses promesses. Voilà un vin distingué, très classique, impressionnant d’élégance, de minéralité et de complexité, qui affiche au nez des arômes d’épices, d’herbes de Provence et de fruits rouges, sur des notes minérales. Il offre en bouche une matière délicate, élancée, soutenue par une structure très harmonieuse, qui s’achève dans une finale persistante. Une pure merveille! Pigeonneau rôti • Filet de bœuf sauce au poivre. TOUTES LES VIGNES ONT FAIT L’OBJET D’INVESTIGATIONS GÉOLOGIQUES AVANT D’ÊTRE À NOUVEAU ENCÉPAGÉES LES VINS DE L’ABADÍA RETUERTA l Abadía Retuerta Selección Especial 2009, Sardón de Duero: le triomphe du vainqueur Veni, vidi, vici: vous l’aurez compris, la Selección Especial 2009 a tout d’une marche triomphale. C’est le vin le plus populaire de l’Abadía, celui qui a le plus de succès, un assemblage classique de divers cépages provenant de différentes parcelles. Il séduit d’emblée par un nez délicat et élégant, classique dans le meilleur sens du terme, où dominent les arômes de cassis, de prune et de café, sur un soupçon de violette. Elancée, veloutée, la bouche déploie une matière dense, soutenue par des tanins au grain fin et une acidité tout en fraîcheur. Un vin expressif, irrésistiblement harmonieux. Lapin braisé au four • Tajine d’agneau. Abadía Retuerta Pago Valdebellón 2009, Viñedos Propios, Sardón de Duero Garde: 2013-2019 • Réf.: 80009 Cépage: Cabernet Sauvignon Prix membres: CHF 79.20 Type: minéral, élégant, épicé, classique notes de baies et de cerise noire bien mûre, avec quelques accents de tabac et de fumée. Avant de culminer dans une finale aussi longue que raffinée, la bouche déploie une matière dense et puissante, qui s’appuie sur une structure de tanins précise, élégante, et délicate. Un vin de toute grande classe, avec beaucoup de fondant, à savourer lors d’occasions exceptionnelles. Pigeonneau aux truffes • Filets d’agneau au thym. Abadía Retuerta Pago Negralada 2010, Viñedos Propios, Sardón de Duero Garde: 2013-2019 • Réf.: 81410 Cépage: Tempranillo Prix membres: CHF 79.20 Type: profond, distingué, puissant l Abadía Retuerta Pago Negralada 2010, Viñedos Propios, Sardón de Duero: un Tempranillo qui répond aux exigences les plus élevées C’est ainsi qu’il faut se représenter un Tempranillo de toute grande classe: issu de sols sablo-graveleux profonds et affiné 24 mois en barriques françaises neuves. Il affiche au nez des arômes tout en nuances, superbement complexes, d’une pureté et d’une subtilité absolument remarquables, sur des L’ANCIEN CHEMIN DE CROIX DU CLOÎTRE SERT AUJOURD’HUI À DES FINS PLUS PROFANES Abadía Retuerta Selección Especial 2009, Sardón de Duero Garde: 2013-2016 • Réf.: 81309 Cépages: 75% Tempranillo/Tinto Fino, 20% Cabernet Sauvignon, 5% Merlot Prix membres: CHF 24.30 Type: complexe, élégant, velouté, raffiné l Abadía Retuerta Pago Valdebellón 2009, Viñedos Propios, Sardón de Duero: un Cabernet Sauvignon vraiment grandiose! Même si vous estimez que produire un Cabernet Sauvignon en Espagne est une hérésie, vous aurez immanquable- DIVO DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE 10 Nº 74 LES VIGNES DES BODEGAS LANDALUCE BODEGAS LANDALUCE: DES VINS FRANCS, À LA FORTE IDENTITÉ BASQUE Directeur des bodegas Landaluce, Asier Larrauri Donnay, par ailleurs un homme charmant, discret et plutôt introverti, met d’emblée les choses au point et entend dissiper tout malentendu: « Ici, nous ne sommes pas en Espagne, mais dans le Pays basque ! ». Le domaine Landaluce se trouve dans la plus petite des trois sous-régions de la Rioja: la Rioja Alavesa. Il s’agit d’une contrée montagneuse, qui s’étend dans un cadre absolument charmant au pied des contreforts escarpés de la Sierra de Cantabria, à quelques minutes de la ville fortifiée de Laguardia, au cœur même de cette région autonome qu’est le Pays basque. Notre hôte n’est pas le seul à revendiquer son identité basque: ici, elle est omniprésente et s’affiche jusque sur les panneaux indiquant le nom des F ENÊTRE rues, inscrits dans les deux langues. Asier nous amène d’abord faire un tour dans cette petite bourgade médiévale, qui trône fièrement sur sa colline, entourée de son vieux mur d’enceinte et de ses cinq portes majestueuses. Comme d’un nid d’aigle, on jouit d’une vue fantastique sur la contrée environnante, qui ressemble depuis ici à un véritable patchwork, composé de parcelles de vignes plus ou moins grandes et de bodegas qui s’étendent dans la plaine et remontent un bon bout sur les flancs de la cordillère cantabrique. D’ABORD SIMPLE FOURNISSEUR DE RAISIN, AUJOURD’HUI BODEGA MODERNE Les bodegas Landaluce sont une jeune exploitation. Il n’y a pas si longtemps encore, le viticulteur Goyo Landaluce AMPÉLOGRAPHIQUE Graciano, un aragonais en Sardaigne Le Graciano est un très vieux cépage de la communauté autonome d’Aragon au nord-est de l’Espagne qui a beaucoup voyagé, comme en témoignent ses nombreux synonymes régionaux. Par exemple, le test ADN a confirmé qu’on le retrouve en Andalousie sous le nom de Tintilla de Rota, dans le Languedoc où il est appelé Morrastel (et souvent confondu avec le Mourvèdre, appelé Monastrell en Espagne), mais aussi en Sardaigne sous les noms de Cagnulari et Bovale Sardo. Son introduction en Sardaigne a probablement eu lieu pendant la domination de l’île par le royaume d’Aragon (1323-1720), très vraisemblablement en compagnie du Mazuelo (ou Carignan) auquel on donna le nom de Bovale Grande ou Bovale d’Espagne. L’origine du Graciano est donc indiscutablement espagnole, comme l’atteste son lien génétique de type parent-enfant découvert avec le Mandón, vieux cépage du Bierzo dans la province de León au nord-ouest espagnol. José Vouillamoz DIVO DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE OCTOBRE 2013 PROSPÈRENT AU PIED DE LA CORDILLÈRE CANTABRIQUE livrait le raisin de ses 15 hectares de vigne à la coopérative locale, comme l’avaient fait avant lui son père et son grand-père. Tout a changé en 2001, où il a fallu prendre une décision: abandonner la vigne ou faire le grand saut. Goyo choisit alors de se lancer et s’associa à trois partenaires, parmi lesquels Asier Larrauri. Persuadé du grand potentiel de la Rioja Alavesa (du moins de sa partie basque…) le quartet fonda les bodegas Landaluce. Avec l’aide d’un collaborateur engagé à plein temps et de cinq saisonniers, Goyo cultive depuis lors, outre ses propres vignes, une quinzaine d’hectares qu’il a pu louer. Non sans fierté, il nous conduit à travers quelques-unes de ses parcelles. Les ceps, majoritairement de Tempranillo, sont plantés à une distance de 1,7 m les uns des autres et, par crainte qu’ils ne manquent d’eau, sont désherbés. Comme le veut la tradition, ils sont tous taillés en gobelets et forment ainsi de petits buissons à trois bras, d’un mètre de hauteur. La plupart ont atteint un âge vénérable, puisque les plus vieux ont été plantés il y a 93 ans. UN JEUNE DOMAINE AVEC DE TRÈS VIEUX CEPS «Les ceps d’un certain âge sont de bien meilleure qualité que les plus jeunes », explique Asier Larrauri. « Comme leurs racines descendent plus profondément dans le sol, ils supportent beaucoup mieux la sécheresse et les fortes intempéries, à l’image de ce que nous avons connu ces derniers mois. Ils ont également moins tendance à produire des quantités excessives de raisin, ce qui nous épargne du travail », poursuit le viticulteur. Puis il ajoute, après avoir médité un instant, que les vieux ceps produisent des vins plus profonds et plus complexes. Moderne et fonctionnelle, la cave aligne 22 cuves à fermentation de diverses grandeurs, équipées d’un système de contrôle des températures. Nous nous trouvons ici dans le royaume de Xabier Kamio, l’œnologue en fonction ici 11 TERROIR DIVO depuis 2009. Comme son nom l’indique, cet homme très sûr de lui est un Basque de pure souche. Il nous raconte comment, grâce aux analyses de laboratoire et à des modèles sophistiqués de calcul, il parvient à déterminer d’une saison à l’autre, en fonction des parcelles et des cépages, les dates idéales de récolte. Il insiste sur un point: la bodega Landaluce élabore tous ses vins à partir de ses propres raisins. « Dans la Rioja, c’est très rare ; la plupart des domaines achètent du raisin en plus » précise l’œnologue. La récolte est intégralement contrôlée sur la table de triage, « même les raisins qui serviront à la confection des vins de base ». Puis les grappes sont entièrement égrenées, et le moût est soumis à fermentation par levures sélectionnées, dans des cuves d’acier, à des températures de 22 °C à 28 °C. « La température ne doit pas être trop basse, sinon les vins n’ont pas de fondant », explique Xabier Kamio, dont l’objectif consiste à obtenir des vins séducteurs, au fruit prononcé. Il ne jure que par la traditionnelle presse verticale. UN FRUITÉ EXCEPTIONNEL, GRÂCE À LA MACÉRATION CARBONIQUE Pou conserver au raisin tout son fruit, l’œnologue recourt volontiers à la méthode dite de la macération carbonique, à la différence près que le raisin est certes égrappé, comme dans la macération carbonique classique, mais n’est pas pressuré: les grains sont versés dans la cuve à fermentation si possible LE VÉRITABLE TRÉSOR DU DOMAINE DES CEPS D’ÂGE VÉNÉRABLE LANDALUCE : DANS LES ESPACES NOUVELLEMENT AMÉNAGÉS, JUSTE À CÔTÉ DE LA CAVE LANDALUCE, LES VIGNES SONT ÉLEVÉES SUR DES CADRES DE FIL DE FER entiers. La plupart des vins jeunes vieillissent ensuite dans des barriques françaises moyennement ou fortement toastées ; seuls 7 % des barricas sont confectionnées à partir de chêne américain. Les fûts de Capricho, le cru qui leur sert en quelque sorte d’image de marque, ne sont pas stockés dans la cave de vieillissement normale, mais dans une élégante cave séparée. C’est un cru qui n’est élaboré que les meilleures années, à partir de raisins qui ont mûri sur des ceps de Tempranillo de 80 ans d’âge, avant d’être vieilli 18 mois en barriques françaises neuves, et finalement mis en bouteilles non filtré. A notre goût, c’est un vin où les arômes boisés sont un peu trop prononcés. Nous lui préférons nettement la crianza « normale », un vin de tous les jours pas compliqué et fruité, ou la très élégante reserva. Notre petit favori, c’est un cru un peu déjanté, élaboré à partir d’un très vieux cépage local: le Graciano. Il affiche au nez des senteurs fraîches et poivrées et déploie en bouche une matière racée, d’une grande droiture, soutenue par une acidité fondante. Les avis sont partagés: « Il est clairement trop acide La Rioja Située au nord-est du pays, la Rioja est la plus importante région viticole d’Espagne. Traversée par le Rio Oja, une rivière à laquelle elle doit son nom, et par le fleuve Ebre, elle chevauche trois provinces autonomes: le Pays basque, la Rioja et la Navarre. Protégée au nord par la Sierra de Cantabria, à l’abri des vents de l’Atlantique qui, depuis l’ouest, apportent les pluies, la Rioja s’étend sur une longueur de 120 km entre la commune de Haro, au nord-ouest, et celle de Campo de Borja, au sud-est. Elle est subdivisée en trois sous-régions: la Rioja Alavesa, la Rioja Alta et la Rioja Baja. 144 communes produisent du vin dans cette région, dont 90 % de rouge et 10 % de rosé et de blanc. Les vignes prospèrent entre 300 et 800 m d’altitude. Superficie: env. 63 600 ha. Climat: mélange d’influences méditerranéennes et atlantiques, le climat est nettement plus tempéré que dans la Ribera del Duero. Températures modérées, précipitations entre 300 et 500 mm par année, suivant les régions. Terroir: extrêmement diversifié. Rioja Alavesa: sols argilo-calcaires ; Rioja Alta: sols alluviaux graveleux, sols argileux riches en fer et sols argilocalcaires ; Rioja Baja: sols alluviaux argileux riches en fer. Cépages: Les directives AOC autorisent les cépages suivants: Tempranillo, Garnacha, Mazuelo (= Cariñena), Graciano et Maturana Tinta pour les rouges, Viura (= Macabeo), Malvasía, Garnacha blanca, Tempranillo blanco, Maturana blanca, Turruntés, Chardonnay, Sauvignon Blanc et Verdej pour les blancs. DIVO DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE 12 Nº 74 DÉGUSTATION ET DISCUSSION ANIMÉE AVEC XABIER KAMIO, L’ŒNOLOGUE DE LANDALUCE (3E DEPUIS LA GAUCHE). OBJET OCTOBRE 2013 DE L’ÉCHANGE : LE GRACIANO A-T-IL VRAIMENT UN PROFIL TROP ACIDE POUR LA CLIENTÈLE SUISSE ? pour notre clientèle suisse », estime ainsi Eric Duret. « La fougue du Graciano gagnerait à être domptée, par exemple avec un petit pourcentage de Tempranillo ou avec un soupçon de cépage blanc », poursuit-il. Mais quel dommage ce serait de castrer ce vin au caractère bien affirmé et de lui ôter ainsi son incomparable personnalité ! Sans compter qu’il est permis de douter qu’un véritable Basque se laisse si facilement dompter ! LES VINS DES BODEGAS LANDALUCE l Fincas de Landaluce Crianza 2008, Rioja Alavesa, Bodegas Landaluce: délicatesse et harmonie Ce monocépage de Tempranillo est issu de raisins qui ont mûri sur des ceps de 20 à 40 ans d’âge. Elevé une année en barriques françaises, il séduit d’emblée par un nez délicat et épicé, sur des notes de fruits noirs, de violette et de cèdre. Il offre en bouche une matière élancée, ronde et harmonieuse, d’une rare élégance. Un vin merveilleusement fruité, dans un millésime particulièrement réussi. Confit de dinde • Poivrons farcis • Gratin d’aubergines. Fincas de Landaluce Crianza 2008, Rioja Alavesa, Bodegas Landaluce Garde: 2013-2016 Réf.: 403808 Cépage: Tempranillo/Tinto Fino Prix membres: CHF 13.50 Type: délicat, harmonieux, frais LE VIGNERON DIVO PAR PASSION : GOYO LANDALUCE DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE DOMAINE LANDALUCE l Fincas de Landaluce Reserva 2008, Rioja Alavesa, Bodegas Landaluce: complexité et raffinement Affinée un an en barriques françaises, cette Reserva, affiche au nez un bouquet délicat, joliment fruité, avec quelques discrets accents épicés. Après une entame opulente, il déploie en bouche une matière suave et harmonieuse, qui s’appuie sur des tanins juvéniles, au grain fin, et sur une trame d’un grand raffinement, sans rien perdre de sa fraîcheur. Un Rioja élégant, tout en profondeur, finement structuré, au boisé discret et bien intégré. Steak au poivre • Côtelettes d’agneau sur le grill. Fincas de Landaluce Reserva 2008, Rioja Alavesa, Bodegas Landaluce Garde: 2013-2018 Réf.: 403908 Prix membres: CHF 17.55 Type: épices douces, fruité, opulent, complexe EST JEUNE, SA CAVE EST DONC MODERNE ET TRÈS BIEN ÉQUIPÉE 13 TERROIR DIVO VUE ÉPOUSTOUFLANTE SUR LA PROPRIÉTÉ REMELLURI ET SON VIGNOBLE : UN PETIT JARDIN D’EDEN REMELLURI: RETOUR AUX RACINES Quand on visite pour la première fois le domaine Remelluri (dont le nom entier est La Granja de Nuestra Señora de Remelluri ), on succombe infailliblement à son charme. Situé à Labastida, dans la Rioja Alavesa, au cœur d’une contrée grandiose, il appartenait jadis à un monastère de l’ordre des Hiéronymites, dont on aperçoit encore les ruines sur les crêtes de la Sierra de Toloño, à 1000 mètres d’altitude. L’exploitation Remelluri se blottit au pied de ce massif montagneux constitué, dans sa partie supérieure, de rochers abrupts qui, sous le soleil écrasant, paraissent presque blancs. Elle est formée d’une mosaïque de vignes bien soignées, de groupes d’arbres, d’oliveraies, de jardins et de cyprès qui se dressent fièrement vers le ciel. Avec leurs superbes vieux murs et leurs lourdes portes de bois garnies de ferronneries, la demeure et les dépendances ont été restaurées avec goût et doigté. L’endroit est accueillant, on s’y sent tout de suite bien. Une fontaine clapote – événement rare en Espagne, où l’eau manque partout – les abeilles bourdonnent autour des buissons de lavande en fleurs, les grillons chantent, une légère brise murmure à travers les feuilles des amandiers. Sinon, il règne ici un silence absolu. comme souvent, nous sommes pris en charge par sa sœur, Amaja Rodriguez, une femme énergique. Après quelques paroles de bienvenue, elle nous confie à son œnologue, Emmanuel Guiot, qui nous conduira dans les vignes. Flanqué de son jack russel Ioda, qui le suit comme son ombre, il nous embarque dans sa Jeep et emprunte les sentiers cahoteux, ravinés et terriblement escarpés qui sillonnent les contreforts de la montagne. A mi-hauteur, à la limite qui sépare les terrains cultivés de la garrigue sauvage, nous faisons halte et nous descendons. A nos pieds s’étend à perte de vue la vallée de l’Ebre. On dirait le jardin ASSIS SUR LA TERRASSE DE LA BODEGA REMELLURI, d’Eden. Toutes les nuances de vert possibles et imaginables s’offrent à nos yeux, encore accentuées, ici et là, par la couleur terre cuite des toits ou la teinte ocre soutenue de la terre qui porte les ceps. A l’horizon, elles rejoignent le bleu pâle du ciel, dans lequel se fondent quelques nuages d’un blanc laiteux. Dans l’air flottent des senteurs de cistes en fleurs et les arômes âpres et épicés de romarin, de thym et de genièvre. Si ce n’est le paradis, cela y ressemble sûrement beaucoup. « Oui, c’est un endroit magique », sourit Emmanuel Guiot. Il a 30 ans et a commencé son travail à Remelluri il y a deux ans. Auparavant, il exerçait son activité à Bordeaux, où il était maître des vignes du Château Cos d’Estournel. En matière de référence, on a vu pire ! Ici, dans sa patrie d’adoption, il n’a pas seulement la responsabilité des ON PERÇOIT TOUTE LA MAGIE DE LA RIOJA ALAVESA UN JOYAU DU PASSÉ Ce n’est pas l’envie qui manque de nous retirer dans un coin discret du jardin, au milieu des buis parfaitement soignés et des roses, et de passer la journée à rêvasser dans un des fauteuils en rotin qui nous tendent les bras. Mais nous n’en avons pas le temps. En l’absence de Telmo Rodriguez, le maître de céans, en voyage à travers le monde, DIVO DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE 14 Nº 74 108 hectares de vignes, mais également celle de la cave et de la vinification de ces vins prestigieux. Les vignes prospèrent sur des coteaux qui grimpent jusqu’à 600, voire 800 mètres d’altitude. La partie supérieure du vignoble, là où se trouvent les parcelles les plus exposées à la fraîcheur, est exclusivement réservée aux cépages blancs, surtout français, dont le Sauvignon Blanc, que Telmo Rodriguez a planté jadis par pure curiosité. Assemblées les unes aux autres, ces neuf variétés donnent un superbe vin blanc, au caractère bien affirmé, qui fait partie des blancs espagnols les plus intéressants. Dans les parties inférieures du vignoble prospèrent les cépages rouges classiques de la Rioja, en tête l’omniprésent Tempranillo, ensuite le Garnacha et le Graciano. Nous voici de retour à la cave, que nous visitons brièvement. Nous y découvrons, outre les 2000 barriques auxquelles nous nous attendions, quelques cuves ovoïdes en ciment, le dernier cri des caves à la pointe du progrès. « Nous n’achetons plus que des barriques françaises, nous avons renoncé aux américaines », explique notre guide. « Et nous les utilisons le plus longtemps possible, en moyenne environ huit ans ». Il n’est pas question que les vins acquièrent un boisé trop prononcé et que les nuances du terroir soient noyées par les notes toastées. La vinification s’effectue le plus naturellement possible. « Je laisse faire les vins, je me borne à les surveiller…», commente Emmanuel Guiot. OCTOBRE 2013 voyez ici », explique-t-elle, et elle embrasse d’un geste ample la demeure, la petite chapelle et les dépendances qui abritent les caves, « est le résultat de 50 années de reconstruction ». De nombreux récits circulent sur Remelluri qui, durant la reconquista, devint un refuge pour les ermites mozarabes, ces chrétiens d’origine maure ou juive persécutés par l’église catholique. Comme l’écrivait Christophe von Ritter en 2002, le domaine est devenu, sous la famille Rodriguez, un « lieu de pèlerinage pour œnophiles », grâce à Telmo Rodriguez, le fils de la maison, œnologue talentueux formé à Bordeaux. Après s’être brouillé avec son père, Jaime, il avait quitté Remelluri, bientôt suivi par Amaja. Entre temps, le senior UN JARDIN D’EDEN DE VITICULTURE BIOLOGIQUE Les vignes sont cultivées biologiquement, deux parcelles même selon les plus stricts principes de la biodynamie, « avec décoctions d’herbes, corne de vache, phases lunaires, et tout ce qui va avec », raconte Emmanuel Guiot, « Nous souhaitons étendre progressivement la biodynamie à toute l’exploitation, mais c’est une sacrée surface…». Les vieux ceps sont conduits selon le système traditionnel en gobelet, les plus jeunes sur des cadres en fil de fer. « Mais de plus en plus, nous en revenons au système en gobelet, surtout dans les meilleures parcelles », poursuit l’œnologue français. « Cela nous demande nettement plus de travail, mais les ceps produisent un raisin de bien meilleure qualité. Les vignes buissonnantes ont trois dimensions, celles sur cadres en fils de fer seulement deux…» Toutes les vignes sont enherbées. « En temps normal nous devons semer, mais avec ce printemps pluvieux, c’est la nature qui a réglé ce problème pour nous », poursuit Emmanuel Guiot. Pour le travail des sols, on recourt volontiers aux services d’Irati, une mule qui tire la charrue quand il s’agit d’aérer les sols ou de détruire les racines de surface des vignes, pour obliger les ceps à plonger leurs racines plus profondément dans le terrain. En bon chien terrier qu’il est, Ioda donne d’ailleurs déjà un coup de main en creusant consciencieusement des trous partout où nous passons. DIVO SELON EMMANUEL GUIOT, L’ŒNOLOGUE DE REMELLURI, QUI PRÔNE LE SYSTÈME EN GOBELET, LES VIGNES BUISSONNANTES AURAIENT TROIS DIMENSIONS, CELLES SUR CADRES EN FILS DE FER SEULEMENT DEUX EN AVANT TOUTE, CAP SUR… LE PASSÉ ! Entre temps, Amaja Rodriguez nous a rejoints. Et avant de nous faire déguster les vins dans la bibliothèque de l’annexe, prévue pour la réception des invités, où le temps semble s’être arrêté, elle nous raconte l’histoire de Remelluri. En 1968, la famille Rodriguez est tombée amoureuse de ce domaine érigé au XVe siècle par les religieux du monastère, qui s’étendait jadis sur 20 hectares. Les parents d’Amaja acquirent donc cette propriété et se mirent à la rénover, petit à petit, au prix d’un travail acharné, tout en procédant à un nouvel encépagement des vignes. « Ce que vous DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES VINS D’ORIGINE …! s’est retiré des affaires, et Telmo et Amaja sont de retour. « Quand mes parents ont commencé ici, ils avaient pour modèles les grands vins classiques de Bordeaux », explique Amaja Rodriguez. Après les erreurs et les errements des dernières années, les frères et sœurs ont repris la barre et mettent désormais le cap résolument… sur le passé ! « Oui, retour aux racines », confirme Amaja avec détermination, « aujourd’hui nous faisons à nouveau exactement ce qui a fait la grandeur de la Rioja dans les années 40 et 50 ». Il suffit de déguster pour comprendre ce qu’elle entend par là: des vins proches de leur terroir, tellement élégants et raffinés qu’ils en évoquent presque la Bourgogne. 15 TERROIR DIVO Remelluri Blanco 2010, Rioja, La Granja de Remelluri: un vin blanc complexe et de grande noblesse LES VINS DE LA GRANJA DE REMELLURI l Lindes de Remelluri 2009, Rioja, La Granja de Remelluri: un hommage aux vignerons et aux terroirs Une cuvée tout en élégance, élaborée à partir de raisins qui ont prospéré sur les terrasses de grès argileux des villages de Labastida (dans la Rioja Alavesa) et de San Vicente de La Sonsierra (dans la Rioja Alta). Les vignes (qu’il est prévu de placer en viticulture biologique ces prochaines années) appartiennent à 18 familles de vignerons qui, depuis 20 ans, parfois même depuis 30 ans, livrent leur raisin à la Granja de Remelluri. Par estime pour leur travail, et aussi pour rendre justice à ces deux terroirs, Telmo Rodriguez a élaboré un vin à part, exclusivement à partir de ces raisins récoltés à l’extérieur du domaine Remelluri, dans les deux villages cités plus haut. Vieilli 12 mois en fûts de chêne français, petits et grands, cet assemblage délicat et expressif offre en bouche une matière opulente, puissante, harmonieuse et agréablement fraîche, soutenue par des tanins bien enrobés. Un Rioja équilibré, qui s’appuie sur une structure subtile. Roastbeef • Filet de porc laqué au miel. Lindes de Remelluri 2009, Rioja, La Granja de Remelluri Garde: 2013-2017 Réf.: 404209 Cépages: Tempranillo, Garnacha, Graciano, Viura Prix membres: CHF 18.90 Type: très fruité, plein en bouche, équilibré Editeur Club DIVO, route de la Gare 44, 1305 Penthalaz Téléphone 021 863 22 70, Fax 021 863 22 95 E-mail [email protected] Internet www.divo.ch Rédaction Eva Zwahlen, DIVO et José Vouillamoz pour les fenêtres ampélographiques BARRIQUES FRANÇAISES ET CUVES OVOÏDES EN BÉTON COHABITENT EN BONNE INTELLIGENCE l Remelluri 2007, Sélection Spéciale DIVO, Rioja, La Granja de Remelluri: le classique que tout le monde aime Spécialement créée pour les membres DIVO, élaborée essentiellement à partir de raisins de Tempranillo soigneusement triés, cette sélection spéciale jouit d’une grosse cote de popularité. Un succès amplement mérité, d’autant plus que le millésime 2007 a atteint un sommet absolu. Il affiche au nez un bouquet tout en nuances, irrésistiblement expressif, sur des notes de baies noires, d’épices douces, de tabac, de boîte à cigare et une touche d’eucalyptus. A la fois puissante et élancée, la bouche déploie une matière harmonieuse et équilibrée, d’une souplesse rare, avant de s’achever dans une finale persistante et aromatique, sur la fraîcheur. C’est ainsi qu’on aime le Rioja ! Magret de canard grillé • Emincé de bœuf aux herbes • Filet d’agneau aux olives. Dans la Rioja, le vin blanc doit certes se contenter du second rôle: ce Remelluri Blanco n’a aucun complexe d’infériorité à avoir, bien au contraire. Cette cuvée raffinée, vieillie en barriques, provient de parcelles situées à presque 800 m d’altitude. Au nez, elle emporte d’emblée l’adhésion par des arômes au fruit intense et complexe, sur des notes d’agrumes, d’abricot et de pêche, avec quelques discrets accents vanillés et minéraux. Etoffée, charnue et dense, la bouche s’achève dans une finale persistante, sur la fraîcheur. Un vin blanc corpulent et original, d’une grande noblesse. Mets de poissons nobles, comme le loup de mer ou le turbot. Remelluri Blanco 2010, Rioja, La Granja de Remelluri Garde: 2013-2020 Réf.: 84910 Cépages: Grenache Blanc, Sauvignon Blanc, Chardonnay, Viognier, Roussanne, Marsanne Prix membres: CHF 46.80 Type: intense, étoffé, frais, élégant Remelluri 2007, Sélection Spéciale DIVO, Rioja, La Granja de Remelluri Garde: 2013-2018 Réf.: 80607 Cépages: 95% Tempranillo/Tinto Fino, 5% Grenache Prix membres: CHF 24.30 Type: aromatique, souple, puissant Traductions françaises Marcel Gasser Réalisation graphique Arcane PAO – Chavornay Impression Paperforms Villars-Sainte-Croix Photos Equipe DIVO Brièvement, nous vous présentons avec un plaisir particulier l’auteur de cette revue : Eva Zwahlen accompagne en effet DIVO depuis de nombreuses années et, pour la plupart des connaisseurs, elle est une référence. Après l’obtention de sa licence en histoire et en allemand à l’université de Zurich, elle a travaillé à la rédaction de Vinum et du Schweizerischen Weinzeitung. Depuis une quinzaine d’année, elle travaille en tant que journaliste indépendante dans le domaine du vin, traductrice et écrivain.