memoire de recherche l`effet regulateur de l`animal de compagnie

Transcription

memoire de recherche l`effet regulateur de l`animal de compagnie
LOISEAU LUCIE
Université Catholique de l'Ouest
Institut de Psychologie et de Sociologie Appliquées
Année universitaire 2011 - 2012
MASTER 1
MEMOIRE DE RECHERCHE
SPECIALITE PSYCHOLOGIE CLINIQUE
Parcours : Psychologie Développementale
L’EFFET REGULATEUR DE L’ANIMAL DE COMPAGNIE
AU SEIN DU SYSTEME FAMILIAL
Directeur de mémoire : M. Christian HESLON
Session : 2011-2012
Charte de non-plagiat
Je, soussignée LOISEAU Lucie étudiante à l'IPSA en Master 1, certifie que le texte présenté
comme dossier (validé officiellement dans le cadre d'un diplôme national) est strictement le
fruit de mon travail personnel. Toute citation (sources internet incluses) doit être
formellement notée comme telle, tout crédit (photo, illustration diverse) doit également
figurer sur le document remis. Tout manquement à cette charte entraînera la non prise en
compte du dossier.
Fait à Angers, le 30 août 2012
Signature
REMERCIEMENTS
 A M. Christian HESLON, Maître de conférences en psychologie et Directeur de
l’IPSA (Institut de Psychologie et de Sociologie Appliquées) à l’Université Catholique
de l’Ouest, pour sa disponibilité et le temps qu’il a consacré à la direction de ce
mémoire, ainsi que pour ses conseils, ses pistes de réflexion et son soutien dans la
réalisation de ce projet.
 A Mmes Houria BOUCHAFA et Isabelle GRANGEREAU, Maîtres de conférences
en psychologie, pour leur aide et leurs conseils dans la rédaction de ce mémoire.
 A l’ensemble des familles, pour m’avoir reçue chez elles avec gentillesse, pour le
temps qu’elles m’ont consacré durant les entretiens et pour ce qu’elles ont accepté de
partager avec moi. Sans leur parole et leurs histoires ce travail n’aurait jamais pu voir
le jour.
 A ma famille et mes amis, pour leur soutien et leurs encouragements qui ont été
précieux durant toute cette année, ainsi que pour leurs idées, leurs questionnements et
leur sens critique qui ont nourri mes réflexions personnelles.
 Aux animaux, ceux dont il est question dans ce mémoire, et ceux qui m’entourent et
m’ont entouré tout au long de ma vie, pour m’avoir inspiré ce projet et l’avoir rendu
possible.
« Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre. »
Guillaume Apollinaire, Le Bestiaire ou Cortège d'Orphée (1911)
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION .................................................................................................................... 1
L’ANIMAL AU CŒUR DU SYSTEME FAMILIAL .......................................................... 3
I.
Les relations anthropozoologiques : quand l’homme et l’animal se rencontrent ... 3
1.1. De la reconnaissance d’une possible relation... ........................................................... 3
1.1.1.
De l’animal-machine à l’animal-sujet ................................................................ 3
1.1.2.
La relation homme-animal : Comment communiquent-ils ?.............................. 5
1.2. A la présence animale au sein de la société humaine .................................................. 7
1.2.1.
De l’animal domestique à l’animal de compagnie ............................................. 7
1.2.2.
Quelques explications du phénomène animal de compagnie dans la société .... 9
1.2.3.
Les propriétaires d’animaux : cattophiles contre cynophiles ........................... 10
II.
L’approche systémique de la famille ......................................................................... 12
2.1. Le groupe familial : quelques éléments de définition................................................ 12
2.1.1.
Qu’est-ce qu’une famille ? ............................................................................... 12
2.1.2.
La famille : un groupe primaire........................................................................ 13
2.1.3.
Des familles en évolution ................................................................................. 14
2.2. La théorie des systèmes : courants et approches ....................................................... 15
2.2.1.
La naissance du modèle systémique ................................................................. 15
2.2.2.
Les différentes approches du modèle systémique ............................................ 17
2.2.3.
Les différents niveaux du modèle .................................................................... 19
2.3. La famille comme système ........................................................................................ 21
2.3.1.
Le système familial : un système ouvert résistant au changement ................... 21
2.3.2.
Existe-t-il une famille normale ? ...................................................................... 22
2.3.3.
Les fonctions familiales ................................................................................... 23
2.3.4.
Les différentes étapes de la vie familiale ......................................................... 23
2.3.5.
Les mythes familiaux ....................................................................................... 25
2.4. L’autorégulation du système familial ........................................................................ 25
III. La relation homme-animale : une relation particulière et bénéfique ..................... 26
3.1. Cet animal qui nous veut du bien .............................................................................. 26
3.1.1.
L’animal, une prévention efficace dans le milieu de la santé .......................... 26
3.1.2.
L’animal, un soutien pour les personnes en souffrance ................................... 27
3.2. La relation homme-animal : fonctions et significations d’une relation particulière .. 29
3.2.1.
Les fonctions psychologiques de l’animal de compagnie ................................ 29
3.2.2.
Les fonctions de l’animal de compagnie chez les jeunes couples .................... 30
3.3. L’animal comme membre du système familial ......................................................... 32
3.3.1.
L’animal dans la famille en quelques chiffres.................................................. 32
3.3.2.
L’animal : sa place, son rôle et sa fonction dans la cellule familiale ............... 33
3.3.3.
L’animal de compagnie dans les thérapies familiales systémiques ................. 36
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE RECHERCHE .......................................... 39
Questionnement et problématique ........................................................................................ 39
Hypothèse générale .............................................................................................................. 39
Hypothèses opérationnelles .................................................................................................. 39
METHODOLOGIE ............................................................................................................... 41
Population et méthode .......................................................................................................... 41
Guide d’entretien .................................................................................................................. 42
ENTRETIENS EXPLORATOIRES : LA FAMILLE C. : LA CHIENNE QUI
« FEDERE » ............................................................................................................................ 45
Entretien avec la mère .......................................................................................................... 45
Entretien avec le père ........................................................................................................... 47
Entretien avec Max, 14 ans .................................................................................................. 48
Entretien avec Tom, 16 ans .................................................................................................. 49
Entretien avec Harry, 21 ans ................................................................................................ 51
RÉSUMÉ DES ENTRETIENS ............................................................................................. 54
La famille recomposée : la famille D. : un chat pour chacun ............................................... 54
La famille monoparentale : la famille B. : la chatte qui complète ....................................... 58
La famille nucléaire stable : la famille H. : la chatte qui compense..................................... 62
ANALYSE DES ENTRETIENS ........................................................................................... 66
1)
L’adoption de l’animal .............................................................................................. 67
2)
Le rôle de l’animal dans les moments difficiles ........................................................ 68
3)
L’animal comme facteur d’ambiance et d’interactions familiales positives ............. 69
4)
Rôle de l’animal dans les conflits .............................................................................. 71
5)
L’animal comme support de projection et d’identification ....................................... 71
6)
Structure et fonctionnement familial ......................................................................... 72
DISCUSSION DES RESULTATS ........................................................................................ 76
CRITIQUES ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE..................................................... 80
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 83
ANNEXES ............................................................................................................................... 89
ANNEXE 1 : L’animal de compagnie dans nos foyers : Etudes française et belge ............ 90
ANNEXE 2 : Entretien avec la famille recomposée : la famille D. ..................................... 91
RÉSUMÉ/ABSTRACT ........................................................................................................ 127
INTRODUCTION
Depuis quelques années, nous assistons à une profusion du discours sur l’animal dans
le milieu scientifique et les médias. En effet, nous voyons se multiplier les ouvrages
philosophiques, les revues, les colloques, les émissions de télévision (30 millions d’amis est
créée en 1976 et X. Mahler comptabilise 184 heures de diffusion de documentaire sur les
animaux en 1977 !), etc. traitant de la question de l’animal et de son lien énigmatique avec
l’homme, démontrant ses bienfaits sur la santé et justifiant son utilisation en psychothérapie.
L’animal est partout dans notre société (Mouren-Simeoni, 1998) : il fait partie de nos
loisirs (équitation, safari-photo, visites à la ferme, parcs zoologiques, cirques, courses
hippiques...), de notre langage courant à travers les mots doux adressés aux enfants ou
échangés entre partenaires amoureux (« mon poussin », « mon chaton »...), ainsi que de l’art
qui nous entoure, que ce soit la littérature (les Contes de Perrault, les Fables de La Fontaine,
Animal Farm de G. Orwell...), la peinture (depuis les peintures des hommes préhistoriques au
Cheval Bleu de Franz Marc, en passant par La Jeune fille au chat de Renoir), la musique (la
Messe des moineaux de Mozart, L’Aigle Noir de Barbara, La Ferme des Fatals Picard) ou
encore le cinéma (les personnages de Walt Disney, L’Homme qui murmurait à l’oreille des
chevaux, Le Grand Bleu...). Même les réseaux sociaux n’y échappent pas ! Sur Facebook
nombreux sont ceux qui publient des photos de leur animal (d’après une enquête réalisée par
Nikon l’animal domestique est d’ailleurs le premier sujet photographié par les Français, avant
le conjoint et les amis !)1, voire leur crée un profil. Depuis novembre 2012, un réseau social
leur est même exclusivement réservé : Yummy Pets (littéralement « délicieux animaux de
compagnie »). Désormais nos animaux peuvent avoir une vie sociale sur la toile, ils se font
des amis, laissent des commentaires et aiment des photos. Et dans la société de consommation
dans laquelle nous vivons, c’est bien sûr dans la publicité que l’animal va aussi trouver une
place de choix. Ainsi, des chimpanzés vendent de la lessive, des marmottes emballent du
chocolat et pendant qu’un poisson rouge est accusé de manger de la crème dessert, les
Français se demandent toujours pourquoi une vache qui porte des boucles d’oreilles peut-elle
bien rire.
1
Ce sondage a été réalisé par Nikon auprès d'un échantillon de 510 personnes, au mois de mai 2012. Les
résultats publiés le 8 août 2012, révèlent que pour 51% des Français, le sujet qu’ils photographient le plus est
leur animal de compagnie, contre 24% pour le conjoint et 23% pour les amis.
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L’animal nous entoure certes, mais nous cherchons aussi à nous entourer d’animaux
au quotidien. Ainsi, la présence animale au sein de nos foyers peut être considérée comme un
véritable phénomène de société, puisque d’après une enquête réalisée par FACCO2 en 2010,
pratiquement un foyer français sur deux (48,7%) possède au moins un animal de compagnie
(ils étaient 51,2% en 2008). De plus, c’est dans les familles de trois personnes et plus qu’on
retrouve la plus forte proportion d’animaux de compagnie (46,6% des chiens et 42,9% des
chats). S’interroger sur la question de l’animal de compagnie, et plus particulièrement de sa
place au sein de la cellule familiale, apparait donc être un thème de recherche à approfondir,
d’autant plus que, la recherche en sciences humaines dans ce domaine étant très récente
(seconde moitié du XXème siècle), les études restent encore très peu nombreuses. En France,
par exemple, la première Association Française d’Information et de Recherche sur l’Animal
de Compagnie (AFIRAC) n’a été créée qu’en 1977, et au niveau international, il a fallu
attendre 1992 pour que l’IAHAIO voit le jour. Cette association organise depuis sa création
des conférences internationales sur la relation homme-animal tous les trois ans, la dernière
ayant eu lieu à Stockholm en 2010 sur le thème « Hommes et animaux : une relation
pérenne ». Les sciences humaines ont pendant très longtemps sous-estimé la relation hommeanimal, car elles ne s’intéressaient qu’aux relations humaines. Pourtant aujourd’hui, certaines
études commencent à montrer que ce lien que nous entretenons avec les animaux n’est pas
neutre et présente même de nombreux intérêts au niveau physiologique et psychologique.
C’est pourquoi, la thérapie assistée par l’animal se développe de plus en plus auprès de
personnes en souffrance.
Choisir d’étudier la place et la fonction de l’animal de compagnie au sein de la famille
présente donc un intérêt à la fois sociétal et de recherche.
2
Enquête réalisée en octobre/décembre 2010 par FACCO (Chambre Syndicale des Fabricants d’Aliments
Préparés pour Chiens, Chats, Oiseaux et autres Animaux Familiers) auprès de 14 000 foyers français issus de la
base de sondage TNS Postal Access Panel. Ces foyers étaient représentatifs en termes de taille du foyer, âge,
catégorie socio-professionnelle, taille d’agglomération et région d’habitat.
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L’ANIMAL AU CŒUR DU SYSTEME FAMILIAL
I. LES RELATIONS ANTHROPOZOOLOGIQUES : QUAND L’HOMME
ET L’ANIMAL SE RENCONTRENT
1.1.
De la reconnaissance d’une possible relation...
Pour supposer qu’il existe une véritable relation entre l’homme et l’animal, il faut aborder
ce dernier comme un sujet (Willems, 2011), c’est-à-dire comme un être doté d’une certaine
subjectivité, capable de ressentir des émotions et ayant des comportements chargés de
signification. Or, nous allons voir qu’une telle conception de l’animal n’est apparue qu’au
XXème.
1.1.1. De l’animal-machine à l’animal-sujet
« Et ceci ne témoigne pas seulement que les bêtes ont moins de raison que les hommes, mais
qu'elles n'en ont point du tout : car on voit qu'il n'en faut que fort peu pour savoir parler »3
Pendant très longtemps la philosophie a considéré l’animal comme « celui qui n’a pas le
prétendu propre de l’homme » (Burgat, 2002), c’est-à-dire la raison, la conscience. Selon la
philosophie occidentale, langage et parole étant liés par leur étymologie (en Grec logos
signifie à la fois « la parole » et « la raison »), l’animal est donc celui qui est privé de raison et
de conscience, puisqu’il ne parle pas. On retrouve ainsi dans le clivage homme/animal le
dualisme esprit/matière : l’animal n’est qu’une matière, qu’une « machine » (Descartes,
1637), tandis que l’homme possède non seulement un corps, mais aussi une âme, et donc la
raison et une conscience. Pourtant si on regarde l’étymologie, animal et âme sont aussi liés
puisque le mot animal vient du latin anima qui signifie « l’âme, le souffle vital, le
psychisme ». De plus, à force de définir l’homme comme un être pensant n’oublie-t-on pas
qu’il est aussi, et avant tout, un être vivant (Levi-Strauss, 1985) ?
A partir du XXème siècle, les philosophes vont commencer à étudier l’animal, non plus par
rapport à l’homme, mais pour ce qu’il est, c’est-à-dire une altérité dont l’essentiel nous
échappe et dont le regard est « le point de vue de l’autre absolu » (Derrida, 2006). Bon
nombre d’écrivains ont d’ailleurs écrit sur ce regard animal qui vient nous transpercer et nous
3
DESCARTES, R. (1637). Discours de la Méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les
sciences, Ve partie.
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interroger. Nous ne citerons ici qu’un exemple illustratif : « Il suffit de croiser son regard
avec celui d’un chat pour mesurer la profondeur des énigmes que chaque paillette de ses yeux
pose aux braves humains que nous sommes. »4 Hassoun (1998) dira même que « l’autre
représenté par l’ordre animal, serait cet être différent sur lequel l’humanité repose. »
En ce qui concerne cette question animale, certains iront même jusqu’à considérer
qu’elle est inaccessible à la philosophie et que « rien en un sens, ne nous est plus fermé que
cette vie animale dont nous sommes issus » (Bataille, 1976). L’animal serait ce qui en nous
reste celé, caché à notre conscience, ce que les psychanalystes appellent finalement «
l’inconscient ». Il serait, non pas le grand Autre de Lacan, puisque ce dernier se confond avec
le langage, mais un « petit autre », une altérité indicible en nous, où l’affect serait trop brut
pour être mis en mots. Freud ne cessera d’ailleurs d’articuler la question de l’inconscient avec
celle de l’animalité, cette part animal qui resterait en chacun de nous. Dans la même lignée
que son contemporain, Husserl (1934) va même établir une continuité psychique entre les
animaux et les hommes, considérant que les animaux sont inscrits dans les strates les plus
archaïques de notre psychisme. Il fit ainsi ce que Darwin avait fait en biologie et fonda dans la
première moitié du XXème siècle le premier courant philosophique qui pensera l’animal et
l’homme ensemble : la phénoménologie. Ce courant va se donner pour objectif de revenir au
phainomai, c’est-à-dire à ce qui nous apparait, à « l’expérience vécue », celle qui précède
l’analyse et l’objectivation par la pensée et le langage, autrement dit celle que l’on partage
avec les animaux. Il sera ainsi le premier à attribuer un psychisme et une « âme » aux
animaux, à qui il prête à la foi un ego et une intentionnalité, et donc une certaine perception
de l’avenir immédiat.
Le courant philosophique d’Husserl influencera par la suite l’éthologie, une discipline qui
propose d’étudier l’animal dans son milieu naturel. Les éthologues interpréteront le
comportement animal comme une réponse instinctive, restant en cela proche de la conception
mécaniste des behavioristes, mais rajouteront aussi l’idée d’un psychisme subtil chez l’animal
pouvant entrer en relation avec les êtres humains. Le premier scientifique à avoir réellement
pensé l’animal comme un sujet est l’éthologue Jakob Von Uexküll qui va introduire en 1934
le concept d’Umwelt, un « monde vécu » chez tous les animaux, du plus basique comme la
tique, au plus développé comme le chien. Il va montrer que l’animal donne une signification
aux signes qui lui arrivent du monde extérieur et que ces significations peuvent varier en
4
LAURENT, J. (1997). Préface de L'Histoire secrète du chat, Paris : Robert de Laroche
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fonction de son état. Ainsi l’animal n’est plus un sujet passif qui reçoit des sensations, mais
un sujet actif dans la construction de ses perceptions. Chaque espèce animale va donc
percevoir un univers différent selon son système perceptif. Lestel (2004), quant à lui,
soulignera la singularité de l’animal et montrera qu’il peut y avoir des différences de
perception au sein d’une même espèce malgré un système sensoriel identique.
Buytendijk (1965), psychiatre et spécialiste de la psychologie animale, prolongera ensuite
la pensée de Von Uexküll en attribuant aussi à l’animal une temporalité. L’animal ne serait
pas ancré dans un éternel présent, mais serait, comme l’homme, en lien avec le passé et
l’avenir. C’est cette temporalité commune qui va permettre à l’homme et l’animal d’entrer en
relation et d’être véritablement ensemble, à l’image du chien et de son maître. Buytendijk
insistera aussi sur la « pseudo-personnalité » des animaux supérieurs et admettra même la
capacité de « s’humaniser » chez les animaux domestiques. Il distinguera en revanche
l’Umwelt purement subjectif de l’animal et le Welt de l’homme qui est objectivé par le
langage. La subjectivité serait donc par excellence un élément de l’animal. De plus, ce dernier
n’ayant pas conscience de son intériorité, chez lui, comme chez les très jeunes enfants, l’autre
existe avant le moi. L’animal serait donc à la fois plus subjectif et plus fondamentalement
relationnel que l’humain. Une telle conception de l’animal va ainsi consister en une quatrième
blessure narcissique pour l’espèce humaine, après Copernic, Darwin et Freud.
1.1.2. La relation homme-animal : Comment communiquent-ils ?
L’homme et l’animal étant tous deux des sujets ils peuvent donc entrer en relations mais
comment peuvent-ils communiquer si l’animal ne parle pas ? L’un des premiers à avoir
comparé scientifiquement la communication animale et la communication humaine est le
psychologue et anthropologue américain Grégory Bateson. Soulignons d’ailleurs, et nous le
verrons dans une prochaine partie, que c’est le même Bateson qui fera partie des fondateurs
de l’approche systémique appliquée à la famille (Coïncidence ?). Dans les années 1970,
Bateson expliquait que le langage animal est analogique et fonctionne par ressemblances entre
ce qui est exprimé et ce qui exprime (ex : il va montrer les dents pour exprimer son agressivité
car cela ressemble à ce qu’il fait quand il mord). A l’inverse, le langage humain serait pour lui
digital, c’est-à-dire qu’il symbolise ce qu’il veut exprimer. Mais l’éthologie actuelle a aussi
montré l’ébauche d’une symbolisation chez certains animaux (ex : la « danse des abeilles »).
Aujourd’hui plusieurs questions se posent alors à la recherche : Existe-il des formes de pensée
sans langage, c’est-à-dire non verbales, chez l’animal et l’humain ? Pour Denton (1995),
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« une bonne part de la pensée et des fantasmes humains [serait] de caractère non linguistique,
et de ce point de vue, plus proche des processus de pensée des animaux ».5 Les chercheurs se
demandent aussi si le langage animal est plus simple que le langage humain ou simplement
différent. Il semblerait qu’il soit seulement différent, car l’animal n’exprime par forcément un
message ou des choses, mais plutôt des émotions et des relations. Si le langage verbal humain
est objectif, le langage animal non verbal est quant à lui purement subjectif. Ceci vient donc
conforter l’idée d’une subjectivité chez l’animal. Mais si l’homme et l’animal ont un langage
si différent, peuvent-ils communiquer entre eux ? Et si oui, comment ?
Avec la domestication un langage commun se serait créé entre l’homme et l’animal qui vit
à ses côtés, un langage où les gestes de l’un ont pris un sens pour l’autre qu’ils n’avaient pas à
l’origine. Par exemple, la proie que l’ancêtre du chien régurgitait pour ses petits est
aujourd’hui interprétée comme un cadeau pour l’homme. De même, le chien se serait mis à
aboyer pour s’accorder à la parole de l’homme et va même vocaliser d’autant plus que parlent
ceux avec qui il vit ! Il y a donc eu une humanisation des modes de communication,
parallèlement au développement de nombreuses mimiques et postures chez le chien et le chat.
A ce propos Buytendijk écrit d’ailleurs que le chien « présente d’innombrables mouvements
expressifs qui offrent une parenté avec les mouvements humains et qui sont liés d’une façon
intelligible à des situations, de sorte qu’on pourrait de bonne foi attribuer au chien des
sentiments humains »6. Non seulement nous parlons à nos animaux en essayant de leur faire
comprendre notre langage mais nous tentons aussi d’exprimer leur état affectif et même de
leur apprendre à parler ou à utiliser la langue des signes comme le démontrent de nombreuses
expériences réalisées avec des chimpanzés ou des perroquets. Mais même si nous essayons
d’inculquer notre langage verbal aux animaux, il reste que l’aspect crucial de notre
communication avec eux est de nature affective. Les animaux tentent non seulement de
décrypter notre parole, mais aussi tout ce qui est de la sphère du non verbal. Ils vont percevoir
des mouvements chez l’homme qui sont pour lui imperceptibles. Citons par exemple le cheval
« Hans le malin » qui avait la réputation de savoir compter mais qui en réalité détectait
seulement les émotions des gens qui l’entouraient à l’approche de la bonne réponse. Selon le
psychiatre Straus (1989), il y aurait une « compréhension symbiotique mutuelle » entre
l’homme et l’animal, leur lien se situant dans le pathique dans lequel s’associent sensation
physique et ressenti psychique. A la base de la communication homme-animal se trouverait
5
6
DENTON, D. (1995). L’Emergence de la conscience. De l’animal à l’homme. Paris : Flammarion (p.220)
BUYTENDIJK, F. (1965). L’Homme et l’Animal. Paris : Gallimard (p.127)
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donc un sentir commun, ou ce qu’on appelle plus couramment l’empathie. Finalement, peu
importe que la communication soit verbale ou non verbale entre les deux, car ce qui l’emporte
ce sont les relations et non les contenus (Renck & Servais, 2002). D’ailleurs même dans la
communication humaine l’essentiel est non verbal. Nous ne partageons pas le même langage
ni le même monde avec les animaux mais cela empêche-t-il pour autant à une véritable
communication d’exister ? N’avons-nous pas aussi des problèmes de traduction entre humains
qui parlons des langues différentes ?
Nous comprenons donc ainsi que la reconnaissance d’une possible relation entre l’homme
et l’animal a pris beaucoup de temps. Le but de ce travail n’est pas, bien entendu, de faire
l’état des conceptions philosophiques sur l’animal, mais il était important d’en donner un
rapide aperçu pour comprendre comment ces conceptions ont permis ensuite de faire évoluer
les rapports entre l’homme et l’animal, et les études scientifiques dans ce domaine. En effet
l’animal de compagnie serait-il appelé ainsi aujourd’hui si nous en étions restés à la
conception machiniste de Descartes ? De même, les sciences humaines se seraient-elles
intéressées aux bienfaits et à la signification de la relation entre l’homme et l’animal si ce
dernier était toujours réduit au statut de simple objet d’ornement ? Rien n’est moins sûr...
1.2.
A la présence animale au sein de la société humaine
1.2.1. De l’animal domestique à l’animal de compagnie
La domestication des animaux n’est ni un fait nouveau, ni un fait exclusivement
occidental. Bien au contraire, Mouren-Siméoni (1998) rappelle que l’animal domestique a
participé à l’histoire des civilisations humaines. Ainsi, le chien s’est rapproché de l’homme
quand ce dernier a quitté sa grotte pour construire des huttes, et le chat a été utilisé pour
chasser les souris dans les réserves de grains de l’Egypte ancienne. Selon Jean-Luc Guichet
(2011), le terme « domestique », qui étymologiquement vient du Latin domus, la maison, «
qualifie une espèce dont la maîtrise reproductive a été acquise par l’homme au fil d’une très
longue histoire de pratiques de sélection et de transformation ; les espaces concernés sont
ceux intérieurs ou attenants au « domus » comme la cour de ferme. » L’animal domestique est
donc celui qui vit aux côtés de l’homme, au sein ou près de sa maison. On va donc retrouver
dans cette catégorie tous les animaux d’élevage et de ferme, allant de la vache utilisée pour sa
viande ou son lait, au chien qui garde les troupeaux de moutons. L’animal a donc été
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domestiqué avant tout pour une fonction utilitaire mais cette fonction a aujourd’hui quasiment
disparu. À l’exception des chiens guides d’aveugles, d’assistance pour personnes handicapées
ou de sauvetage, on n’emploie plus les animaux.
De plus, si les étrangers considèrent le phénomène animal de compagnie comme un
aspect frappant de la société française contemporaine, le fait que l’homme s’entoure
d’animaux sans aucun objectif économique ou utilitaire ne date pourtant pas du XXème siècle
et n’est pas une spécificité de la société occidentale (Digard, 1998). De nombreuses sociétés,
comme les Indiens d’Amazonie, les Eskimos, les Papous de Nouvelle-Guinée etc. vivent aussi
au contact d’animaux qui n’ont pour unique fonction que de « tenir compagnie ». De plus, le
goût pour les animaux familiers semble attesté dès l’Antiquité gréco-romaine et en Europe
médiévale presque tous les gens aisés possédaient des animaux, notamment des chiens et des
animaux exotiques (perroquets...). Au XVIIIème siècle cet engouement pour les animaux de
compagnie va s’étendre aux classes moyennes et à d’autres espèces animales. Le XIX ème
siècle assistera donc ensuite à une prolifération des chiens qui sera reprise en main dans la
seconde moitié du XIXème par des réglementations et des associations de défense contre les
animaux.
Mais si l’homme s’est toujours entouré d’animaux familiers, ce qui fait la spécificité
de la société du XXème siècle c’est le caractère de masse du phénomène (59 millions
d’animaux de compagnie en France en 2010 dont 7,59 millions de chiens et 10,96 millions de
chats7) et le rapport qualitatif entretenu avec l’animal. Le vétérinaire, Ange Condoret parlera
ainsi « d’urbanimalisation » pour désigner l’importance de la présence animale dans notre
société urbaine. L’animal n’est plus seulement domestique ou familier, il devient « de
compagnie » ou « apprivoisé », c’est-à-dire qu’il y a présence d’une « relation « privée »
d’appariement individualisé et plus ou moins affectif entre un homme et un animal ; pouvant
aboutir à un lien « défonctionnalisé » et autocentré, induisant souvent une « infantilisation »
ou en tout cas un assujettissement psychologique de l’animal, mais tout en permettant aussi
une relative réciprocité. » (Guichet, 2011). Moscovici (1984) va même plus loin et affirme
que l’on a dépassé le stade de la domestication pour entrer dans ce qu’il appelle
« l’artification » de l’animal. Parce que la société humaine se projette sur la société animale,
on va s’occuper de nos compagnons à quatre pattes, les pomponner, leur faire faire de la
7
Enquête réalisée en octobre/décembre 2010 par FACCO (Chambre Syndicale des Fabricants d’Aliments
Préparés pour Chiens, Chats, Oiseaux et autres Animaux Familiers) auprès de 14 000 foyers français issus de la
base de sondage TNS Postal Access Panel. Ces foyers étaient représentatifs en termes de taille du foyer, âge,
catégorie socio-professionnelle, taille d’agglomération et région d’habitat.
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publicité… C’est l’économie nationale toute entière qui tourne autour de l’animal familier car
pour lui on ne regarde pas la dépense (alimentation, toilettage, véto, assurances...). Après tout
Minou mérite bien sa boîte de pâtée à trois étoiles, non ? Ainsi, au fur et à mesure que les
sciences naturelles rapprochent l’homme de l’animal, l’homme de son côté cherche à
humaniser de plus en plus ses animaux. Pour reprendre le titre d’un article de Jean-François
Dortier, « l'animal [est] humanisé et l'humain naturalisé »8. Mais comment expliquer
l’importance de ce phénomène ? Pourquoi les hommes recherchent-ils autant le contact avec
d’autres espèces ?
1.2.2. Quelques explications du phénomène animal de compagnie dans la société
Diverses explications ont été données quant au fait que l’homme s’entoure autant
d’animaux de compagnie aujourd’hui. Parmi ces hypothèses nous pouvons citer celle de Serge
Moscovici, selon qui l’animal de compagnie servirait à compenser la perte du lien à la nature.
En effet, jusque dans les années 40 l’animal était omniprésent dans la société (travail agricole,
transport, surveillance...) mais dans les années 50-60 il y a eu une volonté de supprimer toutes
les espèces gênantes. Cette « rage de la propreté » eut pour conséquence de rendre notre
atmosphère « chimique et bétonneuse » (Moscovisci, 1984). « L’animal de compagnie ne
procure [donc] qu’une compagnie factice, qui remplace celle des animaux qui nous
entouraient avant. Il est le substitut d’une nécessité qui a disparu. » (Sigaut, 1998). D’après
Moscovisci, ce regain d’intérêt pour les animaux pourrait aussi être expliqué par la difficulté
que nous avons eu à nous séparer de nos origines biologiques (réveil au chant du coq,
hirondelles au printemps…), ainsi que par le solitarisation de la société d’aujourd’hui dans
laquelle les grandes familles traditionnelles n’existent presque plus et où les individus vivent
isolés les uns les autres. Mais en surprotégeant son animal, l’homme l’a enfermé dans la
même solitude que lui. De plus, selon Digard (2005), l’amour exagéré que nous portons à nos
animaux de compagnie serait une rédemption par rapport aux animaux d’abattoir. Par
exemple, après les bûchers de vaches lors de l’épidémie de la « vache folle », le premier
parfum pour chien, « Oh My Dog », est sorti sur le marché. Nous avons donc d’un côté une
hyper-domestication, une surprotection et une survalorisation des animaux familiers, et de
l’autre une dé-domestication, un maltraitement et une marginalisation des animaux de rente.
Toujours selon Digard (2005), la domestication aurait pour origine à la fois une curiosité
intellectuelle et un besoin de pouvoir de la part de l’homme. Ce dernier aurait en effet besoin,
8
Dortier, J.F. (2011). L’animal humanisé et l’humain naturalisé, Sciences humaines, 222, 3-3
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dans un délire presque mégalomaniaque, de s’approprier la nature et de la transformer. C’est
ainsi qu’on va observer une tendance à accentuer ou diminuer la taille des espèces : on
augmente la taille des bovins, des moutons, des volailles..., et à l’inverse, on miniaturise les
animaux familiers (bichon, pékinois, poules naines, lapins nains, poney Falabella...). De
même, nous avons créé plus de 400 races de chiens ! Enfin, deux hypothèses plus
psychologiques, ont aussi été émises. La première, celle de Moscovici (1984), repose sur
l’idée que les animaux apportent la présence d’une réalité extérieure sécurisante. L’homme
étant fondamentalement anxieux, s’il ne se confronte plus qu’à lui-même une angoisse
existentielle va naître. C’est pourquoi, il va se tourner vers les animaux qui vont lui permettre
de se décentrer de lui-même, l’animal deviendra un véritable objet de contemplation. La
deuxième hypothèse que nous pouvons citer est celle de Bernard et Demaret (1997). Selon
eux, le besoin exacerbé d’animaux de compagnie trouverait son origine dans notre nostalgie
de la multitude d’enfants qui entouraient autrefois l’homme à l’époque des sociétés tribales.
Les animaux seraient alors des substituts de ces enfants perdus. C’est pourquoi, on
sélectionnerait de plus en plus les races canines pour les faire ressembler à des bébés humains.
Enfin, selon Demaret, le besoin d’animaux serait en fait un besoin d’inutilité dans le champ
du relationnel, comme le serait l’art dans le champ de l’esthétique.
1.2.3. Les propriétaires d’animaux : cattophiles contre cynophiles
Si la tendance actuelle est à la diversification des animaux de compagnie, les espèces
possédées forment malgré tout, « au sens rigoureux du terme, un système structural
d'oppositions »9. Une étude a en effet montré que la société est divisée en deux pôles : d’un
côté les cynophiles cattophobes, et de l’autre les cattophiles cynophobes. Par cynophiles, nous
entendons ceux qui possèdent un ou plusieurs chien(s), et par cattophiles ceux qui possèdent
un ou plusieurs chat(s). En effet, parmi les animaux familiers préférés des Français, on
retrouve en tête le chat présent dans 26,1% des foyers en 201010 et le chien (22,4%). Ces deux
espèces sont ensuite suivies par les poissons (11,1%), les rongeurs (6,1%) et enfin les oiseaux
(3,7%). Mais il ne s’agit pas seulement de décrire les animaux, il faut aussi décrire les maîtres
pour comprendre l’expansion des animaux familiers. C’est ce qu’a fait l’INSEE à l’aide d’une
9
HERAN, F. (1988). Comme chiens et chats : structure et genèse d’un conflit culturel, Ethnologie Française,18,
4, 325-337
10
Enquête réalisée en octobre/décembre 2010 par FACCO (Chambre Syndicale des Fabricants d’Aliments
Préparés pour Chiens, Chats, Oiseaux et autres Animaux Familiers) auprès de 14 000 foyers français issus de la
base de sondage TNS Postal Access Panel. Ces foyers étaient représentatifs en termes de taille du foyer, âge,
catégorie socio-professionnelle, taille d’agglomération et région d’habitat.
Page 10 sur 127
enquête nationale. Les résultats ont alors montré qu’« à la cynophilie très cattophobe des
professions dont le sort est lié à la sauvegarde d'un patrimoine économique (patrons du
commerce et de l'artisanat, camionneurs) ou qui sont préposés à la défense de l'ordre
(policiers, militaires, contremaîtres) s'oppose diamétralement la cattophilie très cynophobe
des intellectuels et des artistes, suivis en cela par les instituteurs, les travailleurs sociaux et les
fonctionnaires »11. Ainsi, si le type d’habitat va déterminer le nombre d’animaux, la position
sociale, elle, va intervenir dans le choix de l’espèce. Comment expliquer cette répartition ?
Il semblerait d’après Héran (1988), que la relation au chien soit différente de celle au chat.
En effet, la relation au chien serait davantage de nature hiérarchique et utilitaire, alors que le
rapport au chat serait plutôt contemplatif et gratuit. C’est la représentation que les possesseurs
ont de l’animal qui va faire qu’ils vont se tourner vers une espèce plutôt qu’une autre. Ainsi,
le chat est associé aux notions de liberté et d’indépendance : il n’est asservi à aucune fonction
utilitaire, est presqu’impossible à dresser, fugue, mange ce qu’il veut quand il veut... En
résumé, il se fait entretenir tout en gardant sa liberté. C’est pourquoi, il va incarner pour les
artistes, les intellectuels et les fonctionnaires le détachement qu’ils rêvent de pratiquer vis à
vis de toute forme de pouvoir. Comme le disait Prévert « il n’y a pas de chat policier ». On
parle familièrement du « chat de l’écrivain » et il est vrai que beaucoup de nos auteurs
littéraires ont écrit ou et parlé sur leur chat, notamment sur son indépendance. Nous citerons
ici l’exemple de Châteaubriand qui écrivit ceci au Comte de Marcellus : « J'aime dans le chat
ce caractère indépendant et presque ingrat qui le fait ne s'attacher à personne, cette
indifférence avec laquelle il passe des salons à ses gouttières natales ; on le caresse, il fait le
gros dos ; mais c'est un plaisir physique qu'il éprouve et non comme le chien une niaise
satisfaction d'aimer et d'être fidèle à son maître, qui l'en remercie à coups de pied. Le chat vit
seul, il n'a nul besoin de société, il n'obéit que quand il veut [...] ». A l’inverse, le chien va
avoir une image sociale associée à la défense des biens et des personnes et au maintien des
rapports d’autorité. Nous pouvons par exemple citer le vidéo clip de la chanson Save the
world du groupe Swedish House Mafia sortie en 2011 qui en réponse à la question « Who’s
gonna save the world tonight ? (« Qui va sauver le monde ce soir ? ») montre des chiens de
différentes races sauvant des hommes de diverses situations. Les cynophiles se plaisent aussi
à dire que le chien incarne la virilité car il se dresse, alors que le chat renvoie à une pratique
efféminée puisqu’il s’élève. Ainsi, aimer les chiens serait ne pas aimer les chats, et
inversement. Pourtant, il semblerait que le chat soit davantage la négation du chien, que le
11
HERAN, F. (1988). Comme chiens et chats : structure et genèse d’un conflit culturel, Ethnologie Française,
18, 4, 325-337
Page 11 sur 127
chien la négation du chat. En effet, les races de chien étant plus nombreuses que les races de
chat, avoir un chat va signifier ne pas avoir de chien, alors qu’avoir un chien va vouloir dire
« j’ai choisi telle race plutôt que telle autre ».
Nous comprenons donc que le choix de l’animal n’est pas anodin, il vient dire quelque
chose du maître. Par un mécanisme de projection on leur fait dire ce qu’il y au fond de nous.
« Parler de son animal c’est parler de soi » (Heran, 1988) ou comme le dit Cyrulnik (2005),
« les animaux sont nos porte-parole »12. Selon Digard (2005), notre compagnon à quatre
pattes va ainsi nous servir de faire-valoir et de miroir : l’homme choisit son animal en
fonction de ce qu’il veut montrer de lui. Par exemple, le lévrier va incarner l’esprit
aristocratique, le chien policier va symboliser la loyauté et la vigueur etc. Nous commençons
donc ici à percevoir le support de projection que peut constituer l’animal de compagnie, mais
nous étudierons cet aspect plus en détail dans la troisième partie lorsque nous aborderons les
fonctions psychologiques de l’animal familier. Notre recherche s’intéressant à la fonction de
l’animal au sein du système familial, nous proposons maintenant d’étudier ce qu’est une
famille et comment elle fonctionne selon l’approche systémique.
II. L’APPROCHE SYSTEMIQUE DE LA FAMILLE
2.1.
Le groupe familial : quelques éléments de définition
2.1.1. Qu’est-ce qu’une famille ?
Le mot « famille », du latin familia, renvoie à l’ensemble des famuli (serviteurs) attachés à
la maison du maître, c’est-à-dire à l’ensemble des individus sur lequel le pater familias exerce
son autorité. Familia s’appliquait également à la parenté et en latin médiéval désignait un
ménage de serfs. L’idée de proche parenté n’apparait qu’en 1585 et ce n’est que très
récemment que le terme évoque à la fois la parenté et la corésidence. A partir de 1611, le mot
désignera aussi par extension la succession des individus ayant une origine commune.
Selon Albernhe et Albernhe (2000), la définition la plus simple du terme serait la
définition biologique qui définit la famille dans sa fonction verticale à travers les liens du
sang. Mais cette définition comporte certaines limites puisqu’elle ne prend pas en compte les
familles dans lesquelles les enfants ont été adoptés ou les familles recomposées. Le Lexique
12
LEGLU, D. (2005). Boris Cyrulnik : « Les animaux sont nos porte-parole », Sciences et avenir, 695, 48-49
Page 12 sur 127
des sciences sociales (1988) rajoute qu’en plus d’être un groupe de personnes liées par des
liens de consanguinité, un certain nombre de ces personnes vivent dans un habitat commun.
A la question « Qu’est-ce qu’une famille ? » Vallon (2006), quant à lui, répond par trois
définitions. Tout d’abord, la famille est selon lui l’ensemble uni que forment les parents et
leurs enfants » et il faudrait presque même l’écrire en un seul mot « papamamanenfant » afin
de montrer qu’il s’agit là de quelque chose de « bien serré et de bien attaché ». Les
séparations entre les différents membres est difficile à effectuer car l’ensemble familial
semble donné d’un coup : Le parent produit l’enfant, et inversement. La deuxième définition
de la famille que propose Vallon, est qu’il s’agit d’un « groupe solidaire d’appartenance,
composé de ceux qui vont devoir m’aider sans réfléchir ni calculer ». Ce n’est pas pour rien
que nous appartenons à une famille : nous y sommes unis et nous nous serrons les coudes face
à l’extérieur et aux difficultés de la vie. Enfin, la dernière définition que Vallon fournit va
renvoyer au dernier aspect de la famille : sa légitimité. Selon lui, « la famille, c’est ce qui est
écrit sur les faire-part de naissance, de mariage ou de deuil ! ». « La famille est aussi une
architecture de vivants et de morts, de ceux qui sont reconnus – légitimes – et de ceux qui
n’existent pas, officiellement du moins. » Pour Vallon, la famille pourrait dont être définie par
ces trois mots : génération, solidarité et légitimité.
2.1.2. La famille : un groupe primaire
En dynamique des groupes, la famille est l’exemple même de ce qu’on appelle « un
groupe primaire ou groupe restreint » (Anzieu & Martin, 1968). Les groupes primaires sont en
général des groupes restreints et ils sont nommés ainsi par opposition aux groupes
secondaires. Dans ces derniers les relations sont froides, impersonnelles, rationnelles,
contractuelles et formelles. Les groupes secondaires sont des organisations, « [des systèmes
sociaux] qui fonctionnent selon des institutions (juridiques, économiques, politiques...), à
l’intérieur d’un segment spécifique de la réalité sociale. » Le groupe primaire, en revanche,
possède les caractéristiques suivantes (Anzieu & Martin, 1968) :
-
Le nombre de ses membres est restreint : chacun peut ainsi communiquer en face à
face. Les échanges parlés sont donc plus nombreux que les échanges écrits.
-
Les membres du groupe poursuivent activement des buts communs
-
Les relations affectives peuvent devenir intenses et il y a des sous-groupes d’affinités
-
Il y a une forte interdépendance des membres, des sentiments de solidarité, une union
morale du groupe en dehors des réunions et des actions en commun
Page 13 sur 127
-
Les rôles entre les membres sont bien différenciés
-
Le groupe constitue ses propres normes, croyances, signaux et rites
Pour Hooley (1909), les groupes primaires sont « ceux caractérisés par une association et
une coopération intimes et face à face [...] le résultat de cette association intime est, du point
de vue psychologique, une certaine fusion des individualités en un tout commun, de sorte que
la vie commune et le but du groupe deviennent la vie et le but de chacun [...] ». Ainsi, la
famille est l’exemple même du groupe primaire du fait des échanges affectifs intenses qui se
nouent entre ses membres. Pour Anzieu et Martin (1968), les groupes qui durent aussi
longtemps et dont les membres entretiennent entre eux des rapports affectifs aussi intenses,
sont rares. Toutefois, à cause des institutions sociales qui la régissent, la famille est aussi pour
une part un groupe secondaire. Elle est une réalité universelle au service de la reproduction de
l’espèce, de la régulation de la satisfaction sexuelle et de l’élevage des enfants. Elle est aussi
une institution qui assure la transmission des idéaux, des croyances, des valeurs d’une société
donnée. De même, pour Vallon (2006), la famille remplit trois fonctions (engendrer, protéger
et éduquer) au service d’une seule : transmettre. La famille transmet la vie, l’intégrité
physique et psychique, et des modèles sociaux comme manières d’être un adulte reconnu.
2.1.3. Des familles en évolution
Comme le rappellent Albernhe et Albernhe (2000), la famille a pendant longtemps été
placée sous la tutelle du père, une tutelle à la fois symbolique, juridique et sociale. Mais à
partir des années 1960, le travail des femmes et l’indépendance financière qu’elles en retirent,
va faire basculer la société patriarcale vers une société basée sur le respect mutuel. De plus, la
révolution industrielle a donné naissance à la fin du XVIIIème siècle à la classe moyenne qui
va habiter dans des logements individuels. On assiste ainsi à la fin des grandes familles
traditionnelles qui seront remplacées par ce qu’on appelle « les familles nucléaires ». Il s’agit
selon Chaland (1994), du modèle familial normal qui aura le monopole dans la seconde moitié
du XXème siècle. D’après le Lexique des sciences sociales (1988), la famille nucléaire est un
« groupe limité au père, à la mère et aux enfants jusqu’à leur mariage ». La famille nucléaire
ou
moderne,
« rejette
toute
intervention
extérieures
(religieuses,
culturelles,
institutionnelles...) directes sur la vie familiale et l’organisation de [sa] vie privée relève
uniquement de [ses] membres » (Chaland, 1994). Elle est autonome mais pas autarcique ou
indépendante car elle est tributaires d’autres systèmes (ex : l’économie).
Page 14 sur 127
Mais si la famille nucléaire est le modèle de la famille normale, on a aussi vu la famille
traditionnelle évoluer vers une pluralité des types familiaux. En effet, l’évolution de la société
a créé de nouveaux groupes familiaux du fait du culte de l’individualisme et de la liberté, de
l’augmentation des divorces, de la valorisation de la jeunesse etc. Ainsi lorsque nous parlons
de la famille, nous devrions plutôt parler des familles. Il s’agit toujours de savoir de quelle
famille nous parlons : la famille nucléaire qui comme nous l’avons vu comporte les parents et
les enfants non mariés et relègue ses grands-parents dans ses établissements spécialisés ? La
famille multigénérationnelle qui rassemble les parents, les enfants et les petits-enfants ? La
famille recomposée ? La famille monoparentale dans laquelle les enfants vivent avec un seul
de leurs parents ?
2.2.
La théorie des systèmes : courants et approches
2.2.1. La naissance du modèle systémique
Le modèle systémique est né de la rencontre des sciences de la communication et des
sciences physiques (la cybernétique). La théorie de la communication a pour origine les
travaux de l’école de Palo Alto composée de deux équipes principales. La première, celle de
Gégory Bateson, s’est créée dans les années 50 au Veterans Administration Hospital avec le
projet de recherche sur « l’Etude du rôle des paradoxes de l’abstraction dans la
communication », projet qui aboutira à la théorie de la double-contrainte. Selon cette dernière,
la schizophrénie serait un trouble de la communication au sein de la cellule familial causé par
l’injonction contradictoire, c’est-à-dire « un seul ordre qui porte en lui sa propre
contradiction » (Maisondieu, Metayer, 1986), comme par exemple « Soyez spontanés ! ». La
deuxième équipe, celle de Don Jackson, s’est ensuite créée à partir de 1958 au Mental
Research Institute (MRI). Du fait de son intérêt pour la psychothérapie et pour la
communication sous hypnose de Milton Erikson, les objectifs de cette deuxième équipe seront
thérapeutiques. Elle cherchera à savoir comment modifier les règles du système familial pour
faire en sorte que le symptôme porté par l’un de ses membres disparaisse et elle donnera
naissance à un centre de thérapie brève basé sur l’approche stratégique.
Le terme « communication » est issu du latin communicare qui signifie « mettre en
commun, être en relation ». A partir du XVIème siècle le verbe « communiquer » renverra au
fait de transmettre. Selon l’école de Palo Alto, la communication est un comportement verbal
et non verbal (mimiques, gestes, postures...). Cette théorie est basée sur trois axiomes
principaux :
Page 15 sur 127
-
Un axiome pragmatique : On ne peut pas ne pas communiquer : même un refus de
communiquer est déjà une communication car on ne peut pas ne pas se comporter.
-
Un axiome syntaxique : toute communication comporte deux niveaux : l’indice, c’està-dire le contenu du message, et l’ordre qui vient préciser la relation entre les deux
interlocuteurs. Dans le mode digital (verbal) l’indice va être plus important que
l’ordre, à l’inverse dans le mode analogique (non verbal), c’est l’ordre qui va dominer.
-
Un axiome sémantique : toute communication n’a aucun sens a priori : Pour saisir le
sens d’un message il faut une manière d’exprimer les choses et un contexte.
La cybernétique, quant à elle, se revendiquait au départ comme une science du contrôle
ayant pour objet d’étude les mécanismes de régulation régissant des systèmes naturels et
artificiels complexes, apparemment hétérogènes. Von Bertalanffy est le fondateur de la
théorie générale des systèmes et de la cybernétique de premier ordre. Il est le premier à
décrire les lois régissant la stabilité des systèmes qu’il qualifie « d’ouverts ». Selon lui, un
système est « un ensemble d’éléments interdépendants, c’est-à-dire liés entre eux par des
relations telles que, si l’un est modifié, les autres le sont aussi et que, par conséquent, tout
l’ensemble est transformé. » (Von Bertalanffy, 1950). Selon cette théorie, les propriétés des
systèmes sont les suivantes :
-
Le principe de totalité : le système est un tout unique et cohérent qui est plus que la
somme de ses éléments. Tout changement d’un des éléments retentit sur tout le
système et donc sur les autres éléments.
-
Des relations circulaires du fait des rétroactions (feedback) : Tout effet peut réagir sur
sa cause.
-
Le principe d’équifinalité : Un système peut atteindre ses objectifs à partir de
différents états initiaux et par l'intermédiaire de différents moyens.
-
Une aptitude à l’homéostasie : Toute action susceptible de modifier le système met en
place des rétroactions négatives qui s’opposent à cette modification afin de maintenir
la stabilité du système.
-
Une aptitude au changement : Un système est capable de se modifier dans certaines
circonstances pour conserver son identité tout en s’adaptant au changement qui lui est
imposé.
-
Tous les systèmes ne sont pas également aptes à réguler leurs relations internes et
externes de façon satisfaisante : Les systèmes rigides peuvent rompre, alors que les
systèmes souples sont plus à même de durer.
Page 16 sur 127
-
Une organisation structurelle et fonctionnelle : Les systèmes possèdent une frontière
plus ou moins perméable à l’environnement, des éléments et un réseau relationnel.
Ensuite, dans les années 1970, la cybernétique de second ordre va décrire les systèmes
autopoïétiques qui sont des systèmes biologiques auto-organisés et auto-entretenus, tandis que
les systèmes allopoïétiques peuvent être contrôlés de l’extérieur. Les systèmes autopoïétiques
possèdent une identité structurelle qui vise à maintenir le système. Pour s’adapter aux
changements et éviter que l’organisation du système ne change, il faut en changer la structure.
La structure d’un système est « l’ensemble d’éléments organisés entre eux selon des lois
précises. Ces éléments peuvent changer de manière quantitative ou qualitative sans affecter
l’organisation d’ensemble, qui reste invariable. » (Albernhe, Albernhe, 2000). L’organisation
d’un système en revanche, est « la configuration de relations qui définit son identité de classe
[...] » (Maturana, 1988). Enfin, dans un système autopoïétique il n’y a pas de hiérarchie,
chaque élément a son importance du fait de sa spécialisation.
2.2.2. Les différentes approches du modèle systémique
On distingue différentes approches au sein du modèle systémique :
L’approche clinique de Palo Alto peut se résumer ainsi : toute personne s’efforce de
maintenir un équilibre face aux perturbations du milieu. Tout changement dans la vie ou le
milieu de la personne amènera donc cette dernière à répondre de manière à neutraliser la
perturbation et à rétablir un état satisfaisant. Ces conduites entrainent une réaction ayant des
effets satisfaisants ou non sur l’individu. Les changements nous amènent donc à devoir
affronter des difficultés qui peuvent devenir un problème persistant si elles sont gérées de
manière inadéquate et que nous maintenons cette solution inefficace. En revanche, si le
comportement qui alimente le problème est éliminé ou modifié de manière appropriée, le
problème disparait ou redevient une simple difficulté. L’école de Palo Alto préconise trois
types d’interventions thérapeutiques : Les injonctions comportementales qui consistent à
proposer au patient d’adopter un autre type de comportement (ex : demander à un père qui
cherche à contrôler le comportement imprévisible de sa fille, de rester indifférent). La
technique de recadrage à l’aide de laquelle on va agir sur le système d’idées du patient, jouer
sur son ensemble de référence ou sur le contexte du problème de façon à ce que le nouveau
cadre ainsi créé rende le problème accessible à une solution. Et enfin, les directives
paradoxales, c’est-à-dire qui vont à l’encontre du bon sens social (ex : demander à un
insomniaque de rester éveillé plus longtemps).
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L’approche intergénérationnelle repose sur l’idée de la transmission d’un héritage
psychologique à la fois positif et négatif, de génération en génération. L’auteur le plus
influent de cette approche est Bowen (1978, 1984) avec sa Bowen Family Systems Theory
(BFST). Selon lui, il faut s’intéresser à ce que les individus font (leurs comportements) plutôt
qu’à ce qu’ils en disent, et leurs comportements dépendent de deux pôles, le système
intellectuel et le système émotif. Deux variables vont influencer le système émotif : La
première, la différenciation de soi, correspond à la maturité émotionnelle du sujet, allant de la
symbiose totale (masse moïque familiale indifférenciée) à l’autonomie complète (adulte en
pleine santé). Elle est influencée par la seconde variable, l’angoisse, qui peut être aigue ou
chronique. Une relation à deux n’est stable que s’il n’y a pas trop d’angoisse, c’est pourquoi
les membres d’une dyade vont en général avoir recours à une troisième personne (outsider)
pour stabiliser le système dyadique. Il y aura stabilité car union des deux face au troisième.
C’est ce qui fera dire à Bowen que le triangle est le « plus petit système stable
d’interactions ».
Nous pouvons citer un deuxième auteur, Ivan Boszormenyi-Nagy (1987, 1973), ayant
apporté un concept fondamental à l’approche intergénérationnelle : le concept de loyauté, qui
trouve ses fondements dans la parenté biologique. Ce concept signifie que les liens d’alliance
ont moins de force face aux liens du sang. Il y a en effet une obligation pour chacun de
répondre aux attentes d’ordre relationnel de son groupe familial. Cet attachement des
membres entre eux va être plus ou moins conscient, mais surtout inconscient. On ne choisit
pas d’être loyal, c’est une évidence naturelle. La loyauté va transcender les inimitiés
familiales et souder les membres de la famille.
L’approche structurale de Minuchin (1974), va reposer sur l’idée de structure du
système. En effet, selon lui les interactions au sein d’un système ne sont pas le fait du hasard
mais sont extrêmement structurées dans leur fonctionnement. Il y a des règles de
fonctionnement précises témoignant d’une part des lois de hiérarchie et d’interdépendances
(ex : rapport d’autonomie entre les conjoints), et d’autre part des attentes particulières de
chaque membre les uns envers les autres. De plus, la structure d’un système comprend des
sous-systèmes permettant au système de se différencier et de s’acquitter de ses fonctions.
Dans une famille ces sous-systèmes sont déterminés par la génération, l’âge, le sexe, la nature
des tâches à accomplir... Entre ces sous-systèmes il y a des frontières définies par des règles
précises et qui sont là pour protéger leur différenciation. Le degré d’étanchéité des frontières
varie selon les circonstances d’évolution (ex : le système mère-enfant peut être enchevêtré
Page 18 sur 127
tant que les enfants sont petits puis tendre peu à peu au désengagement). Le maintien des
frontières et l’établissement des règles se font grâce à un système de rétroaction qui peut être
positif (compliments, encouragements) ou négatif (punition, blocage). Enfin, Minuchin
apportera le concept de pouvoir pour désigner dans une famille les responsabilités que les
parents vont avoir envers leurs enfants : décider d’un déménagement, orienter les enfants vers
telle ou telle école...
Enfin, l’approche stratégique est une thérapie active et directive selon laquelle, pour
changer la manière de penser d’une personne il faut modifier son environnement. Ainsi, les
interventions thérapeutiques en thérapie familial stratégique vont davantage porter sur le
contexte d’émergence du problème que sur le problème lui-même. Ce sera à la famille de
trouver sa propre solution, même si le thérapeute doit mener le jeu de manière active et
directive. Il y a quatre variables diagnostiques essentielles selon cette approche :
-
La Protection : Le symptôme est-il un moyen de protection inefficace d’un ou
plusieurs membre(s) ?
-
L’Unité : L’unité de construction fondamentale est le triangle : cette unité est à la fois
suffisamment importante pour permettre de décrire des interactions complexes de type
coalition, et assez simple pour constituer un outil pratique en thérapie.
-
La Séquence : Remplacer des séquences de comportements inadaptées par des
séquences adaptées.
-
La Hiérarchie : L’étude des liens hiérarchiques débouche sur une compréhension
dynamique des échanges.
2.2.3. Les différents niveaux du modèle
La théorie de l’oignon des chercheurs du Galverson Family Institute décrit les relations
sociales comme des séries d’anneaux concentriques, chaque couche représentant un niveau
différent et chaque niveau possédant un fonctionnement qui lui est propre. Le modèle
systémique comporte quatre niveaux : le niveau individuel, le niveau conjugal, le niveau
familial et le niveau du réseau. Pour le présent mémoire, nous ne nous intéresserons qu’aux
trois premiers.
Le niveau individuel : Les systémiciens ont toujours des difficultés à parler de l’individu car
ils ne le conçoivent que dans ses interrelations avec d’autres individus ou organisations. Mais
Page 19 sur 127
en thérapie familiale systémique, on part d’un symptôme individuel pour remonter ensuite à
un problème familial. Selon l’approche systémique, le symptôme témoigne des efforts du
système à maintenir son fonctionnement habituel face à des forces visant à modifier son
fonctionnement. « Le comportement symptomatique [...] représente[rait] une tentative
positive d’auto-régulation du système » (Defranck-Lynch, 1985), une tentative de maintien de
son équilibre. Pour Murray Bowen, le symptôme aurait une fonction prophylaxique, il
permettrait d’éviter la décompensation des autres membres de la famille ou de tout le système
familial. Il est la meilleure solution que la famille ait trouvée pour continuer à survivre.
Le niveau conjugal : Le couple, d’un point de vue légal, est une institution formée par un
homme et une femme partageant des relations sexuelles librement consenties. Plus
généralement, il s’agit de la réunion plus ou moins durable de deux partenaires, partageant
une vie sexuelle et vivant généralement ensemble. D’un point de vue systémique, le couple
est le plus petit système possible, une union affective durable de deux personnes, les
conjoints. Ce groupe à deux est une institution à elle toute seule avec ses propres règles de
fonctionnement, ses mythes fondateurs, ses rituels... Il s’agit d’une entité spéciale qui exclut
les autres individus du fait de la bulle psychologique dans laquelle vit le couple au début.
D’après Minuchin (1974), « l’une des tâches auxquelles un nouveau couple doit faire face, est
la négociation de leur relation avec la famille d’origine de chacun. ». Le couple aura sa vie
propre qui n’est pas l’addition de deux vies de célibataires. Selon Eiguer (1998), il existe
différents types de couples : le couple normal ou névrotique, dans lequel il y a une acceptation
mutuelle des différences et une complémentarité entre les partenaires. Ce couple est ouvert
sur l’extérieur et capable d’établir un dialogue sur lui-même. Eiguer identifie aussi le couple
anaclitique ou dépendant qui est fondé sur la crainte de la perte d’objet d’amour et qui se
constitue souvent après un deuil. Enfin, le couple narcissique ou fusionnel est un couple fondé
sur le conflit et la lutte pour le pouvoir. Il aspire à la fusion totale, nie les différences et on y
trouve une grande agressivité et des troubles sexuels. De plus, selon Satir (1971), la relation
conjugal est l’axe autour duquel se construisent les autres relations et se forme la famille. S’il
y a un défaut de maturation dans le couple, c’est-à-dire si l’un des deux ne se prend pas
pleinement en charge lui-même et délivre « des messages conflictuels à tous les niveaux de
communication en utilisant des signaux différents », l’homéostasie de la famille peut être
altérée. D’après Stanton (1981), les systémiciens ont aussi accordé une grande importance aux
cycles de vie que cela soit ceux de la famille ou ceux du couple. En ce qui concerne le couple,
celui-ci passe par les phases suivantes : la rencontre – la lune de miel (phase d’idéalisation
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réciproque) – la vitesse de croisière (rupture ou resserrement du couple ou maturation vers
une nouvelle synthèse à faire) – le vieux couple (solidifié par le poids des habitudes, le réseau
extrafamilial, la solidarité entre conjoints qui ont trop d’intérêts communs) (Lemaire, 1966).
Nous proposons maintenant d’étudier le niveau familial dans une partie distincte.
2.3.
La famille comme système
« La famille est plus importante que les individus qui la constituent. »
Moses Isegawa, extrait des Chroniques abyssiniennes
2.3.1. Le système familial : un système ouvert résistant au changement
D’après Maisondieu et Metayer (1986), si on reprend la théorie générale des systèmes,
la famille est un système ouvert qui fonctionne à l’intérieur de contextes sociaux spécifiques.
En effet, elle est autre chose que la somme des individus qui la composent et qui sont en
interrelations constantes. Ces interrelations sont orientées vers le maintien de l’homéostasie
du système familial, elles sont propres à chaque famille et sont liées à son histoire, sa culture
et ses mythes. De plus, des affects, des jeux de pouvoir, des désirs et des pulsions sont à
l’arrière-plan d’un flux d’informations. Les relations qui se nouent à l’intérieur et avec les
autres systèmes (quartier, village...) sont plus ou moins souples et l’organisation familiale sera
plus ou moins harmonieuse en fonction de la perméabilité des frontières et de sa flexibilité.
Enfin, chaque membre est en soi un sous-système, un élément du système.
D’après Elkaim (1995), le système familial se développe au cours du temps en passant
par un certain nombre d’étapes, nécessitant à chaque fois une restructuration. On observe que
les systèmes familiaux ont tendance à résister au changement en maintenant au maximum
leurs configurations transactionnelles favorites. Ces systèmes tendent alors à s’auto-entretenir.
Le maintien de la continuité est une tâche essentielle pour toute famille, il assure un sentiment
d’appartenance. Cependant les familles doivent répondre à des demandes de changement
constantes : pressions internes (ex : développement des enfants) et externes (ex : changement
d’emploi, déménagement,...). Ces perturbations créent un déséquilibre pouvant jouer un rôle
moteur dans le développement de la famille mais les membres de la famille peuvent refuser de
modifier leurs habitudes alors qu’elles sont devenues inadéquates. Enfin, la famille est un
système à finalité réflexive (Albernhe, Albernhe, 2000), c’est-à-dire autocentré et dont la
signification se trouve à l’intérieur de lui. Dans un tel système les individus sont souvent prêts
à accepter de disparaitre pour que le système survive.
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2.3.2. Existe-t-il une famille normale ?
Selon Albernhe et Albernhe (2000), les systémiciens préfèrent le terme de famille
fonctionnelle, c’est-à-dire « une famille qui n’est pas envahie par des dysfonctionnements
délétères et douloureux et qui arrive à gérer ses processus transactionnels de manière
optimale ». Toutefois il convient de souligner que la définition d’une famille saine dépend des
conceptions anthropologiques et que celles-ci peuvent varier selon les cultures et les époques.
Une famille saine serait en fait une famille dont le fonctionnement est en adéquation avec les
grands principes culturels. Il est donc préférable de parler de familles ordinaires ou standards.
Pour les systémiciens structuralistes, une famille fonctionnelle serait un système dans
lequel les frontières sont claires, précises et durables. La clarté des frontières facilite les
associations dans une même tranche d’âge tout en favorisant la fluidité des relations entre les
membres de générations différentes. On distingue donc deux types de familles pathologiques
présentant les caractéristiques suivantes (Albernhe, Albernhe, 2000) :
-
Les familles nucléaires centripètes : frontières diffuses, relations enchevêtrées,
autonomie
individuelle
insuffisante
et
sentiment
d’appartenance
excessif,
communications surabondantes et tensions interpersonnelles importantes aboutissant
souvent à des réactions violentes lors de crises.
-
Les familles éclatées centrifuges : frontières trop rigides, relations désengagées,
autonomie
individuelle
excessive
et
sentiment
d’appartenance
insuffisant,
communications et tensions interpersonnelles pauvres (désintérêt d’autrui) conduisant
à des réactions lentes et désinvesties lors de crises.
Le rôle du thérapeute sera de clarifier les frontières trop diffuses et d’ouvrir les frontières
trop rigides. Enfin, la famille étant selon Elkaim (1995), la matrice de l’identité individuelle et
un instrument de socialisation, une famille « normale » serait un système qui encourage la
socialisation en fournissant à ses membres tout le soutien, toute la régulation et toutes les
satisfactions qui sont nécessaires à leur épanouissement personnel et relationnel. Pour
résumer, « aucun modèle familial n’est en soi normal ou anormal, fonctionnel ou
dysfonctionnel. La différenciation d’une famille est toujours particulière et spéciale, relative à
sa composition, à son stade de développement et à la sous-culture qui est la sienne. N’importe
quel modèle peut fonctionner de manière satisfaisante, mais tous, aussi, ont des faiblesses
intrinsèques, lesquelles peuvent constituer des points de rupture dès lors que la capacité de la
famille à faire face à une situation commence à s’épuiser. » (Minuchin, 1974).
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2.3.3. Les fonctions familiales
Comme nous l’avons vu plus haut dans l’approche structuraliste, les systèmes comportent
des sous-systèmes définis par des frontières et garantis par des fonctions. Parmi ces fonctions
nous pouvons citer la fonction sociale de la famille. En effet, d’après Minuchin (1974), « la
famille est la matrice du développement psychosocial de ses membres, mais elle doit aussi
s’adapter à la société ». Le système familial a aussi une fonction d’identité individuelle, il
offre deux éléments nécessaires à l’expérience d’identité : le sentiment d’appartenance
(adoption des patterns transactionnels de la structure familiale) et le sentiment d’être séparé
(grâce aux sous-systèmes et aux groupes extrafamiliaux). De part les relations complexes
d’autorité, de loyauté et de confiance qui se nouent au sein de la famille, celle-ci a une
fonction éducative. C’est en effet, à l’intérieur du groupe familial que l’on fait le premier
apprentissage du manque et de la frustration et donc de la socialisation. La famille permet à
l’enfant de se confronter à la loi et à sa symbolique. De plus, le système familial va aussi
avoir une fonction d’articulation de la différence des sexes et de la différence des
générations. Il s’agit pour l’individu de trouver sa place en tant que fille ou fils, puis en tant
que père ou mère. Enfin, la famille va avoir une fonction de transmission d’un patrimoine,
même si on privilégie aujourd’hui l’identité personnelle et l’épanouissement individuel. Mais
pour Boszormenyi-Nagy, cela ne peut se faire que si le sujet est bien au clair avec les
problèmes graves qu’ont subi ses parents.
2.3.4. Les différentes étapes de la vie familiale
Comme nous l’avons dit précédemment, les systémiciens accordent beaucoup
d’importance à la notion de phases ou cycles de vie d’une famille. Selon Haley (1973), ces
phases de vie sont les suivantes : le moment où les futurs conjoints sortent ensemble, les
noces, l’arrivée des enfants, leur éducation, la période centrale du mariage, le sevrage des
parents au moment du départ de leurs enfants, la retraite, la vieillesse. La thérapie familiale
consiste alors à aider la famille à passer d’une période à une autre. D’après Muchielli (1980),
« l’âge et le nombre de membres, ainsi que la composition de l’entité familiale, sont les
facteurs de cycles d’évolution et de crises diverses [...] la fin d’une famille se produisant par
sa réduction progressive. » En même temps que les individus se transforment le système se
transforme aussi, et inversement. Il y aurait donc des tranches de vie, des stades (enfance,
préadolescence, adolescence, post-adolescence, maturité, parentalité, âge de la retraite,
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sénescence, troisième âge...) mais il faut aussi prendre en compte les variations individuelles
et les contextes culturels.
Selon Levinson et Gould, il y aurait cinq ou six phases de développement chez l’adulte et
il y aurait une crise au moment de chaque passage d’une phase à une autre. Ces crises dues au
développement individuel peuvent avoir des conséquences au niveau familial. Par exemple, la
crise du mitan de la vie qui a lieu vers la cinquantaine peut parfois remettre en question un
couple : l’homme s’ennuie et veut se rassurer en allant voir ailleurs. La femme trompée
n’arrive alors plus à sauvegarder l’équilibre familial. Erikson souligne que ces crises ne sont
pas pathologiques, il est normal que certains problèmes apparaissent à certains stades de vie
d’une famille. Nous pouvons distinguer quatre grandes phases dans la vie d’une famille
pouvant la déstabiliser. Tout d’abord, l’accession au statut de parents va venir remettre en
question le couple. Les deux partenaires passent du statut de conjoints à celui de parents. Mais
on ne devient pas parent au moment de la naissance de l’enfant, on le devient au fur et à
mesure qu’on l’élève. Ensuite, une fois que l’enfant est là, son équilibre va dépendre de
l’entente harmonieuse entre ses parents, c’est-à-dire de l’exercice commun du leadership entre
eux. Minuchin distingue trois cas possibles dans lesquels l’enfant est inséré dans un conflit
conjugal : soit le conflit est déplacé sur l’enfant qui devient un bouc-émissaire (déviation),
soit l’un des deux parents se fait l’allié de l’enfant contre l’autre parent (triangulation), soit
enfin l’un des parents s’allie de manière durable à l’enfant (coalition stable). Un conflit
conjugal peut être catastrophique pour le développement de l’enfant, car du fait de sa pensée
égocentrique, il va s’attribuer la responsabilité des dysfonctionnements familiaux. En cas de
divorce, l’enfant peut aussi être mis face à un choix impossible : décider avec qui il veut
vivre. Ce choix va lui donner le sentiment d’être déloyal et il va se replier sur lui-même,
devenir indifférent. Plus tard, au moment du départ des enfants du foyer, les deux conjoints se
retrouvent à nouveau seuls et cette phase sera d’autant plus difficile que le couple aura
surinvesti la fonction parentale au détriment de la fonction conjugale. On observe alors
souvent chez la femme ce qu’on appelle le « syndrome du nid vide ». Enfin, la famille va à un
moment donné faire face à des deuils (décès des grands-parents, d’un enfant...). Il s’agit là du
paradigme de la séparation pour une famille et la manière de vivre ces deuils dépendra des
règles familiales. Il existe dans les familles une permission ou une interdiction de faire le
deuil. Parfois on n’en parle pas, voire on garde le secret.
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2.3.5. Les mythes familiaux
Pour Albernhe et Albernhe (2000), les mythes familiaux sont « une construction collective
historique et transgénérationnelle du monde interne et spécifique à une famille, basée sur un
ensemble de croyances et de valeurs partagées, [et qui] se réfère à un modèle commun de
distorsion de la réalité. ». Au moins deux générations seraient nécessaires pour établir un
mythe familial. Quand un couple se forme chacun vient avec ses propres mythes, par
conséquent soit les deux partenaires créent de nouveaux mythes, soit l’un impose les siens à
l’autre. Le mythe familial aurait une fonction stabilisante : « le mythe familial est à la famille
ce que les défenses sont à l’individu [...] Il exerce une fonction régulatrice et joue le rôle d’un
tampon pour amortir les changements et les altérations soudaines. » (Ferreira, 1977). Le
mythe est donc un facteur de rigidité dans le fonctionnement familial mais aussi un important
facteur de construction et d’équilibre de l’identité familiale. Il rassemble les membres de la
famille autour d’une conception identitaire commune de la vie. Il y aurait deux niveaux dans
le mythe familial : le premier, matériel, concerne les comportements et modèles relationnels
propres à la famille. Il va définir tout ce qui est de l’ordre des rituels familiaux. Le deuxième,
idéal, comporte les croyances et affects partagés. Il va concerner des sujets d’ordre général
(amour, vieillesse, mort...). Les secrets de famille appartiennent à ce niveau.
2.4.
L’autorégulation du système familial
D’après le Lexique des sciences sociales (1988), la régulation serait la « fonction d’un
mécanisme de contrôle qui assure l’équilibre d’un système (physique, biologique ou social) en
faisant intervenir des rétroactions correctrices, chaque fois que sa stabilité est menacée. »
Lorsque l’on parle d’autorégulation, comme c’est le cas pour les systèmes ouverts comme la
famille, on veut alors désigner le fait que ce mécanisme de contrôle est assuré par le système
lui-même. C’est ce dernier, qui par son fonctionnement tend à maintenir un état d’équilibre,
que les systémiciens appellent aussi « homéostasie ».
Selon St-Arnaud (1978), le groupe, est un organisme vivant fragile car il ne possède pas
de structure physique pouvant assurer sa stabilité. Par conséquent, si un groupe, comme une
famille, rencontre des obstacles importants il peut se détérioré. Un groupe meurt s’il ne peut
plus convertir l’énergie provenant des personnes qui le constituent (l’énergie résiduelle) en
énergie de groupe (énergie disponible). Cette énergie provient de la perception d’une cible
commune qui entraine un processus de production au sein du groupe, et de l’interaction entre
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les membres du groupe qui génère un processus de solidarité. Ces deux processus permettent
la croissance du groupe. Le problème que va alors rencontrer le groupe est de canaliser et
coordonner cette énergie de groupe car, contrairement à l’individu, il ne possède aucun
mécanisme spontané d’autorégulation lui permettant de maintenir sa cohésion et son
intégration au travers des différents évènements de la vie. Pour l’acquérir il va devoir
convertir l’énergie du groupe en « énergie d’entretien » qui va maintenir une harmonie en
repérant et en levant les obstacles à la production et à la solidarité. On parlera alors de
processus secondaire pour désigner cette autorégulation car il n’y a rien dans les éléments
constitutifs du groupe qui soit générateur de cette énergie d’entretien. Ce n’est qu’après la
naissance du groupe et l’apparition d’obstacles que cette énergie va être libérée. Certains
groupes ne progressent pas par manque d’énergie d’entretien, d’autres étouffent car presque
toute leur énergie est convertie en énergie d’entretien. Le processus qui devait maintenir
l’énergie du groupe, engendre de l’énergie résiduelle car les membres cessent d’investir dans
une autorégulation qui n’a pas de sens. Or cette énergie résiduelle est sans cesse une menace
pour le système-groupe à cause de la grande autonomie des sous-systèmes-personnes.
Maintenant que nous avons vu en quoi la famille était un système autorégulé, nous
pouvons étudier la place et le rôle de l’animal de compagnie au sein de ce système. Mais
avant cela, nous proposons de faire un état des bienfaits et des fonctions psychologiques de
l’animal.
III. LA
RELATION
HOMME-ANIMALE
PARTICULIERE ET BENEFIQUE
3.1.
:
UNE
RELATION
Cet animal qui nous veut du bien
3.1.1. L’animal, une prévention efficace dans le milieu de la santé
Le domaine de la santé mentale a pendant très longtemps sous-estimé l’importance des
liens profonds que les individus nouent avec leurs animaux de compagnie (Kruger & Serpell,
2006). Cet attachement intense étaient souvent perçu comme étrange et pathologique, et
considéré comme le signe d’une incapacité à créer des liens sains avec les autres êtres
humains et à gérer avec la perte et la séparation. Depuis, de nombreux chercheurs ont montré
que de tels liens ne sont pas rares et que la majorité des amoureux des animaux n’étaient pas
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inadaptés socialement et avaient même une importante capacité à aimer et à ressentir de
l’empathie et de la compassion pour les autres êtres humains (Hines, 2003). Depuis une
trentaine d’années, de nombreuses recherches ont même confirmé les bénéfices
physiologiques, psychologiques et sociaux de nos interactions avec les animaux et des
programmes de « thérapie assistée par l’animal », un nouveau type de thérapie qui utilise
l’animal comme médiateur, ont vu le jour. Ces études ont montré que l’animal de compagnie
contribue à maintenir une bonne santé et un bien-être psychosocial, et permet de récupérer
plus facilement de certaines situations difficiles (Walsh (I), 2009). Une étude australienne
menée auprès de médecins généralistes, a même démontré que la présence d’un animal de
compagnie pouvait induire une économie de plus de 800 millions de dollars australiens en
frais de santé ! Dans sa thèse sur « Chien et chat : du bon usage de l’animal de compagnie en
pratique médicale », Michèle Maier-Hermann (1996), affirme qu’il faut apprécier à sa juste
valeur l’intervention positive de l’animal dans la vie quotidienne de son maître. Selon elle
l’animal est un facteur d’équilibre et d’exercice régulier, ainsi qu’une alternative à la
médication antidépressive. Elle démontre qu’il permet de prévenir les risques cardiovasculaires, qu’il maintient en bonne forme, augmente les interactions sociales et améliore les
interactions familiales et l’image de soi. Elle rapporte à ce sujet que dans une enquête menée
par Ethologia, une association belge d'étude et d'information sur les relations Homme/Animal,
75% des médecins et 95% des gériatres conseillent ainsi la présence animale auprès des
enfants et des personnes âgées. Montagner (1995, 2002, 2007) a en effet largement étudié
l’apport de l’animal au développement cognitif et psychosocial de l’enfant. L’animal va
permettre à l’enfant de développer ses capacités d’empathie, va augmenter son estime de soi
et sa participation aux activités sociales et sportives, ainsi qu’améliorer son humeur (Melson,
2003). Par sa présence et son activité, l’animal sollicite aussi les sens de l’enfant et stimule sa
motricité. Il l’éveille à la nature et l’encourage à devenir « responsable ». Enfin, les enfants
grandissant en compagnie de chiens et de chats comprennent mieux les signaux de
communication non verbaux.
3.1.2. L’animal, un soutien pour les personnes en souffrance
Selon Willems (2011), l’animal peut aussi aider certains humains à mieux supporter leurs
maux somatiques (chimiothérapie, Sida…) et peut même participer au diagnostique car il
perçoit d’infimes modifications du comportement (ex : chien se mettant à aboyer avant
l’arrivée d’une crise d’épilepsie de son maître). Ainsi, certaines études ont montré qu’avoir un
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animal permettait de mieux faire face à une maladie comme une démence, un cancer ou une
maladie cardiaque (Friedman & Tsai, 2006 ; Johnson, Meadows, Haubner & Sevedge, 2005).
De même, il semblerait que l’animal de compagnie facilite la guérison des enfants hospitalisés
(Kaminsky, Pellino & Wish, 2002), améliore l’état dépressif des personnes atteintes du Sida
(Siegel, Angulo, Detels, Wesch, & Mullen, 1999) et réduit la souffrance et l’anxiété des
personnes en fin de vie (Geisler ,2004). Dosa (2007), rapporte même le cas d’Oscar, le chat
d’une résidence de retraite, qui allait se coucher près des résidents lorsque ceux-ci allaient
bientôt décéder. Le personnel pouvait ainsi appeler la famille et celle-ci était reconnaissante
de pouvoir anticiper la mort de la personne qui lui était cher. Enfin, il a aussi été montré que
dans notre vie stressante et en perpétuel mouvement, l’animal de compagnie apporte un peu
de calme et de relaxation. Durant les périodes incertaines et financièrement insécuritaires,
l’animal offre un peu de répit et génère curiosité, enthousiasme et le sentiment qu’il y a
encore des possibilités (Walsh (I), 2009).
Du fait de tous ces bienfaits, l’animal va donc être utilisé auprès de personnes en
souffrance (personnes âgées en résidence de retraite, personnes hospitalisées ou
handicapées...). Nous ne citerons ici que l’exemple des personnes âgées en institution travers
les travaux de Nicolas Christophe (1995). Ce dernier montre dans sa thèse sur « L’intégration
des animaux familiers dans les institutions de retraite en France », que les animaux qui y sont
admis (animaux visiteurs, animaux personnels des résidents, animaux mascottes...) sont des
catalyseurs de la vie sociale. En effet, ils brisent l’isolement affectif et est source d’échanges
en stimulant l’expression verbale. Au niveau des bienfaits psychologiques, l’animal va
participer à la responsabilisation de la personne âgée qui trouvera dans cette responsabilité
qu’elle a envers l’animal, une motivation supplémentaire pour vivre et demeurer autonome.
De plus, grâce à l’animal et au contact physique avec lui, l’accès à la sensualité et à
l’affectivité sera conservé. On observera aussi un accroissement des contacts et une
stimulation de l’estime de soi par la responsabilisation. De plus, pour les personnes atteintes
de démence, l’animal permettrait de réduire l’agitation et d’augmenter la socialisation (Baun
& McCabe, 2003 ; Filan & Llewellyn-Jones, 2006).
Page 28 sur 127
3.2.
La relation homme-animal : fonctions et significations d’une
relation particulière
3.2.1. Les fonctions psychologiques de l’animal de compagnie
Une fois adopté, l’animal de compagnie va remplir diverses fonctions auprès de son
maître (Mouren-Simeoni, 1998). La première fonction de l’animal est au service du
narcissisme de l’individu. En effet, l’animal peut servir à attirer l’attention sur son
propriétaire, en le mettant en valeur par un processus identificatoire. L’animal devient dans ce
cas un véritable miroir vivant du sujet qui va aimer l’image de lui-même que l’animal lui
renvoie. Il sera le faire-valoir à travers lequel il pourra montrer qu’il domine un être et qu’il
lui est indispensable (Digard, 2005). Nous tenons à nos animaux de compagnie parce qu’ils ne
se contentent pas seulement de nous « tenir compagnie », ils nous valorisent aussi. Nous
aimons leur dépendance et l’image d’êtres supérieurs et indispensables qu’ils nous renvoient
(Digard, 2000). A ce sujet, nous pouvons par exemple relever le propos d’une femme
interrogée par Odile Bourguignon (1984) : « je suis flattée que ce chat ait besoin de moi :
sentir qu’on est indispensable à quelqu’un » (femme, 31 ans). Ce type de propriétaire peut
alors rechercher la perfection chez son animal. Ce sont souvent des amateurs d’exposition, de
concours où ils vont pouvoir montrer leur animal.
Mais l’animal peut aussi aider l’individu à surmonter ses craintes et ses tendances, il va
avoir un rôle sécurisant. Il va par exemple aider une personne timide à aller à la rencontre
d’autrui, faciliter la communication ou médiatiser les relations et les conflits. Dans d’autres
cas, les animaux vont être des substituts de personnes (adultes ou enfants). Ils auront ainsi
une place affective importante pour les couples sans enfants ou les femmes seules, qui vont
les élever au statut d’humain, de « bébé » qui reste petit et dépendant, jusqu’à parfois devenir
un véritable « animal-roi » remplaçant l’enfant tant désiré avec lequel les parents vont pouvoir
jouer les domestiques asservis (Ruchmann, 1984). Nous pouvons dire qu’ils remplissent en
quelque sorte une fonction d’exutoire pour une affection restée sans objet. Ce seront aussi
parfois de véritables mémoriaux vivants, représentants remplaçants de proches décédés. Ils
auront alors une fonction de récupération affective pour lutter contre la dépression. Et parce
qu’on leur prête une certaine disposition à l’empathie, ils vont devenir nos plus fidèles
confidents. Enfin, Mouren-Simeoni évoque la tendance de certaines personnes à recueillir de
manière presque pathologique tous les animaux abandonnés. Ils voient dans cette attitude
une façon de préserver la vie à tout prix par crainte de propre mort, en référence aux
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fantasmes de sauvetage décrits par Freud. Pour Willems (2011), adopter un animal peut aussi
permettre de réparer les cicatrices laissées en nous suite aux différents abandons que nous
avons vécus dans notre vie. Les sujets « abandonniques », c’est-à-dire qui ont ressenti trop
d’abandons pour ne pas les reproduire, vont rechercher désespérément l’affection des
animaux plutôt que celle des humains qui risquent encore de les abandonner. C’est à force
d’être déçus par les être humains que ces sujets rechercheraient un contact avec les animaux.
Nous pouvons citer à ce sujet les propos de Carl Jung (1973) : « C’étaient les animaux qui
étaient bons, fidèles, immuables, dignes de confiance alors que je me méfiais des hommes
plus que jamais.»13 Toutefois, si les animaux peuvent servir d’étayage à l’abandon ils peuvent
aussi y confronter, notamment lorsque nous devons nous séparer de notre animal mais que
celui-ci ne sait pas que nous allons revenir. Cela provoque souvent chez les sujets
abandonniques des réactions de culpabilité. Ruchmann (1984), évoque aussi la fonction
d’exutoire que peut remplir l’animal. Par exemple, les personnes frustrées, écrasées par leur
chef au travail ou dépassées par leur conjoint vont utiliser leur animal comme un exutoire qui
doit obéir au doigt et à l’œil.
3.2.2. Les fonctions de l’animal de compagnie chez les jeunes couples
Pour mieux comprendre encore les différentes fonctions que peut remplir l’animal de
compagnie, nous pouvons citer l’enquête qu’Odile Bourguignon (1984) a réalisée avec ses
étudiants dans le cadre d’un séminaire sur la famille entre 1979 et 1980 au sujet de la place et
de la signification de la présence animale chez les jeunes couples. Elle a réalisé des entretiens
individuels auprès de 21 couples mariés ou cohabitant et a montré que pour ces couples
l’adoption d’un animal était une stratégie de délai par rapport à la procréation d’un
enfant. Adopter un animal est moins problématique, cela exprime la crainte de l’engagement
affectif que représenterait la venue d’un enfant réel vis-à-vis du partenaire : « j’ai pas envie
d’être encombrée d’un enfant » (femme, 24 ans), « [un enfant] ça bouffe la vie » (homme, 23
ans). L’animal sera une figure de liberté, le représentant du provisoire. De plus, elle repère à
travers les propos des sujets, que l’animal peut aussi être un objet d’attachement remplaçant
la figure maternelle d’autrefois. Willems (2011), se demande ainsi si s’accrocher à un animal,
n’est pas une façon de compenser le droit se cramponner que l’homme perd lorsqu’il doit se
séparer de la mère archaïque. Pour les sujets interrogés, l’animal incarne aussi la sécurité et
la permanence du foyer : « le chat rentrant à la maison c’est une impression de stabilité »
13
JUNG, C.G. (1973). Ma Vie. Souvenirs, rêves et pensées. Paris : Gallimard
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(femme, 27 ans). Cette idée est aussi confirmée par Katcher (1984), selon qui l’animal de
compagnie va apporter du réconfort dans notre vie en mutation permanente, car il est
considéré comme une icône de permanence. Contrairement à l’enfant qui va passer du naturel
au culturel, l’animal ne bouge pas, il n’effectue pas ce passage. Bourguignon remarque aussi
que l’animal va avoir pour fonction de briser l’isolement social et conjugal du quotidien :
« on est toujours attendu » (homme, 40 ans), « c’est un être vivant qui fait attention à toi »
(homme, 32 ans). Pour les sujets interrogés, l’animal est « quelqu’un » qui les aime et les
accepte : « si je décharge mon trop-plein de tendresse sur le chat, j’ai moins besoin de le
décharger sur moi, donc je ne me ferai pas engueuler si je suis en état de demande. C’est ça
la difficulté de l’autre à supporter la demande » (femme, 22 ans), « Il n’y aura jamais de
réprobation » (femme, 22 ans). Il est ainsi une transition en soi et l’autre. Il permet de ne
plus être seul mais de ne pas être encore avec l’autre. Il est plus vivant qu’un objet mais moins
exigeant qu’un humain. C’est parce que l’animal ne parle pas qu’il est si facile de
communiquer avec lui. Dans notre relation à l’animal nous sommes à l’abri des mots, des
mots douloureux, absents, impossibles et mensongers. Il s’agit d’une communication pure et
directe, mettant en jeu deux sensibilités sans médiation verbale : « l’animal vit la
compréhension avec très peu de mots » (femme, 27 ans). Parfois il est le signe d’une
communication humaine difficile, voire impossible, car saturée de mots et de moyens pour
se les dire : « le chat sert de tampon pour que l’affrontement dans le couple ne soit pas trop
violent. Il se fait par quelque chose d’interposé... L’enfant est là pour ça, l’animal est là pour
ça... Il n’y a plus de langage commun entre les groupes sociaux : il y a des langages
techniques qui ne communiquent plus. Avec l’animal on n’a pas besoin de parler » (homme,
30 ans), « quand tu vis avec quelqu’un, arrive un moment c’est perdu, il n’y a plus rien à se
dire. La parole s’amenuise » (homme, 23 ans). Pour Bourguignon, dans notre relation à
l’animal nous pouvons aussi rechercher à maitriser, annuler ou restaurer une relation
ancienne. Enfin, adopter un animal peut être le signe d’une motivation éducative : « prendre
un chien à problème, le remonter, en faire un chien normal par le dressage fondé sur la
méfiance. Après il nous est dévoué corps et âme » (homme, 29 ans). Pour Yonnet (1985),
« dans l'élevage d'un animal familier, l'homme teste sa capacité éducative de façon analogue à
la manière dont il interroge son statut d'éducateur parental au travers des réactions d'un enfant
à son égard ». Pour Odile Bourguignon, tous ces rôles et fonctions que remplit l’animal
mettent l’accent sur le besoin du sujet d’être connu et reconnu pour ce qu’il est. Il est le
support rêvé de toutes les identifications et projections. Par sa neutralité et sa non-réponse,
il peut occuper toutes les places de la fantasmatique personnelle, supporter tous les désirs,
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incarner tous les idéaux. De plus, l’animal va représenter le naturel pour l’homme qui désire
rompre avec les valeurs sociales que sont le profit, l’efficacité, la compétition... L’animal
incarne la « généreuse spontanéité de l’existence ». Avec lui on entre en contact direct avec ce
« quelque chose de perdu » de l’ordre de l’expérience sensible, concrète et vivante, dépourvue
de mots : « On a perdu quelque chose que l’on cherche à retrouver, la vie tout simplement, le
choix de vivre » (homme, 30 ans). A propos de cette relation simple et hors de toute
considération sociétale, même Freud écrivit à propos de son chien dans une lettre adressée à
Marie Bonaparte, « On ne peut s’empêcher de respecter de telles âmes animales »14 car pour
lui ce qu’on ressent pour l’animal est « dénué d’ambivalence », il s’agit là de « la simplicité
d’une vie libre des conflits de la civilisation et la beauté d’une existence parfaite en soi »15.
C’est ce rôle de support de projection et d’identification qui le rend intéressant en
psychothérapie. En effet, si Freud affirmait que le rêve était « la voie royale d’accès à
l’inconscient », les psychologues pratiquant la thérapie assistée par l’animal s’accordent pour
dire que la relation à l’animal et le discours que les patients ont sur ce dernier, permettraient
d’accéder aux strates les plus inconscientes de leur psychisme (Willems, 2011). Parce
l’animal se situe entre le moi et l’autre, parler à l’animal ce serait à la fois parler à soi-même
et à l’autre, comme on le ferait avec un psychanalyste. Et tout comme ce dernier révèle une
part de son inconscient en tentant d’interpréter les propos de son patient, l’individu qui
interprète les mimiques et les comportements de son animal, révèle une part essentielle de son
intimité. Parler de son animal c’est finalement parler de soi !
3.3.
L’animal comme membre du système familial
3.3.1. L’animal dans la famille en quelques chiffres
En 1998, Digard affirmait que ce sont les familles de plus de deux enfants qui sont les
plus nombreuses à posséder un animal. D’après une enquête réalisée par FACCO16 en 2010
(voir annexe 1), pratiquement un foyer français sur deux (48,7%) possède au moins un animal
de compagnie (ils étaient 51,2% en 2008). De plus, c’est dans les foyers de trois personnes et
14
BONAPARTE, M. (2004). Topsy, les raisons d’un amour. Paris : Payot & Rivages (p.30)
BONAPARTE, M. (2004). Topsy, les raisons d’un amour. Paris : Payot & Rivages (p.7-8)
16
Enquête réalisée en octobre/décembre 2010 par FACCO (Chambre Syndicale des Fabricants d’Aliments
Préparés pour Chiens, Chats, Oiseaux et autres Animaux Familiers) auprès de 14 000 foyers français issus de la
base de sondage TNS Postal Access Panel. Ces foyers étaient représentatifs en termes de taille du foyer, âge,
catégorie socio-professionnelle, taille d’agglomération et région d’habitat.
15
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plus qu’on retrouve la plus forte proportion d’animaux de compagnie (46,6% des chiens et
42,9% des chats). Une autre enquête menée en 2011 par le CRIOC17 (voir annexe 1) auprès de
vendeurs et de 644 Belges de plus de 18 ans, a constaté que 38% des ménages belges
possèdent un animal de compagnie. Ce chiffre a diminué de 15% par rapport à 2009. Cette
étude a aussi trouvé que la moitié des ménages de trois à cinq personnes possède un animal de
compagnie (50% des foyers de 3 personnes, 45% des foyers de 4 personnes et 48% des foyers
de 5 personnes). Les propriétaires d’animaux sont donc surtout des ménages moyens avec
enfants, tandis que les célibataires et les familles nombreuses (6 personnes ou plus) possèdent
moins souvent un animal.
3.3.2. L’animal : sa place, son rôle et sa fonction dans la cellule familiale
D’après Katcher (1984), la famille peut se définir en termes de « relations biologiques
liant des individus partageant une ascendance et une progéniture commune. » Pourtant, la
présence animale au sein des familles vient remettre en question cette définition. En effet,
dans un texte écrit à l'occasion de la Journée Prospective du 16 mars 2004, organisée par le
Centre Ressources Prospectives du Grand Lyon, sur le thème de « L'Homme et l'animal en
milieu urbain », Malarewicz explique que l’animal de compagnie est considéré par 52%
des propriétaires d’animaux comme un membre de la famille à part entière. Une étude
américaine a même montré que 85% des propriétaires le considèrent ainsi (Cohen 2002) !
Nous le nourrissons, l’hébergeons, lui apportons une assistance médicale, l’accueillons dans
notre lit, le faisons apparaitre dans l’album de famille et lui fêtons même son anniversaire.
Nous avons le sentiment de partager une forme de parenté avec lui, et l’ampleur de cette
parenté peut se mesurer aux réactions que nous pouvons avoir face à la mort de notre
compagnon. Parfois le deuil d’un animal peut être aussi intense que le deuil d’une personne
humaine. Ainsi, l’animal est pensé comme un élément du système familial, et plus largement
du système social, qui n’est censé n’intégrer que des humains. L’animal prend une telle place
dans la cellule familiale, que Malarewicz considère qu’il faudrait rajouter une catégorie
transversale à la typologie des familles établie habituellement. En plus des familles nucléaires,
monoparentales, ou recomposées, on trouverait les familles dans lesquelles l’animal est
parfaitement intégré, par opposition à celles où il ne l’est pas.
17
Centre de Recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs
Page 33 sur 127
Différents éclaircissements ont pu être apportés quant à ce phénomène « d’animal de
famille », mais l’explication qui va retenir notre attention est celle qui présente l’animal
comme un « facteur d’équilibre au sein du cercle familial » (Cyrulnik, 2005). En effet,
d’après Malarewicz, l’animal, comme tout autre membre du groupe familial va remplir un
rôle qui lui est assigné, celui d’être utile, et ce, dans le domaine relationnel. Il va participer à
ce que l’approche systémique appelle « l’homéostasie du groupe », c’est-à-dire à son
équilibre, afin de permettre « sa perpétuation dans le temps, son maintien autour d’une
configuration donnée, face à des événements générateurs de crises qui sont ainsi mieux
surmontées sans que ces crises remettent en question fondamentalement l’équilibre du
système ». Parce que très sensibles au climat émotionnel du groupe familial, les animaux vont
refléter les sentiments de chacun des membres (Speck & Attneave, 1973). Quand il y a une
crise dans la famille ou un niveau intense d’anxiété, 81% des propriétaires disent que leurs
animaux montrent des réactions d’agitation et d’anxiété (aboiements, refus de manger,
impossibilité de dormir, urines dans la maison, maladie nécessitant une médication...) (Cain,
1983). En même temps, lors d’un conflit familial, la moitié des animaux vont chercher de
l’attention ou essayer de protéger le membre le plus vulnérable. C’est pour ces différentes
raisons qu’Allen et Blascovich (1996), vont qualifier les animaux de véritables « baromètres
émotionnels » et de régulateurs homéostatiques modérant le stress dans les relations. Ils
permettraient de maintenir un équilibre psychologique et relationnel à travers des mécanismes
de déplacement, d’identification et de projection (Heiman, 1965). Face aux différents aléas de
la vie familiale, l’animal va donc remplir différentes fonctions pour maintenir cet équilibre. Il
peut être le substitut d’une personne du groupe (enfant qui quitte le foyer, proche décédé,
enfant du couple qui ne peut pas en avoir, frère d’un enfant unique...), l’intérêt commun
autour duquel tout le monde se retrouve ou le bouc-émissaire qui supportera les
conséquences de conflits qui ne le concernent pas. En effet, puisqu’il est un élément neutre, il
va prendre sur lui les tensions et les conflits et va ainsi permettre au système familial de se
maintenir (Willems, 2011). Sa présence permettra aussi d’introduire des rituels structurants et
d’intégrer les notions de limite et de durée que les parents ont tant de difficultés à inculquer
aujourd’hui à leurs enfants. Enfin, pour Digard (2005), l’animal est aussi un élément stable,
toujours présent au sein du système familial, qui lui est toujours soumis à des changements.
Ainsi plusieurs études suggèrent que les animaux de compagnie peuvent augmenter les
interactions positives, améliorer la résilience au sein du système familial, réagir aux tensions
familiales et être impliqués dans les conflits relationnels (Walsh (I), 2009). En effet, même si
la majorité des familles s’accorde pour dire que leur animal est important dans tous les
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moments de leur vie, ils estiment malgré tout qu’il l’est encore plus en période de crise,
lorsqu’ils traversent des transitions difficiles ou qu’ils font face à certains problèmes. Cain
(1985), a ainsi trouvé que 82% des familles adoptent un animal lors d’un déménagement, une
séparation, un divorce ou un décès. Cette idée est aussi confirmée par Allen (1995), pour qui
les animaux apportent un soutien social et émotionnel qui facilite le succès, la récupération et
la résilience. Ils offrent confort, affection, et sécurité, et facilitent l’adaptation aux
changements de la vie. Parmi les difficultés de la vie que nos compagnons à quatre pattes
peuvent nous aider à surmonter, Mark Doty (2007), évoque par exemple le rôle que ses deux
chiens ont eu lorsqu’il a dû faire face à la maladie du Sida de son compagnon, puis à son
décès. De plus, pour Cain (1983), les animaux vont être la « colle » qui va maintenir les
membres de la famille ensemble. Il va participer à la cohésion de la famille en améliorant la
vie quotidienne et la communication. Par exemple, l’animal peut être utilisé comme une
excuse ou un argument dans la communication. Une mère peut ainsi demander à ses enfants
d’arrêter de se battre car « cela fait peur au chien ». De même, Allen (1995) montre que les
couples qui possèdent un animal se portent mieux, car ils peuvent se confier non seulement à
leur époux(se) mais aussi à leur animal. Cela leur apporte une meilleure satisfaction de la vie
en générale et de leur situation conjugale, ainsi qu’une meilleure santé physique et
émotionnelle. Selon Cyrulnik (2005), on dit à ses animaux ce qu’on n’ose pas dire aux autres
membres de la famille et ceci va permettre de maintenir une homéostasie familiale au niveau
affectif. De plus, l’animal va être très structurant pour le système familial car il va parfois
créer de véritables défis pour la famille et va ainsi lui donner diverses opportunités
d’organisation : il va par exemple permettre d’instaurer une communication claire, des règles,
des relations d’autorité, des rôles et des frontières, et offrir la possibilité de résoudre des
problèmes (Walsh (II), 2009). Toutefois, toute cette gamme de possibilités qu’il offre peut
aussi être source de conflits : peut-on le laisser monter sur le lit ? Qui va sortir le chien ? Qui
va nettoyer la litière du chat ? Etc. Enfin lorsqu’un conflit éclate dans la famille, l’animal va
souvent être impliqué dedans à travers des processus de triangulation et des mécanismes de
déplacement. En effet, en référence à la théorie des triangles de Bowen (1978) que nous
avons citée précédemment, Cain (1983, 1985), a montré que l’animal, comme un enfant, était
fréquemment inséré dans une triangulation lors de conflits relationnels, notamment lors de
conflit conjugal. Par exemple, un mari peut déplacer sa colère envers sa femme sur son chien
en lui hurlant dessus, et un enfant qui doit faire face à la réorganisation de sa famille après le
divorce de ses parents peut exprimer sa colère envers sa belle-mère en lui reprochant de ne
pas s’occuper aussi bien de l’animal que le faisait sa mère. Ainsi, les abus faits aux animaux
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sont un bon indicateur de la violence familiale. Mais il faut aussi noter que plusieurs familles
ont cité des situations où ils n’ont pas inclus l’animal mais au contraire l’ont mis dehors
pendant le conflit car il était inquiet et essayait de s’immiscer. De plus, l’animal peut aussi
devenir le sujet de discussion des membres de la famille, qui parleront de lui avec affection et
inquiétude, plutôt que d’exprimer ces sentiments les uns envers les autres. De même,
lorsqu’un des membres a besoin de plus d’affection et d’intimité (par exemple dans une
relation conjugale), l’animal peut le lui apporter et cela permettra de maintenir un équilibre
affectif au sein de la relation. Cependant, dans certains cas cela peut aussi blesser le partenaire
et provoquer sa jalousie. De plus, les animaux aussi peuvent montrer des signes de jalousie,
de contrôle et de protection lorsque les deux partenaires se rapprochent, ce qui peut être
source de conflit entre les deux.
Enfin, pour Jean-Luc Guichet (2011), l’animal va permettre de « reconfigurer des liens
familiaux moins aisément structurés que dans les cadres sociaux traditionnels du passé ». Il va
ainsi définir trois fonctions essentielles de l’animal se rattachant toutes à un rôle de
facilitation relationnelle et résumant nos propos précédents :
-
La fonction affective de « médiation circulante » : L’animal va faciliter l’expression et
la communication des affects des différents membres de la famille, car il ne parle pas
alors que la relation humain est médiatisée et entravée par le langage.
-
La fonction consensuelle et responsabilisante : L’animal est un objet de souci commun
dont tous doivent prendre soin. Il possède ainsi une importante capacité réconciliatrice
car il est celui auquel la famille peut constamment refaire retour, même s’il peut aussi
être source de conflit.
-
La fonction de facilitation et de modelage des rapports d’autorité : Le rapport
animal/enfant va renvoyer au rapport enfant/parents. Il fournit un modèle hiérarchique
assoupli et justifié, rempli de bienveillance et de responsabilité.
3.3.3. L’animal de compagnie dans les thérapies familiales systémiques
Du fait des résultats de toutes ces études, Melson et Fine (2006), s’interrogent alors sur
l’intégration des animaux dans les thérapies familiales systémiques et font remarquer que
jusqu’ici ces thérapies se sont exclusivement focalisées sur les relations humaines. Les
cliniciens qui tentent de comprendre le fonctionnement des familles et d’identifier les
ressources qu’elles possèdent pour leur santé et leur résilience s’interrogent souvent sur les
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personnes importantes dans la famille et le réseau social et rarement sur l’animal de
compagnie. Or selon McColdrick, Gerson et Petry (2008), les animaux devraient être inclus
dans le génogramme familial (noter son nom, son âge, ses dates importantes...) car en
interrogeant les membres de la famille sur l’animal (implication de l’animal dans les crises
récentes, son rôle dans les relations familiales, importance des liens avec lui,...) on obtient des
informations sur l’organisation du système (relations de couples, communication, résolution
des problèmes, stratégies de gestion des situations stressantes...). C’est pourquoi, certains
vétérinaires et psychologues ont présenté des cas intégrant l’animal de la famille. Nous
citerons les cas de deux familles : l’une présentée par Dehasse (1998), l’autre par Wullems
(1994).
La famille G. (Dehasse, 1998) : Dehasse présente le cas d’un couple âgé qui vient un jour
à son cabinet vétérinaire avec Quinicy, un caniche mâle de 5 ans, car celui-ci présente des
problèmes d’agression, peu fréquents, mais suffisants. Ce comportement agressif semble
survenir plus particulièrement lorsque monsieur se rapproche de son épouse et les
propriétaires le décrivent sous le terme de « jalousie ». Pour Dehasse, il s’agit là d’un
problème de hiérarchie familiale dans laquelle le chien a une place dominante et aucunes
limites car son éducation n’est pas cadrante. De plus, lorsque Monsieur donne un ordre, le
chien se tourne vers Madame qui tolère davantage la désobéissance. Le chien se retrouve donc
dans une situation de doubles messages contraires. En recourant à l’anamnèse du couple, le
vétérinaire découvrit alors que Monsieur et Madame G. ont eu un autre chien, nommé Athos,
avant Quinicy. Madame décrit Athos comme un chien « angélique », à qui on pouvait tout
faire sans qu’il rechigne. De plus, Athos a été son compagnon pendant une affection
invalidante qui a duré dix ans et elle le nomme « chien thérapeute ». Suite à une maladie, elle
a pris la décision d’euthanasier Athos et les cendres de ce dernier sont conservées à la maison
avec une exposition de toutes ses photographies. Le couple a alors acquis très rapidement un
nouveau chien, Quinicy, qui selon Madame G., a été conçu le jour de la mort d’Athos. Elle
envisage d’ailleurs l’idée d’une réincarnation et avoue qu’elle appelait ce nouveau chien
Athos lors de son arrivée. Ainsi, nous voyons là que Quinicy a pris le rôle de chien de
remplacement, surtout pour Madame qui n’avait pas encore terminé le deuil du chien
précédent. De plus, la durée du deuil de Madame G. et son hyper-attachement à Athos
peuvent être reliés son histoire personnelle : orpheline dès l’âge de deux ans, elle a été élevée
par ses grands-parents paternels. Elle était la dernière d’une fratrie de huit enfants, la
« petite », la « moins aimée » qui était souvent placée chez son oncle et sa tante le week-end.
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Sa grand-mère était très autoritaire et personne n’osait s’opposer à elle. Parce qu’elle
s’identifie à ce chien, elle va lui donner tout l’amour qu’elle aurait aimé recevoir. Ainsi, le cas
que Dehasse nous présente ici, nous permet d’illustrer nos propos précédents au sujet de la
jalousie de l’animal qui peut créer conflit au sein d’un couple, le support de projection et
d’identification dont l’animal fait office, son rôle dans la résilience face à la maladie etc.
La famille B. (Wullems, 1994) : Wullems, psychologue et psychothérapeute, évoque,
quant à elle, le cas d’une famille de trois personnes : les parents et un garçon de 12 ans. Dans
cette famille, le père a quelques problèmes d’alcool et cela provoque des disputes au sein du
couple. Le garçon, de son côté, réclame un chien depuis longtemps et ses parents finissent un
jour par accepter. Or le chien pose beaucoup de problèmes et les parents s’énervent à son sujet
se demandant même s’il faut le garder. Nous constatons ici qu’il y a eu un changement d’objet
des conflits familiaux. Ce n’est plus le père mais le chien qui devient le bouc-émissaire, par
un mécanisme de déplacement comme nous en avons parlé précédemment. Le fils intervient
alors et les parents se retrouvent obligés de garder ce chien et de s’en accommoder. En
intervenant ainsi, le fils a en quelque sorte déplacé le problème sur lui puisque c’est pour lui
que ses parents font un sacrifice. Wullems repère donc dans ce cas différents éléments
importants dans le cadre d’une interprétation systémique : le chien a permis la mise en place
d’une triangulation (les parents contre l’animal) qui a temporisé le conflit conjugal à propos
des problèmes d’alcool du père. Les plaintes de la mère ayant été déplacées sur un autre objet,
l’équilibre familial a pu être maintenu. De plus, l’adoption du chien a permis de clarifier les
frontières entre les générations, car le fils a pu se dégager des problèmes conjugaux grâce à ce
nouveau partenaire de jeu qui représente pour lui un véritable soutien affectif. Enfin, le fils
qui s’est interposé en disant « si vous donnez mon chien, alors il faudra me donner aussi ! »,
s’est identifié à lui et a permis d’énoncer une règle familiale selon laquelle si un élément du
groupe est rejeté la famille va éclater. Or ceci est impossible et insoutenable, il faut rester
ensemble et solidaires, et supporter les problèmes des uns et des autres.
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PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE
RECHERCHE
Questionnement et problématique
Nous avons vu que le phénomène animal de compagnie était un véritable phénomène de
société du fait de son caractère de masse et que c’était les foyers de taille moyenne, c’est-àdire entre 3 et 5 personnes, qui possédaient le plus souvent un animal de compagnie. Ces
chiffres nous ont donc interrogé : Si la fonction principale de l’animal de compagnie, est,
comme son nom l’indique, de tenir compagnie, comment expliquer que ce soit les foyers avec
enfants, qui soient les premiers à posséder au moins un animal, et non les célibataires ou les
couples sans enfants ? Nous proposons donc la problématique suivante :
Quel est l’effet de l’animal de compagnie sur le fonctionnement du système familial ?
Hypothèse générale
Nous avons montré que la cellule familiale pouvait être considérée comme un système
structuré dans son fonctionnement et autorégulé, c’est-à-dire qui, s’efforce de maintenir son
équilibre face aux perturbations du milieu. D’après les différentes études vues précédemment,
il semblerait que l’animal de compagnie ait une place importante dans ce système et qu’il soit
régulateur de différentes façons (rôle dans les conflits, substitut de personne, facteur de
cohésion, etc.). Nous faisons donc l’hypothèse que l’animal de compagnie participerait à
l’autorégulation du système familial. Nous entendons par là que l’animal de compagnie
interviendrait dans le maintien de l’homéostasie du système, c’est-à-dire qu’il serait un facteur
d’équilibre. Par sa présence, l’animal permettrait au système familial de rester stable et de
perdurer dans le temps.
Hypothèses opérationnelles
Afin de vérifier cette hypothèse, il est nécessaire de préciser en quoi l’animal va participer à
l’autorégulation du système familial. Nous posons donc les hypothèses opérationnelles
suivantes :
1) L’animal de compagnie favoriserait l’adaptation du système familial lors de crises et
de transitions difficiles : Nous avons vu que le système familial devait faire face à
différentes étapes de vie et nous pensons que l’animal va jouer un rôle
particulièrement important lors du passage d’une étape à une autre. Nous nous
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attendons donc à ce que les personnes interrogées aient adopté l’animal lors de ces
transitions difficiles (déménagement, divorce, départ des enfants...) ou que des
éléments dans leur discours montrent que l’animal a joué un rôle particulièrement
important lors de ces moments.
2) L’animal permettrait de réguler les relations entre les membres du système familial :
Nous pensons que l’animal va jouer un rôle dans la régulation des relations et des
interactions entre les membres de la famille. Nous nous attendons à retrouver des
éléments dans le discours des sujets qui montrent que l’animal va contribuer à
diminuer les conflits et à augmenter les interactions positives. Nous pensons qu’il va
permettre cela en jouant un rôle de tiers, qui peut être bouc-émissaire, médiateur dans
la communication ou objet commun qui rassemble.
3) L’animal est un support de projection, d’identification et de déplacement : Nous
supposons que ces trois mécanismes sont à la base de l’effet régulateur de l’animal de
compagnie. Nous nous attendons à retrouver dans le discours des patients des éléments
montrant des mécanismes de projection et de déplacement de sentiments et d’émotions
sur l’animal (ex : déplacement de la colère lors de conflits ou projection d’affection),
ainsi que des mécanismes d’identification.
4) L’animal serait structurant, permettrait au système de s’organiser : En nous basant
sur l’approche structurale de Minuchin, nous pensons que l’animal va être régulateur,
car il va permettre au système de se structurer et de s’organiser. Nous entendons par là
qu’il va permettre d’instaurer des règles, des frontières, des rapports d’autorité, des
rôles... Or d’après l’approche structuraliste une famille dite « fonctionnelle » est une
famille bien structurée.
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METHODOLOGIE
Population et méthode
Afin de répondre à notre problématique et de vérifier les hypothèses précédentes, nous
avons interrogé trois familles différentes :
-
Une famille nucléaire dite « stable » dans laquelle les parents sont mariés et tous les
enfants sont tous issus de ce mariage.
-
Une famille recomposée dans laquelle certains enfants ne sont pas issus de l’union
des deux conjoints, mais d’unions antérieures.
-
Une famille monoparentale, c’est-à-dire dans laquelle l’un des parents élève seul ses
enfants.
Faire varier le type de famille nous permettait en effet d’étudier plus en profondeur les
effets régulateurs de l’animal de compagnie. Les familles monoparentale et recomposée nous
permettaient ainsi d’étudier plus précisément notre hypothèse sur les transitions difficiles par
exemple. De plus, choisir d’étudier différents types de famille nous semblait plus en accord
avec la réalité de la société d’aujourd’hui et nous permettait de vérifier l’idée de Jean-Luc
Guichet (2011) selon qui, comme nous l’avons vu, l’animal permet de « reconfigurer des liens
familiaux moins aisément structurés que dans les cadres sociaux traditionnels du passé ». En
revanche, nous avons choisi de contrôler le nombre d’enfants dans chaque famille et l’espèce
de l’animal de compagnie. Il y avait ainsi trois enfants dans chacune des familles interrogées
et l’animal de compagnie était à chaque fois un chat. Seule la famille recomposée en
possédait plusieurs.
Ces familles ont été contactées par l’intermédiaire de notre entourage et par l’envoi de
mails à tous les étudiants de l’Université Catholique de l’Ouest. Pour chacune d’entre elles,
nous présentions notre sujet de recherche (« Je m’intéresse à la place et au rôle de l’animal
de compagnie dans la famille ») et nous leur demandions si elles étaient d’accord pour que
l’entretien soit enregistré. Nous prenions soin d’expliquer que c’était uniquement dans
l’intérêt de notre travail d’analyse ultérieur et que leur anonymat serait préservé (nom des
personnes et des lieux modifiés). Ces familles étaient originaires de deux régions : la région
angevine pour la famille recomposée, et la région orléanaise pour les familles nucléaire stable
et monoparentale.
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Notre démarche de recherche étant de nature qualitative, nous avons choisi d’utiliser la
méthode de l’entretien. Cet outil nous semblait en effet être le plus approprié pour ce type de
recueil de données. Nous avons donc réalisé un entretien semi-directif avec chacune d’entre
elles, le choix de ce type d’entretien permettant à la fois de privilégier la liberté de parole des
personnes, et de cadrer en même temps les propos des sujets par un guide d’entretien, afin
qu’ils ne sortent pas du thème de notre étude.
Au préalable, nous avons procédé à des entretiens exploratoires avec une famille nucléaire
stable de quatre enfants qui possède une chienne. A l’aide d’une grille d’entretien similaire à
celle utilisée par la suite, nous avons interrogé individuellement chacun des membres (le père,
la mère et trois des quatre enfants, le second de la fratrie étant à l’étranger à ce moment-là).
Suite à ces entretiens, nous nous sommes aperçu que les entretiens individuels étaient peu
pertinents car nous obtenions une saturation des données. C’est pourquoi, nous avons fait le
choix ensuite d’effectuer des entretiens collectifs, qui nous semblaient, de plus, plus en
accord avec l’approche systémique de notre étude. Nous pensions ainsi pouvoir obtenir non
seulement des informations issues du discours des sujets, mais aussi des éléments issus de
l’observation des interactions durant l’entretien. Lorsque c’était possible l’animal aussi était
présent durant l’entretien. Il convient de préciser que les entretiens collectifs ont néanmoins
eu pour inconvénient de limiter la liberté d’expression de chacun du fait de la présence des
autres membres de la famille. La grille utilisée nous a semblé en revanche appropriée, et nous
l’avons donc gardée en prenant soin de la compléter et de la réorganiser en fonction de nos
hypothèses.
Guide d’entretien
En lien avec notre corpus théorique et les hypothèses formulées, nous avons construit
un guide d’entretien comportant sept thématiques. Pour chacun de ces thèmes nous posions
une question générale et ouverte, et en fonction des réponses nous approfondissions les
propos des sujets. Nous terminions ensuite chaque entretien en demandant aux personnes si
elles avaient autre chose à rajouter.
Amorce : « Donc comme je vous en avais parlé quand on a pris contact, je m’intéresse à la
place et au rôle de l’animal de compagnie au sein de la famille. J’aimerais donc qu’on en
parle tous ensemble et que chacun s’exprime librement sur le sujet, sachant que, comme je
vous l’avais précisé, vos propos resteront totalement anonymes. »
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1) Présentation de l’animal : Pouvez-vous me présenter votre animal ?
-
Comment s’appelle-t-il ? Qui a choisi ce nom (choix collectif ou individuel) ?
-
Quelles sont ses caractéristiques (âge, sexe, espèce) ?
-
Y a-t-il eu des dates importantes dans la vie de l’animal (maladies...) ?
2) L’accueil de l’animal : Pouvez-vous me raconter comment s’est passée son arrivée
dans la famille ?
-
Date et contexte d’arrivée : en quelle année est arrivé l’animal ? Est-il arrivé à une
période particulière (déménagement, divorce, départ des enfants...) ?
-
Quelles sont les raisons de cette adoption ?
-
Pourquoi avoir choisi un chat plutôt qu’un chien ? Comment cela se serait-il passé
avec l’autre espèce ?
3) Liens avec les animaux dans la vie passée : Avez-vous eu d’autres animaux
avant celui-ci ?
-
Les parents ont-ils eu des animaux dans leur enfance ?
-
Y a-t-il eu d’autres animaux avant dans la famille ?
4) Organisation de la famille autour de l’animal : Comment la famille s’organise-telle autour de l’animal ?
-
Quels sont les rôles de chacun (qui nourrit l’animal, s’occupe de ses soins, le sort,
nettoie sa litière...) ?
-
Est-ce qu’il y a des règles ou des interdits autour de l’animal (ne pas monter sur la
table, ne pas monter dans les lits, part-il toujours en vacances avec eux...) ?
5) Place et rôle de l’animal dans les relations : Vous diriez que votre animal a quelle
place dans votre famille, dans vos relations ?
-
Place et rôle dans les conflits et les alliances
-
Quel place et quel rôle a-t-il dans la fratrie, dans le couple parental et dans les relations
parents-enfants ?
-
A-t-il une relation privilégiée avec l’un des membres de la famille ?
-
Agit-t-il sur la communication entre les membres (peut-il être un intermédiaire par
exemple) ?
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6) Changements depuis l’arrivée de l’animal : Trouvez-vous qu’il y a eu des
changements depuis l’arrivée de l’animal au niveau du climat familial ?
7) Importance de l’animal lors de crises : L’animal a-t-il joué un rôle particulier lors
de moments difficiles ?
-
Se rapprochent-ils davantage de l’animal dans les moments difficiles ?
-
L’animal est-il un soutien, un confident, un réconfort ?
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ENTRETIENS EXPLORATOIRES : LA FAMILLE C. : LA
CHIENNE QUI « FEDERE »
Comme nous l’avons précisé précédemment, la famille C. est une famille nucléaire
stable de quatre enfants : Harry (21 ans), Paul (19 ans), Tom (16 ans) et Max (14 ans). Il
s’agit donc d’une fratrie composée exclusivement de garçons. Cette famille vit dans deux
logements différents : un appartement en ville la semaine, proche du lieu de travail des
parents, et une maison à la campagne le week-end. Ils possèdent une chienne labrador
nommée « Sirène » depuis 2001.
Entretien avec la mère
Mme C. explique que c’est elle qui a acheté la chienne sur « un coup de tête » et qu’en
faisant cela elle faisait « un cadeau à son mari ». En effet, son mari, dont la famille avait
toujours eu des chiens, avait toujours dit que le jour où ils achèteraient une grande maison
avec du terrain, ils auraient un chien. Or en 2001, ils ont acheté une maison à la campagne et
ont commencé à y faire des travaux avant d’y emménager. Durant cette période, Mme C. est
passée un jour devant une animalerie et a décidé d’acheter la chienne, en seulement 30
minutes. Elle l’a alors ramenée chez ses parents et son père lui a répondu « j’espère que tu te
rends compte de la connerie que tu viens de faire » car dans sa famille ils avaient toujours
préféré les chats aux chiens. Son mari, quant à lui, était très ému et « les larmes lui sont
montées aux yeux ». Elle est ensuite allée chercher ses enfants à l’école et leur a présenté la
chienne. Ils ont tous été très surpris et heureux en voyant la chienne, à l’exception de Tom,
qui avait 5 ans à l’époque, et qui, une fois arrivé à la maison a dit « Bon maman on a bien
rigolé, maintenant tu peux la ramener à la maison ». En ce qui concerne le choix du nom de la
chienne, « Sirène », elle se souvient seulement que c’était l’année des S et que c’est venu à
partir d’une blague que son mari avait faite. Mais ils avaient choisi ce nom tous les deux avant
de la présenter aux enfants. Après l’adoption, 18 mois de dressage ont suivi et ce,
parallèlement à l’emménagement dans leur nouvelle maison. Mme C. pense que la chienne a
aidé à passer ce changement de vie, car elle a en quelque sorte « déplacé le problème en
faisant des bêtises ». Pendant qu’ils s’occupaient du dressage, ils ne pensaient pas au
déménagement.
Concernant l’organisation de la famille autour de Sirène, Mme C. explique que tout le
monde est sensé s’en occuper mais que c’est elle qui se charge des soins et de la nourriture.
En revanche, elle refuse de la sortir et cette tâche est confiée à son mari, le matin, et aux
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enfants à tour de rôle, le soir. Elle raconte que parfois ces derniers n’ont pas envie de
s’acquitter de cette tâche, mais ils finissent toujours par se mettre d’accord sans qu’il y ait de
grosses disputes. Elle a constaté d’ailleurs, que la chienne avait permis de responsabiliser tout
le monde dans la famille et elle considère qu’elle a été une « aide éducative », un « support
d’éducation » pour apprendre le sens des responsabilités à ses enfants, le respect d’autrui et
des interdits, etc. Elle pense que sans la chienne ces « règles de vie » auraient dues être
verbalisées, alors qu’avec elle, elles ont été inculquées « naturellement ». Sirène connait les
limites, respecte les interdits (ex : ne pas monter sur le canapé ou ne pas dormir avec elle et
son mari). Elle trouve aussi qu’après l’arrivée de la chienne ses enfants n’étaient plus comme
avant. Elle a remarqué un changement sans pouvoir dire lequel exactement, elle dit seulement
qu’ils se sont « ouverts sur autre chose que leur fratrie », qu’ils sont devenus « responsables
de quelque chose ».
Pour elle, la chienne est un « vecteur commun » dans la famille, elle est celle qui
« fédère », qui « met tout le monde d’accord ». Elle est une « présence invisible nécessaire »
et « son absence est toujours remarquée ». Ainsi, Paul, qui est parti cette année à l’étranger
pour ses études, demande à voir la chienne à la webcam à chaque fois. Pour ses enfants elle
pense aussi qu’elle est la « petite frangine qu’ils n’ont jamais eue », et observe cela quand ils
jouent avec elle ou qu’ils la « taquinent ». Mme C. ne pense pas que Sirène puisse apaiser les
conflits ou les tensions dans la famille mais elle considère qu’elle est un « soutien
individuel », un « réconfort affectif », pour chacun d’entre eux dans les moments difficiles
(ex : lorsque ses enfants sont en période d’examens). Elle est sûre que ses enfants se confient
à la chienne. En ce qui la concerne, elle dit qu’elle peut être plus tactile avec sa chienne car
celle-ci ne va pas lui répondre « maman arrête ! ». Elle pense que l’être humain a besoin d’un
retour d’affection que les hommes donnent mais que les animaux complètent. Elle accorde
aussi beaucoup d’importance au regard de sa chienne, elle a l’impression que quand elle la
regarde elle la comprend. Enfin, elle confie, tout en me prévenant que c’est « bête, stupide »,
que Sirène est sûrement la « petite fille-fille » qu’elle n’a jamais eue et que c’est sûrement ce
qui a déterminé le choix d’une femelle plutôt qu’un mâle de manière inconsciente. Son mari
plaisante d’ailleurs souvent à ce sujet avec elle.
Enfin, pour terminer l’entretien, Mme C. évoque l’angoisse de toute la famille
concernant le décès de Sirène qui, selon eux, ne va pas tarder étant donné son âge et son état
de santé (elle a fait un AVC en octobre 2011 et souffre d’insuffisance cardiaque). Son mari et
elle ne savent pas comment ils vont le gérer, comment ils vont réussir à le faire accepter aux
enfants. Ils se sont déjà demandés s’ils reprendraient un chien après et pour l’instant ils n’ont
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aucune réponse à cette question. Elle dit qu’il y aura « un vide énorme sur le plan affectif »
mais que reprendre une chienne signifierait pour eux « d’abandonner une certaine fidélité ».
Ils auraient l’impression de la « trahir », car ils ont avec elle un « rapport unique qui dure
depuis plus de 10 ans ». Toutefois, elle évoque aussi le cas de ses voisins qui ont perdu leur
chienne et qui après avoir dit qu’ils n’en reprendraient pas, en ont finalement racheté une
plusieurs mois après.
Entretien avec le père
Monsieur C. explique qu’il y a toujours eu des chiens dans sa famille mais qu’à
l’époque il s’agissait davantage d’animaux domestiques qui devaient garder la maison, que
d’animaux de compagnie. Après le décès de son père, la niche du chien est passée de
l’extérieur à l’intérieur de la maison et c’est à partir de là que cet animal est passé pour lui du
statut d’animal domestique à celui d’animal de compagnie. Il avait toujours rêvé d’avoir un
labrador quand il aurait de l’espace pour l’accueillir, car il considère que cette race est
« adorable », « bien élevée » et que pour leur famille il leur fallait un chien « câlin », un
« gros nounours ». Il rêvait du « bon toutou » et selon lui son rêve s’est réalisé en dix fois
mieux. Sirène est « la révélation de leur vie ». Lorsqu’il raconte le jour de l’arrivée de Sirène,
il dit que sa femme est passée devant une animalerie et s’y est arrêtée pour se renseigner car
elle ne connaissait rien aux chiens. Elle a vu ce petit chiot s’amuser avec un berger allemand
et « pousser des petits cris ». Elle l’a acheté pour « lui faire un cadeau » et a choisi de
l’appeler Sirène car c’était l’année des S. A cette époque-là, ils venaient d’acheter une maison
à la campagne et en attendant que les travaux soient finis ils habitaient à côté dans une maison
qui appartenait à sa tante.
Monsieur C. ne sait pas si l’arrivée de Sirène a changé quelque chose dans leur
famille, car les enfants étaient petits à l’époque et se sont donc « intégrés », « ont fait corps »
avec la chienne. Il pense que l’entente entre ses fils aurait été la même sans elle mais qu’elle a
quand même apporté quelque chose, sans pouvoir préciser davantage. Pour lui cet animal est
un « puits d’amour », elle apporte beaucoup « d’affection » et de « joie » dans la famille et il
pense que c’est ce que tout le monde ressent, que c’est « globalisé ». Cette chienne est un
« plaisir » pour eux tous et sans apaiser les conflits, elle apaise en tout cas les colères et
l’humeur de chacun individuellement selon lui. Il la considère comme le « 5ème élément », le
« 5ème enfant de la famille », « la fifille qu’ils n’ont pas eue ». C’est un enfant moins
contraignant car ils n’ont pas à se soucier qu’il réussisse ses études par exemple. Quand les
deux plus âgés de ses enfants, qui font aujourd’hui leurs études supérieures loin de chez eux,
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rentrent à la maison, il a l’impression que ce n’est pas quatre enfants qui se retrouvent, mais
cinq. De plus, il a l’habitude de dire qu’il a « quatre enfants et un chien » et s’étonne toujours
que les gens soient surpris qu’il intègre son chien avec ses enfants.
Avant il ne comprenait pas l’attachement des gens à leur animal mais maintenant il
comprend et avoue avoir une telle affection pour sa chienne qu’il en « sera malade quand elle
partira. » A ce propos il confie qu’ils ne savent pas encore ce qu’ils feront, s’ils reprendront
un chien ou pas. Il raconte alors l’histoire de ses voisins qui avaient aussi un labrador et qui
ont finalement racheté un chien après le décès du premier même s’ils avaient dit qu’ils n’en
reprendraient pas. A un moment donné, la chienne rentre dans la pièce pendant l’entretien et
Monsieur C. se met alors à lui parler et à l’embrasser, et dit « quand tu la vois tu ne peux que
fondre comme un grand-père devant un gamin ». Pour lui « ce côté chiant et collant » est dû
non seulement à la chienne mais aussi à la race. Il considère qu’il l’a mal élevée (ex : il la
laisse monter sur le lit en début de nuit) mais est fier qu’elle soit aussi obéissante. Il raconte
par exemple, qu’il la promène sans laisse le matin et quand ils voient que les gens ont peur il
la rappelle à l’ordre et les gens lui font alors remarquer « Oh qu’est-ce qu’elle vous écoute
bien !». Il se demande toutefois si elle est aussi obéissante avec ses enfants. Enfin, il conclut
l’entretien en disant qu’avoir un animal est « une servitude », pour les vacances par exemple,
mais que c’est peu de chose à côté du positif que ça apporte.
Entretien avec Max, 14 ans
Quand Max évoque la relation qu’il a avec sa chienne il dit qu’elle ressemble à la
relation qu’il a avec ses frères : il y a « beaucoup d’affection » et il joue beaucoup avec elle. Il
la « gronde » aussi « quand elle a fait une bêtise » et elle est une source de motivation pour
sortir quand il n’en a pas envie. Pour lui Sirène est un « membre de la famille ». Même si elle
ne parle pas, elle « communique » avec eux par ses « grondements » ou « quand elle fait la
fête par exemple ». Il estime que ça lui a « fait du bien que Sirène arrive » car cela lui a appris
à s’amuser et il trouve que cela l’a rapproché de ses frères du fait qu’ils jouent tous ensemble
avec elle. De plus, pour lui, cet animal lui apporte de la « clarté », quand il ne va pas bien, le
simple fait de la voir lui remonte le moral. Il a l’impression qu’elle le « réconforte » quand il
n’a pas le moral, par exemple lorsque ses parents le « grondent » (ex : quand ses résultats
scolaires sont en baisse). Il raconte aussi un souvenir qui l’a marqué : un jour que ses parents
se disputaient, la chienne est arrivée, a fait un « câlin » à sa mère et ensuite « tout s’est
calmé ». Il pense que Sirène permet de « stabiliser » l’atmosphère familiale, de calmer les
tensions. Il raconte aussi comment cette chienne est arrivée dans leur famille et explique que
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c’était en 2001, lorsqu’ils venaient d’acheter leur nouvel maison. Il pense que cette « grande
surprise » que sa mère leur a faite, a apporté des « moments de repos » à cette période où tout
le monde était « sur les nerfs » à cause de l’emménagement. Il fallait la dresser, jouer avec
elle etc. Il évoque aussi l’anecdote de son frère, Tom, qui avait dit à sa mère le jour de
l’arrivée de la chienne : « Bon la blague est bonne, maintenant tu la ramènes au magasin ». Il
se souvient que cela avait fait rire tout le monde.
Concernant l’organisation de la famille autour de la chienne, il explique que son père
la sort le matin, et le soir c’est lui et son frère Tom qui se chargent de cette tâche. Sa mère,
quant à elle, se charge des soins et de la nourriture, même si tout le monde essaie de vérifier si
elle a toujours de quoi manger dans sa gamelle. Avant que Paul ne parte faire ses études à
l’étranger, la chienne dormait avec ce dernier et avec ses parents. Maintenant elle ne dort plus
qu’avec ses parents, sauf quand son frère rentre à la maison. Quant à lui, il la prend parfois
dans son lit en début de nuit quand elle a passé la soirée dans sa chambre (ex : quand ils
jouent tous aux jeux vidéos avant de dormir).
Max évoque aussi plusieurs accidents que Sirène a eus ces dernières années : une
blessure à la patte en 2003-2004 et une chute dans l’escalier en 2011 où elle avait perdu une
griffe. Si le premier accident lui avait fait de la « peine » car elle boitait et saignait, le
deuxième, en revanche, l’avait moins choqué car il était plus grands et avait appris « les
dangers de la vie ». Il explique aussi qu’aujourd’hui elle est « malade du cœur » et doit
prendre des médicaments à vie car elle a fait deux AVC en 2011. Il n’a pas assisté au premier
mais a vécu le deuxième. Il dit que « ça lui a fait bizarre » de voir sa chienne trembler.
Aujourd’hui il a « pris conscience qu’elle pouvait mourir bientôt », maintenant elle a « une
raison de mourir » et cela l’inquiète. Il s’est déjà demandé ce qu’il se passerait si elle mourrait
et pense que ça aurait un « impact énorme », qu’il y aurait un « vide ». Il évoque alors le cas
de ses voisins qui ont du faire euthanasier leur chienne, la même race que Sirène, et qui ont
ensuite repris un chien alors qu’ils avaient dit qu’ils ne pourraient jamais en reprendre un. Lui,
ne sait pas s’ils pourraient reprendre un autre chien mais sait qu’il n’assisterait pas à
l’euthanasie s’il fallait que cela arrive. C’est sûr cette question du décès de Sirène qu’il
conclut l’entretien.
Entretien avec Tom, 16 ans
Tom se souvient « parfaitement » du jour où sa mère a ramené Sirène à la maison et de
la réaction qu’il avait eue (« Bon maman c’est bien gentil mais maintenant tu peux la ramener
au magasin »). Il se rappelle qu’elle était plus sauvage au début et raconte l’anecdote de son
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grand-père qui avait dit « c’est la chienne ou moi » après que Sirène ait attrapé un chaton. Il
considère que l’arrivée d’un animal « chamboule pas mal de choses dans la vie ». Ils ont par
exemple changé de maison pour pouvoir accueillir Sirène. Il pense aussi que l’arrivée de
Sirène a « changé quelque chose dans leurs relations, surtout au niveau affectif ». Pour lui, si
Sirène n’avait pas été là « ça aurait été différent ». Par exemple ils n’auraient pas pu s’amuser
à « lui faire des réflexions », car « sans partager l’humour, elle en fait partie ». De plus, « leur
humeur aurait été différente car elle les met toujours de bonne humeur ». Quand elle ne sera
plus là elle leur manquera, c’est « quelqu’un de présent et d’affectif ». Ils « aiment
vraiment leur chienne », elle ne les a pas « dérangés dans leurs relations ». Quand ils font des
balades tous ensemble et qu’ils l’emmènent, « c’est toujours un plaisir ». Dans ces momentslà il sent que « toute la famille est vraiment réunie ».
Concernant l’organisation de la famille autour de Sirène, Tom considère que pour la
nourrir « ils se relaient tous plus ou moins » même si le plus souvent c’est sa mère qui s’en
occupe. Quand ils sont à l’appartement, c’est lui et Max qui se relaient pour aller la promener,
sachant qu’avant qu’il parte à l’étranger, Paul s’en chargeait aussi. La nuit il explique qu’elle
« aime dormir dans des lits en particulier » et non avec quelqu’un en particulier. Elle dort
principalement avec ses parents et Paul, et parfois avec lui et ses deux autres frères, mais elle
les « apprécie tous ».
Pour lui, Sirène est « importante » car « les animaux sont des êtres à qui on peut tout
confier, ils ne diront rien ». Il explique aussi qu’il a des difficultés à parler en public et que sa
chienne l’aide alors à préparer son discours quand il en a un à faire. Il pense aussi que ses
deux frères ainés ont trouvé un soutien auprès de Sirène quand ils révisaient leurs examens.
« C’est quelqu’un qui sait remonter le moral, qui sait être présent affectivement quand on a
besoin d’elle ». Quand il est démoralisé « c’est important qu’elle soit là ». Il considère qu’elle
« joue un rôle prépondérant tous les jours », elle est « toujours là pour jouer avec eux »,
« toujours là dans leurs relations ». « Sans être un cinquième enfant, c’est quelqu’un qui est
très intégré dans la famille » selon lui. Il raconte d’ailleurs une anecdote à propos d’une
réunion de famille durant laquelle elle avait posé sur la photo. Il pense aussi qu’elle « apporte
de la tranquillité pour la famille », « elle est là pour tout le monde » et elle « apaise la colère
et la tristesse », car même quand ils sont colère, ils ont envie qu’elle soit là, qu’elle vienne les
réconforter. « Elle apporte de la gaieté à toute la famille, ils sont contents de la voir et de
l’avoir en toutes circonstances. » Il souligne d’ailleurs que c’est difficile pour eux de ne pas
pouvoir l’emmener en vacances parfois.
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Il aborde aussi des accidents que Sirène a eus : une fois où elle s’était fait griffée par
un chien et un problème de dos qui avait nécessité qu’on la rase. Ils s’amusaient d’ailleurs à
ce moment-là à l’appeler « Barthez ». Mais l’évènement qui a selon lui « marqué le plus »
tout le monde dans la famille c’est son AVC. Désormais il est toujours inquiet qu’elle en
refasse un. Quand elle décèdera ça fera « un gros vide », « il manquera quelqu’un », « cela ne
sera plus jamais comme avant » selon lui. Il conclut l’entretien en parlant des « grossesses
nerveuses » que Sirène fait de temps en temps (elle prend une peluche dans ses dents et
« pleure »). Il pense qu’elle aurait été « plus heureuse » si elle avait eu des petits.
ENTRETIEN AVEC HARRY, 21 ANS
Harry raconte que Sirène est arrivée quand il avait 11 ans. Son père avait toujours
voulu avoir un labrador, alors que sa mère voulait un bichon maltais. Il y a 11 ans, sa mère
était en congés maladie. Un jour elle « est tombée sur Sirène » et celle-ci l’a « troublée ». Ils
l’ont appelée Sirène parce qu’elle aurait « parlé » à sa mère. Au départ, son grand-père a dit
que c’était « une bêtise » d’avoir acheté ce chien et Tom avait demandé à sa mère de la
ramener au magasin. Mais ensuite elle a « converti tout le monde en un ». A l’époque où
Sirène est arrivée, ils « n’avaient pas réellement de chez eux ». Ils habitaient chez leur tante
en attendant la fin des travaux de la nouvelle maison que ses parents avaient achetée. C’était
aussi l’année où il rentrait en sixième et c’était une « grande étape » pour lui. Sirène est donc
arrivée dans ce « contexte un peu difficile », même si le déménagement était selon lui « un
changement chouette ». Concernant l’organisation de la famille autour de Sirène, c’est
principalement sa mère qui la nourrit mais parfois celle-ci leur demande implicitement de la
nourrir en leur disant « Bon votre chienne a faim ». A l’heure des repas elle est toujours
présente et ils lui donnent de la nourriture. A l’appartement son père la sort le matin, et le soir
ce sont Tom et Max qui s’en chargent. Lorsqu’ils sont à la maison en revanche, elle sort dans
le jardin. Depuis 5-6ans Sirène a le droit de venir dans le lit de ses parents en début de nuit
mais ne reste pas dormir avec eux.
Harry pense que l’arrivée de cette chienne dans la famille n’a pu qu’« améliorer ou
laisser comme elles étaient les relations » qu’ils avaient. Elle n’a pas « empiré les choses », au
contraire, quand elle est là ça a « tendance à aller mieux. » Ça leur a permis en tout cas de « se
centrer sur un point commun », d’avoir « un peu plus de choses en commun ». Il ne sait pas si
cela a eu un impact dans sa relation avec ses frères, mais s’il y en a eu un, il pense que c’était
avec Paul et Tom. Il explique en effet que la « hiérarchie dans la famille » est très importante
pour lui et il ne supportait pas que Tom, son petit frère, lui dise « non ». Il tient à son rôle de
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« grand frère » et quand ils ont appris que Tom était précoce, il a eu peur que ça « remette en
cause sa place ». Concernant la place de Sirène au sein de la famille, il explique qu’elle a
« toujours participé aux grands moments de la famille ». C’est d’ailleurs difficile pour lui de
ne pas pouvoir l’emmener en vacances parfois. Elle « fait partie de la famille », ce n’est ni le
« cinquième enfant » ni « un animal domestique » selon lui car elle ne fait pas partie de la
maison. Il évoque aussi le fait que dans sa famille ils parlent beaucoup à leur chienne, et n’ont
pas honte de cela. Ils lui donnent des surnoms (« Sisi », « Chien-Chien ») et aiment la
« taquiner » en l’appelant par exemple « la grognasse ». La relation qu’ils ont avec elle tourne
en effet beaucoup autour de la « taquinerie » et du « jeu », et ce sont des moments qu’il
préfère partager avec ses frères, son père et ses amis. Harry a le sentiment que Sirène les met
« plus à l’aise », qu’elle « favorise la communication » et « facilite la conversation » car elle
« apporte un peu d’humour », « augmente la connivence » entre eux. Elle leur permet de « se
marrer ente eux », de « se recentrer autour de quelque chose ». Il pense qu’elle a « facilité la
résolution de soucis » car sa présence est « apaisante » dans la famille, elle est « la force
tranquille ». Il perçoit aussi Sirène comme la « fifille » que sa mère n’a jamais eue. Il trouve
d’ailleurs que sa mère a été « beaucoup plus expressive » après l’arrivée de leur chienne.
Au niveau individuel, sa relation avec Sirène est principalement « tactile », il lui fait
beaucoup de « caresses et de bisous ». Quand il rentre chez lui, sa chienne est la première
qu’il embrasse, alors qu’il n’embrasse pas ses frères. Il parle d’« élans affectifs » quand il la
voit et d’une « compréhension mutuelle » entre lui et elle. Lui, qui « est peu démonstratif »
trouve que c’est plus facile de l’être avec sa chienne, car « il ne sent pas de jugement » chez
elle, et sans être « naïve » ou « gentille », elle « dégage une aura d’affection toujours
positive ». En effet, pour lui, cette relation est « toujours basée sur du positif, il n’y a jamais
eu de négatif ». Les moments passés avec sa chienne sont « toujours des moments agréables et
marrants ». Selon lui, elle n’est « jamais méchante ou désagréable», au contraire « elle
déborde d’affection » et « n’est jamais rancunière ». Elle a « une sorte de naïveté positive » et
« aime donner ». Il pense qu’il pourrait avoir la même relation avec une personne si « elle est
aussi positive », comme par exemple sa marraine. Il parle aussi d’une « relation simple » avec
sa chienne, c’est-à-dire une relation « non frustrante » dans laquelle « il ne se pose pas de
questions ». S’il veut lui faire un câlin ou jouer avec elle, il le fait et il a l’impression que « ça
lui convient » aussi à elle. Il évoque aussi le fait qu’il « ne la voit pas vieillir », il lui parle
« comme à un enfant ». Quand il était en classe préparatoire et qu’il révisait pour ses
concours, il aimait avoir sa chienne à ses côtés et aller courir avec elle, cela lui donner une
possibilité de « se détendre », de « relâcher un peu son attention ». C’était un rituel obligatoire
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pour que « la journée se passe bien ». S’il avait été courir avec ses frères ça n’aurait pas été
pareil, car il a l’impression de « toujours devoir parler avec les gens ».
A la fin de l’entretien, Harry évoque les différents problèmes de santé que Sirène a
eus. Il se souvient d’une fois où elle s’est ouvert les babines et d’un kyste qu’elle a eu dans le
dos il y a deux ans. Il avait fallu la raser et cela leur a donné l’occasion de se moquer d’elle. Il
y a quelques mois elle a aussi fait un AVC car elle souffre d’une insuffisance cardiaque. Cet
évènement a beaucoup inquiété Paul, mais lui s’est dit « tant qu’elle est là ça va ». Il pense
qu’à l’âge qu’elle a (10 ans) c’est « normal ». Mais quand elle partira ça leur fera « un gros
vide ».
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RÉSUMÉ DES ENTRETIENS
La famille recomposée : la famille D. : un chat pour chacun
La famille D. est une famille recomposée de trois enfants : Claire (19 ans), Laura (11
ans) et Hugo (12 ans et demi). Claire et Laura sont les filles de Madame D. (46 ans) et celle-ci
en a la garde complète. En revanche, Hugo, le fils de Monsieur D. (47 ans), n’est à la maison
que tous les quinze jours du fait de sa garde alternée. Madame D. et Monsieur D. se sont
rencontrés il y a deux ans. Ils vivent aujourd’hui sous le même toit mais ne sont pas mariés.
Toute la famille a déménagé en décembre 2011 dans la maison dans laquelle ils vivent
actuellement.
Cette famille possède quatre chats, trois mâles et une femelle : Toulouse (17 ans),
Negresco (13 ans), Lilou (1 an) et Minouchka (3 ans). Mme D. a toujours aimé les chats mais
elle n’avait eu que des chiens durant son enfance car son père détestait les chats. C’est
pourquoi, quand elle est devenue étudiante et qu’elle a eu son propre appartement, elle a pris
un chat, Caramel. A la mort de celui-ci, elle a ensuite adopté Berlioz à la SPA, il est
aujourd’hui décédé. En ce qui concerne Toulouse, elle l’a adopté il y a 16 ans. C’était à
l’origine le chat des voisins qu’elle avait dans son ancienne maison et qui selon elle « avaient
des difficultés sociales ». Ce chat rentrait systématiquement chez eux et à chaque fois qu’ils le
ramenaient chez ses propriétaires, il revenait. Ils ont donc décidé de le garder et avaient donc
deux chats, Berlioz et Toulouse. Le choix de ces deux prénoms s’est fait en référence au film
de Walt Disney Les Aristochats, Claire portant aussi le prénom d’un des chats de ce film. Il y
a 12 ans, ils ont ensuite adopté Negresco, un chat abandonné que Claire et sa cousine avaient
un jour entendu miauler dans le jardin. C’est Mme D. qui a choisi son nom du fait de sa
couleur noire. Il s’agit aussi du nom d’un hôtel de luxe. Lilou est arrivée en 2011 avant les
vacances d’été. Il s’agissait d’un chaton issu d’une portée d’une chatte qui errait dans leur
ancien quartier. Laura et sa voisine s’étaient occupées de trouver des propriétaires pour tous
les chatons et n’en trouvant pas pour Lilou ils ont décidé de le garder. Le choix de son nom
s’est fait en famille. Au départ ils pensaient que c’était une femelle et Claire avait proposé
Lila en référence à un personnage d’une de ses bandes-dessinées. Puis Mme D. a proposé
Lilou en référence à l’héroïne du film Le Cinquième Elément. Ce nom a été conservé même
après qu’ils aient constaté qu’il s’agissait d’un mâle. De plus, Mme D. explique que l’arrivée
de Lilou a aidé Toulouse, celui-ci est moins désorienté depuis que ce jeune chat s’occupe de
lui. Minouchka quant à elle, est la dernière arrivée dans la famille. Il s’agit de la chatte de la
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grand-mère de Monsieur D. et il l’a ramenée il y a trois semaines - un mois. Elle s’appelait
Crystal mais sa grand-mère la surnommait « Minouch ». Trouvant ce surnom « trop triste » ils
ont décidé de l’appeler Minouchka, afin de lui donner « une petite consonance russe ».
L’arrivée de cette chatte a selon Mme D. « déséquilibré les autres chats » car elle cherche à
s’imposer et à devenir « le chef ». Pour Claire, Minouchka « veut devenir Calife à la place du
Calife » et pour Mme D. cette chatte est « un vrai dictateur », « même s’[ils] l’aiment bien,
[elle les] exaspère un peu ». Monsieur D. rappelle quand même qu’ « elle cherche aussi
encore un peu sa place ».
Ces quatre chats sont donc des « chats de hasard » d’après Mme D., ils ne les adoptent
pas, ils les « récupèrent » et ils restent à chaque fois, même après les déménagements. Mme
D. insiste aussi sur le fait qu’ils ne les retiennent pas chez eux car ils ont toujours eu pour
principe que « le chat choisit sa maison ». Quand la question du « Pourquoi les chats plutôt
que les chiens ? » est posée, Mme D. et Claire expliquent que c’est dû au tempérament du
chat. Ils aiment son « indépendance », considèrent qu’il est « libre de faire ce qu’il veut »,
« autonome » et « plus propre ». Monsieur D. rajoute « qu’ils vivent chez les chats alors que
le chien vit chez son maître ». Pour lui un chien « c’est beaucoup plus d’entretien, il faut le
promener, le laver... ». De plus, Mme D. explique qu’elle n’a pas assez d’autorité sur les
animaux pour avoir un chien, elle pense qu’un chien « aurait pris l’ascendant » alors qu’il a
besoin d’être dominé. Elle pense aussi que lorsqu’on veut prendre un chien il y a une
démarche, « il faut aller chercher le chien » alors que les chats, eux, viennent par hasard.
Concernant l’organisation de la famille autour des chats, Mme D. explique que c’est
principalement elle et son compagnon qui s’occupent de les nourrir et de nettoyer leur litière.
Claire ajoute qu’elle n’est pas là la semaine mais quand elle est là c’est elle qui nettoie les
mictions de Negresco car celui-ci souffre d’incontinence. Laura quant à elle, considère qu’elle
« les nourrit souvent » et insiste sur le fait qu’elle s’occupe aussi de faire les piqûres de
Nesgresco. Mme D. explique en effet que d’habitude c’est elle qui se charge des soins mais
qu’en ce moment Negresco a besoin d’injections d’insuline à des heures régulières. C’est
donc Laura qui s’en charge car Claire refuse de piquer les chats. Quant à Hugo, il intervient
quand on le lui demande. Mme D. conclut enfin sur le fait que « tout le monde veut bien les
chats mais [que] personne ne veut les corvées du chat ». Ensuite, en ce qui concerne les règles
autour des animaux, Mme D. considère que les chats sont « extrêmement libres » et « qu’il
n’y a pas vraiment de règles », excepté le fait qu’’ils n’ont pas le droit de sortir le soir depuis
que Toulouse a eu un accident en 2003 avec une voiture durant la nuit. Mais s’ils n’ont pas le
droit de sortir la nuit, ils sont en revanche libres de dormir où ils veulent. De manière
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générale, Minouchka dort avec Claire, Lilou et Toulouse avec Laura et Negresco dort dans le
salon. Ils essaient aussi qu’ils ne montent pas sur la table, ne volent pas et ne fassent pas leurs
griffes sur le canapé, même s’ils considèrent que les chats les ont rendus beaucoup moins
matérialistes et plus tolérants. Ils racontent à ce sujet une anecdote qui les avaient tous fait
rire : un jour un homme de l’immobilier est venu chez eux et a été choqué de voir le chat faire
ses griffes sur le canapé alors qu’eux ne disaient rien.
A propos de la place des chats au sein de la famille, tous s’accordent pour dire
qu’ « ils font partie de la famille ». Claire remarque d’ailleurs qu’à chaque fois qu’il y a eu
une nouvelle personne au sein de la famille, il y a eu un nouveau chat. Mme D. confirme en
effet « qu’à chaque fois que la famille augmente en humains, [ils] augmentent les chats ». De
plus, elle compare chaque arrivée de chat à « l’arrivée d’un nouvel enfant ». C’est un nouveau
membre de la famille auquel tout le monde, humains et chats, doivent s’habituer. D’autre part,
elle souligne que « chacun a son chat », qu’ils ont « une relation privilégiée » avec leurs
animaux. Mme D. est plus proche de Toulouse, Claire de Minouchka et Laura de Lilou.
Monsieur D. en revanche n’a pas de préférence et Hugo n’éprouve pas d’attachement
particulier aux chats. Claire dit aussi qu’« ils vivent comme les chats » car comme eux ils sont
tous « très indépendants », et le fait que chacun ait son chat a « contribué à leur
indépendance ». Mais d’un autre coté, Mme D. considère qu’ils sont aussi « un ciment » entre
eux, car ils sont un sujet de conversation, ils sont « quelque chose qui préoccupe tout le
groupe » et au sujet duquel ils sont « toujours d’accord ». Même si parfois les corvées liées
aux chats créent des tensions au sein de la famille, tout le monde s’en occupe malgré tout.
Claire et Laura pensent aussi que leur amour des chats leur a permis de se rapprocher non
seulement entre elles, mais aussi de leur mère. Selon Claire, sans les chats, « ses relations
avec sa mère ne se seraient pas améliorées » et elle se serait « sûrement beaucoup moins bien
entendue » avec Laura. Claire souligne quand même que les chats ont aussi parfois été source
de conflits avec sa sœur car elle ne voulait pas « prêter » son chat, mais maintenant qu’elles
ont chacune le leur, « la vie est belle ». En revanche, les deux sœurs n’ont pas le sentiment
que les chats leur aient permis de se rapprocher d’Hugo. Mais Mme D. rappelle que c’est dû
au fait qu’il n’est là que tous les quinze jours. Pour elle leur famille n’est pas « recomposée »,
elle est encore « en recomposition ». Elle pense aussi que c’est dû au fait qu’Hugo et son père
ne sont pas aussi « fusionnels » avec les chats. Mme D., voit aussi les chats comme des
« régulateurs », elle ne pourrait pas vivre sans eux, car ils l’apaisent, la déstressent, elle a
besoin de retrouver ses chats quand elle rentre chez elle. Ce sentiment de ne pas pouvoir vivre
sans les chats est d’ailleurs partagé par tous, excepté Hugo. Ils sont tellement inclus dans la
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famille, que Claire pense « qu’ils ne seraient pas tels qu’ils sont s’ils n’avaient pas leurs
chats ». Ils « [font] partie d’un équilibre » selon Mme D. et son compagnon.
Concernant le rôle des chats dans les conflits, Mme D. dit qu’elle a beaucoup de
souvenirs de tensions créés à cause des chats lorsqu’elle était avec son ex-mari, car ce dernier
ne les aimait pas. Aujourd’hui elle considère d’ailleurs qu’elle ne pourrait pas avoir à nouveau
une relation avec quelqu’un qui ne partagerait pas son affection pour les chats. Elle choisira
toujours les chats car ils ont « toujours été là, dans les bons comme dans les mauvais
moments ». Le fait que son compagnon aime les chats a selon elle « facilité » la
recomposition de la famille. L’amour des chats est « un élément d’adhésion » dans le groupe
familial, « une autre personne ne pourrait pas avoir sa place si elle était en opposition avec les
chats ». Aujourd’hui, comme chacun d’entre eux aime les chats il n’y a plus de tensions à leur
sujet. Claire ajoute qu’ils sont plutôt « source d’amusement ». De plus, Mme D. trouve que
les chats ne prennent pas part à leurs disputes, mais qu’après un conflit il arrive souvent que le
chat préféré de la personne qui vient de se fâcher, aille rejoindre celle-ci. Il est alors selon elle
davantage source de réconfort que d’apaisement. Ce réconfort qu’apporte le chat est aussi
souligné par Claire et Laura qui expliquent qu’elles se rapprochent de leurs chats lors de
moments difficiles, notamment lorsque leurs parents ont divorcé ou quand leur mère a
rencontré d’autres hommes. Claire dit qu’à ce moment-là elle s’est « beaucoup plus focalisée
sur ses chats que sur les problèmes qu’il y avait ». De même, Mme D., trouve que ses chats,
notamment son chat, Toulouse, est un « confident », elle a l’impression que quoiqu’elle fasse,
il ne va pas la juger. Elle parle d’un « amour sans jugement », d’une « compréhension » entre
elle et son chat. De plus, elle trouve qu’on va plus vers le chat dans les moments difficiles que
dans les bons. Monsieur D. et Hugo, en revanche, ne trouvent pas que les chats aient joué un
rôle plus important dans ces périodes-là.
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La famille monoparentale : la famille B. : la chatte qui complète
Mme B. (46 ans), élève seule ses trois enfants : Alexandra (20 ans), Mathieu (18 ans)
et Baptiste (11 ans). Alexandra et Baptiste vivent à la maison, tandis que Mathieu vit seul
depuis octobre 2011 car il est en apprentissage. L’ex-mari de Mme B. est parti de la maison
en 2000, après la naissance de Baptiste. Pendant l’entretien, l’animal est présent au début,
couché sur les genoux de Mathieu. Ce dernier est avachi sur le canapé, écrivant des messages
sur son portable et sa sœur et sa mère lui font alors des remarques sur son attitude pendant
toute la durée de l’entretien.
La famille B. possède une chatte, Iris, âgée de 4 ans et qu’ils ont adoptée il y a 2 ans
dans une association. En ce qui concerne la date de l’adoption, ils n’étaient pas d’accord et
Mme B. a dû aller chercher les papiers de l’association pour vérifier. A propos de ce
désaccord Mme B. pointe du doigt Mathieu et le présente comme « l’esprit de contradiction ».
Mme B. raconte que c’est cette chatte qui « a parlé le plus fort » et Alexandra rajoute que
« c’était aussi la plus calme ». Mathieu intervient alors, car pour lui cela ne s’est passé ainsi.
Selon lui, ils avaient repéré au départ un « petit chaton noir » mais ils ne l’ont pas pris car il
n’était pas sevré. Le nom d’Iris avait été attribué par l’association et Mme B. aimant les
fleurs, ils ont choisi de le garder. Ils se souviennent tous du jour où ils ont adopté Iris et l’ont
ramenée à la maison. Elle était « très craintive » et Baptiste raconte qu’ils étaient tous assis
sur le canapé et qu’elle a fait le tour de chaque personne et de toute la maison. Avant Iris, ils
possédaient depuis 1994, une autre chatte, Pupuce, qu’ils ont dû euthanasier il y a 3 ans car
elle était malade. Après le décès de celle-ci, Mme C. ne voulait plus reprendre d’animaux afin
de ne pas revivre ce qu’ils avaient vécu. Pour elle « c’est trop triste de perdre un animal » car
« on s’attache ». Mais ses enfants ne cessant de réclamer un nouveau chat, ils ont fini par
adopter Iris un an après le décès de Pupuce. Elle compare cela à l’époque où ses enfants lui
ont réclamé un petit frère. Elle aurait d’ailleurs souhaité prendre un chaton, un « bébé » pour
« pouvoir l’élever ».
Avant Pupuce, Mme B. a eu deux chats dont un qui n’est pas resté longtemps car son
ex-mari lui avait demandé de choisir entre lui et le chat et elle a choisi son mari. Elle a
commencé à avoir des chats vers l’âge de 25 ans, dans son enfance ses parents n’avaient que
des poissons et des tourterelles car ils habitaient en immeuble et « ne savaient pas gérer un
animal à pattes ». S’ils ont choisi d’avoir un chat c’est parce que d’après Mme B. c’est un
animal « indépendant », « moins cher » et « moins contraignant » que le chien qu’il faut
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sortir, emmener avec soi en vacances etc. Alexandra est d’accord avec sa mère, elle considère
qu’un chien « cela prend trop de place » et qu’un chat « c’est plus affectueux », d’autant plus
qu’Iris « fait plus de câlins que Pupuce » selon elle. Pour Baptiste, le chat c’est « un sage » et
« c’est mignon ». Il souligne avec sa mère que leur chatte « les aime » et Mme B. rajoute que
« c’est la mascotte du quartier ». Toutefois, Mathieu et Baptiste auraient aussi voulu avoir un
chien, car ils pensent que ça aurait « apporté encore plus » à la famille. Baptiste explique en
effet que sa tante a les deux espèces et qu’il joue beaucoup avec son chien depuis qu’il est
petit, car il est né la même année que lui. S’il pouvait avoir un chien, il choisirait un « bon
gros Pitbull » et pense que « bien dressé » il ne serait pas « méchant ». Il pense qu’il faut
laisser sa chance à cette race que tout le monde dit agressive. Mathieu, quant à lui aurait aimé
avoir une femelle Rottweiler, il considère que contrairement au chat, on peut « se montrer »
avec son chien, « le promener en laisse et entendre des gens dire « tu as un beau chien ». On
peut aussi « l’emmener courir avec soi et jouer avec lui autrement qu’avec un chat ».
Concernant l’organisation de la famille autour d’Iris, Mme B. explique qu’au départ
les enfants sont partants pour s’occuper du chat mais qu’au fur et à mesure c’est elle qui a dû
« gérer la maintenance ». Alexandra nettoie parfois la litière et Baptiste lui donne à manger
quand elle n’a plus rien dans sa gamelle et qu’elle « leur fait comprendre qu’elle a faim ».
Mme B. rajoute que la chatte réclame à manger « même quand ce n’est pas l’heure » et
qu’elle est « difficile » car il y a « des choses qu’elle n’aime pas ». Quand il faut emmener la
chatte chez le vétérinaire, pour les vaccins notamment, c’est Mme B. qui s’en charge mais
Alexandra et Baptiste l’accompagnent parfois. Mathieu explique qu’il ne vient pas parce qu’il
travaille. De manière générale c’est donc Mme B. qui s’occupe du chat mais les enfants
interviennent de temps en temps. En revanche, concernant les câlins, Mme B. précise que la
chatte « en fait à tout le monde » et Mathieu rajoute « surtout à moi ! ». Face à la réaction de
son frère, Baptiste répond alors que lui peut jouer avec elle et la « mettre à l’envers » sans
qu’elle ne dise rien. Alexandra rajoute que son copain aussi peut faire ce qu’il veut à la chatte,
« elle n’est pas rancunière ». Lorsqu’ils parent en vacances la chatte reste à la maison car
« elle ne supporte pas la voiture ». C’est alors soit un voisin, soit la grand-mère, soit
Alexandra, si elle est là, qui la garde. La nuit Iris n’a pas le droit de dormir dans la chambre
de Mme B., car elle n’aime pas dormir avec des animaux. La chatte a aussi interdiction de
dormir dans la chambre de Baptiste, car il est asthmatique. Elle dort donc le plus souvent dans
la chambre de Mathieu. Ce dernier a d’ailleurs une relation privilégiée avec elle, relation due,
selon Mme B., au fait « qu’il n’est pas là souvent » et qu’il est donc « rare ». Quand Mathieu
n’est pas là, elle dort alors soit sur le canapé, soit avec Alexandra et son copain. En revanche,
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l’été elle dort tout le temps dehors. Elle n’a pas non plus le droit de voler, de gratter le canapé
et de monter sur la table. A l’exception de ces règles-là, tout le monde est d’accord pour dire
qu’elle est « libre ». Elle peut sortir comme elle le souhaite, « c’est la reine » selon Alexandra
et Mathieu. Quand elle « fait une bêtise », Mathieu explique qu’il suffit qu’ils « haussent la
voix » et elle comprend. Mme B. précise en effet qu’il n’y a pas de « châtiment corporels »
chez eux, ni pour le chat, ni pour les enfants.
A propos de la place de la chatte dans la famille, les trois enfants s’accordent pour dire
qu’elle est le « 4ème enfant ». Pour Alexandra elle a « une grosse place », « autant que ses
frères et sa mère ». Pour Baptiste c’est « la petite dernière », une « belle fifille » et pour Mme
B. c’est « leur rayon de soleil » et un « catalyseur », c’est-à-dire qu’elle les « apaise », les
réconforte quand ils sont tristes. Elle trouve que cette chatte a « une fibre émotionnelle plus
importante » que les autres chats qu’ils ont eus. Ce rôle réconfortant est aussi souligné par
Alexandra qui explique que ce n’est pas « un ami », parce que c’est un animal, mais qu’elle
vient la voir quand elle est triste et a l’impression qu’elle « essaie de lui parler », de savoir ce
qu’il ne va pas. Mme B. rajoute qu’en plus sa fille est quelqu’un de « très nerveux ».
Alexandra précise que leur chatte est là non seulement quand ils sont tristes, mais aussi quand
« ils sont heureux », elle a l’impression qu’elle cherche à savoir ce qu’il se passe.
Mme B., Alexandra et Mathieu trouvent aussi qu’elle calme l’ambiance familiale.
Alexandra explique en effet, que lorsqu’il y a des tensions entre eux, Iris arrive et semble leur
dire « Bon je suis là, arrêtez ! C’est bon c’est fini ! » et cela fonctionne car tout le monde
s’arrête et se met à lui faire des câlins, ils « passent à autre chose » d’après Mme B. Alexandra
explique aussi que Mathieu et elle ont une relation « très conflictuelle » et que parfois elle va
« dire ce qu’elle pense » de son frère à Iris, plutôt que de « se fâcher et de s’énerver contre
lui ». En revanche, les autres membres de la famille ne parlent pas à leur chat, Mathieu
considère que l’animal n’est pas « un journal intime » et Mme B. n’utilise pas l’animal
comme intermédiaire pour parler à quelqu’un, elle préfère « l’affrontement direct ». Trouvant
qu’il n’intervient pas beaucoup, Mme B. sollicite alors Mathieu pour qu’il donne son avis et
lui demande ce qu’il fait quand il arrive à la maison. Il explique alors qu’il va directement
voir sa chatte, « avant même de dire bonjour à sa mère » précise Mme B. Baptiste dit alors
avec humour que la chatte est « comme une deuxième mère » pour son frère. Mathieu
réplique que c’est plus une « première copine », « sa femme », elle passe avant ses petitesamies. Concernant le rôle que leur animal joue dans leurs relations, Alexandra trouve qu’elle
est à la fois source de conflit et de jalousie entre eux, mais aussi une source de réconciliation,
« quelqu’un qui vient leur dire d’arrêter » quand ils se disputent ». Mathieu en revanche, n’a
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pas l’impression qu’elle intervient dans leurs relations. Baptiste trouve qu’elle « sert à tout le
monde », elle « sert à faire des câlins et à jouer », c’est un « ami ». Mais il ne trouve pas
qu’elle « puisse résoudre les disputes ». Pendant que son frère parle, Mathieu se moque de
son débit de parole lent. Pour Mme B. Iris est un « membre de la famille », un « lien » entre
eux. Elle est « ce qui leur manquait quand ils n’étaient que tous les quatre », c’est-à-dire
« l’amour [que ses enfants] ne savent pas donner à leur mère ou à leurs frères et sœurs ». Pour
elle, il est plus facile de donner son affection à un animal qu’à un être humain. Elle trouve que
leur chatte les « unit », forme une « espèce de cohésion » autour d’elle. Ses enfants, à
l’exception de Mathieu qui trouve que le mot cohésion est « un peu fort », sont plutôt
d’accord avec les propos de leur mère. Mme B. réplique alors que cet animal était « un projet
commun à long terme » et qu’« ils sont allés le choisir tous ensemble ». Ils avaient décidé au
départ qu’ils s’en occuperaient tous ensemble, qu’ils seraient tous « impliqués à la même
hauteur ». Mathieu acquiesce alors cette idée.
Concernant les changements dans la famille depuis l’arrivée d’Iris, Mme B. considère
qu’elle est « un plus ». L’euthanasie de Pupuce a été difficile pour eux, Alexandra a d’ailleurs
le sentiment qu’ils ont « tué » leur chat. Ils ont ressenti « un vide » quand il n’était plus là,
d’autant plus qu’ils s’étaient beaucoup attachés à lui sur la fin du fait qu’il était malade et
qu’il leur faisait plus de câlins qu’avant. Mathieu explique qu’après Pupuce « il leur manquait
un truc, ils n’étaient plus que quatre ». Il fallait « combler un manque » d’après Alexandra.
Pour Mathieu, la chatte « casse la routine », elle est « un élément complémentaire » dont ils
avaient besoin. Alexandra rajoute que « c’est un sujet de distraction, quelque chose qui les
distrait » quand ils s’ennuient. Mme B. pense aussi qu’ils ont beaucoup d’amour à donner et
que le chat le permet de donner cet amour. Alexandra considère d’ailleurs qu’ils ont bien fait
d’attendre un an avant de prendre un chat car ils ont trouvé finalement un « bon chat », un
chat « très affectueux ». Aujourd’hui, vivre sans chat est impossible pour chacun d’entre eux.
Enfin, dans les moments difficiles et de crise, Alexandra considère que sa chatte est
« un ami » qui remplace les gens qui sont absents à ce moment-là, que cela soit ses amis ou
son copain. Baptiste et Mathieu en revanche n’ont pas l’impression qu’Iris joue un rôle plus
important dans ces moments-là. Pour eux elle est importante tout le temps. Pour Mme B. c’est
le chat précédent qui a joué un rôle dans les moments « douloureux ». Elle parlait beaucoup
avec lui, et considère qu’elle avait un « psy à domicile », un « exutoire ». Aujourd’hui elle n’a
plus de moment aussi difficiles, c’’est donc différent avec Iris.
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La famille nucléaire stable : la famille H. : la chatte qui compense
La famille H. est une famille nucléaire stable de trois enfants : Clémence (21 ans),
Nathan (19 ans) et Léo (13 ans). Du fait de ses études, Clémence ne vit plus à la maison
depuis quatre ans. Elle ne rentre que certains week-ends et pendant les vacances. Nathan,
quant à lui, est parti de la maison durant un an, en 2010-2011, puis est revenu en 2011 suite à
un changement d’orientation scolaire. Durant l’entretien c’est Monsieur H. qui prend
presqu’exclusivement la parole, et lorsque sa femme et ses enfants lui disent de leur laisser un
peu la parole, il répond avec humour « vous continuerez après, pour l’instant c’est moi qui
parle, c’est moi le mâle dominant ».
En novembre 2007, M. et Mme H. ont adopté Chanel, une chatte issue d’une portée de
chatons qu’un couple d’amis à eux avait eue le 1er septembre 2007. Se basant sur le fait que
2007 était l’année des C, et que la mère de cette chatte s’appelant Châtaigne, ils ont cherché
un nom commençant par « Cha- ». Mme H. a alors choisi le nom de Chanel, car selon sa fille,
elle « aime bien les produits de luxe ». La décision de cette adoption a nécessité une
« négociation » dans la famille. En effet, Monsieur H. et ses deux fils réclamaient un animal
mais Mme. H. n’en voulait pas. A choisir, elle aurait préféré avoir un chien car elle avait peur
des chats. Cette préférence était aussi partagée par ses fils et ils sont donc allés dans un chenil.
Suite à cette visite Mme H. s’est rendue compte qu’elle ne supporterait pas non plus d’avoir
un chien. Monsieur H. ayant toujours eu des chats dans son enfance, et « connaissant bien »
cet animal, a donc convaincu sa femme d’en adopter un en lui expliquant « qu’elle n’aurait
pas trop à s’en occuper » car c’est un animal « indépendant et autonome », contrairement au
chien qui est « un fidèle à quatre pattes ». Il trouve par exemple que c’est plus facile
d’emmener un chat en vacances. Selon lui le chat est aussi un animal « attachant », qui n’est
pas « agressif » et qui est « plus facile à domestiquer ». Il insiste sur le fait qu’un chat
« s’éduque » tout petit, « comme un chien ou un enfant » en haussant la voix et en lui donnant
« une petite tape » quand elle fait une bêtise. Aujourd’hui il considère que Chanel est « très
docile » et « très câline » car ils n’ont jamais d’agressivité à son encontre, au contraire ils lui
font tous des câlins.
Bien que les deux fils réclamaient un animal, les parents s’accordent pour dire que
cette chatte « était pour Léo » au départ même si « c’était aussi pour toute la famille ».
Monsieur H. explique en effet que dans une famille il arrive toujours un moment où « il y a un
vrai petit dernier » qui n’a ni petit frère, ni petite sœur dont il peut s’occuper. Ils souhaitaient
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à travers cette chatte offrir « une présence, une compagnie » à Léo sachant que son frère et sa
sœur allaient partir de la maison dans les années à venir et qu’il allait « se retrouver tout
seul », d’autant plus que Monsieur et Madame H. sortent souvent le soir. C’est cette raison qui
a été « déterminante » dans l’adoption de Chanel et c’est pourquoi, ils considèrent que Léo est
« son maître ». Selon Monsieur H. Chanel est pour Léo « un élément de compagnie lors de
l’absence du grand frère, de la grande sœurs et des parents », et « un élément de compensation
face à des frustrations ».
L’arrivée de Chanel a modifié l’organisation de la famille au quotidien, notamment
lorsqu’ils doivent sortir le soir ou partir en vacances. Mais ils l’ont éduquée de manière à ce
qu’elle « s’adapte à leur rythme de vie ». Concernant la nourriture, le vétérinaire et le
nettoyage de la litière, c’est principalement Mme H. qui s’en occupe : « en général ce genre
de choses c’est la responsabilité de la mère de famille » dit-elle. Mais si les parents sont
absents les enfants se chargent alors de la nourriture et ils lui donnent à manger matin, midi et
soir à des heures fixes. La famille H. impose aussi plusieurs règles à son animal. La chatte a
l’interdiction d’aller dans les chambres la nuit, de monter sur la table et sur certains fauteuils,
de voler de la nourriture et de griffer le mobilier. L’été elle dort dans le jardin et en hiver dans
le dressing de la maison. Elle n’a « l’autorisation » de dormir dans la chambre de Léo que
lorsque celui-ci est seul. Il s’agit pour Monsieur H. d’une « double-récompense » pour son fils
et la chatte puisque cette dernière aussi « est ravie » de cette exception.
Lorsque la place de l’animal dans la famille et les relations est abordée, Monsieur H.
évoque en premier lieu la relation que Léo a avec Chanel. Il raconte que son fils lui fait des
câlins toute la journée, que cela soit avant de partir à l’école, en rentrant à la maison ou avant
d’aller se coucher. Durant l’entretien Léo prend d’ailleurs Chanel dans ses bras à un moment
donné. Mme H. parle de vrais « petits câlins d’amour », comme si la chatte était
« amoureuse ». Selon Monsieur H., Chanel « est moins heureuse, moins frétillante » quand
Léo est absent, « elle est en manque de complicité » avec lui. Nathan rajoute même qu’« elle
le cherche ». Chacun évoque ensuite sa relation à Chanel. Léo confirme les propos de ses
parents et explique qu’il a besoin de la présence de sa chatte car il n’aime pas être seul à la
maison. Aujourd’hui il ne pourrait pas vivre sans animal, plus tard il aimerait avoir un chat et
un chien. Il en est de même pour Nathan qui apprécie la compagnie d’un animal mais pas
pour les mêmes raisons. Il trouve que la relation avec un chat est « plus simple » et « n’est pas
compliquée ». C’est différent d’un être humain car avec un animal « on n’est pas obligé de
parler » et quand on lui parle « il n’y a pas de contradictions du fait qu’il ne parle pas ». Il
aime aussi le fait de pouvoir s’en occuper et de lui faire un câlin seulement quand il en a
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envie. Quant à Clémence, elle n’est pas sûre de prendre un animal plus tard car « c’est du
travail ». Elle est « contente de voir son chat » quand elle rentre à la maison mais quand elle
n’est pas là son chat ne lui « manque pas plus que ça » car elle est habituée à vivre sans. Son
père intervient alors pour dire que lorsqu’elle rentre à la maison, elle va malgré tout
directement voir Chanel pour lui faire des câlins. Clémence et Mme H. sont d’accord sur le
fait qu’elles aiment toutes les deux leur chatte mais qu’elles ne sont pas sûres de vouloir un
autre animal. Toutefois, d’après son mari, Mme H. qui « était très anti-chat » est maintenant
« très entichée » de sa chatte. Mme H. dit aussi de Chanel qu’elle est « très expressive et très
attachante », et trouve qu’il est « amusant de voir ses positions » dont certaines sont « très
fœtales ». Clémence rajoute qu’elle a « des expressions un peu humaines ».
De manière générale, Monsieur H. considère que la chatte est « une occupation
commune », « un sujet de conversation » pour toute la famille, notamment pendant ce qu’il
appelle « son quart d’heure colonial », c’est-à-dire que lorsqu’elle joue ou a « des moments de
folie » il y a toujours un membre de la famille qui va appeler les autres pour venir la regarder
pendant ces moments-là. Mme H. parle d’une « polarisation » de la famille sur la chatte et
Monsieur H. d’un « élément catalyseur ». Clémence donne aussi l’exemple des moments où
toute la famille se réunit pour lui mettre son produit à puces. Concernant les moments de jeux
avec la chatte, ce sont aussi des moments que les enfants partagent ensemble. Monsieur H.
avoue aussi s’amuser avec Chanel quand il est seul, par exemple quand il travaille à son
bureau il lui lance des « boulettes de papier ». De plus, pour Monsieur et Mme H. la présence
d’un animal est importante dans une famille où il y a des enfants en bas âge car cela permet de
les « épanouir » et de les « responsabiliser ». Ils pensent que c’est un très bon « support
éducatif ». Cela permet selon eux aux enfants de « mieux comprendre les règles qu’on leur
impose » car ils peuvent les « transposer » sur l’animal. En ce qui concerne l’effet de l’animal
sur la communication entre les membres, Monsieur H. est le seul à s’adresser à Chanel pour
parler à un autre membre de la famille. Il va par exemple dire à sa chatte « Regarde ton petit
maître il n’est pas très sage ! ».
Dans les moments difficiles ou de tristesse, Monsieur H. explique que ses enfants vont
aller chercher du réconfort auprès de leur chatte, notamment Léo et Nathan. Léo confirme
effectivement que lorsqu’il est triste Chanel le « console » car « elle [le] sent ». Nathan, quant
à lui, n’éprouve pas le besoin d’aller voir sa chatte dans ces moments-là. Il ne lui fait des
câlins que « lorsqu’il la voit », il s’agit plus chez lui d’un « besoin d’affection » que d’un
besoin de réconfort lorsqu’il prend Chanel dans ses bras. En revanche, il aime l’avoir sur ses
genoux quand il travaille, il trouve qu’elle est « anti-stress ». Clémence et sa mère, tout
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comme Nathan, n’éprouvent pas non plus le besoin d’aller voir leur chatte pour avoir du
réconfort. Clémence pense que Chanel « sent quand Léo est triste » mais qu’avec elle c’est
différent car elle la « connait moins ». Pour conclure, la famille H. insiste sur le fait que chez
eux Chanel « reste un animal », « elle n’est pas un être humain ». « Elle fait partie de la
famille » pour Mme H. mais Clémence précise qu’« elle n’est pas un membre de la famille ».
Toutefois, quand Clémence n’est pas là, Monsieur H. aime taquiner sa femme en lui disant
« Va voir ta fifille » en parlant de Chanel.
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ANALYSE DES ENTRETIENS
Après retranscription des entretiens réalisés, nous avons procédé à une analyse de leur
contenu et nous avons dégagé six thèmes principaux divisés en plusieurs sous-thèmes. Nous
présentons donc ici la grille d’analyse obtenue. Bien que la famille C. ait été interrogée dans
le cadre d’entretiens exploratoires et qu’elle ne comporte pas les mêmes caractéristiques que
les trois autres familles, il nous semblait malgré tout intéressant de l’intégrer à notre analyse
lorsqu’elle allait dans le sens des résultats obtenus.
1) L’adoption de l’animal
-
Le choix de l’espèce
-
Le choix du prénom
2) Rôle de l’animal dans les moments difficiles
-
Des transitions familiales importantes
-
Un soutien et un réconfort au niveau individuel
3) L’animal comme facteur d’ambiance et d’interactions familiales positives
-
Des câlins et des jeux
-
Un objet commun
-
Un facilitateur dans la communication
4) Rôle de l’animal dans les conflits
-
Un facteur de conflits
-
Un facteur d’apaisement des conflits
5) L’animal comme support de projection et d’identification
-
Projection d’amour et de compréhension sur l’animal
-
Identification de certains membres à l’animal
6) Structure et fonctionnement familial
-
L’animal comme élément de la structure du système familial
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-
L’animal dans l’organisation familiale : Des règles et des rôles
-
Un révélateur du fonctionnement familial
1) L’ADOPTION DE L’ANIMAL
Nous ne retenons pas ici les raisons de l’adoption de l’animal car il nous semblait plus
pertinent de les mettre en lien avec les autres thèmes de notre analyse. En revanche, nous
pouvons repéré des points communs dans les différents entretiens concernant le choix de
l’espèce de l’animal. En effet, les trois familles interrogées possèdent toutes un ou
plusieurs chat(s) et donnent toutes les mêmes arguments quant au choix de cette espèce.
Selon les sujets interrogés, le chat est un animal indépendant, autonome, propre et moins
contraignant que le chien. Dans les familles nucléaire et monoparentale on retrouve aussi
l’idée que le chat est un animal affectueux et attachant. Dans chacune des familles, l’un
des parents avait eu des chats dans son enfance ou avant de fonder une famille. En effet,
dans les familles recomposée et monoparentale, les mères avaient adopté des chats après
être devenues indépendantes. Dans la famille nucléaire, en revanche, c’est le père qui
avait été habitué à vivre avec des chats lorsqu’il était enfant. Nous pouvons aussi
remarquer que les fils des familles monoparentale et nucléaire auraient aussi souhaité
avoir un chien, soit à la place, soit en plus du chat, et pensent qu’ils en adopteront un plus
tard. Dans la famille monoparentale, nous pouvons d’ailleurs noter que Mathieu et
Baptiste évoquent leur penchant pour des races jugées agressives qui nécessitent un bon
dressage (Rottweiler et Pitbull). Or, nous avons vu que le chien était associé aux notions
de virilité et d’autorité. Nous pouvons alors nous demander si ces races ne
représenteraient pas l’image de l’autorité paternelle absente dans cette famille. Dans
l’entretien avec la famille nucléaire, ainsi que dans la famille C., on retrouve aussi
l’importance du dressage dans le discours des pères qui insistent sur l’éducation et
l’obéissance de l’animal. On retrouve donc dans ces trois familles les éléments qui étaient
ressortis de l’enquête de Heran (1988) à propos de la division entre cattophiles et
cynophiles.
Concernant le nom de l’animal, il s’agit pour les trois familles d’un choix issu d’une
réflexion collective mais toujours en faveur de la proposition ou de la préférence de la
mère. En effet, dans la famille recomposée, à l’exception du dernier chat qui appartenait à
la grand-mère de Monsieur D. et qui avait déjà un nom, les noms des trois autres chats
(Toulouse, Negresco et Lilou) sont des propositions de Mme D. Dans la famille nucléaire,
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tous ont cherché un nom commençant par Cha- et c’est finalement le choix de la mère
(Chanel) qui a été retenu. Le choix du nom de l’animal s’est déroulé de manière un peu
différente dans la famille monoparentale car la chatte avait déjà un nom (Iris) attribué par
l’association dans laquelle ils l’ont adoptée. Toutefois, le choix de garder ce nom s’est fait
d’un commun accord et en référence au goût de la mère pour les fleurs.
2) LE ROLE DE L’ANIMAL DANS LES MOMENTS DIFFICILES
Dans chacun des entretiens réalisés, l’animal joue un rôle particulier, soit lors d’étapes
importantes pour le groupe familial, soit lorsque l’un des membres traverse un moment
difficile (tristesse, stress, baisse de moral...). En effet, dans les trois entretiens réalisés, nous
pouvons noter que l’animal a été un véritable soutien ou réconfort pour certains membres.
Dans la famille recomposée les deux filles et la mère se sont rapprochées de leurs chats dans
les moments difficiles, comme par exemple après le divorce. La mère considère d’ailleurs son
chat comme un « confident ». Dans la famille monoparentale, ce sont aussi les filles qui
soulignent ce rôle de réconfort. L’animal est comme un « ami » pour la fille quand elle est
triste et a été « un psy à domicile » pour la mère après le départ de son mari. Enfin, dans la
famille nucléaire stable, ce rôle de réconfort n’est souligné par le père que pour les deux
garçons de la fratrie, et notamment pour le dernier. Il considère que l’animal est « une
compagnie » pour celui-ci quand il est seul à la maison, notamment la nuit, et Léo rajoute que
sa chatte le « console » quand il est triste. Pour Nathan, sa chatte est principalement un « antistress » quand il travaille.
Concernant le rôle de l’animal dans les transitions difficiles que le système familial doit
traverser, nous ne le retrouvons de manière explicite que dans l’entretien avec la famille
nucléaire stable. Celle-ci a en effet a adopté l’animal en prévention du départ des aînés de la
fratrie. Or le départ des enfants du foyer constitue bien une étape de vie importante dans une
famille selon l’approche systémique. Toutefois, comme nous l’avons vu ci-dessus, l’animal a
malgré tout joué un rôle réconfortant au niveau individuel lors de l’étape du divorce pour les
deux autres familles, même s’il n’a pas été adopté à ce moment-là. Il nous parait aussi
intéressant d’évoquer dans ce thème le cas de la famille C. que nous avions interrogée lors de
la phase exploratoire. En effet, cette famille a adopté une chienne au moment d’un
déménagement, transition particulièrement importante pour tout le monde. La mère considère
d’ailleurs que la chienne a facilité ce « changement de vie » en déplaçant le problème sur elle
car pendant qu’ils s’occupaient de son dressage ils ne pensaient pas au déménagement. Cette
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idée est confirmée par le dernier de la fratrie qui estime que leur chienne a apporté durant
cette période des « moments de repos ». De plus, tous les membres de la famille C., excepté le
père, évoquent le rôle réconfortant que joue la chienne au niveau individuel lorsqu’ils sont
tristes ou qu’ils ont des examens.
3) L’ANIMAL
COMME FACTEUR
FAMILIALES POSITIVES
D’AMBIANCE
ET
D’INTERACTIONS
Dans les trois familles interrogées l’animal apporte de la joie et du plaisir dans la famille,
notamment par l’affection qu’il procure et qu’on peut lui procurer, et par les moments de jeux
et de distraction qu’il permet. En effet, les trois familles insistent sur l’importance des câlins
et des jeux avec leur chat. Dans la famille recomposée la fille aînée considère les chats
comme une source d’« amusement » et dans la famille monoparentale les deux aînés voient
leur chatte comme un moyen de « distraction » qui évite l’ennui et « casse la routine ». Dans
la famille nucléaire, les enfants aussi jouent beaucoup avec leur chatte, ainsi que le père quand
il est seul. Leur animal est aussi une source d’amusement pour eux quand ils l’observent
pendant ce qu’ils appellent son « quart d’heure colonial » ou ses « moments de folie ».
Concernant le lien affectif à l’animal, les trois familles évoquent la place importante des
câlins dans la relation qu’elles ont avec leur chat. Ces moments de câlins sont surtout évoqués
à propos des enfants dans les familles monoparentale et nucléaire stable. On retrouve aussi
l’idée que cette affection donnée au chat permet de compenser l’affection que l’on ne peut
pas, ou plus difficilement, donner à d’autres êtres humains. Dans la famille monoparentale, la
mère pense en effet que l’amour que ses enfants donnent à leur chat est « l’amour qu’ils ne
savent pas donner à leur mère ou à leurs frères et sœurs ». Dans la famille nucléaire stable
c’est le second de la fratrie qui exprime l’idée que la relation avec l’animal est plus simple
que les relations humaines et qu’il aime pouvoir caresser son chat quand il le souhaite. Nos
propos précédents sont aussi confirmés dans les entretiens exploratoires que nous avions
réalisés. En effet, les membres de la famille C. citent tous des termes positifs concernant
l’apport de leur chienne à l’ambiance familiale. Ainsi, selon eux leur animal leur apporte de la
« joie », du « plaisir », de la « gaieté », de la « bonne humeur » et de « l’affection ». La mère
explique aussi que sa chienne lui permet de donner l’affection « tactile » qu’elle n’arrive plus
à avoir avec ses enfants maintenant qu’ils sont grands. Leur chienne est aussi une source
d’amusement et un facteur d’humour entre eux par les nombreux moments de jeux qu’ils ont
avec elle et les blagues qu’ils font à son sujet. L’animal participe donc à un climat familial
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positif car il favorise l’humour et l’amusement au sein du groupe et permet de combler, voire
de compenser, les besoins affectifs individuels.
L’animal est aussi un facteur de relations positives entre les membres du système familial
par un autre aspect : il est un objet commun qui rassemble. En effet, les trois familles
interrogées, ainsi que la famille C., évoquent cette idée. Dans la famille recomposée les chats
sont considérés comme « le ciment » de la famille, un « sujet de conversation commun » et un
sujet qui « préoccupe tout le monde » et à propos duquel ils sont « toujours d’accord ». Dans
cette famille un autre élément semble aussi important, c’est celui-ci du rôle de bouc-émissaire
commun que remplit la dernière chatte arrivée dans la famille, Minouchka. En effet, tous sont
d’accord pour dire qu’elle a déstabilisé l’équilibre au sein des chats et chacun y va de sa
remarque à son sujet. De même dans la famille nucléaire stable, le chat est vu comme une
« occupation commune », un « sujet de conversation », et un « élément catalyseur » qui
« polarise » tout le monde autour de lui. Les membres de la famille monoparentale, quant à
eux, affirment que leur animal est un « lien » entre eux, qu’il les « unit » et leur permet de
faire « cohésion » car il est un « projet commun » dont ils doivent « s’occuper ensemble ».
Enfin, dans la famille C. la chienne est considérée comme un « vecteur commun » qui
« fédère » et « met tout le monde d’accord ». L’animal de compagnie est donc un objet
commun que partagent tous les membres du système familial. Il est celui qui rassemble et qui
permet aux membres de se rapprocher entre eux, notamment au sein de la fratrie. Nous
pouvons aussi relever un autre élément que nous retrouvons dans trois familles sur les quatre
interrogées : l’animal est un cadeau fait par un membre de la famille à un ou plusieurs autres
membres. En effet, dans la famille C. la chienne est un cadeau que la femme a fait à son mari
et dans les familles monoparentale et nucléaire stable, les parents on adopté un animal
« pour » leurs enfants. Là encore l’animal est donc un moyen de favoriser des relations
positives entre les membres de la famille.
Enfin, dans les trois familles interrogées, ainsi que dans la famille C., l’animal facilite la
communication au sein du système familial. D’une part, il est un sujet de conversation
commun, comme nous l’avons dit plus haut, et d’autre part, il peut aussi être un médiateur qui
évite un affrontement trop direct dans certaines situations. En effet, dans la famille nucléaire
stable le père avoue utiliser le chat pour faire des remarques à ses enfants (ex : « Regarde ton
petit maître il n’est pas très sage ! ») et dans la famille monoparentale la fille aînée raconte
que parfois elle préfère dire à son chat ce qu’elle pense de son frère quand il l’énerve plutôt
que de lui dire à lui directement. Dans les autres familles nous retrouvons seulement l’idée
que l’animal favorise la conversation entre eux.
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4) ROLE DE L’ANIMAL DANS LES CONFLITS
Nous pouvons relever deux rôles de l’animal de compagnie dans les conflits familiaux : il
peut être à la fois une source de tensions et un facteur d’apaisement de celles-ci. En effet, dans
les familles recomposée et monoparentale, l’animal est souvent source de tensions entre les
membres du groupe familial lorsqu’il s’agit de se répartir les corvées (nettoyer la litière,
donner à manger...). De plus, il crée aussi des jalousies au sein de la fratrie car parfois les
frères et sœurs ne veulent pas le « partager ». Dans ces deux familles, l’animal a aussi été un
sujet de disputes entre les mères et leur ex-mari, ces derniers n’aimant pas les chats.
Mais l’animal de compagnie peut aussi apaiser les conflits au sein du groupe familial.
Nous retrouvons cette idée dans les propos de la famille monoparentale et de la famille C. En
effet, la fille aînée de la famille monoparentale explique que leur chatte vient les voir
lorsqu’ils se disputent et tout le monde s’arrête alors pour lui faire des câlins. La chatte lui
permet aussi d’éviter des conflits avec son frère car parfois elle préfère aller parler à son
animal plutôt que de s’énerver contre son frère. Dans la famille C., le père et ses fils
considèrent que la chienne « apaise les humeurs et les colères » de chacun et par conséquence
« stabilise l’ambiance familiale ». Nous retrouvons là l’idée que la famille est bien un
système, et que tout changement d’un des éléments retentit sur tout le système. En apaisant la
colère au niveau individuel, l’animal apaise l’ambiance de tout le groupe familial. De plus, le
cadet se souvient d’une fois où ses parents ont arrêté de se disputer au moment où leur
chienne est arrivée dans la pièce et a fait un câlin à sa mère. Dans les familles recomposée et
nucléaire stable, en revanche, les personnes interrogées n’ont pas le sentiment que leur animal
joue un rôle particulier dans leurs conflits.
5) L’ANIMAL COMME SUPPORT DE PROJECTION ET D’IDENTIFICATION
Dans les trois familles interrogées les propos recueillis montrent des mécanismes de
projection sur l’animal, notamment autour de sentiments d’amour et de compréhension. En
effet, dans ces trois familles, non seulement les membres disent « aimer » leur chat, mais
affirment aussi que ce dernier les « aime » et les « comprend ». Dans la famille recomposée,
la mère parle d’un « amour sans jugement » et a le sentiment que ses chats la comprennent.
De même, les membres de la famille monoparentale disent que leur chatte les aime et qu’elle
a « une fibre émotionnelle importante » car elle vient les voir quand ils sont tristes. Le second
de la fratrie va même jusqu’à dire que sa chatte est comme sa « femme » pour lui. Dans la
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famille nucléaire stable, nous pouvons relever des propos montrant des mécanismes de
projection surtout concernant le dernier de la fratrie. En effet, les parents affirment que leur
chatte est « amoureuse » de leur cadet et qu’elle lui fait de vrais « petits câlins d’amour ».
Dans cette famille où le puiné semble avoir une place particulièrement importante, nous
pouvons donc nous demander si cet amour que les parents attribuent à leur animal n’est pas la
projection de leur propre amour envers leur fils. Nous pouvons aussi relever ici les propos
obtenus avec les membres de la famille C. Ces derniers évoquent en effet une
« compréhension mutuelle » entre eux et leur chienne, ainsi qu’une « absence de jugement »
chez elle. L’aîné affirme aussi que leur chienne « aime donner ». Un autre élément nous
semble important d’être cité dans cette famille, c’est le rôle de substitut d’enfant, et plus
particulièrement de fille, que joue la chienne dans cette fratrie de quatre garçons. Les parents
considèrent en effet que cette chienne est la fille qu’ils n’ont jamais eue et la « frangine » que
leurs enfants n’ont pas. Mme C. pense que c’est pour cette raison qu’elle a choisi une femelle
plutôt qu’un mâle, même si ce n’était pas conscient à ce moment-là.
Nous avons aussi relevé un autre type de mécanisme dans les propos des trois familles
rencontrées : des mécanismes d’identification de certains membres à leur animal. Nous
avons surtout relevé ce type de mécanisme dans la famille recomposée dans laquelle
Monsieur D. dit que leur dernière chatte, Minouchka, « cherche encore sa place ». Nous
pouvons en effet supposer que Monsieur D. s’identifie ici à sa chatte qui, comme lui cherche à
s’intégrer dans cette nouvelle famille. Cette identification est d’autant plus facile que
Minouchka est liée à sa propre famille puisqu’il s’agit de la chatte de sa grand-mère. Dans la
famille nucléaire stable, la mère évoque une autre identification, celle de ses enfants à leur
chatte dans le cadre de l’intégration des règles familiales. En effet, elle pense que ses enfants
vont mieux comprendre les règles qui leur sont imposées car ils vont s’identifier à leur
animal, qui lui aussi doit respecter certaines règles et interdictions. Nous comprenons donc
bien que l’animal, par son absence de parole va être le support privilégié de toutes sortes de
projections et d’identifications.
6) STRUCTURE ET FONCTIONNEMENT FAMILIAL
A l’issue de l’analyse des entretiens effectués avec ces trois familles, nous avons pu
repérer que dans chacune d’entre elles, l’animal appartient à la structure du système
familial. En effet, il est considéré comme un véritable « membre de la famille », voire,
comme c’est le cas dans la famille monoparentale et la famille C., comme un autre
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« enfant ». Seule la famille nucléaire stable, refuse de le désigner ainsi et préfère dire que
leur chat « appartient à la famille » pour insister sur le fait que ce n’est pas un être
humain. Mais qu’il soit mis ou non au même niveau que les membres humains de la
famille, l’animal n’en reste pas moins un élément du système familial dont l’absence ne
passe pas inaperçue. La fille aînée de la famille recomposée pense par exemple qu’ils « ne
seraient pas tels qu’ils sont s’ils n’avaient pas leurs chats » et presque tous les membres
des familles interrogées affirment qu’ils ne pourraient pas vivre sans animal. Ainsi, dans
la famille monoparentale, lorsque le chat précédent est décédé, tous ont ressenti un
« manque » qu’il a fallu combler avec un nouveau chat. De même, tous les membres de la
famille C. ont exprimé leur angoisse quant à la mort de leur chienne, expliquant que cela
fera un « gros vide » dans la famille. Même s’ils disent ne pas savoir s’ils reprendront un
autre chien ensuite, tous citent l’exemple de leurs voisins qui ont finalement repris un
chien après la mort du précédent. Nous pouvons donc supposer qu’ils envisagent
certainement de prendre la même décision, mais que la culpabilité de « remplacer » leur
chienne les empêche pour le moment de le formuler explicitement. Enfin, si l’animal est
un élément à part entière de la structure familial, il peut aussi être le substitut d’un élément
manquant du système. En effet, dans la famille nucléaire stable le chat a été adopté pour
remplacer les deux aînés qui allaient partir de la maison, et dans la famille monoparentale
nous avons le sentiment que le chat remplace le père absent. Nous comprenons cela dans
le discours du fils aîné qui dit qu’après la mort de leur précédent chat il leur « manquait un
truc, [ils] n’étaient plus que quatre ». Leur chatte est « un élément complémentaire » dont
ils ont « besoin ». L’animal permet donc restaurer la structure du système familial
lorsqu’elle est ébranlée.
Puisqu’il est un élément du système familial, l’animal va aussi participer à son
organisation, notamment autour de règles et d’attribution de rôles. En effet, dans toutes les
familles interrogées il existe des règles et des rôles autour de l’animal et son entretien.
Nous pouvons constater que dans toutes ces familles ce sont les parents, et principalement
la mère, qui se chargent de nourrir et de soigner l’animal, ainsi que de nettoyer sa litière.
Les enfants ne s’en occupent que ponctuellement. Nous comprenons donc ici que l’animal
vient confirmer le rôle nourricier et soignant de la mère de famille. La mère de la famille
nucléaire stable l’exprime même de manière explicite : « en général ce genre de choses
c’est la responsabilité de la mère de famille ». Dans la famille C., les enfants et le père,
quant à eux, s’occupent de sortir la chienne, la mère refusant de s’acquitter de cette tâche.
La présence de l’animal dans la famille nécessite aussi d’établir certaines règles et trois
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interdictions imposées à l’animal sont communes aux trois familles rencontrées : ne pas
faire ses griffes sur le canapé, ne pas voler la nourriture et ne pas monter sur la table. En
revanche, nous retrouvons des différences concernant l’autorisation ou non pour le chat de
dormir dans les chambres la nuit. Dans la famille nucléaire stable le chat n’a pas le droit
d’aller dans les chambres et un endroit dans la maison, le dressing, lui est imposé pour la
nuit en hiver. Toutefois, il y a une exception faite pour le cadet lorsqu’il est seul à la
maison certains soirs. Dans la famille monoparentale, le chat a interdiction de dormir avec
deux membres de la famille seulement, la mère, car elle n’apprécie pas d’avoir un animal
dans son lit, et le cadet pour des raisons de santé. Enfin, dans la famille recomposée, les
chats peuvent dormir où ils veulent mais n’ont pas le droit de rester dehors pendant la nuit.
En dehors de ces règles, deux familles sur les trois interrogées, la famille recomposée et la
famille monoparentale, considèrent que leur animal est très « libre » de manière générale.
La famille nucléaire stable insiste en revanche beaucoup sur la bonne « éducation » de son
animal qui a dû s’adapter à son « rythme de vie ». En ce qui concerne les sanctions
données à l’animal en cas de transgression d’une règle, les familles monoparentale et
nucléaire stable haussent la voix pour faire comprendre à l’animal qu’il a fait une bêtise.
En revanche, si dans la famille nucléaire stable le chat reçoit aussi des « tapes », il n’en est
pas de même dans la famille monoparentale. Dans cette dernière, les châtiments corporels
sont proscrits aussi bien pour le chat que pour n’importe quel membre de la famille. Les
membres de la famille recomposée, quant à eux, évoquent au contraire avec humour les
« bêtises » faites par leurs chats et pensent que leur présence les a tous rendus « plus
tolérants ».
Enfin, l’analyse des entretiens réalisés nous permet de constater que l’animal de
compagnie peut être un véritable révélateur du fonctionnement familial, voire est un
facteur de maintien de ce fonctionnement. En effet, la famille recomposée est une
famille dans laquelle les membres sont très indépendants les uns des autres, comme le
souligne la fille aînée. Pour conserver cette indépendance, il faut donc que chacun ait son
chat sinon des tensions se créent comme cela a été le cas entre les deux sœurs avant
l’arrivée de Lilou. A chaque fois qu’une nouvelle personne arrive dans la famille, un
nouveau chat est alors adopté. C’est pourquoi, ces chats « de hasard » comme les appelle
Mme D., ne le sont peut-être pas tant que ça. Nous pouvons même remarquer qu’il semble
y avoir une sorte de correspondance entre le groupe des chats et celui des humains. Aux
trois femmes de la famille auxquelles sont venus s’ajouter Monsieur D. et son fils,
s’oppose le groupe des trois mâles de ces femmes dans lequel la femelle de Monsieur D.
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tente de « trouver sa place ». De plus, les chats sont en eux-mêmes une règle dans cette
famille, puisque l’amour des chats est un critère d’adhésion au groupe familial. Pour que
cette famille recomposée fonctionne il fallait donc que les nouvelles personnes arrivant
partagent l’amour des chats des trois femmes et qu’un nouveau chat soit adopté.
Concernant la famille nucléaire stable, le discours de ses membres à propos du chat nous
renseigne sur la place particulièrement importante que semble tenir le cadet. En effet, bien
que ce chat ait été réclamé par les deux fils, tous en parlent comme du « chat de Léo » et
non comme du chat de la famille. Si la mère était réticente à l’idée de prendre un animal,
le meilleur argument qui pouvait la convaincre était de prendre cet animal « pour » le plus
jeune de ses fils. De plus, cette famille impose beaucoup de règles à l’animal et est celle
qui donne les sanctions les plus sévères (haussement de voie et châtiment corporel) ce qui
montre l’importance accordée à l’éducation dans celle-ci. La mère pense d’ailleurs que le
chat est un très bon « support éducatif » car il permet de transmettre plus facilement
certaines règles aux enfants. Cette aide éducative est aussi soulignée par la mère de la
famille C. Cette dernière pense que ses enfants ont intégré « naturellement » certaines
« règles de vie » grâce à la chienne.
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DISCUSSION DES RESULTATS
D’après l’analyse précédente, nous pouvons désormais reprendre les hypothèses que
nous avions formulées en amont de cette recherche.
La première hypothèse que nous avions formulée était que l’animal de compagnie
favorisait l’adaptation du système familial lors de crises et de transitions difficiles. Nous
avions vu en effet que selon Elkaim (1995), le système familial se développe au cours du
temps en passant par un certain nombre d’étapes. Ces phases de vie familiale selon Haley
(1973) comprennent notamment les noces, l’arrivée des enfants, le départ des enfants, la
retraite, la vieillesse... De plus, le système familial est soumis constamment à des
perturbations et à des demandes de changement pouvant remettre en cause son équilibre
(déménagement, chômage...). C’est donc au rôle de l’animal durant ces étapes et perturbations
que nous nous sommes intéressé. Or sur les trois familles rencontrées, une a adopté son
animal pour compenser le départ des aînés de la fratrie et les deux autres ont souligné le rôle
important et le réconfort que leur chat leur avait apporté au moment du divorce des parents.
La famille interrogée durant la phase exploratoire vient aussi confirmer cette hypothèse
puisque la chienne qu’ils ont adoptée est arrivée au moment d’un déménagement et a facilité
ce dernier. De manière générale, toutes les familles, y compris la famille C., estiment aussi
que leur chat était un véritable soutien dans des moments difficiles plus individuels. Or la
famille étant considérée comme un système, tout changement d’un de ses éléments retentit sur
tout le système. Ces réconforts au niveau individuel ont donc eu des répercussions au niveau
familial. Si l’un des membres est apaisé par l’animal, c’est tout le groupe familial qui s’en
retrouve par conséquent apaisé. Au regard de ces résultats nous pouvons donc valider notre
première hypothèse.
Dans notre deuxième hypothèse, nous avions supposé que l’animal permettait de
réguler les relations entre les membres du système familial, c’est-à-dire qu’il était un
facteur d’interactions positives et d’apaisement des conflits. Concernant les relations
positives, l’animal est considéré dans toutes ces familles comme un objet commun qui
rassemble les membres du système familial et favorise la conversation entre eux. Il est non
seulement un sujet de discussion qui les concerne tous et sur lequel ils sont toujours d’accord,
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mais il peut aussi être un médiateur dans la communication comme nous l’avons vu dans la
famille nucléaire stable. De plus, il apporte un climat familial positif et un équilibre affectif à
travers les moments de jeux qu’il permet et les besoins affectifs de chacun qu’il comble, voire
compense pour certains membres. Il va apporter de la joie et de l’humour au sein de la famille
et va permettre de rééquilibrer les rapports affectifs entre les membres en donnant et en
recevant l’affection que certains membres ont plus de difficultés à donner ou à recevoir de la
part des autres membres du groupe. En effet, d’après François Nourrissier « c’est difficile les
gestes d’affection dans la vie, de plus en plus. Alors qu’un animal, on le caresse, on met la
main sur lui, et ça [...] c’est une conquête formidable. » (Hennig, Hocquenghem, 1984).
Encore une fois, la famille étant un système, si les besoins individuels de chacun sont comblés
par l’animal, c’est tout le groupe familial qui va être rééquilibré. Mais si le rôle de l’animal
dans les interactions positives a été démontré dans toutes les familles, il n’en est pas de même
en revanche pour son rôle dans les conflits qui n’est souligné que par un seul membre de la
famille monoparentale et par la famille C. en phase exploratoire. Notre deuxième hypothèse
n’est donc que partiellement validée.
Nous basant sur les propos d’Heiman (1965), nous avions ensuite posé comme
troisième hypothèse que l’animal de compagnie était un support de projection,
d’identification et de déplacement. Dans les trois familles rencontrées, ainsi que dans la
famille C. en phase exploratoire, nous retrouvons en effet de tels mécanismes. Les
mécanismes de projection se rapportent principalement à des sentiments d’amour sans
jugement, ainsi qu’à une capacité de compréhension. Les sujets interrogés affirment que leur
animal les « aime » et les « comprend ». Ces projections peuvent même aller jusqu’à élever
l’animal au statut d’un être humain. La famille nucléaire stable est la seule famille qui ne met
pas l’animal au même niveau que les membres humains du groupe. Dans toutes les autres
familles rencontrées en revanche, l’animal est considéré comme un membre de la famille,
voire comme un enfant supplémentaire ou le substitut d’un enfant absent. Concernant les
mécanismes d’identification, nous en avons repéré deux : l’identification du père à la chatte
de sa grand-mère dans la famille recomposée, et l’identification des enfants à l’animal dans la
famille nucléaire stable lorsqu’il s’agit d’intégrer des règles. Les mécanismes de déplacement,
quant à eux, concernent surtout l’affection donnée à l’animal et qui vient compenser celle qui
ne peut être donnée aux autres membres de la famille, ou du moins plus difficilement. Ces
besoins affectifs sont donc déplacés sur l’animal. Tous ces mécanismes seraient dus au fait
que l’animal est un être vivant qui ne parle pas. Son absence de parole fait de lui le support
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parfait de toutes les projections et identification. Ses propriétaires peuvent ainsi parler à sa
place, lui attribuer des sentiments et interpréter ses postures et ses comportements en fonction
de ce dont ils ont besoin, que cela soit conscient ou non. Tous ces résultats vont donc dans le
sens de notre troisième hypothèse.
Enfin, notre dernière hypothèse suggérait que l’animal était structurant et
permettait au système de s’organiser. Nous basant sur l’approche structurale de Minuchin,
nous entendions par là que l’animal allait offrir la possibilité d’instaurer des rôles, des règles,
des rapports d’autorité, des frontières etc. Or dans les trois familles interrogées, ainsi que dans
la famille C., l’adoption de l’animal a impliqué l’instauration d’une véritable organisation
autour de son entretien. Il a fallu déterminer qui allait s’acquitter de telle ou telle tâche, quels
interdits il fallait lui imposer et que faire en cas de transgression, quelles règles allait encadrer
son entretien (ex : l’emmener en vacances ou non, lui donner à manger à des heures fixes ou
quand il réclame...) etc. Dans les familles rencontrées ce sont les parents, et principalement la
mère, qui ont pour tâche de s’occuper de l’animal et ceci vient confirmer et préciser leurs
rôles et leurs responsabilités de père et mère de famille. De plus, des règles et des interdits
sont établis à propos de l’animal. Trois interdictions sont communes à toutes les familles mais
des différences existent concernant l’endroit où l’animal dort la nuit et le rythme de ses repas.
La présence de l’animal rappelle que dans un système familial il y a des règles de
fonctionnement et ces règles sont ainsi mieux transmises, notamment aux enfants, car
l’animal va être pour eux un véritable modèle identificatoire. Ainsi, interdire à l’animal de
voler la nourriture ou de faire ses griffes sur le canapé, par exemple, permet d’apprendre aux
enfants qu’il ne faut pas voler de manière générale et qu’on ne détériore pas le mobilier. La
sanction donnée à l’animal, qu’elle soit orale ou corporelle, renverra aussi à la punition que
l’enfant peut recevoir s’il ne respecte pas certaines règles. C’est pour cette raison que l’animal
est considéré comme une véritable aide éducative par les parents. Le rapport d’autorité établi
avec l’animal va renvoyer au rapport d’autorité parents/enfants non seulement parce que
l’enfant va voir ses parents s’occuper de l’animal, lui poser des interdits et le sanctionner si
besoin, mais aussi parce que lui-même va pouvoir exercer cette autorité sur l’animal. Il devra
comme ses parents s’en occuper en cas de besoin et lui faire respecter les règles familiales. De
plus, l’animal va avoir un impact sur les frontières entre les sous-systèmes du système
familial, c’est-à-dire entre ses membres. L’interdiction qu’a l’animal de dormir dans les lits
dans la famille nucléaire stable, par exemple, rappelle aux enfants qu’eux-mêmes ne doivent
pas dormir dans le lit de leurs parents. De même, le rapprochement avec l’animal peut
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permettre au sous-système enfants de ne pas se laisser déborder par le sous-système parents,
comme ça a été le cas dans les familles recomposée et monoparentale lors du divorce. En se
rapprochant de leur animal à ce moment-là les enfants ont pris de la distance avec le conflit
parental. Enfin, dans la famille recomposée la multiplicité des chats permet à chacun des
membres de conserver son indépendance. Nous pourrions y voir là le maintien de frontières
trop rigides entre les membres mais il semblerait que c’est ainsi que cette famille fonctionne
le mieux, car lorsque chacun n’a pas son chat cela crée des conflits. Nos résultats confirment
donc les propos de Walsh (II, 2009) et nous permettent de valider notre dernière hypothèse
selon laquelle l’animal est structurant pour le système familial.
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CRITIQUES ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE
L’objectif de notre travail était de mieux comprendre l’implication de l’animal de
compagnie dans l’autorégulation du système. Les résultats obtenus montrent que l’animal
n’est pas un élément neutre au sein du système familial, comme le serait un meuble ou une
plante verte. Il appartient au contraire à la structure du système et va agir sur son organisation
et son fonctionnement. Bien que nos résultats soient à nuancer pour les raisons que nous
allons citer ensuite, nous pouvons malgré tout dire que l’animal va participer au maintien de
l’équilibre du système et sera structurant. Parce que son statut d’être vivant privé de parole
fait de lui le support parfait de toutes les projections et identifications des autres membres de
la famille, il va faciliter l’adaptation du groupe familial aux changements et difficultés
auxquels il est soumis et va favoriser les interactions positives au sein du système. Qu’il soit
le substitut d’une personne absente (père parti de la maison, fille que les parents n’ont jamais
eue, aînés qui quittent le domicile familial...), le confident à qui on peut parler sans avoir
l’impression d’être jugé, l’ami qui va nous réconforter et nous donner de l’affection, l’objet
commun dont tous se préoccupent et qui met tout le monde d’accord, ou encore une aide
éducative pour les parents ou un modèle hiérarchique pour les enfants, chacun de ces rôles
que revêt l’animal va aider le système à maintenir un fonctionnement homéostatique et à
durer dans le temps.
Toutefois, même si nos observations vont dans le sens de nos hypothèses, nous tenons
à souligner les limites de notre travail. Ces limites sont inhérentes à tout travail de recherche
malgré la rigueur que nous avons tentée de respecter. Tout d’abord, il convient de souligner
que notre échantillon étant très restreint et pas parfaitement homogène, il ne prétend pas à une
quelconque représentativité. Seules quatre familles ont été rencontrées au total, l’une des
familles possédait plusieurs chats et non un seul car il s’agit de la seule famille recomposée
avec trois enfants qui a répondu à notre appel à témoins. De plus, l’une des familles que nous
avons utilisée pour l’analyse de nos résultats avait été interrogée lors de notre phase
exploratoire. Elle ne présentait donc pas les mêmes caractéristiques (un chien et quatre
enfants) et n’avait pas été interrogée dans les mêmes conditions (entretiens individuels). Or
l’espèce de l’animal et les conditions de l’entretien sont des variables importantes à prendre
en compte dans le cadre de notre sujet de recherche. Enfin, il est important de rappeler que
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notre subjectivité durant la passation des entretiens et l’analyse du discours des personnes
rencontrées, ne doit pas être négligée même si elle est intrinsèque à tout travail clinique. Face
à tous ces éléments, nous devons donc rester prudent quant aux conclusions tirées de notre
étude.
Afin de confirmer, réfuter ou compléter nos résultats, il conviendrait donc par la suite
de réaliser d’autres études. Il serait alors intéressant d’interroger un seul type de famille (ex :
famille nucléaire stable ou famille monoparentale) et de faire varier le nombre d’enfants dans
la fratrie ou l’espèce et le nombre des animaux de compagnie. Nous parlons en effet toujours
de l’effet de « l’animal » mais il serait intéressant de voir s’il existe des différences en
fonction des espèces. Le chien, de par l’entretien, et donc l’organisation plus importante qu’il
demande et du fait de son caractère jugé fidèle et affectueux est-il plus régulateur que le chat,
dont les propriétaires apprécient l’indépendance et l’autonomie ? Les oiseaux, les poissons et
les autres petites espèces que l’on garde dans une cage ont-ils aussi un effet régulateur ? De
même, faire varier le nombre d’enfant dans la fratrie, et donc le nombre d’éléments du
système pourrait permettre d’observer d’autres mécanismes d’autorégulation. Parmi les
processus régulateurs que nous avons vus dans l’approche systémique, il en est un que nous
n’avons pas observé dans le cadre de cette recherche : le processus de triangulation de Bowen.
Nous pourrions alors chercher à l’observer dans les fratries de deux enfants ou dans les
familles monoparentales avec un seul enfant.
Le choix de l’entretien semi-directif nous semble être l’outil le plus pertinent pour
continuer dans ce domaine de recherche. Toutefois, la question de l’entretien collectif nous
interroge car il présente l’inconvénient de limiter l’expression de chacun. Dans les entretiens
réalisés il y avait toujours une ou deux personnes qui prenaient la parole et les autres membres
n’intervenaient que très peu, même lorsqu’ils étaient sollicités. Nous n’avions donc pas
réellement le point de vue et le ressenti de tout le monde. Malgré tout l’entretien collectif nous
semble mieux correspondre à l’approche systémique qui est la nôtre car il permet une
approche groupale et une observation du fonctionnement familial et des interactions. Il serait
alors peut-être judicieux de réaliser certaines études avec des entretiens collectifs, et d’autres
avec des entretiens individuels. Ces deux outils pourraient être complémentaires pour mieux
approfondir la fonction régulatrice de l’animal de compagnie au sein de la famille.
Pour conclure, il nous semble important de rappeler que l’objet de notre recherche est
encore sous-estimé et peu étudié en sciences humaines, la majorité des études sur les relations
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anthropozoologiques s’intéressant principalement aux bienfaits des animaux sur la santé et
auprès de deux types de population : les enfants et les personnes âgées. Or, nos résultats et
ceux des études que nous avons citées au début de ce mémoire, montrent que la prise en
compte de l’animal dans les thérapies familiales pourrait être une aide précieuse dans la
compréhension et l’accompagnement des familles. Il ne s’agit pas de faire l’apologie de
l’animal de compagnie et de voir en lui un remède à tous les maux familiaux, mais plutôt de
prêter une attention plus importante aux effets de sa présence au sein de la famille et de
l’envisager comme une aide thérapeutique. Dans une famille dans laquelle les rapports
hiérarchiques ne sont pas respectés, par exemple, si le thérapeute prend en compte le modèle
hiérarchique que constitue l’animal pour l’enfant, il pourrait commencer par demander aux
parents d’imposer d’avantage de règles au chien de la famille et de le punir en cas de
transgression, puis de demander à l’enfant de s’impliquer dans l’éducation du chien, plutôt
que d’agir directement sur la relation parents/enfant.
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ANNEXES
ANNEXE 1 : L’animal de compagnie dans nos foyers : Etudes française et belge ............ 90
ANNEXE 2 : Entretien avec la famille recomposée : la famille D. ..................................... 91
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ANNEXE 1 : L’ANIMAL DE COMPAGNIE DANS NOS FOYERS : ETUDES
FRANÇAISE ET BELGE
CHIENS
CHATS
Maison particulière
77,4%
68,2%
Avec un jardin
74,7%
64,8%
Localisation rurale (moins de 200 habitants)
39,3%
32,6%
Taille du foyer : 3 et plus
46,6%
42,9%
Nombre d’enfants : 1 et plus
36,9%
34,5%
Présence d’un adulte au foyer = oui
63,1%
54,7%
FACCO/TNS SOFFRES 2010
CRIOC/avril 2012
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ANNEXE 2 : ENTRETIEN AVEC LA FAMILLE RECOMPOSEE : LA FAMILLE D.
Ier (Interviewer)
3 enfants : Claire (19 ans) ; Laura (11 ans) ; Hugo (12 ans et demi)
La mère : Virginie
Le père : Vincent
Interviewer : Alors, moi comme je vous l’ai dit je m’intéresse à la place de l’animal de
compagnie au sein de la famille. Donc j’aurais déjà voulu savoir si vous pouviez me présenter
vos quatre chats ?
Claire : Donc le plus vieux s’appelle Toulouse, il a environ...
Laura : Il a 18 ans.
La mère : Je l’ai eu pour mes 30 ans il y a 17 ans donc... heu... il est pas tout jeune.
Laura : Donc il va avoir 18 ans. Ou il a 18 ans.
Claire : Enfin il se porte bien
Ier : D’accord.
Claire : Ensuite on a Negresco, qui lui doit avoir 13 ans.
Ier : Negresco ? Ca s’écrit comment ?
Claire et la mère : Negresco, comme le nom de l’hôtel.
La mère : A Cannes
Claire : Personne le connait (rires)
Ier : D’accord Donc il a 13 ans ?
Laura : Il a un an de plus que moi.
Claire : Ba on l’avait récupéré il était déjà âgé.
La mère : Oui il était déjà âgé.
Ier : D’accord.
Claire : Ba ensuite heu... Lilou
La mère : On va faire dans l’ordre d’arrivée.
Laura : Il a un an.
Ier : D’accord.
Claire : Et puis Minouchka qui a 3 ans.
Le père : Michouka c’était la chatte de ma grand-mère.
Ier : D’accord.
La mère : Donc trois chats et une chatte.
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Ier : D’accord. Et est-ce que vous pouvez me raconter comment ces quatre chats sont arrivés
dans la famille ?
La mère : Alors Toulouse... Moi j’avais déjà eu un chat qui s’appelait Caramel.
Claire : Puis t’en avais eu un autre avant aussi.
La mère : Non j’ai eu Caramel...
Claire : Berlioz tu l’as pas eu avant ?
La mère : Non Berlioz je l’ai eu... Ah si ! Berlioz je l’ai eu à la mort de Caramel ! Donc moi
en fait j’avais une passion pour les chats que je n’ai jamais pu assouvir parce que mon père
détestait les chats. Donc on avait que des chiens. Dès que j’ai pu être étudiante j’ai pris un
chat ! Donc Caramel est décédé. On a récupéré un chat à la SPA qui est décédé depuis et qui
s’appelait Berlioz. Et puis j’avais une maison du côté de Saint M****** et il y avait un chat
qui systématiquement rentrait dans la maison. J’avais beau le ramener chez les voisins, c’était
une famille un petit peu... qui avait des difficultés sociales quoi, qui avait des enfants, des
chiens etc. Bref. On ramenait systématiquement le chat et le chat sans arrêt, il n’y avait pas
deux minutes qu’il était chez ses propriétaires qu’il revenait. Donc on a gardé le chat car il
voulait vraiment rester à la maison. Et puis il est jamais reparti. Toulouse est arrivé comme ça.
Et comme j’aimais les chats et qu’un chat entraine un autre onc on l’a récupéré, on a
commencé par deux chats. Negresco ? (en regardant Claire)
Claire : Ba après Negresco, j’étais dans le jardin avec ma cousine à Saint M*****, on a
entendu un chat miauler qui était chez les voisins, complètement paumé, il avait abandonné.
Donc on l’a récupéré.
Ier : D’accord.
La mère : Et il est resté.
Laura : Et Lilou... En fait on avait une chatte avant dans l’ancien quartier où on habitait et
elle a eu des petits. Avec ma voisine on s’en est occupé, donc on a donné les petits. Et puis il
en manquait un, qu’on avait pas donné, donc finalement on l’a récupéré.
La mère : C’était une chatte errante.
Ier : D’accord.
La mère : Et il est resté. Et Minouchka ? (en regardant son compagnon)
Le père : Ba c’est la chatte de ma grand-mère qu’on a récupérée.
Ier : D’accord.
La mère : En fait on l’a récupérée parce qu’elle pouvait plus s’en occuper.
Le père : A 88 ans...
La mère : C’est la dernière arrivée, ça fait pas longtemps qu’elle est là.
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Laura : Il y a trois semaines.
La mère : Oui ça fait trois semaines ? Un mois ? Qu’on l’a récupérée ?
Ier : D’accord.
La mère : Alors ça ne va pas sans difficultés. Car les trois chats s’entendaient bien, même
avec Berlioz, non Berlioz heu... Les trois chats s’entendaient bien. L’arrivée de la chatte a un
peu déséquilibré les chats.
Ier : D’accord.
Claire : Enfin elle est croisée avec un siamois aussi donc elle a un peu un caractère de chien
(rires).
La mère : C’est le cas de le dire (rires). Pour l’instant elle veut un peu... comment dire...
commander au sein des chats. Parce que normalement il y a une hiérarchie, mais nous on ne
s’en occupe pas. Donc le chef c’est le plus vieux, Toulouse, ensuite il y avait Negresco, et
puis après il y avait Lilou. Et puis là elle est en train de vouloir supplanter Toulouse.
Claire : Ba elle veut devenir Calife à la place du Calife.
La mère : Ouai. Donc Toulouse visiblement a réussi à récupérer son statut. Negresco comme
il est malade, il est diabétique, il a pas la force de se battre avec elle, mais elle a l’air de le
respecter.
Claire : Non elle l’embête pas trop.
Laura : Non elle embête Lilou
La mère : Par contre elle terrorise notre dernier chat qui dès qu’il la voit disparait.
Ier : D’accord.
La mère : Donc ce sont des chats de hasard. Oui à chaque fois ce sont des chats récupérés.
Claire : Ba il n’y a eu que Berlioz qu’on a adopté
La mère : Qu’on avait adopté à la SPA, parce que Caramel c’est pareil c’est un chat que
j’avais récupéré.
Laura : Et Simba ?
La mère : Alors il y a eu Simba aussi, qui pareil était un chat qu’on avait récupéré. Donc
voilà on récupère les chats nous (rires).
Ier : D’accord. Donc pour ces quatre chats-là, en tout cas, ça n’a jamais été une réflexion
avant de « on prend un chat »...
La mère : Non. C’est le hasard. Enfin, le fait est, aussi, que moi j’aimais bien les chats. Enfin
j’ai une passion pour les chats qui s’est transmis.
Claire : On adore les chats.
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La mère : D’ailleurs il y en a partout (me montre ses figurines de chats posées partout dans la
maison) (rires). Et puis je sais pas je crois que les chats ils choisissent leur famille en fait.
Donc heu... quatre chats là en fait je crois que c’est suffisant quand même.
Claire : Enfin après j’en ramènerai un sur A***** l’année prochaine.
La mère : Alors ceci dit si le chat arrivait et qu’il restait...
Laura : Tu en aurais un cinquième !
La mère : Je le garderai (rires). Mais c’est tout à fait le hasard. Il n’y a pas eu de...
Claire : On n’a pas si pendant un moment... si il me semble...
La mère : Ba la chatte errante si, on l’avait emmenée avec nous quand on a déménagé et puis
elle est restée trois-quatre jours et elle est repartie.
Ier : D’accord.
La mère : Donc il y a le choix des chats et il y a le choix du chat.
Ier : Donc vous m’avez dit que vous aviez déménagé. Vous avez déménagé quand ?
Laura : Décembre.
La mère : Alors là on a déménagé en décembre. Mais en fait on a déménagé plusieurs fois et
à chaque fois les chats nous suivaient.
Claire : Ils ne partent pas.
La mère : Oui ils ne partent pas. Ils restent.
Claire : Ba ils sont nourris, logés, pouponnés... Je crois pas qu’ils vont partir (rires).
La mère : Donc on garde les chats.
Ier : D’accord.
La mère : Et ils ont fait maison, appartement... et à chaque fois ils s’adaptent.
Ier : D’accord. Et est-ce qu’il y en a qui sont arrivés justement au moment des
déménagements ?
Laura : Lilou est arrivé juste un peu avant le déménagement.
La mère : On l’a récupéré quand ? Mai ? Juin ?
Claire : On l’a récupéré mi mai.
Laura : Non fin juin, début juillet.
La mère : avant les vacances.
Claire : Oui avant les vacances.
La mère : Et on a déménagé en décembre. Mais c’était le hasard en fait.
Ier : D’accord. Donc à part Minouchka vous les avez tous eu quasiment à la naissance ou... ?
La mère : Non aucun.
Laura : Si Lilou.
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La mère : A part Lilou qui était un peu plus jeune...
Claire : Ba on l’a eu quand il est né.
La mère : Mais on l’a pas récupéré tout de suite.
Le père : On l’a eu un peu après.
La mère : On a dû le récupérer à 2-3 mois quand il était sevré. Non sinon tous les autres
étaient à chaque fois un peu âgés. Le plus vieux qu’on a récupéré ça devait être Minouchka.
Et Negresco il devait avoir à peu près... un an. Toulouse pareil il devait avoir à peu près un an
aussi.
Ier : D’accord.
La mère : On n’a jamais vraiment eu de chaton.
Claire et Laura : Ba à part Lilou.
La mère : Ba c’est pareil il avait...
Laura : Ba si Lilou on l’a eu à moins d’un an !
La mère : Berlioz c’est pareil quand on l’avait récupéré il avait environ un an.
Claire : Si après il y a eu Simba par contre qui était très très jeune.
La mère : Simba était petit ?
Claire et Laura : Oui.
La mère : Et Caramel je l’ai eu chaton si. Mais ça a été le hasard, c’est el chaton qui est venu
à moi.
Ier : D’accord. Et Caramel et Berlioz les enfants les ont connus ?
La mère : Ba Caramel toi tu l’as connu (en s’adressant à Claire) mais t’étais toute petite.
Berlioz...
Laura : Il est mort j’étais toute petite.
La mère : Hugo, ba non.
Hugo : Non.
La mère : Toi t’as connu que Toulouse, Negresco... enfin les derniers chats.
Laura : Et maman t’as oublié Lili !
La mère : Si on a parlé de la chatte errante.
Laura et Claire : Non t’as parlé de ta chatte mais pas de Lili.
Laura : En fait sa chatte avait déjà eu des enfants et on avait essayé d’adopter une femelle qui
s’appelait Lili mais en fait elle est partie.
Claire : Elle a pas voulu rester.
La mère : Elle s’entendait pas avec les chats.
Laura : Mais on l’avait eu chaton.
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La mère : Ba en fait c’était la petite de la chatte errante. Et la mère a dû chasser la petite je
pense aussi. Et puis les chats ne s’entendaient pas du tout avec. Ils s’autogèrent quoi !
Ier : D’accord. Et donc Lili... je suis désolée j’essaie de suivre un peu... Lili elle est arrivée
quand ?
La mère : Lili c’était avant Lilou. Un an avant environ. Mais on l’a eu quoi, un mois ?
Ier : D’accord.
Claire : Mais elle était mignonne.
La mère : Elle était de passage en fait.
Ier : Donc c’est la seule finalement qui n’est pas restée ?
La mère : En fait on n’a jamais retenu les chats. On les rentre, ils restent et s’ils restent pas,
ils s’en vont. On est toujours partis du principe que le chat il choisissait sa maison en fait.
Ier : Et vous (en s’adressant au père) est-ce que vous aviez déjà eu des animaux avant ? Dans
votre enfance ?
Le père : Non.
Hugo : Si Canaille.
Le père : Ba j’étais adulte, merci. Mais non, on était en appartement donc...
Ier : D’accord.
Le père : Mais si on avait eu un animal ça aurait été un chien.
Ier : D’accord. Par contre vous avez eu des chats après ? Canaille c’est ça ?
Le père : Oui, deux.
Ier : D’accord.
Le père : J’en avais eu une avant mais elle s’est échappée. On l’avait déjà récupéré une
première fois, mais elle est repartie un an après.
[Incompréhensible sur l’enregistrement]
La mère : Nous même si on les emmène en vacances ils restent !
Claire : Mais on fait quand même attention à ce qu’ils ne partent pas. Parce que Toulouse...
La mère : Ba Toulouse comme il est un peu âgé on fait attention.
Le père : Il se met à miauler, il est paumé dans la maison
Laura : Mais il est moins perdu depuis que Lilou est arrivé.
La mère : Oui le jeune chat s’est occupé du plus vieux. Et c’était sur le conseil aussi du
vétérinaire, parce qu’il était désorienté et en fait la vétérinaire nous a dit « essayez de prendre
un petit chat et peut-être que le petit chat va s’occuper du vieux chat ». Et puis finalement ça
s’est fait naturellement. Le jeune chat est arrivé et il a pris en charge le vieux chat. Ce qui fait
qu’il est beaucoup moins désorienté qu’avant.
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Ier : D’accord. Et donc vous m’avez dit que vous adoriez les chats, mais pourquoi plus les
chats que les chiens par exemple ?
La mère : C’est une question de tempérament je crois.
Claire : Un chat s’est indépendant, ça ne se dresse pas, c’est libre de faire ce qu’il veut.
La mère : Alors qu’un chien...
Claire : Faut s’en occuper, c’est incapable de vivre seul, il est incapable de faire quelque
chose seul...
La mère : Alors que nous ce qu’on aime dans le chat c’est que c’est libre, ça a du caractère
Claire : Non et puis ça choisit sa maison, c’est autonome par lui-même.
Le père : On vit chez le chat.
La mère : Oui et puis on vit chez le chat.
Le père : Alors que le chien vit chez ses maîtres.
La mère : Alors que nous on a accepté de vivre chez les chats. Ceci dit on en est déjà rendu
au troisième ou quatrième canapé (rires). On vit vraiment chez les chats.
Ier : D’accord. Et admettons, si vous aviez eu un chien, ça se serait passé comment ?
Claire : Ba on s’en serait occupé mais de là à avoir la même attitude qu’avec des chats... je
pense que ça aurait été différent.
La mère : Je pense que ça aurait été beaucoup plus difficile, car chez mes parents j’avais eu
un chien...
Le père : Le chien faut le sortir.
La mère : Enfin il faut un maître à un chien. Et moi comme je n’ai pas d’autorité sur les
animaux... je les laisse faire un peu ce qu’ils veulent... ça n’aurait pas été gérable. Le chien
aurait pris l’ascendant sur le maitre. Ca ne veut pas dire que le chat ne prend pas l’ascendant
mais c’est dans son tempérament. Le chien il a besoin d’être dominé, d’avoir un maître, donc
je pense qu’on aurait eu plus de difficultés avec le chien.
Ier : D’accord.
Le père : Le chien c’est beaucoup plus d’entretien, faut le promener en laisse, faut le laver,
l’emmener faire ses besoins...
Claire : Et puis c’est beaucoup plus propre un chat aussi.
La mère : Tu trouves ?
Claire : Oui. Non mais attends un chien ça pue, t’imagines ?!
La mère : C’est vrai qu’on n’est pas chien. C’est curieux parce que moi j’ai été élevée avec
des chiens mais j’ai pas d’attirance pour les chiens.
Ier : Vous n’avez pas de bons souvenirs avec ces chiens ?
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La mère : Si ! Au contraire ! Mais c’est vrai que ça a un tempérament beaucoup plus soumis.
Après c’est vrai que j’arrivais jamais à sortir le chien, c’est lui qui me promenait, qui me
poussait. Je me rappelle que j’avais un lit appuyé contre le mur et le chien avait pris
l’habitude de dormir avec moi dans le lit. Il se mettait contre le mur, et c’est moi qui sortais
du lit quoi. Donc heu... (rires).
Claire : Enfin les chats ont la même habitude !
La mère : Oui mais alors eux ils grimpent sur mon dos, ils vont dormir à mes pieds, c’est pas
la même chose. Enfin moi j’arrive plus à vivre avec le chien qu’avec le chat. Enfin heu...
Laura et la mère : Avec le chat qu’avec le chien
La mère : Enfin sinon les chiens me posent pas de problème. Mais d’entrée, non je vais pas
aller vers... on n’a jamais eu une rencontre avec un chien, un chien qui est venu à la maison et
qui...
Claire : Et qui s’est installé.
La mère : Alors que les chats ça se fait par hasard quoi.
Le père : C’est plus naturel.
La mère : Le chien je pense qu’il y a plus une démarche, faut aller chercher le chien.
Ier : D’accord. Donc justement j’aurais bien aimé savoir aussi comment la famille s’organise
autour des chats ? Par exemple qui le nourrit ? Qui nettoie la litière ? Etc.
(Le père rit)
Le père : Ca c’est la question qui tue ça !
Claire : Quoi ?
Le père : Ba t’es pas là la semaine ça se voit !
La mère : Oui ça se voit ! Alors la nourriture heu... je pense que c’est nous qui nourrissons
les chats.
Le père : Oui.
Laura : Nous ça veut dire qui ?
La mère : Moi et Vincent.
Claire : Moi je suis jamais là la semaine !
Laura : Et attends moi je les nourris souvent ! Surtout Negresco je lui fais sa piqûre aussi !
La mère : Alors la nourriture je dirais que tu interviens quand on n’est pas là ou que les chats
ont faim.
Laura : Non ça c’est pour l’eau.
La mère : Ou quand les chats ont soif.
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Claire : Je te rassure ils n’ont pas besoin. Toutoune il se ramène, il te tire jusqu’à sa gamelle,
c’est très compréhensible !
La mère : Oui quand ça fait un certain temps qu’ils attendent heu... Ils finissent par venir te
chercher.
Le père : Ba ce matin il l’a encore fait. Il attendait que ça que tu lui serves sa gamelle.
La mère : Donc on peut dire ça. Les caisses... c’est principalement nous qui nettoyons les
caisses.
Laura : Moi je nettoie plutôt le soir.
Le père : Hum hum...
La mère : Je crois qu’on n’a pas tout à fait la même...
Le père : Notion du temps !
La mère : Ouai ! Après les soins des chats... alors à ta décharge... c’est vrai que normalement
c’est moi qui soigne Negresco, mais
Laura : Là c’est moi qui le fais
La mère : Et puis ba là comme il lui faut des injections...
Le père : à des heures régulières
La mère : à des heures fixes, pour l’insuline, Laura s’est mis à la piqûre. Claire non.
Claire : Ah je ne peux pas piquer un chat.
Laura : Oui mais un jour tu le feras, quand on sera pas là...
Claire : Oui et ba ce jour-là je serai bien obligée de le faire mais pour l’instant...
Laura : Mais tu feras comment si t’as pas appris ? Tu peux pas le faire, faut apprendre !
Claire : Non mais j’ai bien vu comment maman elle faisait pour piquer.
Laura : Tu sais même pas comment on fait pour passer l’insuline.
La mère : Enfin en règle générale c’est quand même plus les adultes qui s’occupent des chats
que...
Claire : Ca dépend. Moi la semaine je suis pas là, donc je vois pas comment je peux...
Maintenant comme je suis actuellement à la maison c’est moi qui ramasse les « pipi » de
Negresco devant l’entrée, et ses « cacas ».
La mère : Oui parce que comme il est diabétique il souffre un peu d’incontinence.
Laura : Oui mais avant quand t’étais pas là c’est moi qui le faisais hein !
Claire : Oui mais avant je n’étais pas là.
Laura : Oui ba ça fait deux semaines !
La mère : La plupart du temps il faut toujours une minute pour savoir qui va nettoyer le pipi
du chat.
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Laura : Ba la plupart du temps c’est moi parce que vous vous faites la cuisine parce que je
suis trop petite pour la faire. Donc c’est toujours moi.
[Claire éclate de rire]
Le père : Les faux prétextes ! (rires)
La mère : Tout le monde veut bien les chats mais personne ne veut les corvées du chat en
clair !
Claire : Tu rigoles c’est moi qui me tape Mimi hein !
Laura : Oui mais ça c’est ta chatte !
Claire : Oui mais j’y peux rien moi elle a élu domicile dans ma chambre !
La mère : Après globalement Hugo toi tu interviens ponctuellement quand t’es là.
Hugo : Oui.
La mère : Et si on te le demande !
Ier : D’accord.
La mère (en s’adressant à Hugo) : Toi finalement t’es plus avec ta chatte chez ta mère.
Hugo : Oui.
Ier : D’accord. Et est-ce qu’il y a des règles, des interdits autour des chats ? Si j’ai bien
compris ils ont le droit de monter sur le canapé par exemple ?
La mère : Alors on essaie qu’ils ne montent pas sur la table.
Claire : Ca c’est une nouveauté, parce qu’avant il n’y avait pas de souci.
Le père : Ba c’est Minouchka surtout qui monte sur la table parce qu’avant elle montait
partout.
Claire : Non Lilou il fait la même chose !
La mère : Enfin on essaie qu’ils ne montent pas sur la table, qu’ils évitent de chaparder.
Hugo : De voler
Laura : Et qu’ils ne se grattent pas les griffes sur les murs et la tapisserie
La mère : Chaparder c’est voler, Hugo.
Claire : Après c’est un peu dur pour le reste, parce que le problème c’est qu’ils ont une
maison qui est assez grande donc ils vont faire leurs griffes un peu n’importe où.
[Incompréhensible sur l’enregistrement]
Le père : Ils te regardent l’air de dire « Cause toujours tu m’intéresses » !
La mère : Non il n’y a pas vraiment de règles, si ce n’est de ne pas monter pas sur la table.
Enfin un minimum par rapport à l’hygiène quoi.
Ier : D’accord. Donc sinon ils sont plutôt libres ?
La mère : heu...
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Tous ensemble : Très ! (rires)
La mère : Extrêmement ! Toute façon on l’a dit d’entrée : On n’habite pas chez nous, on
habite chez les chats !
Laura : Ils n’ont pas le droit de sortir le soir aussi !
La mère : Oui ils n’ont pas le droit de sortir le soir, parce qu’en fait en 2003 quand il y avait
eu la canicule, Toulouse était sorti et avait eu un accident avec une voiture. Donc depuis ils
sont parfaitement libres de sortir toute la journée, mais ils rentrent le soir car c’est beaucoup
plus dangereux.
Claire : Maintenant ils ont pris l’habitude de rentrer.
La mère : Donc ils rentrent.
Laura : Quoi que Lilou...
La mère : Oui mais il rentre. En fait c’est la seule règle !
Ier : D’accord. Et ils obéissent bien ? Ils rentrent le soir sans problème ?
La mère : Oui.
Claire : Ba ça dépend des fois. Des fois on les appelle ils rentrent pas.
Laura : Ba c’est surtout Lilou qui a du mal à rentrer.
Claire : Heu Néné aussi.
La mère : Negresco il a déjà passé une ou deux nuits dehors et puis après il a compris que
c’était quand même mieux de dormir dedans que dehors.
Le père : Oui dedans il fait moins froid bizarrement (rires)
La mère : Donc oui il a fallu deux ou trois fois mais sur douze (deux ?) ans c’est peu. Non
non ils rentrent.
Claire : Mimi elle est super toute douce donc ya pas de problématique à se poser (rires).
Le père : C’est un vrai petit chien.
Claire : Non !
Le père : Ba si elle te suit partout comme un petit chien !
Claire : Ba elle me suit partout mais elle est enquiquinante !
Ier : Et la nuit ils dorment avec qui ?
La mère : Ba c’est un peu la tournée des chambres !
Laura : Lilou et Toulouse ils dorment plus chez moi !
Le père : Alors qu’avant ils dormaient chez nous. Mais depuis qu’il y a la chatte...
La mère : C’est la chatte qui a tout déséquilibré !
Le père : Depuis les autres ne viennent plus. A part l’autre nuit où Toutou est venu avec
nous.
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La mère : Avant ils allaient une partie de la nuit dans une chambre, une autre partie de la nuit
dans une autre, ils circulaient librement quoi.
Ier : D’accord.
Claire : Maintenant Minouchka a quand même élu domicile dans ma chambre !
La mère : Maintenant Minouchka dort dans ta chambre (en s’adressant à Claire), Negresco
comme il est malade il dort plus heu...
Laura : Dans le salon.
La mère : Et Lilou et Toulouse dans la chambre de Laura.
Ier : D’accord.
La mère : Mais c’est un choix parce que toutes les portes sont ouvertes, donc ils peuvent aller
librement d’une chambre à l’autre.
Ier : D’accord. Donc maintenant j’aimerais savoir quelle place à l’animal dans vos relations ?
Est-ce que vous trouvez qu’ils agissent un peu sur la communication entre vous ? Sur vos
relations ? Vous diriez qu’ils ont quelle place ?
La mère : Je vous laisse parler je ne vais pas monopoliser la parole non plus.
Claire : Par rapport à ma relation avec les autres je ne vois pas comment ils interfèrent entre
nous, par contre je sais que moi les chats j’ai l’impression que quand je suis triste ils viennent,
quand je suis malade ils sont là. Ils sont attentionnés mais ils vivent aussi indépendants.
Laura : Heu moi j’ai pas trop l’impression qu’ils agissent entre nous, dans la communication
entre nous mais pareil quand je suis triste ils viennent. Pour moi ils font partie de la famille.
Ier : D’accord.
Le père : Ils font partie de la famille, ça c’est sûr.
Ier : Et toi Hugo ?
Hugo : Moi non plus, et puis je suis pas là tout le temps.
La mère : Oui donc t’as une relation qui est différente. Parce qu’Hugo n’est là que tous les 15
jours, c’est une garde alternée. Ba moi je dirais quand même que si vous faites bien attention
chacun a son chat.
Claire : Oui mais ça c’est pas une nouveauté !
La mère : Même si ce sont des chats collectifs, chacun a quand même...
Le père : Sa préférence.
La mère : Et chaque chat a sa préférence aussi.
Claire : On est d’accord.
La mère : On est d’accord. Donc heu... c’est quand même... heu... c’est un ciment aussi !
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Si le chat est malade, si le chat a quelque chose, tout le monde s’occupe du chat ! Vous allez
venir avec moi chez le vétérinaire, là les piqûres c’est moi ou Laura qui les fait mais quand
même tout le monde est préoccupé par l’état de santé des chats.
[Incompréhensible sur l’enregistrement]
La mère : C’est vrai que je trouve aussi que c’est un régulateur. Un chat c’est apaisant.
Claire : Oh ça dépend des moments !
Le père : Il y a des moments faut les supporter aussi !
Claire : Quand ils ont envie de jouer, quand ils ont envie de câlins et qu’ils posent leurs
fesses sur les cours. Et vas-y que je m’étale sur ton cours et que je te montre bien que je suis
là et que je veux des câlins maintenant ! Whouuuu c’est pas simple !
La mère : Mais c’est vrai qu’ils sont quand même au centre. Même s’ils sont libres, même
s’ils font ce qu’ils veulent ils sont quand même très présents !
Claire : Oui. Ba quand on travaille ils sont souvent à côté de nous etc.
La mère : Bon parfois ils sont exaspérants, je vois là Negresco, comme il est malade, c’est
vrai que des fois c’est un peu dur !
Le père : Oui il fait pipi partout
La mère : Donc c’est vrai que c’est dur quand même. Bon c’est vrai qu’on se dit « c’est notre
chat, il est vieux, c’est pas de sa faute ». Après c’est vrai que ça crée parfois un peu des
tensions parce que personne ne veut nettoyer mais tout le monde s’occupe des chats. Et ce
sont des membres à part entière de la famille !
Ier : D’accord. Et quand vous dites que c’est un régulateur ?
La mère : Moi je ne pourrais pas vivre sans les chats.
Claire : Ba ça ferait un vide.
La mère : Et je ne pourrais pas vivre sans chats.
Claire : Ca on est d’accord.
Ier : D’accord.
La mère : Ne serait-ce que, enfin c’est prouvé, caresser un chat, je suis contente quand je
rentre j’ai mes chats, ça me déstresse aussi.
Claire : Non puis ils viennent, ils nous disent bonjour. Enfin on sent qu’ils nous aiment quand
même.
La mère : Bon après c’est de l’anthropomorphisme hein ! (rires) On leur prête des
sentiments.
Le père : Qu’ils n’ont pas forcément !
La mère : Oui mais c’est vrai qu’on a l’impression, ouai, qu’on se comprend.
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Le père : Mais c’est vrai que ça fait plaisir quand tu rentres et que Toutou il vient vers toi
pour avoir un câlin, c’est vrai que ça fait plaisir.
La mère : Et on a plus d’affinités avec un chat. Moi je sais que Toulouse c’est mon chat. Si je
suis malade heu...
Laura : Toi t’as Negresco aussi. Avant quand t’étais malade il venait souvent avec toi
regarder la télé...
La mère : Oui quand je regarde la télé, oui.
Claire : Oui mais c’est vrai que Toutou est beaucoup plus attentionné que Minouch.
La mère : Oui. Mais je ne me vois pas sans chats.
Claire : Non mais je suis d’accord avec toi. D’ailleurs à A***** je me sens seule.
Ier : Et c’est le ressenti de tout le monde ça ? Est-ce que vous pensez que vous ne pourriez
pas vivre sans chats ?
Claire : Moi oui, je ne pourrais pas.
Laura : Pareil, ça me ferait bizarre sans les chats.
Hugo : Moi oui, je pourrais m’en passer.
La mère : Oui parce que t’as eu moins de chats toi.
Le père : Oui moi c’est pareil, je pourrais m’en passer. Dans mon enfance.... ça ne me
manquait pas tant que ça. Mais c’est vrai qu’ils sont très attachants aussi, pour moi ils font
partie de la famille.
Ier : D’accord. Et est-ce que vous pensez que sans les chats vous auriez les mêmes relations
entre vous ?
Le père : Non, tu parlais de ciment toute à l’heure (en s’adressant à sa compagne)
La mère : Oui, c’est un sujet de conversation, c’est un sujet de dispute, c’est quand même le
centre heu... Oui ils participent à part entière à la famille.
Claire : Oui ils sont avec nous quand on est à table, ils réclament à manger quand on est à
table heu... enfin ils sont inclus dans la famille, ils vivent autant que nous. Enfin ils sont
source de dispute aussi mais je ne vois pas comment heu.... enfin on ne serait pas tels qu’on
est si on n’avait pas nos chats.
La mère : Je crois que ça a une influence aussi sur le caractère. Je crois qu’on est plus... je ne
sais pas comment expliquer ça...
Claire : Attentionné ? Tolérant ?
La mère : Tolérant oui !
Claire : Ouvert d’esprit ?
La mère : Oui ! On apprend par exemple à se détacher des choses.
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Claire : Ba ça c’est sûr !
(Le père rit)
La mère : Parce que...
Claire : Le beau canapé en cuir ! (rires)
La mère : Parce qu’ils abîment beaucoup de choses donc... heu... c’est vrai que maintenant on
n’est plus du tout matérialiste ! Enfin je veux dire ça n’a pas d’importance quoi !
Claire : Je revois encore la tête du mec de l’immobilier (rires) !
La mère : Oui c’est une anecdote.
Claire : un jour on a avait reçu une personne pour heu... de l’immobilier, pour créer une
maison ou autre, on avait notre ancien canapé en cuir et il a eu le malheur de voir le chat faire
ses griffes sur le canapé. Il est resté bouché bée je crois !
La mère : Alors que nous on a continué à discuter et il nous a regardés comme si on habitait
sur une autre planète. Il a fait « ohhhh » et nous « ba non le chat il fait ses griffes ». Il était
arrivé au bois alors... Mais nous ça ne nous perturbait pas. Alors qu’on voit, les gens qui
viennent à la maison, ce ne sont pas toujours des gens qui ont des animaux...
Le père : Oui ce sont des gens qui n’ont pas de chats, qui ne savent pas ce que c’est.
La mère : Donc généralement ça les perturbe.
Le père : Oui ça les perturbe, c’est normal.
La mère : Alors que nous heu.... Bon maintenant on n’achète plus de canapé en cuir, on
achète des canapés de chez Ikea hein (rires). Heu... il est déjà dans un sacré état mais ce n’est
pas la fin du monde quoi ! Oui je pense que ça nous a appris à relativiser certaines choses.
Claire : Bon après il y a des choses sur lesquelles ils font de sacrées bêtises quand même !
Par exemple la figurine décapitée heu...
La mère : Oui le chat a cassé la figurine de chat... Mais oui, et puis ça apprend une certaine
tolérance je pense.
Ier : D’accord.
La mère : Parce que le chat ne fait que ce qu’il veut. Donc de toute façon ça ne sert à rien de
vouloir imposer sa volonté au chat.
Ier : D’accord.
Claire : C’est un peu essayer de se battre contre le vent.
Ier : D’accord. Et vous ne voyez pas d’autres choses sur la manière dont les chats pourraient
influencer la famille ?
La mère : Ba c’est un sujet de conversation, comme pour un autre membre, enfin je pense
que... il n’y a pas une journée où on ne va pas parler d’un chat heu...
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Claire : Ba on s’inquiète quand ils sont pas là, on s’inquiète quand on les voit pas, enfin on...
La mère : C’est aussi quelque chose qui préoccupe tout le groupe. On est toujours d’accord
sur les chats.
Le père : Oui.
La mère : Pas pour leur entretien où là ça va être sujet d’histoires, parce que personne ne veut
faire l’entretien du chat. Par contre sur le fait que... heu... si le chat est malade, c’est une
préoccupation qui est commune.
Le père : Oui.
La mère : Mais que dire de plus ? Je ne sais pas.
Ier : Est-ce que vous pensez par exemple que leur présence peut apaiser des tensions, des
conflits ? Est-ce que vous vous souvenez d’anecdotes où il y a eu des conflits et où la
présence du chat a pu apaiser tout ça ?
La mère : J’ai plus de souvenirs de tensions créées à cause des chats que des... enfin plutôt
ave mon ex-mari. Parce que lui n’aimait pas les chats. Mais nous on n’a pas de tensions par
rapport aux chats...
Claire : Je dirais que c’est plutôt des périodes d’amusement en fait. Généralement heu... c’est
comme l’autre jour où on a fait la pierrade et que Toulouse est venu piquer dans ton assiette
un morceau de dinde, ba on s’est pas énervé là-dessus, on a plutôt rigolé.
La mère : Oui parce qu’on partage énormément sur les chats. Mais dès l’instant qu’une
personne n’a pas le même sentiment que vous sur les chats cela peut être une source de
tensions. Par contre je trouve que les chats assistent aux disputes mais ils n’y prennent pas
part. Ils regardent, ils écoutent, heu... je dirais que c’est plutôt un sage, je dirais que s’il peut
en tirer profit aussi il va le faire.
Claire : Ils ne sont pas bêtes.
La mère : Mais ils ne vont pas rentrer, non, il ne va pas rentrer dans... enfin ils n’ont pas un
lien... Je sais pas comment tu le perçois toi ? (en s’adressant à son compagnon)
Le père : Hum.
La mère : Non et puis comme on est tous d’accord sur les chats ça ne peut pas être source
de...
Le père : de tension, hum.
Ier : Mais sans être une source de tension, s’il y a un conflit, une tension, quelque soit la
raison, est-ce que vous avez l’impression que les chats jouent un rôle dedans ? Que ce soit
dans un sens ou dans l’autre.
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La mère : Ba si après quelqu’un va s’éloigner après une dispute, le chat va peut-être
accompagner...enfin le chat avec qui on a le plus d’affinités. Le chat va peut-être rejoindre la
personne qui vient de se fâcher etc. mais je dirais plutôt qu’il ne rentre pas dans le...
Claire : c’est plus une source de réconfort dans ce cas-là, qu’une source d’apaisement.
La mère : A la limite si t’es en colère tu vas en parler à ton chat, tu vas te confier à ton chat.
Tu vas le prendre pour un modérateur (rires). Mais lui à la limite il va ronronner (rires), il va
participer, quoi, mais ça va pas aller au-delà.
Ier : D’accord. Mais par contre au niveau individuel il peut apaiser chacun d’entre vous après
une dispute ou... ?
La mère : Oui. Mais pas tous les chats.
Ier : Pas tous les chats. D’accord.
La mère : Le chat qui nous a choisis.
Claire : Après c’est vrai qu’il y en a un qui est assez indépendant, c’est Negresco. Il pas
spécialement d’attache spécifique à une personne dans la famille. Mais à côté de ça les autres
chats ont vraiment une personne qu’ils suivent un peu partout.
La mère : Et ça s’est fait naturellement, ils ont choisi parmi nous une personne.
Claire : Et des fois c’est super bien tombé d’ailleurs.
Laura : Quoique maintenant maman, Toulouse il est un peu...heu...
La mère : C’est vrai que maintenant Toulouse est devenu un peu plus casanier, il dort un peu
plus, enfin beaucoup même. Mais oui je dirais plutôt ça. C’est vrai qu’à la limite si on est
seul, le chat va venir avec nous.
Claire : Il n’y a pas besoin d’être seul.
La mère : Oui toi elle est tout le temps collée.
Le père : Oui ça c’est normal elle t’a [incompréhensible sur l’enregistrement]
Claire : Ah ba là oui elle doit être dans ma chambre vautrée sur le canapé, enfin sur mon lit,
tranquille.
Laura : Ou sur ta valise
La mère : Enfin bon même si on fait de l’anthropomorphisme avec nos chats, on sait quand
même que ce sont des chats.
Ier : D’accord.
Claire : Oui on les met pas sur un pied d’estale non plus.
Ier : Et est-ce que ça vous arrive de passer par les chats pour communiquer entre vous ?
La mère : Ah oui du style heu... ça me fait penser à une réplique heu... ah... avec heu... c’est
une pièce de Pagnol. Où le boulanger heu...
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Le père : Ah oui !
La mère : Où le boulanger veut reprocher à sa femme son infidélité et en fait il le dit à la
chatte.
Le père : Marius.
Ier : Ah je ne connais pas.
La mère : Vous ne connaissez pas ? C’est hyper connu !
Le père : C’est Marius avec la partie de cartes.
La mère : Non c’est pas la partie de cartes c’est une pièce qui est jouée par Michel Galabru et
en fait
Le père : C’est le boulanger ?
La mère : C’est le boulanger qui fait des reproches « elle revient la.... »
Le père : Oui je revois la scène
La mère : « la pimprenelle ou je-ne-sais-pas-quoi maintenant qu’elle est partie etc. » Et en
fait le dialogue qu’il a avec la chatte c’est le dialogue qu’il devrait avoir avec sa femme.
Ier : D’accord.
La mère : Mais nous non, jamais. Non ce n’est pas un intermédiaire pour se dire les choses
entre nous.
Claire : S’il y a un conflit il est réglé entre nous.
Ier : D’accord.
Claire : Surtout que je ne vois pas pourquoi on prendrait le chat pour...
La mère : C’est vrai que cette tirade est vraiment.... enfin si vous avez l’occasion de la voir.
C’est une pièce de Pagnol. Je crois que c’est heu...
La mère et le père : La femme du boulanger !
Claire : Tu l’as d’ailleurs le livre ?
La mère : Je sais plus faut regarder. Mais c’est hyper connu.
Le père : Et il y a le film aussi.
La mère : Mais nous non on n’utilise pas le chat pour faire des reproches.
Ier : D’accord.
La mère : Ni pour faire des compliments
Claire : Oh ça dépend des fois, quand par exemple Toutou il est.... comment on pourrait dire
ça... très mal élevé, on va dire que c’est maman qui s’est surtout occupée de son éducation
heu...
Laura : Occupée ?
Claire : Oui. Enfin quand je dis occupée c’est large ! Toutou il est pas élevé hein.
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La mère : Il est très mal élevé même !
Claire : Ca on peut te faire le reproche sur des points comme ça mais jamais on va prendre le
chat pour parler d’une autre personne.
Ier : D’accord.
Claire : Arrête de me regarder avec tes yeux noirs (à sa mère) (rires). Enfin toute façon c’est
pas une nouveauté qu’il est mal élevé !
Laura : Maman il est quelle heure ?
La mère : C’est bon t’inquiètes pas. Alors Laura est très pressée parce qu’elle a une
compétition. Mais c’est bon, c’est bon.
Ier : D’accord. J’aurais voulu savoir aussi s’il y avait eu des changements dans l’ambiance
familiale depuis que les chats étaient arrivés ? Bon après c’est vrai qu’ils ont toujours été là
donc on va dire depuis que les derniers sont arrivés ?
La mère : Ba c’est sûr qu’à chaque fois il faut s’adapter au caractère du chat. Alors parfois
c’est pas toujours évident.
Claire : Aussi quand un nouveau chat arrive on va être dans une période où on va plus aller
voir ce chat-là, on va y être plus attentif etc.
La mère : Après ça a forcément une influence. Regarde Néné qui est malade actuellement...
Laura : Il a plus heu... d’attention.
La mère : Voilà.
Claire : En même temps lui c’est à se demander parfois s’il a envie d’avoir de l’attention.
La mère : Alors Minouchka est quand même aussi une source de tension, un peu.
Claire : Oui c’est vrai.
Laura : Ba elle va créer des tensions avec les chats et les tensions avec les chats nous
préoccupent aussi donc heu...
Claire : Oui enfin....
Laura : Si ! Tu lui donnerais l’aumône toi toute façon !
Claire : Non je ne lui donnerais pas l’aumône.
Laura : Ba si c’est ta chatte ! Tu la défends tout le temps même quand elle a blessé
Claire : Non attend il lui a donné un coup de patte sur l’oreille je peux te dire qu’il l’a pas
loupée !
Laura : Mouai...
Claire : Si si elle a un coup sur l’oreille !
Le père : Tu sais ce sont des histoires de chats, il faut les laisser se débrouillent entre eux.
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La mère : Oui mais c’est vrai que parfois elle est quand même agaçante. Elle veut imposer sa
loi aux chats.
Le père : Oui mais c’est pareil elle cherche sa place aussi un peu encore.
Claire : Je sais pas mais des fois j’ai l’impression qu’elle a envie de jouer avec Lilou mais
comme lui de toute façon il a peur du moindre truc...
Le père : Ah ba ce matin c’est pareil, ils étaient dans le jardin. T’avais Lilou qui était à plat
ventre, complètement vautrée, pour pas qu’il... (rires de tout le monde). Bon l’autre l’avait vu
je pense, puis bon elle l’avait senti forcément. Donc elle commence à contourner, contourner,
contourner, et puis il arrive un moment où viouuuuuu il a détalé, il est monté en un seul bond
sur le haut du mur. C’est une catastrophe quoi.
La mère : Ba c’est vrai que même si on aime bien Minouchka elle nous exaspère un peu.
Le père : Non mais si ça se trouve elle, elle voulait jouer, on n’en sait rien.
La mère : On ne sait pas mais c’est vrai qu’elle traumatise les autres.
Le père : Oui elle les traumatise.
Claire : Elle est pas traumatisante. D’abord Toulouse il ne peut pas la voir. Bon.
Le père : Oui enfin Toulouse ça va mieux quand même.
Claire : Oui enfin ce midi il lui a gueulé dessus parce qu’elle avait demandé du poisson donc
lui il était pas content.
La mère : Oui enfin elle allait lui voler.
Claire : Elle allait pas lui voler vu qu’on allait rien leur donner, bon. Néné lui tant qu’elle
vient pas l’embêter ça va. Bon après il y a Lilou mais lui il a peur de tout et de rien ! Donc
heu...
Le père : C’est vrai qu’il est farouche Lilou.
Claire : Il est pas farouche c’est un peureux.
Le père : Oui c’est un peureux.
La mère : Enfin ta chatte c’est un vrai dictateur en puissance ! [rires de tout le monde]
Claire : Oui mais regarde quand elle est avec moi elle est sage.
Laura : Oui mais elle est gentille avec les hommes mais pas avec les chats ! [silence] Ba si !
La mère : Oui elle est insupportable avec les autres chats, avec ses congénères.
Le père : Oui mais ça vient peut-être de son style de vie. Elle est restée pas mal de temps
dehors, elle...
Claire : Et puis c’est une chatte, c’est pas un chat ! Donc elle va pas avoir le même
comportement.
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Le père : Oui est puis comme on dit elle a un peu de siamois dedans. Et les siamois ils ont un
bon petit caractère !
Claire : Toute façon elle sait que quand elle est mignonne elle a ce qu’elle veut donc elle est
forcément mignonne.
La mère : Heu vous pouvez me rappeler la question ? (rires de tout le monde)
Ier : Je voulais savoir si l’arrivée des chats avait changé quelque chose sur l’ambiance
familiale.
La mère : Oui, moi je dirais oui. Lilou c’est pareil il a fallu s’habituer à toutes les bêtises
qu’il a faites, parce qu’il était plus jeune. Chaque arrivée de chat c’est comme l’arrivée heu...
bon dans une certaine limite hein, mais c’est comme l’arrivée d’un nouvel enfant, d’une
nouvelle personne au sein de la famille quoi. Faut que chacun s’habitue au chat, que les autres
chats qui font partie de la famille s’habituent au nouveau chat.
Claire : Enfin c’est quand même un peu différent entre avoir un chat et avoir un bébé quand
même.
La mère : J’ai dit dans une certaine limite.
Claire : Oui oui mais heu...
La mère : J’ai pas dit que le chat c’était un enfant.
Claire : Oui oui
La mère : Mais c’est vrai qu’ils font partie de la cellule, enfin pour moi ils font partie de la
cellule familiale
Claire : On est d’accord.
La mère : On l’a dit toute à l’heure, chaque chat est un membre de la famille. Donc ça veut
dire que quand il y a l’introduction d’un nouveau chat, nous humains on doit faire la place au
nouveau chat.
Claire : Non et puis il y a aussi la question du prénom qu’on va lui donner.
La mère : Oui c’est un autre sujet de discussion.
Claire : Ba c’est comme quand t’as un nouveau-né.
Ier : Justement le choix des prénoms ça s’est fait comment ?
Claire : Alors Toulouse j’en ai aucun souvenir.
Laura : Si c’est maman qui l’a appelé comme ça
Claire : Ah oui il y avait Berlioz et il y avait Claire.
La mère : Oui j’avais ma fille Claire, Toulouse et Berlioz. C’était les chats des Aristochats.
Donc ça veut peut-être dire quand même que je les avais placés sur la même longueur d’ondes
(rires). Après Negresco on était tous d’accord.
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Claire : Non moi je trouvais qu’il était moche ce prénom. En plus je savais pas ce que c’était
que ton truc de Negresco d’hôtel.
La mère : Oui mais c’est parce qu’il était tout noir.
Claire : Oui mais moi je voulais l’appeler comme la panthère heu...
La mère : Bagheera ?
Claire : Oui.
La mère : Oui mais Bagheera c’est féminin.
Laura : Oui c’est une panthère !
Claire : C’est pas un panthère ?
Le père et Laura : Non !
La mère : Non c’est une panthère.
Claire : Ah ba j’ai toujours cru que c’était un panthère.
La mère : Negresco ça lui allait pas mal.
Laura : Enfin moi après j’ai pas choisi Negresco ! Après quand je suis née j’ai choisi pour
Lilou !
Claire : Enfin Lilou ce fut assez compliqué quand même.
Laura : En fait t’as cherché dans une BD Picsou...
Claire : Non
Laura : Si au début c’était Lila. Je m’en souviens encore j’étais avec toi.
Claire : Non on est parti après sur le « 5ème Elément ».
Laura : Oui mais au début t’as dit Lila, tu l’as proposé à maman et maman a dit « pourquoi
pas Lilou comme dans le « 5ème Elément ? »
Claire : Oui mais on était persuadé au départ que c’était...
Laura et Claire : Une femelle.
La mère : Oui ça s’est transformé en mâle. Maintenant je trouve que c’est pas mal
finalement
Claire : Oui ça lui va très bien.
Le père : Quoiqu’on a tendance à l’appeler Loulou aussi.
La mère : Loulou oui.
Claire : Bon après Minouchka on n’a pas vraiment choisi.
Laura : Elle s’appelait Minouch
Le père : Au départ c’était Crystale.
La mère : Oui elle s’appelait Crystal a priori.
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Le père : Ma grand-mère l’appelait Minouch et puis moi Minouch je trouvais ça un peu
tristoune. Donc on l’a rendu un peu plus exotique, à la sauce russe, Minouchka.
Claire : Moi quand je l’appelle Mimi elle se reconnait très bien
La mère : Ba surtout quand elle a fait une bêtise. Mais c’est vrai qu’elle était quand même
assez âgée donc on ne pouvait pas non plus lui changer son nom.
Claire : J’allais dire son prénom (rires)
Laura : Ba oui c’est son prénom pour elle.
La mère : Ba oui...
Laura : Ba elle a pas de nom mais elle a un prénom.
La mère : Si Negresco a un nom ! Parce que l’autre fois je suis allée à la pharmacie pour le
chat et j’avais besoin qu’ils me délivrent de l’insuline rapide. Et le pharmacien était embêté
parce qu’il fallait qu’il crée un dossier pour le chat et il pouvait pas ouvrir un dossier pour le
chat. Donc il a mis le prénom du chat avec mon nom donc il s’appelle Negresco D******
(rires de tout le monde). Comme ça ça lui a donné un nom de famille au chat ! Parce
qu’informatiquement et administrativement comme c’est un produit qui doit être délivré avec
une ordonnance, qui doit être rattaché au nom du patient, donc il a fallu lui trouvé un nom.
Claire : C’est pas vrai ?! (rires)
La mère : Oui.
Claire : Bon il a pas de numéro de Secu encore.
La mère : Seulement le chat a un prénom et un nom. C’est pas tout à fait faux.
Le père : Ba il a pas de numéro de Secu mais il est pucé.
Laura : Non il est pas pucé Negresco !
La mère : C’est Lilou et Minouch. Oui parce qu’à l’époque...
Laura : T’as pas pucé Toutou parce que t’avais peur qu’un jour il se réveille pas.
Claire : Toutou il est tatoué.
La mère : Oui il est encore plus vieux donc à l’époque on ne pouvait pas le.... les puces
électroniques ça n’existait pas.
Claire : Non et puis il y a des risques. Vu le nombre de séquelles qu’il a eu... s’il doit passer
sur la table il va jamais se réveiller.
La mère : Oui on ne voulait pas prendre des risques inutiles.
Claire : De toute façon quand on part à un endroit ou autre il reste toujours à proximité.
La mère : Bon ils sont quand même assez possessifs les chats.
Ier : Dans le sens qu’ils ont chacun leur personne ?
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Claire : Non et puis quand il y a un autre chat aussi. C’est leur territoire, on ne rentre pas
dans leur territoire.
La mère : Et puis, bon moins maintenant, mais quand ils étaient plus jeunes ils travaillaient
en bande, ils chassaient en bande aussi.
Claire : Ba ils protégeaient en bande.
La mère : Ils protégeaient en bande.
Laura : Oui ba quand on est allés à Marseille aussi. Avec le chat de mes cousins, ils étaient
deux contre le chat de mes cousins. Parce qu’avant Lilou n’était pas encore là donc il y avait
juste Negresco et Toulouse. En fait ils se battaient à deux contre heu...
Claire : Ba les chats mais pas la chatte.
La mère : C’est vrai qu’ils s’associent. Même les chats forment une famille en fait. Donc ils
chassent ensemble...
Claire : Ba beaucoup moins maintenant.
La mère : Ils mettent la pattée ensemble (rires)
Claire : Quoique j’attends toujours qu’ils mettent la pattée à Mimi parce que pour moi ils lui
ont pas collé.
La mère : Effectivement ils pourraient faire alliance contre la chatte
Claire : Ba je pense que d’abord ils sont beaucoup trop vieux, Néné est pas en capacité
physique de pouvoir coller ne serait-ce qu’une seule patoune sur la tête çà Mimi.
Le père : Toutou il est trop vieux aussi
Claire : Ba Toutou avec son arthrose, son Alzheimer, ça ne le fait pas
Le père : Oui enfin de l’arthrose, c’est quand il a décidé d’avoir de l’arthrose, parce que
quand il veut monter sur le canapé l’arthrose ça l’arrange bien là ! Parce que quand tu vois
comment il se lève devant le bidon dehors pour aller boire, avec ses deux pattes devant qu’il
pose sur le rebord, là il a pas d’arthrose ! (rires de tout le monde)
Claire : Quant à Lilou c’est plus un problème psychologique.
La mère : Ba Lilou il a peur. Par contre c’est vrai que les deux autres pourraient le protéger.
Notamment Né... heu...
Le père et Laura : Toulouse
Claire : Je pense que Toulouse a pas envie de se battre. Tant qu’elle respecte son autorité
heu...
Le père : Non puis Toutou c’est un sage. Donc un sage ne se bat pas. Un sage est diplomate.
Claire : Ouai il est diplomate quand ça l’arrange hein !
Le père : Ah ba sa diplomatie c’est ça aussi quelque part.
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Claire : Ouai ba quand il a besoin de dormir il est pas diplomate. Et quand il veut manger
dans l’assiette de quelqu’un t’inquiètes pas !
Le père : Ah ba il a pas d’arthrose là !
Laura : Ba c’est Minouch plutôt qui pique dans les assiettes !
Claire : Maintenant oui.
Laura : Elle pique dans ton assiette en plus ! Oui parce que c’est mon assiette comme tu dis.
La mère : C’était quoi la question ? Ca part dans tous les sens.
Ier : C’était les changements depuis l’arrivée des chats. Donc si j’ai bien compris c’est
surtout l’arrivée de la dernière qui a un petit peu perturbé.
La mère : Oui mais après à chaque arrivée de chat on s’est adapté !
Claire : Ba là elle s’adapte quand même ! Petit à petit l’oiseau fait son nid.
Le père : [incompréhensible sur l’enregistrement]
Claire : Ba elle fait quoi alors ?
Le père : Ba je lui ai mis des croquettes, donc Toutou, patriarche, il lui a volé ses croquettes,
et puis elle, elle a essayé de piquer la place de Lilou.
La mère : Oui parce que chacun mange dans son bol.
Le père : Donc elle l’a nargué, l’autre il est venu se réfugier ici, et elle s’est couchée en
travers de la porte de la cuisine de façon à ce que Lilou ne puisse pas passer. Et quand Toutou
a eu fini de manger ses croquettes, elle a été manger ses croquettes.
Claire : Ba pourquoi crois-tu qu’elle s’amuse à faire ses griffes sur le devant de la porte ?
Le père : Hum.
Claire : C’est pas pour rien, avant c’était Lilou qui venait dormir dans ma chambre.
Maintenant c’est propriété privée de Mimi, personne ne rentre. J’ai même plus la visite de
Toulouse, ni de...
Laura : En même temps ta chatte c’est Mimi
Claire : Heu c’était quand même plus Lilou qui venait dans ma chambre. Il se mettait en
travers du lit, il avait la lumière qui lui tombait dessus, il était pépère.
Laura : Maintenant il vient dans MON lit !
Claire : Oui ba toi ça t’arrange
Ier : Et sinon est-ce que vous avez l’impression que les chats ont joué un rôle particulier lors
de moments difficiles, lors de crises ?
Le père : Le chat confident (rires) on en parlait toute à l’heure justement.
La mère : Je vous laisse parler.
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Claire : Ba c’est vrai que, par exemple, pour le divorce de mes parents, moi je me suis
beaucoup plus après focalisée sur mes chats que sur les problèmes qu’il y avait. Donc j’ai
apporté une plus grande attention, une plus grande affection pour mes chats.oui ils ont
contribué à des moments de crises et autres. C’est comme quand on malade ils sont là, ils
restent avec nous, ils se couchent sur nous littéralement même si on n’est pas bien. Mais je
pense, qu’ils essaient de faire un maximum pour faire plaisir, à la fois à leur maître mais aussi
à eux-mêmes.
La mère : Hugo ?
Hugo : Ba moi j’étais trop pas là pour... donc non pas spécialement.
La mère : Oui mais avec ta chatte Canaille ? T’as eu un lien ou pas ? Non t’étais trop petit ?
Hugo : Hum.
La mère : Laura ?
Laura : Ba moi aussi je me suis rapprochée des mes chats quand mes parents ont divorcé. Je
me souviens quand je pleure ou quand je suis malade ils....
Claire : Ou quand t’es amoureuse aussi !
Laura : Je suis pas amoureuse ! (rires de tout le monde)
La mère : Vincent ?
Le père : Non pas spécialement. C’est vrai que c’est réconfortant mais de là à les...
Ier : Pas plus qu’à d’autres moments ?
Le père : Non pas plus qu’à d’autres moments, non. Après c’est vrai que le chat a un rôle
thérapeutique qui lui est reconnu.
Claire : Ouai enfin la dernière fois on a vu un truc sur le café, avant fallait pas boire de café
parce qu’il y avait des problèmes cardiaques qui se développaient. Maintenant faut boire du
café ça évite les problèmes cardiaques donc heu...
Laura : Oui enfin il parait que les chats heu...
Le père : C’est comme toute chose avec modération.
La mère : Alors moi les chats je trouve que...enfin surtout mon chat, Toulouse, et avant
c’était Caramel, c’est une source de réconfort, c’est une source d’apaisement, c’est un
confident. J’ai l’impression que le chat aussi, quoique je fasse, il va pas me juger quoi. Il y a
un amour entre le chat..., je ne me suis jamais fâchée avec mon chat.
C’est une
compréhension, alors des fois peut-être aussi que...
Claire : Des fois on peut peut-être exagérer un peu aussi.
Le père : Oui parce que ça c’est de la projection. Il n’y a pas d’amour entre ton chat et toi.
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La mère : Oui mais j’ai l’impression qu’il y a... comme un amour sans jugement, un... Enfin
à chaque fois que j’ai eu des moments difficiles, alors c’est peut-être bizarre, mais j’ai
l’impression que le chat se rapproche de moi. Par contre c’est vrai qu’on les voit plus dans les
moments où on se sent en difficultés que dans les moments où c’est pour partager quelque
chose de gaie, de joyeux. On va plus vers le chat, on trouve le chat plus dans les moments
difficiles. Et c’est vrai que c’est un confident, un réconfort. Il est là, peu importe ce qui arrive,
il est toujours là.
Claire : Oui et puis c’est vrai que je trouve qu’ils pardonnent très facilement.
La mère : Oui, ils nous aiment.
Claire : Enfin des fois ils peuvent nous en vouloir mais ça ne reste jamais très longtemps.
Ier : Et justement le fait qu’ils jouent ce rôle de soutien de manière individuelle, est-ce que
vous pensez que ça rend l’atmosphère globale, dans la famille, plus apaisante ?
La mère : Ca peut y contribuer, mais c’est vrai qu’on a tous aussi de fortes personnalités.
Claire : Oui et puis on vit très... comment dire... on vit aussi à la mode des chats. C’est-à-dire
qu’on fait chacun nos trucs de notre côté et tant que personne ne vient nous embêter tout va
bien.
Le père : Très indépendants, très autonomes.
La mère : Oui on est très chats ! (rires de tout le monde)
Claire : Oui ba c’est ce que je dis on vit comme les chats !
La mère : Mais c’est vrai que les chats sont des modérateurs, mais parce que c’est nous qui
sommes à l’image des chats, ou les chats à notre image.
Claire : Après c’est vrai que le fait qu’il y ait un chat par personne ça contribue à notre
indépendance mais aussi au ciment dont tu parlais toute à l’heure (à sa mère). Je pense que si
on n’avait pas ce mode de vie on n’aimerait pas autant les chats qu’on les aime actuellement.
La mère : Oui et puis je pense que si on n’avait pas de chats on serait forcément différents.
Claire : Oui c’est ce que je voulais dire.
Ier : Et si vous aviez eu un chat ?
La mère : Alors on a commencé par un chat
Claire : Ba TU as commencé par un chat.
La mère : Oui j’ai commencé par un chat.
Claire : En fait j’ai l’impression qu’à chaque fois qu’il y a une nouvelle personne dans la
famille, par exemple Laura ou moi, à chaque fois il y a eu un chat qui est venu.
La mère : Mais c’est vrai aussi que...
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Claire : Regarde quand je suis arrivée il y a eu Toulouse, avant il y avait Berlioz et avant
Caramel. Quand Laura est arrivée il y a eu...
Laura : Personne.
Claire : Ba si Lilou est arrivé quelques temps après.
Laura : Ah bon ? Moi j’avais l’impression qu’il était déjà là quand je suis arrivée.
La mère : Ah non. Après il y a eu Simba après Lilou.
Laura : Non Simba je l’ai pas connu !
Claire : Mais si.
La mère : A chaque fois que la famille augmente en fait heu... en humains, on augmente les
chats ! (rires de tout le monde) Donc ça veut dire peut-être quelque chose même si on n’a
jamais vraiment fait attention à ça.
Le père : Oui c’est le hasard. Mais c’est pareil, moi j’arrive, je ramène le chat de ma grandmère.
La mère : Oui t’as ramené ton chat.
Claire : Qui est devenu mon chat.
Le père : Oui mais ça, ça ne me dérange pas, c’est le chat de tout le monde !
Claire : Ah ba non c’est mon chat (rires de tout le monde)
La mère et le père : On partage !
Laura : Enfin partager... c’est pas un objet !
La mère : Oui enfin...
Laura : On vit en communauté !
La mère : Oui.
Claire : Oui quand Minouch est avec moi vous pouvez venir avec moi il n’y a pas de souci.
Laura : Oui enfin Minouch je ne suis pas trop attachée à elle.
Le père : Ba moi je l’aime bien, moi. Ba je les aime bien tous les quatre. J’ai pas de
préférence.
La mère : Ba moi j’ai une préférence pour Toulouse.
Le père : C’est vrai que c’est le seul qui te fait la fête quand t’arrives. C’est appréciable.
Claire : Oui enfin des fois Toutou il te fait la fête parce qu’il n’y a plus de croquettes dans ses
affaires.
Le père : Oui mais ça je le sais vite fait, t’inquiètes pas ! Quand il commence à venir sauter, à
commencer à avancer et qu’il m’emmène vers la cuisine, tu te dis tout de suite « oh il n’y a
plus de croquettes » !
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Claire : La seule qui vient me faire la fête quand j’arrive c’est Mimi ! Parce que les trois
quarts du temps il y a le grelot qui arrive en trombe, et après qui me suit jusqu’à ma chambre.
Laura : Quoique Lilou aussi quand je vais me coucher il vient, il monte, il miaule...
La mère : C’est vrai qu’on a une relation privilégiée avec les chats. Parfois on est plus proche
des chats qu’on n’est proche entre nous finalement.
Claire : Après ça dépend des sujets.
La mère : Oui mais ce lien privilégié que vous avez avec votre chat heu... c’est important
pour vous de rentrer et que le chat vous attende, que le chat vienne dormir avec vous... heu...
plus que moi finalement (rires)
Le père : Oui ça fait partie d’un équilibre.
La mère : Oui ça fait partie d’un équilibre.
Claire : Non mais c’est vrai que moi je suis contente quand ils viennent me voir. Bon après
c’est vrai que je ne suis pas contente quand il n’y a personne qui vient m’accueillir, c’est...
c’est un peu frustrant on va dire.
Le père : Ba oui c’est vrai que c’est frustrant pour tout le monde.
Claire : Donc c’est vrai que maintenant que c’est Mimi qui vient toujours me voir, et que les
autres ne viennent plus me voir, ne me disent plus bonjour...
Laura : Oui mais ça c’est de ta faute.
Claire : Non c’est pas de ma faute.
Laura : C’est de la faute de ta chatte.
Claire : Oui ba je vais pas non plus prendre la...
La mère : Non, oui, on a besoin de chats.
Claire : On ne pourrait pas vivre sans chats.
Ier : Et toute à l’heure vous m’avez évoqué que c’était un soutien lors du divorce est-ce que
vous pensez que ça a aussi été un soutien au moment où vos deux familles se sont réunies ?
Est-ce que ça a pu aider ?
Claire : Je dirais que c’est différent. C’est-à-dire que moi j’avais pas le même âgé quand mes
parents ont divorcé et quand maman a rencontré Vincent, donc je n’ai pas vraiment ressenti
une situation de crise. Donc je n’ai pas forcément cherché le réconfort d’un chat ou autre.
Laura : Heu... Vous pouvez répéter la question en fait ? (rires de tout le monde)
Ier : Je voulais savoir si les chats avaient été un soutien pour toi au moment où vos deux
familles se sont réunies ?
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Laura : Un petit peu. Pas forcément quand Vincent a rencontré ma mère, mais aussi quand
ma mère a rencontré d’autres personnes. Enfin avant j’étais plus petite donc... mais d’un
certain côté oui.
Ier : D’accord. Et toi Hugo ?
Hugo : Moi non, pas spécialement.
Ier : Et le fait par exemple que ton père ramène un chat de chez vous ?
Hugo : Non.
Le père : Non c’est vrai que la grand-mère tu la connais pas beaucoup.
Hugo : Non.
Ier : Tu ne connaissais pas ce chat avant ?
Hugo : Non.
Ier : D’accord. Et vous deux (au couple) ?
La mère : Heu... est-ce que ça a été un soutien... heu... Je pense que du fait que... Ba t’aimes
les chats (à son compagnon)
Le père : Oui.
La mère : Si t’aimais pas les chats je pense que ça n’aurait pas été possible.
Le père : Ils le sentent aussi. Ils m’ont adopté très vite.
La mère : Maintenant moi j’ai plus eu besoin de chats quand j’ai divorcé, que quand on
recrée quelque chose. Par contre recréer quelque chose avec quelqu’un qui ne partagerait pas
heu...
Le père : Les chats
La mère : Les chats. Heu... ce ne serait pas possible. D’ailleurs je me demande pourquoi je
me suis mariée. Parce que quand je me suis mariée, mon mari n’aimait pas les chats. Il
m’avait dit « ce sera moi ou le chat ». C’était Caramel. J’ai dit « je garde le chat ». Il est resté
quand même. Mais heu... non je crois que heu... oui il faut vraiment que la personne aime les
chats, ait le même mode de vie.
Claire : Ba faut dire que le mode de vie qu’on a se voit à la fois à travers les chats mais aussi
à travers la maison. C’est-à-dire qu’on est quand même très indépendant, on a notre univers
chacun, on est une maison qui est composée finalement de plusieurs cubes qui s’emboitent les
uns dans les autres.
Le père : Il y a des sous-ensembles.
La mère : Ils ont facilité les choses dans le sens où tout le monde partage, plus ou moins de
façon importante, toi t’as pas un attachement aussi important que nous avec les chats (à son
compagnon). Tu peux vivre sans les chats.
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Le père : Ah je sais pas si je pourrais vivre sans chat.
Claire : Ba t’as dit que tu pourrais vivre sans les chats.
Le père : Ba à une époque oui, parce que...
Claire : Oui mais tu t’es contredit par rapport à toute à l’heure, Vincent.
Le père : Ba c’est parce que je ne savais pas ce que c’était qu’un chat. Effectivement si
j’avais eu un animal, si j’avais dû choisir un animal, j’aurais préféré prendre un chien. Mais
maintenant que je connais le chat et que je vois comment il agit, je préfèrerais prendre un
chat.
Claire : Mais n’empêche que tu t’es contredit par rapport à toute à l’heure, quand on a
demandé si tu pouvais vivre sans chat. Tu as répondu oui.
Le père : A une époque, oui. J’aurais dû préciser à une époque.
Claire : Voilà.
Le père : Maintenant je ne pense pas que je pourrais vivre sans chat.
La mère : Ba ça a été des facilitateurs dans le sens où il faut partager le même goût. Et peutêtre aussi, pour revenir à l’interrogation que je me suis posée au préalable, autant on peut faire
des concessions lors d’une première rencontre, autant on ne fera pas les mêmes et on ne
renoncera pas à certaines choses, lors d’une recomposition. Donc les chats ayant toujours été
là, dans les bons moments comme dans les mauvais moments, s’il avait fallu choisir, ça aurait
été les chats.
Ier : D’accord.
La mère : Non mais je pense que le fait que tu aies trouvé ta place parmi les chats (à son
compagnon), a facilité les choses, quoi (rires).
Claire : Ba toute façon les chats sont beaucoup plus fidèles à mon avis que les humains. Donc
on peut leur faire confiance, donc heu...comme tu l’as dit ils sont toujours là. Alors qu’une
personne humaine, ça dépend de son humeur, ça dépend des sentiments, ça dépend comment
elle vit. Enfin ça dépend de beaucoup plus de critères, qu’un chat qui vit avec toi, qui partage
les mêmes goûts que toi... Ba tiens voilà Lilou qui descend !
La mère : C’est vrai que les sentiments qu’on a vis-à-vis de nos chats sont forts. Il ne pourrait
pas rentrer quelqu’un, il ne pourrait pas... une autre personne ne pourrait pas avoir sa place si
elle était en opposition avec les chats, ou si les chats ne l’aimaient pas non plus.
Claire : Quoique les chats ils aiment très peu... enfin ils aiment beaucoup de personnes mais
il y a beaucoup de personnes qui les supportent. Bon à part papa parce que lui il était violent
avec eux mais bon... (en parlant de Lilou) Tiens tu vas voir qu’il va partir et...(elle appelle
Lilou).
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La mère : Oui c’est vrai qu’on peut dire que c’est un élément...
Claire : D’adhésion.
La mère : D’adhésion.
Claire : Ils font partie de la « Check Point » (rires de tout le monde)
La mère : Oui ça serait ça : « Aime les chats », c’est éventuellement possible, « n’aime pas
les chats » c’est rédhibitoire (rires de tout le monde).
Ier : D’accord.
La mère : Mais c’est vrai. D’autant plus que les chats ont une grande importance aussi dans
la famille.
Ier : D’accord. Donc là je vais m’adresser aux enfants, est-ce que les chats ont joué un rôle
dans votre fratrie ?
Claire : Alors je dirais qu’avec ma sœur heu..., bon Hugo c’est différent parce qu’il est
beaucoup moins présent, les chats sont à la fois source de conflits et source d’entente. C’està-dire que, bon j’aime beaucoup les chats, j’aime même passionnant les chats, mais c’est vrai
que je n’aime pas spécialement prêter les chats. Donc comme ma sœur aime à peu près les
mêmes chats que moi, ce fut assez compliqué comme par exemple avec Lilou. Donc ce fut
source de conflits. Mais maintenant que chacune a son chat la vie est belle, mais heu... c’est
vrai qu’en même temps on va jouer avec les chats, heu... Moi j’ai toujours vécu avec des
chats, j’ai de très bonnes anecdotes avec des chats. Enfin je n’ai pas le souvenir que les chats
aient été violents avec moi, qu’ils m’aient griffée ou autre. Donc les chats jouent un rôle à la
fois dans la relation que j’ai avec ma mère, mais aussi dans la relation que j’ai avec ma sœur.
Ier : D’accord. Et est-ce que tu peux préciser ?
Claire : Alors d’abord ma mère a son chat, que j’aime beaucoup mais qui est...comment
dire... qui n’est pas du tout éduqué. Donc heu... ça peut être à la fois source de conflit ou
autre, comme il y a de très bonnes anecdotes avec Toulouse, comme par exemple le poulet
entier qui a disparu de la table. Mais c’est vrai que si Toulouse n’avait pas été là, les relations
avec ma mère ne se seraient pas non plus améliorées. C’est-à-dire que quand j’étais plus jeune
ma mère et moi n’étions pas forcément d’accord, bon. Ma sœur est arrivée plus tard, d’abord
je voulais un frère, j’ai eu une sœur à mon grand désarroi au départ, maintenant j’ai une petite
sœur que j’aime beaucoup. Mais c’est vrai que toute petite aussi les chats venaient dans la
chambre de ma sœur heu... donc c’est vrai que je partageais quelque chose avec Laura, surtout
qu’elle aime aussi les chats. Si elle n’avait pas aimé les chats on se serait surement beaucoup
moins bien entendues. Mais oui je pense que les chats ont vraiment contribué dans le ciment,
comme tu disais, de la famille.
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Ier : Vous avez un centre d’intérêt commun ?
La mère : Ba au-delà du centre d’intérêt commun, je pense que c’est aussi heu... même si le
terme est très fort, c’est une personne qui compte.
Ier : Et avec Hugo ?
Claire : Alors d’abord Hugo est arrivé beaucoup plus tard, je n’étais peut-être pas dans la
même optique, c’est-à-dire que bon Vincent avait des enfants, bon il n’en aurait pas eu ça
m’aurait fait ni chaud ni froid, bon après il a eu des enfants donc je m’entends très bien avec
Hugo. Mais c’est vrai qu’Hugo n’a pas comment dire... il peut très bien vivre avec ou sans
chats. Donc ce n’est pas un lien que j’ai avec lui. Par contre c’est quelqu’un qui aime cuisiner
et comme moi j’aime cuisiner je vais avoir plus d’interactions avec lui. Mais le chat n’a pas
contribué dans ma relation avec Hugo.
La mère : Laura ?
Laura : Ba heu... c’est vrai que les chats nous ont rapprochés, bon peut-être pas de ma sœur
(rires de tout le monde), mais plus de ma mère.
Claire : Merci.
Laura : Ba non mais toi j’ai joué avec toi quand on était petites alors qu’avant je ne jouais
pas trop avec elle (en parlant de sa mère), même carrément pas. Mais toi j’étais quand même
assez proche de toi donc les chats ne nous ont pas aidées. Par contre des fois c’est sujet de...
Claire : De désaccord.
Laura : Voilà. Mais avec Hugo, non je ne pense pas que les chats nous aient rapprochés.
Ier : Vous ne partagez pas tous les trois des moments avec les chats ?
Claire : Ba si par exemple quand on est devant la télévision. Il y a des moments où c’est
amusant aussi, par exemple je vois l’autre fois on jouait à la Wii et il y avait des images qui
défilaient, et je revois encore Lilou qui mettait sa patoune dessus et qui pensait qu’il pouvait
l’attraper. C’est amusant mais les chats viennent sans pour autant imposer leur présence
pendant ces moments-là.
Ier : D’accord.
La mère : Oui et puis toi t’as pas d’attirance particulière pour les chats (à Hugo)
Hugo : Non. Je peux vivre sans ou avec, ça me dérange pas.
La mère : Donc c’est vrai que ça ne crée pas de liens aussi forts. Et puis on est dans une
famille où la recomposition n’est pas finalisée, n’est pas totale. C’est vrai qu’on ne partage
pas la même passion du chat. Et puis c’est plus difficile aussi dans le sens où Hugo est là en
garde alternée.
Le père : En pointillés.
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La mère : Donc il est en pointillés. Donc heu... je pense que la recomposition d’une famille
est plus facile lorsque tout le monde vit sous le même toit tout le temps. Le système que vous
avez, en garde alternée, fait que toi t’es là en pointillés, tu cherches ta place.
Hugo : Oui.
La mère : Heu... alors peut-être aussi ta place parmi les chats.
Hugo : Oui.
La mère : Aussi (rires). T’es en conflit avec les chats (rires). Donc heu...
Le père : Oh ba il s’entend bien avec les chats
La mère : Oui mais sa préoccupation au départ c’est déjà aussi de trouver sa place
Le père : Oui de trouver sa place avant tout.
La mère : Donc on est dans une problématique qui est différente. Et puis c’est vrai aussi que
vos relations sont en pointillés (à ses enfants). Vous n’avez pas développé quelque chose
heu... sur du long terme. C’est difficile, quoi. Enfin je ne sais pas comment toi tu perçois (à
Hugo) ?
Hugo : Oui, si c’est comme ça.
La mère : Ba c’est comme ça heu... on fait avec heu... on compose avec les éléments qu’on a.
mais je pense que pour toi c’est difficile comme t’arrives en pointillés déjà dans la maison, il
faut que tu trouves ta place : « Qu’est-ce que je fais ? Je ne sais pas quoi faire. » Alors que
Laura et Claire sont tout le temps là. Donc heu...
Le père : Et puis elles sont autonomes
La mère : Elles sont autonomes c’est plus simple. Alors qu’Hugo sa première préoccupation
c’est de trouver sa place.
Hugo : Oui je tourne en rond (rires)
La mère : Tu tournes en rond. Après les chats, t’as des affinités mais peut-être pas autant,
Hugo : Non.
La mère : T’es pas très chat.
Hugo : Hum si d’un côté, pour jouer.
La mère : Oui mais...
Claire : Enfin c’est pas la même chose.
La mère : Oui mais nous on est... on est assez... bon je vais mettre le terme entre guillemets,
mais nous on est assez « fusionnels » avec nos chats. Chose que vous ne partagez pas, même
toi Vincent. Je veux dire nous cette fusion qu’on a avec le chat on l’a tout le temps eu. On a
vécu des années avec les chats, on a partagé avec les chats, nos chats sont peut-être plus
membres de la famille pour nous, que pour vous.
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Hugo : Oui.
La mère : Que vous, vous êtes arrivés après.
Le père : Oui, oui. Et puis ça ne fait pas longtemps non plus, deux ans sur une vie c’est pas
grand chose.
La mère : Oui. Mais c’est vrai que comme vous n’avez pas forcément la même passion pour
les chats (à ses enfants), le chat finalement il est neutre dans vos relations. Non ?
Claire : Il y intervient pas, ce n’est pas un élément déclencheur.
La mère : C’est neutre.
Hugo : Oui.
La mère : C’est neutre. Est-ce que vous êtes d’accord avec ça ?
Claire : Oui. Je dirais même plus qu’il est extérieur.
La mère : Et puis je pense que vous sentez plus que ce sont « mes » chats, « nos » chats, que
pour toi à la limite ce sont « des » chats.
Hugo : Oui.
Ier : Et quand tu dis que tu joues avec eux, tu es tout seul dans ces moments-là ?
Hugo : Oui des fois, de temps en temps ça m’arrive.
Ier : Ce ne sont pas des moments de jeux que tu partages avec tes sœurs ?
Hugo : Non.
Ier : D’accord.
(un chat passe)
Ier : Donc celui-là c’est lequel ?
La mère : C’est Toulouse. Et Lilou c’est...
Claire : Ba c’est le petit blanc.
La mère : Et Minouchka elle n’est pas venue ?
Claire : Non non elle est dans ma chambre.
La mère : Ah ba on va lui la présenter.
Le père : Tu vas apporter la miss quand même.
(Claire part chercher Minouchka à l’étage)
La mère : Mais c’est vrai qu’on est en recomposition, on n’est pas recomposés. D’ailleurs si
vous avez fait attention, quand vos avez dit « avec tes sœurs », Laura n’a rien dit mais il n’y a
pas de sentiment de fraternité.
Ier : D’accord.
La mère : Tu ne te sens pas frère ou sœur avec heu... ?
Hugo : Non.
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Ier : D’accord.
(Lilou passe)
Le père : Tien mon Loulou ! Hein mon Loulou !
(Claire revient avec Minouchka)
La mère : Donc voilà les deux opposées. Non tu ne la mets pas sur la table !
Claire : Toute façon elle n’aime pas être prise dans les bas.
La mère : Les deux ennemis (rires de tout le monde)
Le père : Regarde il est mort de trouille ! (rires)
La mère : Oui (rires)
Claire : Et puis là elle était en train de dormir sur mon lit donc « cause toujours tu
m’intéresses »
Le père : Elle ne va pas te croquer Loulou !
Claire : Non mais Loulou il a peur de tout.
Ier : Bien et ba écoutez moi je n’ai plus de questions à vous poser dons si vous voyez encore
quelque chose à me dire sur la place des chats au sein de votre famille ?
Claire : Ba je pense qu’on a fait le tourde la question.
La mère : Oui. C’est.... ce n’est pas central mais ils comptent autant que chacun d’entre nous.
Ier : D’accord. Et bien je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé.
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RÉSUMÉ/ABSTRACT
En 2010, 48,7% des foyers français possédaient au moins un animal de compagnie et
ce sont les familles de trois personnes et plus qui possèdent la plus forte proportion de chats et
de chiens. Comment expliquer de tels chiffres ? Nous basant sur une approche systémique de
la famille, nous avons émis l’hypothèse que l’animal de compagnie participait à
l’autorégulation du système familial. Nous avons rencontré trois types de famille (une famille
recomposée, une famille monoparentale et une famille nucléaire « stable ») de trois enfants
possédant un ou plusieurs chats. Nous les avons interrogées sur la place qu’occupe leur
animal au sein de leur famille et sur les relations qu’elles entretiennent avec lui. Les résultats
de notre travail ont alors montré que l’animal de compagnie participe au maintien de
l’équilibre du système familial car il favorise son adaptation lors de crises et de transitions
difficiles, augmente les interactions positives entre les membres et permet à la famille de
s’organiser autour de rôles et de règles bien définis. De tels résultats interrogent donc sur
l’intérêt d’une prise en compte de l’animal de compagnie dans les thérapies familiales
systémiques aujourd’hui.
Mots clés : liens homme-animal, animal de compagnie, système familial, autorégulation,
thérapie familial
In 2010, 48.7% of French households owned at least one pet and families of three or
more people are the ones with the highest proportion of cat and dogs. How to explain such
figures? Based on a systematic approach of the family, we hypothesized that pets were
involved in the self-regulation of family system. We met three kinds of families (a
reconstituted family, a single parent family and a “stable” nuclear family) with three children
and one or several cats. We interviewed them on the role played by their pets in the bosom of
their family and on the relationships they have with it. The results of our work showed that
the pet is involved in the preservation of the balance of the family system because it favors its
adaptation during crises and during difficult transitions, it increases the positive interactions
between the members and it allows the family to get organized around roles and around welldefined rules. So, such results leads to question about the interest of taking into consideration
pets in systemic family therapies nowadays.
Keywords : Human-Animal Bonds, Pets, Family Systems, Self-Regulation, Family Therapy
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