memoire de recherche l`effet regulateur de l`animal de compagnie
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memoire de recherche l`effet regulateur de l`animal de compagnie
LOISEAU LUCIE Université Catholique de l'Ouest Institut de Psychologie et de Sociologie Appliquées Année universitaire 2011 - 2012 MASTER 1 MEMOIRE DE RECHERCHE SPECIALITE PSYCHOLOGIE CLINIQUE Parcours : Psychologie Développementale L’EFFET REGULATEUR DE L’ANIMAL DE COMPAGNIE AU SEIN DU SYSTEME FAMILIAL Directeur de mémoire : M. Christian HESLON Session : 2011-2012 Charte de non-plagiat Je, soussignée LOISEAU Lucie étudiante à l'IPSA en Master 1, certifie que le texte présenté comme dossier (validé officiellement dans le cadre d'un diplôme national) est strictement le fruit de mon travail personnel. Toute citation (sources internet incluses) doit être formellement notée comme telle, tout crédit (photo, illustration diverse) doit également figurer sur le document remis. Tout manquement à cette charte entraînera la non prise en compte du dossier. Fait à Angers, le 30 août 2012 Signature REMERCIEMENTS A M. Christian HESLON, Maître de conférences en psychologie et Directeur de l’IPSA (Institut de Psychologie et de Sociologie Appliquées) à l’Université Catholique de l’Ouest, pour sa disponibilité et le temps qu’il a consacré à la direction de ce mémoire, ainsi que pour ses conseils, ses pistes de réflexion et son soutien dans la réalisation de ce projet. A Mmes Houria BOUCHAFA et Isabelle GRANGEREAU, Maîtres de conférences en psychologie, pour leur aide et leurs conseils dans la rédaction de ce mémoire. A l’ensemble des familles, pour m’avoir reçue chez elles avec gentillesse, pour le temps qu’elles m’ont consacré durant les entretiens et pour ce qu’elles ont accepté de partager avec moi. Sans leur parole et leurs histoires ce travail n’aurait jamais pu voir le jour. A ma famille et mes amis, pour leur soutien et leurs encouragements qui ont été précieux durant toute cette année, ainsi que pour leurs idées, leurs questionnements et leur sens critique qui ont nourri mes réflexions personnelles. Aux animaux, ceux dont il est question dans ce mémoire, et ceux qui m’entourent et m’ont entouré tout au long de ma vie, pour m’avoir inspiré ce projet et l’avoir rendu possible. « Je souhaite dans ma maison : Une femme ayant sa raison, Un chat passant parmi les livres, Des amis en toute saison Sans lesquels je ne peux pas vivre. » Guillaume Apollinaire, Le Bestiaire ou Cortège d'Orphée (1911) TABLE DES MATIERES INTRODUCTION .................................................................................................................... 1 L’ANIMAL AU CŒUR DU SYSTEME FAMILIAL .......................................................... 3 I. Les relations anthropozoologiques : quand l’homme et l’animal se rencontrent ... 3 1.1. De la reconnaissance d’une possible relation... ........................................................... 3 1.1.1. De l’animal-machine à l’animal-sujet ................................................................ 3 1.1.2. La relation homme-animal : Comment communiquent-ils ?.............................. 5 1.2. A la présence animale au sein de la société humaine .................................................. 7 1.2.1. De l’animal domestique à l’animal de compagnie ............................................. 7 1.2.2. Quelques explications du phénomène animal de compagnie dans la société .... 9 1.2.3. Les propriétaires d’animaux : cattophiles contre cynophiles ........................... 10 II. L’approche systémique de la famille ......................................................................... 12 2.1. Le groupe familial : quelques éléments de définition................................................ 12 2.1.1. Qu’est-ce qu’une famille ? ............................................................................... 12 2.1.2. La famille : un groupe primaire........................................................................ 13 2.1.3. Des familles en évolution ................................................................................. 14 2.2. La théorie des systèmes : courants et approches ....................................................... 15 2.2.1. La naissance du modèle systémique ................................................................. 15 2.2.2. Les différentes approches du modèle systémique ............................................ 17 2.2.3. Les différents niveaux du modèle .................................................................... 19 2.3. La famille comme système ........................................................................................ 21 2.3.1. Le système familial : un système ouvert résistant au changement ................... 21 2.3.2. Existe-t-il une famille normale ? ...................................................................... 22 2.3.3. Les fonctions familiales ................................................................................... 23 2.3.4. Les différentes étapes de la vie familiale ......................................................... 23 2.3.5. Les mythes familiaux ....................................................................................... 25 2.4. L’autorégulation du système familial ........................................................................ 25 III. La relation homme-animale : une relation particulière et bénéfique ..................... 26 3.1. Cet animal qui nous veut du bien .............................................................................. 26 3.1.1. L’animal, une prévention efficace dans le milieu de la santé .......................... 26 3.1.2. L’animal, un soutien pour les personnes en souffrance ................................... 27 3.2. La relation homme-animal : fonctions et significations d’une relation particulière .. 29 3.2.1. Les fonctions psychologiques de l’animal de compagnie ................................ 29 3.2.2. Les fonctions de l’animal de compagnie chez les jeunes couples .................... 30 3.3. L’animal comme membre du système familial ......................................................... 32 3.3.1. L’animal dans la famille en quelques chiffres.................................................. 32 3.3.2. L’animal : sa place, son rôle et sa fonction dans la cellule familiale ............... 33 3.3.3. L’animal de compagnie dans les thérapies familiales systémiques ................. 36 PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE RECHERCHE .......................................... 39 Questionnement et problématique ........................................................................................ 39 Hypothèse générale .............................................................................................................. 39 Hypothèses opérationnelles .................................................................................................. 39 METHODOLOGIE ............................................................................................................... 41 Population et méthode .......................................................................................................... 41 Guide d’entretien .................................................................................................................. 42 ENTRETIENS EXPLORATOIRES : LA FAMILLE C. : LA CHIENNE QUI « FEDERE » ............................................................................................................................ 45 Entretien avec la mère .......................................................................................................... 45 Entretien avec le père ........................................................................................................... 47 Entretien avec Max, 14 ans .................................................................................................. 48 Entretien avec Tom, 16 ans .................................................................................................. 49 Entretien avec Harry, 21 ans ................................................................................................ 51 RÉSUMÉ DES ENTRETIENS ............................................................................................. 54 La famille recomposée : la famille D. : un chat pour chacun ............................................... 54 La famille monoparentale : la famille B. : la chatte qui complète ....................................... 58 La famille nucléaire stable : la famille H. : la chatte qui compense..................................... 62 ANALYSE DES ENTRETIENS ........................................................................................... 66 1) L’adoption de l’animal .............................................................................................. 67 2) Le rôle de l’animal dans les moments difficiles ........................................................ 68 3) L’animal comme facteur d’ambiance et d’interactions familiales positives ............. 69 4) Rôle de l’animal dans les conflits .............................................................................. 71 5) L’animal comme support de projection et d’identification ....................................... 71 6) Structure et fonctionnement familial ......................................................................... 72 DISCUSSION DES RESULTATS ........................................................................................ 76 CRITIQUES ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE..................................................... 80 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 83 ANNEXES ............................................................................................................................... 89 ANNEXE 1 : L’animal de compagnie dans nos foyers : Etudes française et belge ............ 90 ANNEXE 2 : Entretien avec la famille recomposée : la famille D. ..................................... 91 RÉSUMÉ/ABSTRACT ........................................................................................................ 127 INTRODUCTION Depuis quelques années, nous assistons à une profusion du discours sur l’animal dans le milieu scientifique et les médias. En effet, nous voyons se multiplier les ouvrages philosophiques, les revues, les colloques, les émissions de télévision (30 millions d’amis est créée en 1976 et X. Mahler comptabilise 184 heures de diffusion de documentaire sur les animaux en 1977 !), etc. traitant de la question de l’animal et de son lien énigmatique avec l’homme, démontrant ses bienfaits sur la santé et justifiant son utilisation en psychothérapie. L’animal est partout dans notre société (Mouren-Simeoni, 1998) : il fait partie de nos loisirs (équitation, safari-photo, visites à la ferme, parcs zoologiques, cirques, courses hippiques...), de notre langage courant à travers les mots doux adressés aux enfants ou échangés entre partenaires amoureux (« mon poussin », « mon chaton »...), ainsi que de l’art qui nous entoure, que ce soit la littérature (les Contes de Perrault, les Fables de La Fontaine, Animal Farm de G. Orwell...), la peinture (depuis les peintures des hommes préhistoriques au Cheval Bleu de Franz Marc, en passant par La Jeune fille au chat de Renoir), la musique (la Messe des moineaux de Mozart, L’Aigle Noir de Barbara, La Ferme des Fatals Picard) ou encore le cinéma (les personnages de Walt Disney, L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, Le Grand Bleu...). Même les réseaux sociaux n’y échappent pas ! Sur Facebook nombreux sont ceux qui publient des photos de leur animal (d’après une enquête réalisée par Nikon l’animal domestique est d’ailleurs le premier sujet photographié par les Français, avant le conjoint et les amis !)1, voire leur crée un profil. Depuis novembre 2012, un réseau social leur est même exclusivement réservé : Yummy Pets (littéralement « délicieux animaux de compagnie »). Désormais nos animaux peuvent avoir une vie sociale sur la toile, ils se font des amis, laissent des commentaires et aiment des photos. Et dans la société de consommation dans laquelle nous vivons, c’est bien sûr dans la publicité que l’animal va aussi trouver une place de choix. Ainsi, des chimpanzés vendent de la lessive, des marmottes emballent du chocolat et pendant qu’un poisson rouge est accusé de manger de la crème dessert, les Français se demandent toujours pourquoi une vache qui porte des boucles d’oreilles peut-elle bien rire. 1 Ce sondage a été réalisé par Nikon auprès d'un échantillon de 510 personnes, au mois de mai 2012. Les résultats publiés le 8 août 2012, révèlent que pour 51% des Français, le sujet qu’ils photographient le plus est leur animal de compagnie, contre 24% pour le conjoint et 23% pour les amis. Page 1 sur 127 L’animal nous entoure certes, mais nous cherchons aussi à nous entourer d’animaux au quotidien. Ainsi, la présence animale au sein de nos foyers peut être considérée comme un véritable phénomène de société, puisque d’après une enquête réalisée par FACCO2 en 2010, pratiquement un foyer français sur deux (48,7%) possède au moins un animal de compagnie (ils étaient 51,2% en 2008). De plus, c’est dans les familles de trois personnes et plus qu’on retrouve la plus forte proportion d’animaux de compagnie (46,6% des chiens et 42,9% des chats). S’interroger sur la question de l’animal de compagnie, et plus particulièrement de sa place au sein de la cellule familiale, apparait donc être un thème de recherche à approfondir, d’autant plus que, la recherche en sciences humaines dans ce domaine étant très récente (seconde moitié du XXème siècle), les études restent encore très peu nombreuses. En France, par exemple, la première Association Française d’Information et de Recherche sur l’Animal de Compagnie (AFIRAC) n’a été créée qu’en 1977, et au niveau international, il a fallu attendre 1992 pour que l’IAHAIO voit le jour. Cette association organise depuis sa création des conférences internationales sur la relation homme-animal tous les trois ans, la dernière ayant eu lieu à Stockholm en 2010 sur le thème « Hommes et animaux : une relation pérenne ». Les sciences humaines ont pendant très longtemps sous-estimé la relation hommeanimal, car elles ne s’intéressaient qu’aux relations humaines. Pourtant aujourd’hui, certaines études commencent à montrer que ce lien que nous entretenons avec les animaux n’est pas neutre et présente même de nombreux intérêts au niveau physiologique et psychologique. C’est pourquoi, la thérapie assistée par l’animal se développe de plus en plus auprès de personnes en souffrance. Choisir d’étudier la place et la fonction de l’animal de compagnie au sein de la famille présente donc un intérêt à la fois sociétal et de recherche. 2 Enquête réalisée en octobre/décembre 2010 par FACCO (Chambre Syndicale des Fabricants d’Aliments Préparés pour Chiens, Chats, Oiseaux et autres Animaux Familiers) auprès de 14 000 foyers français issus de la base de sondage TNS Postal Access Panel. Ces foyers étaient représentatifs en termes de taille du foyer, âge, catégorie socio-professionnelle, taille d’agglomération et région d’habitat. Page 2 sur 127 L’ANIMAL AU CŒUR DU SYSTEME FAMILIAL I. LES RELATIONS ANTHROPOZOOLOGIQUES : QUAND L’HOMME ET L’ANIMAL SE RENCONTRENT 1.1. De la reconnaissance d’une possible relation... Pour supposer qu’il existe une véritable relation entre l’homme et l’animal, il faut aborder ce dernier comme un sujet (Willems, 2011), c’est-à-dire comme un être doté d’une certaine subjectivité, capable de ressentir des émotions et ayant des comportements chargés de signification. Or, nous allons voir qu’une telle conception de l’animal n’est apparue qu’au XXème. 1.1.1. De l’animal-machine à l’animal-sujet « Et ceci ne témoigne pas seulement que les bêtes ont moins de raison que les hommes, mais qu'elles n'en ont point du tout : car on voit qu'il n'en faut que fort peu pour savoir parler »3 Pendant très longtemps la philosophie a considéré l’animal comme « celui qui n’a pas le prétendu propre de l’homme » (Burgat, 2002), c’est-à-dire la raison, la conscience. Selon la philosophie occidentale, langage et parole étant liés par leur étymologie (en Grec logos signifie à la fois « la parole » et « la raison »), l’animal est donc celui qui est privé de raison et de conscience, puisqu’il ne parle pas. On retrouve ainsi dans le clivage homme/animal le dualisme esprit/matière : l’animal n’est qu’une matière, qu’une « machine » (Descartes, 1637), tandis que l’homme possède non seulement un corps, mais aussi une âme, et donc la raison et une conscience. Pourtant si on regarde l’étymologie, animal et âme sont aussi liés puisque le mot animal vient du latin anima qui signifie « l’âme, le souffle vital, le psychisme ». De plus, à force de définir l’homme comme un être pensant n’oublie-t-on pas qu’il est aussi, et avant tout, un être vivant (Levi-Strauss, 1985) ? A partir du XXème siècle, les philosophes vont commencer à étudier l’animal, non plus par rapport à l’homme, mais pour ce qu’il est, c’est-à-dire une altérité dont l’essentiel nous échappe et dont le regard est « le point de vue de l’autre absolu » (Derrida, 2006). Bon nombre d’écrivains ont d’ailleurs écrit sur ce regard animal qui vient nous transpercer et nous 3 DESCARTES, R. (1637). Discours de la Méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences, Ve partie. Page 3 sur 127 interroger. Nous ne citerons ici qu’un exemple illustratif : « Il suffit de croiser son regard avec celui d’un chat pour mesurer la profondeur des énigmes que chaque paillette de ses yeux pose aux braves humains que nous sommes. »4 Hassoun (1998) dira même que « l’autre représenté par l’ordre animal, serait cet être différent sur lequel l’humanité repose. » En ce qui concerne cette question animale, certains iront même jusqu’à considérer qu’elle est inaccessible à la philosophie et que « rien en un sens, ne nous est plus fermé que cette vie animale dont nous sommes issus » (Bataille, 1976). L’animal serait ce qui en nous reste celé, caché à notre conscience, ce que les psychanalystes appellent finalement « l’inconscient ». Il serait, non pas le grand Autre de Lacan, puisque ce dernier se confond avec le langage, mais un « petit autre », une altérité indicible en nous, où l’affect serait trop brut pour être mis en mots. Freud ne cessera d’ailleurs d’articuler la question de l’inconscient avec celle de l’animalité, cette part animal qui resterait en chacun de nous. Dans la même lignée que son contemporain, Husserl (1934) va même établir une continuité psychique entre les animaux et les hommes, considérant que les animaux sont inscrits dans les strates les plus archaïques de notre psychisme. Il fit ainsi ce que Darwin avait fait en biologie et fonda dans la première moitié du XXème siècle le premier courant philosophique qui pensera l’animal et l’homme ensemble : la phénoménologie. Ce courant va se donner pour objectif de revenir au phainomai, c’est-à-dire à ce qui nous apparait, à « l’expérience vécue », celle qui précède l’analyse et l’objectivation par la pensée et le langage, autrement dit celle que l’on partage avec les animaux. Il sera ainsi le premier à attribuer un psychisme et une « âme » aux animaux, à qui il prête à la foi un ego et une intentionnalité, et donc une certaine perception de l’avenir immédiat. Le courant philosophique d’Husserl influencera par la suite l’éthologie, une discipline qui propose d’étudier l’animal dans son milieu naturel. Les éthologues interpréteront le comportement animal comme une réponse instinctive, restant en cela proche de la conception mécaniste des behavioristes, mais rajouteront aussi l’idée d’un psychisme subtil chez l’animal pouvant entrer en relation avec les êtres humains. Le premier scientifique à avoir réellement pensé l’animal comme un sujet est l’éthologue Jakob Von Uexküll qui va introduire en 1934 le concept d’Umwelt, un « monde vécu » chez tous les animaux, du plus basique comme la tique, au plus développé comme le chien. Il va montrer que l’animal donne une signification aux signes qui lui arrivent du monde extérieur et que ces significations peuvent varier en 4 LAURENT, J. (1997). Préface de L'Histoire secrète du chat, Paris : Robert de Laroche Page 4 sur 127 fonction de son état. Ainsi l’animal n’est plus un sujet passif qui reçoit des sensations, mais un sujet actif dans la construction de ses perceptions. Chaque espèce animale va donc percevoir un univers différent selon son système perceptif. Lestel (2004), quant à lui, soulignera la singularité de l’animal et montrera qu’il peut y avoir des différences de perception au sein d’une même espèce malgré un système sensoriel identique. Buytendijk (1965), psychiatre et spécialiste de la psychologie animale, prolongera ensuite la pensée de Von Uexküll en attribuant aussi à l’animal une temporalité. L’animal ne serait pas ancré dans un éternel présent, mais serait, comme l’homme, en lien avec le passé et l’avenir. C’est cette temporalité commune qui va permettre à l’homme et l’animal d’entrer en relation et d’être véritablement ensemble, à l’image du chien et de son maître. Buytendijk insistera aussi sur la « pseudo-personnalité » des animaux supérieurs et admettra même la capacité de « s’humaniser » chez les animaux domestiques. Il distinguera en revanche l’Umwelt purement subjectif de l’animal et le Welt de l’homme qui est objectivé par le langage. La subjectivité serait donc par excellence un élément de l’animal. De plus, ce dernier n’ayant pas conscience de son intériorité, chez lui, comme chez les très jeunes enfants, l’autre existe avant le moi. L’animal serait donc à la fois plus subjectif et plus fondamentalement relationnel que l’humain. Une telle conception de l’animal va ainsi consister en une quatrième blessure narcissique pour l’espèce humaine, après Copernic, Darwin et Freud. 1.1.2. La relation homme-animal : Comment communiquent-ils ? L’homme et l’animal étant tous deux des sujets ils peuvent donc entrer en relations mais comment peuvent-ils communiquer si l’animal ne parle pas ? L’un des premiers à avoir comparé scientifiquement la communication animale et la communication humaine est le psychologue et anthropologue américain Grégory Bateson. Soulignons d’ailleurs, et nous le verrons dans une prochaine partie, que c’est le même Bateson qui fera partie des fondateurs de l’approche systémique appliquée à la famille (Coïncidence ?). Dans les années 1970, Bateson expliquait que le langage animal est analogique et fonctionne par ressemblances entre ce qui est exprimé et ce qui exprime (ex : il va montrer les dents pour exprimer son agressivité car cela ressemble à ce qu’il fait quand il mord). A l’inverse, le langage humain serait pour lui digital, c’est-à-dire qu’il symbolise ce qu’il veut exprimer. Mais l’éthologie actuelle a aussi montré l’ébauche d’une symbolisation chez certains animaux (ex : la « danse des abeilles »). Aujourd’hui plusieurs questions se posent alors à la recherche : Existe-il des formes de pensée sans langage, c’est-à-dire non verbales, chez l’animal et l’humain ? Pour Denton (1995), Page 5 sur 127 « une bonne part de la pensée et des fantasmes humains [serait] de caractère non linguistique, et de ce point de vue, plus proche des processus de pensée des animaux ».5 Les chercheurs se demandent aussi si le langage animal est plus simple que le langage humain ou simplement différent. Il semblerait qu’il soit seulement différent, car l’animal n’exprime par forcément un message ou des choses, mais plutôt des émotions et des relations. Si le langage verbal humain est objectif, le langage animal non verbal est quant à lui purement subjectif. Ceci vient donc conforter l’idée d’une subjectivité chez l’animal. Mais si l’homme et l’animal ont un langage si différent, peuvent-ils communiquer entre eux ? Et si oui, comment ? Avec la domestication un langage commun se serait créé entre l’homme et l’animal qui vit à ses côtés, un langage où les gestes de l’un ont pris un sens pour l’autre qu’ils n’avaient pas à l’origine. Par exemple, la proie que l’ancêtre du chien régurgitait pour ses petits est aujourd’hui interprétée comme un cadeau pour l’homme. De même, le chien se serait mis à aboyer pour s’accorder à la parole de l’homme et va même vocaliser d’autant plus que parlent ceux avec qui il vit ! Il y a donc eu une humanisation des modes de communication, parallèlement au développement de nombreuses mimiques et postures chez le chien et le chat. A ce propos Buytendijk écrit d’ailleurs que le chien « présente d’innombrables mouvements expressifs qui offrent une parenté avec les mouvements humains et qui sont liés d’une façon intelligible à des situations, de sorte qu’on pourrait de bonne foi attribuer au chien des sentiments humains »6. Non seulement nous parlons à nos animaux en essayant de leur faire comprendre notre langage mais nous tentons aussi d’exprimer leur état affectif et même de leur apprendre à parler ou à utiliser la langue des signes comme le démontrent de nombreuses expériences réalisées avec des chimpanzés ou des perroquets. Mais même si nous essayons d’inculquer notre langage verbal aux animaux, il reste que l’aspect crucial de notre communication avec eux est de nature affective. Les animaux tentent non seulement de décrypter notre parole, mais aussi tout ce qui est de la sphère du non verbal. Ils vont percevoir des mouvements chez l’homme qui sont pour lui imperceptibles. Citons par exemple le cheval « Hans le malin » qui avait la réputation de savoir compter mais qui en réalité détectait seulement les émotions des gens qui l’entouraient à l’approche de la bonne réponse. Selon le psychiatre Straus (1989), il y aurait une « compréhension symbiotique mutuelle » entre l’homme et l’animal, leur lien se situant dans le pathique dans lequel s’associent sensation physique et ressenti psychique. A la base de la communication homme-animal se trouverait 5 6 DENTON, D. (1995). L’Emergence de la conscience. De l’animal à l’homme. Paris : Flammarion (p.220) BUYTENDIJK, F. (1965). L’Homme et l’Animal. Paris : Gallimard (p.127) Page 6 sur 127 donc un sentir commun, ou ce qu’on appelle plus couramment l’empathie. Finalement, peu importe que la communication soit verbale ou non verbale entre les deux, car ce qui l’emporte ce sont les relations et non les contenus (Renck & Servais, 2002). D’ailleurs même dans la communication humaine l’essentiel est non verbal. Nous ne partageons pas le même langage ni le même monde avec les animaux mais cela empêche-t-il pour autant à une véritable communication d’exister ? N’avons-nous pas aussi des problèmes de traduction entre humains qui parlons des langues différentes ? Nous comprenons donc ainsi que la reconnaissance d’une possible relation entre l’homme et l’animal a pris beaucoup de temps. Le but de ce travail n’est pas, bien entendu, de faire l’état des conceptions philosophiques sur l’animal, mais il était important d’en donner un rapide aperçu pour comprendre comment ces conceptions ont permis ensuite de faire évoluer les rapports entre l’homme et l’animal, et les études scientifiques dans ce domaine. En effet l’animal de compagnie serait-il appelé ainsi aujourd’hui si nous en étions restés à la conception machiniste de Descartes ? De même, les sciences humaines se seraient-elles intéressées aux bienfaits et à la signification de la relation entre l’homme et l’animal si ce dernier était toujours réduit au statut de simple objet d’ornement ? Rien n’est moins sûr... 1.2. A la présence animale au sein de la société humaine 1.2.1. De l’animal domestique à l’animal de compagnie La domestication des animaux n’est ni un fait nouveau, ni un fait exclusivement occidental. Bien au contraire, Mouren-Siméoni (1998) rappelle que l’animal domestique a participé à l’histoire des civilisations humaines. Ainsi, le chien s’est rapproché de l’homme quand ce dernier a quitté sa grotte pour construire des huttes, et le chat a été utilisé pour chasser les souris dans les réserves de grains de l’Egypte ancienne. Selon Jean-Luc Guichet (2011), le terme « domestique », qui étymologiquement vient du Latin domus, la maison, « qualifie une espèce dont la maîtrise reproductive a été acquise par l’homme au fil d’une très longue histoire de pratiques de sélection et de transformation ; les espaces concernés sont ceux intérieurs ou attenants au « domus » comme la cour de ferme. » L’animal domestique est donc celui qui vit aux côtés de l’homme, au sein ou près de sa maison. On va donc retrouver dans cette catégorie tous les animaux d’élevage et de ferme, allant de la vache utilisée pour sa viande ou son lait, au chien qui garde les troupeaux de moutons. L’animal a donc été Page 7 sur 127 domestiqué avant tout pour une fonction utilitaire mais cette fonction a aujourd’hui quasiment disparu. À l’exception des chiens guides d’aveugles, d’assistance pour personnes handicapées ou de sauvetage, on n’emploie plus les animaux. De plus, si les étrangers considèrent le phénomène animal de compagnie comme un aspect frappant de la société française contemporaine, le fait que l’homme s’entoure d’animaux sans aucun objectif économique ou utilitaire ne date pourtant pas du XXème siècle et n’est pas une spécificité de la société occidentale (Digard, 1998). De nombreuses sociétés, comme les Indiens d’Amazonie, les Eskimos, les Papous de Nouvelle-Guinée etc. vivent aussi au contact d’animaux qui n’ont pour unique fonction que de « tenir compagnie ». De plus, le goût pour les animaux familiers semble attesté dès l’Antiquité gréco-romaine et en Europe médiévale presque tous les gens aisés possédaient des animaux, notamment des chiens et des animaux exotiques (perroquets...). Au XVIIIème siècle cet engouement pour les animaux de compagnie va s’étendre aux classes moyennes et à d’autres espèces animales. Le XIX ème siècle assistera donc ensuite à une prolifération des chiens qui sera reprise en main dans la seconde moitié du XIXème par des réglementations et des associations de défense contre les animaux. Mais si l’homme s’est toujours entouré d’animaux familiers, ce qui fait la spécificité de la société du XXème siècle c’est le caractère de masse du phénomène (59 millions d’animaux de compagnie en France en 2010 dont 7,59 millions de chiens et 10,96 millions de chats7) et le rapport qualitatif entretenu avec l’animal. Le vétérinaire, Ange Condoret parlera ainsi « d’urbanimalisation » pour désigner l’importance de la présence animale dans notre société urbaine. L’animal n’est plus seulement domestique ou familier, il devient « de compagnie » ou « apprivoisé », c’est-à-dire qu’il y a présence d’une « relation « privée » d’appariement individualisé et plus ou moins affectif entre un homme et un animal ; pouvant aboutir à un lien « défonctionnalisé » et autocentré, induisant souvent une « infantilisation » ou en tout cas un assujettissement psychologique de l’animal, mais tout en permettant aussi une relative réciprocité. » (Guichet, 2011). Moscovici (1984) va même plus loin et affirme que l’on a dépassé le stade de la domestication pour entrer dans ce qu’il appelle « l’artification » de l’animal. Parce que la société humaine se projette sur la société animale, on va s’occuper de nos compagnons à quatre pattes, les pomponner, leur faire faire de la 7 Enquête réalisée en octobre/décembre 2010 par FACCO (Chambre Syndicale des Fabricants d’Aliments Préparés pour Chiens, Chats, Oiseaux et autres Animaux Familiers) auprès de 14 000 foyers français issus de la base de sondage TNS Postal Access Panel. Ces foyers étaient représentatifs en termes de taille du foyer, âge, catégorie socio-professionnelle, taille d’agglomération et région d’habitat. Page 8 sur 127 publicité… C’est l’économie nationale toute entière qui tourne autour de l’animal familier car pour lui on ne regarde pas la dépense (alimentation, toilettage, véto, assurances...). Après tout Minou mérite bien sa boîte de pâtée à trois étoiles, non ? Ainsi, au fur et à mesure que les sciences naturelles rapprochent l’homme de l’animal, l’homme de son côté cherche à humaniser de plus en plus ses animaux. Pour reprendre le titre d’un article de Jean-François Dortier, « l'animal [est] humanisé et l'humain naturalisé »8. Mais comment expliquer l’importance de ce phénomène ? Pourquoi les hommes recherchent-ils autant le contact avec d’autres espèces ? 1.2.2. Quelques explications du phénomène animal de compagnie dans la société Diverses explications ont été données quant au fait que l’homme s’entoure autant d’animaux de compagnie aujourd’hui. Parmi ces hypothèses nous pouvons citer celle de Serge Moscovici, selon qui l’animal de compagnie servirait à compenser la perte du lien à la nature. En effet, jusque dans les années 40 l’animal était omniprésent dans la société (travail agricole, transport, surveillance...) mais dans les années 50-60 il y a eu une volonté de supprimer toutes les espèces gênantes. Cette « rage de la propreté » eut pour conséquence de rendre notre atmosphère « chimique et bétonneuse » (Moscovisci, 1984). « L’animal de compagnie ne procure [donc] qu’une compagnie factice, qui remplace celle des animaux qui nous entouraient avant. Il est le substitut d’une nécessité qui a disparu. » (Sigaut, 1998). D’après Moscovisci, ce regain d’intérêt pour les animaux pourrait aussi être expliqué par la difficulté que nous avons eu à nous séparer de nos origines biologiques (réveil au chant du coq, hirondelles au printemps…), ainsi que par le solitarisation de la société d’aujourd’hui dans laquelle les grandes familles traditionnelles n’existent presque plus et où les individus vivent isolés les uns les autres. Mais en surprotégeant son animal, l’homme l’a enfermé dans la même solitude que lui. De plus, selon Digard (2005), l’amour exagéré que nous portons à nos animaux de compagnie serait une rédemption par rapport aux animaux d’abattoir. Par exemple, après les bûchers de vaches lors de l’épidémie de la « vache folle », le premier parfum pour chien, « Oh My Dog », est sorti sur le marché. Nous avons donc d’un côté une hyper-domestication, une surprotection et une survalorisation des animaux familiers, et de l’autre une dé-domestication, un maltraitement et une marginalisation des animaux de rente. Toujours selon Digard (2005), la domestication aurait pour origine à la fois une curiosité intellectuelle et un besoin de pouvoir de la part de l’homme. Ce dernier aurait en effet besoin, 8 Dortier, J.F. (2011). L’animal humanisé et l’humain naturalisé, Sciences humaines, 222, 3-3 Page 9 sur 127 dans un délire presque mégalomaniaque, de s’approprier la nature et de la transformer. C’est ainsi qu’on va observer une tendance à accentuer ou diminuer la taille des espèces : on augmente la taille des bovins, des moutons, des volailles..., et à l’inverse, on miniaturise les animaux familiers (bichon, pékinois, poules naines, lapins nains, poney Falabella...). De même, nous avons créé plus de 400 races de chiens ! Enfin, deux hypothèses plus psychologiques, ont aussi été émises. La première, celle de Moscovici (1984), repose sur l’idée que les animaux apportent la présence d’une réalité extérieure sécurisante. L’homme étant fondamentalement anxieux, s’il ne se confronte plus qu’à lui-même une angoisse existentielle va naître. C’est pourquoi, il va se tourner vers les animaux qui vont lui permettre de se décentrer de lui-même, l’animal deviendra un véritable objet de contemplation. La deuxième hypothèse que nous pouvons citer est celle de Bernard et Demaret (1997). Selon eux, le besoin exacerbé d’animaux de compagnie trouverait son origine dans notre nostalgie de la multitude d’enfants qui entouraient autrefois l’homme à l’époque des sociétés tribales. Les animaux seraient alors des substituts de ces enfants perdus. C’est pourquoi, on sélectionnerait de plus en plus les races canines pour les faire ressembler à des bébés humains. Enfin, selon Demaret, le besoin d’animaux serait en fait un besoin d’inutilité dans le champ du relationnel, comme le serait l’art dans le champ de l’esthétique. 1.2.3. Les propriétaires d’animaux : cattophiles contre cynophiles Si la tendance actuelle est à la diversification des animaux de compagnie, les espèces possédées forment malgré tout, « au sens rigoureux du terme, un système structural d'oppositions »9. Une étude a en effet montré que la société est divisée en deux pôles : d’un côté les cynophiles cattophobes, et de l’autre les cattophiles cynophobes. Par cynophiles, nous entendons ceux qui possèdent un ou plusieurs chien(s), et par cattophiles ceux qui possèdent un ou plusieurs chat(s). En effet, parmi les animaux familiers préférés des Français, on retrouve en tête le chat présent dans 26,1% des foyers en 201010 et le chien (22,4%). Ces deux espèces sont ensuite suivies par les poissons (11,1%), les rongeurs (6,1%) et enfin les oiseaux (3,7%). Mais il ne s’agit pas seulement de décrire les animaux, il faut aussi décrire les maîtres pour comprendre l’expansion des animaux familiers. C’est ce qu’a fait l’INSEE à l’aide d’une 9 HERAN, F. (1988). Comme chiens et chats : structure et genèse d’un conflit culturel, Ethnologie Française,18, 4, 325-337 10 Enquête réalisée en octobre/décembre 2010 par FACCO (Chambre Syndicale des Fabricants d’Aliments Préparés pour Chiens, Chats, Oiseaux et autres Animaux Familiers) auprès de 14 000 foyers français issus de la base de sondage TNS Postal Access Panel. Ces foyers étaient représentatifs en termes de taille du foyer, âge, catégorie socio-professionnelle, taille d’agglomération et région d’habitat. Page 10 sur 127 enquête nationale. Les résultats ont alors montré qu’« à la cynophilie très cattophobe des professions dont le sort est lié à la sauvegarde d'un patrimoine économique (patrons du commerce et de l'artisanat, camionneurs) ou qui sont préposés à la défense de l'ordre (policiers, militaires, contremaîtres) s'oppose diamétralement la cattophilie très cynophobe des intellectuels et des artistes, suivis en cela par les instituteurs, les travailleurs sociaux et les fonctionnaires »11. Ainsi, si le type d’habitat va déterminer le nombre d’animaux, la position sociale, elle, va intervenir dans le choix de l’espèce. Comment expliquer cette répartition ? Il semblerait d’après Héran (1988), que la relation au chien soit différente de celle au chat. En effet, la relation au chien serait davantage de nature hiérarchique et utilitaire, alors que le rapport au chat serait plutôt contemplatif et gratuit. C’est la représentation que les possesseurs ont de l’animal qui va faire qu’ils vont se tourner vers une espèce plutôt qu’une autre. Ainsi, le chat est associé aux notions de liberté et d’indépendance : il n’est asservi à aucune fonction utilitaire, est presqu’impossible à dresser, fugue, mange ce qu’il veut quand il veut... En résumé, il se fait entretenir tout en gardant sa liberté. C’est pourquoi, il va incarner pour les artistes, les intellectuels et les fonctionnaires le détachement qu’ils rêvent de pratiquer vis à vis de toute forme de pouvoir. Comme le disait Prévert « il n’y a pas de chat policier ». On parle familièrement du « chat de l’écrivain » et il est vrai que beaucoup de nos auteurs littéraires ont écrit ou et parlé sur leur chat, notamment sur son indépendance. Nous citerons ici l’exemple de Châteaubriand qui écrivit ceci au Comte de Marcellus : « J'aime dans le chat ce caractère indépendant et presque ingrat qui le fait ne s'attacher à personne, cette indifférence avec laquelle il passe des salons à ses gouttières natales ; on le caresse, il fait le gros dos ; mais c'est un plaisir physique qu'il éprouve et non comme le chien une niaise satisfaction d'aimer et d'être fidèle à son maître, qui l'en remercie à coups de pied. Le chat vit seul, il n'a nul besoin de société, il n'obéit que quand il veut [...] ». A l’inverse, le chien va avoir une image sociale associée à la défense des biens et des personnes et au maintien des rapports d’autorité. Nous pouvons par exemple citer le vidéo clip de la chanson Save the world du groupe Swedish House Mafia sortie en 2011 qui en réponse à la question « Who’s gonna save the world tonight ? (« Qui va sauver le monde ce soir ? ») montre des chiens de différentes races sauvant des hommes de diverses situations. Les cynophiles se plaisent aussi à dire que le chien incarne la virilité car il se dresse, alors que le chat renvoie à une pratique efféminée puisqu’il s’élève. Ainsi, aimer les chiens serait ne pas aimer les chats, et inversement. Pourtant, il semblerait que le chat soit davantage la négation du chien, que le 11 HERAN, F. (1988). Comme chiens et chats : structure et genèse d’un conflit culturel, Ethnologie Française, 18, 4, 325-337 Page 11 sur 127 chien la négation du chat. En effet, les races de chien étant plus nombreuses que les races de chat, avoir un chat va signifier ne pas avoir de chien, alors qu’avoir un chien va vouloir dire « j’ai choisi telle race plutôt que telle autre ». Nous comprenons donc que le choix de l’animal n’est pas anodin, il vient dire quelque chose du maître. Par un mécanisme de projection on leur fait dire ce qu’il y au fond de nous. « Parler de son animal c’est parler de soi » (Heran, 1988) ou comme le dit Cyrulnik (2005), « les animaux sont nos porte-parole »12. Selon Digard (2005), notre compagnon à quatre pattes va ainsi nous servir de faire-valoir et de miroir : l’homme choisit son animal en fonction de ce qu’il veut montrer de lui. Par exemple, le lévrier va incarner l’esprit aristocratique, le chien policier va symboliser la loyauté et la vigueur etc. Nous commençons donc ici à percevoir le support de projection que peut constituer l’animal de compagnie, mais nous étudierons cet aspect plus en détail dans la troisième partie lorsque nous aborderons les fonctions psychologiques de l’animal familier. Notre recherche s’intéressant à la fonction de l’animal au sein du système familial, nous proposons maintenant d’étudier ce qu’est une famille et comment elle fonctionne selon l’approche systémique. II. L’APPROCHE SYSTEMIQUE DE LA FAMILLE 2.1. Le groupe familial : quelques éléments de définition 2.1.1. Qu’est-ce qu’une famille ? Le mot « famille », du latin familia, renvoie à l’ensemble des famuli (serviteurs) attachés à la maison du maître, c’est-à-dire à l’ensemble des individus sur lequel le pater familias exerce son autorité. Familia s’appliquait également à la parenté et en latin médiéval désignait un ménage de serfs. L’idée de proche parenté n’apparait qu’en 1585 et ce n’est que très récemment que le terme évoque à la fois la parenté et la corésidence. A partir de 1611, le mot désignera aussi par extension la succession des individus ayant une origine commune. Selon Albernhe et Albernhe (2000), la définition la plus simple du terme serait la définition biologique qui définit la famille dans sa fonction verticale à travers les liens du sang. Mais cette définition comporte certaines limites puisqu’elle ne prend pas en compte les familles dans lesquelles les enfants ont été adoptés ou les familles recomposées. Le Lexique 12 LEGLU, D. (2005). Boris Cyrulnik : « Les animaux sont nos porte-parole », Sciences et avenir, 695, 48-49 Page 12 sur 127 des sciences sociales (1988) rajoute qu’en plus d’être un groupe de personnes liées par des liens de consanguinité, un certain nombre de ces personnes vivent dans un habitat commun. A la question « Qu’est-ce qu’une famille ? » Vallon (2006), quant à lui, répond par trois définitions. Tout d’abord, la famille est selon lui l’ensemble uni que forment les parents et leurs enfants » et il faudrait presque même l’écrire en un seul mot « papamamanenfant » afin de montrer qu’il s’agit là de quelque chose de « bien serré et de bien attaché ». Les séparations entre les différents membres est difficile à effectuer car l’ensemble familial semble donné d’un coup : Le parent produit l’enfant, et inversement. La deuxième définition de la famille que propose Vallon, est qu’il s’agit d’un « groupe solidaire d’appartenance, composé de ceux qui vont devoir m’aider sans réfléchir ni calculer ». Ce n’est pas pour rien que nous appartenons à une famille : nous y sommes unis et nous nous serrons les coudes face à l’extérieur et aux difficultés de la vie. Enfin, la dernière définition que Vallon fournit va renvoyer au dernier aspect de la famille : sa légitimité. Selon lui, « la famille, c’est ce qui est écrit sur les faire-part de naissance, de mariage ou de deuil ! ». « La famille est aussi une architecture de vivants et de morts, de ceux qui sont reconnus – légitimes – et de ceux qui n’existent pas, officiellement du moins. » Pour Vallon, la famille pourrait dont être définie par ces trois mots : génération, solidarité et légitimité. 2.1.2. La famille : un groupe primaire En dynamique des groupes, la famille est l’exemple même de ce qu’on appelle « un groupe primaire ou groupe restreint » (Anzieu & Martin, 1968). Les groupes primaires sont en général des groupes restreints et ils sont nommés ainsi par opposition aux groupes secondaires. Dans ces derniers les relations sont froides, impersonnelles, rationnelles, contractuelles et formelles. Les groupes secondaires sont des organisations, « [des systèmes sociaux] qui fonctionnent selon des institutions (juridiques, économiques, politiques...), à l’intérieur d’un segment spécifique de la réalité sociale. » Le groupe primaire, en revanche, possède les caractéristiques suivantes (Anzieu & Martin, 1968) : - Le nombre de ses membres est restreint : chacun peut ainsi communiquer en face à face. Les échanges parlés sont donc plus nombreux que les échanges écrits. - Les membres du groupe poursuivent activement des buts communs - Les relations affectives peuvent devenir intenses et il y a des sous-groupes d’affinités - Il y a une forte interdépendance des membres, des sentiments de solidarité, une union morale du groupe en dehors des réunions et des actions en commun Page 13 sur 127 - Les rôles entre les membres sont bien différenciés - Le groupe constitue ses propres normes, croyances, signaux et rites Pour Hooley (1909), les groupes primaires sont « ceux caractérisés par une association et une coopération intimes et face à face [...] le résultat de cette association intime est, du point de vue psychologique, une certaine fusion des individualités en un tout commun, de sorte que la vie commune et le but du groupe deviennent la vie et le but de chacun [...] ». Ainsi, la famille est l’exemple même du groupe primaire du fait des échanges affectifs intenses qui se nouent entre ses membres. Pour Anzieu et Martin (1968), les groupes qui durent aussi longtemps et dont les membres entretiennent entre eux des rapports affectifs aussi intenses, sont rares. Toutefois, à cause des institutions sociales qui la régissent, la famille est aussi pour une part un groupe secondaire. Elle est une réalité universelle au service de la reproduction de l’espèce, de la régulation de la satisfaction sexuelle et de l’élevage des enfants. Elle est aussi une institution qui assure la transmission des idéaux, des croyances, des valeurs d’une société donnée. De même, pour Vallon (2006), la famille remplit trois fonctions (engendrer, protéger et éduquer) au service d’une seule : transmettre. La famille transmet la vie, l’intégrité physique et psychique, et des modèles sociaux comme manières d’être un adulte reconnu. 2.1.3. Des familles en évolution Comme le rappellent Albernhe et Albernhe (2000), la famille a pendant longtemps été placée sous la tutelle du père, une tutelle à la fois symbolique, juridique et sociale. Mais à partir des années 1960, le travail des femmes et l’indépendance financière qu’elles en retirent, va faire basculer la société patriarcale vers une société basée sur le respect mutuel. De plus, la révolution industrielle a donné naissance à la fin du XVIIIème siècle à la classe moyenne qui va habiter dans des logements individuels. On assiste ainsi à la fin des grandes familles traditionnelles qui seront remplacées par ce qu’on appelle « les familles nucléaires ». Il s’agit selon Chaland (1994), du modèle familial normal qui aura le monopole dans la seconde moitié du XXème siècle. D’après le Lexique des sciences sociales (1988), la famille nucléaire est un « groupe limité au père, à la mère et aux enfants jusqu’à leur mariage ». La famille nucléaire ou moderne, « rejette toute intervention extérieures (religieuses, culturelles, institutionnelles...) directes sur la vie familiale et l’organisation de [sa] vie privée relève uniquement de [ses] membres » (Chaland, 1994). Elle est autonome mais pas autarcique ou indépendante car elle est tributaires d’autres systèmes (ex : l’économie). Page 14 sur 127 Mais si la famille nucléaire est le modèle de la famille normale, on a aussi vu la famille traditionnelle évoluer vers une pluralité des types familiaux. En effet, l’évolution de la société a créé de nouveaux groupes familiaux du fait du culte de l’individualisme et de la liberté, de l’augmentation des divorces, de la valorisation de la jeunesse etc. Ainsi lorsque nous parlons de la famille, nous devrions plutôt parler des familles. Il s’agit toujours de savoir de quelle famille nous parlons : la famille nucléaire qui comme nous l’avons vu comporte les parents et les enfants non mariés et relègue ses grands-parents dans ses établissements spécialisés ? La famille multigénérationnelle qui rassemble les parents, les enfants et les petits-enfants ? La famille recomposée ? La famille monoparentale dans laquelle les enfants vivent avec un seul de leurs parents ? 2.2. La théorie des systèmes : courants et approches 2.2.1. La naissance du modèle systémique Le modèle systémique est né de la rencontre des sciences de la communication et des sciences physiques (la cybernétique). La théorie de la communication a pour origine les travaux de l’école de Palo Alto composée de deux équipes principales. La première, celle de Gégory Bateson, s’est créée dans les années 50 au Veterans Administration Hospital avec le projet de recherche sur « l’Etude du rôle des paradoxes de l’abstraction dans la communication », projet qui aboutira à la théorie de la double-contrainte. Selon cette dernière, la schizophrénie serait un trouble de la communication au sein de la cellule familial causé par l’injonction contradictoire, c’est-à-dire « un seul ordre qui porte en lui sa propre contradiction » (Maisondieu, Metayer, 1986), comme par exemple « Soyez spontanés ! ». La deuxième équipe, celle de Don Jackson, s’est ensuite créée à partir de 1958 au Mental Research Institute (MRI). Du fait de son intérêt pour la psychothérapie et pour la communication sous hypnose de Milton Erikson, les objectifs de cette deuxième équipe seront thérapeutiques. Elle cherchera à savoir comment modifier les règles du système familial pour faire en sorte que le symptôme porté par l’un de ses membres disparaisse et elle donnera naissance à un centre de thérapie brève basé sur l’approche stratégique. Le terme « communication » est issu du latin communicare qui signifie « mettre en commun, être en relation ». A partir du XVIème siècle le verbe « communiquer » renverra au fait de transmettre. Selon l’école de Palo Alto, la communication est un comportement verbal et non verbal (mimiques, gestes, postures...). Cette théorie est basée sur trois axiomes principaux : Page 15 sur 127 - Un axiome pragmatique : On ne peut pas ne pas communiquer : même un refus de communiquer est déjà une communication car on ne peut pas ne pas se comporter. - Un axiome syntaxique : toute communication comporte deux niveaux : l’indice, c’està-dire le contenu du message, et l’ordre qui vient préciser la relation entre les deux interlocuteurs. Dans le mode digital (verbal) l’indice va être plus important que l’ordre, à l’inverse dans le mode analogique (non verbal), c’est l’ordre qui va dominer. - Un axiome sémantique : toute communication n’a aucun sens a priori : Pour saisir le sens d’un message il faut une manière d’exprimer les choses et un contexte. La cybernétique, quant à elle, se revendiquait au départ comme une science du contrôle ayant pour objet d’étude les mécanismes de régulation régissant des systèmes naturels et artificiels complexes, apparemment hétérogènes. Von Bertalanffy est le fondateur de la théorie générale des systèmes et de la cybernétique de premier ordre. Il est le premier à décrire les lois régissant la stabilité des systèmes qu’il qualifie « d’ouverts ». Selon lui, un système est « un ensemble d’éléments interdépendants, c’est-à-dire liés entre eux par des relations telles que, si l’un est modifié, les autres le sont aussi et que, par conséquent, tout l’ensemble est transformé. » (Von Bertalanffy, 1950). Selon cette théorie, les propriétés des systèmes sont les suivantes : - Le principe de totalité : le système est un tout unique et cohérent qui est plus que la somme de ses éléments. Tout changement d’un des éléments retentit sur tout le système et donc sur les autres éléments. - Des relations circulaires du fait des rétroactions (feedback) : Tout effet peut réagir sur sa cause. - Le principe d’équifinalité : Un système peut atteindre ses objectifs à partir de différents états initiaux et par l'intermédiaire de différents moyens. - Une aptitude à l’homéostasie : Toute action susceptible de modifier le système met en place des rétroactions négatives qui s’opposent à cette modification afin de maintenir la stabilité du système. - Une aptitude au changement : Un système est capable de se modifier dans certaines circonstances pour conserver son identité tout en s’adaptant au changement qui lui est imposé. - Tous les systèmes ne sont pas également aptes à réguler leurs relations internes et externes de façon satisfaisante : Les systèmes rigides peuvent rompre, alors que les systèmes souples sont plus à même de durer. Page 16 sur 127 - Une organisation structurelle et fonctionnelle : Les systèmes possèdent une frontière plus ou moins perméable à l’environnement, des éléments et un réseau relationnel. Ensuite, dans les années 1970, la cybernétique de second ordre va décrire les systèmes autopoïétiques qui sont des systèmes biologiques auto-organisés et auto-entretenus, tandis que les systèmes allopoïétiques peuvent être contrôlés de l’extérieur. Les systèmes autopoïétiques possèdent une identité structurelle qui vise à maintenir le système. Pour s’adapter aux changements et éviter que l’organisation du système ne change, il faut en changer la structure. La structure d’un système est « l’ensemble d’éléments organisés entre eux selon des lois précises. Ces éléments peuvent changer de manière quantitative ou qualitative sans affecter l’organisation d’ensemble, qui reste invariable. » (Albernhe, Albernhe, 2000). L’organisation d’un système en revanche, est « la configuration de relations qui définit son identité de classe [...] » (Maturana, 1988). Enfin, dans un système autopoïétique il n’y a pas de hiérarchie, chaque élément a son importance du fait de sa spécialisation. 2.2.2. Les différentes approches du modèle systémique On distingue différentes approches au sein du modèle systémique : L’approche clinique de Palo Alto peut se résumer ainsi : toute personne s’efforce de maintenir un équilibre face aux perturbations du milieu. Tout changement dans la vie ou le milieu de la personne amènera donc cette dernière à répondre de manière à neutraliser la perturbation et à rétablir un état satisfaisant. Ces conduites entrainent une réaction ayant des effets satisfaisants ou non sur l’individu. Les changements nous amènent donc à devoir affronter des difficultés qui peuvent devenir un problème persistant si elles sont gérées de manière inadéquate et que nous maintenons cette solution inefficace. En revanche, si le comportement qui alimente le problème est éliminé ou modifié de manière appropriée, le problème disparait ou redevient une simple difficulté. L’école de Palo Alto préconise trois types d’interventions thérapeutiques : Les injonctions comportementales qui consistent à proposer au patient d’adopter un autre type de comportement (ex : demander à un père qui cherche à contrôler le comportement imprévisible de sa fille, de rester indifférent). La technique de recadrage à l’aide de laquelle on va agir sur le système d’idées du patient, jouer sur son ensemble de référence ou sur le contexte du problème de façon à ce que le nouveau cadre ainsi créé rende le problème accessible à une solution. Et enfin, les directives paradoxales, c’est-à-dire qui vont à l’encontre du bon sens social (ex : demander à un insomniaque de rester éveillé plus longtemps). Page 17 sur 127 L’approche intergénérationnelle repose sur l’idée de la transmission d’un héritage psychologique à la fois positif et négatif, de génération en génération. L’auteur le plus influent de cette approche est Bowen (1978, 1984) avec sa Bowen Family Systems Theory (BFST). Selon lui, il faut s’intéresser à ce que les individus font (leurs comportements) plutôt qu’à ce qu’ils en disent, et leurs comportements dépendent de deux pôles, le système intellectuel et le système émotif. Deux variables vont influencer le système émotif : La première, la différenciation de soi, correspond à la maturité émotionnelle du sujet, allant de la symbiose totale (masse moïque familiale indifférenciée) à l’autonomie complète (adulte en pleine santé). Elle est influencée par la seconde variable, l’angoisse, qui peut être aigue ou chronique. Une relation à deux n’est stable que s’il n’y a pas trop d’angoisse, c’est pourquoi les membres d’une dyade vont en général avoir recours à une troisième personne (outsider) pour stabiliser le système dyadique. Il y aura stabilité car union des deux face au troisième. C’est ce qui fera dire à Bowen que le triangle est le « plus petit système stable d’interactions ». Nous pouvons citer un deuxième auteur, Ivan Boszormenyi-Nagy (1987, 1973), ayant apporté un concept fondamental à l’approche intergénérationnelle : le concept de loyauté, qui trouve ses fondements dans la parenté biologique. Ce concept signifie que les liens d’alliance ont moins de force face aux liens du sang. Il y a en effet une obligation pour chacun de répondre aux attentes d’ordre relationnel de son groupe familial. Cet attachement des membres entre eux va être plus ou moins conscient, mais surtout inconscient. On ne choisit pas d’être loyal, c’est une évidence naturelle. La loyauté va transcender les inimitiés familiales et souder les membres de la famille. L’approche structurale de Minuchin (1974), va reposer sur l’idée de structure du système. En effet, selon lui les interactions au sein d’un système ne sont pas le fait du hasard mais sont extrêmement structurées dans leur fonctionnement. Il y a des règles de fonctionnement précises témoignant d’une part des lois de hiérarchie et d’interdépendances (ex : rapport d’autonomie entre les conjoints), et d’autre part des attentes particulières de chaque membre les uns envers les autres. De plus, la structure d’un système comprend des sous-systèmes permettant au système de se différencier et de s’acquitter de ses fonctions. Dans une famille ces sous-systèmes sont déterminés par la génération, l’âge, le sexe, la nature des tâches à accomplir... Entre ces sous-systèmes il y a des frontières définies par des règles précises et qui sont là pour protéger leur différenciation. Le degré d’étanchéité des frontières varie selon les circonstances d’évolution (ex : le système mère-enfant peut être enchevêtré Page 18 sur 127 tant que les enfants sont petits puis tendre peu à peu au désengagement). Le maintien des frontières et l’établissement des règles se font grâce à un système de rétroaction qui peut être positif (compliments, encouragements) ou négatif (punition, blocage). Enfin, Minuchin apportera le concept de pouvoir pour désigner dans une famille les responsabilités que les parents vont avoir envers leurs enfants : décider d’un déménagement, orienter les enfants vers telle ou telle école... Enfin, l’approche stratégique est une thérapie active et directive selon laquelle, pour changer la manière de penser d’une personne il faut modifier son environnement. Ainsi, les interventions thérapeutiques en thérapie familial stratégique vont davantage porter sur le contexte d’émergence du problème que sur le problème lui-même. Ce sera à la famille de trouver sa propre solution, même si le thérapeute doit mener le jeu de manière active et directive. Il y a quatre variables diagnostiques essentielles selon cette approche : - La Protection : Le symptôme est-il un moyen de protection inefficace d’un ou plusieurs membre(s) ? - L’Unité : L’unité de construction fondamentale est le triangle : cette unité est à la fois suffisamment importante pour permettre de décrire des interactions complexes de type coalition, et assez simple pour constituer un outil pratique en thérapie. - La Séquence : Remplacer des séquences de comportements inadaptées par des séquences adaptées. - La Hiérarchie : L’étude des liens hiérarchiques débouche sur une compréhension dynamique des échanges. 2.2.3. Les différents niveaux du modèle La théorie de l’oignon des chercheurs du Galverson Family Institute décrit les relations sociales comme des séries d’anneaux concentriques, chaque couche représentant un niveau différent et chaque niveau possédant un fonctionnement qui lui est propre. Le modèle systémique comporte quatre niveaux : le niveau individuel, le niveau conjugal, le niveau familial et le niveau du réseau. Pour le présent mémoire, nous ne nous intéresserons qu’aux trois premiers. Le niveau individuel : Les systémiciens ont toujours des difficultés à parler de l’individu car ils ne le conçoivent que dans ses interrelations avec d’autres individus ou organisations. Mais Page 19 sur 127 en thérapie familiale systémique, on part d’un symptôme individuel pour remonter ensuite à un problème familial. Selon l’approche systémique, le symptôme témoigne des efforts du système à maintenir son fonctionnement habituel face à des forces visant à modifier son fonctionnement. « Le comportement symptomatique [...] représente[rait] une tentative positive d’auto-régulation du système » (Defranck-Lynch, 1985), une tentative de maintien de son équilibre. Pour Murray Bowen, le symptôme aurait une fonction prophylaxique, il permettrait d’éviter la décompensation des autres membres de la famille ou de tout le système familial. Il est la meilleure solution que la famille ait trouvée pour continuer à survivre. Le niveau conjugal : Le couple, d’un point de vue légal, est une institution formée par un homme et une femme partageant des relations sexuelles librement consenties. Plus généralement, il s’agit de la réunion plus ou moins durable de deux partenaires, partageant une vie sexuelle et vivant généralement ensemble. D’un point de vue systémique, le couple est le plus petit système possible, une union affective durable de deux personnes, les conjoints. Ce groupe à deux est une institution à elle toute seule avec ses propres règles de fonctionnement, ses mythes fondateurs, ses rituels... Il s’agit d’une entité spéciale qui exclut les autres individus du fait de la bulle psychologique dans laquelle vit le couple au début. D’après Minuchin (1974), « l’une des tâches auxquelles un nouveau couple doit faire face, est la négociation de leur relation avec la famille d’origine de chacun. ». Le couple aura sa vie propre qui n’est pas l’addition de deux vies de célibataires. Selon Eiguer (1998), il existe différents types de couples : le couple normal ou névrotique, dans lequel il y a une acceptation mutuelle des différences et une complémentarité entre les partenaires. Ce couple est ouvert sur l’extérieur et capable d’établir un dialogue sur lui-même. Eiguer identifie aussi le couple anaclitique ou dépendant qui est fondé sur la crainte de la perte d’objet d’amour et qui se constitue souvent après un deuil. Enfin, le couple narcissique ou fusionnel est un couple fondé sur le conflit et la lutte pour le pouvoir. Il aspire à la fusion totale, nie les différences et on y trouve une grande agressivité et des troubles sexuels. De plus, selon Satir (1971), la relation conjugal est l’axe autour duquel se construisent les autres relations et se forme la famille. S’il y a un défaut de maturation dans le couple, c’est-à-dire si l’un des deux ne se prend pas pleinement en charge lui-même et délivre « des messages conflictuels à tous les niveaux de communication en utilisant des signaux différents », l’homéostasie de la famille peut être altérée. D’après Stanton (1981), les systémiciens ont aussi accordé une grande importance aux cycles de vie que cela soit ceux de la famille ou ceux du couple. En ce qui concerne le couple, celui-ci passe par les phases suivantes : la rencontre – la lune de miel (phase d’idéalisation Page 20 sur 127 réciproque) – la vitesse de croisière (rupture ou resserrement du couple ou maturation vers une nouvelle synthèse à faire) – le vieux couple (solidifié par le poids des habitudes, le réseau extrafamilial, la solidarité entre conjoints qui ont trop d’intérêts communs) (Lemaire, 1966). Nous proposons maintenant d’étudier le niveau familial dans une partie distincte. 2.3. La famille comme système « La famille est plus importante que les individus qui la constituent. » Moses Isegawa, extrait des Chroniques abyssiniennes 2.3.1. Le système familial : un système ouvert résistant au changement D’après Maisondieu et Metayer (1986), si on reprend la théorie générale des systèmes, la famille est un système ouvert qui fonctionne à l’intérieur de contextes sociaux spécifiques. En effet, elle est autre chose que la somme des individus qui la composent et qui sont en interrelations constantes. Ces interrelations sont orientées vers le maintien de l’homéostasie du système familial, elles sont propres à chaque famille et sont liées à son histoire, sa culture et ses mythes. De plus, des affects, des jeux de pouvoir, des désirs et des pulsions sont à l’arrière-plan d’un flux d’informations. Les relations qui se nouent à l’intérieur et avec les autres systèmes (quartier, village...) sont plus ou moins souples et l’organisation familiale sera plus ou moins harmonieuse en fonction de la perméabilité des frontières et de sa flexibilité. Enfin, chaque membre est en soi un sous-système, un élément du système. D’après Elkaim (1995), le système familial se développe au cours du temps en passant par un certain nombre d’étapes, nécessitant à chaque fois une restructuration. On observe que les systèmes familiaux ont tendance à résister au changement en maintenant au maximum leurs configurations transactionnelles favorites. Ces systèmes tendent alors à s’auto-entretenir. Le maintien de la continuité est une tâche essentielle pour toute famille, il assure un sentiment d’appartenance. Cependant les familles doivent répondre à des demandes de changement constantes : pressions internes (ex : développement des enfants) et externes (ex : changement d’emploi, déménagement,...). Ces perturbations créent un déséquilibre pouvant jouer un rôle moteur dans le développement de la famille mais les membres de la famille peuvent refuser de modifier leurs habitudes alors qu’elles sont devenues inadéquates. Enfin, la famille est un système à finalité réflexive (Albernhe, Albernhe, 2000), c’est-à-dire autocentré et dont la signification se trouve à l’intérieur de lui. Dans un tel système les individus sont souvent prêts à accepter de disparaitre pour que le système survive. Page 21 sur 127 2.3.2. Existe-t-il une famille normale ? Selon Albernhe et Albernhe (2000), les systémiciens préfèrent le terme de famille fonctionnelle, c’est-à-dire « une famille qui n’est pas envahie par des dysfonctionnements délétères et douloureux et qui arrive à gérer ses processus transactionnels de manière optimale ». Toutefois il convient de souligner que la définition d’une famille saine dépend des conceptions anthropologiques et que celles-ci peuvent varier selon les cultures et les époques. Une famille saine serait en fait une famille dont le fonctionnement est en adéquation avec les grands principes culturels. Il est donc préférable de parler de familles ordinaires ou standards. Pour les systémiciens structuralistes, une famille fonctionnelle serait un système dans lequel les frontières sont claires, précises et durables. La clarté des frontières facilite les associations dans une même tranche d’âge tout en favorisant la fluidité des relations entre les membres de générations différentes. On distingue donc deux types de familles pathologiques présentant les caractéristiques suivantes (Albernhe, Albernhe, 2000) : - Les familles nucléaires centripètes : frontières diffuses, relations enchevêtrées, autonomie individuelle insuffisante et sentiment d’appartenance excessif, communications surabondantes et tensions interpersonnelles importantes aboutissant souvent à des réactions violentes lors de crises. - Les familles éclatées centrifuges : frontières trop rigides, relations désengagées, autonomie individuelle excessive et sentiment d’appartenance insuffisant, communications et tensions interpersonnelles pauvres (désintérêt d’autrui) conduisant à des réactions lentes et désinvesties lors de crises. Le rôle du thérapeute sera de clarifier les frontières trop diffuses et d’ouvrir les frontières trop rigides. Enfin, la famille étant selon Elkaim (1995), la matrice de l’identité individuelle et un instrument de socialisation, une famille « normale » serait un système qui encourage la socialisation en fournissant à ses membres tout le soutien, toute la régulation et toutes les satisfactions qui sont nécessaires à leur épanouissement personnel et relationnel. Pour résumer, « aucun modèle familial n’est en soi normal ou anormal, fonctionnel ou dysfonctionnel. La différenciation d’une famille est toujours particulière et spéciale, relative à sa composition, à son stade de développement et à la sous-culture qui est la sienne. N’importe quel modèle peut fonctionner de manière satisfaisante, mais tous, aussi, ont des faiblesses intrinsèques, lesquelles peuvent constituer des points de rupture dès lors que la capacité de la famille à faire face à une situation commence à s’épuiser. » (Minuchin, 1974). Page 22 sur 127 2.3.3. Les fonctions familiales Comme nous l’avons vu plus haut dans l’approche structuraliste, les systèmes comportent des sous-systèmes définis par des frontières et garantis par des fonctions. Parmi ces fonctions nous pouvons citer la fonction sociale de la famille. En effet, d’après Minuchin (1974), « la famille est la matrice du développement psychosocial de ses membres, mais elle doit aussi s’adapter à la société ». Le système familial a aussi une fonction d’identité individuelle, il offre deux éléments nécessaires à l’expérience d’identité : le sentiment d’appartenance (adoption des patterns transactionnels de la structure familiale) et le sentiment d’être séparé (grâce aux sous-systèmes et aux groupes extrafamiliaux). De part les relations complexes d’autorité, de loyauté et de confiance qui se nouent au sein de la famille, celle-ci a une fonction éducative. C’est en effet, à l’intérieur du groupe familial que l’on fait le premier apprentissage du manque et de la frustration et donc de la socialisation. La famille permet à l’enfant de se confronter à la loi et à sa symbolique. De plus, le système familial va aussi avoir une fonction d’articulation de la différence des sexes et de la différence des générations. Il s’agit pour l’individu de trouver sa place en tant que fille ou fils, puis en tant que père ou mère. Enfin, la famille va avoir une fonction de transmission d’un patrimoine, même si on privilégie aujourd’hui l’identité personnelle et l’épanouissement individuel. Mais pour Boszormenyi-Nagy, cela ne peut se faire que si le sujet est bien au clair avec les problèmes graves qu’ont subi ses parents. 2.3.4. Les différentes étapes de la vie familiale Comme nous l’avons dit précédemment, les systémiciens accordent beaucoup d’importance à la notion de phases ou cycles de vie d’une famille. Selon Haley (1973), ces phases de vie sont les suivantes : le moment où les futurs conjoints sortent ensemble, les noces, l’arrivée des enfants, leur éducation, la période centrale du mariage, le sevrage des parents au moment du départ de leurs enfants, la retraite, la vieillesse. La thérapie familiale consiste alors à aider la famille à passer d’une période à une autre. D’après Muchielli (1980), « l’âge et le nombre de membres, ainsi que la composition de l’entité familiale, sont les facteurs de cycles d’évolution et de crises diverses [...] la fin d’une famille se produisant par sa réduction progressive. » En même temps que les individus se transforment le système se transforme aussi, et inversement. Il y aurait donc des tranches de vie, des stades (enfance, préadolescence, adolescence, post-adolescence, maturité, parentalité, âge de la retraite, Page 23 sur 127 sénescence, troisième âge...) mais il faut aussi prendre en compte les variations individuelles et les contextes culturels. Selon Levinson et Gould, il y aurait cinq ou six phases de développement chez l’adulte et il y aurait une crise au moment de chaque passage d’une phase à une autre. Ces crises dues au développement individuel peuvent avoir des conséquences au niveau familial. Par exemple, la crise du mitan de la vie qui a lieu vers la cinquantaine peut parfois remettre en question un couple : l’homme s’ennuie et veut se rassurer en allant voir ailleurs. La femme trompée n’arrive alors plus à sauvegarder l’équilibre familial. Erikson souligne que ces crises ne sont pas pathologiques, il est normal que certains problèmes apparaissent à certains stades de vie d’une famille. Nous pouvons distinguer quatre grandes phases dans la vie d’une famille pouvant la déstabiliser. Tout d’abord, l’accession au statut de parents va venir remettre en question le couple. Les deux partenaires passent du statut de conjoints à celui de parents. Mais on ne devient pas parent au moment de la naissance de l’enfant, on le devient au fur et à mesure qu’on l’élève. Ensuite, une fois que l’enfant est là, son équilibre va dépendre de l’entente harmonieuse entre ses parents, c’est-à-dire de l’exercice commun du leadership entre eux. Minuchin distingue trois cas possibles dans lesquels l’enfant est inséré dans un conflit conjugal : soit le conflit est déplacé sur l’enfant qui devient un bouc-émissaire (déviation), soit l’un des deux parents se fait l’allié de l’enfant contre l’autre parent (triangulation), soit enfin l’un des parents s’allie de manière durable à l’enfant (coalition stable). Un conflit conjugal peut être catastrophique pour le développement de l’enfant, car du fait de sa pensée égocentrique, il va s’attribuer la responsabilité des dysfonctionnements familiaux. En cas de divorce, l’enfant peut aussi être mis face à un choix impossible : décider avec qui il veut vivre. Ce choix va lui donner le sentiment d’être déloyal et il va se replier sur lui-même, devenir indifférent. Plus tard, au moment du départ des enfants du foyer, les deux conjoints se retrouvent à nouveau seuls et cette phase sera d’autant plus difficile que le couple aura surinvesti la fonction parentale au détriment de la fonction conjugale. On observe alors souvent chez la femme ce qu’on appelle le « syndrome du nid vide ». Enfin, la famille va à un moment donné faire face à des deuils (décès des grands-parents, d’un enfant...). Il s’agit là du paradigme de la séparation pour une famille et la manière de vivre ces deuils dépendra des règles familiales. Il existe dans les familles une permission ou une interdiction de faire le deuil. Parfois on n’en parle pas, voire on garde le secret. Page 24 sur 127 2.3.5. Les mythes familiaux Pour Albernhe et Albernhe (2000), les mythes familiaux sont « une construction collective historique et transgénérationnelle du monde interne et spécifique à une famille, basée sur un ensemble de croyances et de valeurs partagées, [et qui] se réfère à un modèle commun de distorsion de la réalité. ». Au moins deux générations seraient nécessaires pour établir un mythe familial. Quand un couple se forme chacun vient avec ses propres mythes, par conséquent soit les deux partenaires créent de nouveaux mythes, soit l’un impose les siens à l’autre. Le mythe familial aurait une fonction stabilisante : « le mythe familial est à la famille ce que les défenses sont à l’individu [...] Il exerce une fonction régulatrice et joue le rôle d’un tampon pour amortir les changements et les altérations soudaines. » (Ferreira, 1977). Le mythe est donc un facteur de rigidité dans le fonctionnement familial mais aussi un important facteur de construction et d’équilibre de l’identité familiale. Il rassemble les membres de la famille autour d’une conception identitaire commune de la vie. Il y aurait deux niveaux dans le mythe familial : le premier, matériel, concerne les comportements et modèles relationnels propres à la famille. Il va définir tout ce qui est de l’ordre des rituels familiaux. Le deuxième, idéal, comporte les croyances et affects partagés. Il va concerner des sujets d’ordre général (amour, vieillesse, mort...). Les secrets de famille appartiennent à ce niveau. 2.4. L’autorégulation du système familial D’après le Lexique des sciences sociales (1988), la régulation serait la « fonction d’un mécanisme de contrôle qui assure l’équilibre d’un système (physique, biologique ou social) en faisant intervenir des rétroactions correctrices, chaque fois que sa stabilité est menacée. » Lorsque l’on parle d’autorégulation, comme c’est le cas pour les systèmes ouverts comme la famille, on veut alors désigner le fait que ce mécanisme de contrôle est assuré par le système lui-même. C’est ce dernier, qui par son fonctionnement tend à maintenir un état d’équilibre, que les systémiciens appellent aussi « homéostasie ». Selon St-Arnaud (1978), le groupe, est un organisme vivant fragile car il ne possède pas de structure physique pouvant assurer sa stabilité. Par conséquent, si un groupe, comme une famille, rencontre des obstacles importants il peut se détérioré. Un groupe meurt s’il ne peut plus convertir l’énergie provenant des personnes qui le constituent (l’énergie résiduelle) en énergie de groupe (énergie disponible). Cette énergie provient de la perception d’une cible commune qui entraine un processus de production au sein du groupe, et de l’interaction entre Page 25 sur 127 les membres du groupe qui génère un processus de solidarité. Ces deux processus permettent la croissance du groupe. Le problème que va alors rencontrer le groupe est de canaliser et coordonner cette énergie de groupe car, contrairement à l’individu, il ne possède aucun mécanisme spontané d’autorégulation lui permettant de maintenir sa cohésion et son intégration au travers des différents évènements de la vie. Pour l’acquérir il va devoir convertir l’énergie du groupe en « énergie d’entretien » qui va maintenir une harmonie en repérant et en levant les obstacles à la production et à la solidarité. On parlera alors de processus secondaire pour désigner cette autorégulation car il n’y a rien dans les éléments constitutifs du groupe qui soit générateur de cette énergie d’entretien. Ce n’est qu’après la naissance du groupe et l’apparition d’obstacles que cette énergie va être libérée. Certains groupes ne progressent pas par manque d’énergie d’entretien, d’autres étouffent car presque toute leur énergie est convertie en énergie d’entretien. Le processus qui devait maintenir l’énergie du groupe, engendre de l’énergie résiduelle car les membres cessent d’investir dans une autorégulation qui n’a pas de sens. Or cette énergie résiduelle est sans cesse une menace pour le système-groupe à cause de la grande autonomie des sous-systèmes-personnes. Maintenant que nous avons vu en quoi la famille était un système autorégulé, nous pouvons étudier la place et le rôle de l’animal de compagnie au sein de ce système. Mais avant cela, nous proposons de faire un état des bienfaits et des fonctions psychologiques de l’animal. III. LA RELATION HOMME-ANIMALE PARTICULIERE ET BENEFIQUE 3.1. : UNE RELATION Cet animal qui nous veut du bien 3.1.1. L’animal, une prévention efficace dans le milieu de la santé Le domaine de la santé mentale a pendant très longtemps sous-estimé l’importance des liens profonds que les individus nouent avec leurs animaux de compagnie (Kruger & Serpell, 2006). Cet attachement intense étaient souvent perçu comme étrange et pathologique, et considéré comme le signe d’une incapacité à créer des liens sains avec les autres êtres humains et à gérer avec la perte et la séparation. Depuis, de nombreux chercheurs ont montré que de tels liens ne sont pas rares et que la majorité des amoureux des animaux n’étaient pas Page 26 sur 127 inadaptés socialement et avaient même une importante capacité à aimer et à ressentir de l’empathie et de la compassion pour les autres êtres humains (Hines, 2003). Depuis une trentaine d’années, de nombreuses recherches ont même confirmé les bénéfices physiologiques, psychologiques et sociaux de nos interactions avec les animaux et des programmes de « thérapie assistée par l’animal », un nouveau type de thérapie qui utilise l’animal comme médiateur, ont vu le jour. Ces études ont montré que l’animal de compagnie contribue à maintenir une bonne santé et un bien-être psychosocial, et permet de récupérer plus facilement de certaines situations difficiles (Walsh (I), 2009). Une étude australienne menée auprès de médecins généralistes, a même démontré que la présence d’un animal de compagnie pouvait induire une économie de plus de 800 millions de dollars australiens en frais de santé ! Dans sa thèse sur « Chien et chat : du bon usage de l’animal de compagnie en pratique médicale », Michèle Maier-Hermann (1996), affirme qu’il faut apprécier à sa juste valeur l’intervention positive de l’animal dans la vie quotidienne de son maître. Selon elle l’animal est un facteur d’équilibre et d’exercice régulier, ainsi qu’une alternative à la médication antidépressive. Elle démontre qu’il permet de prévenir les risques cardiovasculaires, qu’il maintient en bonne forme, augmente les interactions sociales et améliore les interactions familiales et l’image de soi. Elle rapporte à ce sujet que dans une enquête menée par Ethologia, une association belge d'étude et d'information sur les relations Homme/Animal, 75% des médecins et 95% des gériatres conseillent ainsi la présence animale auprès des enfants et des personnes âgées. Montagner (1995, 2002, 2007) a en effet largement étudié l’apport de l’animal au développement cognitif et psychosocial de l’enfant. L’animal va permettre à l’enfant de développer ses capacités d’empathie, va augmenter son estime de soi et sa participation aux activités sociales et sportives, ainsi qu’améliorer son humeur (Melson, 2003). Par sa présence et son activité, l’animal sollicite aussi les sens de l’enfant et stimule sa motricité. Il l’éveille à la nature et l’encourage à devenir « responsable ». Enfin, les enfants grandissant en compagnie de chiens et de chats comprennent mieux les signaux de communication non verbaux. 3.1.2. L’animal, un soutien pour les personnes en souffrance Selon Willems (2011), l’animal peut aussi aider certains humains à mieux supporter leurs maux somatiques (chimiothérapie, Sida…) et peut même participer au diagnostique car il perçoit d’infimes modifications du comportement (ex : chien se mettant à aboyer avant l’arrivée d’une crise d’épilepsie de son maître). Ainsi, certaines études ont montré qu’avoir un Page 27 sur 127 animal permettait de mieux faire face à une maladie comme une démence, un cancer ou une maladie cardiaque (Friedman & Tsai, 2006 ; Johnson, Meadows, Haubner & Sevedge, 2005). De même, il semblerait que l’animal de compagnie facilite la guérison des enfants hospitalisés (Kaminsky, Pellino & Wish, 2002), améliore l’état dépressif des personnes atteintes du Sida (Siegel, Angulo, Detels, Wesch, & Mullen, 1999) et réduit la souffrance et l’anxiété des personnes en fin de vie (Geisler ,2004). Dosa (2007), rapporte même le cas d’Oscar, le chat d’une résidence de retraite, qui allait se coucher près des résidents lorsque ceux-ci allaient bientôt décéder. Le personnel pouvait ainsi appeler la famille et celle-ci était reconnaissante de pouvoir anticiper la mort de la personne qui lui était cher. Enfin, il a aussi été montré que dans notre vie stressante et en perpétuel mouvement, l’animal de compagnie apporte un peu de calme et de relaxation. Durant les périodes incertaines et financièrement insécuritaires, l’animal offre un peu de répit et génère curiosité, enthousiasme et le sentiment qu’il y a encore des possibilités (Walsh (I), 2009). Du fait de tous ces bienfaits, l’animal va donc être utilisé auprès de personnes en souffrance (personnes âgées en résidence de retraite, personnes hospitalisées ou handicapées...). Nous ne citerons ici que l’exemple des personnes âgées en institution travers les travaux de Nicolas Christophe (1995). Ce dernier montre dans sa thèse sur « L’intégration des animaux familiers dans les institutions de retraite en France », que les animaux qui y sont admis (animaux visiteurs, animaux personnels des résidents, animaux mascottes...) sont des catalyseurs de la vie sociale. En effet, ils brisent l’isolement affectif et est source d’échanges en stimulant l’expression verbale. Au niveau des bienfaits psychologiques, l’animal va participer à la responsabilisation de la personne âgée qui trouvera dans cette responsabilité qu’elle a envers l’animal, une motivation supplémentaire pour vivre et demeurer autonome. De plus, grâce à l’animal et au contact physique avec lui, l’accès à la sensualité et à l’affectivité sera conservé. On observera aussi un accroissement des contacts et une stimulation de l’estime de soi par la responsabilisation. De plus, pour les personnes atteintes de démence, l’animal permettrait de réduire l’agitation et d’augmenter la socialisation (Baun & McCabe, 2003 ; Filan & Llewellyn-Jones, 2006). Page 28 sur 127 3.2. La relation homme-animal : fonctions et significations d’une relation particulière 3.2.1. Les fonctions psychologiques de l’animal de compagnie Une fois adopté, l’animal de compagnie va remplir diverses fonctions auprès de son maître (Mouren-Simeoni, 1998). La première fonction de l’animal est au service du narcissisme de l’individu. En effet, l’animal peut servir à attirer l’attention sur son propriétaire, en le mettant en valeur par un processus identificatoire. L’animal devient dans ce cas un véritable miroir vivant du sujet qui va aimer l’image de lui-même que l’animal lui renvoie. Il sera le faire-valoir à travers lequel il pourra montrer qu’il domine un être et qu’il lui est indispensable (Digard, 2005). Nous tenons à nos animaux de compagnie parce qu’ils ne se contentent pas seulement de nous « tenir compagnie », ils nous valorisent aussi. Nous aimons leur dépendance et l’image d’êtres supérieurs et indispensables qu’ils nous renvoient (Digard, 2000). A ce sujet, nous pouvons par exemple relever le propos d’une femme interrogée par Odile Bourguignon (1984) : « je suis flattée que ce chat ait besoin de moi : sentir qu’on est indispensable à quelqu’un » (femme, 31 ans). Ce type de propriétaire peut alors rechercher la perfection chez son animal. Ce sont souvent des amateurs d’exposition, de concours où ils vont pouvoir montrer leur animal. Mais l’animal peut aussi aider l’individu à surmonter ses craintes et ses tendances, il va avoir un rôle sécurisant. Il va par exemple aider une personne timide à aller à la rencontre d’autrui, faciliter la communication ou médiatiser les relations et les conflits. Dans d’autres cas, les animaux vont être des substituts de personnes (adultes ou enfants). Ils auront ainsi une place affective importante pour les couples sans enfants ou les femmes seules, qui vont les élever au statut d’humain, de « bébé » qui reste petit et dépendant, jusqu’à parfois devenir un véritable « animal-roi » remplaçant l’enfant tant désiré avec lequel les parents vont pouvoir jouer les domestiques asservis (Ruchmann, 1984). Nous pouvons dire qu’ils remplissent en quelque sorte une fonction d’exutoire pour une affection restée sans objet. Ce seront aussi parfois de véritables mémoriaux vivants, représentants remplaçants de proches décédés. Ils auront alors une fonction de récupération affective pour lutter contre la dépression. Et parce qu’on leur prête une certaine disposition à l’empathie, ils vont devenir nos plus fidèles confidents. Enfin, Mouren-Simeoni évoque la tendance de certaines personnes à recueillir de manière presque pathologique tous les animaux abandonnés. Ils voient dans cette attitude une façon de préserver la vie à tout prix par crainte de propre mort, en référence aux Page 29 sur 127 fantasmes de sauvetage décrits par Freud. Pour Willems (2011), adopter un animal peut aussi permettre de réparer les cicatrices laissées en nous suite aux différents abandons que nous avons vécus dans notre vie. Les sujets « abandonniques », c’est-à-dire qui ont ressenti trop d’abandons pour ne pas les reproduire, vont rechercher désespérément l’affection des animaux plutôt que celle des humains qui risquent encore de les abandonner. C’est à force d’être déçus par les être humains que ces sujets rechercheraient un contact avec les animaux. Nous pouvons citer à ce sujet les propos de Carl Jung (1973) : « C’étaient les animaux qui étaient bons, fidèles, immuables, dignes de confiance alors que je me méfiais des hommes plus que jamais.»13 Toutefois, si les animaux peuvent servir d’étayage à l’abandon ils peuvent aussi y confronter, notamment lorsque nous devons nous séparer de notre animal mais que celui-ci ne sait pas que nous allons revenir. Cela provoque souvent chez les sujets abandonniques des réactions de culpabilité. Ruchmann (1984), évoque aussi la fonction d’exutoire que peut remplir l’animal. Par exemple, les personnes frustrées, écrasées par leur chef au travail ou dépassées par leur conjoint vont utiliser leur animal comme un exutoire qui doit obéir au doigt et à l’œil. 3.2.2. Les fonctions de l’animal de compagnie chez les jeunes couples Pour mieux comprendre encore les différentes fonctions que peut remplir l’animal de compagnie, nous pouvons citer l’enquête qu’Odile Bourguignon (1984) a réalisée avec ses étudiants dans le cadre d’un séminaire sur la famille entre 1979 et 1980 au sujet de la place et de la signification de la présence animale chez les jeunes couples. Elle a réalisé des entretiens individuels auprès de 21 couples mariés ou cohabitant et a montré que pour ces couples l’adoption d’un animal était une stratégie de délai par rapport à la procréation d’un enfant. Adopter un animal est moins problématique, cela exprime la crainte de l’engagement affectif que représenterait la venue d’un enfant réel vis-à-vis du partenaire : « j’ai pas envie d’être encombrée d’un enfant » (femme, 24 ans), « [un enfant] ça bouffe la vie » (homme, 23 ans). L’animal sera une figure de liberté, le représentant du provisoire. De plus, elle repère à travers les propos des sujets, que l’animal peut aussi être un objet d’attachement remplaçant la figure maternelle d’autrefois. Willems (2011), se demande ainsi si s’accrocher à un animal, n’est pas une façon de compenser le droit se cramponner que l’homme perd lorsqu’il doit se séparer de la mère archaïque. Pour les sujets interrogés, l’animal incarne aussi la sécurité et la permanence du foyer : « le chat rentrant à la maison c’est une impression de stabilité » 13 JUNG, C.G. (1973). Ma Vie. Souvenirs, rêves et pensées. Paris : Gallimard Page 30 sur 127 (femme, 27 ans). Cette idée est aussi confirmée par Katcher (1984), selon qui l’animal de compagnie va apporter du réconfort dans notre vie en mutation permanente, car il est considéré comme une icône de permanence. Contrairement à l’enfant qui va passer du naturel au culturel, l’animal ne bouge pas, il n’effectue pas ce passage. Bourguignon remarque aussi que l’animal va avoir pour fonction de briser l’isolement social et conjugal du quotidien : « on est toujours attendu » (homme, 40 ans), « c’est un être vivant qui fait attention à toi » (homme, 32 ans). Pour les sujets interrogés, l’animal est « quelqu’un » qui les aime et les accepte : « si je décharge mon trop-plein de tendresse sur le chat, j’ai moins besoin de le décharger sur moi, donc je ne me ferai pas engueuler si je suis en état de demande. C’est ça la difficulté de l’autre à supporter la demande » (femme, 22 ans), « Il n’y aura jamais de réprobation » (femme, 22 ans). Il est ainsi une transition en soi et l’autre. Il permet de ne plus être seul mais de ne pas être encore avec l’autre. Il est plus vivant qu’un objet mais moins exigeant qu’un humain. C’est parce que l’animal ne parle pas qu’il est si facile de communiquer avec lui. Dans notre relation à l’animal nous sommes à l’abri des mots, des mots douloureux, absents, impossibles et mensongers. Il s’agit d’une communication pure et directe, mettant en jeu deux sensibilités sans médiation verbale : « l’animal vit la compréhension avec très peu de mots » (femme, 27 ans). Parfois il est le signe d’une communication humaine difficile, voire impossible, car saturée de mots et de moyens pour se les dire : « le chat sert de tampon pour que l’affrontement dans le couple ne soit pas trop violent. Il se fait par quelque chose d’interposé... L’enfant est là pour ça, l’animal est là pour ça... Il n’y a plus de langage commun entre les groupes sociaux : il y a des langages techniques qui ne communiquent plus. Avec l’animal on n’a pas besoin de parler » (homme, 30 ans), « quand tu vis avec quelqu’un, arrive un moment c’est perdu, il n’y a plus rien à se dire. La parole s’amenuise » (homme, 23 ans). Pour Bourguignon, dans notre relation à l’animal nous pouvons aussi rechercher à maitriser, annuler ou restaurer une relation ancienne. Enfin, adopter un animal peut être le signe d’une motivation éducative : « prendre un chien à problème, le remonter, en faire un chien normal par le dressage fondé sur la méfiance. Après il nous est dévoué corps et âme » (homme, 29 ans). Pour Yonnet (1985), « dans l'élevage d'un animal familier, l'homme teste sa capacité éducative de façon analogue à la manière dont il interroge son statut d'éducateur parental au travers des réactions d'un enfant à son égard ». Pour Odile Bourguignon, tous ces rôles et fonctions que remplit l’animal mettent l’accent sur le besoin du sujet d’être connu et reconnu pour ce qu’il est. Il est le support rêvé de toutes les identifications et projections. Par sa neutralité et sa non-réponse, il peut occuper toutes les places de la fantasmatique personnelle, supporter tous les désirs, Page 31 sur 127 incarner tous les idéaux. De plus, l’animal va représenter le naturel pour l’homme qui désire rompre avec les valeurs sociales que sont le profit, l’efficacité, la compétition... L’animal incarne la « généreuse spontanéité de l’existence ». Avec lui on entre en contact direct avec ce « quelque chose de perdu » de l’ordre de l’expérience sensible, concrète et vivante, dépourvue de mots : « On a perdu quelque chose que l’on cherche à retrouver, la vie tout simplement, le choix de vivre » (homme, 30 ans). A propos de cette relation simple et hors de toute considération sociétale, même Freud écrivit à propos de son chien dans une lettre adressée à Marie Bonaparte, « On ne peut s’empêcher de respecter de telles âmes animales »14 car pour lui ce qu’on ressent pour l’animal est « dénué d’ambivalence », il s’agit là de « la simplicité d’une vie libre des conflits de la civilisation et la beauté d’une existence parfaite en soi »15. C’est ce rôle de support de projection et d’identification qui le rend intéressant en psychothérapie. En effet, si Freud affirmait que le rêve était « la voie royale d’accès à l’inconscient », les psychologues pratiquant la thérapie assistée par l’animal s’accordent pour dire que la relation à l’animal et le discours que les patients ont sur ce dernier, permettraient d’accéder aux strates les plus inconscientes de leur psychisme (Willems, 2011). Parce l’animal se situe entre le moi et l’autre, parler à l’animal ce serait à la fois parler à soi-même et à l’autre, comme on le ferait avec un psychanalyste. Et tout comme ce dernier révèle une part de son inconscient en tentant d’interpréter les propos de son patient, l’individu qui interprète les mimiques et les comportements de son animal, révèle une part essentielle de son intimité. Parler de son animal c’est finalement parler de soi ! 3.3. L’animal comme membre du système familial 3.3.1. L’animal dans la famille en quelques chiffres En 1998, Digard affirmait que ce sont les familles de plus de deux enfants qui sont les plus nombreuses à posséder un animal. D’après une enquête réalisée par FACCO16 en 2010 (voir annexe 1), pratiquement un foyer français sur deux (48,7%) possède au moins un animal de compagnie (ils étaient 51,2% en 2008). De plus, c’est dans les foyers de trois personnes et 14 BONAPARTE, M. (2004). Topsy, les raisons d’un amour. Paris : Payot & Rivages (p.30) BONAPARTE, M. (2004). Topsy, les raisons d’un amour. Paris : Payot & Rivages (p.7-8) 16 Enquête réalisée en octobre/décembre 2010 par FACCO (Chambre Syndicale des Fabricants d’Aliments Préparés pour Chiens, Chats, Oiseaux et autres Animaux Familiers) auprès de 14 000 foyers français issus de la base de sondage TNS Postal Access Panel. Ces foyers étaient représentatifs en termes de taille du foyer, âge, catégorie socio-professionnelle, taille d’agglomération et région d’habitat. 15 Page 32 sur 127 plus qu’on retrouve la plus forte proportion d’animaux de compagnie (46,6% des chiens et 42,9% des chats). Une autre enquête menée en 2011 par le CRIOC17 (voir annexe 1) auprès de vendeurs et de 644 Belges de plus de 18 ans, a constaté que 38% des ménages belges possèdent un animal de compagnie. Ce chiffre a diminué de 15% par rapport à 2009. Cette étude a aussi trouvé que la moitié des ménages de trois à cinq personnes possède un animal de compagnie (50% des foyers de 3 personnes, 45% des foyers de 4 personnes et 48% des foyers de 5 personnes). Les propriétaires d’animaux sont donc surtout des ménages moyens avec enfants, tandis que les célibataires et les familles nombreuses (6 personnes ou plus) possèdent moins souvent un animal. 3.3.2. L’animal : sa place, son rôle et sa fonction dans la cellule familiale D’après Katcher (1984), la famille peut se définir en termes de « relations biologiques liant des individus partageant une ascendance et une progéniture commune. » Pourtant, la présence animale au sein des familles vient remettre en question cette définition. En effet, dans un texte écrit à l'occasion de la Journée Prospective du 16 mars 2004, organisée par le Centre Ressources Prospectives du Grand Lyon, sur le thème de « L'Homme et l'animal en milieu urbain », Malarewicz explique que l’animal de compagnie est considéré par 52% des propriétaires d’animaux comme un membre de la famille à part entière. Une étude américaine a même montré que 85% des propriétaires le considèrent ainsi (Cohen 2002) ! Nous le nourrissons, l’hébergeons, lui apportons une assistance médicale, l’accueillons dans notre lit, le faisons apparaitre dans l’album de famille et lui fêtons même son anniversaire. Nous avons le sentiment de partager une forme de parenté avec lui, et l’ampleur de cette parenté peut se mesurer aux réactions que nous pouvons avoir face à la mort de notre compagnon. Parfois le deuil d’un animal peut être aussi intense que le deuil d’une personne humaine. Ainsi, l’animal est pensé comme un élément du système familial, et plus largement du système social, qui n’est censé n’intégrer que des humains. L’animal prend une telle place dans la cellule familiale, que Malarewicz considère qu’il faudrait rajouter une catégorie transversale à la typologie des familles établie habituellement. En plus des familles nucléaires, monoparentales, ou recomposées, on trouverait les familles dans lesquelles l’animal est parfaitement intégré, par opposition à celles où il ne l’est pas. 17 Centre de Recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs Page 33 sur 127 Différents éclaircissements ont pu être apportés quant à ce phénomène « d’animal de famille », mais l’explication qui va retenir notre attention est celle qui présente l’animal comme un « facteur d’équilibre au sein du cercle familial » (Cyrulnik, 2005). En effet, d’après Malarewicz, l’animal, comme tout autre membre du groupe familial va remplir un rôle qui lui est assigné, celui d’être utile, et ce, dans le domaine relationnel. Il va participer à ce que l’approche systémique appelle « l’homéostasie du groupe », c’est-à-dire à son équilibre, afin de permettre « sa perpétuation dans le temps, son maintien autour d’une configuration donnée, face à des événements générateurs de crises qui sont ainsi mieux surmontées sans que ces crises remettent en question fondamentalement l’équilibre du système ». Parce que très sensibles au climat émotionnel du groupe familial, les animaux vont refléter les sentiments de chacun des membres (Speck & Attneave, 1973). Quand il y a une crise dans la famille ou un niveau intense d’anxiété, 81% des propriétaires disent que leurs animaux montrent des réactions d’agitation et d’anxiété (aboiements, refus de manger, impossibilité de dormir, urines dans la maison, maladie nécessitant une médication...) (Cain, 1983). En même temps, lors d’un conflit familial, la moitié des animaux vont chercher de l’attention ou essayer de protéger le membre le plus vulnérable. C’est pour ces différentes raisons qu’Allen et Blascovich (1996), vont qualifier les animaux de véritables « baromètres émotionnels » et de régulateurs homéostatiques modérant le stress dans les relations. Ils permettraient de maintenir un équilibre psychologique et relationnel à travers des mécanismes de déplacement, d’identification et de projection (Heiman, 1965). Face aux différents aléas de la vie familiale, l’animal va donc remplir différentes fonctions pour maintenir cet équilibre. Il peut être le substitut d’une personne du groupe (enfant qui quitte le foyer, proche décédé, enfant du couple qui ne peut pas en avoir, frère d’un enfant unique...), l’intérêt commun autour duquel tout le monde se retrouve ou le bouc-émissaire qui supportera les conséquences de conflits qui ne le concernent pas. En effet, puisqu’il est un élément neutre, il va prendre sur lui les tensions et les conflits et va ainsi permettre au système familial de se maintenir (Willems, 2011). Sa présence permettra aussi d’introduire des rituels structurants et d’intégrer les notions de limite et de durée que les parents ont tant de difficultés à inculquer aujourd’hui à leurs enfants. Enfin, pour Digard (2005), l’animal est aussi un élément stable, toujours présent au sein du système familial, qui lui est toujours soumis à des changements. Ainsi plusieurs études suggèrent que les animaux de compagnie peuvent augmenter les interactions positives, améliorer la résilience au sein du système familial, réagir aux tensions familiales et être impliqués dans les conflits relationnels (Walsh (I), 2009). En effet, même si la majorité des familles s’accorde pour dire que leur animal est important dans tous les Page 34 sur 127 moments de leur vie, ils estiment malgré tout qu’il l’est encore plus en période de crise, lorsqu’ils traversent des transitions difficiles ou qu’ils font face à certains problèmes. Cain (1985), a ainsi trouvé que 82% des familles adoptent un animal lors d’un déménagement, une séparation, un divorce ou un décès. Cette idée est aussi confirmée par Allen (1995), pour qui les animaux apportent un soutien social et émotionnel qui facilite le succès, la récupération et la résilience. Ils offrent confort, affection, et sécurité, et facilitent l’adaptation aux changements de la vie. Parmi les difficultés de la vie que nos compagnons à quatre pattes peuvent nous aider à surmonter, Mark Doty (2007), évoque par exemple le rôle que ses deux chiens ont eu lorsqu’il a dû faire face à la maladie du Sida de son compagnon, puis à son décès. De plus, pour Cain (1983), les animaux vont être la « colle » qui va maintenir les membres de la famille ensemble. Il va participer à la cohésion de la famille en améliorant la vie quotidienne et la communication. Par exemple, l’animal peut être utilisé comme une excuse ou un argument dans la communication. Une mère peut ainsi demander à ses enfants d’arrêter de se battre car « cela fait peur au chien ». De même, Allen (1995) montre que les couples qui possèdent un animal se portent mieux, car ils peuvent se confier non seulement à leur époux(se) mais aussi à leur animal. Cela leur apporte une meilleure satisfaction de la vie en générale et de leur situation conjugale, ainsi qu’une meilleure santé physique et émotionnelle. Selon Cyrulnik (2005), on dit à ses animaux ce qu’on n’ose pas dire aux autres membres de la famille et ceci va permettre de maintenir une homéostasie familiale au niveau affectif. De plus, l’animal va être très structurant pour le système familial car il va parfois créer de véritables défis pour la famille et va ainsi lui donner diverses opportunités d’organisation : il va par exemple permettre d’instaurer une communication claire, des règles, des relations d’autorité, des rôles et des frontières, et offrir la possibilité de résoudre des problèmes (Walsh (II), 2009). Toutefois, toute cette gamme de possibilités qu’il offre peut aussi être source de conflits : peut-on le laisser monter sur le lit ? Qui va sortir le chien ? Qui va nettoyer la litière du chat ? Etc. Enfin lorsqu’un conflit éclate dans la famille, l’animal va souvent être impliqué dedans à travers des processus de triangulation et des mécanismes de déplacement. En effet, en référence à la théorie des triangles de Bowen (1978) que nous avons citée précédemment, Cain (1983, 1985), a montré que l’animal, comme un enfant, était fréquemment inséré dans une triangulation lors de conflits relationnels, notamment lors de conflit conjugal. Par exemple, un mari peut déplacer sa colère envers sa femme sur son chien en lui hurlant dessus, et un enfant qui doit faire face à la réorganisation de sa famille après le divorce de ses parents peut exprimer sa colère envers sa belle-mère en lui reprochant de ne pas s’occuper aussi bien de l’animal que le faisait sa mère. Ainsi, les abus faits aux animaux Page 35 sur 127 sont un bon indicateur de la violence familiale. Mais il faut aussi noter que plusieurs familles ont cité des situations où ils n’ont pas inclus l’animal mais au contraire l’ont mis dehors pendant le conflit car il était inquiet et essayait de s’immiscer. De plus, l’animal peut aussi devenir le sujet de discussion des membres de la famille, qui parleront de lui avec affection et inquiétude, plutôt que d’exprimer ces sentiments les uns envers les autres. De même, lorsqu’un des membres a besoin de plus d’affection et d’intimité (par exemple dans une relation conjugale), l’animal peut le lui apporter et cela permettra de maintenir un équilibre affectif au sein de la relation. Cependant, dans certains cas cela peut aussi blesser le partenaire et provoquer sa jalousie. De plus, les animaux aussi peuvent montrer des signes de jalousie, de contrôle et de protection lorsque les deux partenaires se rapprochent, ce qui peut être source de conflit entre les deux. Enfin, pour Jean-Luc Guichet (2011), l’animal va permettre de « reconfigurer des liens familiaux moins aisément structurés que dans les cadres sociaux traditionnels du passé ». Il va ainsi définir trois fonctions essentielles de l’animal se rattachant toutes à un rôle de facilitation relationnelle et résumant nos propos précédents : - La fonction affective de « médiation circulante » : L’animal va faciliter l’expression et la communication des affects des différents membres de la famille, car il ne parle pas alors que la relation humain est médiatisée et entravée par le langage. - La fonction consensuelle et responsabilisante : L’animal est un objet de souci commun dont tous doivent prendre soin. Il possède ainsi une importante capacité réconciliatrice car il est celui auquel la famille peut constamment refaire retour, même s’il peut aussi être source de conflit. - La fonction de facilitation et de modelage des rapports d’autorité : Le rapport animal/enfant va renvoyer au rapport enfant/parents. Il fournit un modèle hiérarchique assoupli et justifié, rempli de bienveillance et de responsabilité. 3.3.3. L’animal de compagnie dans les thérapies familiales systémiques Du fait des résultats de toutes ces études, Melson et Fine (2006), s’interrogent alors sur l’intégration des animaux dans les thérapies familiales systémiques et font remarquer que jusqu’ici ces thérapies se sont exclusivement focalisées sur les relations humaines. Les cliniciens qui tentent de comprendre le fonctionnement des familles et d’identifier les ressources qu’elles possèdent pour leur santé et leur résilience s’interrogent souvent sur les Page 36 sur 127 personnes importantes dans la famille et le réseau social et rarement sur l’animal de compagnie. Or selon McColdrick, Gerson et Petry (2008), les animaux devraient être inclus dans le génogramme familial (noter son nom, son âge, ses dates importantes...) car en interrogeant les membres de la famille sur l’animal (implication de l’animal dans les crises récentes, son rôle dans les relations familiales, importance des liens avec lui,...) on obtient des informations sur l’organisation du système (relations de couples, communication, résolution des problèmes, stratégies de gestion des situations stressantes...). C’est pourquoi, certains vétérinaires et psychologues ont présenté des cas intégrant l’animal de la famille. Nous citerons les cas de deux familles : l’une présentée par Dehasse (1998), l’autre par Wullems (1994). La famille G. (Dehasse, 1998) : Dehasse présente le cas d’un couple âgé qui vient un jour à son cabinet vétérinaire avec Quinicy, un caniche mâle de 5 ans, car celui-ci présente des problèmes d’agression, peu fréquents, mais suffisants. Ce comportement agressif semble survenir plus particulièrement lorsque monsieur se rapproche de son épouse et les propriétaires le décrivent sous le terme de « jalousie ». Pour Dehasse, il s’agit là d’un problème de hiérarchie familiale dans laquelle le chien a une place dominante et aucunes limites car son éducation n’est pas cadrante. De plus, lorsque Monsieur donne un ordre, le chien se tourne vers Madame qui tolère davantage la désobéissance. Le chien se retrouve donc dans une situation de doubles messages contraires. En recourant à l’anamnèse du couple, le vétérinaire découvrit alors que Monsieur et Madame G. ont eu un autre chien, nommé Athos, avant Quinicy. Madame décrit Athos comme un chien « angélique », à qui on pouvait tout faire sans qu’il rechigne. De plus, Athos a été son compagnon pendant une affection invalidante qui a duré dix ans et elle le nomme « chien thérapeute ». Suite à une maladie, elle a pris la décision d’euthanasier Athos et les cendres de ce dernier sont conservées à la maison avec une exposition de toutes ses photographies. Le couple a alors acquis très rapidement un nouveau chien, Quinicy, qui selon Madame G., a été conçu le jour de la mort d’Athos. Elle envisage d’ailleurs l’idée d’une réincarnation et avoue qu’elle appelait ce nouveau chien Athos lors de son arrivée. Ainsi, nous voyons là que Quinicy a pris le rôle de chien de remplacement, surtout pour Madame qui n’avait pas encore terminé le deuil du chien précédent. De plus, la durée du deuil de Madame G. et son hyper-attachement à Athos peuvent être reliés son histoire personnelle : orpheline dès l’âge de deux ans, elle a été élevée par ses grands-parents paternels. Elle était la dernière d’une fratrie de huit enfants, la « petite », la « moins aimée » qui était souvent placée chez son oncle et sa tante le week-end. Page 37 sur 127 Sa grand-mère était très autoritaire et personne n’osait s’opposer à elle. Parce qu’elle s’identifie à ce chien, elle va lui donner tout l’amour qu’elle aurait aimé recevoir. Ainsi, le cas que Dehasse nous présente ici, nous permet d’illustrer nos propos précédents au sujet de la jalousie de l’animal qui peut créer conflit au sein d’un couple, le support de projection et d’identification dont l’animal fait office, son rôle dans la résilience face à la maladie etc. La famille B. (Wullems, 1994) : Wullems, psychologue et psychothérapeute, évoque, quant à elle, le cas d’une famille de trois personnes : les parents et un garçon de 12 ans. Dans cette famille, le père a quelques problèmes d’alcool et cela provoque des disputes au sein du couple. Le garçon, de son côté, réclame un chien depuis longtemps et ses parents finissent un jour par accepter. Or le chien pose beaucoup de problèmes et les parents s’énervent à son sujet se demandant même s’il faut le garder. Nous constatons ici qu’il y a eu un changement d’objet des conflits familiaux. Ce n’est plus le père mais le chien qui devient le bouc-émissaire, par un mécanisme de déplacement comme nous en avons parlé précédemment. Le fils intervient alors et les parents se retrouvent obligés de garder ce chien et de s’en accommoder. En intervenant ainsi, le fils a en quelque sorte déplacé le problème sur lui puisque c’est pour lui que ses parents font un sacrifice. Wullems repère donc dans ce cas différents éléments importants dans le cadre d’une interprétation systémique : le chien a permis la mise en place d’une triangulation (les parents contre l’animal) qui a temporisé le conflit conjugal à propos des problèmes d’alcool du père. Les plaintes de la mère ayant été déplacées sur un autre objet, l’équilibre familial a pu être maintenu. De plus, l’adoption du chien a permis de clarifier les frontières entre les générations, car le fils a pu se dégager des problèmes conjugaux grâce à ce nouveau partenaire de jeu qui représente pour lui un véritable soutien affectif. Enfin, le fils qui s’est interposé en disant « si vous donnez mon chien, alors il faudra me donner aussi ! », s’est identifié à lui et a permis d’énoncer une règle familiale selon laquelle si un élément du groupe est rejeté la famille va éclater. Or ceci est impossible et insoutenable, il faut rester ensemble et solidaires, et supporter les problèmes des uns et des autres. Page 38 sur 127 PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE RECHERCHE Questionnement et problématique Nous avons vu que le phénomène animal de compagnie était un véritable phénomène de société du fait de son caractère de masse et que c’était les foyers de taille moyenne, c’est-àdire entre 3 et 5 personnes, qui possédaient le plus souvent un animal de compagnie. Ces chiffres nous ont donc interrogé : Si la fonction principale de l’animal de compagnie, est, comme son nom l’indique, de tenir compagnie, comment expliquer que ce soit les foyers avec enfants, qui soient les premiers à posséder au moins un animal, et non les célibataires ou les couples sans enfants ? Nous proposons donc la problématique suivante : Quel est l’effet de l’animal de compagnie sur le fonctionnement du système familial ? Hypothèse générale Nous avons montré que la cellule familiale pouvait être considérée comme un système structuré dans son fonctionnement et autorégulé, c’est-à-dire qui, s’efforce de maintenir son équilibre face aux perturbations du milieu. D’après les différentes études vues précédemment, il semblerait que l’animal de compagnie ait une place importante dans ce système et qu’il soit régulateur de différentes façons (rôle dans les conflits, substitut de personne, facteur de cohésion, etc.). Nous faisons donc l’hypothèse que l’animal de compagnie participerait à l’autorégulation du système familial. Nous entendons par là que l’animal de compagnie interviendrait dans le maintien de l’homéostasie du système, c’est-à-dire qu’il serait un facteur d’équilibre. Par sa présence, l’animal permettrait au système familial de rester stable et de perdurer dans le temps. Hypothèses opérationnelles Afin de vérifier cette hypothèse, il est nécessaire de préciser en quoi l’animal va participer à l’autorégulation du système familial. Nous posons donc les hypothèses opérationnelles suivantes : 1) L’animal de compagnie favoriserait l’adaptation du système familial lors de crises et de transitions difficiles : Nous avons vu que le système familial devait faire face à différentes étapes de vie et nous pensons que l’animal va jouer un rôle particulièrement important lors du passage d’une étape à une autre. Nous nous Page 39 sur 127 attendons donc à ce que les personnes interrogées aient adopté l’animal lors de ces transitions difficiles (déménagement, divorce, départ des enfants...) ou que des éléments dans leur discours montrent que l’animal a joué un rôle particulièrement important lors de ces moments. 2) L’animal permettrait de réguler les relations entre les membres du système familial : Nous pensons que l’animal va jouer un rôle dans la régulation des relations et des interactions entre les membres de la famille. Nous nous attendons à retrouver des éléments dans le discours des sujets qui montrent que l’animal va contribuer à diminuer les conflits et à augmenter les interactions positives. Nous pensons qu’il va permettre cela en jouant un rôle de tiers, qui peut être bouc-émissaire, médiateur dans la communication ou objet commun qui rassemble. 3) L’animal est un support de projection, d’identification et de déplacement : Nous supposons que ces trois mécanismes sont à la base de l’effet régulateur de l’animal de compagnie. Nous nous attendons à retrouver dans le discours des patients des éléments montrant des mécanismes de projection et de déplacement de sentiments et d’émotions sur l’animal (ex : déplacement de la colère lors de conflits ou projection d’affection), ainsi que des mécanismes d’identification. 4) L’animal serait structurant, permettrait au système de s’organiser : En nous basant sur l’approche structurale de Minuchin, nous pensons que l’animal va être régulateur, car il va permettre au système de se structurer et de s’organiser. Nous entendons par là qu’il va permettre d’instaurer des règles, des frontières, des rapports d’autorité, des rôles... Or d’après l’approche structuraliste une famille dite « fonctionnelle » est une famille bien structurée. Page 40 sur 127 METHODOLOGIE Population et méthode Afin de répondre à notre problématique et de vérifier les hypothèses précédentes, nous avons interrogé trois familles différentes : - Une famille nucléaire dite « stable » dans laquelle les parents sont mariés et tous les enfants sont tous issus de ce mariage. - Une famille recomposée dans laquelle certains enfants ne sont pas issus de l’union des deux conjoints, mais d’unions antérieures. - Une famille monoparentale, c’est-à-dire dans laquelle l’un des parents élève seul ses enfants. Faire varier le type de famille nous permettait en effet d’étudier plus en profondeur les effets régulateurs de l’animal de compagnie. Les familles monoparentale et recomposée nous permettaient ainsi d’étudier plus précisément notre hypothèse sur les transitions difficiles par exemple. De plus, choisir d’étudier différents types de famille nous semblait plus en accord avec la réalité de la société d’aujourd’hui et nous permettait de vérifier l’idée de Jean-Luc Guichet (2011) selon qui, comme nous l’avons vu, l’animal permet de « reconfigurer des liens familiaux moins aisément structurés que dans les cadres sociaux traditionnels du passé ». En revanche, nous avons choisi de contrôler le nombre d’enfants dans chaque famille et l’espèce de l’animal de compagnie. Il y avait ainsi trois enfants dans chacune des familles interrogées et l’animal de compagnie était à chaque fois un chat. Seule la famille recomposée en possédait plusieurs. Ces familles ont été contactées par l’intermédiaire de notre entourage et par l’envoi de mails à tous les étudiants de l’Université Catholique de l’Ouest. Pour chacune d’entre elles, nous présentions notre sujet de recherche (« Je m’intéresse à la place et au rôle de l’animal de compagnie dans la famille ») et nous leur demandions si elles étaient d’accord pour que l’entretien soit enregistré. Nous prenions soin d’expliquer que c’était uniquement dans l’intérêt de notre travail d’analyse ultérieur et que leur anonymat serait préservé (nom des personnes et des lieux modifiés). Ces familles étaient originaires de deux régions : la région angevine pour la famille recomposée, et la région orléanaise pour les familles nucléaire stable et monoparentale. Page 41 sur 127 Notre démarche de recherche étant de nature qualitative, nous avons choisi d’utiliser la méthode de l’entretien. Cet outil nous semblait en effet être le plus approprié pour ce type de recueil de données. Nous avons donc réalisé un entretien semi-directif avec chacune d’entre elles, le choix de ce type d’entretien permettant à la fois de privilégier la liberté de parole des personnes, et de cadrer en même temps les propos des sujets par un guide d’entretien, afin qu’ils ne sortent pas du thème de notre étude. Au préalable, nous avons procédé à des entretiens exploratoires avec une famille nucléaire stable de quatre enfants qui possède une chienne. A l’aide d’une grille d’entretien similaire à celle utilisée par la suite, nous avons interrogé individuellement chacun des membres (le père, la mère et trois des quatre enfants, le second de la fratrie étant à l’étranger à ce moment-là). Suite à ces entretiens, nous nous sommes aperçu que les entretiens individuels étaient peu pertinents car nous obtenions une saturation des données. C’est pourquoi, nous avons fait le choix ensuite d’effectuer des entretiens collectifs, qui nous semblaient, de plus, plus en accord avec l’approche systémique de notre étude. Nous pensions ainsi pouvoir obtenir non seulement des informations issues du discours des sujets, mais aussi des éléments issus de l’observation des interactions durant l’entretien. Lorsque c’était possible l’animal aussi était présent durant l’entretien. Il convient de préciser que les entretiens collectifs ont néanmoins eu pour inconvénient de limiter la liberté d’expression de chacun du fait de la présence des autres membres de la famille. La grille utilisée nous a semblé en revanche appropriée, et nous l’avons donc gardée en prenant soin de la compléter et de la réorganiser en fonction de nos hypothèses. Guide d’entretien En lien avec notre corpus théorique et les hypothèses formulées, nous avons construit un guide d’entretien comportant sept thématiques. Pour chacun de ces thèmes nous posions une question générale et ouverte, et en fonction des réponses nous approfondissions les propos des sujets. Nous terminions ensuite chaque entretien en demandant aux personnes si elles avaient autre chose à rajouter. Amorce : « Donc comme je vous en avais parlé quand on a pris contact, je m’intéresse à la place et au rôle de l’animal de compagnie au sein de la famille. J’aimerais donc qu’on en parle tous ensemble et que chacun s’exprime librement sur le sujet, sachant que, comme je vous l’avais précisé, vos propos resteront totalement anonymes. » Page 42 sur 127 1) Présentation de l’animal : Pouvez-vous me présenter votre animal ? - Comment s’appelle-t-il ? Qui a choisi ce nom (choix collectif ou individuel) ? - Quelles sont ses caractéristiques (âge, sexe, espèce) ? - Y a-t-il eu des dates importantes dans la vie de l’animal (maladies...) ? 2) L’accueil de l’animal : Pouvez-vous me raconter comment s’est passée son arrivée dans la famille ? - Date et contexte d’arrivée : en quelle année est arrivé l’animal ? Est-il arrivé à une période particulière (déménagement, divorce, départ des enfants...) ? - Quelles sont les raisons de cette adoption ? - Pourquoi avoir choisi un chat plutôt qu’un chien ? Comment cela se serait-il passé avec l’autre espèce ? 3) Liens avec les animaux dans la vie passée : Avez-vous eu d’autres animaux avant celui-ci ? - Les parents ont-ils eu des animaux dans leur enfance ? - Y a-t-il eu d’autres animaux avant dans la famille ? 4) Organisation de la famille autour de l’animal : Comment la famille s’organise-telle autour de l’animal ? - Quels sont les rôles de chacun (qui nourrit l’animal, s’occupe de ses soins, le sort, nettoie sa litière...) ? - Est-ce qu’il y a des règles ou des interdits autour de l’animal (ne pas monter sur la table, ne pas monter dans les lits, part-il toujours en vacances avec eux...) ? 5) Place et rôle de l’animal dans les relations : Vous diriez que votre animal a quelle place dans votre famille, dans vos relations ? - Place et rôle dans les conflits et les alliances - Quel place et quel rôle a-t-il dans la fratrie, dans le couple parental et dans les relations parents-enfants ? - A-t-il une relation privilégiée avec l’un des membres de la famille ? - Agit-t-il sur la communication entre les membres (peut-il être un intermédiaire par exemple) ? Page 43 sur 127 6) Changements depuis l’arrivée de l’animal : Trouvez-vous qu’il y a eu des changements depuis l’arrivée de l’animal au niveau du climat familial ? 7) Importance de l’animal lors de crises : L’animal a-t-il joué un rôle particulier lors de moments difficiles ? - Se rapprochent-ils davantage de l’animal dans les moments difficiles ? - L’animal est-il un soutien, un confident, un réconfort ? Page 44 sur 127 ENTRETIENS EXPLORATOIRES : LA FAMILLE C. : LA CHIENNE QUI « FEDERE » Comme nous l’avons précisé précédemment, la famille C. est une famille nucléaire stable de quatre enfants : Harry (21 ans), Paul (19 ans), Tom (16 ans) et Max (14 ans). Il s’agit donc d’une fratrie composée exclusivement de garçons. Cette famille vit dans deux logements différents : un appartement en ville la semaine, proche du lieu de travail des parents, et une maison à la campagne le week-end. Ils possèdent une chienne labrador nommée « Sirène » depuis 2001. Entretien avec la mère Mme C. explique que c’est elle qui a acheté la chienne sur « un coup de tête » et qu’en faisant cela elle faisait « un cadeau à son mari ». En effet, son mari, dont la famille avait toujours eu des chiens, avait toujours dit que le jour où ils achèteraient une grande maison avec du terrain, ils auraient un chien. Or en 2001, ils ont acheté une maison à la campagne et ont commencé à y faire des travaux avant d’y emménager. Durant cette période, Mme C. est passée un jour devant une animalerie et a décidé d’acheter la chienne, en seulement 30 minutes. Elle l’a alors ramenée chez ses parents et son père lui a répondu « j’espère que tu te rends compte de la connerie que tu viens de faire » car dans sa famille ils avaient toujours préféré les chats aux chiens. Son mari, quant à lui, était très ému et « les larmes lui sont montées aux yeux ». Elle est ensuite allée chercher ses enfants à l’école et leur a présenté la chienne. Ils ont tous été très surpris et heureux en voyant la chienne, à l’exception de Tom, qui avait 5 ans à l’époque, et qui, une fois arrivé à la maison a dit « Bon maman on a bien rigolé, maintenant tu peux la ramener à la maison ». En ce qui concerne le choix du nom de la chienne, « Sirène », elle se souvient seulement que c’était l’année des S et que c’est venu à partir d’une blague que son mari avait faite. Mais ils avaient choisi ce nom tous les deux avant de la présenter aux enfants. Après l’adoption, 18 mois de dressage ont suivi et ce, parallèlement à l’emménagement dans leur nouvelle maison. Mme C. pense que la chienne a aidé à passer ce changement de vie, car elle a en quelque sorte « déplacé le problème en faisant des bêtises ». Pendant qu’ils s’occupaient du dressage, ils ne pensaient pas au déménagement. Concernant l’organisation de la famille autour de Sirène, Mme C. explique que tout le monde est sensé s’en occuper mais que c’est elle qui se charge des soins et de la nourriture. En revanche, elle refuse de la sortir et cette tâche est confiée à son mari, le matin, et aux Page 45 sur 127 enfants à tour de rôle, le soir. Elle raconte que parfois ces derniers n’ont pas envie de s’acquitter de cette tâche, mais ils finissent toujours par se mettre d’accord sans qu’il y ait de grosses disputes. Elle a constaté d’ailleurs, que la chienne avait permis de responsabiliser tout le monde dans la famille et elle considère qu’elle a été une « aide éducative », un « support d’éducation » pour apprendre le sens des responsabilités à ses enfants, le respect d’autrui et des interdits, etc. Elle pense que sans la chienne ces « règles de vie » auraient dues être verbalisées, alors qu’avec elle, elles ont été inculquées « naturellement ». Sirène connait les limites, respecte les interdits (ex : ne pas monter sur le canapé ou ne pas dormir avec elle et son mari). Elle trouve aussi qu’après l’arrivée de la chienne ses enfants n’étaient plus comme avant. Elle a remarqué un changement sans pouvoir dire lequel exactement, elle dit seulement qu’ils se sont « ouverts sur autre chose que leur fratrie », qu’ils sont devenus « responsables de quelque chose ». Pour elle, la chienne est un « vecteur commun » dans la famille, elle est celle qui « fédère », qui « met tout le monde d’accord ». Elle est une « présence invisible nécessaire » et « son absence est toujours remarquée ». Ainsi, Paul, qui est parti cette année à l’étranger pour ses études, demande à voir la chienne à la webcam à chaque fois. Pour ses enfants elle pense aussi qu’elle est la « petite frangine qu’ils n’ont jamais eue », et observe cela quand ils jouent avec elle ou qu’ils la « taquinent ». Mme C. ne pense pas que Sirène puisse apaiser les conflits ou les tensions dans la famille mais elle considère qu’elle est un « soutien individuel », un « réconfort affectif », pour chacun d’entre eux dans les moments difficiles (ex : lorsque ses enfants sont en période d’examens). Elle est sûre que ses enfants se confient à la chienne. En ce qui la concerne, elle dit qu’elle peut être plus tactile avec sa chienne car celle-ci ne va pas lui répondre « maman arrête ! ». Elle pense que l’être humain a besoin d’un retour d’affection que les hommes donnent mais que les animaux complètent. Elle accorde aussi beaucoup d’importance au regard de sa chienne, elle a l’impression que quand elle la regarde elle la comprend. Enfin, elle confie, tout en me prévenant que c’est « bête, stupide », que Sirène est sûrement la « petite fille-fille » qu’elle n’a jamais eue et que c’est sûrement ce qui a déterminé le choix d’une femelle plutôt qu’un mâle de manière inconsciente. Son mari plaisante d’ailleurs souvent à ce sujet avec elle. Enfin, pour terminer l’entretien, Mme C. évoque l’angoisse de toute la famille concernant le décès de Sirène qui, selon eux, ne va pas tarder étant donné son âge et son état de santé (elle a fait un AVC en octobre 2011 et souffre d’insuffisance cardiaque). Son mari et elle ne savent pas comment ils vont le gérer, comment ils vont réussir à le faire accepter aux enfants. Ils se sont déjà demandés s’ils reprendraient un chien après et pour l’instant ils n’ont Page 46 sur 127 aucune réponse à cette question. Elle dit qu’il y aura « un vide énorme sur le plan affectif » mais que reprendre une chienne signifierait pour eux « d’abandonner une certaine fidélité ». Ils auraient l’impression de la « trahir », car ils ont avec elle un « rapport unique qui dure depuis plus de 10 ans ». Toutefois, elle évoque aussi le cas de ses voisins qui ont perdu leur chienne et qui après avoir dit qu’ils n’en reprendraient pas, en ont finalement racheté une plusieurs mois après. Entretien avec le père Monsieur C. explique qu’il y a toujours eu des chiens dans sa famille mais qu’à l’époque il s’agissait davantage d’animaux domestiques qui devaient garder la maison, que d’animaux de compagnie. Après le décès de son père, la niche du chien est passée de l’extérieur à l’intérieur de la maison et c’est à partir de là que cet animal est passé pour lui du statut d’animal domestique à celui d’animal de compagnie. Il avait toujours rêvé d’avoir un labrador quand il aurait de l’espace pour l’accueillir, car il considère que cette race est « adorable », « bien élevée » et que pour leur famille il leur fallait un chien « câlin », un « gros nounours ». Il rêvait du « bon toutou » et selon lui son rêve s’est réalisé en dix fois mieux. Sirène est « la révélation de leur vie ». Lorsqu’il raconte le jour de l’arrivée de Sirène, il dit que sa femme est passée devant une animalerie et s’y est arrêtée pour se renseigner car elle ne connaissait rien aux chiens. Elle a vu ce petit chiot s’amuser avec un berger allemand et « pousser des petits cris ». Elle l’a acheté pour « lui faire un cadeau » et a choisi de l’appeler Sirène car c’était l’année des S. A cette époque-là, ils venaient d’acheter une maison à la campagne et en attendant que les travaux soient finis ils habitaient à côté dans une maison qui appartenait à sa tante. Monsieur C. ne sait pas si l’arrivée de Sirène a changé quelque chose dans leur famille, car les enfants étaient petits à l’époque et se sont donc « intégrés », « ont fait corps » avec la chienne. Il pense que l’entente entre ses fils aurait été la même sans elle mais qu’elle a quand même apporté quelque chose, sans pouvoir préciser davantage. Pour lui cet animal est un « puits d’amour », elle apporte beaucoup « d’affection » et de « joie » dans la famille et il pense que c’est ce que tout le monde ressent, que c’est « globalisé ». Cette chienne est un « plaisir » pour eux tous et sans apaiser les conflits, elle apaise en tout cas les colères et l’humeur de chacun individuellement selon lui. Il la considère comme le « 5ème élément », le « 5ème enfant de la famille », « la fifille qu’ils n’ont pas eue ». C’est un enfant moins contraignant car ils n’ont pas à se soucier qu’il réussisse ses études par exemple. Quand les deux plus âgés de ses enfants, qui font aujourd’hui leurs études supérieures loin de chez eux, Page 47 sur 127 rentrent à la maison, il a l’impression que ce n’est pas quatre enfants qui se retrouvent, mais cinq. De plus, il a l’habitude de dire qu’il a « quatre enfants et un chien » et s’étonne toujours que les gens soient surpris qu’il intègre son chien avec ses enfants. Avant il ne comprenait pas l’attachement des gens à leur animal mais maintenant il comprend et avoue avoir une telle affection pour sa chienne qu’il en « sera malade quand elle partira. » A ce propos il confie qu’ils ne savent pas encore ce qu’ils feront, s’ils reprendront un chien ou pas. Il raconte alors l’histoire de ses voisins qui avaient aussi un labrador et qui ont finalement racheté un chien après le décès du premier même s’ils avaient dit qu’ils n’en reprendraient pas. A un moment donné, la chienne rentre dans la pièce pendant l’entretien et Monsieur C. se met alors à lui parler et à l’embrasser, et dit « quand tu la vois tu ne peux que fondre comme un grand-père devant un gamin ». Pour lui « ce côté chiant et collant » est dû non seulement à la chienne mais aussi à la race. Il considère qu’il l’a mal élevée (ex : il la laisse monter sur le lit en début de nuit) mais est fier qu’elle soit aussi obéissante. Il raconte par exemple, qu’il la promène sans laisse le matin et quand ils voient que les gens ont peur il la rappelle à l’ordre et les gens lui font alors remarquer « Oh qu’est-ce qu’elle vous écoute bien !». Il se demande toutefois si elle est aussi obéissante avec ses enfants. Enfin, il conclut l’entretien en disant qu’avoir un animal est « une servitude », pour les vacances par exemple, mais que c’est peu de chose à côté du positif que ça apporte. Entretien avec Max, 14 ans Quand Max évoque la relation qu’il a avec sa chienne il dit qu’elle ressemble à la relation qu’il a avec ses frères : il y a « beaucoup d’affection » et il joue beaucoup avec elle. Il la « gronde » aussi « quand elle a fait une bêtise » et elle est une source de motivation pour sortir quand il n’en a pas envie. Pour lui Sirène est un « membre de la famille ». Même si elle ne parle pas, elle « communique » avec eux par ses « grondements » ou « quand elle fait la fête par exemple ». Il estime que ça lui a « fait du bien que Sirène arrive » car cela lui a appris à s’amuser et il trouve que cela l’a rapproché de ses frères du fait qu’ils jouent tous ensemble avec elle. De plus, pour lui, cet animal lui apporte de la « clarté », quand il ne va pas bien, le simple fait de la voir lui remonte le moral. Il a l’impression qu’elle le « réconforte » quand il n’a pas le moral, par exemple lorsque ses parents le « grondent » (ex : quand ses résultats scolaires sont en baisse). Il raconte aussi un souvenir qui l’a marqué : un jour que ses parents se disputaient, la chienne est arrivée, a fait un « câlin » à sa mère et ensuite « tout s’est calmé ». Il pense que Sirène permet de « stabiliser » l’atmosphère familiale, de calmer les tensions. Il raconte aussi comment cette chienne est arrivée dans leur famille et explique que Page 48 sur 127 c’était en 2001, lorsqu’ils venaient d’acheter leur nouvel maison. Il pense que cette « grande surprise » que sa mère leur a faite, a apporté des « moments de repos » à cette période où tout le monde était « sur les nerfs » à cause de l’emménagement. Il fallait la dresser, jouer avec elle etc. Il évoque aussi l’anecdote de son frère, Tom, qui avait dit à sa mère le jour de l’arrivée de la chienne : « Bon la blague est bonne, maintenant tu la ramènes au magasin ». Il se souvient que cela avait fait rire tout le monde. Concernant l’organisation de la famille autour de la chienne, il explique que son père la sort le matin, et le soir c’est lui et son frère Tom qui se chargent de cette tâche. Sa mère, quant à elle, se charge des soins et de la nourriture, même si tout le monde essaie de vérifier si elle a toujours de quoi manger dans sa gamelle. Avant que Paul ne parte faire ses études à l’étranger, la chienne dormait avec ce dernier et avec ses parents. Maintenant elle ne dort plus qu’avec ses parents, sauf quand son frère rentre à la maison. Quant à lui, il la prend parfois dans son lit en début de nuit quand elle a passé la soirée dans sa chambre (ex : quand ils jouent tous aux jeux vidéos avant de dormir). Max évoque aussi plusieurs accidents que Sirène a eus ces dernières années : une blessure à la patte en 2003-2004 et une chute dans l’escalier en 2011 où elle avait perdu une griffe. Si le premier accident lui avait fait de la « peine » car elle boitait et saignait, le deuxième, en revanche, l’avait moins choqué car il était plus grands et avait appris « les dangers de la vie ». Il explique aussi qu’aujourd’hui elle est « malade du cœur » et doit prendre des médicaments à vie car elle a fait deux AVC en 2011. Il n’a pas assisté au premier mais a vécu le deuxième. Il dit que « ça lui a fait bizarre » de voir sa chienne trembler. Aujourd’hui il a « pris conscience qu’elle pouvait mourir bientôt », maintenant elle a « une raison de mourir » et cela l’inquiète. Il s’est déjà demandé ce qu’il se passerait si elle mourrait et pense que ça aurait un « impact énorme », qu’il y aurait un « vide ». Il évoque alors le cas de ses voisins qui ont du faire euthanasier leur chienne, la même race que Sirène, et qui ont ensuite repris un chien alors qu’ils avaient dit qu’ils ne pourraient jamais en reprendre un. Lui, ne sait pas s’ils pourraient reprendre un autre chien mais sait qu’il n’assisterait pas à l’euthanasie s’il fallait que cela arrive. C’est sûr cette question du décès de Sirène qu’il conclut l’entretien. Entretien avec Tom, 16 ans Tom se souvient « parfaitement » du jour où sa mère a ramené Sirène à la maison et de la réaction qu’il avait eue (« Bon maman c’est bien gentil mais maintenant tu peux la ramener au magasin »). Il se rappelle qu’elle était plus sauvage au début et raconte l’anecdote de son Page 49 sur 127 grand-père qui avait dit « c’est la chienne ou moi » après que Sirène ait attrapé un chaton. Il considère que l’arrivée d’un animal « chamboule pas mal de choses dans la vie ». Ils ont par exemple changé de maison pour pouvoir accueillir Sirène. Il pense aussi que l’arrivée de Sirène a « changé quelque chose dans leurs relations, surtout au niveau affectif ». Pour lui, si Sirène n’avait pas été là « ça aurait été différent ». Par exemple ils n’auraient pas pu s’amuser à « lui faire des réflexions », car « sans partager l’humour, elle en fait partie ». De plus, « leur humeur aurait été différente car elle les met toujours de bonne humeur ». Quand elle ne sera plus là elle leur manquera, c’est « quelqu’un de présent et d’affectif ». Ils « aiment vraiment leur chienne », elle ne les a pas « dérangés dans leurs relations ». Quand ils font des balades tous ensemble et qu’ils l’emmènent, « c’est toujours un plaisir ». Dans ces momentslà il sent que « toute la famille est vraiment réunie ». Concernant l’organisation de la famille autour de Sirène, Tom considère que pour la nourrir « ils se relaient tous plus ou moins » même si le plus souvent c’est sa mère qui s’en occupe. Quand ils sont à l’appartement, c’est lui et Max qui se relaient pour aller la promener, sachant qu’avant qu’il parte à l’étranger, Paul s’en chargeait aussi. La nuit il explique qu’elle « aime dormir dans des lits en particulier » et non avec quelqu’un en particulier. Elle dort principalement avec ses parents et Paul, et parfois avec lui et ses deux autres frères, mais elle les « apprécie tous ». Pour lui, Sirène est « importante » car « les animaux sont des êtres à qui on peut tout confier, ils ne diront rien ». Il explique aussi qu’il a des difficultés à parler en public et que sa chienne l’aide alors à préparer son discours quand il en a un à faire. Il pense aussi que ses deux frères ainés ont trouvé un soutien auprès de Sirène quand ils révisaient leurs examens. « C’est quelqu’un qui sait remonter le moral, qui sait être présent affectivement quand on a besoin d’elle ». Quand il est démoralisé « c’est important qu’elle soit là ». Il considère qu’elle « joue un rôle prépondérant tous les jours », elle est « toujours là pour jouer avec eux », « toujours là dans leurs relations ». « Sans être un cinquième enfant, c’est quelqu’un qui est très intégré dans la famille » selon lui. Il raconte d’ailleurs une anecdote à propos d’une réunion de famille durant laquelle elle avait posé sur la photo. Il pense aussi qu’elle « apporte de la tranquillité pour la famille », « elle est là pour tout le monde » et elle « apaise la colère et la tristesse », car même quand ils sont colère, ils ont envie qu’elle soit là, qu’elle vienne les réconforter. « Elle apporte de la gaieté à toute la famille, ils sont contents de la voir et de l’avoir en toutes circonstances. » Il souligne d’ailleurs que c’est difficile pour eux de ne pas pouvoir l’emmener en vacances parfois. Page 50 sur 127 Il aborde aussi des accidents que Sirène a eus : une fois où elle s’était fait griffée par un chien et un problème de dos qui avait nécessité qu’on la rase. Ils s’amusaient d’ailleurs à ce moment-là à l’appeler « Barthez ». Mais l’évènement qui a selon lui « marqué le plus » tout le monde dans la famille c’est son AVC. Désormais il est toujours inquiet qu’elle en refasse un. Quand elle décèdera ça fera « un gros vide », « il manquera quelqu’un », « cela ne sera plus jamais comme avant » selon lui. Il conclut l’entretien en parlant des « grossesses nerveuses » que Sirène fait de temps en temps (elle prend une peluche dans ses dents et « pleure »). Il pense qu’elle aurait été « plus heureuse » si elle avait eu des petits. ENTRETIEN AVEC HARRY, 21 ANS Harry raconte que Sirène est arrivée quand il avait 11 ans. Son père avait toujours voulu avoir un labrador, alors que sa mère voulait un bichon maltais. Il y a 11 ans, sa mère était en congés maladie. Un jour elle « est tombée sur Sirène » et celle-ci l’a « troublée ». Ils l’ont appelée Sirène parce qu’elle aurait « parlé » à sa mère. Au départ, son grand-père a dit que c’était « une bêtise » d’avoir acheté ce chien et Tom avait demandé à sa mère de la ramener au magasin. Mais ensuite elle a « converti tout le monde en un ». A l’époque où Sirène est arrivée, ils « n’avaient pas réellement de chez eux ». Ils habitaient chez leur tante en attendant la fin des travaux de la nouvelle maison que ses parents avaient achetée. C’était aussi l’année où il rentrait en sixième et c’était une « grande étape » pour lui. Sirène est donc arrivée dans ce « contexte un peu difficile », même si le déménagement était selon lui « un changement chouette ». Concernant l’organisation de la famille autour de Sirène, c’est principalement sa mère qui la nourrit mais parfois celle-ci leur demande implicitement de la nourrir en leur disant « Bon votre chienne a faim ». A l’heure des repas elle est toujours présente et ils lui donnent de la nourriture. A l’appartement son père la sort le matin, et le soir ce sont Tom et Max qui s’en chargent. Lorsqu’ils sont à la maison en revanche, elle sort dans le jardin. Depuis 5-6ans Sirène a le droit de venir dans le lit de ses parents en début de nuit mais ne reste pas dormir avec eux. Harry pense que l’arrivée de cette chienne dans la famille n’a pu qu’« améliorer ou laisser comme elles étaient les relations » qu’ils avaient. Elle n’a pas « empiré les choses », au contraire, quand elle est là ça a « tendance à aller mieux. » Ça leur a permis en tout cas de « se centrer sur un point commun », d’avoir « un peu plus de choses en commun ». Il ne sait pas si cela a eu un impact dans sa relation avec ses frères, mais s’il y en a eu un, il pense que c’était avec Paul et Tom. Il explique en effet que la « hiérarchie dans la famille » est très importante pour lui et il ne supportait pas que Tom, son petit frère, lui dise « non ». Il tient à son rôle de Page 51 sur 127 « grand frère » et quand ils ont appris que Tom était précoce, il a eu peur que ça « remette en cause sa place ». Concernant la place de Sirène au sein de la famille, il explique qu’elle a « toujours participé aux grands moments de la famille ». C’est d’ailleurs difficile pour lui de ne pas pouvoir l’emmener en vacances parfois. Elle « fait partie de la famille », ce n’est ni le « cinquième enfant » ni « un animal domestique » selon lui car elle ne fait pas partie de la maison. Il évoque aussi le fait que dans sa famille ils parlent beaucoup à leur chienne, et n’ont pas honte de cela. Ils lui donnent des surnoms (« Sisi », « Chien-Chien ») et aiment la « taquiner » en l’appelant par exemple « la grognasse ». La relation qu’ils ont avec elle tourne en effet beaucoup autour de la « taquinerie » et du « jeu », et ce sont des moments qu’il préfère partager avec ses frères, son père et ses amis. Harry a le sentiment que Sirène les met « plus à l’aise », qu’elle « favorise la communication » et « facilite la conversation » car elle « apporte un peu d’humour », « augmente la connivence » entre eux. Elle leur permet de « se marrer ente eux », de « se recentrer autour de quelque chose ». Il pense qu’elle a « facilité la résolution de soucis » car sa présence est « apaisante » dans la famille, elle est « la force tranquille ». Il perçoit aussi Sirène comme la « fifille » que sa mère n’a jamais eue. Il trouve d’ailleurs que sa mère a été « beaucoup plus expressive » après l’arrivée de leur chienne. Au niveau individuel, sa relation avec Sirène est principalement « tactile », il lui fait beaucoup de « caresses et de bisous ». Quand il rentre chez lui, sa chienne est la première qu’il embrasse, alors qu’il n’embrasse pas ses frères. Il parle d’« élans affectifs » quand il la voit et d’une « compréhension mutuelle » entre lui et elle. Lui, qui « est peu démonstratif » trouve que c’est plus facile de l’être avec sa chienne, car « il ne sent pas de jugement » chez elle, et sans être « naïve » ou « gentille », elle « dégage une aura d’affection toujours positive ». En effet, pour lui, cette relation est « toujours basée sur du positif, il n’y a jamais eu de négatif ». Les moments passés avec sa chienne sont « toujours des moments agréables et marrants ». Selon lui, elle n’est « jamais méchante ou désagréable», au contraire « elle déborde d’affection » et « n’est jamais rancunière ». Elle a « une sorte de naïveté positive » et « aime donner ». Il pense qu’il pourrait avoir la même relation avec une personne si « elle est aussi positive », comme par exemple sa marraine. Il parle aussi d’une « relation simple » avec sa chienne, c’est-à-dire une relation « non frustrante » dans laquelle « il ne se pose pas de questions ». S’il veut lui faire un câlin ou jouer avec elle, il le fait et il a l’impression que « ça lui convient » aussi à elle. Il évoque aussi le fait qu’il « ne la voit pas vieillir », il lui parle « comme à un enfant ». Quand il était en classe préparatoire et qu’il révisait pour ses concours, il aimait avoir sa chienne à ses côtés et aller courir avec elle, cela lui donner une possibilité de « se détendre », de « relâcher un peu son attention ». C’était un rituel obligatoire Page 52 sur 127 pour que « la journée se passe bien ». S’il avait été courir avec ses frères ça n’aurait pas été pareil, car il a l’impression de « toujours devoir parler avec les gens ». A la fin de l’entretien, Harry évoque les différents problèmes de santé que Sirène a eus. Il se souvient d’une fois où elle s’est ouvert les babines et d’un kyste qu’elle a eu dans le dos il y a deux ans. Il avait fallu la raser et cela leur a donné l’occasion de se moquer d’elle. Il y a quelques mois elle a aussi fait un AVC car elle souffre d’une insuffisance cardiaque. Cet évènement a beaucoup inquiété Paul, mais lui s’est dit « tant qu’elle est là ça va ». Il pense qu’à l’âge qu’elle a (10 ans) c’est « normal ». Mais quand elle partira ça leur fera « un gros vide ». Page 53 sur 127 RÉSUMÉ DES ENTRETIENS La famille recomposée : la famille D. : un chat pour chacun La famille D. est une famille recomposée de trois enfants : Claire (19 ans), Laura (11 ans) et Hugo (12 ans et demi). Claire et Laura sont les filles de Madame D. (46 ans) et celle-ci en a la garde complète. En revanche, Hugo, le fils de Monsieur D. (47 ans), n’est à la maison que tous les quinze jours du fait de sa garde alternée. Madame D. et Monsieur D. se sont rencontrés il y a deux ans. Ils vivent aujourd’hui sous le même toit mais ne sont pas mariés. Toute la famille a déménagé en décembre 2011 dans la maison dans laquelle ils vivent actuellement. Cette famille possède quatre chats, trois mâles et une femelle : Toulouse (17 ans), Negresco (13 ans), Lilou (1 an) et Minouchka (3 ans). Mme D. a toujours aimé les chats mais elle n’avait eu que des chiens durant son enfance car son père détestait les chats. C’est pourquoi, quand elle est devenue étudiante et qu’elle a eu son propre appartement, elle a pris un chat, Caramel. A la mort de celui-ci, elle a ensuite adopté Berlioz à la SPA, il est aujourd’hui décédé. En ce qui concerne Toulouse, elle l’a adopté il y a 16 ans. C’était à l’origine le chat des voisins qu’elle avait dans son ancienne maison et qui selon elle « avaient des difficultés sociales ». Ce chat rentrait systématiquement chez eux et à chaque fois qu’ils le ramenaient chez ses propriétaires, il revenait. Ils ont donc décidé de le garder et avaient donc deux chats, Berlioz et Toulouse. Le choix de ces deux prénoms s’est fait en référence au film de Walt Disney Les Aristochats, Claire portant aussi le prénom d’un des chats de ce film. Il y a 12 ans, ils ont ensuite adopté Negresco, un chat abandonné que Claire et sa cousine avaient un jour entendu miauler dans le jardin. C’est Mme D. qui a choisi son nom du fait de sa couleur noire. Il s’agit aussi du nom d’un hôtel de luxe. Lilou est arrivée en 2011 avant les vacances d’été. Il s’agissait d’un chaton issu d’une portée d’une chatte qui errait dans leur ancien quartier. Laura et sa voisine s’étaient occupées de trouver des propriétaires pour tous les chatons et n’en trouvant pas pour Lilou ils ont décidé de le garder. Le choix de son nom s’est fait en famille. Au départ ils pensaient que c’était une femelle et Claire avait proposé Lila en référence à un personnage d’une de ses bandes-dessinées. Puis Mme D. a proposé Lilou en référence à l’héroïne du film Le Cinquième Elément. Ce nom a été conservé même après qu’ils aient constaté qu’il s’agissait d’un mâle. De plus, Mme D. explique que l’arrivée de Lilou a aidé Toulouse, celui-ci est moins désorienté depuis que ce jeune chat s’occupe de lui. Minouchka quant à elle, est la dernière arrivée dans la famille. Il s’agit de la chatte de la Page 54 sur 127 grand-mère de Monsieur D. et il l’a ramenée il y a trois semaines - un mois. Elle s’appelait Crystal mais sa grand-mère la surnommait « Minouch ». Trouvant ce surnom « trop triste » ils ont décidé de l’appeler Minouchka, afin de lui donner « une petite consonance russe ». L’arrivée de cette chatte a selon Mme D. « déséquilibré les autres chats » car elle cherche à s’imposer et à devenir « le chef ». Pour Claire, Minouchka « veut devenir Calife à la place du Calife » et pour Mme D. cette chatte est « un vrai dictateur », « même s’[ils] l’aiment bien, [elle les] exaspère un peu ». Monsieur D. rappelle quand même qu’ « elle cherche aussi encore un peu sa place ». Ces quatre chats sont donc des « chats de hasard » d’après Mme D., ils ne les adoptent pas, ils les « récupèrent » et ils restent à chaque fois, même après les déménagements. Mme D. insiste aussi sur le fait qu’ils ne les retiennent pas chez eux car ils ont toujours eu pour principe que « le chat choisit sa maison ». Quand la question du « Pourquoi les chats plutôt que les chiens ? » est posée, Mme D. et Claire expliquent que c’est dû au tempérament du chat. Ils aiment son « indépendance », considèrent qu’il est « libre de faire ce qu’il veut », « autonome » et « plus propre ». Monsieur D. rajoute « qu’ils vivent chez les chats alors que le chien vit chez son maître ». Pour lui un chien « c’est beaucoup plus d’entretien, il faut le promener, le laver... ». De plus, Mme D. explique qu’elle n’a pas assez d’autorité sur les animaux pour avoir un chien, elle pense qu’un chien « aurait pris l’ascendant » alors qu’il a besoin d’être dominé. Elle pense aussi que lorsqu’on veut prendre un chien il y a une démarche, « il faut aller chercher le chien » alors que les chats, eux, viennent par hasard. Concernant l’organisation de la famille autour des chats, Mme D. explique que c’est principalement elle et son compagnon qui s’occupent de les nourrir et de nettoyer leur litière. Claire ajoute qu’elle n’est pas là la semaine mais quand elle est là c’est elle qui nettoie les mictions de Negresco car celui-ci souffre d’incontinence. Laura quant à elle, considère qu’elle « les nourrit souvent » et insiste sur le fait qu’elle s’occupe aussi de faire les piqûres de Nesgresco. Mme D. explique en effet que d’habitude c’est elle qui se charge des soins mais qu’en ce moment Negresco a besoin d’injections d’insuline à des heures régulières. C’est donc Laura qui s’en charge car Claire refuse de piquer les chats. Quant à Hugo, il intervient quand on le lui demande. Mme D. conclut enfin sur le fait que « tout le monde veut bien les chats mais [que] personne ne veut les corvées du chat ». Ensuite, en ce qui concerne les règles autour des animaux, Mme D. considère que les chats sont « extrêmement libres » et « qu’il n’y a pas vraiment de règles », excepté le fait qu’’ils n’ont pas le droit de sortir le soir depuis que Toulouse a eu un accident en 2003 avec une voiture durant la nuit. Mais s’ils n’ont pas le droit de sortir la nuit, ils sont en revanche libres de dormir où ils veulent. De manière Page 55 sur 127 générale, Minouchka dort avec Claire, Lilou et Toulouse avec Laura et Negresco dort dans le salon. Ils essaient aussi qu’ils ne montent pas sur la table, ne volent pas et ne fassent pas leurs griffes sur le canapé, même s’ils considèrent que les chats les ont rendus beaucoup moins matérialistes et plus tolérants. Ils racontent à ce sujet une anecdote qui les avaient tous fait rire : un jour un homme de l’immobilier est venu chez eux et a été choqué de voir le chat faire ses griffes sur le canapé alors qu’eux ne disaient rien. A propos de la place des chats au sein de la famille, tous s’accordent pour dire qu’ « ils font partie de la famille ». Claire remarque d’ailleurs qu’à chaque fois qu’il y a eu une nouvelle personne au sein de la famille, il y a eu un nouveau chat. Mme D. confirme en effet « qu’à chaque fois que la famille augmente en humains, [ils] augmentent les chats ». De plus, elle compare chaque arrivée de chat à « l’arrivée d’un nouvel enfant ». C’est un nouveau membre de la famille auquel tout le monde, humains et chats, doivent s’habituer. D’autre part, elle souligne que « chacun a son chat », qu’ils ont « une relation privilégiée » avec leurs animaux. Mme D. est plus proche de Toulouse, Claire de Minouchka et Laura de Lilou. Monsieur D. en revanche n’a pas de préférence et Hugo n’éprouve pas d’attachement particulier aux chats. Claire dit aussi qu’« ils vivent comme les chats » car comme eux ils sont tous « très indépendants », et le fait que chacun ait son chat a « contribué à leur indépendance ». Mais d’un autre coté, Mme D. considère qu’ils sont aussi « un ciment » entre eux, car ils sont un sujet de conversation, ils sont « quelque chose qui préoccupe tout le groupe » et au sujet duquel ils sont « toujours d’accord ». Même si parfois les corvées liées aux chats créent des tensions au sein de la famille, tout le monde s’en occupe malgré tout. Claire et Laura pensent aussi que leur amour des chats leur a permis de se rapprocher non seulement entre elles, mais aussi de leur mère. Selon Claire, sans les chats, « ses relations avec sa mère ne se seraient pas améliorées » et elle se serait « sûrement beaucoup moins bien entendue » avec Laura. Claire souligne quand même que les chats ont aussi parfois été source de conflits avec sa sœur car elle ne voulait pas « prêter » son chat, mais maintenant qu’elles ont chacune le leur, « la vie est belle ». En revanche, les deux sœurs n’ont pas le sentiment que les chats leur aient permis de se rapprocher d’Hugo. Mais Mme D. rappelle que c’est dû au fait qu’il n’est là que tous les quinze jours. Pour elle leur famille n’est pas « recomposée », elle est encore « en recomposition ». Elle pense aussi que c’est dû au fait qu’Hugo et son père ne sont pas aussi « fusionnels » avec les chats. Mme D., voit aussi les chats comme des « régulateurs », elle ne pourrait pas vivre sans eux, car ils l’apaisent, la déstressent, elle a besoin de retrouver ses chats quand elle rentre chez elle. Ce sentiment de ne pas pouvoir vivre sans les chats est d’ailleurs partagé par tous, excepté Hugo. Ils sont tellement inclus dans la Page 56 sur 127 famille, que Claire pense « qu’ils ne seraient pas tels qu’ils sont s’ils n’avaient pas leurs chats ». Ils « [font] partie d’un équilibre » selon Mme D. et son compagnon. Concernant le rôle des chats dans les conflits, Mme D. dit qu’elle a beaucoup de souvenirs de tensions créés à cause des chats lorsqu’elle était avec son ex-mari, car ce dernier ne les aimait pas. Aujourd’hui elle considère d’ailleurs qu’elle ne pourrait pas avoir à nouveau une relation avec quelqu’un qui ne partagerait pas son affection pour les chats. Elle choisira toujours les chats car ils ont « toujours été là, dans les bons comme dans les mauvais moments ». Le fait que son compagnon aime les chats a selon elle « facilité » la recomposition de la famille. L’amour des chats est « un élément d’adhésion » dans le groupe familial, « une autre personne ne pourrait pas avoir sa place si elle était en opposition avec les chats ». Aujourd’hui, comme chacun d’entre eux aime les chats il n’y a plus de tensions à leur sujet. Claire ajoute qu’ils sont plutôt « source d’amusement ». De plus, Mme D. trouve que les chats ne prennent pas part à leurs disputes, mais qu’après un conflit il arrive souvent que le chat préféré de la personne qui vient de se fâcher, aille rejoindre celle-ci. Il est alors selon elle davantage source de réconfort que d’apaisement. Ce réconfort qu’apporte le chat est aussi souligné par Claire et Laura qui expliquent qu’elles se rapprochent de leurs chats lors de moments difficiles, notamment lorsque leurs parents ont divorcé ou quand leur mère a rencontré d’autres hommes. Claire dit qu’à ce moment-là elle s’est « beaucoup plus focalisée sur ses chats que sur les problèmes qu’il y avait ». De même, Mme D., trouve que ses chats, notamment son chat, Toulouse, est un « confident », elle a l’impression que quoiqu’elle fasse, il ne va pas la juger. Elle parle d’un « amour sans jugement », d’une « compréhension » entre elle et son chat. De plus, elle trouve qu’on va plus vers le chat dans les moments difficiles que dans les bons. Monsieur D. et Hugo, en revanche, ne trouvent pas que les chats aient joué un rôle plus important dans ces périodes-là. Page 57 sur 127 La famille monoparentale : la famille B. : la chatte qui complète Mme B. (46 ans), élève seule ses trois enfants : Alexandra (20 ans), Mathieu (18 ans) et Baptiste (11 ans). Alexandra et Baptiste vivent à la maison, tandis que Mathieu vit seul depuis octobre 2011 car il est en apprentissage. L’ex-mari de Mme B. est parti de la maison en 2000, après la naissance de Baptiste. Pendant l’entretien, l’animal est présent au début, couché sur les genoux de Mathieu. Ce dernier est avachi sur le canapé, écrivant des messages sur son portable et sa sœur et sa mère lui font alors des remarques sur son attitude pendant toute la durée de l’entretien. La famille B. possède une chatte, Iris, âgée de 4 ans et qu’ils ont adoptée il y a 2 ans dans une association. En ce qui concerne la date de l’adoption, ils n’étaient pas d’accord et Mme B. a dû aller chercher les papiers de l’association pour vérifier. A propos de ce désaccord Mme B. pointe du doigt Mathieu et le présente comme « l’esprit de contradiction ». Mme B. raconte que c’est cette chatte qui « a parlé le plus fort » et Alexandra rajoute que « c’était aussi la plus calme ». Mathieu intervient alors, car pour lui cela ne s’est passé ainsi. Selon lui, ils avaient repéré au départ un « petit chaton noir » mais ils ne l’ont pas pris car il n’était pas sevré. Le nom d’Iris avait été attribué par l’association et Mme B. aimant les fleurs, ils ont choisi de le garder. Ils se souviennent tous du jour où ils ont adopté Iris et l’ont ramenée à la maison. Elle était « très craintive » et Baptiste raconte qu’ils étaient tous assis sur le canapé et qu’elle a fait le tour de chaque personne et de toute la maison. Avant Iris, ils possédaient depuis 1994, une autre chatte, Pupuce, qu’ils ont dû euthanasier il y a 3 ans car elle était malade. Après le décès de celle-ci, Mme C. ne voulait plus reprendre d’animaux afin de ne pas revivre ce qu’ils avaient vécu. Pour elle « c’est trop triste de perdre un animal » car « on s’attache ». Mais ses enfants ne cessant de réclamer un nouveau chat, ils ont fini par adopter Iris un an après le décès de Pupuce. Elle compare cela à l’époque où ses enfants lui ont réclamé un petit frère. Elle aurait d’ailleurs souhaité prendre un chaton, un « bébé » pour « pouvoir l’élever ». Avant Pupuce, Mme B. a eu deux chats dont un qui n’est pas resté longtemps car son ex-mari lui avait demandé de choisir entre lui et le chat et elle a choisi son mari. Elle a commencé à avoir des chats vers l’âge de 25 ans, dans son enfance ses parents n’avaient que des poissons et des tourterelles car ils habitaient en immeuble et « ne savaient pas gérer un animal à pattes ». S’ils ont choisi d’avoir un chat c’est parce que d’après Mme B. c’est un animal « indépendant », « moins cher » et « moins contraignant » que le chien qu’il faut Page 58 sur 127 sortir, emmener avec soi en vacances etc. Alexandra est d’accord avec sa mère, elle considère qu’un chien « cela prend trop de place » et qu’un chat « c’est plus affectueux », d’autant plus qu’Iris « fait plus de câlins que Pupuce » selon elle. Pour Baptiste, le chat c’est « un sage » et « c’est mignon ». Il souligne avec sa mère que leur chatte « les aime » et Mme B. rajoute que « c’est la mascotte du quartier ». Toutefois, Mathieu et Baptiste auraient aussi voulu avoir un chien, car ils pensent que ça aurait « apporté encore plus » à la famille. Baptiste explique en effet que sa tante a les deux espèces et qu’il joue beaucoup avec son chien depuis qu’il est petit, car il est né la même année que lui. S’il pouvait avoir un chien, il choisirait un « bon gros Pitbull » et pense que « bien dressé » il ne serait pas « méchant ». Il pense qu’il faut laisser sa chance à cette race que tout le monde dit agressive. Mathieu, quant à lui aurait aimé avoir une femelle Rottweiler, il considère que contrairement au chat, on peut « se montrer » avec son chien, « le promener en laisse et entendre des gens dire « tu as un beau chien ». On peut aussi « l’emmener courir avec soi et jouer avec lui autrement qu’avec un chat ». Concernant l’organisation de la famille autour d’Iris, Mme B. explique qu’au départ les enfants sont partants pour s’occuper du chat mais qu’au fur et à mesure c’est elle qui a dû « gérer la maintenance ». Alexandra nettoie parfois la litière et Baptiste lui donne à manger quand elle n’a plus rien dans sa gamelle et qu’elle « leur fait comprendre qu’elle a faim ». Mme B. rajoute que la chatte réclame à manger « même quand ce n’est pas l’heure » et qu’elle est « difficile » car il y a « des choses qu’elle n’aime pas ». Quand il faut emmener la chatte chez le vétérinaire, pour les vaccins notamment, c’est Mme B. qui s’en charge mais Alexandra et Baptiste l’accompagnent parfois. Mathieu explique qu’il ne vient pas parce qu’il travaille. De manière générale c’est donc Mme B. qui s’occupe du chat mais les enfants interviennent de temps en temps. En revanche, concernant les câlins, Mme B. précise que la chatte « en fait à tout le monde » et Mathieu rajoute « surtout à moi ! ». Face à la réaction de son frère, Baptiste répond alors que lui peut jouer avec elle et la « mettre à l’envers » sans qu’elle ne dise rien. Alexandra rajoute que son copain aussi peut faire ce qu’il veut à la chatte, « elle n’est pas rancunière ». Lorsqu’ils parent en vacances la chatte reste à la maison car « elle ne supporte pas la voiture ». C’est alors soit un voisin, soit la grand-mère, soit Alexandra, si elle est là, qui la garde. La nuit Iris n’a pas le droit de dormir dans la chambre de Mme B., car elle n’aime pas dormir avec des animaux. La chatte a aussi interdiction de dormir dans la chambre de Baptiste, car il est asthmatique. Elle dort donc le plus souvent dans la chambre de Mathieu. Ce dernier a d’ailleurs une relation privilégiée avec elle, relation due, selon Mme B., au fait « qu’il n’est pas là souvent » et qu’il est donc « rare ». Quand Mathieu n’est pas là, elle dort alors soit sur le canapé, soit avec Alexandra et son copain. En revanche, Page 59 sur 127 l’été elle dort tout le temps dehors. Elle n’a pas non plus le droit de voler, de gratter le canapé et de monter sur la table. A l’exception de ces règles-là, tout le monde est d’accord pour dire qu’elle est « libre ». Elle peut sortir comme elle le souhaite, « c’est la reine » selon Alexandra et Mathieu. Quand elle « fait une bêtise », Mathieu explique qu’il suffit qu’ils « haussent la voix » et elle comprend. Mme B. précise en effet qu’il n’y a pas de « châtiment corporels » chez eux, ni pour le chat, ni pour les enfants. A propos de la place de la chatte dans la famille, les trois enfants s’accordent pour dire qu’elle est le « 4ème enfant ». Pour Alexandra elle a « une grosse place », « autant que ses frères et sa mère ». Pour Baptiste c’est « la petite dernière », une « belle fifille » et pour Mme B. c’est « leur rayon de soleil » et un « catalyseur », c’est-à-dire qu’elle les « apaise », les réconforte quand ils sont tristes. Elle trouve que cette chatte a « une fibre émotionnelle plus importante » que les autres chats qu’ils ont eus. Ce rôle réconfortant est aussi souligné par Alexandra qui explique que ce n’est pas « un ami », parce que c’est un animal, mais qu’elle vient la voir quand elle est triste et a l’impression qu’elle « essaie de lui parler », de savoir ce qu’il ne va pas. Mme B. rajoute qu’en plus sa fille est quelqu’un de « très nerveux ». Alexandra précise que leur chatte est là non seulement quand ils sont tristes, mais aussi quand « ils sont heureux », elle a l’impression qu’elle cherche à savoir ce qu’il se passe. Mme B., Alexandra et Mathieu trouvent aussi qu’elle calme l’ambiance familiale. Alexandra explique en effet, que lorsqu’il y a des tensions entre eux, Iris arrive et semble leur dire « Bon je suis là, arrêtez ! C’est bon c’est fini ! » et cela fonctionne car tout le monde s’arrête et se met à lui faire des câlins, ils « passent à autre chose » d’après Mme B. Alexandra explique aussi que Mathieu et elle ont une relation « très conflictuelle » et que parfois elle va « dire ce qu’elle pense » de son frère à Iris, plutôt que de « se fâcher et de s’énerver contre lui ». En revanche, les autres membres de la famille ne parlent pas à leur chat, Mathieu considère que l’animal n’est pas « un journal intime » et Mme B. n’utilise pas l’animal comme intermédiaire pour parler à quelqu’un, elle préfère « l’affrontement direct ». Trouvant qu’il n’intervient pas beaucoup, Mme B. sollicite alors Mathieu pour qu’il donne son avis et lui demande ce qu’il fait quand il arrive à la maison. Il explique alors qu’il va directement voir sa chatte, « avant même de dire bonjour à sa mère » précise Mme B. Baptiste dit alors avec humour que la chatte est « comme une deuxième mère » pour son frère. Mathieu réplique que c’est plus une « première copine », « sa femme », elle passe avant ses petitesamies. Concernant le rôle que leur animal joue dans leurs relations, Alexandra trouve qu’elle est à la fois source de conflit et de jalousie entre eux, mais aussi une source de réconciliation, « quelqu’un qui vient leur dire d’arrêter » quand ils se disputent ». Mathieu en revanche, n’a Page 60 sur 127 pas l’impression qu’elle intervient dans leurs relations. Baptiste trouve qu’elle « sert à tout le monde », elle « sert à faire des câlins et à jouer », c’est un « ami ». Mais il ne trouve pas qu’elle « puisse résoudre les disputes ». Pendant que son frère parle, Mathieu se moque de son débit de parole lent. Pour Mme B. Iris est un « membre de la famille », un « lien » entre eux. Elle est « ce qui leur manquait quand ils n’étaient que tous les quatre », c’est-à-dire « l’amour [que ses enfants] ne savent pas donner à leur mère ou à leurs frères et sœurs ». Pour elle, il est plus facile de donner son affection à un animal qu’à un être humain. Elle trouve que leur chatte les « unit », forme une « espèce de cohésion » autour d’elle. Ses enfants, à l’exception de Mathieu qui trouve que le mot cohésion est « un peu fort », sont plutôt d’accord avec les propos de leur mère. Mme B. réplique alors que cet animal était « un projet commun à long terme » et qu’« ils sont allés le choisir tous ensemble ». Ils avaient décidé au départ qu’ils s’en occuperaient tous ensemble, qu’ils seraient tous « impliqués à la même hauteur ». Mathieu acquiesce alors cette idée. Concernant les changements dans la famille depuis l’arrivée d’Iris, Mme B. considère qu’elle est « un plus ». L’euthanasie de Pupuce a été difficile pour eux, Alexandra a d’ailleurs le sentiment qu’ils ont « tué » leur chat. Ils ont ressenti « un vide » quand il n’était plus là, d’autant plus qu’ils s’étaient beaucoup attachés à lui sur la fin du fait qu’il était malade et qu’il leur faisait plus de câlins qu’avant. Mathieu explique qu’après Pupuce « il leur manquait un truc, ils n’étaient plus que quatre ». Il fallait « combler un manque » d’après Alexandra. Pour Mathieu, la chatte « casse la routine », elle est « un élément complémentaire » dont ils avaient besoin. Alexandra rajoute que « c’est un sujet de distraction, quelque chose qui les distrait » quand ils s’ennuient. Mme B. pense aussi qu’ils ont beaucoup d’amour à donner et que le chat le permet de donner cet amour. Alexandra considère d’ailleurs qu’ils ont bien fait d’attendre un an avant de prendre un chat car ils ont trouvé finalement un « bon chat », un chat « très affectueux ». Aujourd’hui, vivre sans chat est impossible pour chacun d’entre eux. Enfin, dans les moments difficiles et de crise, Alexandra considère que sa chatte est « un ami » qui remplace les gens qui sont absents à ce moment-là, que cela soit ses amis ou son copain. Baptiste et Mathieu en revanche n’ont pas l’impression qu’Iris joue un rôle plus important dans ces moments-là. Pour eux elle est importante tout le temps. Pour Mme B. c’est le chat précédent qui a joué un rôle dans les moments « douloureux ». Elle parlait beaucoup avec lui, et considère qu’elle avait un « psy à domicile », un « exutoire ». Aujourd’hui elle n’a plus de moment aussi difficiles, c’’est donc différent avec Iris. Page 61 sur 127 La famille nucléaire stable : la famille H. : la chatte qui compense La famille H. est une famille nucléaire stable de trois enfants : Clémence (21 ans), Nathan (19 ans) et Léo (13 ans). Du fait de ses études, Clémence ne vit plus à la maison depuis quatre ans. Elle ne rentre que certains week-ends et pendant les vacances. Nathan, quant à lui, est parti de la maison durant un an, en 2010-2011, puis est revenu en 2011 suite à un changement d’orientation scolaire. Durant l’entretien c’est Monsieur H. qui prend presqu’exclusivement la parole, et lorsque sa femme et ses enfants lui disent de leur laisser un peu la parole, il répond avec humour « vous continuerez après, pour l’instant c’est moi qui parle, c’est moi le mâle dominant ». En novembre 2007, M. et Mme H. ont adopté Chanel, une chatte issue d’une portée de chatons qu’un couple d’amis à eux avait eue le 1er septembre 2007. Se basant sur le fait que 2007 était l’année des C, et que la mère de cette chatte s’appelant Châtaigne, ils ont cherché un nom commençant par « Cha- ». Mme H. a alors choisi le nom de Chanel, car selon sa fille, elle « aime bien les produits de luxe ». La décision de cette adoption a nécessité une « négociation » dans la famille. En effet, Monsieur H. et ses deux fils réclamaient un animal mais Mme. H. n’en voulait pas. A choisir, elle aurait préféré avoir un chien car elle avait peur des chats. Cette préférence était aussi partagée par ses fils et ils sont donc allés dans un chenil. Suite à cette visite Mme H. s’est rendue compte qu’elle ne supporterait pas non plus d’avoir un chien. Monsieur H. ayant toujours eu des chats dans son enfance, et « connaissant bien » cet animal, a donc convaincu sa femme d’en adopter un en lui expliquant « qu’elle n’aurait pas trop à s’en occuper » car c’est un animal « indépendant et autonome », contrairement au chien qui est « un fidèle à quatre pattes ». Il trouve par exemple que c’est plus facile d’emmener un chat en vacances. Selon lui le chat est aussi un animal « attachant », qui n’est pas « agressif » et qui est « plus facile à domestiquer ». Il insiste sur le fait qu’un chat « s’éduque » tout petit, « comme un chien ou un enfant » en haussant la voix et en lui donnant « une petite tape » quand elle fait une bêtise. Aujourd’hui il considère que Chanel est « très docile » et « très câline » car ils n’ont jamais d’agressivité à son encontre, au contraire ils lui font tous des câlins. Bien que les deux fils réclamaient un animal, les parents s’accordent pour dire que cette chatte « était pour Léo » au départ même si « c’était aussi pour toute la famille ». Monsieur H. explique en effet que dans une famille il arrive toujours un moment où « il y a un vrai petit dernier » qui n’a ni petit frère, ni petite sœur dont il peut s’occuper. Ils souhaitaient Page 62 sur 127 à travers cette chatte offrir « une présence, une compagnie » à Léo sachant que son frère et sa sœur allaient partir de la maison dans les années à venir et qu’il allait « se retrouver tout seul », d’autant plus que Monsieur et Madame H. sortent souvent le soir. C’est cette raison qui a été « déterminante » dans l’adoption de Chanel et c’est pourquoi, ils considèrent que Léo est « son maître ». Selon Monsieur H. Chanel est pour Léo « un élément de compagnie lors de l’absence du grand frère, de la grande sœurs et des parents », et « un élément de compensation face à des frustrations ». L’arrivée de Chanel a modifié l’organisation de la famille au quotidien, notamment lorsqu’ils doivent sortir le soir ou partir en vacances. Mais ils l’ont éduquée de manière à ce qu’elle « s’adapte à leur rythme de vie ». Concernant la nourriture, le vétérinaire et le nettoyage de la litière, c’est principalement Mme H. qui s’en occupe : « en général ce genre de choses c’est la responsabilité de la mère de famille » dit-elle. Mais si les parents sont absents les enfants se chargent alors de la nourriture et ils lui donnent à manger matin, midi et soir à des heures fixes. La famille H. impose aussi plusieurs règles à son animal. La chatte a l’interdiction d’aller dans les chambres la nuit, de monter sur la table et sur certains fauteuils, de voler de la nourriture et de griffer le mobilier. L’été elle dort dans le jardin et en hiver dans le dressing de la maison. Elle n’a « l’autorisation » de dormir dans la chambre de Léo que lorsque celui-ci est seul. Il s’agit pour Monsieur H. d’une « double-récompense » pour son fils et la chatte puisque cette dernière aussi « est ravie » de cette exception. Lorsque la place de l’animal dans la famille et les relations est abordée, Monsieur H. évoque en premier lieu la relation que Léo a avec Chanel. Il raconte que son fils lui fait des câlins toute la journée, que cela soit avant de partir à l’école, en rentrant à la maison ou avant d’aller se coucher. Durant l’entretien Léo prend d’ailleurs Chanel dans ses bras à un moment donné. Mme H. parle de vrais « petits câlins d’amour », comme si la chatte était « amoureuse ». Selon Monsieur H., Chanel « est moins heureuse, moins frétillante » quand Léo est absent, « elle est en manque de complicité » avec lui. Nathan rajoute même qu’« elle le cherche ». Chacun évoque ensuite sa relation à Chanel. Léo confirme les propos de ses parents et explique qu’il a besoin de la présence de sa chatte car il n’aime pas être seul à la maison. Aujourd’hui il ne pourrait pas vivre sans animal, plus tard il aimerait avoir un chat et un chien. Il en est de même pour Nathan qui apprécie la compagnie d’un animal mais pas pour les mêmes raisons. Il trouve que la relation avec un chat est « plus simple » et « n’est pas compliquée ». C’est différent d’un être humain car avec un animal « on n’est pas obligé de parler » et quand on lui parle « il n’y a pas de contradictions du fait qu’il ne parle pas ». Il aime aussi le fait de pouvoir s’en occuper et de lui faire un câlin seulement quand il en a Page 63 sur 127 envie. Quant à Clémence, elle n’est pas sûre de prendre un animal plus tard car « c’est du travail ». Elle est « contente de voir son chat » quand elle rentre à la maison mais quand elle n’est pas là son chat ne lui « manque pas plus que ça » car elle est habituée à vivre sans. Son père intervient alors pour dire que lorsqu’elle rentre à la maison, elle va malgré tout directement voir Chanel pour lui faire des câlins. Clémence et Mme H. sont d’accord sur le fait qu’elles aiment toutes les deux leur chatte mais qu’elles ne sont pas sûres de vouloir un autre animal. Toutefois, d’après son mari, Mme H. qui « était très anti-chat » est maintenant « très entichée » de sa chatte. Mme H. dit aussi de Chanel qu’elle est « très expressive et très attachante », et trouve qu’il est « amusant de voir ses positions » dont certaines sont « très fœtales ». Clémence rajoute qu’elle a « des expressions un peu humaines ». De manière générale, Monsieur H. considère que la chatte est « une occupation commune », « un sujet de conversation » pour toute la famille, notamment pendant ce qu’il appelle « son quart d’heure colonial », c’est-à-dire que lorsqu’elle joue ou a « des moments de folie » il y a toujours un membre de la famille qui va appeler les autres pour venir la regarder pendant ces moments-là. Mme H. parle d’une « polarisation » de la famille sur la chatte et Monsieur H. d’un « élément catalyseur ». Clémence donne aussi l’exemple des moments où toute la famille se réunit pour lui mettre son produit à puces. Concernant les moments de jeux avec la chatte, ce sont aussi des moments que les enfants partagent ensemble. Monsieur H. avoue aussi s’amuser avec Chanel quand il est seul, par exemple quand il travaille à son bureau il lui lance des « boulettes de papier ». De plus, pour Monsieur et Mme H. la présence d’un animal est importante dans une famille où il y a des enfants en bas âge car cela permet de les « épanouir » et de les « responsabiliser ». Ils pensent que c’est un très bon « support éducatif ». Cela permet selon eux aux enfants de « mieux comprendre les règles qu’on leur impose » car ils peuvent les « transposer » sur l’animal. En ce qui concerne l’effet de l’animal sur la communication entre les membres, Monsieur H. est le seul à s’adresser à Chanel pour parler à un autre membre de la famille. Il va par exemple dire à sa chatte « Regarde ton petit maître il n’est pas très sage ! ». Dans les moments difficiles ou de tristesse, Monsieur H. explique que ses enfants vont aller chercher du réconfort auprès de leur chatte, notamment Léo et Nathan. Léo confirme effectivement que lorsqu’il est triste Chanel le « console » car « elle [le] sent ». Nathan, quant à lui, n’éprouve pas le besoin d’aller voir sa chatte dans ces moments-là. Il ne lui fait des câlins que « lorsqu’il la voit », il s’agit plus chez lui d’un « besoin d’affection » que d’un besoin de réconfort lorsqu’il prend Chanel dans ses bras. En revanche, il aime l’avoir sur ses genoux quand il travaille, il trouve qu’elle est « anti-stress ». Clémence et sa mère, tout Page 64 sur 127 comme Nathan, n’éprouvent pas non plus le besoin d’aller voir leur chatte pour avoir du réconfort. Clémence pense que Chanel « sent quand Léo est triste » mais qu’avec elle c’est différent car elle la « connait moins ». Pour conclure, la famille H. insiste sur le fait que chez eux Chanel « reste un animal », « elle n’est pas un être humain ». « Elle fait partie de la famille » pour Mme H. mais Clémence précise qu’« elle n’est pas un membre de la famille ». Toutefois, quand Clémence n’est pas là, Monsieur H. aime taquiner sa femme en lui disant « Va voir ta fifille » en parlant de Chanel. Page 65 sur 127 ANALYSE DES ENTRETIENS Après retranscription des entretiens réalisés, nous avons procédé à une analyse de leur contenu et nous avons dégagé six thèmes principaux divisés en plusieurs sous-thèmes. Nous présentons donc ici la grille d’analyse obtenue. Bien que la famille C. ait été interrogée dans le cadre d’entretiens exploratoires et qu’elle ne comporte pas les mêmes caractéristiques que les trois autres familles, il nous semblait malgré tout intéressant de l’intégrer à notre analyse lorsqu’elle allait dans le sens des résultats obtenus. 1) L’adoption de l’animal - Le choix de l’espèce - Le choix du prénom 2) Rôle de l’animal dans les moments difficiles - Des transitions familiales importantes - Un soutien et un réconfort au niveau individuel 3) L’animal comme facteur d’ambiance et d’interactions familiales positives - Des câlins et des jeux - Un objet commun - Un facilitateur dans la communication 4) Rôle de l’animal dans les conflits - Un facteur de conflits - Un facteur d’apaisement des conflits 5) L’animal comme support de projection et d’identification - Projection d’amour et de compréhension sur l’animal - Identification de certains membres à l’animal 6) Structure et fonctionnement familial - L’animal comme élément de la structure du système familial Page 66 sur 127 - L’animal dans l’organisation familiale : Des règles et des rôles - Un révélateur du fonctionnement familial 1) L’ADOPTION DE L’ANIMAL Nous ne retenons pas ici les raisons de l’adoption de l’animal car il nous semblait plus pertinent de les mettre en lien avec les autres thèmes de notre analyse. En revanche, nous pouvons repéré des points communs dans les différents entretiens concernant le choix de l’espèce de l’animal. En effet, les trois familles interrogées possèdent toutes un ou plusieurs chat(s) et donnent toutes les mêmes arguments quant au choix de cette espèce. Selon les sujets interrogés, le chat est un animal indépendant, autonome, propre et moins contraignant que le chien. Dans les familles nucléaire et monoparentale on retrouve aussi l’idée que le chat est un animal affectueux et attachant. Dans chacune des familles, l’un des parents avait eu des chats dans son enfance ou avant de fonder une famille. En effet, dans les familles recomposée et monoparentale, les mères avaient adopté des chats après être devenues indépendantes. Dans la famille nucléaire, en revanche, c’est le père qui avait été habitué à vivre avec des chats lorsqu’il était enfant. Nous pouvons aussi remarquer que les fils des familles monoparentale et nucléaire auraient aussi souhaité avoir un chien, soit à la place, soit en plus du chat, et pensent qu’ils en adopteront un plus tard. Dans la famille monoparentale, nous pouvons d’ailleurs noter que Mathieu et Baptiste évoquent leur penchant pour des races jugées agressives qui nécessitent un bon dressage (Rottweiler et Pitbull). Or, nous avons vu que le chien était associé aux notions de virilité et d’autorité. Nous pouvons alors nous demander si ces races ne représenteraient pas l’image de l’autorité paternelle absente dans cette famille. Dans l’entretien avec la famille nucléaire, ainsi que dans la famille C., on retrouve aussi l’importance du dressage dans le discours des pères qui insistent sur l’éducation et l’obéissance de l’animal. On retrouve donc dans ces trois familles les éléments qui étaient ressortis de l’enquête de Heran (1988) à propos de la division entre cattophiles et cynophiles. Concernant le nom de l’animal, il s’agit pour les trois familles d’un choix issu d’une réflexion collective mais toujours en faveur de la proposition ou de la préférence de la mère. En effet, dans la famille recomposée, à l’exception du dernier chat qui appartenait à la grand-mère de Monsieur D. et qui avait déjà un nom, les noms des trois autres chats (Toulouse, Negresco et Lilou) sont des propositions de Mme D. Dans la famille nucléaire, Page 67 sur 127 tous ont cherché un nom commençant par Cha- et c’est finalement le choix de la mère (Chanel) qui a été retenu. Le choix du nom de l’animal s’est déroulé de manière un peu différente dans la famille monoparentale car la chatte avait déjà un nom (Iris) attribué par l’association dans laquelle ils l’ont adoptée. Toutefois, le choix de garder ce nom s’est fait d’un commun accord et en référence au goût de la mère pour les fleurs. 2) LE ROLE DE L’ANIMAL DANS LES MOMENTS DIFFICILES Dans chacun des entretiens réalisés, l’animal joue un rôle particulier, soit lors d’étapes importantes pour le groupe familial, soit lorsque l’un des membres traverse un moment difficile (tristesse, stress, baisse de moral...). En effet, dans les trois entretiens réalisés, nous pouvons noter que l’animal a été un véritable soutien ou réconfort pour certains membres. Dans la famille recomposée les deux filles et la mère se sont rapprochées de leurs chats dans les moments difficiles, comme par exemple après le divorce. La mère considère d’ailleurs son chat comme un « confident ». Dans la famille monoparentale, ce sont aussi les filles qui soulignent ce rôle de réconfort. L’animal est comme un « ami » pour la fille quand elle est triste et a été « un psy à domicile » pour la mère après le départ de son mari. Enfin, dans la famille nucléaire stable, ce rôle de réconfort n’est souligné par le père que pour les deux garçons de la fratrie, et notamment pour le dernier. Il considère que l’animal est « une compagnie » pour celui-ci quand il est seul à la maison, notamment la nuit, et Léo rajoute que sa chatte le « console » quand il est triste. Pour Nathan, sa chatte est principalement un « antistress » quand il travaille. Concernant le rôle de l’animal dans les transitions difficiles que le système familial doit traverser, nous ne le retrouvons de manière explicite que dans l’entretien avec la famille nucléaire stable. Celle-ci a en effet a adopté l’animal en prévention du départ des aînés de la fratrie. Or le départ des enfants du foyer constitue bien une étape de vie importante dans une famille selon l’approche systémique. Toutefois, comme nous l’avons vu ci-dessus, l’animal a malgré tout joué un rôle réconfortant au niveau individuel lors de l’étape du divorce pour les deux autres familles, même s’il n’a pas été adopté à ce moment-là. Il nous parait aussi intéressant d’évoquer dans ce thème le cas de la famille C. que nous avions interrogée lors de la phase exploratoire. En effet, cette famille a adopté une chienne au moment d’un déménagement, transition particulièrement importante pour tout le monde. La mère considère d’ailleurs que la chienne a facilité ce « changement de vie » en déplaçant le problème sur elle car pendant qu’ils s’occupaient de son dressage ils ne pensaient pas au déménagement. Cette Page 68 sur 127 idée est confirmée par le dernier de la fratrie qui estime que leur chienne a apporté durant cette période des « moments de repos ». De plus, tous les membres de la famille C., excepté le père, évoquent le rôle réconfortant que joue la chienne au niveau individuel lorsqu’ils sont tristes ou qu’ils ont des examens. 3) L’ANIMAL COMME FACTEUR FAMILIALES POSITIVES D’AMBIANCE ET D’INTERACTIONS Dans les trois familles interrogées l’animal apporte de la joie et du plaisir dans la famille, notamment par l’affection qu’il procure et qu’on peut lui procurer, et par les moments de jeux et de distraction qu’il permet. En effet, les trois familles insistent sur l’importance des câlins et des jeux avec leur chat. Dans la famille recomposée la fille aînée considère les chats comme une source d’« amusement » et dans la famille monoparentale les deux aînés voient leur chatte comme un moyen de « distraction » qui évite l’ennui et « casse la routine ». Dans la famille nucléaire, les enfants aussi jouent beaucoup avec leur chatte, ainsi que le père quand il est seul. Leur animal est aussi une source d’amusement pour eux quand ils l’observent pendant ce qu’ils appellent son « quart d’heure colonial » ou ses « moments de folie ». Concernant le lien affectif à l’animal, les trois familles évoquent la place importante des câlins dans la relation qu’elles ont avec leur chat. Ces moments de câlins sont surtout évoqués à propos des enfants dans les familles monoparentale et nucléaire stable. On retrouve aussi l’idée que cette affection donnée au chat permet de compenser l’affection que l’on ne peut pas, ou plus difficilement, donner à d’autres êtres humains. Dans la famille monoparentale, la mère pense en effet que l’amour que ses enfants donnent à leur chat est « l’amour qu’ils ne savent pas donner à leur mère ou à leurs frères et sœurs ». Dans la famille nucléaire stable c’est le second de la fratrie qui exprime l’idée que la relation avec l’animal est plus simple que les relations humaines et qu’il aime pouvoir caresser son chat quand il le souhaite. Nos propos précédents sont aussi confirmés dans les entretiens exploratoires que nous avions réalisés. En effet, les membres de la famille C. citent tous des termes positifs concernant l’apport de leur chienne à l’ambiance familiale. Ainsi, selon eux leur animal leur apporte de la « joie », du « plaisir », de la « gaieté », de la « bonne humeur » et de « l’affection ». La mère explique aussi que sa chienne lui permet de donner l’affection « tactile » qu’elle n’arrive plus à avoir avec ses enfants maintenant qu’ils sont grands. Leur chienne est aussi une source d’amusement et un facteur d’humour entre eux par les nombreux moments de jeux qu’ils ont avec elle et les blagues qu’ils font à son sujet. L’animal participe donc à un climat familial Page 69 sur 127 positif car il favorise l’humour et l’amusement au sein du groupe et permet de combler, voire de compenser, les besoins affectifs individuels. L’animal est aussi un facteur de relations positives entre les membres du système familial par un autre aspect : il est un objet commun qui rassemble. En effet, les trois familles interrogées, ainsi que la famille C., évoquent cette idée. Dans la famille recomposée les chats sont considérés comme « le ciment » de la famille, un « sujet de conversation commun » et un sujet qui « préoccupe tout le monde » et à propos duquel ils sont « toujours d’accord ». Dans cette famille un autre élément semble aussi important, c’est celui-ci du rôle de bouc-émissaire commun que remplit la dernière chatte arrivée dans la famille, Minouchka. En effet, tous sont d’accord pour dire qu’elle a déstabilisé l’équilibre au sein des chats et chacun y va de sa remarque à son sujet. De même dans la famille nucléaire stable, le chat est vu comme une « occupation commune », un « sujet de conversation », et un « élément catalyseur » qui « polarise » tout le monde autour de lui. Les membres de la famille monoparentale, quant à eux, affirment que leur animal est un « lien » entre eux, qu’il les « unit » et leur permet de faire « cohésion » car il est un « projet commun » dont ils doivent « s’occuper ensemble ». Enfin, dans la famille C. la chienne est considérée comme un « vecteur commun » qui « fédère » et « met tout le monde d’accord ». L’animal de compagnie est donc un objet commun que partagent tous les membres du système familial. Il est celui qui rassemble et qui permet aux membres de se rapprocher entre eux, notamment au sein de la fratrie. Nous pouvons aussi relever un autre élément que nous retrouvons dans trois familles sur les quatre interrogées : l’animal est un cadeau fait par un membre de la famille à un ou plusieurs autres membres. En effet, dans la famille C. la chienne est un cadeau que la femme a fait à son mari et dans les familles monoparentale et nucléaire stable, les parents on adopté un animal « pour » leurs enfants. Là encore l’animal est donc un moyen de favoriser des relations positives entre les membres de la famille. Enfin, dans les trois familles interrogées, ainsi que dans la famille C., l’animal facilite la communication au sein du système familial. D’une part, il est un sujet de conversation commun, comme nous l’avons dit plus haut, et d’autre part, il peut aussi être un médiateur qui évite un affrontement trop direct dans certaines situations. En effet, dans la famille nucléaire stable le père avoue utiliser le chat pour faire des remarques à ses enfants (ex : « Regarde ton petit maître il n’est pas très sage ! ») et dans la famille monoparentale la fille aînée raconte que parfois elle préfère dire à son chat ce qu’elle pense de son frère quand il l’énerve plutôt que de lui dire à lui directement. Dans les autres familles nous retrouvons seulement l’idée que l’animal favorise la conversation entre eux. Page 70 sur 127 4) ROLE DE L’ANIMAL DANS LES CONFLITS Nous pouvons relever deux rôles de l’animal de compagnie dans les conflits familiaux : il peut être à la fois une source de tensions et un facteur d’apaisement de celles-ci. En effet, dans les familles recomposée et monoparentale, l’animal est souvent source de tensions entre les membres du groupe familial lorsqu’il s’agit de se répartir les corvées (nettoyer la litière, donner à manger...). De plus, il crée aussi des jalousies au sein de la fratrie car parfois les frères et sœurs ne veulent pas le « partager ». Dans ces deux familles, l’animal a aussi été un sujet de disputes entre les mères et leur ex-mari, ces derniers n’aimant pas les chats. Mais l’animal de compagnie peut aussi apaiser les conflits au sein du groupe familial. Nous retrouvons cette idée dans les propos de la famille monoparentale et de la famille C. En effet, la fille aînée de la famille monoparentale explique que leur chatte vient les voir lorsqu’ils se disputent et tout le monde s’arrête alors pour lui faire des câlins. La chatte lui permet aussi d’éviter des conflits avec son frère car parfois elle préfère aller parler à son animal plutôt que de s’énerver contre son frère. Dans la famille C., le père et ses fils considèrent que la chienne « apaise les humeurs et les colères » de chacun et par conséquence « stabilise l’ambiance familiale ». Nous retrouvons là l’idée que la famille est bien un système, et que tout changement d’un des éléments retentit sur tout le système. En apaisant la colère au niveau individuel, l’animal apaise l’ambiance de tout le groupe familial. De plus, le cadet se souvient d’une fois où ses parents ont arrêté de se disputer au moment où leur chienne est arrivée dans la pièce et a fait un câlin à sa mère. Dans les familles recomposée et nucléaire stable, en revanche, les personnes interrogées n’ont pas le sentiment que leur animal joue un rôle particulier dans leurs conflits. 5) L’ANIMAL COMME SUPPORT DE PROJECTION ET D’IDENTIFICATION Dans les trois familles interrogées les propos recueillis montrent des mécanismes de projection sur l’animal, notamment autour de sentiments d’amour et de compréhension. En effet, dans ces trois familles, non seulement les membres disent « aimer » leur chat, mais affirment aussi que ce dernier les « aime » et les « comprend ». Dans la famille recomposée, la mère parle d’un « amour sans jugement » et a le sentiment que ses chats la comprennent. De même, les membres de la famille monoparentale disent que leur chatte les aime et qu’elle a « une fibre émotionnelle importante » car elle vient les voir quand ils sont tristes. Le second de la fratrie va même jusqu’à dire que sa chatte est comme sa « femme » pour lui. Dans la Page 71 sur 127 famille nucléaire stable, nous pouvons relever des propos montrant des mécanismes de projection surtout concernant le dernier de la fratrie. En effet, les parents affirment que leur chatte est « amoureuse » de leur cadet et qu’elle lui fait de vrais « petits câlins d’amour ». Dans cette famille où le puiné semble avoir une place particulièrement importante, nous pouvons donc nous demander si cet amour que les parents attribuent à leur animal n’est pas la projection de leur propre amour envers leur fils. Nous pouvons aussi relever ici les propos obtenus avec les membres de la famille C. Ces derniers évoquent en effet une « compréhension mutuelle » entre eux et leur chienne, ainsi qu’une « absence de jugement » chez elle. L’aîné affirme aussi que leur chienne « aime donner ». Un autre élément nous semble important d’être cité dans cette famille, c’est le rôle de substitut d’enfant, et plus particulièrement de fille, que joue la chienne dans cette fratrie de quatre garçons. Les parents considèrent en effet que cette chienne est la fille qu’ils n’ont jamais eue et la « frangine » que leurs enfants n’ont pas. Mme C. pense que c’est pour cette raison qu’elle a choisi une femelle plutôt qu’un mâle, même si ce n’était pas conscient à ce moment-là. Nous avons aussi relevé un autre type de mécanisme dans les propos des trois familles rencontrées : des mécanismes d’identification de certains membres à leur animal. Nous avons surtout relevé ce type de mécanisme dans la famille recomposée dans laquelle Monsieur D. dit que leur dernière chatte, Minouchka, « cherche encore sa place ». Nous pouvons en effet supposer que Monsieur D. s’identifie ici à sa chatte qui, comme lui cherche à s’intégrer dans cette nouvelle famille. Cette identification est d’autant plus facile que Minouchka est liée à sa propre famille puisqu’il s’agit de la chatte de sa grand-mère. Dans la famille nucléaire stable, la mère évoque une autre identification, celle de ses enfants à leur chatte dans le cadre de l’intégration des règles familiales. En effet, elle pense que ses enfants vont mieux comprendre les règles qui leur sont imposées car ils vont s’identifier à leur animal, qui lui aussi doit respecter certaines règles et interdictions. Nous comprenons donc bien que l’animal, par son absence de parole va être le support privilégié de toutes sortes de projections et d’identifications. 6) STRUCTURE ET FONCTIONNEMENT FAMILIAL A l’issue de l’analyse des entretiens effectués avec ces trois familles, nous avons pu repérer que dans chacune d’entre elles, l’animal appartient à la structure du système familial. En effet, il est considéré comme un véritable « membre de la famille », voire, comme c’est le cas dans la famille monoparentale et la famille C., comme un autre Page 72 sur 127 « enfant ». Seule la famille nucléaire stable, refuse de le désigner ainsi et préfère dire que leur chat « appartient à la famille » pour insister sur le fait que ce n’est pas un être humain. Mais qu’il soit mis ou non au même niveau que les membres humains de la famille, l’animal n’en reste pas moins un élément du système familial dont l’absence ne passe pas inaperçue. La fille aînée de la famille recomposée pense par exemple qu’ils « ne seraient pas tels qu’ils sont s’ils n’avaient pas leurs chats » et presque tous les membres des familles interrogées affirment qu’ils ne pourraient pas vivre sans animal. Ainsi, dans la famille monoparentale, lorsque le chat précédent est décédé, tous ont ressenti un « manque » qu’il a fallu combler avec un nouveau chat. De même, tous les membres de la famille C. ont exprimé leur angoisse quant à la mort de leur chienne, expliquant que cela fera un « gros vide » dans la famille. Même s’ils disent ne pas savoir s’ils reprendront un autre chien ensuite, tous citent l’exemple de leurs voisins qui ont finalement repris un chien après la mort du précédent. Nous pouvons donc supposer qu’ils envisagent certainement de prendre la même décision, mais que la culpabilité de « remplacer » leur chienne les empêche pour le moment de le formuler explicitement. Enfin, si l’animal est un élément à part entière de la structure familial, il peut aussi être le substitut d’un élément manquant du système. En effet, dans la famille nucléaire stable le chat a été adopté pour remplacer les deux aînés qui allaient partir de la maison, et dans la famille monoparentale nous avons le sentiment que le chat remplace le père absent. Nous comprenons cela dans le discours du fils aîné qui dit qu’après la mort de leur précédent chat il leur « manquait un truc, [ils] n’étaient plus que quatre ». Leur chatte est « un élément complémentaire » dont ils ont « besoin ». L’animal permet donc restaurer la structure du système familial lorsqu’elle est ébranlée. Puisqu’il est un élément du système familial, l’animal va aussi participer à son organisation, notamment autour de règles et d’attribution de rôles. En effet, dans toutes les familles interrogées il existe des règles et des rôles autour de l’animal et son entretien. Nous pouvons constater que dans toutes ces familles ce sont les parents, et principalement la mère, qui se chargent de nourrir et de soigner l’animal, ainsi que de nettoyer sa litière. Les enfants ne s’en occupent que ponctuellement. Nous comprenons donc ici que l’animal vient confirmer le rôle nourricier et soignant de la mère de famille. La mère de la famille nucléaire stable l’exprime même de manière explicite : « en général ce genre de choses c’est la responsabilité de la mère de famille ». Dans la famille C., les enfants et le père, quant à eux, s’occupent de sortir la chienne, la mère refusant de s’acquitter de cette tâche. La présence de l’animal dans la famille nécessite aussi d’établir certaines règles et trois Page 73 sur 127 interdictions imposées à l’animal sont communes aux trois familles rencontrées : ne pas faire ses griffes sur le canapé, ne pas voler la nourriture et ne pas monter sur la table. En revanche, nous retrouvons des différences concernant l’autorisation ou non pour le chat de dormir dans les chambres la nuit. Dans la famille nucléaire stable le chat n’a pas le droit d’aller dans les chambres et un endroit dans la maison, le dressing, lui est imposé pour la nuit en hiver. Toutefois, il y a une exception faite pour le cadet lorsqu’il est seul à la maison certains soirs. Dans la famille monoparentale, le chat a interdiction de dormir avec deux membres de la famille seulement, la mère, car elle n’apprécie pas d’avoir un animal dans son lit, et le cadet pour des raisons de santé. Enfin, dans la famille recomposée, les chats peuvent dormir où ils veulent mais n’ont pas le droit de rester dehors pendant la nuit. En dehors de ces règles, deux familles sur les trois interrogées, la famille recomposée et la famille monoparentale, considèrent que leur animal est très « libre » de manière générale. La famille nucléaire stable insiste en revanche beaucoup sur la bonne « éducation » de son animal qui a dû s’adapter à son « rythme de vie ». En ce qui concerne les sanctions données à l’animal en cas de transgression d’une règle, les familles monoparentale et nucléaire stable haussent la voix pour faire comprendre à l’animal qu’il a fait une bêtise. En revanche, si dans la famille nucléaire stable le chat reçoit aussi des « tapes », il n’en est pas de même dans la famille monoparentale. Dans cette dernière, les châtiments corporels sont proscrits aussi bien pour le chat que pour n’importe quel membre de la famille. Les membres de la famille recomposée, quant à eux, évoquent au contraire avec humour les « bêtises » faites par leurs chats et pensent que leur présence les a tous rendus « plus tolérants ». Enfin, l’analyse des entretiens réalisés nous permet de constater que l’animal de compagnie peut être un véritable révélateur du fonctionnement familial, voire est un facteur de maintien de ce fonctionnement. En effet, la famille recomposée est une famille dans laquelle les membres sont très indépendants les uns des autres, comme le souligne la fille aînée. Pour conserver cette indépendance, il faut donc que chacun ait son chat sinon des tensions se créent comme cela a été le cas entre les deux sœurs avant l’arrivée de Lilou. A chaque fois qu’une nouvelle personne arrive dans la famille, un nouveau chat est alors adopté. C’est pourquoi, ces chats « de hasard » comme les appelle Mme D., ne le sont peut-être pas tant que ça. Nous pouvons même remarquer qu’il semble y avoir une sorte de correspondance entre le groupe des chats et celui des humains. Aux trois femmes de la famille auxquelles sont venus s’ajouter Monsieur D. et son fils, s’oppose le groupe des trois mâles de ces femmes dans lequel la femelle de Monsieur D. Page 74 sur 127 tente de « trouver sa place ». De plus, les chats sont en eux-mêmes une règle dans cette famille, puisque l’amour des chats est un critère d’adhésion au groupe familial. Pour que cette famille recomposée fonctionne il fallait donc que les nouvelles personnes arrivant partagent l’amour des chats des trois femmes et qu’un nouveau chat soit adopté. Concernant la famille nucléaire stable, le discours de ses membres à propos du chat nous renseigne sur la place particulièrement importante que semble tenir le cadet. En effet, bien que ce chat ait été réclamé par les deux fils, tous en parlent comme du « chat de Léo » et non comme du chat de la famille. Si la mère était réticente à l’idée de prendre un animal, le meilleur argument qui pouvait la convaincre était de prendre cet animal « pour » le plus jeune de ses fils. De plus, cette famille impose beaucoup de règles à l’animal et est celle qui donne les sanctions les plus sévères (haussement de voie et châtiment corporel) ce qui montre l’importance accordée à l’éducation dans celle-ci. La mère pense d’ailleurs que le chat est un très bon « support éducatif » car il permet de transmettre plus facilement certaines règles aux enfants. Cette aide éducative est aussi soulignée par la mère de la famille C. Cette dernière pense que ses enfants ont intégré « naturellement » certaines « règles de vie » grâce à la chienne. Page 75 sur 127 DISCUSSION DES RESULTATS D’après l’analyse précédente, nous pouvons désormais reprendre les hypothèses que nous avions formulées en amont de cette recherche. La première hypothèse que nous avions formulée était que l’animal de compagnie favorisait l’adaptation du système familial lors de crises et de transitions difficiles. Nous avions vu en effet que selon Elkaim (1995), le système familial se développe au cours du temps en passant par un certain nombre d’étapes. Ces phases de vie familiale selon Haley (1973) comprennent notamment les noces, l’arrivée des enfants, le départ des enfants, la retraite, la vieillesse... De plus, le système familial est soumis constamment à des perturbations et à des demandes de changement pouvant remettre en cause son équilibre (déménagement, chômage...). C’est donc au rôle de l’animal durant ces étapes et perturbations que nous nous sommes intéressé. Or sur les trois familles rencontrées, une a adopté son animal pour compenser le départ des aînés de la fratrie et les deux autres ont souligné le rôle important et le réconfort que leur chat leur avait apporté au moment du divorce des parents. La famille interrogée durant la phase exploratoire vient aussi confirmer cette hypothèse puisque la chienne qu’ils ont adoptée est arrivée au moment d’un déménagement et a facilité ce dernier. De manière générale, toutes les familles, y compris la famille C., estiment aussi que leur chat était un véritable soutien dans des moments difficiles plus individuels. Or la famille étant considérée comme un système, tout changement d’un de ses éléments retentit sur tout le système. Ces réconforts au niveau individuel ont donc eu des répercussions au niveau familial. Si l’un des membres est apaisé par l’animal, c’est tout le groupe familial qui s’en retrouve par conséquent apaisé. Au regard de ces résultats nous pouvons donc valider notre première hypothèse. Dans notre deuxième hypothèse, nous avions supposé que l’animal permettait de réguler les relations entre les membres du système familial, c’est-à-dire qu’il était un facteur d’interactions positives et d’apaisement des conflits. Concernant les relations positives, l’animal est considéré dans toutes ces familles comme un objet commun qui rassemble les membres du système familial et favorise la conversation entre eux. Il est non seulement un sujet de discussion qui les concerne tous et sur lequel ils sont toujours d’accord, Page 76 sur 127 mais il peut aussi être un médiateur dans la communication comme nous l’avons vu dans la famille nucléaire stable. De plus, il apporte un climat familial positif et un équilibre affectif à travers les moments de jeux qu’il permet et les besoins affectifs de chacun qu’il comble, voire compense pour certains membres. Il va apporter de la joie et de l’humour au sein de la famille et va permettre de rééquilibrer les rapports affectifs entre les membres en donnant et en recevant l’affection que certains membres ont plus de difficultés à donner ou à recevoir de la part des autres membres du groupe. En effet, d’après François Nourrissier « c’est difficile les gestes d’affection dans la vie, de plus en plus. Alors qu’un animal, on le caresse, on met la main sur lui, et ça [...] c’est une conquête formidable. » (Hennig, Hocquenghem, 1984). Encore une fois, la famille étant un système, si les besoins individuels de chacun sont comblés par l’animal, c’est tout le groupe familial qui va être rééquilibré. Mais si le rôle de l’animal dans les interactions positives a été démontré dans toutes les familles, il n’en est pas de même en revanche pour son rôle dans les conflits qui n’est souligné que par un seul membre de la famille monoparentale et par la famille C. en phase exploratoire. Notre deuxième hypothèse n’est donc que partiellement validée. Nous basant sur les propos d’Heiman (1965), nous avions ensuite posé comme troisième hypothèse que l’animal de compagnie était un support de projection, d’identification et de déplacement. Dans les trois familles rencontrées, ainsi que dans la famille C. en phase exploratoire, nous retrouvons en effet de tels mécanismes. Les mécanismes de projection se rapportent principalement à des sentiments d’amour sans jugement, ainsi qu’à une capacité de compréhension. Les sujets interrogés affirment que leur animal les « aime » et les « comprend ». Ces projections peuvent même aller jusqu’à élever l’animal au statut d’un être humain. La famille nucléaire stable est la seule famille qui ne met pas l’animal au même niveau que les membres humains du groupe. Dans toutes les autres familles rencontrées en revanche, l’animal est considéré comme un membre de la famille, voire comme un enfant supplémentaire ou le substitut d’un enfant absent. Concernant les mécanismes d’identification, nous en avons repéré deux : l’identification du père à la chatte de sa grand-mère dans la famille recomposée, et l’identification des enfants à l’animal dans la famille nucléaire stable lorsqu’il s’agit d’intégrer des règles. Les mécanismes de déplacement, quant à eux, concernent surtout l’affection donnée à l’animal et qui vient compenser celle qui ne peut être donnée aux autres membres de la famille, ou du moins plus difficilement. Ces besoins affectifs sont donc déplacés sur l’animal. Tous ces mécanismes seraient dus au fait que l’animal est un être vivant qui ne parle pas. Son absence de parole fait de lui le support Page 77 sur 127 parfait de toutes les projections et identification. Ses propriétaires peuvent ainsi parler à sa place, lui attribuer des sentiments et interpréter ses postures et ses comportements en fonction de ce dont ils ont besoin, que cela soit conscient ou non. Tous ces résultats vont donc dans le sens de notre troisième hypothèse. Enfin, notre dernière hypothèse suggérait que l’animal était structurant et permettait au système de s’organiser. Nous basant sur l’approche structurale de Minuchin, nous entendions par là que l’animal allait offrir la possibilité d’instaurer des rôles, des règles, des rapports d’autorité, des frontières etc. Or dans les trois familles interrogées, ainsi que dans la famille C., l’adoption de l’animal a impliqué l’instauration d’une véritable organisation autour de son entretien. Il a fallu déterminer qui allait s’acquitter de telle ou telle tâche, quels interdits il fallait lui imposer et que faire en cas de transgression, quelles règles allait encadrer son entretien (ex : l’emmener en vacances ou non, lui donner à manger à des heures fixes ou quand il réclame...) etc. Dans les familles rencontrées ce sont les parents, et principalement la mère, qui ont pour tâche de s’occuper de l’animal et ceci vient confirmer et préciser leurs rôles et leurs responsabilités de père et mère de famille. De plus, des règles et des interdits sont établis à propos de l’animal. Trois interdictions sont communes à toutes les familles mais des différences existent concernant l’endroit où l’animal dort la nuit et le rythme de ses repas. La présence de l’animal rappelle que dans un système familial il y a des règles de fonctionnement et ces règles sont ainsi mieux transmises, notamment aux enfants, car l’animal va être pour eux un véritable modèle identificatoire. Ainsi, interdire à l’animal de voler la nourriture ou de faire ses griffes sur le canapé, par exemple, permet d’apprendre aux enfants qu’il ne faut pas voler de manière générale et qu’on ne détériore pas le mobilier. La sanction donnée à l’animal, qu’elle soit orale ou corporelle, renverra aussi à la punition que l’enfant peut recevoir s’il ne respecte pas certaines règles. C’est pour cette raison que l’animal est considéré comme une véritable aide éducative par les parents. Le rapport d’autorité établi avec l’animal va renvoyer au rapport d’autorité parents/enfants non seulement parce que l’enfant va voir ses parents s’occuper de l’animal, lui poser des interdits et le sanctionner si besoin, mais aussi parce que lui-même va pouvoir exercer cette autorité sur l’animal. Il devra comme ses parents s’en occuper en cas de besoin et lui faire respecter les règles familiales. De plus, l’animal va avoir un impact sur les frontières entre les sous-systèmes du système familial, c’est-à-dire entre ses membres. L’interdiction qu’a l’animal de dormir dans les lits dans la famille nucléaire stable, par exemple, rappelle aux enfants qu’eux-mêmes ne doivent pas dormir dans le lit de leurs parents. De même, le rapprochement avec l’animal peut Page 78 sur 127 permettre au sous-système enfants de ne pas se laisser déborder par le sous-système parents, comme ça a été le cas dans les familles recomposée et monoparentale lors du divorce. En se rapprochant de leur animal à ce moment-là les enfants ont pris de la distance avec le conflit parental. Enfin, dans la famille recomposée la multiplicité des chats permet à chacun des membres de conserver son indépendance. Nous pourrions y voir là le maintien de frontières trop rigides entre les membres mais il semblerait que c’est ainsi que cette famille fonctionne le mieux, car lorsque chacun n’a pas son chat cela crée des conflits. Nos résultats confirment donc les propos de Walsh (II, 2009) et nous permettent de valider notre dernière hypothèse selon laquelle l’animal est structurant pour le système familial. Page 79 sur 127 CRITIQUES ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE L’objectif de notre travail était de mieux comprendre l’implication de l’animal de compagnie dans l’autorégulation du système. Les résultats obtenus montrent que l’animal n’est pas un élément neutre au sein du système familial, comme le serait un meuble ou une plante verte. Il appartient au contraire à la structure du système et va agir sur son organisation et son fonctionnement. Bien que nos résultats soient à nuancer pour les raisons que nous allons citer ensuite, nous pouvons malgré tout dire que l’animal va participer au maintien de l’équilibre du système et sera structurant. Parce que son statut d’être vivant privé de parole fait de lui le support parfait de toutes les projections et identifications des autres membres de la famille, il va faciliter l’adaptation du groupe familial aux changements et difficultés auxquels il est soumis et va favoriser les interactions positives au sein du système. Qu’il soit le substitut d’une personne absente (père parti de la maison, fille que les parents n’ont jamais eue, aînés qui quittent le domicile familial...), le confident à qui on peut parler sans avoir l’impression d’être jugé, l’ami qui va nous réconforter et nous donner de l’affection, l’objet commun dont tous se préoccupent et qui met tout le monde d’accord, ou encore une aide éducative pour les parents ou un modèle hiérarchique pour les enfants, chacun de ces rôles que revêt l’animal va aider le système à maintenir un fonctionnement homéostatique et à durer dans le temps. Toutefois, même si nos observations vont dans le sens de nos hypothèses, nous tenons à souligner les limites de notre travail. Ces limites sont inhérentes à tout travail de recherche malgré la rigueur que nous avons tentée de respecter. Tout d’abord, il convient de souligner que notre échantillon étant très restreint et pas parfaitement homogène, il ne prétend pas à une quelconque représentativité. Seules quatre familles ont été rencontrées au total, l’une des familles possédait plusieurs chats et non un seul car il s’agit de la seule famille recomposée avec trois enfants qui a répondu à notre appel à témoins. De plus, l’une des familles que nous avons utilisée pour l’analyse de nos résultats avait été interrogée lors de notre phase exploratoire. Elle ne présentait donc pas les mêmes caractéristiques (un chien et quatre enfants) et n’avait pas été interrogée dans les mêmes conditions (entretiens individuels). Or l’espèce de l’animal et les conditions de l’entretien sont des variables importantes à prendre en compte dans le cadre de notre sujet de recherche. Enfin, il est important de rappeler que Page 80 sur 127 notre subjectivité durant la passation des entretiens et l’analyse du discours des personnes rencontrées, ne doit pas être négligée même si elle est intrinsèque à tout travail clinique. Face à tous ces éléments, nous devons donc rester prudent quant aux conclusions tirées de notre étude. Afin de confirmer, réfuter ou compléter nos résultats, il conviendrait donc par la suite de réaliser d’autres études. Il serait alors intéressant d’interroger un seul type de famille (ex : famille nucléaire stable ou famille monoparentale) et de faire varier le nombre d’enfants dans la fratrie ou l’espèce et le nombre des animaux de compagnie. Nous parlons en effet toujours de l’effet de « l’animal » mais il serait intéressant de voir s’il existe des différences en fonction des espèces. Le chien, de par l’entretien, et donc l’organisation plus importante qu’il demande et du fait de son caractère jugé fidèle et affectueux est-il plus régulateur que le chat, dont les propriétaires apprécient l’indépendance et l’autonomie ? Les oiseaux, les poissons et les autres petites espèces que l’on garde dans une cage ont-ils aussi un effet régulateur ? De même, faire varier le nombre d’enfant dans la fratrie, et donc le nombre d’éléments du système pourrait permettre d’observer d’autres mécanismes d’autorégulation. Parmi les processus régulateurs que nous avons vus dans l’approche systémique, il en est un que nous n’avons pas observé dans le cadre de cette recherche : le processus de triangulation de Bowen. Nous pourrions alors chercher à l’observer dans les fratries de deux enfants ou dans les familles monoparentales avec un seul enfant. Le choix de l’entretien semi-directif nous semble être l’outil le plus pertinent pour continuer dans ce domaine de recherche. Toutefois, la question de l’entretien collectif nous interroge car il présente l’inconvénient de limiter l’expression de chacun. Dans les entretiens réalisés il y avait toujours une ou deux personnes qui prenaient la parole et les autres membres n’intervenaient que très peu, même lorsqu’ils étaient sollicités. Nous n’avions donc pas réellement le point de vue et le ressenti de tout le monde. Malgré tout l’entretien collectif nous semble mieux correspondre à l’approche systémique qui est la nôtre car il permet une approche groupale et une observation du fonctionnement familial et des interactions. Il serait alors peut-être judicieux de réaliser certaines études avec des entretiens collectifs, et d’autres avec des entretiens individuels. Ces deux outils pourraient être complémentaires pour mieux approfondir la fonction régulatrice de l’animal de compagnie au sein de la famille. Pour conclure, il nous semble important de rappeler que l’objet de notre recherche est encore sous-estimé et peu étudié en sciences humaines, la majorité des études sur les relations Page 81 sur 127 anthropozoologiques s’intéressant principalement aux bienfaits des animaux sur la santé et auprès de deux types de population : les enfants et les personnes âgées. Or, nos résultats et ceux des études que nous avons citées au début de ce mémoire, montrent que la prise en compte de l’animal dans les thérapies familiales pourrait être une aide précieuse dans la compréhension et l’accompagnement des familles. Il ne s’agit pas de faire l’apologie de l’animal de compagnie et de voir en lui un remède à tous les maux familiaux, mais plutôt de prêter une attention plus importante aux effets de sa présence au sein de la famille et de l’envisager comme une aide thérapeutique. Dans une famille dans laquelle les rapports hiérarchiques ne sont pas respectés, par exemple, si le thérapeute prend en compte le modèle hiérarchique que constitue l’animal pour l’enfant, il pourrait commencer par demander aux parents d’imposer d’avantage de règles au chien de la famille et de le punir en cas de transgression, puis de demander à l’enfant de s’impliquer dans l’éducation du chien, plutôt que d’agir directement sur la relation parents/enfant. Page 82 sur 127 BIBLIOGRAPHIE ALBERNHE K., ALBERNHE T. (2000). Les thérapies familiales systémiques. Paris : Masson. ALLEN, K. (1995). Coping with life changes and transitions : The role of pets. Interactions, 13 (3), 5-8 ALLEN, K., BLASCOVICH, J. (1996). Anger and hospitality among married couples : Pet dogs as moderators of cardiovascular reactivity to stress. Psychosomatic Medicine, 58 ANTONIO J. FERREIRA (1977) Les mythes familiaux, in Watzlawick P., Weakland J.H. (dir.), Sur l’interaction, Le Seuil, 1981 ANZIEU, D., MARTIN J.-Y. (1968). La Dynamique des groupes restreints. PUF : Paris BATAILLE, G. (1976). Œuvres complètes. Tome VII. Paris : Gallimard (p.294) BAUN, M. & McCABE, B. (2003). Companion animals and persons with dementia of the Alzheimer’s type : Therapeutic possibilities. American Behavioral Scientist, 47 (1), 42-51 BERNARD, P., DEMARET, A. (1997). Pourquoi possède-t-on des animaux de compagnie ? Raisons d’aujourd’hui, raisons de toujours. In Bodson, L. (Ed.) 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Les Français et le moderne, Paris : Gallimard Page 88 sur 127 ANNEXES ANNEXE 1 : L’animal de compagnie dans nos foyers : Etudes française et belge ............ 90 ANNEXE 2 : Entretien avec la famille recomposée : la famille D. ..................................... 91 Page 89 sur 127 ANNEXE 1 : L’ANIMAL DE COMPAGNIE DANS NOS FOYERS : ETUDES FRANÇAISE ET BELGE CHIENS CHATS Maison particulière 77,4% 68,2% Avec un jardin 74,7% 64,8% Localisation rurale (moins de 200 habitants) 39,3% 32,6% Taille du foyer : 3 et plus 46,6% 42,9% Nombre d’enfants : 1 et plus 36,9% 34,5% Présence d’un adulte au foyer = oui 63,1% 54,7% FACCO/TNS SOFFRES 2010 CRIOC/avril 2012 Page 90 sur 127 ANNEXE 2 : ENTRETIEN AVEC LA FAMILLE RECOMPOSEE : LA FAMILLE D. Ier (Interviewer) 3 enfants : Claire (19 ans) ; Laura (11 ans) ; Hugo (12 ans et demi) La mère : Virginie Le père : Vincent Interviewer : Alors, moi comme je vous l’ai dit je m’intéresse à la place de l’animal de compagnie au sein de la famille. Donc j’aurais déjà voulu savoir si vous pouviez me présenter vos quatre chats ? Claire : Donc le plus vieux s’appelle Toulouse, il a environ... Laura : Il a 18 ans. La mère : Je l’ai eu pour mes 30 ans il y a 17 ans donc... heu... il est pas tout jeune. Laura : Donc il va avoir 18 ans. Ou il a 18 ans. Claire : Enfin il se porte bien Ier : D’accord. Claire : Ensuite on a Negresco, qui lui doit avoir 13 ans. Ier : Negresco ? Ca s’écrit comment ? Claire et la mère : Negresco, comme le nom de l’hôtel. La mère : A Cannes Claire : Personne le connait (rires) Ier : D’accord Donc il a 13 ans ? Laura : Il a un an de plus que moi. Claire : Ba on l’avait récupéré il était déjà âgé. La mère : Oui il était déjà âgé. Ier : D’accord. Claire : Ba ensuite heu... Lilou La mère : On va faire dans l’ordre d’arrivée. Laura : Il a un an. Ier : D’accord. Claire : Et puis Minouchka qui a 3 ans. Le père : Michouka c’était la chatte de ma grand-mère. Ier : D’accord. La mère : Donc trois chats et une chatte. Page 91 sur 127 Ier : D’accord. Et est-ce que vous pouvez me raconter comment ces quatre chats sont arrivés dans la famille ? La mère : Alors Toulouse... Moi j’avais déjà eu un chat qui s’appelait Caramel. Claire : Puis t’en avais eu un autre avant aussi. La mère : Non j’ai eu Caramel... Claire : Berlioz tu l’as pas eu avant ? La mère : Non Berlioz je l’ai eu... Ah si ! Berlioz je l’ai eu à la mort de Caramel ! Donc moi en fait j’avais une passion pour les chats que je n’ai jamais pu assouvir parce que mon père détestait les chats. Donc on avait que des chiens. Dès que j’ai pu être étudiante j’ai pris un chat ! Donc Caramel est décédé. On a récupéré un chat à la SPA qui est décédé depuis et qui s’appelait Berlioz. Et puis j’avais une maison du côté de Saint M****** et il y avait un chat qui systématiquement rentrait dans la maison. J’avais beau le ramener chez les voisins, c’était une famille un petit peu... qui avait des difficultés sociales quoi, qui avait des enfants, des chiens etc. Bref. On ramenait systématiquement le chat et le chat sans arrêt, il n’y avait pas deux minutes qu’il était chez ses propriétaires qu’il revenait. Donc on a gardé le chat car il voulait vraiment rester à la maison. Et puis il est jamais reparti. Toulouse est arrivé comme ça. Et comme j’aimais les chats et qu’un chat entraine un autre onc on l’a récupéré, on a commencé par deux chats. Negresco ? (en regardant Claire) Claire : Ba après Negresco, j’étais dans le jardin avec ma cousine à Saint M*****, on a entendu un chat miauler qui était chez les voisins, complètement paumé, il avait abandonné. Donc on l’a récupéré. Ier : D’accord. La mère : Et il est resté. Laura : Et Lilou... En fait on avait une chatte avant dans l’ancien quartier où on habitait et elle a eu des petits. Avec ma voisine on s’en est occupé, donc on a donné les petits. Et puis il en manquait un, qu’on avait pas donné, donc finalement on l’a récupéré. La mère : C’était une chatte errante. Ier : D’accord. La mère : Et il est resté. Et Minouchka ? (en regardant son compagnon) Le père : Ba c’est la chatte de ma grand-mère qu’on a récupérée. Ier : D’accord. La mère : En fait on l’a récupérée parce qu’elle pouvait plus s’en occuper. Le père : A 88 ans... La mère : C’est la dernière arrivée, ça fait pas longtemps qu’elle est là. Page 92 sur 127 Laura : Il y a trois semaines. La mère : Oui ça fait trois semaines ? Un mois ? Qu’on l’a récupérée ? Ier : D’accord. La mère : Alors ça ne va pas sans difficultés. Car les trois chats s’entendaient bien, même avec Berlioz, non Berlioz heu... Les trois chats s’entendaient bien. L’arrivée de la chatte a un peu déséquilibré les chats. Ier : D’accord. Claire : Enfin elle est croisée avec un siamois aussi donc elle a un peu un caractère de chien (rires). La mère : C’est le cas de le dire (rires). Pour l’instant elle veut un peu... comment dire... commander au sein des chats. Parce que normalement il y a une hiérarchie, mais nous on ne s’en occupe pas. Donc le chef c’est le plus vieux, Toulouse, ensuite il y avait Negresco, et puis après il y avait Lilou. Et puis là elle est en train de vouloir supplanter Toulouse. Claire : Ba elle veut devenir Calife à la place du Calife. La mère : Ouai. Donc Toulouse visiblement a réussi à récupérer son statut. Negresco comme il est malade, il est diabétique, il a pas la force de se battre avec elle, mais elle a l’air de le respecter. Claire : Non elle l’embête pas trop. Laura : Non elle embête Lilou La mère : Par contre elle terrorise notre dernier chat qui dès qu’il la voit disparait. Ier : D’accord. La mère : Donc ce sont des chats de hasard. Oui à chaque fois ce sont des chats récupérés. Claire : Ba il n’y a eu que Berlioz qu’on a adopté La mère : Qu’on avait adopté à la SPA, parce que Caramel c’est pareil c’est un chat que j’avais récupéré. Laura : Et Simba ? La mère : Alors il y a eu Simba aussi, qui pareil était un chat qu’on avait récupéré. Donc voilà on récupère les chats nous (rires). Ier : D’accord. Donc pour ces quatre chats-là, en tout cas, ça n’a jamais été une réflexion avant de « on prend un chat »... La mère : Non. C’est le hasard. Enfin, le fait est, aussi, que moi j’aimais bien les chats. Enfin j’ai une passion pour les chats qui s’est transmis. Claire : On adore les chats. Page 93 sur 127 La mère : D’ailleurs il y en a partout (me montre ses figurines de chats posées partout dans la maison) (rires). Et puis je sais pas je crois que les chats ils choisissent leur famille en fait. Donc heu... quatre chats là en fait je crois que c’est suffisant quand même. Claire : Enfin après j’en ramènerai un sur A***** l’année prochaine. La mère : Alors ceci dit si le chat arrivait et qu’il restait... Laura : Tu en aurais un cinquième ! La mère : Je le garderai (rires). Mais c’est tout à fait le hasard. Il n’y a pas eu de... Claire : On n’a pas si pendant un moment... si il me semble... La mère : Ba la chatte errante si, on l’avait emmenée avec nous quand on a déménagé et puis elle est restée trois-quatre jours et elle est repartie. Ier : D’accord. La mère : Donc il y a le choix des chats et il y a le choix du chat. Ier : Donc vous m’avez dit que vous aviez déménagé. Vous avez déménagé quand ? Laura : Décembre. La mère : Alors là on a déménagé en décembre. Mais en fait on a déménagé plusieurs fois et à chaque fois les chats nous suivaient. Claire : Ils ne partent pas. La mère : Oui ils ne partent pas. Ils restent. Claire : Ba ils sont nourris, logés, pouponnés... Je crois pas qu’ils vont partir (rires). La mère : Donc on garde les chats. Ier : D’accord. La mère : Et ils ont fait maison, appartement... et à chaque fois ils s’adaptent. Ier : D’accord. Et est-ce qu’il y en a qui sont arrivés justement au moment des déménagements ? Laura : Lilou est arrivé juste un peu avant le déménagement. La mère : On l’a récupéré quand ? Mai ? Juin ? Claire : On l’a récupéré mi mai. Laura : Non fin juin, début juillet. La mère : avant les vacances. Claire : Oui avant les vacances. La mère : Et on a déménagé en décembre. Mais c’était le hasard en fait. Ier : D’accord. Donc à part Minouchka vous les avez tous eu quasiment à la naissance ou... ? La mère : Non aucun. Laura : Si Lilou. Page 94 sur 127 La mère : A part Lilou qui était un peu plus jeune... Claire : Ba on l’a eu quand il est né. La mère : Mais on l’a pas récupéré tout de suite. Le père : On l’a eu un peu après. La mère : On a dû le récupérer à 2-3 mois quand il était sevré. Non sinon tous les autres étaient à chaque fois un peu âgés. Le plus vieux qu’on a récupéré ça devait être Minouchka. Et Negresco il devait avoir à peu près... un an. Toulouse pareil il devait avoir à peu près un an aussi. Ier : D’accord. La mère : On n’a jamais vraiment eu de chaton. Claire et Laura : Ba à part Lilou. La mère : Ba c’est pareil il avait... Laura : Ba si Lilou on l’a eu à moins d’un an ! La mère : Berlioz c’est pareil quand on l’avait récupéré il avait environ un an. Claire : Si après il y a eu Simba par contre qui était très très jeune. La mère : Simba était petit ? Claire et Laura : Oui. La mère : Et Caramel je l’ai eu chaton si. Mais ça a été le hasard, c’est el chaton qui est venu à moi. Ier : D’accord. Et Caramel et Berlioz les enfants les ont connus ? La mère : Ba Caramel toi tu l’as connu (en s’adressant à Claire) mais t’étais toute petite. Berlioz... Laura : Il est mort j’étais toute petite. La mère : Hugo, ba non. Hugo : Non. La mère : Toi t’as connu que Toulouse, Negresco... enfin les derniers chats. Laura : Et maman t’as oublié Lili ! La mère : Si on a parlé de la chatte errante. Laura et Claire : Non t’as parlé de ta chatte mais pas de Lili. Laura : En fait sa chatte avait déjà eu des enfants et on avait essayé d’adopter une femelle qui s’appelait Lili mais en fait elle est partie. Claire : Elle a pas voulu rester. La mère : Elle s’entendait pas avec les chats. Laura : Mais on l’avait eu chaton. Page 95 sur 127 La mère : Ba en fait c’était la petite de la chatte errante. Et la mère a dû chasser la petite je pense aussi. Et puis les chats ne s’entendaient pas du tout avec. Ils s’autogèrent quoi ! Ier : D’accord. Et donc Lili... je suis désolée j’essaie de suivre un peu... Lili elle est arrivée quand ? La mère : Lili c’était avant Lilou. Un an avant environ. Mais on l’a eu quoi, un mois ? Ier : D’accord. Claire : Mais elle était mignonne. La mère : Elle était de passage en fait. Ier : Donc c’est la seule finalement qui n’est pas restée ? La mère : En fait on n’a jamais retenu les chats. On les rentre, ils restent et s’ils restent pas, ils s’en vont. On est toujours partis du principe que le chat il choisissait sa maison en fait. Ier : Et vous (en s’adressant au père) est-ce que vous aviez déjà eu des animaux avant ? Dans votre enfance ? Le père : Non. Hugo : Si Canaille. Le père : Ba j’étais adulte, merci. Mais non, on était en appartement donc... Ier : D’accord. Le père : Mais si on avait eu un animal ça aurait été un chien. Ier : D’accord. Par contre vous avez eu des chats après ? Canaille c’est ça ? Le père : Oui, deux. Ier : D’accord. Le père : J’en avais eu une avant mais elle s’est échappée. On l’avait déjà récupéré une première fois, mais elle est repartie un an après. [Incompréhensible sur l’enregistrement] La mère : Nous même si on les emmène en vacances ils restent ! Claire : Mais on fait quand même attention à ce qu’ils ne partent pas. Parce que Toulouse... La mère : Ba Toulouse comme il est un peu âgé on fait attention. Le père : Il se met à miauler, il est paumé dans la maison Laura : Mais il est moins perdu depuis que Lilou est arrivé. La mère : Oui le jeune chat s’est occupé du plus vieux. Et c’était sur le conseil aussi du vétérinaire, parce qu’il était désorienté et en fait la vétérinaire nous a dit « essayez de prendre un petit chat et peut-être que le petit chat va s’occuper du vieux chat ». Et puis finalement ça s’est fait naturellement. Le jeune chat est arrivé et il a pris en charge le vieux chat. Ce qui fait qu’il est beaucoup moins désorienté qu’avant. Page 96 sur 127 Ier : D’accord. Et donc vous m’avez dit que vous adoriez les chats, mais pourquoi plus les chats que les chiens par exemple ? La mère : C’est une question de tempérament je crois. Claire : Un chat s’est indépendant, ça ne se dresse pas, c’est libre de faire ce qu’il veut. La mère : Alors qu’un chien... Claire : Faut s’en occuper, c’est incapable de vivre seul, il est incapable de faire quelque chose seul... La mère : Alors que nous ce qu’on aime dans le chat c’est que c’est libre, ça a du caractère Claire : Non et puis ça choisit sa maison, c’est autonome par lui-même. Le père : On vit chez le chat. La mère : Oui et puis on vit chez le chat. Le père : Alors que le chien vit chez ses maîtres. La mère : Alors que nous on a accepté de vivre chez les chats. Ceci dit on en est déjà rendu au troisième ou quatrième canapé (rires). On vit vraiment chez les chats. Ier : D’accord. Et admettons, si vous aviez eu un chien, ça se serait passé comment ? Claire : Ba on s’en serait occupé mais de là à avoir la même attitude qu’avec des chats... je pense que ça aurait été différent. La mère : Je pense que ça aurait été beaucoup plus difficile, car chez mes parents j’avais eu un chien... Le père : Le chien faut le sortir. La mère : Enfin il faut un maître à un chien. Et moi comme je n’ai pas d’autorité sur les animaux... je les laisse faire un peu ce qu’ils veulent... ça n’aurait pas été gérable. Le chien aurait pris l’ascendant sur le maitre. Ca ne veut pas dire que le chat ne prend pas l’ascendant mais c’est dans son tempérament. Le chien il a besoin d’être dominé, d’avoir un maître, donc je pense qu’on aurait eu plus de difficultés avec le chien. Ier : D’accord. Le père : Le chien c’est beaucoup plus d’entretien, faut le promener en laisse, faut le laver, l’emmener faire ses besoins... Claire : Et puis c’est beaucoup plus propre un chat aussi. La mère : Tu trouves ? Claire : Oui. Non mais attends un chien ça pue, t’imagines ?! La mère : C’est vrai qu’on n’est pas chien. C’est curieux parce que moi j’ai été élevée avec des chiens mais j’ai pas d’attirance pour les chiens. Ier : Vous n’avez pas de bons souvenirs avec ces chiens ? Page 97 sur 127 La mère : Si ! Au contraire ! Mais c’est vrai que ça a un tempérament beaucoup plus soumis. Après c’est vrai que j’arrivais jamais à sortir le chien, c’est lui qui me promenait, qui me poussait. Je me rappelle que j’avais un lit appuyé contre le mur et le chien avait pris l’habitude de dormir avec moi dans le lit. Il se mettait contre le mur, et c’est moi qui sortais du lit quoi. Donc heu... (rires). Claire : Enfin les chats ont la même habitude ! La mère : Oui mais alors eux ils grimpent sur mon dos, ils vont dormir à mes pieds, c’est pas la même chose. Enfin moi j’arrive plus à vivre avec le chien qu’avec le chat. Enfin heu... Laura et la mère : Avec le chat qu’avec le chien La mère : Enfin sinon les chiens me posent pas de problème. Mais d’entrée, non je vais pas aller vers... on n’a jamais eu une rencontre avec un chien, un chien qui est venu à la maison et qui... Claire : Et qui s’est installé. La mère : Alors que les chats ça se fait par hasard quoi. Le père : C’est plus naturel. La mère : Le chien je pense qu’il y a plus une démarche, faut aller chercher le chien. Ier : D’accord. Donc justement j’aurais bien aimé savoir aussi comment la famille s’organise autour des chats ? Par exemple qui le nourrit ? Qui nettoie la litière ? Etc. (Le père rit) Le père : Ca c’est la question qui tue ça ! Claire : Quoi ? Le père : Ba t’es pas là la semaine ça se voit ! La mère : Oui ça se voit ! Alors la nourriture heu... je pense que c’est nous qui nourrissons les chats. Le père : Oui. Laura : Nous ça veut dire qui ? La mère : Moi et Vincent. Claire : Moi je suis jamais là la semaine ! Laura : Et attends moi je les nourris souvent ! Surtout Negresco je lui fais sa piqûre aussi ! La mère : Alors la nourriture je dirais que tu interviens quand on n’est pas là ou que les chats ont faim. Laura : Non ça c’est pour l’eau. La mère : Ou quand les chats ont soif. Page 98 sur 127 Claire : Je te rassure ils n’ont pas besoin. Toutoune il se ramène, il te tire jusqu’à sa gamelle, c’est très compréhensible ! La mère : Oui quand ça fait un certain temps qu’ils attendent heu... Ils finissent par venir te chercher. Le père : Ba ce matin il l’a encore fait. Il attendait que ça que tu lui serves sa gamelle. La mère : Donc on peut dire ça. Les caisses... c’est principalement nous qui nettoyons les caisses. Laura : Moi je nettoie plutôt le soir. Le père : Hum hum... La mère : Je crois qu’on n’a pas tout à fait la même... Le père : Notion du temps ! La mère : Ouai ! Après les soins des chats... alors à ta décharge... c’est vrai que normalement c’est moi qui soigne Negresco, mais Laura : Là c’est moi qui le fais La mère : Et puis ba là comme il lui faut des injections... Le père : à des heures régulières La mère : à des heures fixes, pour l’insuline, Laura s’est mis à la piqûre. Claire non. Claire : Ah je ne peux pas piquer un chat. Laura : Oui mais un jour tu le feras, quand on sera pas là... Claire : Oui et ba ce jour-là je serai bien obligée de le faire mais pour l’instant... Laura : Mais tu feras comment si t’as pas appris ? Tu peux pas le faire, faut apprendre ! Claire : Non mais j’ai bien vu comment maman elle faisait pour piquer. Laura : Tu sais même pas comment on fait pour passer l’insuline. La mère : Enfin en règle générale c’est quand même plus les adultes qui s’occupent des chats que... Claire : Ca dépend. Moi la semaine je suis pas là, donc je vois pas comment je peux... Maintenant comme je suis actuellement à la maison c’est moi qui ramasse les « pipi » de Negresco devant l’entrée, et ses « cacas ». La mère : Oui parce que comme il est diabétique il souffre un peu d’incontinence. Laura : Oui mais avant quand t’étais pas là c’est moi qui le faisais hein ! Claire : Oui mais avant je n’étais pas là. Laura : Oui ba ça fait deux semaines ! La mère : La plupart du temps il faut toujours une minute pour savoir qui va nettoyer le pipi du chat. Page 99 sur 127 Laura : Ba la plupart du temps c’est moi parce que vous vous faites la cuisine parce que je suis trop petite pour la faire. Donc c’est toujours moi. [Claire éclate de rire] Le père : Les faux prétextes ! (rires) La mère : Tout le monde veut bien les chats mais personne ne veut les corvées du chat en clair ! Claire : Tu rigoles c’est moi qui me tape Mimi hein ! Laura : Oui mais ça c’est ta chatte ! Claire : Oui mais j’y peux rien moi elle a élu domicile dans ma chambre ! La mère : Après globalement Hugo toi tu interviens ponctuellement quand t’es là. Hugo : Oui. La mère : Et si on te le demande ! Ier : D’accord. La mère (en s’adressant à Hugo) : Toi finalement t’es plus avec ta chatte chez ta mère. Hugo : Oui. Ier : D’accord. Et est-ce qu’il y a des règles, des interdits autour des chats ? Si j’ai bien compris ils ont le droit de monter sur le canapé par exemple ? La mère : Alors on essaie qu’ils ne montent pas sur la table. Claire : Ca c’est une nouveauté, parce qu’avant il n’y avait pas de souci. Le père : Ba c’est Minouchka surtout qui monte sur la table parce qu’avant elle montait partout. Claire : Non Lilou il fait la même chose ! La mère : Enfin on essaie qu’ils ne montent pas sur la table, qu’ils évitent de chaparder. Hugo : De voler Laura : Et qu’ils ne se grattent pas les griffes sur les murs et la tapisserie La mère : Chaparder c’est voler, Hugo. Claire : Après c’est un peu dur pour le reste, parce que le problème c’est qu’ils ont une maison qui est assez grande donc ils vont faire leurs griffes un peu n’importe où. [Incompréhensible sur l’enregistrement] Le père : Ils te regardent l’air de dire « Cause toujours tu m’intéresses » ! La mère : Non il n’y a pas vraiment de règles, si ce n’est de ne pas monter pas sur la table. Enfin un minimum par rapport à l’hygiène quoi. Ier : D’accord. Donc sinon ils sont plutôt libres ? La mère : heu... Page 100 sur 127 Tous ensemble : Très ! (rires) La mère : Extrêmement ! Toute façon on l’a dit d’entrée : On n’habite pas chez nous, on habite chez les chats ! Laura : Ils n’ont pas le droit de sortir le soir aussi ! La mère : Oui ils n’ont pas le droit de sortir le soir, parce qu’en fait en 2003 quand il y avait eu la canicule, Toulouse était sorti et avait eu un accident avec une voiture. Donc depuis ils sont parfaitement libres de sortir toute la journée, mais ils rentrent le soir car c’est beaucoup plus dangereux. Claire : Maintenant ils ont pris l’habitude de rentrer. La mère : Donc ils rentrent. Laura : Quoi que Lilou... La mère : Oui mais il rentre. En fait c’est la seule règle ! Ier : D’accord. Et ils obéissent bien ? Ils rentrent le soir sans problème ? La mère : Oui. Claire : Ba ça dépend des fois. Des fois on les appelle ils rentrent pas. Laura : Ba c’est surtout Lilou qui a du mal à rentrer. Claire : Heu Néné aussi. La mère : Negresco il a déjà passé une ou deux nuits dehors et puis après il a compris que c’était quand même mieux de dormir dedans que dehors. Le père : Oui dedans il fait moins froid bizarrement (rires) La mère : Donc oui il a fallu deux ou trois fois mais sur douze (deux ?) ans c’est peu. Non non ils rentrent. Claire : Mimi elle est super toute douce donc ya pas de problématique à se poser (rires). Le père : C’est un vrai petit chien. Claire : Non ! Le père : Ba si elle te suit partout comme un petit chien ! Claire : Ba elle me suit partout mais elle est enquiquinante ! Ier : Et la nuit ils dorment avec qui ? La mère : Ba c’est un peu la tournée des chambres ! Laura : Lilou et Toulouse ils dorment plus chez moi ! Le père : Alors qu’avant ils dormaient chez nous. Mais depuis qu’il y a la chatte... La mère : C’est la chatte qui a tout déséquilibré ! Le père : Depuis les autres ne viennent plus. A part l’autre nuit où Toutou est venu avec nous. Page 101 sur 127 La mère : Avant ils allaient une partie de la nuit dans une chambre, une autre partie de la nuit dans une autre, ils circulaient librement quoi. Ier : D’accord. Claire : Maintenant Minouchka a quand même élu domicile dans ma chambre ! La mère : Maintenant Minouchka dort dans ta chambre (en s’adressant à Claire), Negresco comme il est malade il dort plus heu... Laura : Dans le salon. La mère : Et Lilou et Toulouse dans la chambre de Laura. Ier : D’accord. La mère : Mais c’est un choix parce que toutes les portes sont ouvertes, donc ils peuvent aller librement d’une chambre à l’autre. Ier : D’accord. Donc maintenant j’aimerais savoir quelle place à l’animal dans vos relations ? Est-ce que vous trouvez qu’ils agissent un peu sur la communication entre vous ? Sur vos relations ? Vous diriez qu’ils ont quelle place ? La mère : Je vous laisse parler je ne vais pas monopoliser la parole non plus. Claire : Par rapport à ma relation avec les autres je ne vois pas comment ils interfèrent entre nous, par contre je sais que moi les chats j’ai l’impression que quand je suis triste ils viennent, quand je suis malade ils sont là. Ils sont attentionnés mais ils vivent aussi indépendants. Laura : Heu moi j’ai pas trop l’impression qu’ils agissent entre nous, dans la communication entre nous mais pareil quand je suis triste ils viennent. Pour moi ils font partie de la famille. Ier : D’accord. Le père : Ils font partie de la famille, ça c’est sûr. Ier : Et toi Hugo ? Hugo : Moi non plus, et puis je suis pas là tout le temps. La mère : Oui donc t’as une relation qui est différente. Parce qu’Hugo n’est là que tous les 15 jours, c’est une garde alternée. Ba moi je dirais quand même que si vous faites bien attention chacun a son chat. Claire : Oui mais ça c’est pas une nouveauté ! La mère : Même si ce sont des chats collectifs, chacun a quand même... Le père : Sa préférence. La mère : Et chaque chat a sa préférence aussi. Claire : On est d’accord. La mère : On est d’accord. Donc heu... c’est quand même... heu... c’est un ciment aussi ! Page 102 sur 127 Si le chat est malade, si le chat a quelque chose, tout le monde s’occupe du chat ! Vous allez venir avec moi chez le vétérinaire, là les piqûres c’est moi ou Laura qui les fait mais quand même tout le monde est préoccupé par l’état de santé des chats. [Incompréhensible sur l’enregistrement] La mère : C’est vrai que je trouve aussi que c’est un régulateur. Un chat c’est apaisant. Claire : Oh ça dépend des moments ! Le père : Il y a des moments faut les supporter aussi ! Claire : Quand ils ont envie de jouer, quand ils ont envie de câlins et qu’ils posent leurs fesses sur les cours. Et vas-y que je m’étale sur ton cours et que je te montre bien que je suis là et que je veux des câlins maintenant ! Whouuuu c’est pas simple ! La mère : Mais c’est vrai qu’ils sont quand même au centre. Même s’ils sont libres, même s’ils font ce qu’ils veulent ils sont quand même très présents ! Claire : Oui. Ba quand on travaille ils sont souvent à côté de nous etc. La mère : Bon parfois ils sont exaspérants, je vois là Negresco, comme il est malade, c’est vrai que des fois c’est un peu dur ! Le père : Oui il fait pipi partout La mère : Donc c’est vrai que c’est dur quand même. Bon c’est vrai qu’on se dit « c’est notre chat, il est vieux, c’est pas de sa faute ». Après c’est vrai que ça crée parfois un peu des tensions parce que personne ne veut nettoyer mais tout le monde s’occupe des chats. Et ce sont des membres à part entière de la famille ! Ier : D’accord. Et quand vous dites que c’est un régulateur ? La mère : Moi je ne pourrais pas vivre sans les chats. Claire : Ba ça ferait un vide. La mère : Et je ne pourrais pas vivre sans chats. Claire : Ca on est d’accord. Ier : D’accord. La mère : Ne serait-ce que, enfin c’est prouvé, caresser un chat, je suis contente quand je rentre j’ai mes chats, ça me déstresse aussi. Claire : Non puis ils viennent, ils nous disent bonjour. Enfin on sent qu’ils nous aiment quand même. La mère : Bon après c’est de l’anthropomorphisme hein ! (rires) On leur prête des sentiments. Le père : Qu’ils n’ont pas forcément ! La mère : Oui mais c’est vrai qu’on a l’impression, ouai, qu’on se comprend. Page 103 sur 127 Le père : Mais c’est vrai que ça fait plaisir quand tu rentres et que Toutou il vient vers toi pour avoir un câlin, c’est vrai que ça fait plaisir. La mère : Et on a plus d’affinités avec un chat. Moi je sais que Toulouse c’est mon chat. Si je suis malade heu... Laura : Toi t’as Negresco aussi. Avant quand t’étais malade il venait souvent avec toi regarder la télé... La mère : Oui quand je regarde la télé, oui. Claire : Oui mais c’est vrai que Toutou est beaucoup plus attentionné que Minouch. La mère : Oui. Mais je ne me vois pas sans chats. Claire : Non mais je suis d’accord avec toi. D’ailleurs à A***** je me sens seule. Ier : Et c’est le ressenti de tout le monde ça ? Est-ce que vous pensez que vous ne pourriez pas vivre sans chats ? Claire : Moi oui, je ne pourrais pas. Laura : Pareil, ça me ferait bizarre sans les chats. Hugo : Moi oui, je pourrais m’en passer. La mère : Oui parce que t’as eu moins de chats toi. Le père : Oui moi c’est pareil, je pourrais m’en passer. Dans mon enfance.... ça ne me manquait pas tant que ça. Mais c’est vrai qu’ils sont très attachants aussi, pour moi ils font partie de la famille. Ier : D’accord. Et est-ce que vous pensez que sans les chats vous auriez les mêmes relations entre vous ? Le père : Non, tu parlais de ciment toute à l’heure (en s’adressant à sa compagne) La mère : Oui, c’est un sujet de conversation, c’est un sujet de dispute, c’est quand même le centre heu... Oui ils participent à part entière à la famille. Claire : Oui ils sont avec nous quand on est à table, ils réclament à manger quand on est à table heu... enfin ils sont inclus dans la famille, ils vivent autant que nous. Enfin ils sont source de dispute aussi mais je ne vois pas comment heu.... enfin on ne serait pas tels qu’on est si on n’avait pas nos chats. La mère : Je crois que ça a une influence aussi sur le caractère. Je crois qu’on est plus... je ne sais pas comment expliquer ça... Claire : Attentionné ? Tolérant ? La mère : Tolérant oui ! Claire : Ouvert d’esprit ? La mère : Oui ! On apprend par exemple à se détacher des choses. Page 104 sur 127 Claire : Ba ça c’est sûr ! (Le père rit) La mère : Parce que... Claire : Le beau canapé en cuir ! (rires) La mère : Parce qu’ils abîment beaucoup de choses donc... heu... c’est vrai que maintenant on n’est plus du tout matérialiste ! Enfin je veux dire ça n’a pas d’importance quoi ! Claire : Je revois encore la tête du mec de l’immobilier (rires) ! La mère : Oui c’est une anecdote. Claire : un jour on a avait reçu une personne pour heu... de l’immobilier, pour créer une maison ou autre, on avait notre ancien canapé en cuir et il a eu le malheur de voir le chat faire ses griffes sur le canapé. Il est resté bouché bée je crois ! La mère : Alors que nous on a continué à discuter et il nous a regardés comme si on habitait sur une autre planète. Il a fait « ohhhh » et nous « ba non le chat il fait ses griffes ». Il était arrivé au bois alors... Mais nous ça ne nous perturbait pas. Alors qu’on voit, les gens qui viennent à la maison, ce ne sont pas toujours des gens qui ont des animaux... Le père : Oui ce sont des gens qui n’ont pas de chats, qui ne savent pas ce que c’est. La mère : Donc généralement ça les perturbe. Le père : Oui ça les perturbe, c’est normal. La mère : Alors que nous heu.... Bon maintenant on n’achète plus de canapé en cuir, on achète des canapés de chez Ikea hein (rires). Heu... il est déjà dans un sacré état mais ce n’est pas la fin du monde quoi ! Oui je pense que ça nous a appris à relativiser certaines choses. Claire : Bon après il y a des choses sur lesquelles ils font de sacrées bêtises quand même ! Par exemple la figurine décapitée heu... La mère : Oui le chat a cassé la figurine de chat... Mais oui, et puis ça apprend une certaine tolérance je pense. Ier : D’accord. La mère : Parce que le chat ne fait que ce qu’il veut. Donc de toute façon ça ne sert à rien de vouloir imposer sa volonté au chat. Ier : D’accord. Claire : C’est un peu essayer de se battre contre le vent. Ier : D’accord. Et vous ne voyez pas d’autres choses sur la manière dont les chats pourraient influencer la famille ? La mère : Ba c’est un sujet de conversation, comme pour un autre membre, enfin je pense que... il n’y a pas une journée où on ne va pas parler d’un chat heu... Page 105 sur 127 Claire : Ba on s’inquiète quand ils sont pas là, on s’inquiète quand on les voit pas, enfin on... La mère : C’est aussi quelque chose qui préoccupe tout le groupe. On est toujours d’accord sur les chats. Le père : Oui. La mère : Pas pour leur entretien où là ça va être sujet d’histoires, parce que personne ne veut faire l’entretien du chat. Par contre sur le fait que... heu... si le chat est malade, c’est une préoccupation qui est commune. Le père : Oui. La mère : Mais que dire de plus ? Je ne sais pas. Ier : Est-ce que vous pensez par exemple que leur présence peut apaiser des tensions, des conflits ? Est-ce que vous vous souvenez d’anecdotes où il y a eu des conflits et où la présence du chat a pu apaiser tout ça ? La mère : J’ai plus de souvenirs de tensions créées à cause des chats que des... enfin plutôt ave mon ex-mari. Parce que lui n’aimait pas les chats. Mais nous on n’a pas de tensions par rapport aux chats... Claire : Je dirais que c’est plutôt des périodes d’amusement en fait. Généralement heu... c’est comme l’autre jour où on a fait la pierrade et que Toulouse est venu piquer dans ton assiette un morceau de dinde, ba on s’est pas énervé là-dessus, on a plutôt rigolé. La mère : Oui parce qu’on partage énormément sur les chats. Mais dès l’instant qu’une personne n’a pas le même sentiment que vous sur les chats cela peut être une source de tensions. Par contre je trouve que les chats assistent aux disputes mais ils n’y prennent pas part. Ils regardent, ils écoutent, heu... je dirais que c’est plutôt un sage, je dirais que s’il peut en tirer profit aussi il va le faire. Claire : Ils ne sont pas bêtes. La mère : Mais ils ne vont pas rentrer, non, il ne va pas rentrer dans... enfin ils n’ont pas un lien... Je sais pas comment tu le perçois toi ? (en s’adressant à son compagnon) Le père : Hum. La mère : Non et puis comme on est tous d’accord sur les chats ça ne peut pas être source de... Le père : de tension, hum. Ier : Mais sans être une source de tension, s’il y a un conflit, une tension, quelque soit la raison, est-ce que vous avez l’impression que les chats jouent un rôle dedans ? Que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Page 106 sur 127 La mère : Ba si après quelqu’un va s’éloigner après une dispute, le chat va peut-être accompagner...enfin le chat avec qui on a le plus d’affinités. Le chat va peut-être rejoindre la personne qui vient de se fâcher etc. mais je dirais plutôt qu’il ne rentre pas dans le... Claire : c’est plus une source de réconfort dans ce cas-là, qu’une source d’apaisement. La mère : A la limite si t’es en colère tu vas en parler à ton chat, tu vas te confier à ton chat. Tu vas le prendre pour un modérateur (rires). Mais lui à la limite il va ronronner (rires), il va participer, quoi, mais ça va pas aller au-delà. Ier : D’accord. Mais par contre au niveau individuel il peut apaiser chacun d’entre vous après une dispute ou... ? La mère : Oui. Mais pas tous les chats. Ier : Pas tous les chats. D’accord. La mère : Le chat qui nous a choisis. Claire : Après c’est vrai qu’il y en a un qui est assez indépendant, c’est Negresco. Il pas spécialement d’attache spécifique à une personne dans la famille. Mais à côté de ça les autres chats ont vraiment une personne qu’ils suivent un peu partout. La mère : Et ça s’est fait naturellement, ils ont choisi parmi nous une personne. Claire : Et des fois c’est super bien tombé d’ailleurs. Laura : Quoique maintenant maman, Toulouse il est un peu...heu... La mère : C’est vrai que maintenant Toulouse est devenu un peu plus casanier, il dort un peu plus, enfin beaucoup même. Mais oui je dirais plutôt ça. C’est vrai qu’à la limite si on est seul, le chat va venir avec nous. Claire : Il n’y a pas besoin d’être seul. La mère : Oui toi elle est tout le temps collée. Le père : Oui ça c’est normal elle t’a [incompréhensible sur l’enregistrement] Claire : Ah ba là oui elle doit être dans ma chambre vautrée sur le canapé, enfin sur mon lit, tranquille. Laura : Ou sur ta valise La mère : Enfin bon même si on fait de l’anthropomorphisme avec nos chats, on sait quand même que ce sont des chats. Ier : D’accord. Claire : Oui on les met pas sur un pied d’estale non plus. Ier : Et est-ce que ça vous arrive de passer par les chats pour communiquer entre vous ? La mère : Ah oui du style heu... ça me fait penser à une réplique heu... ah... avec heu... c’est une pièce de Pagnol. Où le boulanger heu... Page 107 sur 127 Le père : Ah oui ! La mère : Où le boulanger veut reprocher à sa femme son infidélité et en fait il le dit à la chatte. Le père : Marius. Ier : Ah je ne connais pas. La mère : Vous ne connaissez pas ? C’est hyper connu ! Le père : C’est Marius avec la partie de cartes. La mère : Non c’est pas la partie de cartes c’est une pièce qui est jouée par Michel Galabru et en fait Le père : C’est le boulanger ? La mère : C’est le boulanger qui fait des reproches « elle revient la.... » Le père : Oui je revois la scène La mère : « la pimprenelle ou je-ne-sais-pas-quoi maintenant qu’elle est partie etc. » Et en fait le dialogue qu’il a avec la chatte c’est le dialogue qu’il devrait avoir avec sa femme. Ier : D’accord. La mère : Mais nous non, jamais. Non ce n’est pas un intermédiaire pour se dire les choses entre nous. Claire : S’il y a un conflit il est réglé entre nous. Ier : D’accord. Claire : Surtout que je ne vois pas pourquoi on prendrait le chat pour... La mère : C’est vrai que cette tirade est vraiment.... enfin si vous avez l’occasion de la voir. C’est une pièce de Pagnol. Je crois que c’est heu... La mère et le père : La femme du boulanger ! Claire : Tu l’as d’ailleurs le livre ? La mère : Je sais plus faut regarder. Mais c’est hyper connu. Le père : Et il y a le film aussi. La mère : Mais nous non on n’utilise pas le chat pour faire des reproches. Ier : D’accord. La mère : Ni pour faire des compliments Claire : Oh ça dépend des fois, quand par exemple Toutou il est.... comment on pourrait dire ça... très mal élevé, on va dire que c’est maman qui s’est surtout occupée de son éducation heu... Laura : Occupée ? Claire : Oui. Enfin quand je dis occupée c’est large ! Toutou il est pas élevé hein. Page 108 sur 127 La mère : Il est très mal élevé même ! Claire : Ca on peut te faire le reproche sur des points comme ça mais jamais on va prendre le chat pour parler d’une autre personne. Ier : D’accord. Claire : Arrête de me regarder avec tes yeux noirs (à sa mère) (rires). Enfin toute façon c’est pas une nouveauté qu’il est mal élevé ! Laura : Maman il est quelle heure ? La mère : C’est bon t’inquiètes pas. Alors Laura est très pressée parce qu’elle a une compétition. Mais c’est bon, c’est bon. Ier : D’accord. J’aurais voulu savoir aussi s’il y avait eu des changements dans l’ambiance familiale depuis que les chats étaient arrivés ? Bon après c’est vrai qu’ils ont toujours été là donc on va dire depuis que les derniers sont arrivés ? La mère : Ba c’est sûr qu’à chaque fois il faut s’adapter au caractère du chat. Alors parfois c’est pas toujours évident. Claire : Aussi quand un nouveau chat arrive on va être dans une période où on va plus aller voir ce chat-là, on va y être plus attentif etc. La mère : Après ça a forcément une influence. Regarde Néné qui est malade actuellement... Laura : Il a plus heu... d’attention. La mère : Voilà. Claire : En même temps lui c’est à se demander parfois s’il a envie d’avoir de l’attention. La mère : Alors Minouchka est quand même aussi une source de tension, un peu. Claire : Oui c’est vrai. Laura : Ba elle va créer des tensions avec les chats et les tensions avec les chats nous préoccupent aussi donc heu... Claire : Oui enfin.... Laura : Si ! Tu lui donnerais l’aumône toi toute façon ! Claire : Non je ne lui donnerais pas l’aumône. Laura : Ba si c’est ta chatte ! Tu la défends tout le temps même quand elle a blessé Claire : Non attend il lui a donné un coup de patte sur l’oreille je peux te dire qu’il l’a pas loupée ! Laura : Mouai... Claire : Si si elle a un coup sur l’oreille ! Le père : Tu sais ce sont des histoires de chats, il faut les laisser se débrouillent entre eux. Page 109 sur 127 La mère : Oui mais c’est vrai que parfois elle est quand même agaçante. Elle veut imposer sa loi aux chats. Le père : Oui mais c’est pareil elle cherche sa place aussi un peu encore. Claire : Je sais pas mais des fois j’ai l’impression qu’elle a envie de jouer avec Lilou mais comme lui de toute façon il a peur du moindre truc... Le père : Ah ba ce matin c’est pareil, ils étaient dans le jardin. T’avais Lilou qui était à plat ventre, complètement vautrée, pour pas qu’il... (rires de tout le monde). Bon l’autre l’avait vu je pense, puis bon elle l’avait senti forcément. Donc elle commence à contourner, contourner, contourner, et puis il arrive un moment où viouuuuuu il a détalé, il est monté en un seul bond sur le haut du mur. C’est une catastrophe quoi. La mère : Ba c’est vrai que même si on aime bien Minouchka elle nous exaspère un peu. Le père : Non mais si ça se trouve elle, elle voulait jouer, on n’en sait rien. La mère : On ne sait pas mais c’est vrai qu’elle traumatise les autres. Le père : Oui elle les traumatise. Claire : Elle est pas traumatisante. D’abord Toulouse il ne peut pas la voir. Bon. Le père : Oui enfin Toulouse ça va mieux quand même. Claire : Oui enfin ce midi il lui a gueulé dessus parce qu’elle avait demandé du poisson donc lui il était pas content. La mère : Oui enfin elle allait lui voler. Claire : Elle allait pas lui voler vu qu’on allait rien leur donner, bon. Néné lui tant qu’elle vient pas l’embêter ça va. Bon après il y a Lilou mais lui il a peur de tout et de rien ! Donc heu... Le père : C’est vrai qu’il est farouche Lilou. Claire : Il est pas farouche c’est un peureux. Le père : Oui c’est un peureux. La mère : Enfin ta chatte c’est un vrai dictateur en puissance ! [rires de tout le monde] Claire : Oui mais regarde quand elle est avec moi elle est sage. Laura : Oui mais elle est gentille avec les hommes mais pas avec les chats ! [silence] Ba si ! La mère : Oui elle est insupportable avec les autres chats, avec ses congénères. Le père : Oui mais ça vient peut-être de son style de vie. Elle est restée pas mal de temps dehors, elle... Claire : Et puis c’est une chatte, c’est pas un chat ! Donc elle va pas avoir le même comportement. Page 110 sur 127 Le père : Oui est puis comme on dit elle a un peu de siamois dedans. Et les siamois ils ont un bon petit caractère ! Claire : Toute façon elle sait que quand elle est mignonne elle a ce qu’elle veut donc elle est forcément mignonne. La mère : Heu vous pouvez me rappeler la question ? (rires de tout le monde) Ier : Je voulais savoir si l’arrivée des chats avait changé quelque chose sur l’ambiance familiale. La mère : Oui, moi je dirais oui. Lilou c’est pareil il a fallu s’habituer à toutes les bêtises qu’il a faites, parce qu’il était plus jeune. Chaque arrivée de chat c’est comme l’arrivée heu... bon dans une certaine limite hein, mais c’est comme l’arrivée d’un nouvel enfant, d’une nouvelle personne au sein de la famille quoi. Faut que chacun s’habitue au chat, que les autres chats qui font partie de la famille s’habituent au nouveau chat. Claire : Enfin c’est quand même un peu différent entre avoir un chat et avoir un bébé quand même. La mère : J’ai dit dans une certaine limite. Claire : Oui oui mais heu... La mère : J’ai pas dit que le chat c’était un enfant. Claire : Oui oui La mère : Mais c’est vrai qu’ils font partie de la cellule, enfin pour moi ils font partie de la cellule familiale Claire : On est d’accord. La mère : On l’a dit toute à l’heure, chaque chat est un membre de la famille. Donc ça veut dire que quand il y a l’introduction d’un nouveau chat, nous humains on doit faire la place au nouveau chat. Claire : Non et puis il y a aussi la question du prénom qu’on va lui donner. La mère : Oui c’est un autre sujet de discussion. Claire : Ba c’est comme quand t’as un nouveau-né. Ier : Justement le choix des prénoms ça s’est fait comment ? Claire : Alors Toulouse j’en ai aucun souvenir. Laura : Si c’est maman qui l’a appelé comme ça Claire : Ah oui il y avait Berlioz et il y avait Claire. La mère : Oui j’avais ma fille Claire, Toulouse et Berlioz. C’était les chats des Aristochats. Donc ça veut peut-être dire quand même que je les avais placés sur la même longueur d’ondes (rires). Après Negresco on était tous d’accord. Page 111 sur 127 Claire : Non moi je trouvais qu’il était moche ce prénom. En plus je savais pas ce que c’était que ton truc de Negresco d’hôtel. La mère : Oui mais c’est parce qu’il était tout noir. Claire : Oui mais moi je voulais l’appeler comme la panthère heu... La mère : Bagheera ? Claire : Oui. La mère : Oui mais Bagheera c’est féminin. Laura : Oui c’est une panthère ! Claire : C’est pas un panthère ? Le père et Laura : Non ! La mère : Non c’est une panthère. Claire : Ah ba j’ai toujours cru que c’était un panthère. La mère : Negresco ça lui allait pas mal. Laura : Enfin moi après j’ai pas choisi Negresco ! Après quand je suis née j’ai choisi pour Lilou ! Claire : Enfin Lilou ce fut assez compliqué quand même. Laura : En fait t’as cherché dans une BD Picsou... Claire : Non Laura : Si au début c’était Lila. Je m’en souviens encore j’étais avec toi. Claire : Non on est parti après sur le « 5ème Elément ». Laura : Oui mais au début t’as dit Lila, tu l’as proposé à maman et maman a dit « pourquoi pas Lilou comme dans le « 5ème Elément ? » Claire : Oui mais on était persuadé au départ que c’était... Laura et Claire : Une femelle. La mère : Oui ça s’est transformé en mâle. Maintenant je trouve que c’est pas mal finalement Claire : Oui ça lui va très bien. Le père : Quoiqu’on a tendance à l’appeler Loulou aussi. La mère : Loulou oui. Claire : Bon après Minouchka on n’a pas vraiment choisi. Laura : Elle s’appelait Minouch Le père : Au départ c’était Crystale. La mère : Oui elle s’appelait Crystal a priori. Page 112 sur 127 Le père : Ma grand-mère l’appelait Minouch et puis moi Minouch je trouvais ça un peu tristoune. Donc on l’a rendu un peu plus exotique, à la sauce russe, Minouchka. Claire : Moi quand je l’appelle Mimi elle se reconnait très bien La mère : Ba surtout quand elle a fait une bêtise. Mais c’est vrai qu’elle était quand même assez âgée donc on ne pouvait pas non plus lui changer son nom. Claire : J’allais dire son prénom (rires) Laura : Ba oui c’est son prénom pour elle. La mère : Ba oui... Laura : Ba elle a pas de nom mais elle a un prénom. La mère : Si Negresco a un nom ! Parce que l’autre fois je suis allée à la pharmacie pour le chat et j’avais besoin qu’ils me délivrent de l’insuline rapide. Et le pharmacien était embêté parce qu’il fallait qu’il crée un dossier pour le chat et il pouvait pas ouvrir un dossier pour le chat. Donc il a mis le prénom du chat avec mon nom donc il s’appelle Negresco D****** (rires de tout le monde). Comme ça ça lui a donné un nom de famille au chat ! Parce qu’informatiquement et administrativement comme c’est un produit qui doit être délivré avec une ordonnance, qui doit être rattaché au nom du patient, donc il a fallu lui trouvé un nom. Claire : C’est pas vrai ?! (rires) La mère : Oui. Claire : Bon il a pas de numéro de Secu encore. La mère : Seulement le chat a un prénom et un nom. C’est pas tout à fait faux. Le père : Ba il a pas de numéro de Secu mais il est pucé. Laura : Non il est pas pucé Negresco ! La mère : C’est Lilou et Minouch. Oui parce qu’à l’époque... Laura : T’as pas pucé Toutou parce que t’avais peur qu’un jour il se réveille pas. Claire : Toutou il est tatoué. La mère : Oui il est encore plus vieux donc à l’époque on ne pouvait pas le.... les puces électroniques ça n’existait pas. Claire : Non et puis il y a des risques. Vu le nombre de séquelles qu’il a eu... s’il doit passer sur la table il va jamais se réveiller. La mère : Oui on ne voulait pas prendre des risques inutiles. Claire : De toute façon quand on part à un endroit ou autre il reste toujours à proximité. La mère : Bon ils sont quand même assez possessifs les chats. Ier : Dans le sens qu’ils ont chacun leur personne ? Page 113 sur 127 Claire : Non et puis quand il y a un autre chat aussi. C’est leur territoire, on ne rentre pas dans leur territoire. La mère : Et puis, bon moins maintenant, mais quand ils étaient plus jeunes ils travaillaient en bande, ils chassaient en bande aussi. Claire : Ba ils protégeaient en bande. La mère : Ils protégeaient en bande. Laura : Oui ba quand on est allés à Marseille aussi. Avec le chat de mes cousins, ils étaient deux contre le chat de mes cousins. Parce qu’avant Lilou n’était pas encore là donc il y avait juste Negresco et Toulouse. En fait ils se battaient à deux contre heu... Claire : Ba les chats mais pas la chatte. La mère : C’est vrai qu’ils s’associent. Même les chats forment une famille en fait. Donc ils chassent ensemble... Claire : Ba beaucoup moins maintenant. La mère : Ils mettent la pattée ensemble (rires) Claire : Quoique j’attends toujours qu’ils mettent la pattée à Mimi parce que pour moi ils lui ont pas collé. La mère : Effectivement ils pourraient faire alliance contre la chatte Claire : Ba je pense que d’abord ils sont beaucoup trop vieux, Néné est pas en capacité physique de pouvoir coller ne serait-ce qu’une seule patoune sur la tête çà Mimi. Le père : Toutou il est trop vieux aussi Claire : Ba Toutou avec son arthrose, son Alzheimer, ça ne le fait pas Le père : Oui enfin de l’arthrose, c’est quand il a décidé d’avoir de l’arthrose, parce que quand il veut monter sur le canapé l’arthrose ça l’arrange bien là ! Parce que quand tu vois comment il se lève devant le bidon dehors pour aller boire, avec ses deux pattes devant qu’il pose sur le rebord, là il a pas d’arthrose ! (rires de tout le monde) Claire : Quant à Lilou c’est plus un problème psychologique. La mère : Ba Lilou il a peur. Par contre c’est vrai que les deux autres pourraient le protéger. Notamment Né... heu... Le père et Laura : Toulouse Claire : Je pense que Toulouse a pas envie de se battre. Tant qu’elle respecte son autorité heu... Le père : Non puis Toutou c’est un sage. Donc un sage ne se bat pas. Un sage est diplomate. Claire : Ouai il est diplomate quand ça l’arrange hein ! Le père : Ah ba sa diplomatie c’est ça aussi quelque part. Page 114 sur 127 Claire : Ouai ba quand il a besoin de dormir il est pas diplomate. Et quand il veut manger dans l’assiette de quelqu’un t’inquiètes pas ! Le père : Ah ba il a pas d’arthrose là ! Laura : Ba c’est Minouch plutôt qui pique dans les assiettes ! Claire : Maintenant oui. Laura : Elle pique dans ton assiette en plus ! Oui parce que c’est mon assiette comme tu dis. La mère : C’était quoi la question ? Ca part dans tous les sens. Ier : C’était les changements depuis l’arrivée des chats. Donc si j’ai bien compris c’est surtout l’arrivée de la dernière qui a un petit peu perturbé. La mère : Oui mais après à chaque arrivée de chat on s’est adapté ! Claire : Ba là elle s’adapte quand même ! Petit à petit l’oiseau fait son nid. Le père : [incompréhensible sur l’enregistrement] Claire : Ba elle fait quoi alors ? Le père : Ba je lui ai mis des croquettes, donc Toutou, patriarche, il lui a volé ses croquettes, et puis elle, elle a essayé de piquer la place de Lilou. La mère : Oui parce que chacun mange dans son bol. Le père : Donc elle l’a nargué, l’autre il est venu se réfugier ici, et elle s’est couchée en travers de la porte de la cuisine de façon à ce que Lilou ne puisse pas passer. Et quand Toutou a eu fini de manger ses croquettes, elle a été manger ses croquettes. Claire : Ba pourquoi crois-tu qu’elle s’amuse à faire ses griffes sur le devant de la porte ? Le père : Hum. Claire : C’est pas pour rien, avant c’était Lilou qui venait dormir dans ma chambre. Maintenant c’est propriété privée de Mimi, personne ne rentre. J’ai même plus la visite de Toulouse, ni de... Laura : En même temps ta chatte c’est Mimi Claire : Heu c’était quand même plus Lilou qui venait dans ma chambre. Il se mettait en travers du lit, il avait la lumière qui lui tombait dessus, il était pépère. Laura : Maintenant il vient dans MON lit ! Claire : Oui ba toi ça t’arrange Ier : Et sinon est-ce que vous avez l’impression que les chats ont joué un rôle particulier lors de moments difficiles, lors de crises ? Le père : Le chat confident (rires) on en parlait toute à l’heure justement. La mère : Je vous laisse parler. Page 115 sur 127 Claire : Ba c’est vrai que, par exemple, pour le divorce de mes parents, moi je me suis beaucoup plus après focalisée sur mes chats que sur les problèmes qu’il y avait. Donc j’ai apporté une plus grande attention, une plus grande affection pour mes chats.oui ils ont contribué à des moments de crises et autres. C’est comme quand on malade ils sont là, ils restent avec nous, ils se couchent sur nous littéralement même si on n’est pas bien. Mais je pense, qu’ils essaient de faire un maximum pour faire plaisir, à la fois à leur maître mais aussi à eux-mêmes. La mère : Hugo ? Hugo : Ba moi j’étais trop pas là pour... donc non pas spécialement. La mère : Oui mais avec ta chatte Canaille ? T’as eu un lien ou pas ? Non t’étais trop petit ? Hugo : Hum. La mère : Laura ? Laura : Ba moi aussi je me suis rapprochée des mes chats quand mes parents ont divorcé. Je me souviens quand je pleure ou quand je suis malade ils.... Claire : Ou quand t’es amoureuse aussi ! Laura : Je suis pas amoureuse ! (rires de tout le monde) La mère : Vincent ? Le père : Non pas spécialement. C’est vrai que c’est réconfortant mais de là à les... Ier : Pas plus qu’à d’autres moments ? Le père : Non pas plus qu’à d’autres moments, non. Après c’est vrai que le chat a un rôle thérapeutique qui lui est reconnu. Claire : Ouai enfin la dernière fois on a vu un truc sur le café, avant fallait pas boire de café parce qu’il y avait des problèmes cardiaques qui se développaient. Maintenant faut boire du café ça évite les problèmes cardiaques donc heu... Laura : Oui enfin il parait que les chats heu... Le père : C’est comme toute chose avec modération. La mère : Alors moi les chats je trouve que...enfin surtout mon chat, Toulouse, et avant c’était Caramel, c’est une source de réconfort, c’est une source d’apaisement, c’est un confident. J’ai l’impression que le chat aussi, quoique je fasse, il va pas me juger quoi. Il y a un amour entre le chat..., je ne me suis jamais fâchée avec mon chat. C’est une compréhension, alors des fois peut-être aussi que... Claire : Des fois on peut peut-être exagérer un peu aussi. Le père : Oui parce que ça c’est de la projection. Il n’y a pas d’amour entre ton chat et toi. Page 116 sur 127 La mère : Oui mais j’ai l’impression qu’il y a... comme un amour sans jugement, un... Enfin à chaque fois que j’ai eu des moments difficiles, alors c’est peut-être bizarre, mais j’ai l’impression que le chat se rapproche de moi. Par contre c’est vrai qu’on les voit plus dans les moments où on se sent en difficultés que dans les moments où c’est pour partager quelque chose de gaie, de joyeux. On va plus vers le chat, on trouve le chat plus dans les moments difficiles. Et c’est vrai que c’est un confident, un réconfort. Il est là, peu importe ce qui arrive, il est toujours là. Claire : Oui et puis c’est vrai que je trouve qu’ils pardonnent très facilement. La mère : Oui, ils nous aiment. Claire : Enfin des fois ils peuvent nous en vouloir mais ça ne reste jamais très longtemps. Ier : Et justement le fait qu’ils jouent ce rôle de soutien de manière individuelle, est-ce que vous pensez que ça rend l’atmosphère globale, dans la famille, plus apaisante ? La mère : Ca peut y contribuer, mais c’est vrai qu’on a tous aussi de fortes personnalités. Claire : Oui et puis on vit très... comment dire... on vit aussi à la mode des chats. C’est-à-dire qu’on fait chacun nos trucs de notre côté et tant que personne ne vient nous embêter tout va bien. Le père : Très indépendants, très autonomes. La mère : Oui on est très chats ! (rires de tout le monde) Claire : Oui ba c’est ce que je dis on vit comme les chats ! La mère : Mais c’est vrai que les chats sont des modérateurs, mais parce que c’est nous qui sommes à l’image des chats, ou les chats à notre image. Claire : Après c’est vrai que le fait qu’il y ait un chat par personne ça contribue à notre indépendance mais aussi au ciment dont tu parlais toute à l’heure (à sa mère). Je pense que si on n’avait pas ce mode de vie on n’aimerait pas autant les chats qu’on les aime actuellement. La mère : Oui et puis je pense que si on n’avait pas de chats on serait forcément différents. Claire : Oui c’est ce que je voulais dire. Ier : Et si vous aviez eu un chat ? La mère : Alors on a commencé par un chat Claire : Ba TU as commencé par un chat. La mère : Oui j’ai commencé par un chat. Claire : En fait j’ai l’impression qu’à chaque fois qu’il y a une nouvelle personne dans la famille, par exemple Laura ou moi, à chaque fois il y a eu un chat qui est venu. La mère : Mais c’est vrai aussi que... Page 117 sur 127 Claire : Regarde quand je suis arrivée il y a eu Toulouse, avant il y avait Berlioz et avant Caramel. Quand Laura est arrivée il y a eu... Laura : Personne. Claire : Ba si Lilou est arrivé quelques temps après. Laura : Ah bon ? Moi j’avais l’impression qu’il était déjà là quand je suis arrivée. La mère : Ah non. Après il y a eu Simba après Lilou. Laura : Non Simba je l’ai pas connu ! Claire : Mais si. La mère : A chaque fois que la famille augmente en fait heu... en humains, on augmente les chats ! (rires de tout le monde) Donc ça veut dire peut-être quelque chose même si on n’a jamais vraiment fait attention à ça. Le père : Oui c’est le hasard. Mais c’est pareil, moi j’arrive, je ramène le chat de ma grandmère. La mère : Oui t’as ramené ton chat. Claire : Qui est devenu mon chat. Le père : Oui mais ça, ça ne me dérange pas, c’est le chat de tout le monde ! Claire : Ah ba non c’est mon chat (rires de tout le monde) La mère et le père : On partage ! Laura : Enfin partager... c’est pas un objet ! La mère : Oui enfin... Laura : On vit en communauté ! La mère : Oui. Claire : Oui quand Minouch est avec moi vous pouvez venir avec moi il n’y a pas de souci. Laura : Oui enfin Minouch je ne suis pas trop attachée à elle. Le père : Ba moi je l’aime bien, moi. Ba je les aime bien tous les quatre. J’ai pas de préférence. La mère : Ba moi j’ai une préférence pour Toulouse. Le père : C’est vrai que c’est le seul qui te fait la fête quand t’arrives. C’est appréciable. Claire : Oui enfin des fois Toutou il te fait la fête parce qu’il n’y a plus de croquettes dans ses affaires. Le père : Oui mais ça je le sais vite fait, t’inquiètes pas ! Quand il commence à venir sauter, à commencer à avancer et qu’il m’emmène vers la cuisine, tu te dis tout de suite « oh il n’y a plus de croquettes » ! Page 118 sur 127 Claire : La seule qui vient me faire la fête quand j’arrive c’est Mimi ! Parce que les trois quarts du temps il y a le grelot qui arrive en trombe, et après qui me suit jusqu’à ma chambre. Laura : Quoique Lilou aussi quand je vais me coucher il vient, il monte, il miaule... La mère : C’est vrai qu’on a une relation privilégiée avec les chats. Parfois on est plus proche des chats qu’on n’est proche entre nous finalement. Claire : Après ça dépend des sujets. La mère : Oui mais ce lien privilégié que vous avez avec votre chat heu... c’est important pour vous de rentrer et que le chat vous attende, que le chat vienne dormir avec vous... heu... plus que moi finalement (rires) Le père : Oui ça fait partie d’un équilibre. La mère : Oui ça fait partie d’un équilibre. Claire : Non mais c’est vrai que moi je suis contente quand ils viennent me voir. Bon après c’est vrai que je ne suis pas contente quand il n’y a personne qui vient m’accueillir, c’est... c’est un peu frustrant on va dire. Le père : Ba oui c’est vrai que c’est frustrant pour tout le monde. Claire : Donc c’est vrai que maintenant que c’est Mimi qui vient toujours me voir, et que les autres ne viennent plus me voir, ne me disent plus bonjour... Laura : Oui mais ça c’est de ta faute. Claire : Non c’est pas de ma faute. Laura : C’est de la faute de ta chatte. Claire : Oui ba je vais pas non plus prendre la... La mère : Non, oui, on a besoin de chats. Claire : On ne pourrait pas vivre sans chats. Ier : Et toute à l’heure vous m’avez évoqué que c’était un soutien lors du divorce est-ce que vous pensez que ça a aussi été un soutien au moment où vos deux familles se sont réunies ? Est-ce que ça a pu aider ? Claire : Je dirais que c’est différent. C’est-à-dire que moi j’avais pas le même âgé quand mes parents ont divorcé et quand maman a rencontré Vincent, donc je n’ai pas vraiment ressenti une situation de crise. Donc je n’ai pas forcément cherché le réconfort d’un chat ou autre. Laura : Heu... Vous pouvez répéter la question en fait ? (rires de tout le monde) Ier : Je voulais savoir si les chats avaient été un soutien pour toi au moment où vos deux familles se sont réunies ? Page 119 sur 127 Laura : Un petit peu. Pas forcément quand Vincent a rencontré ma mère, mais aussi quand ma mère a rencontré d’autres personnes. Enfin avant j’étais plus petite donc... mais d’un certain côté oui. Ier : D’accord. Et toi Hugo ? Hugo : Moi non, pas spécialement. Ier : Et le fait par exemple que ton père ramène un chat de chez vous ? Hugo : Non. Le père : Non c’est vrai que la grand-mère tu la connais pas beaucoup. Hugo : Non. Ier : Tu ne connaissais pas ce chat avant ? Hugo : Non. Ier : D’accord. Et vous deux (au couple) ? La mère : Heu... est-ce que ça a été un soutien... heu... Je pense que du fait que... Ba t’aimes les chats (à son compagnon) Le père : Oui. La mère : Si t’aimais pas les chats je pense que ça n’aurait pas été possible. Le père : Ils le sentent aussi. Ils m’ont adopté très vite. La mère : Maintenant moi j’ai plus eu besoin de chats quand j’ai divorcé, que quand on recrée quelque chose. Par contre recréer quelque chose avec quelqu’un qui ne partagerait pas heu... Le père : Les chats La mère : Les chats. Heu... ce ne serait pas possible. D’ailleurs je me demande pourquoi je me suis mariée. Parce que quand je me suis mariée, mon mari n’aimait pas les chats. Il m’avait dit « ce sera moi ou le chat ». C’était Caramel. J’ai dit « je garde le chat ». Il est resté quand même. Mais heu... non je crois que heu... oui il faut vraiment que la personne aime les chats, ait le même mode de vie. Claire : Ba faut dire que le mode de vie qu’on a se voit à la fois à travers les chats mais aussi à travers la maison. C’est-à-dire qu’on est quand même très indépendant, on a notre univers chacun, on est une maison qui est composée finalement de plusieurs cubes qui s’emboitent les uns dans les autres. Le père : Il y a des sous-ensembles. La mère : Ils ont facilité les choses dans le sens où tout le monde partage, plus ou moins de façon importante, toi t’as pas un attachement aussi important que nous avec les chats (à son compagnon). Tu peux vivre sans les chats. Page 120 sur 127 Le père : Ah je sais pas si je pourrais vivre sans chat. Claire : Ba t’as dit que tu pourrais vivre sans les chats. Le père : Ba à une époque oui, parce que... Claire : Oui mais tu t’es contredit par rapport à toute à l’heure, Vincent. Le père : Ba c’est parce que je ne savais pas ce que c’était qu’un chat. Effectivement si j’avais eu un animal, si j’avais dû choisir un animal, j’aurais préféré prendre un chien. Mais maintenant que je connais le chat et que je vois comment il agit, je préfèrerais prendre un chat. Claire : Mais n’empêche que tu t’es contredit par rapport à toute à l’heure, quand on a demandé si tu pouvais vivre sans chat. Tu as répondu oui. Le père : A une époque, oui. J’aurais dû préciser à une époque. Claire : Voilà. Le père : Maintenant je ne pense pas que je pourrais vivre sans chat. La mère : Ba ça a été des facilitateurs dans le sens où il faut partager le même goût. Et peutêtre aussi, pour revenir à l’interrogation que je me suis posée au préalable, autant on peut faire des concessions lors d’une première rencontre, autant on ne fera pas les mêmes et on ne renoncera pas à certaines choses, lors d’une recomposition. Donc les chats ayant toujours été là, dans les bons moments comme dans les mauvais moments, s’il avait fallu choisir, ça aurait été les chats. Ier : D’accord. La mère : Non mais je pense que le fait que tu aies trouvé ta place parmi les chats (à son compagnon), a facilité les choses, quoi (rires). Claire : Ba toute façon les chats sont beaucoup plus fidèles à mon avis que les humains. Donc on peut leur faire confiance, donc heu...comme tu l’as dit ils sont toujours là. Alors qu’une personne humaine, ça dépend de son humeur, ça dépend des sentiments, ça dépend comment elle vit. Enfin ça dépend de beaucoup plus de critères, qu’un chat qui vit avec toi, qui partage les mêmes goûts que toi... Ba tiens voilà Lilou qui descend ! La mère : C’est vrai que les sentiments qu’on a vis-à-vis de nos chats sont forts. Il ne pourrait pas rentrer quelqu’un, il ne pourrait pas... une autre personne ne pourrait pas avoir sa place si elle était en opposition avec les chats, ou si les chats ne l’aimaient pas non plus. Claire : Quoique les chats ils aiment très peu... enfin ils aiment beaucoup de personnes mais il y a beaucoup de personnes qui les supportent. Bon à part papa parce que lui il était violent avec eux mais bon... (en parlant de Lilou) Tiens tu vas voir qu’il va partir et...(elle appelle Lilou). Page 121 sur 127 La mère : Oui c’est vrai qu’on peut dire que c’est un élément... Claire : D’adhésion. La mère : D’adhésion. Claire : Ils font partie de la « Check Point » (rires de tout le monde) La mère : Oui ça serait ça : « Aime les chats », c’est éventuellement possible, « n’aime pas les chats » c’est rédhibitoire (rires de tout le monde). Ier : D’accord. La mère : Mais c’est vrai. D’autant plus que les chats ont une grande importance aussi dans la famille. Ier : D’accord. Donc là je vais m’adresser aux enfants, est-ce que les chats ont joué un rôle dans votre fratrie ? Claire : Alors je dirais qu’avec ma sœur heu..., bon Hugo c’est différent parce qu’il est beaucoup moins présent, les chats sont à la fois source de conflits et source d’entente. C’està-dire que, bon j’aime beaucoup les chats, j’aime même passionnant les chats, mais c’est vrai que je n’aime pas spécialement prêter les chats. Donc comme ma sœur aime à peu près les mêmes chats que moi, ce fut assez compliqué comme par exemple avec Lilou. Donc ce fut source de conflits. Mais maintenant que chacune a son chat la vie est belle, mais heu... c’est vrai qu’en même temps on va jouer avec les chats, heu... Moi j’ai toujours vécu avec des chats, j’ai de très bonnes anecdotes avec des chats. Enfin je n’ai pas le souvenir que les chats aient été violents avec moi, qu’ils m’aient griffée ou autre. Donc les chats jouent un rôle à la fois dans la relation que j’ai avec ma mère, mais aussi dans la relation que j’ai avec ma sœur. Ier : D’accord. Et est-ce que tu peux préciser ? Claire : Alors d’abord ma mère a son chat, que j’aime beaucoup mais qui est...comment dire... qui n’est pas du tout éduqué. Donc heu... ça peut être à la fois source de conflit ou autre, comme il y a de très bonnes anecdotes avec Toulouse, comme par exemple le poulet entier qui a disparu de la table. Mais c’est vrai que si Toulouse n’avait pas été là, les relations avec ma mère ne se seraient pas non plus améliorées. C’est-à-dire que quand j’étais plus jeune ma mère et moi n’étions pas forcément d’accord, bon. Ma sœur est arrivée plus tard, d’abord je voulais un frère, j’ai eu une sœur à mon grand désarroi au départ, maintenant j’ai une petite sœur que j’aime beaucoup. Mais c’est vrai que toute petite aussi les chats venaient dans la chambre de ma sœur heu... donc c’est vrai que je partageais quelque chose avec Laura, surtout qu’elle aime aussi les chats. Si elle n’avait pas aimé les chats on se serait surement beaucoup moins bien entendues. Mais oui je pense que les chats ont vraiment contribué dans le ciment, comme tu disais, de la famille. Page 122 sur 127 Ier : Vous avez un centre d’intérêt commun ? La mère : Ba au-delà du centre d’intérêt commun, je pense que c’est aussi heu... même si le terme est très fort, c’est une personne qui compte. Ier : Et avec Hugo ? Claire : Alors d’abord Hugo est arrivé beaucoup plus tard, je n’étais peut-être pas dans la même optique, c’est-à-dire que bon Vincent avait des enfants, bon il n’en aurait pas eu ça m’aurait fait ni chaud ni froid, bon après il a eu des enfants donc je m’entends très bien avec Hugo. Mais c’est vrai qu’Hugo n’a pas comment dire... il peut très bien vivre avec ou sans chats. Donc ce n’est pas un lien que j’ai avec lui. Par contre c’est quelqu’un qui aime cuisiner et comme moi j’aime cuisiner je vais avoir plus d’interactions avec lui. Mais le chat n’a pas contribué dans ma relation avec Hugo. La mère : Laura ? Laura : Ba heu... c’est vrai que les chats nous ont rapprochés, bon peut-être pas de ma sœur (rires de tout le monde), mais plus de ma mère. Claire : Merci. Laura : Ba non mais toi j’ai joué avec toi quand on était petites alors qu’avant je ne jouais pas trop avec elle (en parlant de sa mère), même carrément pas. Mais toi j’étais quand même assez proche de toi donc les chats ne nous ont pas aidées. Par contre des fois c’est sujet de... Claire : De désaccord. Laura : Voilà. Mais avec Hugo, non je ne pense pas que les chats nous aient rapprochés. Ier : Vous ne partagez pas tous les trois des moments avec les chats ? Claire : Ba si par exemple quand on est devant la télévision. Il y a des moments où c’est amusant aussi, par exemple je vois l’autre fois on jouait à la Wii et il y avait des images qui défilaient, et je revois encore Lilou qui mettait sa patoune dessus et qui pensait qu’il pouvait l’attraper. C’est amusant mais les chats viennent sans pour autant imposer leur présence pendant ces moments-là. Ier : D’accord. La mère : Oui et puis toi t’as pas d’attirance particulière pour les chats (à Hugo) Hugo : Non. Je peux vivre sans ou avec, ça me dérange pas. La mère : Donc c’est vrai que ça ne crée pas de liens aussi forts. Et puis on est dans une famille où la recomposition n’est pas finalisée, n’est pas totale. C’est vrai qu’on ne partage pas la même passion du chat. Et puis c’est plus difficile aussi dans le sens où Hugo est là en garde alternée. Le père : En pointillés. Page 123 sur 127 La mère : Donc il est en pointillés. Donc heu... je pense que la recomposition d’une famille est plus facile lorsque tout le monde vit sous le même toit tout le temps. Le système que vous avez, en garde alternée, fait que toi t’es là en pointillés, tu cherches ta place. Hugo : Oui. La mère : Heu... alors peut-être aussi ta place parmi les chats. Hugo : Oui. La mère : Aussi (rires). T’es en conflit avec les chats (rires). Donc heu... Le père : Oh ba il s’entend bien avec les chats La mère : Oui mais sa préoccupation au départ c’est déjà aussi de trouver sa place Le père : Oui de trouver sa place avant tout. La mère : Donc on est dans une problématique qui est différente. Et puis c’est vrai aussi que vos relations sont en pointillés (à ses enfants). Vous n’avez pas développé quelque chose heu... sur du long terme. C’est difficile, quoi. Enfin je ne sais pas comment toi tu perçois (à Hugo) ? Hugo : Oui, si c’est comme ça. La mère : Ba c’est comme ça heu... on fait avec heu... on compose avec les éléments qu’on a. mais je pense que pour toi c’est difficile comme t’arrives en pointillés déjà dans la maison, il faut que tu trouves ta place : « Qu’est-ce que je fais ? Je ne sais pas quoi faire. » Alors que Laura et Claire sont tout le temps là. Donc heu... Le père : Et puis elles sont autonomes La mère : Elles sont autonomes c’est plus simple. Alors qu’Hugo sa première préoccupation c’est de trouver sa place. Hugo : Oui je tourne en rond (rires) La mère : Tu tournes en rond. Après les chats, t’as des affinités mais peut-être pas autant, Hugo : Non. La mère : T’es pas très chat. Hugo : Hum si d’un côté, pour jouer. La mère : Oui mais... Claire : Enfin c’est pas la même chose. La mère : Oui mais nous on est... on est assez... bon je vais mettre le terme entre guillemets, mais nous on est assez « fusionnels » avec nos chats. Chose que vous ne partagez pas, même toi Vincent. Je veux dire nous cette fusion qu’on a avec le chat on l’a tout le temps eu. On a vécu des années avec les chats, on a partagé avec les chats, nos chats sont peut-être plus membres de la famille pour nous, que pour vous. Page 124 sur 127 Hugo : Oui. La mère : Que vous, vous êtes arrivés après. Le père : Oui, oui. Et puis ça ne fait pas longtemps non plus, deux ans sur une vie c’est pas grand chose. La mère : Oui. Mais c’est vrai que comme vous n’avez pas forcément la même passion pour les chats (à ses enfants), le chat finalement il est neutre dans vos relations. Non ? Claire : Il y intervient pas, ce n’est pas un élément déclencheur. La mère : C’est neutre. Hugo : Oui. La mère : C’est neutre. Est-ce que vous êtes d’accord avec ça ? Claire : Oui. Je dirais même plus qu’il est extérieur. La mère : Et puis je pense que vous sentez plus que ce sont « mes » chats, « nos » chats, que pour toi à la limite ce sont « des » chats. Hugo : Oui. Ier : Et quand tu dis que tu joues avec eux, tu es tout seul dans ces moments-là ? Hugo : Oui des fois, de temps en temps ça m’arrive. Ier : Ce ne sont pas des moments de jeux que tu partages avec tes sœurs ? Hugo : Non. Ier : D’accord. (un chat passe) Ier : Donc celui-là c’est lequel ? La mère : C’est Toulouse. Et Lilou c’est... Claire : Ba c’est le petit blanc. La mère : Et Minouchka elle n’est pas venue ? Claire : Non non elle est dans ma chambre. La mère : Ah ba on va lui la présenter. Le père : Tu vas apporter la miss quand même. (Claire part chercher Minouchka à l’étage) La mère : Mais c’est vrai qu’on est en recomposition, on n’est pas recomposés. D’ailleurs si vous avez fait attention, quand vos avez dit « avec tes sœurs », Laura n’a rien dit mais il n’y a pas de sentiment de fraternité. Ier : D’accord. La mère : Tu ne te sens pas frère ou sœur avec heu... ? Hugo : Non. Page 125 sur 127 Ier : D’accord. (Lilou passe) Le père : Tien mon Loulou ! Hein mon Loulou ! (Claire revient avec Minouchka) La mère : Donc voilà les deux opposées. Non tu ne la mets pas sur la table ! Claire : Toute façon elle n’aime pas être prise dans les bas. La mère : Les deux ennemis (rires de tout le monde) Le père : Regarde il est mort de trouille ! (rires) La mère : Oui (rires) Claire : Et puis là elle était en train de dormir sur mon lit donc « cause toujours tu m’intéresses » Le père : Elle ne va pas te croquer Loulou ! Claire : Non mais Loulou il a peur de tout. Ier : Bien et ba écoutez moi je n’ai plus de questions à vous poser dons si vous voyez encore quelque chose à me dire sur la place des chats au sein de votre famille ? Claire : Ba je pense qu’on a fait le tourde la question. La mère : Oui. C’est.... ce n’est pas central mais ils comptent autant que chacun d’entre nous. Ier : D’accord. Et bien je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé. Page 126 sur 127 RÉSUMÉ/ABSTRACT En 2010, 48,7% des foyers français possédaient au moins un animal de compagnie et ce sont les familles de trois personnes et plus qui possèdent la plus forte proportion de chats et de chiens. Comment expliquer de tels chiffres ? Nous basant sur une approche systémique de la famille, nous avons émis l’hypothèse que l’animal de compagnie participait à l’autorégulation du système familial. Nous avons rencontré trois types de famille (une famille recomposée, une famille monoparentale et une famille nucléaire « stable ») de trois enfants possédant un ou plusieurs chats. Nous les avons interrogées sur la place qu’occupe leur animal au sein de leur famille et sur les relations qu’elles entretiennent avec lui. Les résultats de notre travail ont alors montré que l’animal de compagnie participe au maintien de l’équilibre du système familial car il favorise son adaptation lors de crises et de transitions difficiles, augmente les interactions positives entre les membres et permet à la famille de s’organiser autour de rôles et de règles bien définis. De tels résultats interrogent donc sur l’intérêt d’une prise en compte de l’animal de compagnie dans les thérapies familiales systémiques aujourd’hui. Mots clés : liens homme-animal, animal de compagnie, système familial, autorégulation, thérapie familial In 2010, 48.7% of French households owned at least one pet and families of three or more people are the ones with the highest proportion of cat and dogs. How to explain such figures? Based on a systematic approach of the family, we hypothesized that pets were involved in the self-regulation of family system. We met three kinds of families (a reconstituted family, a single parent family and a “stable” nuclear family) with three children and one or several cats. We interviewed them on the role played by their pets in the bosom of their family and on the relationships they have with it. The results of our work showed that the pet is involved in the preservation of the balance of the family system because it favors its adaptation during crises and during difficult transitions, it increases the positive interactions between the members and it allows the family to get organized around roles and around welldefined rules. So, such results leads to question about the interest of taking into consideration pets in systemic family therapies nowadays. Keywords : Human-Animal Bonds, Pets, Family Systems, Self-Regulation, Family Therapy Page 127 sur 127