Télécommunications

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Télécommunications
SERVICES
La grande bataille du portail
L'Internet accessible depuis un mobile constitue l'un des enjeux majeurs des
prochaines années.
Comment l'internaute mobile pourra-t-il naviguer sur la Toile ? Son accès sera-t-il ouvert à tout
l'Internet ou restreint à un bouquet de services limité ? La question s'était posée lors de l'apparition
des services en ligne (AOL, Infonie...). Elle se repose aujourd'hui avec l'apparition des premiers
services WAP et elle est au centre d'importants enjeux financiers pour tous les acteurs du secteur :
constructeurs de téléphones mobiles, opérateurs, distributeurs, éditeurs de contenus... Chacun veut
bien entendu une part des revenus importants que fournira l'accès Internet mobile. Pour cela, il faut
vendre ses services à l'utilisateur. Ceux qui n'ont pas de lien direct avec le client (éditeurs de
services, voire constructeurs) sont désavantagés. Ils seront donc tentés de court-circuiter l'opérateur
pour avoir un accès direct à l'utilisateur. A l'inverse, ceux qui disposent d'un lien direct avec le client
(l'opérateur mobile, voire le distributeur) sont mieux placés.
Pour eux, l'idéal serait évidemment de ne proposer que leurs propres services en reproduisant un
modèle ressemblant à celui du Minitel où France Télécom percevait la moitié des revenus et
contrôlait la relation client. Toutefois, personne n'ose prôner ouvertement une restriction à un
bouquet propriétaire. Cela semblerait une hérésie en comparaison de l'accès Internet sur PC.
Toutefois, il est techniquement possible de WAP LOCKER (verrouiller) un téléphone, c'est-à-dire de
le restreindre à un seul menu de services WAP.
L'AFIM (Association Française pour l'Internet Mobile) qui vient de se créer pour défendre un accès
ouvert, a écrit à l'ART (Autorité de Régulation des Télécoms) et au Conseil de la concurrence pour
attirer leur attention sur ce verrouillage. Nous soupçonnons Itinéris d'avoir demandé heureusement en vain –un tel verrouillage aux constructeurs, dit son président, Sébastien
Crozier, par ailleurs directeur associé d'Internet Telecom, start-up proposant des services WAP.
L'opérateur de France Télécom nie et assure qu'il ne fera JAMAIS une telle chose. SFR indique qu'il
n'est pas aujourd'hui possible d'accéder à d'autres services WAP que ceux du bouquet pré-WAP
(pas encore conforme au standard WAP) de la filiale de Cegetel (baptisé E.MEDIA).
Le verrouillage a priori exclu
Mais au printemps Vivendi et Vodafone lanceront leur portail mobile MAP (Multi Access Portal),
qui permettra à l'utilisateur d'aller à n'importe quelle adresse. MAP permettra bien sûr d'accéder à
tous les services Internet, assure Richard Lalande, directeur général adjoint de Cegetel. Enfin,
Bouygues Telecom se déclare favorable à la plus large ouverture et n'a pas l'objectif de
verrouiller. Mais si tout le monde se mettait à le faire, nous pourrions être contraints de
suivre le marché.
Même si le verrouillage complet est exclu, il n'est pas encore évident d'accéder à des services WAP
autres que celui de l'opérateur. Premier moyen : pré programmer le terminal, c'est-à-dire installer un
portail WAP par défaut. Une opération qui peut être effectuée par l'opérateur, mais aussi par tous
ceux entre qui passe l'appareil avant sa vente. Cela peut être le constructeur, mais il se retrouve ainsi
en concurrence directe avec l'opérateur mobile, qui est son principal client. Cela calme donc leurs
velléités. Nokia a installé un portail baptisé CLUB NOKIA , qui se limite à des informations sur ses
produits. De plus, le finlandais va aussi lancer son propre bouquet WAP cette année, mais
uniquement dans le cas où l'opérateur ne lance pas le sien.
Autre intermédiaire : le distributeur. Ainsi, THE PHONE HOUSE va lancer ce printemps son propre
bouquet, développé par Internet Telecom. Les acteurs (éditeurs de services...) qui n'ont pas la
chance de voir le portable passer entre leurs mains peuvent quand même proposer leurs services.
Pour cela, il faut le reprogrammer. Concrètement, l'éditeur envoie un message court (SMS) au
téléphone, puis l'utilisateur effectue une petite manipulation - il suffit d'appuyer sur trois
touches, explique Sébastien Crozier. Alors, un nouveau menu de services WAPs'ajoute à ceux pré
installés. C'est la solution choisie par une série de start-up pour fournir leurs services WAP. Mais le
nombre de bouquets est limité, souligne un opérateur mobile. Notre crainte est que notre propre
menu disparaisse in fine, ce gui pourrait nous contraindre à verrouiller le terminal.
Demain, sera-t-il aussi possible de remplacer le portail de l'opérateur en installant une autre page
d'accueil ? MAP sera le portail par défaut, répond Richard Lalande chez SFR. Il sera possible
d'accéder à un autre portail en tapant son adresse. Mais la plupart des gens - et ce sera là
notre avantage - conserveront MAP car ce sera la solution la plus simple. En résumé, les
opérateurs mobiles, même s'ils accordent une certaine ouverture, entendent garder le contrôle de la
page de démarrage. Leur pari est que peu d'utilisateurs la changeront, et qu'ils garderont ainsi
l'essentiel des revenus.
© Jamal HENNI, Les Echos – Avril 2000