Droit foncier des communautés locales en R.D.C (1/5)

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Droit foncier des communautés locales en R.D.C (1/5)
Agriculture • Économie • Forêt • Environnement • Société
Droit foncier des communautés locales en R.D.C (1/5)
L’agriculture en étau entre exploitation minière et préservation des forêts
du fleuve Congo.
Mots clés : foncier, communautés locales, accès à la terre, accaparement des terres, certificats collectifs, affaires foncières
Réflexion menée sous la direction des experts du Forum des Amis de la terre (FAT), de la Confédération des
producteurs agricoles du Congo (CONAPAC), des Ministères du Développement Rural et de l’Agriculture et du
Développement Rural, de l’ONG RCN « Justice&Démocratie », et de la coalition « Agricongo » avec SOS FAIM,
VREDESEILANDEN.
Auteur(s) : Alain Huart(a) • Malembe Simplex(b) • Paluku Mivimba(c) • Florence Liegeois • Clara Van Reeth
et Hubert Nzakimuena(d) • Isabelle Manimben(e) • Aurore Mansion(f) • François Cajot(g) •
­Paulin ­Ossit(h) • Étienne Bisimwa(i) • Mtre Itole(j) • Oumar Sylla(k)
Date de publication : Février 2013
Catégorie(s) : Agro-foresterie • Savoir-faire paysans • Foncier • Politique agricole, planification,
­décentralisation, recherche scientifique • Forêts communautaires •
Services agro-­environnementaux, agriculture de conservation • Organisation
des ­producteurs agricoles, CONAPAC paysans, FEC • Appui, aide au développement
Province(s) : K
inshasa • Bandundu • Équateur • Province Orientale • Nord-Kivu • Sud-Kivu •
Maniema • Katanga • Kasaï-Oriental • Kasaï-Occidental • Bas-Congo
Partenaire(s) : Alliance AGRICONGO • SOS FAIM • Justice et démocratie
Nombre de pages : 5
Identification : F-EPCJ-A4.6-E1.2-N4-S1.5-1
En 2012, la communauté internationale a adopté de nouvelles recommandations avec une série de textes ciblant le problème des acquisitions massives et de l’accaparement des terres en Afrique. Les organismes spécialisés qui ont acquis une
expérience spécifique à la RDC ont un grand rôle à jouer en faveur d’un processus ouvert et interministériel autour du leadership
du Ministère des affaires Foncières.
Enjeux stratégiques sur la terre, en RDC ; stimuler l’agriculture paysanne est la clé du développement de la RDC ; mais le dossier bloque le développement du milieu rural congolais ; aménagement du territoire, zonalge, superposition des cadastres ; les
solutions pour la sécurisation foncière des communautés locales.
1. E
njeux stratégiques
sur la terre, en RDC
Photo sur la problématique foncière
dans les hautes terres.
(a) Expert renforcement institutionnel auprès du ministère
du Développement rural, avec l’appui de l’Agence belge
de développement.
(b) Secrétaire Général du FAT, Forum des amis de la terre.
(c) Président de la CONAPAC.
(d) RCN Justice et démocratie.
(e) C
CFD, Comité Catholique Contre la Faim et pour le
Développement.
(f) GRET.
(g) SOS Faim, membre de la coalition AGRICONGO.
(h) Coordonnateur des Conseils agricoles de gestion, CARG,
Ministère de l’Agriculture de la RDC et secrétaire de la
commission d’élaboration des textes réglementaires de
la loi fondamentale agricole.
(i) Secrétaire Général de la confédération des organisations
paysannes du Congo.
(j) Conseiller juridique du Ministre de l’agriculture sur la loi
fondamentale agricole.
(k) UN Habitat, projet de médiation foncière au Nord Kivu.
Sécuriser le foncier des communautés
locales en RDC est une tâche qui aurait dû
commencer à se réaliser il y a 40 ans, à la
date de promulgation de la loi foncière, qui
a reconnu légalement les droits coutumiers
des communautés locales. Comme cette
loi n’a pas été suivie de textes d’application (art. 389), jusqu’à présent, les droits
fonciers coutumiers ne peuvent ni être
enregistrés, ni titrés(1). En dépit d’une
conscientisation continue des organisations
paysannes, il a fallu attendre l’adoption de
la Constitution (article 34, 56 et 57), ainsi
que de la loi fondamentale agricole en 2012
pour ouvrir enfin des pistes de solution juridiques pour clarifier le « désordre foncier »,
un paradoxe qui s’est installé dans un pays
où moins de 10 % des terres sont mises en
(1) Augustin Mpoyi, étude sur le cadre d’analyse de la gouvernance foncière en RDC, Février 2013.
valeur. La difficulté de fixer les populations
sur les terres dont la RDC regorge, est devenue un facteur récurrent d’instabilité dans
les campagnes.
Les conflits à l’Est de la RDC. À forte
composante foncière, les conflits, principalement en Ituri et au Kivu ont contribué
à la prise de conscience sur l’importance
de la « bombe à retardement foncière ».
En effet, sans règles foncières claires, il est
difficile de fixer et sécuriser des populations
déplacées ; il n’y a pas non plus de place
pour un processus durable de démobilisation
de jeunes ou d’anciens soldats. Cette situation de l’Est de la RDC a amené la communauté internationale à jouer le rôle de pompier par des actions d’appui à la résolution
des litiges fonciers (UN Habitat, RCN Justice
et Démocratie,…). Entretemps, les solutions
durables attendent, et les producteurs agricoles les proposent par la voix de leurs organisations. Les paysans sont également prêts
à s’impliquer dans l’intégration de démoEcocongo • 1
Agriculture • Économie • Forêt • Environnement • Société
bilisés et de populations déplacées. C’est
notamment le cas au Nord Kivu, région où
les organisations paysannes sont très dynamiques.
Sur le front climatique et des émissions de
gaz à effets de serre, la RDC monte au premier plan de l’agenda planétaire : préserver
le deuxième massif forestier de la planète
est devenu une priorité climatique mondiale.
Pour cette raison, la sécurisation foncière
des terres des communautés locales paysannes en RDC intéresse de plus en plus les
organisations nationales et internationales
de protection de l’environnement ainsi que
les gouvernements de pays avancés sur le
front climatique. Il n’y aura pas de solution
durable pour protéger le poumon vert que
représente la forêt congolaise, ni pour sortir de l’insécurité alimentaire chronique qui
caractérise la RDC, sans un règlement cohérent de la propriété foncière des communautés locales et des populations autochtones.
Pour réduire les émissions de gaz à effet de
serre, il est nécessaire que les paysans abandonnent progressivement l’agriculture itinérante sur brulis qu’ils pratiquent aujourd’hui
massivement, en intensifiant et diversifiant
leurs cultures : cela induit des projet de
reforestation, privilégier l’agro­foresterie,
étendre l’agriculture de conservation et
généraliser les pratiques de gestion de fertilité de sols. Ceci induit forcément des
investissements plus onéreux, auxquels les
financements liés à la REDD devraient apporter des réponses. Pour ces raisons, la coordination REDD en RDC a intégré la sécurisation
foncière des communautés de base, comme
l’un des piliers de sa stratégie(2).
2. Stimuler l’agriculture
­paysanne est la clé
du ­développement
de la RDC
L’objectif du Gouvernement et de ses
partenaires, est de faire sortir la RDC du
rang qu’elle occupe, soit la dernière position du classement IDH et faire « bouger »
les agrégats macro-économiques et autres
indicateurs de pauvreté. Les objectifs du
(2) Modernisation et sécurisation foncière : document
d’orientation publié en Novembre 2010 par le Ministère
des Affaires foncière, le Ministère de l’Environnement,
le Coordination nationale REDD, définissant les lignes
directrices d’un programme REDD+ dans le domaine
du foncier, premier pas dans l’élaboration du cadrage
détaillé, pour favoriser un échange entre la RDC et ses
partenaires internationaux en vue de mobiliser des
financements REDD+.
2 • Ecocongo
millénaire pour le développement(3), illustre le
défi que les partenaires
techniques et financiers
de la RDC se sont assignés, avec l’appui des
règles énoncées par la
déclaration de Paris.
L’impact de la coopération au développement, tous bailleurs
confondus, dans le secteur agricole et développement rural en
RDC, ne pourra pas être
consistant ni quantifié,
si on ne prend pas des
mesures qui peuvent
toucher
la
grande
majorité des producteurs. Il faut répondre
aux exigences des communautés locales : faire
évoluer la sécurité foncière des communautés
locales paysannes.
Avec la montée en
puissance des enjeux
climatiques, les pratiques paysannes des
pays du Sud apparaissent de plus en plus
comme la façon la plus écologique, durable
et résiliente de mettre en valeur les terroirs et de protéger la planète. Les pauvres
sont majoritairement des petits paysans
du Sud, et avec des moyens rudimentaires,
ils produisent 42 % de la production mondiale. Leurs pratiques agricoles permettent
de mieux protéger le sol de l’érosion, rétablir, maintenir ou augmenter sa fertilité :
ceci se réalise par les techniques de l’agriculture écologique et en particulier l’agroforesterie. Les organisations paysannes congolaises veulent intensifier leur production.
Pour ce faire, elles mettent en avant la sécurisation foncière, leur principale revendication(4). En effet, les communautés paysannes
locales ont du poids ; elles représentent plus
de 7 millions de ménages agricoles en RDC,
soit 2/3 de la population et assurent 95 % des
productions agricoles de RDC.
Le rapport IAASTD, finalisé en avril 2008,
a fait le point sur la contribution des
connaissances, sciences et technologies
(3) Rigo Gene secrétaire national du Conseil national des
ONGD et président du comité sur les OMD.
(4) Consulter la Voix du paysan congolais.
agricoles (ASKT) à la réduction de la faim
et la pauvreté, mais aussi à l’amélioration
des moyens de subsistance en milieu rural et
la promotion d’un développement écologiquement, socialement et économiquement
rationnel. L’analyse IAASTD a été construite
sur un mode consultatif, participatif et multi
acteurs tout à fait innovant. 1400 experts
internationaux du Nord et du Sud, choisis
par les gouvernements et la société civile,
concordent sur l’importance de l’agriculture
paysanne(5) et sur le constat que l’agriculture,
multifonctionnelle, doit faire l’objet d’approches spécifiques et adaptées en fonction
des contextes. Le rapport IAASTD(6) démontre
que c’est chez les petits paysans qu’il y a
les plus grandes marges d’amélioration pour
une agriculture mieux adaptée aux changements climatiques. Ce sont eux qu’il faut
encadrer, pour qu’ils produisent plus mais
en respectant l’environnement, les sols. En
(5) Virginie Pissoort - SOS FAIM Belgique, Mai 2009.
(6) IAASTD (International assessment of agricultural science
& technology for development), rapport de 2000 pages
sur l’état de l’agriculture dans le monde, rédigé dans
la foulée d’une grande réunion internationale, qui’ s’est
tenue en avril 2008 en Afrique du Sud, avec pour objet
d’évaluer les sciences et techniques agricoles. Rédigé
à la demande de la FAO et de la Banque Mondiale, il est
le fruit de la participation de 800 représentants des gouvernements, des secteurs agricoles et des universités.
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RDC, ils produisent plus de 90 % des produits
agricoles ; dès lors, il faut réorienter une
recherche agronomique congolaise depuis
longtemps trop axée sur quelques grandes
cultures, vers les savoir-faire paysans. Il faut
plutôt renforcer cette agriculture durable
qui satisfait les besoins des consommateurs
locaux en assurant de nombreux emplois,
et en protégeant l’environnement. » Si les
paysans congolais ont potentiellement en
main la réponse la plus appropriée et pour
assurer un avenir à la RDC en tant que puissance agricole régionale émergente qui préserve son environnement, il faut répondre de
façon appropriée à leurs besoins pour réaliser un objectif aussi ambitieux.
Le renforcement et la réorientation de la
production et la diffusion des AKST (connaissances, sciences et technologies agricoles)
ont un impact bien au-delà de la production
agricole, puisqu’ils vont contribuer à résorber les inégalités socioéconomiques persistantes, en réduisant les risques de conflits;
en résolvant les problèmes et en exploitant
les opportunités liés aux flux migratoires
nationaux ; et en facilitant l’accès à l’information, l’éducation et aux technologies pour
les zones et les populations pauvres, en particulier les femmes. Un tel défi requiert un
engagement total, ouvert et transparent de
tous les acteurs.
Les options politiques qui permettraient de
faire face aux crises et de jouir de la sécurité et la souveraineté alimentaires incluent
un contrôle démocratique accru (aux niveaux
local, national, régional) et la participation
du secteur public à l’élaboration de la politique agricole, notamment par l’autonomisation des organisations paysannes, des
gouvernements et des blocs commerciaux
régionaux. D’autres mesures politiques
consistent à améliorer la sécurité foncière
et l’accès à la terre, au matériel génétique
et à d’autres ressources…
3. M
ais le dossier foncier
bloque le développement
du milieu rural congolais
Le paysan est la clé du développement de
la RDC et pourtant aujourd’hui, il n’a rien
pour lutter à armes égales pour sécuriser sa
terre contre de potentiels acquéreurs, ce qui
le contraint à se limiter à une stricte agriculture de subsistance.
Le certificat d’enregistrement n’existe pas
pour le paysan congolais : si la loi foncière
congolaise reconnaît le droit des petits paysans sur les terres qu’elles occupent, elle
ne leur formalise pas de titre ni de certificat d’enregistrement. Les propriétaires de
la terre sont les chefs de terre : ils ont pris
l’habitude de la vendre, le plus souvent de
les louer, un phénomène de
mise en location (les beaux
à ferme) dont ils sont les
uniques bénéficiaires.
Pris entre « le marteau de
l’État et l’enclume des
chefs de terre », les paysans se sentent de plus en
plus menacés : « Nous vivons
dans une insécurité permanente en milieu rural suite
aux pressions foncières ;
nous ne sommes pas propriétaires des terres sur
lesquelles nous travaillons.
La loi foncière congolaise
reconnaît la propriété foncière à la seule personne
qui possède le titre de propriété foncier (certificat
d’enregistrement) mais 99 %
de petits producteurs n’ont
pas de titre foncier sur les
terres qu’ils exploitent.
Nous perdons ainsi au jour
au jour notre capital terre
au profit des plus nantis qui
ont la capacité de concentrer les moyens de production sous leur pouvoir. Des chefs terriens et
des fonctionnaires avides d’enrichissement
sont les auteurs de cette situation. Notre
pays a été subdivisé en carrés miniers vendus sur la place publique internationale avec
comme conséquence la délocalisation pure
et simple des paysans sans relocalisation ni
indemnisation ».(7)
et sont fragilisées par la faiblesse des rémunérations : une situation d’abandon qui les
rend sensibles à la corruption. La perte de
crédibilité, l’affaiblissement du sentiment
de responsabilité de la chefferie vis-à-vis
du bien-être commun au profit du bien être
particulier notamment de la famille du chef,
s’accentuent dans ce contexte de crise.
Aujourd’hui, les chefs de terre en RDC ont
perdu beaucoup de crédibilité, car ils ont
trop souvent oublié que les ancêtres considéraient la terre comme un bien collectif
inaliénable et que toute décision foncière
requiert l’accord de tous.(8)
Les pôles d’autorité en milieu rural sont en
crise. Il s’agit de l’autorité territoriale, soit
l’administrateur de territoire, les chefs de
secteur et de groupements et l’autorité coutumière qui font partie de l’administration
territoriale ; s’y ajoutent les chefs de terre.
Ces autorités de proximité reçoivent peu de
directives de leur hiérarchie, fonctionnent
sans budget pur assumer de lourdes tâches,
Aujourd’hui, les terres – savanes, forêts
– sont gérées (et considérées par tous et
de plus en plus) comme la propriété des
familles cheffales (du chef de terre) et non
pas des clans dont elles sont issues. La gestion clanique de la propriété a été abandonnée pour aller vers une gestion patrimoniale.
Ce phénomène est amplifié par la croissance
démographique, qui augmente la taille des
clans et réduit celle, relative, des familles
cheffales, où le pouvoir reste concentré
entre quelques personnes.
(7) Paluku Mivimba le leader paysan, président de la
Confédération nationale des Producteurs Agricoles
CONAPAC, discours au carrefour paysan le 20 octobre
2011.
(8) Marc Rodriguez : Qui sécurisera le foncier pour l’usage
rationnel des terres au bénéfice des populations en RDC ?
La Voix du Congo profond.
Ecocongo • 3
Agriculture • Économie • Forêt • Environnement • Société
L’absence d’investissement en milieu rural.
Le contexte d’insécurité foncière fragilise
la politique du Gouvernement qui voudrait
améliorer le climat des affaires et relancer
l’investissement en milieu rural en RDC.
Celui-ci tarde toujours à se concrétiser et
il sera compromis et incertain s’il ne peut
pas s’articuler sur une situation foncière
claire qui ouvre la porte aux plans d’aménagement du territoire et aux zones d’investissement. Il y a donc complémentarité entre
les investissements privés attendus et les
sources de financement dont les campagnes
ont absolument besoin, pour aider à structurer les filières et acheminer les produits vers
les marchés. Défendre les intérêts de tous
les producteurs, petits et grands, sera plus
efficace que de le faire en ordre dispersé.
4. Aménagement du ­territoire,
zonage, superposition
des cadastres
Sur le plan institutionnel, et en vertu de l’ordonnance
n° 08/074
du 24 décembre 2008
fixant les attributions
des
ministères,
la
prérogative de planification des affectations des terres au
domaine public de
l’État, incombe au
ministère ayant l’aménagement du territoire
dans ses attributions,
agissant en collaboration avec le ministère
ou l’organisme public
dont relève le secteur
d’activité du domaine
public à ériger. L’acte
qui constate la planification et qui en
constitue l’instrument
est le plan d’aménagement(9).
intérêts des petits producteurs ; le foncier
doit être un sujet de négociation, et non
d’affrontement.
Un partenariat se constitue entre petits et
grands producteurs, qui représentent des
sociétés qui mettent en valeur la terre et
qui ont les mêmes problèmes que les petits
producteurs. Cette union est d’autant plus
justifiée que la Fédération des Entreprises
du Congo - FEC et la fédération des producteurs agricoles du Congo - FOPAC, ont
travaillé ensemble les premières années de
rédaction du code agricole. La CONAPAC et
la FEC estiment que l’investissement privé
est indispensable pour apporter les res4 • Ecocongo
En l’absence de plan
d’aménagement
du
territoire en RDC,
il y a une compétition sauvage entre
les exploitants de ressources non renouvelables (mines, pétrole), des ressources
renouvelables (forêts, écosystèmes, parcs
nationaux). Cette compétition défavorise
sans cesse les agriculteurs, particulièrement
dans les zones riches en ressources où sont
généralement octroyées les concessions aux
dépends des communautés locales, ce qu’illustrent les conflits dans les zones minières
de l’Est.
La politique minière de la République
Démocratique du Congo (RDC) définie
(9) CODELT.
par le Code Minier(10) ; il a créé un Service
Public de l’Etat dénommé CADASTRE MINIER,
en abrégé «CAMI »(11). Dans les missions et
tâches du CAMI, il y a l’inscription ou l’enregistrement dans les registres y afférents
et/ou les cartes de retombes minières des
actes ci-après prévus par le Code Minier :
les déclarations et les attestations de
prospection; les demandes ou déclarations
d’octroi, d’extension, de transformation,
de renouvellement ou de renonciation des
droits miniers et/ou de carrières ainsi que
les demandes d’approbation et d’enregistrement des hypothèques et les demandes
d’enregistrement des amodiations et mutations y afférents ; les droits miniers ou de
carrières octroyés, étendus, transformés
ou renouvelés ; l’instruction cadastrale des
demandes ou déclaration d’octroi, d’extension, de transformation, de renouvellement
ou de renonciation des droits miniers et/ou
de carrières ainsi que des demandes d’actes
administratifs y relatifs, de mutation ou
d’amodiation.
Ainsi, le pays s’est doté d’une législation foncière qui fait la promotion et sécurise l’activité minière, tandis que le paysan est resté
au même stade qu’au jour de la promulgation de la loi foncière en 1973. Le cadastre
minier couvre déjà 48 % des terres de RDC.
À cela s’ajoutent les concessions forestières,
pétrolières, les aires protégées liées à la
conservation de la nature et prochainement
les espaces liés à la séquestration du carbone.
Le ministère de l’Environnement se démar­
que et a prend de l’avance dans le zonage
du territoire et sa cartographie. Les parcs
nationaux représentent 258 049 km², soit
11 % de la surface du territoire de la RDC et
entièrement cartographié(12).
5. L
es solutions pour
la ­sécurisation foncière
des communautés locales
L’objectif global de cette sécurisation foncière peut être défini de la manière suivante : « Assurer aux acteurs ruraux, dans
leur diversité, l’accès équitable au foncier,
assurer la garantie de leurs investissements,
(10) Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002) et le Règlement
Minier (Décret n° 038/2003 du 26 mars 2003.
(11) Ses statuts, son organisation et son fonctionnement
sont fixés par le Décret n° 068/2003 du 03 avril 2003.
(12) ICCN cité dans le rapport CODELT.
Agriculture • Économie • Forêt • Environnement • Société
consolider et titrer les terres occupées par
les communautés locales, la gestion efficace
des litiges fonciers, afin de contribuer à la
réduction de la pauvreté, à la consolidation
de la paix sociale et à la réalisation d’un
développement durable ».
Les règles foncières méritent d’être clarifiées et sécurisées pour tous, surtout dans
un pays qui dispose d’un espace agricole
dont la mise en valeur effective actuelle ne
dépasse pas 10 % de la superficie disponible.
Si en 2012, l’article 16 de la loi fondamentale agricole a suscité de vives et légitimes
réactions tant dans le secteur privé que les
Ambassades, la commission spécifique pilotée par IFPRI pour réviser cet article afin
de rendre la loi attractive pour les investisseurs, a démontré qu’il est illusoire de sécuriser les investisseurs sans progresser dans
la sécurisation des terres des communautés
locales paysannes, ne serait pas durable ; la
commission a conclu sur la nécessité absolue
de rédiger les décrets d’application de la loi
foncière manquants depuis 40 ans, soit en
particulier, le décret couvrant l’Ordonnance
Présidentielle dont il est question à l’article
389 de la loi foncière.
cement des capacités des agents, en provinces, territoires, secteurs et chefferies,
en « s’accrochant » aux dynamiques locales
paysannes (ainsi qu’à leur faitières et confédération), aux initiatives des partenaires
tels que REDD, Banque Mondiale, Banque
Africaine de Développement, WWF et autres
organismes de conservation, qui financent
déjà des micros zonages. Ces zonages sont
consolidés par des outils modernes et fixés
sur cartes grâce aux logiciels SIG, menées en
associant des organes de concertation tels
les conseils agricole ruraux de gestion, et les
comités locaux de développement. En effet,
le régime forestier prévoit la possibilité
pour les communautés locales qui justifient
d’une possession coutumière sur une portion
de forêt de la faire enregistrer et d’obtenir
sur elle un titre écrit dénommé « concession
forestière(14) ». Ces orientations pertinentes
en termes de sécurisation des droits forestiers coutumiers collectifs peuvent également être d’un grand intérêt dans le cadre
de la réforme du foncier en RDC(15).
Le statut quo précaire n’arrange personne.
Dans un scénario pessimiste, des populations
autochtones déracinées de leur ancrage à la
terre, n’auront ni la capacité ni la force de
protéger leurs terroirs des processus d’exploitation anarchique des ressources ou de
confiscation des terres, liées aux cadastres
cloisonnés et aux exploitations concurrentes :
Le règlement du foncier des communautés locales doit s’harmoniser avec
l’aménagement du territoire et pour
cela, l’approche est forcément interministérielle (Aménagement du territoire,
Affaires foncières, Développement Rural,
Environnement, sous le lead de la Primature).
À côté du Ministère de tutelle ITPRAménagement du territoire, le Ministère
du Développement Rural, a dans ses attributions, ce rôle transversal en matière
d’animation rurale et d’aménagement du
territoire en milieu rural. Comme d’autres
ministères, il le fera en ayant officialisé
son nouveau cadre organique et réalisé
avec l’appui des partenaires(13), un renfor(13) L’agence belge de développement, CTB, au travers
de l’Unité conjointe d’Appui à la Gestion, UCAG,
en appui au ministère du Développement rural et de
l’Agriculture.
(14) Cette concession forestière communautaire a un
régime juridique particulier, différent de celui des
concessions forestières destinées à l’exploitation
industrielle du bois d’œuvre ou à l’exploitation des
services environnementaux, notamment pour la valorisation du carbone forestier. Il sera régi par un décret
spécifique, qui en fixera les modalités d’attribution.
(15) CODELT.
Ecocongo • 5

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