Accueil, atmosphère et l`hospitalité Des concepts à ne pas confondre

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Accueil, atmosphère et l`hospitalité Des concepts à ne pas confondre
Accueil, atmosphère et l’hospitalité
Des concepts à ne pas confondre
par Yves CINOTTI1
Dans le tourisme, on emploie souvent le mot « accueil » pour désigner trois concepts différents
et complémentaires : l’hospitalité, l’atmosphère et, enfin, l’accueil proprement dit. Celui-ci
implique nécessairement une relation humaine.
L’office du tourisme et des congrès de Paris et la ville de Paris ont organisé en 2009, pour la troisième
fois, l’opération « Paris vous sourit ». Des kiosques ont été installés un peu partout dans la capitale : de
jeunes ambassadeurs avaient pour mission de renseigner et d’orienter les touristes et de distribuer un
document, en français et anglais, présentant les événements prévus dans la capitale durant tout l'été. Les
initiateurs prétendaient « miser sur l’accueil pour séduire les touristes ». S’agissait-il d’améliorer l’accueil
ou l’hospitalité dans la capitale ? Une distinction de ces concepts s’avère utile.
Le mot « accueil » est un mot-valise utilisé abondamment, surtout dans le domaine du tourisme. Pierre
Gouirand, hôtelier et auteur d’une thèse sur l’accueil, affirme que la fleur accueille le pollen2 ou qu’un
individu accueille une idée. Mais dans le cadre professionnel qui nous intéresse ici, qu’est-ce que
l’accueil ?
Pour certains3, l’accueil constitue avant tout un service qui permet de faire passer un client de l’extérieur
vers l’intérieur, un premier contact. Si l’on suit cette logique, une fois installé à sa table au restaurant, le
client ne connaîtrait plus d’expérience d’accueil. Dans un hôtel, seul le réceptionniste, en charge du
check-in, pratiquerait l’accueil. Il s’agit d’une vision restrictive qui n’implique même pas dans la mission
d’accueil tout le personnel en contact mais seulement les agents chargés de l’accueil-orientation.
L’accueil n’est qu’humain
La plupart des auteurs soulignent la dimension humaine de l’accueil. Même si elle peut provoquer une
émotion favorable, la façade d’un restaurant n’est pas « accueillante ». La page d’accueil (home page en
anglais et non pas welcome page) d’un site Internet n’est pas accueillante. Les produits d’accueil (savonnette, gel bain, etc.) fournis aux clients dans la chambre d’hôtel ne sont pas accueillants. Quant à la
borne d’accueil mise à la disposition des touristes pour obtenir un billet d’accès au musée du Louvre,
elle offre un service mais aucun accueil quelle que soit la convivialité des écrans successifs. Car il faut
distinguer accueil et service.
Le service est souvent défini par opposition au produit. C’est un échange, sans transfert de propriété,
source de valeur pour le client, qui est l’occasion pour ce dernier d’une interaction avec les éléments
humains et/ou physique du prestataire. La vente de forfaits de ski est un service qui peut être réalisé
soit par une caissière soit par une caisse automatique. Dans le premier cas, le client vivra une situation
Yves CINOTTI est directeur adjoint du CÉTIA (Centre d’Études du Tourisme, de l’hôtellerie et des Industries de l’Alimentation) à
l’université de Toulouse II.
2 Gouirand Pierre, L’accueil - De la philoxénologie à la xénopraxie, Nantes, Éditions Amalthée, 2008.
3 Cudicio Catherine, Les règles d’or de l’accueil, Paris, Éditions d’Organisation., 2000, p. 10 ; Hermel Laurent, L’accueil client, SaintDenis-La-Plaine, Afnor, 2004, p. 144 ; Tocquer Gérard, Langlois Michel, Marketing des services. Le défi relationnel, Paris, Gaëtan
Morin éditeur / Dunod, 1992, p. 124.
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d’accueil plus ou moins réussie, mais pas dans le second. Néanmoins toute situation d’accueil n’est pas
nécessairement liée à un service. Lorsque, au restaurant, après avoir réglé son addition, le client se dirige
vers la sortie et qu’il croise un serveur qui le remercie et le salue, il vit une expérience d’accueil qui participe à l’atmosphère de l’établissement.
L’atmosphère a été définie comme « l’effort de création d’un environnement d’achat en vue de créer
chez l’acheteur des émotions spécifiques qui augmentent la probabilité qu’il achète4. » De nombreuses
recherches dans le domaine du marketing expérientiel ont permis de préciser que les éléments qui participent à l’atmosphère d’un point de vente (cf. Figure 1) sont :
-
l’ambiance sensorielle
(musique, bruit, couleurs, éclairage, odeurs,
matières, température,
etc.) ;
-
le design (volumes,
agencement, rangement,
propreté, accès) ;
-
les autres clients (style,
densité,
comportement) ;
-
le personnel en contact,
celui
qui
assure
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l’accueil .
Figure 1 : Service et atmosphère
Atmosphère
Ambiance
sensorielle
Design
Service
Autres
clients
Personnel
en contact
Accueil
Le marketing expérientiel s’est
focalisé sur le point de vente.
En matière de tourisme, on
peut parler de l’atmosphère d’un musée, d’un restaurant, d’un parc d’attractions ou même d’une destination touristique.
On en vient à définir l’accueil comme un élément de l’atmosphère, une expérience vécue par le client en
relation avec un membre du personnel en contact d’une organisation. La relation peut être directe ou
médiatisée, au téléphone, par exemple lors d’une réservation. Pourquoi faut-il marteler que l’accueil
n’est qu’humain ? Pour que les décideurs cessent de considérer qu’ils améliorent l’accueil en élargissant
les horaires d’ouverture ou en réaménageant un site. Améliorer l’accueil passe uniquement par un investissement régulier dans le recrutement, la motivation et la formation du personnel en contact. On peut
apprendre à être accueillant. Il ne s’agit pas d’un don. Il ne suffit pas de recruter une jeune femme gracieuse pour assurer un accueil performant. Le goût pour les contacts humains est une condition préalable pour accueillir. Mais ensuite, l’accueillant doit être formé aux techniques de communication interpersonnelle : écoute active, reformulation, synchronisation, proxémique, analyse transactionnelle, maîtrise des langages verbaux et non verbaux, etc. C’est un domaine très vaste… et très négligé, par
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Kotler Philip, « Atmospherics As a Marketing Tool », Journal of Retailing, 1973, vol. 49, no 4, p. 48-64.
Daucé Bruno, Rieunier Sophie (2002), « Le marketing sensoriel du point de vente », Recherche et Applications en Marketing, vol.
17, no 4, p. 45-65.
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exemple en lycée hôtelier où l’enseignement de la restauration privilégie la connaissance des produits
vendus (vins, fromages, fruits…) et de techniques de « cuisine en salle » (découpages et flambages)
tombées en désuétude dans les restaurants6.
L’hospitalité est une attitude
Depuis l’antiquité, l’hospitalité s’adresse à l’étranger. Les touristes étrangers sont inconnus, extérieurs,
de passage, non conformes, décalés, dérangeants, insolites, et, en un mot, « étranges ». Ils sont à la fois
objets de répulsion et ouverture sur le monde. Mais alors que l’accueil est du ressort des personnels en
contact, l’hospitalité est pratiquée par tous les résidants d’une destination touristique : les « accueillants »
des organisations touristiques, mais aussi, ceux des organisations non touristiques (garage, police, hôpitaux, etc.) et la population locale7. Ricœur la définit comme « le partage du chez soi »8. Il n’existe pas
de technique d’hospitalité alors qu’on parle de techniques d’accueil. L’hospitalité est une attitude de
prise en compte de l’altérité des étrangers. Une étude9 a montré que les dimensions de l’hospitalité touristique sont :
-
l’absence d’hostilité (absence d’agressivité, conduite automobile courtoise, honnêteté, sécurité
au milieu de la population) ;
-
les efforts vis-à-vis des étrangers (gentillesse, chaleur lors des rencontres, effort pour aider les
étrangers, discrétion) ;
-
l’effort linguistique (capacité à s’exprimer dans la langue du touriste, capacité à s’exprimer en
anglais, efforts pour dépasser le fossé linguistique, traduction des supports).
Les destinations touristiques qui veulent améliorer l’hospitalité touristique doivent donc mener des actions de sensibilisation en direction des prestataires de service et des résidants. Elles doivent aussi insister sur la traduction de la signalétique et des supports de service dans les principales langues pratiquées
par les touristes visitant la destination.
Ainsi, dans le cadre de la candidature malheureuse à l’organisation des Jeux olympiques de 2012, la ville
de Paris avait proposé aux chauffeurs de taxi volontaires de se former à l’anglais. Autre exemple : en
vue de l’arrivée de millions de touristes étrangers à l’occasion des Jeux olympiques de 2008, à Pékin,
une « journée de la queue » avait été fixée au 11 de chaque mois. Les habitants de la capitale chinoise
étaient invités ce jour-là à se mettre en file indienne avant de monter dans le bus. Brochures et affiches
de propagande proclamaient : « Faire la queue est civilisé, être poli est magnifique ». Des patrouilles
étaient chargées d’enseigner la douceur et le respect d’autrui aux récalcitrants.
Douillach Danièle, Cinotti Yves, Masson Yannick (2002), Enseigner l'hôtellerie-restauration, Éditions J. Lanore, p. 84-85.
Direction du tourisme, « L’art d’accueillir. Cultures & pratiques de l’accueil des touristes en France », 2007, [en ligne], [réf. du 23/5/
09], disponible sur : <www.tourisme.gouv.fr/fr/navd/mediatheque/publication/attractivite/bien_accueillir.jsp>.
8 Ricœur Paul (1998), « Étranger, moi-même », in Semaines Sociales - L’immigration, défis et richesses, Paris, Bayard Éditions, pp.
93-106.
9 Cinotti Yves, « L'hospitalité touristique au service des destinations », in LEMASSON Jean-Pierre et VIOLIER Philippe (dir.), Destinations et Territoires, Vol. 1, Québec, Éditions Téoros, Presse de l'Université de Québec, p. 92-100.
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En 2007, Maison de la France a commandité à Ipsos une enquête10 qui a souligné à nouveau que
l’image touristique de la France souffre de l’impact négatif de la perception de la qualité de l’accueil :
seulement 20 % des voyageurs interrogés sont tout à fait d’accord avec l’idée que « l’accueil en France
est de bonne qualité ». Mais les touristes étrangers que l’on interroge sur « l’accueil » en France parlent
également d’hospitalité. Or, pour améliorer l’un et l’autre, il faut agir à de multiples niveaux : auprès de
la population locale, des responsables des organisations touristiques et non-touristiques, des personnels
en contact et des formateurs. On peut même se demander si la tâche n’est pas impossible dans un pays
qui a construit ce que certains considèrent comme une société de défiance11 : dans une enquête internationale, seulement 22 % des Français (contre 46 % des Américains et 68 % des Norvégiens) répondent
qu’il « est possible de faire confiance aux autres ».
Comment les Français pourraient-ils être accueillants et hospitaliers dans ces conditions ?
Ipsos / Maison de la France, « Analyse de l’image touristique de la France et de son positionnement à l’étranger – Janvier 2007 », [en
ligne], [réf. du 23/5/2009], disponible sur : <fr.maison-de-la-france.com/etudesV4/ficheetude.asp?z1=7Fxf8Lr2&id_etude=174 >.
11 Algan Yann, Cahuc Pierre, La société de défiance – Comment le modèle social français s’autodétruit, Paris, Éditions Rue d’Ulm,
2007.
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