exposition sur l`abolition de la peine de mort
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exposition sur l`abolition de la peine de mort
L’abolition : une valeur européenne commune Existe-t-il des « valeurs européennes » ? Pour le plus grand nombre, la question semble abstraite. Pourtant, dans leur immense majorité, les Européens rejettent une justice qui tue. Même s’ils n’en ont pas toujours conscience, ils sont ainsi d’accord sur un choix de société essentiel. La peine de mort est inhumaine. La peine de mort est inutile. Au nom de la dignité humaine, Les Européens ont aboli la peine capitale. L’Europe est le continent de l’abolition. D’Europe viendra l’abolition universelle. Espagnol La pena de muerte es inhumana. La pena de muerte es inutil. En nombre de la dignidad de la persona humana, los europeos han abolido la pena capital. Europa es el continente de la abolición. De Europa saldrá la abolición universal. Anglais The death penalty is inhuman. The death penalty serves no purpose. In the name of human dignity, Europeans have abolished capital punishment. Europe is the continent of abolition. From Europe will come universal abolition of the death penalty. Italien La pena di morte é inumana. La pena di morte é inutile. A nome della dignità umana, gli Europei hanno abolito la pena capitale. L’Europa é il continente dell’abolizione. Dall’Europa verrà l’abolizione universale. Danois Dødsstraf er inhumant. Dødsstraffen er unødvendig… I menneskekærlighedens navn har europæerne afskaffet dødsstraffen. Dødsstraffen eksisterer ikke i Europa. Fra Europa vil komme dens universelle afskaffelse Suédois Dödsstraffet är omänskligt. Dödsstraffet tjänar inget syfte. I den mänskliga värdighetens namn har européerna avskaffat dödsstraffet. Med Europa som förebild kommer dödsstraffet att avskaffas universellt. Gaelique Tá píonós an bháis mídhaonna. Níl feidhm ar bith ag baint leis. Chuir muintir na h-Eorpa deireadh le píonós an bháis ar son dínit an duine. Is í an Eoraip mór-roinn an chealaithe. Is san Eoraip a chealófar píonós an bháis ar dtús. » Grec Η θανατική ποινή είναι απάνθρωπη. Η θανατική ποινή είναι άχρηστη. Εν ονόματι της ανθρώπινης αξιοπρέπειας, οι Ευρωπαίοι κατήργησαν την εσχάτη των ποινών. Η Ευρώπη είναι η Ήπειρος της κατάργησης της θανατικής ποινής. Η καθολική κατάργηση της θανατικής ποινής θα έρθει από την Ευρώπη. Hongrois A halálbüntetés embertelen. A halálbüntetés hiábavaló. Az emberi méltóság nevében az európaiak eltörölték a halálbüntetést. Európa a kontinens, ahol eltörölték. A halálbüntetés egyetemes eltörlése is Európából fog jönni. » Letton « Nāves sods ir necilvēcīgs. Nāves sods ir nevajadzīgs. Aiz cieņas pret cilvēku, eiropieši atcēluši augstāko soda mēru. » Eiropa ir atcelšanas kontinents. No Eiropas celsies vispārējais nāves soda aizliegums. Polonais Kara smierci jest nieludzka ; kara smierci jest niepotrzebna W imie ludzkiej godnosci, Europejczycy zniesli kare smierci Europa jest kontynentem zniesienia kary smierci, i z Europy przyjdzie zniesienie uniwersalne Lithuanien Mirties bausmė yra nehumaniška. Mirties bausmė yra beprasmiška. Vadovaudamiesi žmogiškuoju orumu, europiečiai panaikino mirties bausmę. Europa yra žemynas, kuris davė pradžią mirties bausmės panaikinimui. Iš Europos jis pasklis po visą pasaulį. Slovène Smrtna kazen je neèloveška. Smrtna kazen nima nobenega smisla. Evropejci so v imenu èloveškega dostojanstva odpravili smrtno kazen. Evropa je celina odprave. Iz Evrope bo izhajala splošna odprava smrtne kazni. Maltais Il-piena tal-mewt hija inumana. Il-piena tal-mewt ma ghandha l-ebda skop. F’gieh id-dinjita umana, l-Ewropej eradikaw il-piena kapitali. L-Ewropa hija l-kontinent ta’l’abolizzjoni. Mill-Ewropa tasal l-abolizzjoni universali tal-piena kapitali. Portugais A pena de morte é desumana. A pena de morte é inútil. Em nome da dignidade humana, os Europeus aboliram a pena capital. A Europa é o continente da abolição. Da Europa virá a abolição universal. Roumain Pedeapsa cu moartea este inumana. Pedeapsa cu moartea este inutila. In numele demnitatii umane, Europenii au abolit pedeapsa capitala. Europa reprezinta « continentul abolitiunii ». Din Europa va veni « abolitiunea universala ». Nederlands De doodstraf is onmenselijk. De doodstraf heeft geen doel. In de naam van humanitaire waardigheid, hebben Europeanen de doodstraf afgeschaft. Europa is het continent van de afschaffing. Vanuit Europa zal universele afschaffing van de doodstraf komen. Tchèque Trest smrti je nehumánní. Trest smrti je zbytečný. Ve jménu lidské důstojnosti zrušili Evropané trest smrti. Evropa je kontinentem zrušení. Z Evropy přijde univerzální zrušení. Slovaque Trest smrti je neľudský, nehumánny. Trest smrti je neužitočný. V mene ľudskej dôstojnosti, Európania zrušili trest smrti. Európa je kontinent abolície. Z Európy príde impulz všeobecného zrušenia trestu smrti. Mouvement Européen France Bulgare Allemand Die Todesstrafe ist unmenschlich. Die Todesstrafe ist ohne Nutzen. Im Namen der Menschenwürde haben die Europäer die Todesstrafe (diese Kapitalstrafe) abgeschafft. Europa ist der Kontinent der Abolition (Abschaffung der Todesstrafe). Von Europa geht eine generelle Abschaffung aus. (Von Europa geht ein Prozess der generellen Abschaffung der Todesstrafe aus) Смъртната присъда е нечовешка. Смъртната присъда е ненужна. В името на човешкото достойнство, Европейците премахнаха смъртната присъда. Европа е континента на отмяната. От Европа ще дойде универсалната отмяна на смъртната присъда. Estonien Surmanuhtlus on ebainimlik. Surmanuhtlus on môtetu. Inimväärikuse nimel tühistasid eurooplased surmanuhtluse. Tühistamise mandriks on Euroopa. Euroopast saab alguse ülemaailmne surmanuhtluse tühistamine. Panneau 1 La peine de mort dans le monde Rappel d’une funeste réalité Les pays abolitionnistes pour tous les crimes : la peine de mort y est interdite, c’est le cas dans l’UE et au total dans 88 pays de la planète. Les abolitionnistes pour les crimes ordinaires : la peine de mort n’y est appliquée qu’en cas de crime « exceptionnel » commis dans des circonstances exceptionnelles ou sous loi militaire. C’est le cas d’Israël et de 11 pays en tout. Les abolitionnistes en pratique : si leur loi autorise la peine de mort, en pratique, ils ont cessé toute exécution depuis plus de 10 ans. 29 pays sont concernés, dont notamment le Maroc, l’Algérie, le Ghana ou le Niger. 69 pays ou territoires appliquent la peine de mort pour les crimes ordinaires. Dont notamment les États-Unis, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, les Bahamas, l’Afghanistan ou Singapour. • 20 000 personnes à travers le monde attendent leur exécution • 1 591 prisonniers ont été exécutés en 2006 dans 25 pays • 3 861 personnes ont été condamnées à mort dans 55 pays. Ces chiffres sont certainement très en deçà de la réalité. 91 % des exécutions ont eu lieu dans six pays : Chine, États-Unis, Irak, Iran, Pakistan et Soudan. Chine Nombre d’exécutions en 2006 : au moins 1 010, jusqu’à 8 000 selon certaines sources Mode opératoire : peloton d’exécution Exemples de crimes passibles de la peine de mort : corruption, meurtre, trafic de drogue. États-Unis 24 États pratiquent la peine de mort, 12 ont suspendu les exécutions, 2 ont prononcé un moratoire et 12 ont aboli la peine de mort. Nombre d’exécutions en 2006 : 53 Mode opératoire : électrocution, injection létale, chambre à gaz, peloton d’exécution, pendaison ; des controverses sur les injections létales ont conduit à un moratoire de fait. Exemples de crimes passibles de la peine de mort : meurtre, trahison. Irak Nombre d’exécutions en 2006 : au moins 65 Mode opératoire : pendaison Exemples de crimes passibles de la peine de mort : meurtre, crime contre l’humanité. Iran Nombre d’exécutions en 2006 : au moins 177. Mode opératoire : pendaison, lapidation. Exemples de crimes passibles de la peine de mort : meurtre, trafic de drogue, adultère, homosexualité. Pakistan Nombre d’exécutions en 2006 : au moins 82 Mode opératoire : pendaison, lapidation Exemples de crimes passibles de la peine de mort : meurtre, adultère, homosexualité. Soudan Nombre d’exécutions en 2006 : au moins 65 Mode opératoire : lapidation, peloton d’exécution. Exemples de crimes passibles de la peine de mort : meurtre, adultère, homosexualité. Egypte Nombre d’exécutions en 2006 : 2 Mode opératoire : pendaison. Exemple de crimes passibles de la peine de mort : homicide aggravé, incendie volontaire, viol, détournement aérien, espionnage, trafic de stupéfiants, délits politique et militaire. Arabie Saoudite Nombre d’exécutions en 2006 : 38 Mode opératoire : décapitation au sabre Exemple de crimes passibles de la peine de mort : homicide, viol, vol à main armée, trafic de drogue, sorcellerie, adultère, homosexualité, vol sur autoroute, sabotage, renoncement à l’Islam (apostasie). Une autre démocratie, le Japon, pratique encore ce châtiment Nombre d’exécutions en 2006 : 4 Mode opératoire : pendaison Exemples de crimes passibles de la peine de mort : meurtres avec des circonstances aggravantes comme le viol ou le vol. Mouvement Européen France Panneau 2 L’Europe, continent de l’abolition La totalité des États membres de l’Union européenne a aujourd’hui aboli la peine de mort pour tous les crimes. La plupart des constitutions nationales ont même solennellement interdit la peine capitale. Abolition Moratoire Peine de mort La Biélorussie, la dernière dictature en Europe, n’a pas abolie la peine de mort. Le Président Alexander Lukashenko est âprement critiqué en Europe pour son rôle autoritaire. En janvier 1997 l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a suspendu le statut d’observateur spécial de la Biélorussie à cause de sa position sur la peine de mort. Les informations sur la peine de mort sont classées comme secret d’État par le gouvernement biélorusse : les dates et lieux de l’exécution ne sont pas communiqués aux membres de la famille des condamnés, même pas après l’exécution de leur parent. Russie Belarus Amnesty International aurait recensé 30 exécutions en 1999. 0 500 km Constitution du Royaume de Belgique Article 18 Date de l’abolition pour tous les crimes * Date de la dernière exécution Autriche 1968 1950 Finlande 1972 1944 Suède 1972 1910 Charte des droits et libertés fondamentaux de la République tchèque Article 6-3 Portugal 1976 1849 « La peine est inadmissible. » Danemark 1978 1950 Luxembourg 1979 1949 France 1981 1977 Pays-Bas 1982 1952 Allemagne 1987 NC Roumanie 1989 1989 Slovénie 1989 NC République Tchèque 1990 NC Hongrie 1990 1988 Irlande 1990 1954 Slovaquie 1990 NC Italie 1994 1947 Espagne 1995 1975 Belgique 1996 1950 Pologne 1997 1988 Bulgarie 1998 1989 Estonie 1998 1991 Roumanie Constitution de la Roumanie (1991) L’article 22-3 dispose : Lituanie 1998 1995 « La peine de mort est interdite. » Royaume-Uni 1998 1964 L’article 22 est intitulé Lettonie 1999 1996 « Le droit à la vie et à l’intégrité physique et mentale ». Malte 2000 1943 Chypre 2002 1962 Grèce 2004 1972 États membres « La mort civile est abolie ; elle ne peut être rétablie. » Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne Article 102 « La peine de mort est abolie. » Constitution de la République hellénique Article 5-3 « La peine de mort ne doit pas être imposée excepté dans les cas décrits dans la loi, pour trahison perpétrée en temps de guerre ou en relation avec la guerre. » Constitution française article 66-1 (loi constitutionnelle du 23 février 2007 relative à l’interdiction de la peine de mort) « Nul ne peut être condamné à mort. » Irlande Constitution de la République d’Irlande (1937, amendée) En vertu de l’article 15-2-2, « Il est interdit à l’Oireachtas [Parlement] de voter quelque loi que ce soit prévoyant l’application de la peine de mort ». Slovaquie Constitution de la République slovaque (3 septembre 1992) L’article 15 qui traite du droit à la vie dispose «… 3. La peine de mort est irrecevable… » * Les dates définitives d’abolition de la peine de mort semblent tardives cependant les lois des États limitaient son application exclusivement à certains crimes commis en temps de guerre. Mouvement Européen France Panneau 3 La longue marche vers les valeurs humanistes L’Union européenne est bien plus qu’un marché : les Européens partagent des valeurs communes, issues d’une longue histoire. Au premier rang de celles-ci figure le respect de la vie humaine, qui justifie l’abolition. Dès l’antiquité une réflexion sur la peine de mort s’est engagée. Nous en avons des traces chez Platon ; dans Les Lois, il estime que tout objet ou animal ayant causé la mort d’un Homme par accident doit être détruit ou exécuté. Il considère que le meurtre n’est pas un acte naturel chez l’homme, le criminel est, selon lui, malade de l’âme, il est nécessaire de le rééduquer, la peine de mort n’est envisagée qu’en dernier recours. À Rome, la peine de mort n’est pas envisagée pour le citoyen mais les pères de famille avaient droit de vie et de mort sur leurs proches, enfants et esclaves. Avec la chrétienté, la dignité humaine, l’égalité des hommes devant Dieu et le respect de la vie sont professés avec force, dans lignée des dix commandements. Mais, malgré l’injonction « tu ne tueras point », guerres et exécutions se pour suivent, y compris au nom de Dieu. Des croisades à l’inquisition, des lettres de « Scène d’inquisition, les sorcières au bûcher » cachet aux chasses aux sorcières, la justice est souvent expéditive, la peine capitale infligée en place publique, selon des méthodes barbares. Même si à certaines époques, la vie humaine est protégée : Clovis, dans la loi salique, a fait fixer un prix pour une vie humaine, afin d’empêcher les rixes et vengeances privées. Meurtre d’Abel par Caïen Les Dix Commandements : Je suis le Seigneur ton Dieu. Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain Se souvenir de sanctifier les jours festifs Honore ton père et ta mère Tu ne tueras point Tu ne commettras pas d’adultère Tu ne voleras pas Tu ne feras pas de faux témoignages Tu ne désireras pas la femme de ton prochain Tu ne convoiteras pas le bien du prochain C’est seulement au XVIIIe siècle que l’esprit de raison et de tolérance des Lumières amène une réflexion sur la peine de mort : Cesare Beccaria, le premier, démontre combien elle est inhumaine, inefficace et dangereuse pour la justice elle-même, les erreurs judiciaires étant irréparables. Ses échanges intellectuels avec d’autres Européens, notamment Voltaire, contribuent à la diffusion de ces idées nouvelles. Le Grand Duc de Toscane supprime la peine de mort en 1786. En France, le premier grand débat parlementaire sur la peine de mort a lieu lors de la discussion du projet de code pénal en mai-juin 1791. Parmi les contributions importantes figurent le rapport de Le Peletier de Saint Fargeau et les discours de Duport et de Robespierre favorables à l’abolition de la peine de mort. Ils mettent en avant le caractère injuste de cette peine, le risque d’erreur judiciaire, l’absence d’effet dissuasif, de valeur Le Peletier de Saint Fargeau d’exemple. La seule exception qu’ils pourraient accepter est celle de la protection de la sécurité de l’État. Mais en 1791, l’Assemblée constituante refuse l’abolition de la peine de mort ; elle supprime simplement les supplices. Dans l’article premier de la loi du 30 décembre 1791, il est ainsi écrit que « Dès à présent la peine de mort ne sera plus que la simple privation de la vie. » C’est ainsi que la mort du Roi, Louis XVI est votée même si quelques uns s’y opposent comme Condorcet ou l’Abbé Grégoire. Condorcet déclare : « La peine contre les conspirateurs est la mort. Mais cette peine Condorcet est contre nos principes. Je ne la voterai jamais. » La Révolution française finit dans un bain de sang ; la Convention finit par renoncer à la peine capitale après les excès de la Terreur mais le code pénal de 1810 rétablit en droit la peine capitale, en France. Tout condamné à mort aura la tête tranchée. Loi portant abolition de la peine de mort 8 octobre 2001 Mouvement Européen France Panneau 4 La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales L’abolition de la peine de mort progresse petit à petit au Conseil de l’Europe. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : un progrès majeur contre la peine de mort La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) est un traité international signé à Rome le 4 novembre 1950, auquel sont désormais parties 47 États membres du Conseil de l’Europe. La CEDH proclame les principaux droits et libertés de la personne humaine. Elle met particulièrement en avant le droit à la vie, à la liberté individuelle, à un procès équitable ou encore à la vie privée et familiale. Elle interdit la torture, le travail forcé et les discriminations en tout genre. Le texte d’origine de la CEDH n’interdit pas la peine de mort, même si elle garantit le droit à la vie. C’est par deux protocoles additionnels de 1982 (n° 6) et 2002 (n° 13) que la peine de mort a été abolie en temps de paix, puis en toutes circonstances. Ces textes n’ont pas été ratifiés par tous les États membres du Conseil de l’Europe, mais, depuis 1997, aucune exécution n’a eu lieu dans les 47 États du Conseil de l’Europe. Ne pas confondre : Conseil de l’Europe et Union européenne ! Le Conseil de l’Europe est né avant les Communautés européennes, en mai 1949. Il compte aujourd’hui 47 États, tous ceux de l’Union européenne, mais aussi par exemple la Turquie, la Russie, l’Ukraine ou des États du Caucase. Il a été fondé après la Seconde Guerre Mondiale, afin d’accompagner le redressement de l’Europe. À Zurich, en 1946, Winston Churchill avait appelé à un sursaut moral et invité les continentaux à créer « une sorte d’États-Unis d’Europe », afin de garantir une paix perpétuelle sur le continent. L’objectif du Conseil de l’Europe consiste encore aujourd’hui à favoriser la consolidation, en Europe, d’un espace démocratique et juridique commun, notamment en défendant les droits de l’Homme, l’État de droit, la démocratie pluraliste et les droits des minorités. La CEDH : une protection efficace Texte de 1950 : Titre I – Droits et libertés 1 Article 2 – Droit à la vie Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. Texte de la Convention modifié en avril 1983 : Protocole 6 : Article 1 – Abolition de la peine de mort La peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine ni exécuté. Article 2 – Peine de mort en temps de guerre Un État peut prévoir dans sa législation la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ; une telle peine ne sera appliquée que dans les cas prévus par cette législation et conformément à ses dispositions. Cet État communiquera au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe les dispositions afférentes de la législation en cause. Les droits proclamés par la CEDH sont garantis par la Cour européenne des droits de l’homme, qui siège à Strasbourg et qui dépend du Conseil de l’Europe. Toute personne s’estimant lésée par les autorités d’un pays signataire de la CEDH peut faire valoir ses droits devant la Cour, laquelle sanctionnera le cas échéant l’État en question. Cette protection juridictionnelle constitue un élément important de la citoyenneté européenne ; elle donne aux individus des outils contraignants contre les abus des États. Bien que la CEDH ne soit pas formellement un texte de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne, qui a son siège à Luxembourg, applique aussi ce texte. Le projet de traité constitutionnel européen prévoyait même que l’UE y adhère. Des cas concrets La Cour de Strasbourg s’est prononcée contre l’extradition de personnes emprisonnées en Europe vers des pays où elles seraient susceptibles d’être condamnées à mort. Ainsi, lors de l’affaire Soering de 1989, les juges ont interdit l’extradition du requérant, emprisonné au Royaume-Uni, vers les États-Unis. La Cour européenne des Droits de l’Homme a jugé le « syndrome du couloir de la mort » contraire à l’article 3 de la ConvEDH, compte tenu de l’âge et de l’état mental de l’individu, des conditions et de la durée de la détention dans le quartier des condamnés à mort. « Eu égard, cependant, à la très longue période à passer dans le « couloir de la mort » dans des conditions aussi extrêmes, avec l’angoisse omniprésente et croissante de l’exécution de la peine capitale, et à la situation personnelle du requérant, en particulier son âge et son état mental à l’époque de l’infraction, une extradition vers les États-Unis exposerait l’intéressé à un risque réel de traitement dépassant le seuil fixé par l’article 3 (art. 3). C’est donc contraire à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme qui impose que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Cette jurisprudence a été confirmée par la CEDH à de nombreuses reprises. Ainsi, dans l’arrêt Jabari c/Turquie du 11 juillet 2002, la Cour a considéré que l’expulsion d’une femme vers l’Iran où elle risquait d’être condamnée à mort par lapidation est incompatible avec l’obligation de la Turquie de respecter l’article 3 de la ConvEDH. La Cour a de même estimé en 2003 lors de l’affaire Öçalan, concernant la Turquie, qu’une condamnation à mort prononcée au terme d’un procès inéquitable équivaut à une torture. La Grande Chambre conclut que le fait de prononcer la peine de mort à l’encontre du requérant à l’issue d’un procès inéquitable devant un tribunal dont l’indépendance et l’impartialité sont sujettes à caution s’analyse en un traitement inhumain. Article 3 – Interdiction de dérogations Aucune dérogation n’est autorisée aux dispositions du présent Protocole au titre de l’article 15 de la Convention. Texte de la Convention modifié en mai 2002 : Protocole 13 : Article 1 – Abolition de la peine de mort La peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine ni exécuté. « L’individu s’est vu reconnaître au plan international un véritable droit d’action pour faire valoir des droits et libertés qu’il tient directement de la Convention. » (Protocole 12) Article 2 – Interdiction de dérogations Aucune dérogation n’est autorisée aux dispositions du présent Protocole au titre de l’article 15 de la Convention. « Le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres… » Article 3 – Interdiction de réserves Aucune réserve n’est admise aux dispositions du présent Protocole au titre de l’article 57 de la Convention. (Art. 1er – Statut du Conseil de l’Europe) Mouvement Européen France Panneau 5 L’Union européenne, gardienne de l’abolition L’abolition : une condition d’adhésion à l’UE Le traité de Maastricht de 1992 affirme que « L’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que l’État de droit, principes qui sont communs aux États membres. » L’Union européenne est aujourd’hui un espace sans peine de mort. L’abolition est une des conditions préalables à l’adhésion. Signature de la Charte des droits fondamentaux à Nice par : Nicola Fontaine, Présidente du Parlement européen, Hubert Védrine, Ministre français des Affaires étrangères, Romano Prodi, Président de la Commission européenne. (image du Parlement européen) En finir avec la peine de mort Pour que les Nations unies adoptent un moratoire universel contre les exécutions capitales. Par Romano Prodi Ancien président de la Commission européenne, président du Conseil italien. Point de vue publié par le quotidien Libération, Paris, 25 septembre 2007. J’ai écrit une lettre ouverte aux 55 prix Nobel qui m’avaient adressé un appel pour que soit approuvé dans les plus brefs délais un moratoire universel sur la peine de mort en vue de l’abolition totale de cette dernière. Je les ai priés de continuer à soutenir cette bataille de civilisation avec l’Italie et je les ai invités à venir à New York, le 28 septembre [2007], au Palais de verre, pour témoigner avec nous de leur engagement. […] Si j’ai invité 55 prix Nobel à New York, c’est parce que leur engagement durant ces journées décisives sera le témoignage extraordinaire d’un effort conjoint pour la réalisation de plus en plus totale des droits humains universels. Nous savons que nous ne pouvons pas nous faire d’illusions. La bataille contre la peine capitale est un combat difficile, s’agissant d’une pratique que de nombreux pays exercent encore. Nous sommes prêts, toutefois, à prendre des risques pour essayer de remporter cette bataille. Les conditions existent, nous avons des raisons d’espérer, à partir du soutien des principaux organismes internationaux, de l’Union européenne, de l’opinion publique mondiale et d’un nombre croissant de pays qui rejettent le recours à cette pratique cruelle et inhumaine. Des continents les plus tourmentés — je me réfère à l’Asie et à l’Afrique — ne cessent d’arriver, même ces derniers jours, des signes encourageants. La Chine même a engagé une réflexion à long terme sur le recours à la peine de mort, qui me semble aller audelà des soucis contingents liés à l’organisation des Jeux olympiques à Pékin [en 2008]. La peine de mort est un acte extrême, contraire aux principes plus élémentaires de la coexistence civile, entretenue au fil des siècles par une logique de violence. Nous avons aujourd’hui une occasion unique pour nous affranchir, pour essayer de briser cette chaîne. Sur la signification de la peine capitale, tout a été écrit. La tradition italienne, à partir de la philosophie des Lumières de Cesare Beccaria, a été protagoniste du débat éthique et philosophique sur ce thème. Je me bornerai donc à rappeler qu’en approuvant une résolution aux Nations unies nous pourrons mettre en exergue un principe très important : à savoir que l’être humain est capable de réaliser des progrès non seulement dans le domaine de la science, ce qui est une évidence, mais aussi dans le domaine éthique — ce sur quoi on pourrait avoir des doutes légitimes vu ce qui arrive aujourd’hui dans le monde. Une résolution des Nations unies contre la peine de mort pourrait donc montrer que l’homme d’aujourd’hui est meilleur que l’homme d’hier, même sur le plan éthique et moral. Ce serait un résultat énorme qui influerait sur la notion même de progrès. Un résultat qui ouvrirait la voie à un avenir plus juste, dans une société qui se dégagerait enfin de la spirale de la vengeance fratricide de Caïn et Abel. Une société qui montrerait qu’elle a compris la leçon de sagesse ancienne évoquée récemment par Zygmunt Bauman : « Si tu veux la paix, agis pour la justice ». Mouvement Européen France Sous l’impulsion conjointe de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, les douze pays d’Europe centrale ayant adhéré à l’Union en 2004 et en 2007 ont ainsi tous retiré la peine de mort de leur code pénal. De même, la Turquie, dont le statut de candidat a été officiellement reconnu en 1999, l’a elle abolie en 2002. la Charte des droits fondamentaux En 1999, à la veille de l’arrivée des États d’Europe centrale et orientale, les gouvernements de l’Union européenne ont souhaité doter celle-ci d’un texte solennel consacrant ses valeurs, en réaction à tous les totalitarismes qui ont ensanglanté le continent. Une Convention, composée de parlementaires nationaux et européens, rédige la Charte des droits fondamentaux, proclamée en décembre 2000 et annexée au traité de Nice. Malheureusement, ce texte de grande qualité n’est toujours pas contraignant à ce jour dans la mesure où le Traité constitutionnel qui lui aurait donné une véritable valeur juridique, n’a pas été adopté. L’un des enjeux majeurs de la négociation du Traité modificatif a été le statut de cette charte. Deux États membres, le Royaume Uni et la Pologne ont obtenu une dérogation et n’ils n’appliqueront pas la Charte des droits fondamentaux. Avec ce type de dérogation, nous créons un précédent dangereux : celui de principes fondamentaux valables pour les uns et pas pour les autres. La Charte des droits fondamentaux conforte l’abolition de la peine de mort La première catégorie des droits reconnus par la Charte a trait à la dignité humaine. Dés son article 2, elle affirme que « Toute personne a le droit à la vie. » et que « Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté. » Au moment de la proclamation de la Charte, puis du débat référendaire de 2005, certains ont vu dans l’affirmation du « droit à la vie » un argument hostile à l’avortement. L’Union européenne est ainsi accusée de donner raison à ceux qui remettent en cause les législations prévoyant l’interruption volontaire de grossesse. C’est inexact. La législation sur l’avortement continue de relever des compétences nationales de chaque État membre. Elle n’est pas concernée par cette disposition. Il est consternant que certains hommes politiques européens procèdent à un amalgame en liant les deux sujets. Lorsque les Européens proclament leur rejet de la peine capitale, lorsqu’ils agissent ensemble pour l’abolition, des condamnés, à l’autre bout du monde, peuvent espérer une révision de leur procès, une libération. Leur sort est entre nos mains. Notre responsabilité est de tout faire pour les sauver, pas de les prendre en otage de nos divergences sur d’autres sujets, si importants soient-ils. Une grande vigilance contre les velléités de rétablissement L’Union européenne doit demeurer extrêmement vigilante face à un possible retour de la peine de mort dans les États membres. Dans ce but, elle dispose notamment des dispositions introduites dans le droit européen par les traités d’Amsterdam (1997) et de Nice (2000) : sur proposition d’un tiers des États membres ou de la Commission, et après avis conforme du Parlement européen, le Conseil peut décider de suspendre certains des droits d’un État violant ces principes. La force de cette procédure réside surtout dans son caractère dissuasif. Une réalisation encore vulnérable Les exécutions capitales ont beau avoir disparu de l’Union européenne, certaines franges de la population ou des groupes politiques extrémistes, réclament le rétablissement de la peine de mort. Cette menace, présente dans presque tous les États membres, prouve bien la vulnérabilité de ce progrès, notamment quand l’émotion est à son comble après un crime affreux. La crise la plus grave de ces dernières années s’est produite en 2006, à l’initiative des dirigeants polonais. La Ligue des familles polonaises (LPR), membre de la coalition au pouvoir, a réclamé un référendum sur le rétablissement de la peine de mort. Le vice-président de ce parti d’extrême-droite a même affirmé que l’abolition de la peine de mort est « anachronique ». Le président polonais, Lech Kaczynski, a repris cette demande à son compte et plaidé en faveur du retour de la peine capitale en Pologne. C’est la pression conjuguée de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe et d’ONG telles qu’Amnesty International qui les a fait reculer. À nouveau, à l’automne 2007, le gouvernement polonais a voulu bloquer une initiative européenne, portée notamment par l’Italie, tendant à promouvoir, aux Nations Unis, l’abolition universelle de la peine de mort. Cette divergence sur une valeur fondamentale de l’Union est inquiétante. Elle doit être dénoncée sans équivoque. L’Union européenne n’est pas seulement un marché mais un espace de droits et de valeurs, conscients de ses responsabilités. L’accord de ses membres sur les valeurs qui fondent leur démarche commune est essentiel. Panneau 6 La lutte contre la peine de mort : une priorité de l’action externe de l’Union européenne La Politique Extérieure et de Sécurité Commune : un instrument de l’action externe La Politique étrangère et de Sécurité commune (PESC) a été créée par le traité de Maastricht de 1992. Elle s’efforce de faire parler l’Europe d’une même voix sur la scène internationale. Javier Solana À travers la PESC, l’Union européenne s’est prononcée à plusieurs reprises contre la peine capitale. Elle prône l’abolition universelle de ce châtiment en soutenant l’action des abolitionnistes dans le monde entier et en réclamant un moratoire mondial sur les exécutions. Elle salue en outre les diverses initiatives lancées par des organisations de la société civile, comme par exemple Amnesty international, Nessuno tocchi Caino ou Ensemble contre la peine de mort. L’Union européenne a pris des mesures concrètes pour empêcher l’application de la peine de mort. Le Conseil a ainsi décidé en 2002 que nul ne devrait être expulsé ou extradé vers un pays où il risquerait d’être exécuté. D’autre part, l’Union européenne a instauré un contrôle très strict dans le commerce des biens et produits susceptibles d’être utilisés à des fins d’exécution ou de torture. Bruxelles, Séance plénière, le 10 octobre 2007, déclaration du Président du Parlement européen, Hans-Gert Pöttering sur la peine de mort (Extraits) La peine de mort est une atteinte grave aux droits de l’homme – et avant tout au droit à la vie. Au nom du Parlement européen, j’aimerais donc souligner ici notre engagement indéfectible dans la lutte contre la peine de mort. Les États membres de l’Union européenne sont parvenus, sur la base de nos valeurs communes, à ériger une communauté d’où la peine de mort est exclue. Cet engagement figure également dans la Charte des droits fondamentaux. Dès que celle-ci sera devenue juridiquement contraignante dans le cadre du traité modificatif, nous pourrons dire que la peine de mort a été abolie sur le territoire de l’Union européenne, à tous les niveaux. Je me réjouis et je suis reconnaissant du fait qu’aucun État membre de l’Union européenne n’ait jamais mis en cause la présence de l’abolition de la peine de mort dans la Charte des droits fondamentaux et n’ait jamais sérieusement envisagé sa réinstauration. L’Union européenne peut ainsi, sur la scène mondiale, faire valoir et défendre cet acquis extraordinaire dans le domaine des droits de l’homme. En cette journée européenne et internationale contre la peine de mort, nous demandons depuis le Parlement européen à tous les États qui continuent à exécuter les sentences de mort de suivre notre exemple : abolissez la peine de mort ! L’Union européenne a la possibilité et a la volonté de vous y aider. Mouvement Européen France Une politique de voisinage au service des droits de l’Homme La Communauté européenne mène depuis plusieurs années une politique active vis-à-vis de ses voisins. Les aspects économiques et commerciaux sont au centre de ces échanges, mais la question des droits de l’Homme occupe néanmoins une place importante. L’Europe cherche ainsi à conditionner l’octroi de ses aides économiques au respect des valeurs fondamentales que sont notamment la démocratie, les droits de l’Homme, l’État de droit. Cette action vise essentiellement les voisins directs de l’Union européenne, en particulier les pays du Maghreb, le Proche-Orient et l’Europe de l’Est. Le but est de constituer un vaste espace démocratique aux frontières de l’Europe, dépourvu de peine capitale. Un exemple de l’action européenne contre la peine de mort : les infirmières bulgares en Libye L’Union européenne et ses États membres ont joué un rôle essentiel, notamment le Président français nouvellement élu, dans le dénouement heureux de l’affaire des infirmières et du médecin bulgares condamnés à mort en Libye pour avoir prétendument inoculé le virus du sida à des enfants. Dès leur premier procès en 2004, l’Europe fut au centre de la mobilisation internationale pour leur libération. Elle ne cessa de faire pression sur la Libye afin d’obtenir l’abandon des charges et le retour des prisonniers dans leur pays. En juillet 2007, une action européenne concertée a permis la libération de ces infirmières après huit années de captivité. Vers une Journée européenne contre la peine de mort ? La Commission européenne, relayant une demande récurrente du Parlement européen, a proposé la création d’une Journée européenne contre la peine de mort, qui aurait lieu le 10 octobre de chaque année. Une déclaration sera signée à ce sujet en octobre 2007 par les principales institutions de l’Union européenne et par le Conseil de l’Europe, dans le but de promouvoir l’abolition universelle de la peine capitale. Ainsi, la journée européenne contre la peine de mort coïnciderait avec la journée internationale organisée elle aussi chaque 10 octobre. Déclaration de la Présidence au nom de l’Union européenne, Bruxelles, le 10 octobre 2007 (Extraits) L’Union européenne fait part de sa profonde inquiétude face aux cas de condamnation à mort qui ne satisfont pas aux critères de justice les plus élevés. Elle se déclare vivement préoccupée par le fait que, dans quelques pays, des mineurs sont toujours condamnés à mort et exécutés, en violation manifeste des obligations internationales de ces pays. L’Union européenne est déterminée à continuer à militer dans divers pays du monde en faveur de l’abolition de la peine de mort. Elle continue aussi à soutenir les initiatives des organisations de la société civile qui renforcent le mouvement abolitionniste de par le monde et elle encourage les mesures concrètes prises par tous les pays en vue d’abolir totalement la peine de mort. Panneau 7 Des grands Européens contre la peine de mort Plaidoyers célèbres contre la peine de mort Des délits et des peines de Cesare Beccaria (1764 « Que doit-on penser en voyant les augustes pontifes de la justice ordonner, avec la tranquillité de l’indifférence, les apprêts du supplice où ils font traîner le criminel ? Quoi ! tandis que le malheureux, en proie aux convulsions de la douleur, attend en frémissant le coup qui va terminer ses jours, son juge quittera son tribunal pour aller goûter en paix les douceurs et les plaisirs de la vie, en s’applaudissant peut-être de l’autorité qu’il vient d’exercer ! Eh ! ne pourrait-on pas s’écrier : Non, les lois ne sont que le prétexte dont la force masque sa tyrannie ; le despotisme les a revêtues des couleurs de la justice pour conduire plus sûrement à ses autels les victimes qu’il veut s’y immoler. On nous peignait l’assassinat comme un crime horrible, et le voilà commis sans répugnance et sans passion. […]. L’histoire des hommes est une mer immense d’erreurs où l’on voit surnager çà et là quelques vérités mal connues. Qu’on ne s’autorise donc point de ce que la plupart des siècles et des nations ont décerné la peine de mort contre certains crimes. L’exemple ni la prescription n’ont aucune force contre le vrai. Excusera-t-on la barbare superstition qui sacrifia des hommes sur les autels de sa divinité parce que les victimes humaines ont ensanglanté presque tous les temples ? » Le Dernier jour d’un condamné de Victor Hugo (1829) « Pendant que j’écrivais tout ceci, ma lampe a pâli, le jour est venu, l’horloge de la chapelle a sonne six heures. – Qu’est-ce que cela veut dire ? Le guichetier de garde vient d’entrer dans mon cachot, il a ôté sa casquette, m’a salué, s’est excusé de me déranger et m’a demandé en adoucissant sa voix, ce que je désirais à déjeuner ?…. Il m’a pris un frisson. — Est-ce que ce serait pour aujourd’hui ? » Claude Gueux de Victor Hugo (1834) Claude Gueux vole puis tue parce qu’il a faim. Victor Hugo raconte son triste destin et conclut : « Examinez cette balance : toutes les jouissances dans le plateau du riche, toutes les misères dans le plateau du pauvre. Les deux parts ne sont-elles pas inégales ? La balance ne doit-elle pas nécessairement pencher, et l’État avec elle ? […] La tête de l’homme du peuple, voilà la question. Cette tête est pleine de germes utiles ; employez, pour la faire mûrir et venir à bien, ce qu’il y a de plus lumineux et de mieux tempéré dans la vertu. Tel a assassiné sur les grandes routes qui, mieux dirigé, eût été le plus excellent serviteur de la cité. Cette tête de l’homme du peuple, cultivez-la, défrichez-la, arrosez-la, fécondez-la, moralisez-la, utilisez-la ; vous n’aurez pas besoin de la couper. » La Ballade de la geôle de Reading d’Oscar Wilde (1897) Le condamné à mort de la Ballade s’appelait Charles Thomas Wooldridge. Ce cavalier de la Garde Royale avait égorgé sa femme, le 29 mars 1896, dans une crise de jalousie. Il a été pendu à Reading le 7 juillet, à huit heures du matin. Dedans la geôle de Reading Est une tombe d’infamie. Dévoré pas des dents de flamme, C’est là qu’un misérable gît, Il gît dans un linceul ardent Aucun nom sur sa tombe écrit. Laissons cet homme reposer. Que le Christ appelle les morts ! Nul besoin de gâcher vos larmes Ni d’exhaler de vains remords. Il avait tué son amour Aussi pour cela il est mort. Pourtant chacun tue ce qu’il aime, Salut à tout bon entendeur. Certains le tuent d’un oeil amer, Certains avec un mot flatteur, Le lâche se sert d’un baiser, Et d’une épée l’homme d’honneur. C.3.3. L’Étranger d’Albert Camus (1942) « J’ai entendu une voix sourde lire quelques chose dans la salle. Quand la sonnerie a retenti, que la porte du box s’est ouverte, c’est le silence de la salle qui est monté vers moi, le silence. […] Je n’ai pas regardé du côté de Marie. Je n’ai pas eu le temps parce que le Président m’a dit dans une forme bizarre que j’aurais la tête tranchée sur une place publique au nom du peuple français » L’Exécution de Robert Badinter (1973) À propos de l’exécution de Bontems, en voyant la guillotine et le bourreau : « Le crime avait, physiquement, changé de camp ». L’Abolition de Robert Badinter (2000) « Je prenais activement part, désormais, aux conférences organisées en faveur de l’abolition […]. La séance connaissait un déroulement invariable. Les mêmes arguments suscitaient les mêmes questions qui appelaient les mêmes réponses. Souvent c’était sur le ton de l’indignation, parfois à la limite de l’insulte que certains partisans de la peine de mort m’interpellaient. À leurs yeux, les abolitionnistes prenaient parti pour les assassins contre les victimes. La fièvre qui les animait leur faisait souhaiter une justice expéditive et sommaire, une sorte de grande terreur permanente où la guillotine fonctionnerait sans recours et sans délai. À les entendre, je pensais que c’était là, dans cette passion de la mise à mort, que résidait le foyer irrationnel qui rendait si difficile l’abolition ». Contre la peine de mort de Robert Badinter (2006) « Bien sûr, dans les démocraties qui n’ont point encore mis le supplice au musée, on parlera de justice, de « procès équitable ». Je ricane. Il faut n’avoir jamais connu la réalité d’un procès « capital » pour se satisfaire des garanties formelles de la procédure criminelle quand il s’agit de la vie ou de la mort dans un prétoire. Le rite judiciaire ne recouvre alors que l’instinct de mort, qu’on s’efforce, pour l’accusation, de libérer, pour la défense, de repousser. Je me souviens de ces audiences terribles où, à la représentation du crime, à l’évocation de la souffrance de la victime, je sentais, invisible mais présente dans la salle d’audience, la mort comme une hyène aux yeux rouges qui fixait l’accusé et attendait son heure. La justice qui tue, je l’ai connue. Je frémis encore, après trente ans écoulés, de ces moments où il fallait arracher, par des mots de feu jetés à la face des jurés stupéfiés, la vie oui la vie du misérable dont j’entendais le souffle court, saccadé, derrière moi, alors que l’avocat général demandait sa tête. Et qu’il fallait sauver, oui sauver par des mots. » Mouvement Européen France Robert Badinter (né en 1928) Avocat, essayiste et homme politique français. Ministre de la Justice sous le premier septennat de François Mitterrand, il fit abolir la peine de mort le 30 septembre 1981. Marqué par la condamnation à mort et l’exécution de Roger Bontems, son client, qui n’avait pas donné la mort et qu’il ne parviendra pas à sauver, Robert Badinter mena sans relâche, dans les années 70, le combat contre la peine capitale. Défenseur de Patrick Henry, un tueur d’enfant dans une affaire qui avait émue toute la France, il mena à cette occasion « le procès de la peine de mort » et le gagna, évitant à Patrick Henry à la guillotine. Devenu garde des sceaux, son discours devant l’Assemblée nationale en 1981, lors du débat sur la loi abolissant la peine capitale, est resté célèbre : « Demain, grâce à vous la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées. » Après l’abolition en France, il continua son combat, notamment en animant le premier Congrès mondial contre la peine de mort à Strasbourg en 2001 et en faisant des conférences dans le monde entier pour l’abolition universelle. En 2007, il fut rapporteur devant le Sénat du projet visant à inscrire l’abolition de la peine de mort au sein de la Constitution. Cesare Beccaria (1738-1794) Dans son ouvrage majeur, Des délits et des peines (1764), il dénonça la pratique de la torture et de la peine de mort, qu’il jugea « barbare » : « Il me semble absurde que les lois, qui sont l’expression de la volonté publique, qui détestent et punissent l’homicide, en commettent un ellesmêmes, et, pour éloigner les citoyens de l’assassinat, ordonnent un assassinat public. » Dès sa sortie, cet ouvrage connaît un succès retentissant. En France, il est remarqué par Diderot et d’Alembert. Voltaire publie un Commentaire sur Des délits et des peines dès 1766. Il alla même jusqu’à qualifier la peine capitale de « crime judiciaire », « ni utile, ni nécessaire ». Les principes qu’il développa constituent aujourd’hui les piliers de la justice des pays démocratiques : légalité des peines, non-rétroactivité de la loi pénale, présomption d’innocence. Victor Hugo (1802-1885) Grand écrivain et poète français, il fut député sous la Deuxième République, puis s’exila sous le Second Empire. De retour en France après la chute de Napoléon III en 1870, il laissa l’image d’une grande figure républicaine. Mettant son talent au service de l’abolition, il lutta toute sa vie contre la peine de mort, d’abord à travers deux romans de jeunesse, Le dernier jour d’un condamné (1829) et Claude Gueux (1834), dans lesquels il dénonça la cruauté de la peine capitale. Il poursuivit son combat en tant qu’homme politique, notamment dans le discours poignant qu’il prononça le 15 septembre 1848 devant l’Assemblée Constituante, dans lequel il affirma que : « la peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. » Aux Genevois cherchant à abolir la peine de mort, Hugo adresse cette belle formule : « C’est à un certain respect mystérieux de la vie qu’on reconnaît l’homme qui pense. » Jean – Paul II (1920-2005) Premier pape polonais (de 1978 à 2005), Karol Józef Wojtyła se prononça avec insistance contre la peine de mort, qu’il jugeait incompatible avec les valeurs de l’Église. Dans plusieurs textes, notamment l’encyclique Evangelium Vitae de 1995, il affirma l’incompatibilité de la peine capitale avec le respect de la vie humaine, défendue par l’Église. Il appela à plusieurs reprises les représentants de pays non abolitionnistes à mettre fin à cette pratique qu’il considérait comme « cruelle et inutile ». Par exemple, dans son message de Noël en 1998, il se prononça en faveur de la prise de « mesures urgentes et adaptées [pour] bannir la peine de mort ». En 1999, il évoqua à nouveau l’abolition de ce châtiment dans une homélie. La même année, l’observateur permanent du Saint Siège, Mgr Renato Raffaele Martino, prononça un véritable plaidoyer contre la peine capitale au nom du droit à la vie de toute personne humaine. Gustav Radbruch (1878 – 1949) Juriste et professeur de droit allemand, il travailla dans le domaine de la politique juridique durant toute la période de la République de Weimar (1919-1933). Il fut député au Reichstag de 1920 à 1924, où il fut spécifiquement en charge des questions juridiques. Ministre de la Justice de 1921 à 1922, il rédigea un projet de Code pénal très novateur dans lequel il proposa une réforme en profondeur du droit pénal. Il refusait notamment que les peines prononcées fussent strictement punitives, car elles devaient selon lui également contribuer à la resocialisation des criminels. Le combat contre la peine de mort occupa une place importante dans son Code pénal, car ce châtiment est avant tout l’expression d’une vengeance. Pour des raisons politiques, son Code pénal ne vit toutefois jamais le jour. Panneau 8 Un pas de plus vers l’abolition universelle de la peine de mort L’UE adopte enfin une Journée européenne contre la peine de mort ! En décembre 2007, les ministres de la justice de l’Union européenne ont adopté le principe dela célébration d’une « Journée européenne contre la peine de mort ». Cette journée aura lieu chaque année, le 10 octobre. Cette décision a été rendue possible par le changement de gouvernement en Pologne en novembre 2007. L’Assemblée générale de l’ONU demande un moratoire pour l’abolition de la peine de mort Le 18 décembre 2007, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, à une large majorité, la résolution non contraignante appelant à un moratoire universel sur les exécutions : 104 pays ont soutenu le texte alors que 54 s’y sont opposés. Les pays qui exécutent des condamnés à mort le feront désormais contre la volonté exprimée par la majorité des États du monde. Cette résolution avait été proposée par l’Italie, une résolution identique avait été proposée il y a dix ans mais elle avait, alors été rejetée. Pour le chef de la diplomatie italienne, le résultat obtenu à l’ONU va « au-delà des attentes. C’est une grande satisfaction ». Le président du Conseil italien, Romano Prodi a abondé dans le même sens : « C’est un jour historique. » Concrètement, le moratoire implique la suspension de toutes les exécutions déjà programmées et l’interdiction d’en infliger de nouvelles. Mais aussi la nécessité de mener un débat devant aboutir à l’abolition de la peine capitale. Ce vote montre une tendance manifeste pour l’abolition universelle. Des Etats américains montrent la voie Le 13 décembre 2007, l’État du New Jersey a décidé d’abolir la peine de mort. L’Assemblée de l’État a adopté, le principe de remplacement de ce châtiment par une peine incompressible, par 44 voix contre 36. Même si aucune exécution n’avait été enregistrée dans le New Jersey depuis plus de trente ans, la peine des huit détenus actuellement dans les couloirs de la mort sera commuée en une condamnation à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle. Le New Jersey est le premier État américain à voter l’abolition de la peine de mort depuis 1956 et rejoint ainsi les treize États américains (sur 50) qui ne pratiquent pas la peine capitale. La décision du New Jersey intervient en pleine recrudescence du débat sur la peine de mort aux États-Unis. La Cour suprême doit déterminer si l’injection létale, la méthode d’exécution majoritairement utilisée dans le pays, s’apparente à un traitement « cruel et inhabituel » interdit par le 8e amendement de la Constitution. Les exécutions sont suspendues dans le pays depuis le 25 septembre, date à laquelle la Cour suprême a annoncé qu’elle se saisissait du débat. États Année de l’abolition Michigan 1846 Wisconsin 1853 Maine 1887 Minnesota 1911 Alaska 1957 Hawaï 1959 Vermont 1964 Virginie de l’Ouest 1965 Iowa 1965 Dakota du Nord 1973 Massachusetts 1984 Rhode Island 1984 États qui ont aboli la Peine de mort États dans lesquels aucune exécution n’a eu lieu depuis 1976 États qui n’ont pas aboli la Peine de mort À ces États s’ajoute le District de Columbia, qui n’est pas un État mais un territoire sous juridiction fédérale. Quatre États n’ont par ailleurs connu aucune exécution depuis 1976 : • Le Kansas • Le New Hampshire • L’état de New York : En 2004, au cours du procès de Stephen LaValle, la cour d’appel de l’État de New York, la plus haute instance juridique de l’État, a déclaré la peine de mort inconstitutionnelle. La loi n’a néanmoins toujours pas été abrogée. La suspension de la peine capitale dans l’État repose donc sur la jurisprudence. • Le New Jersey : devrait très bientôt devenir le 13e État abolitionniste officiel américain. Mouvement Européen France Conclusions : Quelques États demeurent opposés à toute évolution en la matière. Selon Amnesty International, en 2005, 2 148 exécutions ont été effectuées dans 22 pays, dont 94 % en Chine, en Iran, en Arabie saoudite et aux États-Unis. Au Japon, le 7 décembre 2007, trois condamnés à mort ont été pendus, portant à neuf le nombre d’exécutions capitales dans le pays en 2007. Quant à l’abolition, elle a progressé. De 36 pays abolitionnistes en 1977, le monde en compte 88 aujourd’hui, dont le plus récent, l’Ouzbékistan, dont la Chambre haute du Parlement a aboli la peine de mort le 1er janvier 2008. Panneau 9