exposition sur l`abolition de la peine de mort

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exposition sur l`abolition de la peine de mort
L’abolition : une valeur
européenne commune
Existe-t-il des « valeurs européennes » ? Pour le plus grand nombre, la question semble abstraite. Pourtant, dans leur
immense majorité, les Européens rejettent une justice qui tue. Même s’ils n’en ont pas toujours conscience, ils sont
ainsi d’accord sur un choix de société essentiel.
La peine de mort est inhumaine. La peine de mort est inutile.
Au nom de la dignité humaine, Les Européens ont aboli la peine capitale.
L’Europe est le continent de l’abolition. D’Europe viendra l’abolition universelle.
Espagnol
La pena de muerte es inhumana. La pena de muerte es inutil.
En nombre de la dignidad de la persona humana, los europeos
han abolido la pena capital. Europa es el continente de la
abolición. De Europa saldrá la abolición universal.
Anglais
The death penalty is inhuman. The death penalty serves
no purpose. In the name of human dignity, Europeans have
abolished capital punishment. Europe is the continent of
abolition. From Europe will come universal abolition of the
death penalty.
Italien
La pena di morte é inumana. La pena di morte é inutile. A
nome della dignità umana, gli Europei hanno abolito la pena
capitale. L’Europa é il continente dell’abolizione. Dall’Europa
verrà l’abolizione universale.
Danois
Dødsstraf er inhumant. Dødsstraffen er unødvendig…
I menneskekærlighedens navn har europæerne afskaffet
dødsstraffen. Dødsstraffen eksisterer ikke i Europa. Fra Europa
vil komme dens universelle afskaffelse
Suédois
Dödsstraffet är omänskligt. Dödsstraffet tjänar inget syfte.
I den mänskliga värdighetens namn har européerna avskaffat
dödsstraffet. Med Europa som förebild kommer dödsstraffet att
avskaffas universellt.
Gaelique
Tá píonós an bháis mídhaonna. Níl feidhm ar bith ag baint leis.
Chuir muintir na h-Eorpa deireadh le píonós an bháis ar son
dínit an duine. Is í an Eoraip mór-roinn an chealaithe. Is san
Eoraip a chealófar píonós an bháis ar dtús. »
Grec
Η θανατική ποινή είναι απάνθρωπη. Η θανατική ποινή
είναι άχρηστη.
Εν ονόματι της ανθρώπινης αξιοπρέπειας, οι Ευρωπαίοι
κατήργησαν την εσχάτη των ποινών.
Η Ευρώπη είναι η Ήπειρος της κατάργησης της
θανατικής ποινής. Η καθολική κατάργηση της θανατικής
ποινής θα έρθει από την Ευρώπη.
Hongrois
A halálbüntetés embertelen. A halálbüntetés hiábavaló.
Az emberi méltóság nevében az európaiak eltörölték a
halálbüntetést.
Európa a kontinens, ahol eltörölték. A halálbüntetés egyetemes
eltörlése is Európából fog jönni. »
Letton
« Nāves sods ir necilvēcīgs. Nāves sods
ir nevajadzīgs. Aiz cieņas pret cilvēku,
eiropieši atcēluši augstāko soda mēru. »
Eiropa ir atcelšanas kontinents.
No Eiropas celsies vispārējais nāves
soda aizliegums.
Polonais
Kara smierci jest nieludzka ; kara
smierci jest niepotrzebna
W imie ludzkiej godnosci,
Europejczycy zniesli kare smierci
Europa jest kontynentem
zniesienia kary smierci, i z Europy
przyjdzie zniesienie uniwersalne
Lithuanien
Mirties bausmė yra nehumaniška.
Mirties bausmė yra beprasmiška.
Vadovaudamiesi žmogiškuoju orumu,
europiečiai panaikino mirties bausmę.
Europa yra žemynas, kuris davė pradžią
mirties bausmės panaikinimui. Iš
Europos jis pasklis po visą pasaulį.
Slovène
Smrtna kazen je neèloveška.
Smrtna kazen nima nobenega
smisla. Evropejci so v
imenu èloveškega dostojanstva
odpravili smrtno kazen. Evropa je
celina odprave.
Iz Evrope bo izhajala splošna
odprava smrtne kazni.
Maltais
Il-piena tal-mewt hija inumana. Il-piena
tal-mewt ma ghandha l-ebda skop.
F’gieh id-dinjita umana, l-Ewropej
eradikaw il-piena kapitali.
L-Ewropa hija l-kontinent ta’l’abolizzjoni.
Mill-Ewropa tasal l-abolizzjoni universali
tal-piena kapitali.
Portugais
A pena de morte é desumana. A
pena de morte é inútil.
Em nome da dignidade humana,
os Europeus aboliram a pena
capital. A Europa é o continente
da abolição. Da Europa virá a
abolição universal.
Roumain
Pedeapsa cu moartea este inumana.
Pedeapsa cu moartea este inutila.
In numele demnitatii umane, Europenii
au abolit pedeapsa capitala.
Europa reprezinta « continentul
abolitiunii ». Din Europa va veni
« abolitiunea universala ».
Nederlands
De doodstraf is onmenselijk. De
doodstraf heeft geen doel.
In de naam van humanitaire
waardigheid, hebben Europeanen
de doodstraf afgeschaft.
Europa is het continent van de
afschaffing. Vanuit Europa zal
universele afschaffing van de doodstraf komen.
Tchèque
Trest smrti je nehumánní. Trest smrti je zbytečný.
Ve jménu lidské důstojnosti zrušili Evropané trest smrti.
Evropa je kontinentem zrušení. Z Evropy přijde univerzální
zrušení.
Slovaque
Trest smrti je neľudský, nehumánny. Trest smrti je neužitočný.
V mene ľudskej dôstojnosti, Európania zrušili trest smrti.
Európa je kontinent abolície. Z Európy príde impulz
všeobecného zrušenia trestu smrti.
Mouvement Européen
France
Bulgare
Allemand
Die Todesstrafe ist unmenschlich. Die Todesstrafe ist ohne
Nutzen. Im Namen der Menschenwürde haben die Europäer
die Todesstrafe (diese Kapitalstrafe) abgeschafft.
Europa ist der Kontinent der Abolition (Abschaffung der
Todesstrafe). Von Europa geht eine generelle Abschaffung aus.
(Von Europa geht ein Prozess der generellen Abschaffung der
Todesstrafe aus)
Смъртната присъда е нечовешка.
Смъртната присъда е ненужна.
В името на човешкото достойнство, Европейците
премахнаха смъртната присъда.
Европа е континента на отмяната. От Европа ще дойде
универсалната отмяна на смъртната присъда.
Estonien
Surmanuhtlus on ebainimlik. Surmanuhtlus on môtetu.
Inimväärikuse nimel tühistasid eurooplased surmanuhtluse.
Tühistamise mandriks on Euroopa. Euroopast saab alguse
ülemaailmne
surmanuhtluse tühistamine.
Panneau
1
La peine de mort dans le monde
Rappel d’une funeste réalité
Les pays abolitionnistes pour tous les crimes : la peine de mort y est
interdite, c’est le cas dans l’UE et au total dans 88 pays de la planète.
Les abolitionnistes pour les crimes ordinaires : la peine de mort n’y
est appliquée qu’en cas de crime « exceptionnel » commis dans des
circonstances exceptionnelles ou sous loi militaire. C’est le cas d’Israël et
de 11 pays en tout.
Les abolitionnistes en pratique : si leur loi autorise la peine de mort, en
pratique, ils ont cessé toute exécution depuis plus de 10 ans. 29 pays sont
concernés, dont notamment le Maroc, l’Algérie, le Ghana ou le Niger.
69 pays ou territoires appliquent la peine de mort pour les crimes
ordinaires. Dont notamment les États-Unis, l’Arabie Saoudite, l’Egypte,
les Bahamas, l’Afghanistan ou Singapour.
• 20 000 personnes à travers le monde attendent leur exécution
• 1 591 prisonniers ont été exécutés en 2006 dans 25 pays
• 3 861 personnes ont été condamnées à mort dans 55 pays.
Ces chiffres sont certainement très en deçà de la réalité.
91 % des exécutions ont eu lieu dans six pays : Chine, États-Unis, Irak, Iran, Pakistan et Soudan.
Chine
Nombre d’exécutions en 2006 : au moins 1 010, jusqu’à 8 000 selon certaines sources
Mode opératoire : peloton d’exécution
Exemples de crimes passibles de la peine de mort : corruption, meurtre, trafic de drogue.
États-Unis
24 États pratiquent la peine de mort, 12 ont suspendu les exécutions, 2 ont
prononcé un moratoire et 12 ont aboli la peine de mort.
Nombre d’exécutions en 2006 : 53
Mode opératoire : électrocution, injection létale, chambre à gaz, peloton
d’exécution, pendaison ; des controverses sur les injections létales ont conduit à un
moratoire de fait.
Exemples de crimes passibles de la peine de mort : meurtre, trahison.
Irak
Nombre d’exécutions en 2006 : au moins 65
Mode opératoire : pendaison
Exemples de crimes passibles de la peine de mort : meurtre, crime contre l’humanité.
Iran
Nombre d’exécutions en 2006 : au moins 177.
Mode opératoire : pendaison, lapidation.
Exemples de crimes passibles de la peine de mort : meurtre, trafic de drogue, adultère, homosexualité.
Pakistan
Nombre d’exécutions en 2006 : au moins 82
Mode opératoire : pendaison, lapidation
Exemples de crimes passibles de la peine de mort : meurtre, adultère, homosexualité.
Soudan
Nombre d’exécutions en 2006 : au moins 65
Mode opératoire : lapidation, peloton d’exécution.
Exemples de crimes passibles de la peine de mort : meurtre, adultère, homosexualité.
Egypte
Nombre d’exécutions en 2006 : 2
Mode opératoire : pendaison.
Exemple de crimes passibles de la peine de mort : homicide aggravé, incendie volontaire, viol, détournement
aérien, espionnage, trafic de stupéfiants, délits politique et militaire.
Arabie Saoudite
Nombre d’exécutions en 2006 : 38
Mode opératoire : décapitation au sabre
Exemple de crimes passibles de la peine de mort : homicide, viol, vol à main armée, trafic de drogue, sorcellerie,
adultère, homosexualité, vol sur autoroute, sabotage, renoncement à l’Islam (apostasie).
Une autre démocratie, le Japon, pratique encore ce châtiment
Nombre d’exécutions en 2006 : 4
Mode opératoire : pendaison
Exemples de crimes passibles de la peine de mort : meurtres avec des
circonstances aggravantes comme le viol ou le vol.
Mouvement Européen
France
Panneau
2
L’Europe,
continent de l’abolition
La totalité des États membres de l’Union européenne
a aujourd’hui aboli la peine de mort pour tous les
crimes. La plupart des constitutions nationales ont
même solennellement interdit la peine capitale.
Abolition
Moratoire
Peine de mort
La Biélorussie, la dernière dictature en Europe, n’a pas
abolie la peine de mort.
Le Président Alexander Lukashenko est âprement
critiqué en Europe pour son rôle autoritaire. En janvier
1997 l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
a suspendu le statut d’observateur spécial de la
Biélorussie à cause de sa position sur la peine de mort.
Les informations sur la peine de mort sont classées
comme secret d’État par le gouvernement biélorusse :
les dates et lieux de l’exécution ne sont pas communiqués aux membres de la famille des condamnés,
même pas après l’exécution de leur parent.
Russie
Belarus
Amnesty International aurait recensé 30 exécutions
en 1999.
0
500 km
Constitution du Royaume de Belgique
Article 18
Date de l’abolition
pour tous les
crimes *
Date de la
dernière
exécution
Autriche
1968
1950
Finlande
1972
1944
Suède
1972
1910
Charte des droits et libertés fondamentaux de la République tchèque
Article 6-3
Portugal
1976
1849
« La peine est inadmissible. »
Danemark
1978
1950
Luxembourg
1979
1949
France
1981
1977
Pays-Bas
1982
1952
Allemagne
1987
NC
Roumanie
1989
1989
Slovénie
1989
NC
République Tchèque
1990
NC
Hongrie
1990
1988
Irlande
1990
1954
Slovaquie
1990
NC
Italie
1994
1947
Espagne
1995
1975
Belgique
1996
1950
Pologne
1997
1988
Bulgarie
1998
1989
Estonie
1998
1991
Roumanie Constitution de la Roumanie (1991)
L’article 22-3 dispose :
Lituanie
1998
1995
« La peine de mort est interdite. »
Royaume-Uni
1998
1964
L’article 22 est intitulé
Lettonie
1999
1996
« Le droit à la vie et à l’intégrité physique et mentale ».
Malte
2000
1943
Chypre
2002
1962
Grèce
2004
1972
États membres
« La mort civile est abolie ; elle ne peut être rétablie. »
Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne
Article 102
« La peine de mort est abolie. »
Constitution de la République hellénique
Article 5-3
« La peine de mort ne doit pas être imposée excepté dans les cas décrits dans la loi,
pour trahison perpétrée en temps de guerre ou en relation avec la guerre. »
Constitution française article 66-1
(loi constitutionnelle du 23 février 2007 relative à l’interdiction de la peine de mort)
« Nul ne peut être condamné à mort. »
Irlande Constitution de la République d’Irlande (1937, amendée)
En vertu de l’article 15-2-2,
« Il est interdit à l’Oireachtas [Parlement] de voter quelque loi que ce soit prévoyant
l’application de la peine de mort ».
Slovaquie Constitution de la République slovaque
(3 septembre 1992) L’article 15 qui traite du droit à la vie dispose
«… 3. La peine de mort est irrecevable… »
* Les dates définitives d’abolition de la peine de mort
semblent tardives cependant les lois des États limitaient
son application exclusivement à certains crimes commis en
temps de guerre.
Mouvement Européen
France
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3
La longue marche
vers les valeurs humanistes
L’Union européenne est bien plus qu’un marché : les Européens partagent des valeurs communes, issues d’une longue histoire. Au
premier rang de celles-ci figure le respect de la vie humaine, qui justifie l’abolition.
Dès l’antiquité une réflexion sur la peine de mort s’est engagée. Nous en avons des traces chez Platon ; dans Les Lois, il estime
que tout objet ou animal ayant causé la mort d’un Homme par accident doit être détruit ou exécuté. Il considère que le meurtre
n’est pas un acte naturel chez l’homme, le criminel est, selon lui, malade de l’âme, il est nécessaire de le rééduquer, la peine de
mort n’est envisagée qu’en dernier recours. À Rome, la peine de mort n’est pas envisagée pour le citoyen mais les pères de famille
avaient droit de vie et de mort sur leurs proches, enfants et esclaves.
Avec la chrétienté, la dignité humaine,
l’égalité des hommes devant Dieu et le
respect de la vie sont professés avec force,
dans lignée des dix commandements.
Mais, malgré l’injonction « tu ne tueras
point », guerres et exécutions se pour­
suivent, y compris au nom de Dieu. Des
croisades à l’inquisition, des lettres de
« Scène d’inquisition, les sorcières au bûcher »
cachet aux chasses aux sorcières, la
justice est souvent expéditive, la peine
capitale infligée en place publique, selon des méthodes barbares. Même si à
certaines époques, la vie humaine est protégée : Clovis, dans la loi salique, a
fait fixer un prix pour une vie humaine, afin d’empêcher les rixes et vengeances
privées.
Meurtre d’Abel par Caïen
Les Dix Commandements :
Je suis le Seigneur ton Dieu.
Tu ne prononceras pas le nom de Dieu
en vain
Se souvenir de sanctifier les jours festifs
Honore ton père et ta mère
Tu ne tueras point
Tu ne commettras pas d’adultère
Tu ne voleras pas
Tu ne feras pas de faux témoignages
Tu ne désireras pas la femme de ton prochain
Tu ne convoiteras pas le bien du prochain
C’est seulement au XVIIIe siècle que l’esprit de raison et de tolérance des
Lumières amène une réflexion sur la peine de mort : Cesare Beccaria, le premier,
démontre combien elle est inhumaine, inefficace et dangereuse pour la justice
elle-même, les erreurs judiciaires étant irréparables. Ses échanges intellectuels
avec d’autres Européens, notamment Voltaire, contribuent à la diffusion de ces
idées nouvelles. Le Grand Duc de Toscane supprime la peine de mort en 1786.
En France, le premier grand débat parlementaire sur la
peine de mort a lieu lors de la discussion du projet de
code pénal en mai-juin 1791. Parmi les contributions
importantes figurent le rapport de Le Peletier de Saint
Fargeau et les discours de Duport et de Robespierre
favorables à l’abolition de la peine de mort. Ils mettent
en avant le caractère injuste de cette peine, le risque
d’erreur judiciaire, l’absence d’effet dissuasif, de valeur
Le Peletier de Saint
Fargeau
d’exemple. La seule exception qu’ils pourraient accepter
est celle de la protection de la sécurité de l’État.
Mais en 1791, l’Assemblée constituante refuse l’abolition de
la peine de mort ; elle supprime simplement les supplices.
Dans l’article premier de la loi du 30 décembre 1791, il est
ainsi écrit que « Dès à présent la peine de mort ne sera plus
que la simple privation de la vie. » C’est ainsi que la mort du
Roi, Louis XVI est votée même si quelques uns s’y opposent
comme Condorcet ou l’Abbé Grégoire. Condorcet déclare :
« La peine contre les conspirateurs est la mort. Mais cette peine
Condorcet
est contre nos principes. Je ne la voterai jamais. » La Révolution
française finit dans un bain de sang ; la Convention finit par renoncer à la peine
capitale après les excès de la Terreur mais le code pénal de 1810 rétablit en droit
la peine capitale, en France. Tout condamné à mort aura la tête tranchée.
Loi portant abolition de la peine de mort 8 octobre 2001
Mouvement Européen
France
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4
La Convention européenne
de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés
fondamentales
L’abolition de la peine de mort progresse petit à petit au Conseil de l’Europe.
La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : un progrès majeur contre la
peine de mort
La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) est un traité international
signé à Rome le 4 novembre 1950, auquel sont désormais parties 47 États membres du Conseil de l’Europe.
La CEDH proclame les principaux droits et libertés de la personne humaine. Elle met particulièrement en avant le droit à la vie,
à la liberté individuelle, à un procès équitable ou encore à la vie privée et familiale. Elle interdit la torture, le travail forcé et les
discriminations en tout genre.
Le texte d’origine de la CEDH n’interdit pas la peine de mort, même si elle garantit le droit à la vie. C’est par deux protocoles
additionnels de 1982 (n° 6) et 2002 (n° 13) que la peine de mort a été abolie en temps de paix, puis en toutes circonstances. Ces
textes n’ont pas été ratifiés par tous les États membres du Conseil de l’Europe, mais, depuis 1997, aucune exécution n’a eu lieu
dans les 47 États du Conseil de l’Europe.
Ne pas confondre : Conseil de l’Europe et Union européenne !
Le Conseil de l’Europe est né avant les Communautés européennes, en mai 1949. Il compte aujourd’hui 47 États,
tous ceux de l’Union européenne, mais aussi par exemple la Turquie, la Russie, l’Ukraine ou des États du Caucase.
Il a été fondé après la Seconde Guerre Mondiale, afin d’accompagner le redressement de l’Europe. À Zurich, en
1946, Winston Churchill avait appelé à un sursaut moral et invité les continentaux à créer « une sorte d’États-Unis
d’Europe », afin de garantir une paix perpétuelle sur le continent.
L’objectif du Conseil de l’Europe consiste encore aujourd’hui à favoriser la consolidation, en Europe, d’un espace
démocratique et juridique commun, notamment en défendant les droits de l’Homme, l’État de droit, la démocratie
pluraliste et les droits des minorités.
La CEDH : une protection efficace
Texte de 1950 :
Titre I – Droits et libertés 1
Article 2 – Droit à la vie
Le droit de toute personne à la vie est protégé par
la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque
intentionnellement, sauf en exécution d’une
sentence capitale prononcée par un tribunal au cas
où le délit est puni de cette peine par la loi.
Texte de la Convention modifié en
avril 1983 :
Protocole 6 :
Article 1 – Abolition de la peine de mort
La peine de mort est abolie. Nul ne peut être
condamné à une telle peine ni exécuté.
Article 2 – Peine de mort en temps de guerre
Un État peut prévoir dans sa législation la peine de
mort pour des actes commis en temps de guerre
ou de danger imminent de guerre ; une telle peine
ne sera appliquée que dans les cas prévus par cette
législation et conformément à ses dispositions.
Cet État communiquera au Secrétaire Général du
Conseil de l’Europe les dispositions afférentes de la
législation en cause.
Les droits proclamés par la CEDH sont garantis par la Cour européenne des droits de l’homme, qui siège à
Strasbourg et qui dépend du Conseil de l’Europe. Toute personne s’estimant lésée par les autorités d’un pays
signataire de la CEDH peut faire valoir ses droits devant la Cour, laquelle sanctionnera le cas échéant l’État en
question. Cette protection juridictionnelle constitue un élément important de la citoyenneté européenne ; elle
donne aux individus des outils contraignants contre les abus des États.
Bien que la CEDH ne soit pas formellement un texte de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union
européenne, qui a son siège à Luxembourg, applique aussi ce texte. Le projet de traité constitutionnel européen
prévoyait même que l’UE y adhère.
Des cas concrets
La Cour de Strasbourg s’est prononcée contre l’extradition de personnes emprisonnées en Europe vers des pays où
elles seraient susceptibles d’être condamnées à mort. Ainsi, lors de l’affaire Soering de 1989, les juges ont interdit
l’extradition du requérant, emprisonné au Royaume-Uni, vers les États-Unis. La Cour européenne des Droits de
l’Homme a jugé le « syndrome du couloir de la mort » contraire à l’article 3 de la ConvEDH, compte tenu de l’âge et
de l’état mental de l’individu, des conditions et de la durée de la détention dans le quartier des condamnés à mort.
« Eu égard, cependant, à la très longue période à passer dans le « couloir de la mort » dans des conditions
aussi extrêmes, avec l’angoisse omniprésente et croissante de l’exécution de la peine capitale, et à la situation
personnelle du requérant, en particulier son âge et son état mental à l’époque de l’infraction, une extradition vers
les États-Unis exposerait l’intéressé à un risque réel de traitement dépassant le seuil fixé par l’article 3 (art. 3).
C’est donc contraire à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme qui impose que « Nul ne
peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».
Cette jurisprudence a été confirmée par la CEDH à de nombreuses reprises. Ainsi, dans l’arrêt Jabari c/Turquie du
11 juillet 2002, la Cour a considéré que l’expulsion d’une femme vers l’Iran où elle risquait d’être condamnée à
mort par lapidation est incompatible avec l’obligation de la Turquie de respecter l’article 3 de la ConvEDH.
La Cour a de même estimé en 2003 lors de l’affaire Öçalan, concernant la Turquie, qu’une condamnation à mort
prononcée au terme d’un procès inéquitable équivaut à une torture.
La Grande Chambre conclut que le fait de prononcer la peine de mort à l’encontre du requérant à l’issue d’un
procès inéquitable devant un tribunal dont l’indépendance et l’impartialité sont sujettes à caution s’analyse en un
traitement inhumain.
Article 3 – Interdiction de dérogations
Aucune dérogation n’est autorisée aux dispositions
du présent Protocole au titre de l’article 15 de la
Convention.
Texte de la Convention modifié en
mai 2002 :
Protocole 13 :
Article 1 – Abolition de la peine de mort
La peine de mort est abolie. Nul ne peut être
condamné à une telle peine ni exécuté.
« L’individu s’est vu reconnaître au plan international un véritable
droit d’action pour faire valoir des droits et libertés qu’il tient
directement de la Convention. »
(Protocole 12)
Article 2 – Interdiction de dérogations
Aucune dérogation n’est autorisée aux dispositions
du présent Protocole au titre de l’article 15 de la
Convention.
« Le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus
étroite entre ses membres… »
Article 3 – Interdiction de réserves
Aucune réserve n’est admise aux dispositions
du présent Protocole au titre de l’article 57 de la
Convention.
(Art. 1er – Statut du Conseil de l’Europe)
Mouvement Européen
France
Panneau
5
L’Union européenne,
gardienne de l’abolition
L’abolition : une condition d’adhésion à l’UE
Le traité de Maastricht de 1992 affirme que « L’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du
respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que l’État de droit, principes qui sont communs
aux États membres. »
L’Union européenne est aujourd’hui un espace sans peine de mort. L’abolition est une des conditions préalables à
l’adhésion.
Signature de la Charte des droits fondamentaux à Nice par :
Nicola Fontaine, Présidente du Parlement européen,
Hubert Védrine, Ministre français des Affaires étrangères,
Romano Prodi, Président de la Commission européenne.
(image du Parlement européen)
En finir avec la peine
de mort
Pour que les Nations unies
adoptent un moratoire universel
contre les exécutions capitales.
Par Romano Prodi
Ancien président de la Commission européenne,
président du Conseil italien. Point de vue publié
par le quotidien Libération, Paris, 25 septembre
2007.
J’ai écrit une lettre ouverte aux 55 prix Nobel qui
m’avaient adressé un appel pour que soit approuvé dans
les plus brefs délais un moratoire universel sur la peine
de mort en vue de l’abolition totale de cette dernière.
Je les ai priés de continuer à soutenir cette bataille de
civilisation avec l’Italie et je les ai invités à venir à New
York, le 28 septembre [2007], au Palais de verre, pour
témoigner avec nous de leur engagement.
[…]
Si j’ai invité 55 prix Nobel à New York, c’est parce que
leur engagement durant ces journées décisives sera le
témoignage extraordinaire d’un effort conjoint pour la
réalisation de plus en plus totale des droits humains
universels. Nous savons que nous ne pouvons pas nous
faire d’illusions. La bataille contre la peine capitale est
un combat difficile, s’agissant d’une pratique que de
nombreux pays exercent encore. Nous sommes prêts,
toutefois, à prendre des risques pour essayer de remporter cette bataille. Les conditions existent, nous avons
des raisons d’espérer, à partir du soutien des principaux
organismes internationaux, de l’Union européenne, de
l’opinion publique mondiale et d’un nombre croissant
de pays qui rejettent le recours à cette pratique cruelle
et inhumaine. Des continents les plus tourmentés — je
me réfère à l’Asie et à l’Afrique — ne cessent d’arriver,
même ces derniers jours, des signes encourageants. La
Chine même a engagé une réflexion à long terme sur
le recours à la peine de mort, qui me semble aller audelà des soucis contingents liés à l’organisation des Jeux
olympiques à Pékin [en 2008].
La peine de mort est un acte extrême, contraire aux
principes plus élémentaires de la coexistence civile, entretenue au fil des siècles par une logique de violence.
Nous avons aujourd’hui une occasion unique pour nous
affranchir, pour essayer de briser cette chaîne. Sur la
signification de la peine capitale, tout a été écrit. La tradition italienne, à partir de la philosophie des Lumières
de Cesare Beccaria, a été protagoniste du débat éthique
et philosophique sur ce thème. Je me bornerai donc à
rappeler qu’en approuvant une résolution aux Nations
unies nous pourrons mettre en exergue un principe très
important : à savoir que l’être humain est capable de
réaliser des progrès non seulement dans le domaine de
la science, ce qui est une évidence, mais aussi dans le
domaine éthique — ce sur quoi on pourrait avoir des
doutes légitimes vu ce qui arrive aujourd’hui dans le
monde.
Une résolution des Nations unies contre la peine de
mort pourrait donc montrer que l’homme d’aujourd’hui
est meilleur que l’homme d’hier, même sur le plan éthique et moral. Ce serait un résultat énorme qui influerait
sur la notion même de progrès. Un résultat qui ouvrirait
la voie à un avenir plus juste, dans une société qui se dégagerait enfin de la spirale de la vengeance fratricide de
Caïn et Abel. Une société qui montrerait qu’elle a compris la leçon de sagesse ancienne évoquée récemment
par Zygmunt Bauman : « Si tu veux la paix, agis pour la
justice ».
Mouvement Européen
France
Sous l’impulsion conjointe de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, les douze pays d’Europe centrale ayant
adhéré à l’Union en 2004 et en 2007 ont ainsi tous retiré la peine de mort de leur code pénal. De même, la Turquie,
dont le statut de candidat a été officiellement reconnu en 1999, l’a elle abolie en 2002.
la Charte des droits fondamentaux
En 1999, à la veille de l’arrivée des États d’Europe centrale et orientale, les gouvernements de l’Union européenne
ont souhaité doter celle-ci d’un texte solennel consacrant ses valeurs, en réaction à tous les totalitarismes qui
ont ensanglanté le continent.
Une Convention, composée de parlementaires nationaux et européens, rédige la Charte des droits fondamentaux,
proclamée en décembre 2000 et annexée au traité de Nice.
Malheureusement, ce texte de grande qualité n’est toujours pas contraignant à ce jour dans la mesure où le Traité
constitutionnel qui lui aurait donné une véritable valeur juridique, n’a pas été adopté. L’un des enjeux majeurs
de la négociation du Traité modificatif a été le statut de cette charte. Deux États membres, le Royaume Uni et la
Pologne ont obtenu une dérogation et n’ils n’appliqueront pas la Charte des droits fondamentaux. Avec ce type de
dérogation, nous créons un précédent dangereux : celui de principes fondamentaux valables pour les uns et pas
pour les autres.
La Charte des droits fondamentaux conforte l’abolition
de la peine de mort
La première catégorie des droits reconnus par la Charte a trait à la dignité
humaine. Dés son article 2, elle affirme que « Toute personne a le droit à la
vie. » et que « Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté. »
Au moment de la proclamation de la Charte, puis du débat référendaire de
2005, certains ont vu dans l’affirmation du « droit à la vie » un argument
hostile à l’avortement. L’Union européenne est ainsi accusée de donner
raison à ceux qui remettent en cause les législations prévoyant l’interruption
volontaire de grossesse. C’est inexact. La législation sur l’avortement continue
de relever des compétences nationales de chaque État membre. Elle n’est pas
concernée par cette disposition.
Il est consternant que certains hommes politiques européens procèdent à un amalgame en liant les deux sujets.
Lorsque les Européens proclament leur rejet de la peine capitale, lorsqu’ils agissent ensemble pour l’abolition, des
condamnés, à l’autre bout du monde, peuvent espérer une révision de leur procès, une libération. Leur sort est entre
nos mains. Notre responsabilité est de tout faire pour les sauver, pas de les prendre en otage de nos divergences sur
d’autres sujets, si importants soient-ils.
Une grande vigilance contre les velléités de rétablissement
L’Union européenne doit demeurer extrêmement vigilante face à un possible retour de la peine de mort dans les
États membres. Dans ce but, elle dispose notamment des dispositions introduites dans le droit européen par les
traités d’Amsterdam (1997) et de Nice (2000) : sur proposition d’un tiers des États membres ou de la Commission, et
après avis conforme du Parlement européen, le Conseil peut décider de suspendre certains des droits d’un État
violant ces principes. La force de cette procédure réside surtout dans son caractère dissuasif.
Une réalisation encore vulnérable
Les exécutions capitales ont beau avoir disparu de l’Union européenne, certaines franges de la population ou
des groupes politiques extrémistes, réclament le rétablissement de la peine de mort. Cette menace, présente dans
presque tous les États membres, prouve bien la vulnérabilité de ce progrès, notamment quand l’émotion est
à son comble après un crime affreux.
La crise la plus grave de ces dernières années s’est produite en 2006, à l’initiative des dirigeants polonais. La Ligue
des familles polonaises (LPR), membre de la coalition au pouvoir, a réclamé un référendum sur le rétablissement
de la peine de mort. Le vice-président de ce parti d’extrême-droite a même affirmé que l’abolition de la peine de
mort est « anachronique ». Le président polonais, Lech Kaczynski, a repris cette demande à son compte et plaidé en
faveur du retour de la peine capitale en Pologne. C’est la pression conjuguée de l’Union européenne,
du Conseil de l’Europe et d’ONG telles qu’Amnesty International qui les a fait reculer.
À nouveau, à l’automne 2007, le gouvernement polonais a voulu bloquer une initiative européenne, portée
notamment par l’Italie, tendant à promouvoir, aux Nations Unis, l’abolition universelle de la peine de mort.
Cette divergence sur une valeur fondamentale de l’Union est inquiétante. Elle doit être dénoncée sans équivoque.
L’Union européenne n’est pas seulement un marché mais un espace de droits et de valeurs, conscients de ses
responsabilités. L’accord de ses membres sur les valeurs qui fondent leur démarche commune est essentiel.
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6
La lutte contre la peine de mort :
une priorité de l’action externe
de l’Union européenne
La Politique Extérieure et de Sécurité Commune : un instrument de l’action externe
La Politique étrangère et de Sécurité commune (PESC) a été créée par le traité de Maastricht de 1992.
Elle s’efforce de faire parler l’Europe d’une même voix sur la scène internationale.
Javier Solana
À travers la PESC, l’Union européenne s’est prononcée à plusieurs reprises contre la peine capitale. Elle prône
l’abolition universelle de ce châtiment en soutenant l’action des abolitionnistes dans le monde entier et en
réclamant un moratoire mondial sur les exécutions. Elle salue en outre les diverses initiatives lancées par
des organisations de la société civile, comme par exemple Amnesty international, Nessuno tocchi Caino ou
Ensemble contre la peine de mort.
L’Union européenne a pris des mesures concrètes pour empêcher l’application de la peine de mort. Le Conseil a ainsi décidé en 2002
que nul ne devrait être expulsé ou extradé vers un pays où il risquerait d’être exécuté. D’autre part, l’Union européenne a instauré
un contrôle très strict dans le commerce des biens et produits susceptibles d’être utilisés à des fins d’exécution ou de torture.
Bruxelles, Séance
plénière,
le 10 octobre 2007,
déclaration du
Président du
Parlement européen,
Hans-Gert Pöttering sur la peine
de mort (Extraits)
La peine de mort est une atteinte grave aux
droits de l’homme – et avant tout au droit à la
vie. Au nom du Parlement européen, j’aimerais
donc souligner ici notre engagement indéfectible
dans la lutte contre la peine de mort.
Les États membres de l’Union européenne sont
parvenus, sur la base de nos valeurs communes,
à ériger une communauté d’où la peine de mort
est exclue. Cet engagement figure également
dans la Charte des droits fondamentaux.
Dès que celle-ci sera devenue juridiquement
contraignante dans le cadre du traité modificatif,
nous pourrons dire que la peine de mort a été
abolie sur le territoire de l’Union européenne,
à tous les niveaux. Je me réjouis et je suis
reconnaissant du fait qu’aucun État membre de
l’Union européenne n’ait jamais mis en cause la
présence de l’abolition de la peine de mort dans
la Charte des droits fondamentaux et n’ait jamais
sérieusement envisagé sa réinstauration. L’Union
européenne peut ainsi, sur la scène mondiale,
faire valoir et défendre cet acquis extraordinaire
dans le domaine des droits de l’homme.
En cette journée européenne et internationale
contre la peine de mort, nous demandons depuis
le Parlement européen à tous les États qui
continuent à exécuter les sentences de mort de
suivre notre exemple : abolissez la peine de mort !
L’Union européenne a la possibilité et
a la volonté de vous y aider.
Mouvement Européen
France
Une politique de voisinage au service des droits de l’Homme
La Communauté européenne mène depuis plusieurs années une politique active vis-à-vis de ses voisins. Les
aspects économiques et commerciaux sont au centre de ces échanges, mais la question des droits de l’Homme
occupe néanmoins une place importante.
L’Europe cherche ainsi à conditionner l’octroi de ses aides économiques au respect des valeurs fondamentales que
sont notamment la démocratie, les droits de l’Homme, l’État de droit.
Cette action vise essentiellement les voisins directs de l’Union européenne, en particulier les pays du Maghreb,
le Proche-Orient et l’Europe de l’Est. Le but est de constituer un vaste espace démocratique aux frontières de
l’Europe, dépourvu de peine capitale.
Un exemple de l’action européenne contre la peine de mort :
les infirmières bulgares en Libye
L’Union européenne et ses États membres ont joué un rôle essentiel, notamment le Président français
nouvellement élu, dans le dénouement heureux de l’affaire des infirmières et du médecin bulgares condamnés à
mort en Libye pour avoir prétendument inoculé le virus du sida à des enfants. Dès leur premier procès en 2004,
l’Europe fut au centre de la mobilisation internationale pour leur libération. Elle ne cessa de faire pression sur la
Libye afin d’obtenir l’abandon des charges et le retour des prisonniers dans leur pays. En juillet 2007, une action
européenne concertée a permis la libération de ces infirmières après huit années de captivité.
Vers une Journée européenne contre la peine de mort ?
La Commission européenne, relayant une demande récurrente du Parlement européen, a proposé la création
d’une Journée européenne contre la peine de mort, qui aurait lieu le 10 octobre de chaque année. Une déclaration
sera signée à ce sujet en octobre 2007 par les principales institutions de l’Union européenne et par le Conseil de
l’Europe, dans le but de promouvoir l’abolition universelle de la peine capitale. Ainsi, la journée européenne contre
la peine de mort coïnciderait avec la journée internationale organisée elle aussi chaque 10 octobre.
Déclaration de la Présidence au nom de l’Union européenne,
Bruxelles, le 10 octobre 2007 (Extraits)
L’Union européenne fait part de sa profonde inquiétude face aux cas de condamnation à mort qui ne satisfont
pas aux critères de justice les plus élevés. Elle se déclare vivement préoccupée par le fait que, dans quelques pays,
des mineurs sont toujours condamnés à mort et exécutés, en violation manifeste des obligations internationales
de ces pays.
L’Union européenne est déterminée à continuer à militer dans divers pays du monde en faveur de l’abolition de la
peine de mort. Elle continue aussi à soutenir les initiatives des organisations de la société civile qui renforcent le
mouvement abolitionniste de par le monde et elle encourage les mesures concrètes prises par tous les pays en vue
d’abolir totalement la peine de mort.
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7
Des grands Européens
contre la peine de mort
Plaidoyers célèbres
contre la peine de mort
Des délits et des peines de Cesare Beccaria (1764
« Que doit-on penser en voyant les augustes pontifes de la justice ordonner, avec la
tranquillité de l’indifférence, les apprêts du supplice où ils font traîner le criminel ?
Quoi ! tandis que le malheureux, en proie aux convulsions de la douleur, attend en
frémissant le coup qui va terminer ses jours, son juge quittera son tribunal pour aller
goûter en paix les douceurs et les plaisirs de la vie, en s’applaudissant peut-être de
l’autorité qu’il vient d’exercer ! Eh ! ne pourrait-on pas s’écrier : Non, les lois ne sont
que le prétexte dont la force masque sa tyrannie ; le despotisme les a revêtues des
couleurs de la justice pour conduire plus sûrement à ses autels les victimes qu’il veut
s’y immoler. On nous peignait l’assassinat comme un crime horrible, et le voilà commis
sans répugnance et sans passion. […].
L’histoire des hommes est une mer immense d’erreurs où l’on voit surnager çà et là
quelques vérités mal connues. Qu’on ne s’autorise donc point de ce que la plupart des
siècles et des nations ont décerné la peine de mort contre certains crimes. L’exemple
ni la prescription n’ont aucune force contre le vrai. Excusera-t-on la barbare superstition
qui sacrifia des hommes sur les autels de sa divinité parce que les victimes humaines
ont ensanglanté presque tous les temples ? »
Le Dernier jour d’un condamné de Victor Hugo (1829)
« Pendant que j’écrivais tout ceci, ma lampe a pâli, le jour est venu, l’horloge de la
chapelle a sonne six heures. –
Qu’est-ce que cela veut dire ? Le guichetier de garde vient d’entrer dans mon cachot,
il a ôté sa casquette, m’a salué, s’est excusé de me déranger et m’a demandé en
adoucissant sa voix, ce que je désirais à déjeuner ?….
Il m’a pris un frisson. — Est-ce que ce serait pour aujourd’hui ? »
Claude Gueux de Victor Hugo (1834)
Claude Gueux vole puis tue parce qu’il a faim. Victor Hugo raconte son triste destin
et conclut : « Examinez cette balance : toutes les jouissances dans le plateau du
riche, toutes les misères dans le plateau du pauvre. Les deux parts ne sont-elles pas
inégales ? La balance ne doit-elle pas nécessairement pencher, et l’État avec elle ?
[…] La tête de l’homme du peuple, voilà la question. Cette tête est pleine de germes
utiles ; employez, pour la faire mûrir et venir à bien, ce qu’il y a de plus lumineux
et de mieux tempéré dans la vertu. Tel a assassiné sur les grandes routes qui, mieux
dirigé, eût été le plus excellent serviteur de la cité. Cette tête de l’homme du peuple,
cultivez-la, défrichez-la, arrosez-la, fécondez-la, moralisez-la, utilisez-la ; vous n’aurez
pas besoin de la couper. »
La Ballade de la geôle de Reading d’Oscar Wilde (1897)
Le condamné à mort de la Ballade s’appelait Charles Thomas Wooldridge. Ce
cavalier de la Garde Royale avait égorgé sa femme, le 29 mars 1896, dans une
crise de jalousie. Il a été pendu à Reading le 7 juillet, à huit heures du matin.
Dedans la geôle de Reading
Est une tombe d’infamie.
Dévoré pas des dents de flamme,
C’est là qu’un misérable gît,
Il gît dans un linceul ardent
Aucun nom sur sa tombe écrit.
Laissons cet homme reposer.
Que le Christ appelle les morts !
Nul besoin de gâcher vos larmes
Ni d’exhaler de vains remords.
Il avait tué son amour
Aussi pour cela il est mort.
Pourtant chacun tue ce qu’il aime,
Salut à tout bon entendeur.
Certains le tuent d’un oeil amer,
Certains avec un mot flatteur,
Le lâche se sert d’un baiser,
Et d’une épée l’homme d’honneur.
C.3.3.
L’Étranger d’Albert Camus (1942)
« J’ai entendu une voix sourde lire quelques chose dans la salle. Quand la sonnerie
a retenti, que la porte du box s’est ouverte, c’est le silence de la salle qui est monté
vers moi, le silence. […] Je n’ai pas regardé du côté de Marie. Je n’ai pas eu le temps
parce que le Président m’a dit dans une forme bizarre que j’aurais la tête tranchée sur
une place publique au nom du peuple français »
L’Exécution de Robert Badinter (1973)
À propos de l’exécution de Bontems, en voyant la guillotine et le bourreau :
« Le crime avait, physiquement, changé de camp ».
L’Abolition de Robert Badinter (2000)
« Je prenais activement part, désormais, aux conférences organisées en faveur
de l’abolition […]. La séance connaissait un déroulement invariable. Les mêmes
arguments suscitaient les mêmes questions qui appelaient les mêmes réponses.
Souvent c’était sur le ton de l’indignation, parfois à la limite de l’insulte que certains
partisans de la peine de mort m’interpellaient. À leurs yeux, les abolitionnistes
prenaient parti pour les assassins contre les victimes. La fièvre qui les animait leur faisait
souhaiter une justice expéditive et sommaire, une sorte de grande terreur permanente
où la guillotine fonctionnerait sans recours et sans délai. À les entendre, je pensais que
c’était là, dans cette passion de la mise à mort, que résidait le foyer irrationnel qui
rendait si difficile l’abolition ».
Contre la peine de mort de Robert Badinter (2006)
« Bien sûr, dans les démocraties qui n’ont point encore mis le supplice au musée, on
parlera de justice, de « procès équitable ». Je ricane. Il faut n’avoir jamais connu la
réalité d’un procès « capital » pour se satisfaire des garanties formelles de la procédure
criminelle quand il s’agit de la vie ou de la mort dans un prétoire. Le rite judiciaire
ne recouvre alors que l’instinct de mort, qu’on s’efforce, pour l’accusation, de libérer,
pour la défense, de repousser. Je me souviens de ces audiences terribles où, à la
représentation du crime, à l’évocation de la souffrance de la victime, je sentais, invisible
mais présente dans la salle d’audience, la mort comme une hyène aux yeux rouges
qui fixait l’accusé et attendait son heure. La justice qui tue, je l’ai connue. Je frémis
encore, après trente ans écoulés, de ces moments où il fallait arracher, par des mots
de feu jetés à la face des jurés stupéfiés, la vie oui la vie du misérable dont j’entendais
le souffle court, saccadé, derrière moi, alors que l’avocat général demandait sa tête. Et
qu’il fallait sauver, oui sauver par des mots. »
Mouvement Européen
France
Robert Badinter (né en 1928)
Avocat, essayiste et homme politique français. Ministre de la
Justice sous le premier septennat de François Mitterrand, il fit
abolir la peine de mort le 30 septembre 1981. Marqué par la
condamnation à mort et l’exécution de Roger Bontems, son
client, qui n’avait pas donné la mort et qu’il ne parviendra pas à
sauver, Robert Badinter mena sans relâche, dans les années 70, le
combat contre la peine capitale. Défenseur de Patrick Henry, un
tueur d’enfant dans une affaire qui avait émue toute la France,
il mena à cette occasion « le procès de la peine de mort » et le
gagna, évitant à Patrick Henry à la guillotine.
Devenu garde des sceaux, son discours devant l’Assemblée
nationale en 1981, lors du débat sur la loi abolissant la peine
capitale, est resté célèbre :
« Demain, grâce à vous la justice française ne sera plus une
justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour
notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous
le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages
sanglantes de notre justice seront tournées. »
Après l’abolition en France, il continua son combat, notamment en animant le premier Congrès mondial contre la
peine de mort à Strasbourg en 2001 et en faisant des conférences dans le monde entier pour l’abolition universelle.
En 2007, il fut rapporteur devant le Sénat du projet visant à inscrire l’abolition de la peine de mort au sein de la
Constitution.
Cesare Beccaria (1738-1794)
Dans son ouvrage majeur, Des délits et des peines (1764), il dénonça la
pratique de la torture et de la peine de mort, qu’il jugea « barbare » :
« Il me semble absurde que les lois, qui sont l’expression de la volonté
publique, qui détestent et punissent l’homicide, en commettent un ellesmêmes, et, pour éloigner les citoyens de l’assassinat, ordonnent un assassinat
public. »
Dès sa sortie, cet ouvrage connaît un succès retentissant. En France, il est
remarqué par Diderot et d’Alembert. Voltaire publie un Commentaire sur Des
délits et des peines dès 1766.
Il alla même jusqu’à qualifier la peine capitale de « crime judiciaire », « ni utile, ni nécessaire ». Les
principes qu’il développa constituent aujourd’hui les piliers de la justice des pays démocratiques : légalité des
peines, non-rétroactivité de la loi pénale, présomption d’innocence.
Victor Hugo (1802-1885)
Grand écrivain et poète français, il fut député sous la Deuxième République, puis s’exila
sous le Second Empire. De retour en France après la chute de Napoléon III en 1870, il laissa
l’image d’une grande figure républicaine. Mettant son talent au service de l’abolition, il lutta
toute sa vie contre la peine de mort, d’abord à travers deux romans de jeunesse, Le dernier
jour d’un condamné (1829) et Claude Gueux (1834), dans lesquels il dénonça la cruauté de
la peine capitale. Il poursuivit son combat en tant qu’homme politique, notamment dans
le discours poignant qu’il prononça le 15 septembre 1848 devant l’Assemblée Constituante,
dans lequel il affirma que :
« la peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. »
Aux Genevois cherchant à abolir la peine de mort, Hugo adresse cette belle formule :
« C’est à un certain respect mystérieux de la vie qu’on reconnaît l’homme qui pense. »
Jean – Paul II (1920-2005)
Premier pape polonais (de 1978 à 2005), Karol Józef Wojtyła se prononça avec insistance
contre la peine de mort, qu’il jugeait incompatible avec les valeurs de l’Église.
Dans plusieurs textes, notamment l’encyclique Evangelium Vitae de 1995, il affirma
l’incompatibilité de la peine capitale avec le respect de la vie humaine, défendue par
l’Église. Il appela à plusieurs reprises les représentants de pays non abolitionnistes à mettre
fin à cette pratique qu’il considérait comme « cruelle et inutile ». Par exemple, dans son
message de Noël en 1998, il se prononça en faveur de la prise de « mesures urgentes et
adaptées [pour] bannir la peine de mort ». En 1999, il évoqua à nouveau l’abolition de ce
châtiment dans une homélie. La même année, l’observateur permanent du Saint Siège,
Mgr Renato Raffaele Martino, prononça un véritable plaidoyer contre la peine capitale au
nom du droit à la vie de toute personne humaine.
Gustav Radbruch (1878 – 1949)
Juriste et professeur de droit allemand, il travailla dans le domaine de la politique juridique
durant toute la période de la République de Weimar (1919-1933). Il fut député au Reichstag
de 1920 à 1924, où il fut spécifiquement en charge des questions juridiques. Ministre de
la Justice de 1921 à 1922, il rédigea un projet de Code pénal très novateur dans lequel il
proposa une réforme en profondeur du droit pénal. Il refusait notamment que les peines
prononcées fussent strictement punitives, car elles devaient selon lui également contribuer
à la resocialisation des criminels.
Le combat contre la peine de mort occupa une place importante dans son Code
pénal, car ce châtiment est avant tout l’expression d’une vengeance.
Pour des raisons politiques, son Code pénal ne vit toutefois jamais le jour.
Panneau
8
Un pas de plus vers l’abolition
universelle de la peine de mort
L’UE adopte enfin une Journée européenne contre la peine de mort !
En décembre 2007, les ministres de la justice de l’Union européenne ont adopté le principe dela célébration d’une « Journée
européenne contre la peine de mort ». Cette journée aura lieu chaque année, le 10 octobre. Cette décision a été rendue
possible par le changement de gouvernement en Pologne en novembre 2007.
L’Assemblée générale de l’ONU demande un moratoire
pour l’abolition de la peine de mort
Le 18 décembre 2007, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, à une large majorité, la résolution non
contraignante appelant à un moratoire universel sur les exécutions : 104 pays ont soutenu le texte alors que
54 s’y sont opposés. Les pays qui exécutent des condamnés à mort le feront désormais contre la volonté exprimée
par la majorité des États du monde. Cette résolution avait été proposée par l’Italie, une résolution identique avait
été proposée il y a dix ans mais elle avait, alors été rejetée. Pour le chef de la diplomatie italienne, le résultat obtenu
à l’ONU va « au-delà des attentes. C’est une grande satisfaction ». Le président du Conseil italien, Romano Prodi
a abondé dans le même sens : « C’est un jour historique. »
Concrètement, le moratoire implique la suspension de toutes les exécutions déjà programmées et l’interdiction
d’en infliger de nouvelles. Mais aussi la nécessité de mener un débat devant aboutir à l’abolition de la peine
capitale. Ce vote montre une tendance manifeste pour l’abolition universelle.
Des Etats américains montrent la voie
Le 13 décembre 2007, l’État du New Jersey a décidé d’abolir la peine de mort. L’Assemblée de l’État a adopté,
le principe de remplacement de ce châtiment par une peine incompressible, par 44 voix contre 36. Même si
aucune exécution n’avait été enregistrée dans le New Jersey depuis plus de trente ans, la peine des huit détenus
actuellement dans les couloirs de la mort sera commuée en une condamnation à perpétuité, sans possibilité de
libération conditionnelle.
Le New Jersey est le premier État américain à voter l’abolition de la peine de mort depuis 1956 et rejoint ainsi
les treize États américains (sur 50) qui ne pratiquent pas la peine capitale.
La décision du New Jersey intervient en pleine recrudescence du débat sur la peine de mort aux États-Unis. La
Cour suprême doit déterminer si l’injection létale, la méthode d’exécution majoritairement utilisée dans le pays,
s’apparente à un traitement « cruel et inhabituel » interdit par le 8e amendement de la Constitution. Les exécutions
sont suspendues dans le pays depuis le 25 septembre, date à laquelle la Cour suprême a annoncé qu’elle se
saisissait du débat.
États
Année
de l’abolition
Michigan
1846
Wisconsin
1853
Maine
1887
Minnesota
1911
Alaska
1957
Hawaï
1959
Vermont
1964
Virginie de l’Ouest
1965
Iowa
1965
Dakota du Nord
1973
Massachusetts
1984
Rhode Island
1984
États qui ont aboli la Peine de mort
États dans lesquels aucune exécution n’a eu lieu depuis 1976
États qui n’ont pas aboli la Peine de mort
À ces États s’ajoute le District de Columbia, qui n’est pas
un État mais un territoire sous juridiction fédérale.
Quatre États n’ont par ailleurs connu aucune exécution
depuis 1976 :
• Le Kansas
• Le New Hampshire
• L’état de New York : En 2004, au cours du procès de
Stephen LaValle, la cour d’appel de l’État de New
York, la plus haute instance juridique de l’État, a
déclaré la peine de mort inconstitutionnelle. La loi n’a
néanmoins toujours pas été abrogée. La suspension
de la peine capitale dans l’État repose donc sur la
jurisprudence.
• Le New Jersey : devrait très bientôt devenir le 13e État
abolitionniste officiel américain.
Mouvement Européen
France
Conclusions :
Quelques États demeurent opposés à toute évolution en la matière. Selon Amnesty International, en 2005,
2 148 exécutions ont été effectuées dans 22 pays, dont 94 % en Chine, en Iran, en Arabie saoudite et aux États-Unis.
Au Japon, le 7 décembre 2007, trois condamnés à mort ont été pendus, portant à neuf le nombre d’exécutions
capitales dans le pays en 2007. Quant à l’abolition, elle a progressé. De 36 pays abolitionnistes en 1977, le monde
en compte 88 aujourd’hui, dont le plus récent, l’Ouzbékistan, dont la Chambre haute du Parlement a aboli la peine
de mort le 1er janvier 2008.
Panneau
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