A Namur, le Coursier mosan livre vos colis à vélo… Dans les petites

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A Namur, le Coursier mosan livre vos colis à vélo… Dans les petites
A Namur, le Coursier mosan livre vos colis à vélo…
Dans les petites rues étroites et sinueuses du vieux Namur, un livreur à l'arrêt peut suffire à
tout boucher ! Un livreur, dites-vous ? Pas un livreur à vélo qui passe partout d'un léger coup
de pédale, salue d'un coup de casquette les gens qu'il frôle à peine, dépose sa bécane le long
d'une façade, taille une bavette à la moindre occasion… Un facteur à l'ancienne, en somme,
mais équipé du dernier cri en matière d'Internet et de bicyclette. Oui, c'est bien lui, vous l'avez
reconnu ! Jérôme Robert, alias le Coursier mosan…
Par Dominique Parizel
Notre vaillant cycliste reprend rapidement son souffle. Il ne doit pas réfléchir longtemps
quand on lui demande comment une telle idée, un beau jour, a pu devenir concrète ?
"Je suis allé trouver l'asbl Job'In, se souvient Jérôme, une couveuse d'entreprises qui
accompagne des porteurs de projets. J'avais en tête cette idée qui n'était pas du tout creusée et
j'ai été très bien écouté. Ensemble, nous avons élaboré un plan d'action détaillé afin de vérifier
si quelque chose était viable tant au niveau commercial qu'économique. Entrer dans une
couveuse d'entreprise permet de tester des projets qui ne demandent pas trop d'investissements
sans qu'il soit nécessaire de prendre un statut d'indépendant. Officiellement, je suis donc en
stage dans la couveuse et j'utilise son numéro d'entreprise tout en conservant un statut de
demandeur d'emploi… Mon activité a démarré le 17 janvier de cette année, pour une période
de six mois au terme de laquelle j'ai obtenu une prolongation de trois mois car je n'ai pas
encore assez de volume d'activité pour assumer toutes les charges de l'entreprise et en vivre.
Cela nous emmènera donc jusqu'à la mi-octobre… Mais une seconde prolongation de trois
mois sera encore probablement nécessaire étant donné que les vacances d'été ont causé une
coupure importante dans l'activité… Avant cela, le mûrissement de l'idée avait déjà pris une
grosse année en dossiers et démarches divers, comportant notamment un stage chez Damien
Lesca qui est livreur à vélo à Bruxelles. Son entreprise s'appelle Dioxyde de gambettes (1) et
elle fut pionnière en la matière. J'ai roulé quelques temps avec lui, histoire de me confronter
au terrain et de récolter pas mal de bonnes idées… Deux autres entreprises sont également
actives sur Bruxelles : Pédal Bruxelles (2) et Ecopostale (3)."
Colis lourds et plis légers
Mais qu'emmène-t-il avec lui, notre pédaleur ? Des lettres ou des paquets ? D'emblée, il
éveille la surprise et l'admiration quand il évoque des charges avoisinant les… cent kilos !
"S'il y eut un jour une grande utilité de porter des plis légers à vélo, c'était sans doute avant la
naissance de l'e-mail et de la communication électronique, affirme Jérôme Robert ! Tout ce
qui est urgent se fait aujourd'hui par cette voie. Il était, du coup, très aléatoire de me limiter à
cela, surtout à Namur qui est une ville de bien plus petite échelle que Bruxelles. J'ai donc
rapidement eu quelques doutes quant aux débouchés possibles dans ce domaine, même si, à
Liège, le Porte paquet (4) est un service, axé davantage sur l'urgence, qui propose la livraison
à domicile de petits colis de moins de huit kilos… Par contre, l'engorgement des routes et les
embarras de circulation sont devenus tels qu'il y a maintenant un réel intérêt à recourir au
vélo, même s'il faut charger cent kilos. A condition évidemment que le périmètre reste
relativement restreint car le facteur limitant, c'est évidemment la distance et les côtes. Il est
clair que je ne pourrais pas prendre une telle charge en montée : par exemple, pour gravir la
chaussée de Louvain, à Namur, je ne peux tabler que sur un maximum de cinquante à
cinquante-cinq kilos. Et cela reste plutôt physique comme épreuve ; il ne m'en faudrait pas
cinq par jour !"
Mais, soyez rassurés : l'usage a démontré à notre courseur que 90 à 95 % de son travail se
confinait dans la zone basse : le centre de Namur, Saint-Servais, Bomel, Jambes, Salzinnes…
Et notre athlète confirme qu'à plat, on pourrait même dépasser aisément les cents kilos de
charge.
Vaincre les résistances au changement
Il est toujours difficile de prévoir comment un nouveau concept va démarrer, comment il va
prendre vie dans un contexte aussi particulier qu'une ville comme Namur.
"Je dois laisser aux gens, aux entreprises et aux administrations le temps nécessaire pour
réagir, dit Jérôme Robert. Il est toutefois très encourageant de voir combien l'intérêt, petit à
petit, se manifeste. Des discussions en cours promettent, je le crois sincèrement, des résultats
intéressants sur le moyen et le long terme. Les administrations – Ville, Province et Région
wallonne – offrent un gros potentiel. Namur est une grosse ville administrative, où tout est
concentré sur une zone géographique très limitée. Le flux de colis courriers y est évidemment
très important. De plus, tous ces pouvoirs publics se disent très soucieux du développement
durable. Mais le gros problème reste qu'une durée de six mois pour espérer débloquer un
accord de collaboration, c'est bien sûr fort court… Il faudra nécessairement plus de temps car
il existe une résistance structurelle au changement. Les personnes avec lesquelles je suis en
contact se montrent ouvertes, mais la Ville de Namur, par exemple, a toujours sa flotte de
camionnettes qui sont conduites par des employés communaux. Faire réaliser en externe des
tâches qui sont organisées en interne implique donc de changer profondément une manière de
travailler qui est souvent bien installée, même si chacun admet aisément qu'il est devenu
aberrant de transporter moins de cent kilos sur trois ou quatre kilomètres à l'aide d'une voiture
qui contribue à l'étouffement général. De plus, le coût d'un tel transport sera rapidement
intenable : entretien des véhicules, carburant, entretien, pollution, etc. La volonté est là,
incontestablement. Reste, pour un indépendant comme moi, à avoir les reins assez solides
durant la période de transition…"
Une base d'affaires solide pour bien démarrer
Jérôme, heureusement, n'a pas perdu son temps. Il a déjà décroché, en attendant les
administrations, une série de contrats réguliers auprès d'entreprises privées.
"Je livre deux fois par semaine le magasin Biocap, explique-t-il, avec les pains de la
boulangerie Legrand, et je réalise dix à quinze livraisons par semaine, dans le centre-ville,
pour les cafés Delahaut. Imaginez une camionette qui doit passer dans la corbeille et les rues
piétonnes, surtout à certaines heures ; elle est très vite bloquée et contribue ainsi à accroître
l'encombrement, l'engorgement… Il y a aussi le magasin Natura Bio qui me sous-traite une
partie de ses livraisons ; à terme, le gérant semble prêt à me confier l'ensemble de ses
livraisons vers le centre urbain. Le restaurant Végétables, ouvert par Damien Poncelet dans le
bâtiment Mundo-N, me charge également de toutes ses livraisons de buffets sandwiches et
d'assiettes froides, à partir de certaines quantités. Tous ces clients sont très satisfaits et je
pense que la collaboration va perdurer, les volumes augmenter… Tous m'offrent une base fixe
de travail très importante pour débuter – une bonne dizaine d'heures par semaine ! – mais qui
n'est pas encore suffisante pour affirmer qu'on peut en vivre. Cela me confirme cependant
qu'une opportunité existe vraiment du point de vue économique. Et du point de vue
écologique, évidemment, là il n'y a pas photo. Aucune entreprise, à l'heure actuelle, ne
rechigne d'ailleurs à se donner une image un peu plus verte…"
Jérôme compte maintenant sur des appels plus réguliers de la part de particuliers ; il prospecte
également du côté des imprimeries, ainsi que du côté de leurs propres clients qui s'obstinent à
venir en ville en voiture, à avoir les pires peines à se garer et à perdre ainsi inutilement leur
temps…
"Si l'on fait la somme de tous ces petits coûts, ajoute-t-il avec philosophie, des difficultés et
du stress que cela cause, je pense qu'il sera nettement moins cher, pour beaucoup de gens, de
faire appel à moi…"
Un avantage décisif : la convivialité !
Mais qu'est-ce qui peut inciter la population, dans le court terme, à changer sa manière de
faire pour qu'elle pense à appeler un coursier à vélo ?
"La condition sine qua non, affirme lucidement Jérôme Robert, est que le prix et le service
soient au moins équivalents à ceux d'un coursier classique. Or c'est déjà le cas, car ce qui
prend le plus de temps dans une livraison, c'est la réception du colis, son chargement, et la
signature à l'arrivée... En ville, avec les rues encombrées, le temps de parcours n'est pas
déterminant. Au contraire, il joue même plutôt en ma faveur. Maintenant, qu'est-ce qui va
faire la différence ? Je ne dois pas me garer là où je livre, ou bien rester en double file au
risque d'occasionner un concert de klaxons. Je peux éventuellement adapter mes itinéraires, ce
dont une camionnette est rarement capable. En terme de convivialité, surtout dans le cœur
historique d'une ville, la mobilité douce du vélo et le contact direct avec la personne qui
pédale offrent une dimension infiniment plus chaleureuse qu'un cortège de gros véhicules
froids et massifs. A vélo, je suis en mesure de voir les gens, je suis à leur niveau, je ne les
écrase pas, je peux facilement leur parler quand je suis arrêté au feu rouge et qu'ils sont sur le
passage pour piétons… Symboliquement, un vélo c'est très fort, par rapport à une voiture qui
isole et qui donne au conducteur un sentiment de puissance qui n'est qu'artificiel. Enfin, le
vélo sera rapidement en mesure de proposer aux gens toute une série de services de proximité
– faire les courses, aller à la pharmacie, porter du verre à la bulle, etc. – qui pourront aisément
prendre place dans le cadre d'un service combiné. Je pense également qu'un travail énorme
reste à accomplir en matière de sensibilisation du public. La plupart des gens sont
complètement incrédules par rapport à ce qu'un vélo est capable de faire. Et je veux le leur
montrer… L'extrême disponibilité de la voiture a dramatiquement limité notre ouverture à
tout autre moyen de transport."
Des pratiques à mieux ancrer chez nous
Jérôme utilise un vélo de transport fabriqué au Danemark, entièrement en aluminium et qui
offre donc l'avantage d'être très léger, ce qui lui permet d'embarquer une charge équivalente à
l'économie de poids. Il n'exclut pas de l'équiper, le cas échéant, d'une assistance électrique…
"En tant qu'indépendant, explique-t-il, j'ai d'abord voulu lancer mon projet en exposant un
minimum de frais ; il fallait d'abord être sûr que le potentiel économique soit bien réel. Et,
d'un autre côté, j'ai à cœur de montrer tout ce qu'il est possible de faire sans peine et… sans
assistance ! Transférer totalement la dépendance au pétrole à la dépendance au moteur
électrique nous amènera, à terme, dans une impasse certaine. Il faut donc diminuer la
consommation d'énergie tout en l'utilisant là où c'est le plus pertinent. Si une personne – sans
être spécialement sportive ! – est capable de transporter cent kilos en ville, pourquoi lui
mettre, dès lors, automatiquement une assistance électrique ? Or la plupart des gens sont
physiquement capables de le faire, même si culturellement une telle vérité n'est pas encore
bien ancrée chez nous. La proportion de vélos de transport est nettement supérieure dans un
pays comme le Danemark où l'on voit souvent des gens transporter deux ou trois enfants, par
exemple, sur leur vélo… Lorsque je déciderai d'accroître ma zone d'activités, d'aller chercher
le zoning de Naninne ou celui de Rhisnes, par exemple, alors l'assistance deviendra sans doute
très pertinente, vu les distances et le relief. De plus, ces technologies se développent
rapidement ; elles sont toujours de plus en plus performantes et de plus en plus fiables. C'est
une autre bonne raison pour attendre un peu. Reste qu'à terme, je voudrais faire fonctionner
un ou deux vélos dans la zone plate et un ou deux autres pour les zones plus éloignées…"
D'autre part, le Coursier mosan s'efforce de planifier au mieux son travail ; ses tarifs
concernent donc des courses demandées au minimum la veille. Ils sont modulés en fonction
du poids du colis et de la zone de transport, avec le souci de répercuter au mieux le temps de
travail sur les prix. Des courses urgentes sont évidemment toujours possibles, mais
moyennant un supplément. Et si les collaborations deviennent régulières, Jérôme Robert
propose alors de les réfléchir de manière très différente afin de les rapprocher davantage d'une
tarification horaire…
Le Coursier mosan sera présent lors du salon Valériane !
Le métier n'est cependant pas sans risques et "il est clair, dit prudemment Jérôme, qu'un gros
potentiel d'amélioration existe au niveau des infrastructures !" Comprenez qu'il existe de gros
points noirs, à Namur, dès qu'on monte sur un vélo ! Et nous sommes encore bien gentils de le
dire comme cela !
"Namur va énormément évoluer, d'ici dix ou quinze ans, affirme néanmoins notre coursier,
car la commune souhaite prendre totalement le vélo en compte. Une modification des
infrastructures demande malheureusement de longues années de travail ; je fais d'ailleurs
partie du groupe de travail qui suit la candidature de Namur cyclable auprès de la Région
wallonne. Pour le moment, être cycliste à Namur est encore un peu problématique, mais je
dois bien faire avec… Le danger, pour un cycliste, reste une notion très relative ; l'essentiel
est toujours d'oser prendre sa place dans le trafic. C'est une habitude à prendre, mais c'est
moins évident pour des cyclistes occasionnels ou quand on a la responsabilité d'enfants, par
exemple… Il faut être doublement attentifs dans les SUL – sens unique limité que les vélos
sont autorisés à emprunter –, par exemple, où les automobilistes sont souvent surpris de vous
voir déboucher. A partir de septembre, la corbeille passe en zone 30 et cela va sûrement y
améliorer la circulation et la sécurité des cyclistes. Le plus dangereux, ce sont les grand-routes
où les voitures roulent à 50 ou 60 km/h, comme celle qui passe devant le CHR, par
exemple…"
Le salon Valériane sera évidemment un lieu propice pour présenter au grand public namurois
le service que rend le Coursier mosan…
"Je m'interroge malgré tout, dit Jérôme Robert, sur l'apport que je pourrai offrir au sein d'un
tel événement qui est un peu une surdose d'activités pour un service qui est encore assez
réduit ? Cette année sera donc une année de test afin de voir s'il existe un vrai potentiel de
collaboration, ou si au contraire mon apport est par trop anecdotique et ne répond pas à de
véritables besoins. Je pense néanmoins pouvoir m'intégrer dans l'événement afin de rendre un
service logistique à l'organisateur lui-même – à condition, bien sûr, qu'il attrape rapidement le
réflexe vélo ! –; je pourrai également être un auxiliaire pour le transport des marchandises
acquises par les visiteurs, soit en direction du parking, soit éventuellement vers la gare de
Namur. Mais il faudra vérifier si une telle demande existe bien. Aux visiteurs de me le dire !
Qu'ils n'hésitent pas, en tout cas, à faire appel à moi…"
Notes :
(1) Plus d'infos : www.dioxyde-de-gambettes.com/
(2) Plus d'infos : www.pedalbxl.com/home_fra.html
(3) Plus d'infos : www.ecopostale.be/
(4) Plus d'infos : www.leportepaquet.be/
Le coursier mosan
Jérôme Robert
0486/36.76.84
www.lecoursiermosan.be
[email protected]
Du lundi au vendredi, de 9 à 18 heures, par téléphone, SMS ou e-mail

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