Prostitution: Bangkok, et si on parlait d`amour?

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Prostitution: Bangkok, et si on parlait d`amour?
Bangkok, et si on parlait d’amour? Début juin, à peine sortis de l’avion, nous nous quarantaine bien loin derrière eux, s’adonnent à des numéros de charme auprès de (très) jeunes et jolies, et très légèrement vêtues, jeunes femmes qui entourent chacun d’eux. Pour nous autres, jeunes et naïfs ressortissants du pays du romantisme, la scène n’est pas soutenable très longtemps. Nous décidons de quitter l’établissement avant de comprendre qu’il n’y avait plus que ce genre d’endroit dans le quartier à cette heure-­‐ci… « Et encore ce n’est rien en comparaison de Patpong », nous confie-­‐t-­‐on par la suite. Que penser alors de Pattaya, surnommée « ville du vice ». Mon dieu, ça laisse rêveur. trouvons plongés dans l’effervescence de la capitale thaïlandaise. Nous décidons de découvrir rapidement la ville avant de prendre le chemin de Mae Sot, ville frontalière de la Birmanie, où notre dernière mission a lieu. Ne disposant que de peu de temps devant nous, nous choisissons de laisser les temples et autres hauts lieux touristiques pour une autre fois et de nous imprégner de l’ambiance de la « Venise de l’Asie ». Si l’on peut imputer ce surnom à Bangkok pour ses innombrables et charmants canaux, la ressemblance s’arrête là. Nous doutons fort que, la nuit venue, la cité soit celle des amoureux… C’est en effet un tout autre Bangkok qui se met en mouvement à l’heure où les lampadaires s’allument et où les Happy Hours commencent. Comme toute équipe de jeunes gens qui se respecte, nous nous dirigeons vers un quartier plutôt animé pour boire quelques bières, Sukhumvit. Après quelques bars sympathiques, nous sommes ravis de tomber sur une rue plus « sonore ». Nous entrons dans un pub dansant où nous prévoyons de nous déhancher sur quelques rocks enflammés, le tout dans une ambiance bon enfant. Après quelques mètres à slalomer derrière la serveuse, nous comprenons que nous ne sommes pas tout à fait dans le type d’établissement que nous pensions. « Le phénomène est loin d’être récent et loin d’être stigmatisé par la société. » C’est un spectacle affligeant qui s’offre à nous : de riches pachas ayant pour la plupart la crise de la Le sentiment de révolte dissipé, nous cherchons à en savoir davantage. Les recherches sont lancées. Des chiffres d’abord pour comprendre l’ampleur du phénomène : -­‐
1,5 milliards d’€ issus du tourisme sexuel en 2012, soit 13% du PIB du pays. -­‐
150 000 à 200 000 femmes prostituées dans le pays (contre 20 000 en France pour le même nombre d’habitants). Un peu d’histoire également. Attention à ne pas se laisser happer par les raccourcis faciles de l’autoflagellation : la prostitution en Thaïlande existait bien avant que les GIs américains venant passer leurs jours de permission au pays du Sourire (et des belles femmes aux charmes bon marché surtout), la popularisent à travers le monde. En effet, dès le XVIIe siècle, les femmes vendaient leurs charmes aux marchands ; le bouddhisme ne condamnant en aucun cas la sexualité -­‐ contrairement à bien d’autres religions, préfèrera toujours la relation extraconjugale au divorce. Le phénomène est donc loin d’être récent et loin d’être stigmatisé par la société. Difficile à concevoir pour nos petits cerveaux d’occidentaux éduqués à école judéo-­‐chrétienne. Loin de nos idées reçues encore, la grande majorité de ces jeunes filles sont libres et exercent ce métier par choix. Il s’agit pour elles en effet, d’une opportunité sans pareille d’amasser une grande quantité d’argent durant leurs 12 belles années de jeunesse : en effet, de nombreuses filles issues des régions rurales du nord du pays, dont les familles peinent à s’en sortir, s’en vont à Bangkok entre 18 et 30 ans pour faire fortune. Leurs revenus qui oscillent en moyenne entre 500 et 800€ par mois leur permettent de se partager une chambre à 4 ou 5 amies et d’envoyer la moitié de leurs gains à leur famille restée au village. Des perspectives d’avenir ? Si durant leurs années d’exercice, elles ne rencontrent pas le « Farang » (l’occidental) qui leur fera vivre le conte de fée tant attendu, elles rentreront au village où la famille aura pu construire une maison grâce à leur sacrifice, afin de se marier. Alors, prostituée par choix ou par nécessité ? Attention encore une fois à ne pas verser dans la caricature, toutes ne vivent pas de situations aussi dramatiques : la société ne marginalisant pas les prostituées, bon nombre d’étudiantes choisissent aussi ce biais pour arrondir leurs fins de mois, pour « se faire plaisir ». Difficile de résister à l’appât du gain (elles gagnent 8 à 10 fois plus qu’en faisant un job étudiant), dans un contexte où la prostitution n’est pas diabolisée ! Ce qu’il faut savoir enfin, c’est que le système est très bien rôdé : bien que la prostitution soit illégale en Thaïlande, le système rapportant six fois plus que le réseau de stupéfiants, il semblerait qu’il soit quelque peu toléré. Contrairement à ce que l’on peut imaginer, les filles ne sont pas toutes alignées dans la rue à racoler les passants : la plupart travaillent dans des bars en tant que serveuses ou entraineuses. Dans ce cas-­‐là, les clients doivent payer une taxe au bar en question pour pouvoir « sortir la fille » et l’emmener à l’hôtel. A noter également, la différence entre les « beer bars » et les « gogos bars », plus onéreux mais au meilleur standing, s’il vous plait ! Parallèlement, nombre de salons de massage proposent aussi ce type de services sous le nom de « Happy End ». Les moins offrants se retourneront effectivement vers la rue où ils risqueront peut-­‐être de tomber sur un lady-­‐
boy, mais peut-­‐on vraiment les plaindre ? En revanche, là, notons un vrai point positif à la grande ouverture d’esprit des thaïlandais : la parfaite intégration des travestis dans la société. Une belle leçon pour nous autres occidentaux qui stigmatisons rapidement la différence… Après réflexion, la révolte laisse place à une toute autre réaction : il ne s’agit plus là de pointer du doigt un pays qui mettrait une grande partie de ses femmes à disposition de vieux occidentaux en proie à des fantasmes inavouables en contrepartie d’une massive entrée d’argent, mais plutôt de tenter de s’ouvrir un peu l’esprit et de comprendre comment l’industrie du sexe peut être perçue sous un angle différent, d’autant que les autorités thaïlandaises ont pris des mesures drastiques de lutte contre la pédophilie. Les amateurs de tourisme sexuel regardent aujourd’hui à deux fois la carte d’identité de leur partenaire avant de passer la fin de la soirée avec elle : les mineurs tenus à l’écart, c’est déjà ça de gagné. Si l’on tient vraiment à dénoncer ce système, commençons par balayer devant notre porte, et par fermer l’ensemble des sites français qui s’évertuent à donner des conseils (précis) aux habitants de l’Hexagone désireux de ne pas « se faire avoir » dans les bars à filles de Bangkok ! 

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