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A PROPOS DE L’ETIOLOGIE DU PREMIER CAS AFRICAIN
DE BLASTOMYCOSE SYSTEMIQUE
C. F. VERMEIL
Professeur honoraire, ancien chef de service de l’Institut Pasteur de Tunis.
1, rue Saint Yon, 30900 Nîmes France.
RESUME
ABSTRACT
Divers auteurs ont suggéré que les formes africaines
et nord américaines de Blastomyces dermatitidis sont
représentées par des taxons séparés.Il existe non
seulement des différences morphologiques et
pathogéniques entre elles mais aussi des différences
sexuelles. Les cultures anciennes des formes aficaines
perdent leur capacité de conversation de la phase
mycélienne en phase levuroïde . Aussi nous proposons
de créer, pour ces formes africaines l’appellation
complémentaire Blastomyces dermatitidis tunisiens
nov.subsp., en mémoire de l’origine du premier cas
de la blastomycose systémique découvert pour ce
continent en Tunisie.
Mots clés: Blastomycose, Blastomyces dermatitidis,
Afrique, Tunisie.
Several authors have suggested that african and
north american forms of Blastomyces dermatitidis
appeared separate taxa. Morphologic and
pathogenic differences not only prevail, but also the
failing to mate between them.African forms lose
their mycelium-yeast conversion capability in old
cultures.
So I propose to create the complementary appellation
Blastomyces dermatitidis tunisiens nov.subsp. from
the african forms, in memory of the first case of
systemic blastomycosis in this continent, discoverd
in Tunisia.
K e y w o rd s : B l a s t o m y c o s i s , B l a s t o m y c e s
dermatitidis, Africa, Tunisia.
INTRODUCTION
Il est surprenant, bientôt cinquante ans après la
description clinique d’une observation tunisienne de ce
qui était le premier cas africain de blastomycose
systémique1,de constater que l’agent étiologique de ce
cas ne bénéficie pas encore d’une identification
nettement précisée par une dénomination
particulière.D’emblée, dès sa découverte , la frappante
analogie de ce cas avec la maladie de Gilchrist nord
américaine et son agent était évoquée2, rappelons à ce
sujet la remarquable thèse de Haddad3 auquel nous
rendons hommage. Les subtilités de la taxinomie
fongique invitaient à poursuivre l’étude du mycéte isolé
de ce cas qui appartenait au cadre de la blastomycose
systémique et nous acceptions par commodité pour le
situer la dénomination générale de Blastomyces
dermatitidis (Gilchrist and Stokes 1898), plus adaptée
à la notion de complexe4.
Nous développerons l’apport de notre équipe dans
cette lente progression qui nous a conduit avec un
recul suffisant, à proposer l’appellation de Blastomyces
dermatitidis tunisiens novum subspecies pour la souche
fongique isolée du premier cas tunisien de
blastomycose systémique et qui était aussi le premier
cas africain de cette affection.
A r c h s . I n s t . P a s t e u r T u n i s , 1998, 7 5 (3/4),195-197
Rappel du déroulement des travaux.
Dès 1951, devant une pneumopathie atypique
présentée par une jeune femme originaire de
Tamerza, la segacité des cliniciens Broc et
Haddad1, la perspicacité de l’anatomo-pathologiste
Gordeeff devant les formes levuroïdes de mycéte
vues sur les coupes du prélèvement obstructif
d’une bronche de la malade, la rigueur des
bacteriologistes de l’Institut Pasteur de Tunis,
amenait le directeur de cette institution à me
confier l’étude d’une souche fongique pure qu’ils
avaient isolée d’une part de prélèvement. Perplexe,
je demandais les conseils de Dreyfuse,
collaboratrice de Langeron au servise de mycologie
de la faculté de médcine de Paris. Celle-ci
identifiait notre souche comme étant presque
certainement Scopulariopsis americana et attirait
notre attention sur l’intérêt de cette observation
qu’elle rattachait au cadre de la blastomycose
systémique.
Peu après, l’équipe de mycologie de l’Institut
Pasteur de Paris, qui était en contact avec les
écoles nord américaines de cette discipline, nous
conceillait de conserver pour notre souche la
195
A PROPOS DE L’ETIOLOGIE DU PREMIER CAS AFRICAIN DE BLASTOMYCOSE SYSTEMIQUE
dénomination de Blastomyces dermatitidis. C’est
donc en 1954 2 qu’une communication annonçait
l’étude de cette souche isolée de ce premier cas de
blastomycose systémique tunisien.
Les arguments cliniques, l’observation mycologique
des tissus et des cultures de ce mycéte dimorphique,
l’expérimentation sur des rongeures nord africains
nous permettaient de rattacher ce cas à la
blastomycose systémique telle que l’entendaient les
auteurs nord américains, en particulier Emmons5 qui
acceptait définitivement notre observation comme
appartenant à ce cadre.
L’étude reprise et poursuivie de souches de
Blastomyces dermatitidis américaines et africaines
nous amenait en 19816 à soulever certains points
concernant les problèmes taxinomiques et
systématiques posés par l’agent de la blastomycose
systémique et traduisait encore notre perplexité.
Nous confirmions que formes africaines et formes
nord américaines de Blastomyces dermatitidis
appartenaient bien au même complexe. En effet,
cette même année 1981 7,8,9,10,11, les techniques de
microscopie électronique en balayage appliquées
aux membres de ce complexe nous permettaient :
1- de préciser la morphologie des formes levuroïdes,
des sphéroplastes,l’attaque enzymatique entrainant
la sortie du protoplaste par une large ouverture à
l’emplacement de la cicatrice de bourgennement;
2- de preciser au niveau des structures mycéliennes
l’existence d’échinulures sur des conidies(elles ont
été appelées quelquefois chlamydospores) de la
souche tunisienne. Ces échinulures avaient déjà
été aperçues en microscopie optique sur des
conidies de souches nord américaines par
Garrisson12. Ces conidies échinulées sont donc non
seulement communes aux souches américaines et
africaines de B. dermatitidis, mais on peut les
mettre en évidence parmi les représentants de
divers autres genres, par exemple Histoplasma et
Emmonsia, selon des modalités morphologiques
variables. Nous avions d’ailleurs proposé à la
lumière de cette denière étude sur les conidies
échinulées de B. dermatitidis , le rapprochement
possible de B.dermatitidis avec les deux espèces du
genre Histoplasma et leur classement dans un sous
genre commun (nous proposions celui
d’Echinulatum) intégré dans le genre Chrysosporium selon la conception de Carmichael13. A noter
que le genre Zymonema créé par Beurman et
Gougerot en 1909 est accompagné de la description
de chrysospores. Selon Von Arx14, ce genre
Zymonema serait le plus ancien représentatif de
l’agent de la blastomycose systémique et le seul
légitime. A noter aussi les travaux de Bawdon et
196
col.15 dont l’étude sur les acides nucléiques de la
phase levuroïde et mycélienne de B.dermatitidis
confirme bien que cette espèce est un ascomycéte
typique à situer dans l’ordre des onygénales .
DISCUSSION
De l’analyse des divers documents et travaux ci-dessus
cités, peuvent être dégagés des critères de différenciation
entre ce que l’on peut appeler les membres du complexe
B.dermatitidis : les souches africaines (dont la première,
celle de Tunis) se distinguent des souches américaines
par:
- le ralentissement et la perte au cours de l’entretien de
longue durée en phase saprophytique au laboratoire,
de la conversion de la phase mycélienne en forme
levuroïde (M ➞ Y);
- La perte ou l’absence de formation sexuée et
l’absence de croisement réussi entre souches
africaines et américaines;
- par une pathogénicité moindre;
- des différences antigéniques, en particulier ceux des
exoantigènes de la souche Tunis ne croisent
qu’imparfaitement avec ceux des souches
américaines;
- la tendance à l’allongement des bourgeons des
formes levuroïdes dans les tissus parasités par les
souches africaines;
- les conidiophores plus courts et les conidies groupées
en bouquet chez les souches africaines.
La récente étude de Gueho et col.16 concernant l’analyse
cladistique de la séquence 26 S rRNA apporte des
critères de taxonomie moléculaire qui permettent de
séparer les souches américaines et africaines. Mais ils ne
sont pas de caractère absolu puisqu’il existe l’exception
d’une souche algérienne très proche des souches
américaines avec cette technique.
CONCLUSION
Au cours de ce siècle, la dénomination de Blastomyces
dermatitidis s’est donc maintenue comme se maintient
habituellement le non initial d’une espèce qui se révèlera
la pièce charnière d’un complexe.
La notion de sous espèce pour situer les mycètes
isolés des cas africains de blastomycose systémique a
été évoquée au cours des dernières décennies4. Aussi,
conformément aux arguments relevés dans les
diverses études ci-dessus analysées et citées, nous
proposons la dénomination de Blastomyces
dermatitidis tunisiensis nov.subsp. pour l’appellation
des souches de mycètes isolés des cas africains de
blastomycose systémique et en mémoire du premier
cas de cette affection découvert pour ce continent en
Tunisie.
A r c h s . I n s t . P a s t e u r T u n i s , 1998
C. VERMEIL
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