Léon et Amélie

Transcription

Léon et Amélie
Léon et Amélie
Le secret des miroirs magiques
MICHAEL BORLIK
Sommaire
Le miroir du Roi
5
La maison magique
12
Les calèches les plus rapides du monde
18
Des tours dans le ciel
24
Une alliée
30
En route vers les étoiles
37
De joyeuses retrouvailles
44
3
Le miroir du Roi
L
a lune éclairait les rues de Paris de ses reflets argentés.
Dans le froid mordant de ce mois de novembre, les passants pressaient le pas, la tête dans les épaules. Parfois,
une lueur perçait à travers les fenêtres des maisons tapies dans
l’ombre, éclairant brièvement les pavés qui brillaient sous le gel
et arrachant un soupir aux moins chanceux qui se hâtaient de
rentrer chez eux. Car chacun ne souhaitait qu’une seule chose :
être chez soi au plus vite pour se réchauffer au coin du feu.
Amélie aussi, tout comme son frère Léon.
Ils se trouvaient tous deux rue de Reuilly, où ils attendaient
leur père, non sans quelque impatience, devant les portes de
la Manufacture royale des Glaces de miroirs. Amélie grelottait
de froid, son nez en était déjà tout rouge. A ses côtés, son petit
frère trépignait. Il tentait de se réchauffer les bras croisés, les
mains sous les aisselles. Amélie s’approcha de lui.
« Les… les autres… ils sont déjà tous sortis depuis longtemps... »,
dit Léon.
Amélie embrassa du regard la cour intérieure engloutie dans
la pénombre, puis l’atelier où l’on fabriquait les miroirs. Sept
heures venaient de sonner au clocher. Normalement, leur père
quittait toujours la manufacture au septième et dernier coup.
Il sortait, le sourire aux lèvres, et les prenait dans ses bras. Mais
il n’en était rien aujourd’hui.
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La première illustration que tu peux commencer à dessiner est un
clocher avec sa cloche. Tu te rappelles peut-être que sept heures
venaient de sonner au clocher pour Léon et Amélie.
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ILLUSTRATION N° 1 : LE CLOCHER ET UNE CLOCHE
« Ce n’est pas normal », murmura Amélie.
Dans leur dos retentit le bruit des roues d’une élégante calèche qui passait devant la Manufacture.
« Je n’ai pas envie d’attendre encore plus longtemps », se plaignit Léon. « J’ai déjà les pieds glacés. »
Amélie le regarda avec de grands yeux. « Tu ne veux quand
même pas... »
« Tu as une meilleure idée ? »
« Mais papa nous a interdit d’entrer dans l’atelier », dit Amélie.
« Ils y fabriquent les miroirs pour le Roi. LE ROI. Imagine que
l’on en renverse un. »
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Léon haussa les épaules. « Parfois, il y a de la casse, ce sont des
choses qui arrivent. »
« Nous pourrions finir au cachot », lui répondit Amélie d’un ton
angoissé.
« T’inquiète », dit Léon. « Il n’est encore rien arrivé. Et puis…
Peut-être que papa a besoin de notre aide. »
« Notre aide ? » Amélie était soudain très inquiète. « Tu crois
qu’il lui est arrivé quelque chose ? »
« Je pense juste que nous devrions aller voir où il est. » Léon la
prit par la main et l’entraîna par-delà les portes de la Manufacture.
7
La chance était avec eux. Il n’y avait aucun signe de présence
du gardien qui, normalement, faisait les cent pas dans la cour. Il
est certainement rentré se mettre à l’abri du froid, se dit Amélie
avec soulagement tandis qu’ils s’approchaient lentement
de l’usine. L’atelier se dressait devant eux, comme un château
fort lugubre. Amélie déglutit. Tout était si calme, il régnait un
silence inquiétant. Dans la pénombre, les encorbellements
sous le toit de l’atelier faisaient penser à des crocs pointus qui
pouvaient les happer à chaque instant.
« Tu veux vraiment entrer là-dedans ? », murmura Amélie.
Léon s’approcha tout près d’elle. « Pense à papa... »
Pour éviter de tomber sur le gardien, ils pénétrèrent dans l’atelier par une entrée sur le côté. Des lampes à huile diffusaient
ici et là un faible halo de lumière. Mais la majeure partie de
l’atelier restait malgré tout plongée dans la pénombre. Amélie
était aux aguets. Elle n’entendait aucun bruit.
« C’est un peu sinistre », murmura Léon.
Amélie savait bien ce qu’il voulait dire. Elle n’osait imaginer
tout ce qui pouvait se tapir dans l’ombre. Elle frissonnait rien
que d’y penser.
L’atelier exhalait des odeurs de sueur et de dur labeur. Chaque
jour, les ouvriers y taillaient et polissaient des dizaines de miroirs à la main, avec le plus grand soin. Le papa d’Amélie et de
Léon leur avait souvent parlé de son travail. Notamment de sa
fierté de participer à la fabrication des miroirs destinés au Roi.
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Amélie attrapa Léon par la main et avança de quelques pas.
L’obscurité qui les entourait se faisait de plus en plus opaque.
Amélie ne voyait presque plus où elle mettait les pieds. Tout
d’un coup, une voix retentit juste à côté d’elle. « ...C’est interdit ! » Son cœur ne fit qu’un bond, elle crut qu’il s’agissait du
gardien. Mais elle entendit à nouveau la voix : « Eh, lâchez ça
immédiatement ! » Ce n’est qu’alors qu’Amélie reconnut cette
voix. « Papa ! », s’écria-t-elle. Elle s’élança aussitôt les bras en
avant dans la pénombre pour éviter d’éventuels obstacles.
Léon trébucha à ses côtés. « Tu m’écrases la main », maugréat-il. Mais si Amélie le tenait aussi fermement, c’était uniquement parce qu’elle avait peur de le perdre dans le noir.
Enfin – elle sentit sous ses doigts une pierre froide et rugueuse.
Un mur qu’elle pouvait suivre en tâtonnant. Par chance, il semblait faire plus clair devant eux. Un instant plus tard, Amélie
et son frère se trouvaient dans le passage qui conduisait à la
réserve. Des dizaines de miroirs y étaient entreposés. L’un des
miroirs toutefois était bien plus grand et plus somptueux que
tous les autres. Il brillait dans une lumière froide aux reflets
bleutés. Deux hommes luttaient devant le miroir.
« Personne n’ose s’opposer à Tristan le Magicien ! », criait l’un
des hommes. Son visage était rouge de colère. L’autre homme
était le père d’Amélie. « Comment avez-vous réussi à entrer ? »,
dit-il en haletant sous l’effort. « Le gardien aurait dû vous
arrêter ! »
9
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Penses-tu pouvoir dessiner
ce roi français ?
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ILLUSTRATION N° 2 : LE ROI DE FRANCE
(LOUIS XIV, LE ROI SOLEIL)
Il y a longtemps régnait en
France un Roi qui décida de
faire aménager dans son
château une magnifique
galerie des glaces, avec une
profusion de miroirs. Or,
à cette époque, la plupart
des miroirs venaient encore de Venise. Le Roi, lui,
voulait des miroirs français, et c’est ainsi qu’il fonda en 1665 la Manufacture
royale des Glaces à Paris,
qui commença à réaliser
des miroirs d’assez grande
taille dès 1693. Cette Manufacture, qui existe encore
aujourd’hui, est désormais
plus connue sous le nom
de Saint-Gobain.
« Personne ne m’arrête jamais ! Je lui ai
jeté un sort pour qu’il dorme – c’était aussi simple que ça. » Le
magicien repoussa le père d’Amélie. « Mais assez joué maintenant », gronda-t-il, et d’un seul coup ses longues mains desséchées rayonnèrent d’un drôle d’éclat. Le père d’Amélie poussa
un cri tout en trébuchant en arrière comme s’il avait reçu un
coup de poing invisible sur la poitrine.
« Non ! », s’écria Amélie.
Mais il était trop tard. Son père recula en arrière et tomba
contre le miroir. Pourtant, le miroir ne vola pas en mille éclats…
Il happa tout simplement le père d’Amélie et de Léon qui disparut aussitôt.
11
La maison magique
L
e magicien se retourna brusquement. En apercevant les
enfants, il fronça les sourcils. « Qui êtes-vous ? », dit-il.
Il avait parlé d’un ton si tranchant qu’Amélie sentit ses
cheveux se dresser sur sa tête. Mais finalement, il soupira
bruyamment, décidant de les ignorer, et se tourna à nouveau
vers le miroir. Il tenait une boussole en argent qui brillait entre
ses doigts blafards. Soudain, il éclata d’un rire retentissant.
« Je vais entrer dans l’histoire comme le plus grand magicien
de tous les temps ! » Il retroussa son habit sombre, parsemé
d’étoiles, si bien qu’Amélie entraperçut le bout de ses souliers
aux pointes relevées, et sauta dans le miroir. Il avait disparu !
« Où est-il passé ? », demanda Amélie. « Et qu’a-t-il fait à papa ? »
« Je crois que le miroir est une porte magique », réfléchit Léon.
« Une fois, grand-mère m’a raconté une histoire comme ça... »
« Alors papa est de l’autre côté ? », l’interrompit Amélie.
Léon approuva d’un signe de tête.
Amélie fixait le miroir, désespérée. Quel malheur, que faire
maintenant ?
« Papa a besoin de notre aide », dit son frère.
Amélie prit une profonde inspiration. Elle avait peur, affreusement peur. Malgré tout, il n’était pas question de laisser ce
magicien faire du mal à son père.
12
« Tu es prêt ? », demanda-t-elle à Léon.
« Bien sûr », répondit-il avec détermination.
Main dans la main, ils s’approchèrent du miroir et se jetèrent
dedans. Ils furent happés par la lumière bleue, puis ils tombèrent, tombèrent… tombèrent… Il semblait n’y avoir aucun
fond. Ni aucun mur. Il n’y avait que de la lumière et plein d’horloges, de toutes les tailles et de toutes les couleurs. Leurs aiguilles tournaient à folle allure, tandis qu’Amélie et son frère
tournoyaient dans le vide. Amélie se sentit mal. Mais l’instant
d’après, c’était déjà terminé. Ils flottèrent encore un bref instant dans l’air avant d’atterrir en douceur sur un lit.
« Où... où sommes-nous ? » Amélie se redressa lentement. La
tête lui tournait, mais peu à peu ça commença à aller mieux.
Maintenant elle voyait qu’ils étaient dans une vaste chambre.
A côté du lit, il y avait encore un miroir contre un mur et une
armoire. Léon était déjà descendu du lit et tapotait le verre du
miroir du bout des doigts.
Dong.
« Hum », fit-il déçu. « Ce n’est pas une porte magique, mais
peut-être que le sort n’agit plus. »
13
Amélie et Léon ont voyagé jusqu’à notre époque grâce au miroir
magique. Ici, tu peux volontiers dessiner ta propre chambre ou la
chambre que tu rêverais d’avoir. Mais n’oublie pas de dessiner le lit,
un miroir contre le mur et l’armoire.
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ILLUSTRATION N° 3 : TA CHAMBRE
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Amélie sauta du lit. « Papa ? Où peut-il bien être ? »
« Cherchons-le ! » Léon lui montrait une porte. Avant qu’Amélie
n’eût pu le retenir, il l’avait déjà grande ouverte.
« Holà, qui avons-nous là ? »
Devant la porte, un homme les regardait d’un air surpris.
Il avait un visage rond et jovial, et portait les vêtements les
plus étranges qu’Amélie n’ait jamais vus. « Vous êtes des cambrioleurs ? », demanda-t-il, mais son visage s’éclaira soudain.
« Ah, vous faites sûrement partie de la famille qui veut visiter la maison. Je suis Monsieur Merrin, l’agent immobilier. »
Il consulta sa montre. « Vous avez une demi-heure d’avance.
Mais bon, ce n’est pas grave. Soyez les bienvenus au 350 de
l’Allée du soleil, dans la Maison des possibilités illimitées. » Il
leur fit un clin d’œil. « Vous voulez jeter un coup d’œil ou vous
préférez attendre vos parents ? »
Amélie regarda son frère d’un air interrogateur. C’était quoi un
agent immobilier ? Mais peu importait. Ce qui comptait, c’était
qu’il voulait leur montrer la maison. Peut-être qu’ils retrouveraient leur père alors.
Monsieur Merrin se frottait les mains. « Ce que vous allez voir
maintenant les enfants, c’est un peu comme de la magie. »
« Oh non », souffla Amélie dans l’oreille de Léon. « C’est aussi
un magicien ? »
15
Monsieur Merrin les emmena tous les deux dans une pièce
dont tout un mur était en verre, laissant passer les rayons du
soleil qui baignaient la pièce dans une lumière dorée. Éblouie,
Amélie plissa les yeux. Comment cela était-il possible ? Tout à
l’heure, il faisait encore nuit. Mais avant même qu’elle n’eût
le temps d’y réfléchir plus longtemps, Monsieur Merrin s’était
déjà lancé dans ses explications.
« Vous savez ce qui est bien dans cette maison ? Elle n’a pratiquement pas besoin d’électricité parce qu’elle pourvoit à ses
propres besoins avec l’énergie solaire. Vous pouvez ainsi passer toute la journée à regarder la télévision ou à jouer sur votre
playstation, sans que cela ne coûte un seul centime à vos parents. C’est incroyable, non ? »
La télévision ? La playstation ? Amélie ne comprenait absolument rien.
« En plus, la maison est si bien isolée contre le froid que vous
n’avez pas besoin de chauffage », poursuivait Monsieur Merrin
avec enthousiasme. « Même s’il devait sévir une deuxième période glaciaire, vous n’auriez pas froid du tout à l’intérieur. » Il
riait. « Ça n’est pas fantastique ? »
« Une période glaciaire ? », demanda Léon.
« Je ne faisais que plaisanter », répondit Monsieur Merrin.
Soudain, Amélie poussa un cri si fort que le pauvre Monsieur
Merrin en sursauta. Derrière la baie vitrée, on apercevait une silhouette efflanquée planquée entre deux rosiers et habillée d’un
habit recouvert d’étoiles scintillantes. L’homme avait les yeux
brillants, ses cheveux hirsutes se dressaient sur sa tête. 16
« Tristan ! », laissa échapper Léon.
Le magicien les regarda d’un air fulminant. L’instant d’après, il claqua
des doigts et passa à travers la baie
vitrée comme si elle n’était qu’une
illusion. Pour Monsieur Merrin, c’en
était trop. Il roula des yeux et s’évanouit dans un soupir.
« Vous m’avez suivi », siffla le magicien tout en pointant une main
osseuse en direction d’Amélie et de
son frère. « Vous allez le regretter ! »
Les maisons modernes
doivent faire des économies d’énergie pour
protéger la nature. Cela
est possible par exemple
en isolant les murs avec
de la laine de verre et des
plaques de plâtre Gyproc,
ou en se servant de l’énergie géothermique pour le
chauffage de la maison.
Saint-Gobain et ses filiales
ont inventé beaucoup de
concepts judicieux pour
améliorer le confort et protéger l’environnement.
Si tu as envie, tu peux maintenant dessiner une maison bien isolée
contre le froid et qui n’a pratiquement pas besoin d’électricité. Peutêtre que ta maman ou ton papa savent comment on peut isoler avec
de la laine de roche ou de verre, ou d’autres matériaux, une maison
comme celle-ci qui n’a pas besoin de chauffage en hiver.
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ILLUSTRATION N° 4 : LA MAISON OÙ TU N’AS PAS BESOIN DE CHAUFFAGE
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Les calèches les plus
rapides du monde
L
e cœur d’Amélie battait la chamade, comme s’il allait
exploser. Malgré tout, elle s’avança courageusement et
se plaça devant son petit frère. Qu’est-ce que Tristan le
méchant allait leur faire ? Allait-il les transformer en insectes,
puis les écraser sous la semelle de ses souliers pointus ? Amélie
en frissonna de dégoût. « S’il vous plaît, nous n’avons rien fait »,
implora-t-elle.
« Nous voulons juste retrouver notre papa ! », lança Léon
par-dessus son épaule.
« Qui ça ? », grogna Tristan. « Ah, mais pourquoi je m’occupe de
vous. » Il leva brusquement la main et des éclairs bleutés dansèrent entre ses doigts crochus. « Adieu pour toujours, sales
petits casse-pieds ! »
Clic clac. Clic clac.
Tristan regarda autour de lui, déconcerté. Amélie aussi se demandait bien d’où pouvait venir ce bruit. Le magicien haussa
un sourcil, comme s’il lui était venu une idée, et mit la main
dans l’une des poches de son habit. Lorsqu’il ressortit la main
de sa poche, il tenait la boussole en argent. Clic clac, le son venait de l’intérieur de la boussole, tandis que la grande aiguille
tremblait et trépidait, et changeait sans cesse brutalement de
direction comme si elle était prise d’un hoquet.
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Dans l’histoire, le magicien tient dans ses mains une boussole très
spéciale. C’est une boussole magique. À quoi pourrait ressembler cette
boussole magique ? Tu sais la dessiner ?
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ILLUSTRATION N° 5 : LA BOUSSOLE MAGIQUE
« Qu’est-ce que tu dis ? » lui demanda Tristan d’un ton exaspéré. « D’abord tu m’envoies au mauvais endroit, et maintenant
on manque en plus de temps ? »
Il parlait à la boussole comme s’il s’agissait d’un être vivant.
Des clics et des clacs retentirent à nouveau. « Nom de nom ! »,
jura le magicien. Il tournoya sur lui-même et partit en trombe,
son vaste habit flottant derrière lui.
Amélie soupira de soulagement. Ils n’avaient pas été transformés en insectes, ni été écrasés. Mais Tristan avait-il vraiment
parlé à sa boussole ?
19
« Qu’est-ce que tu fais là ? » Léon la poussa légèrement. « Il
faut le suivre. »
Il avait raison. S’ils laissaient maintenant le magicien s’échapper, peut-être qu’ils ne retrouveraient plus jamais le chemin
pour rentrer chez eux. Ils se mirent donc à courir derrière lui, et
le virent disparaître dans la chambre à coucher. Amélie fonça à
travers la porte ouverte et s’arrêta soudain si brutalement que
Léon lui rentra dedans. « Aïe ! » Il se frottait le nez.
Le magicien les fixait du regard depuis le miroir mural qui se
trouvait derrière le lit, ses lèvres déformées par un méchant
rictus. Il claqua des doigts et la lumière bleuâtre autour du miroir pâlit. Ricanant, la tête rejetée en arrière, il se retourna une
dernière fois et disparut.
« La porte magique ! », cria Léon affolé.
Si elle se refermait, ils seraient coincés à jamais dans ce lieu
étrange. Amélie devait empêcher ça. Avec détermination, le
menton en avant, elle attrapa son frère par la main et prit son
élan. D’un bond, ils atterrirent sur le lit, furent catapultés en
l’air et foncèrent sur le miroir.
Lorsqu’Amélie ouvrit à nouveau les yeux, ils étaient au milieu
d’une grosse flaque et avaient de l’eau jusqu’aux chevilles.
L’eau leur renvoyait le reflet de leur propre visage. Donc, la magie de la boussole ne fonctionnait pas uniquement avec les
vrais miroirs.
20
Wrrrrouuuummm. Wrrrrouuuummm. Wrrrrouuuummm.
Horrifiée par le bruit, Amélie se couvrit les oreilles des deux
mains. « Qu’est-ce que c’est que cet affreux vacarme ? »
Léon se retourna et en resta bouche bée. « Waouh ! »
Amélie qui avait suivit son regard n’en croyait pas ses yeux. Jamais de sa vie, elle n’avait encore vu des calèches comme ça ! Il
y en avait de toutes les couleurs, toutes plus vives les unes que
les autres, et elles filaient rapides comme l’éclair. Sans cesse,
une calèche les frôlait, à une allure incroyable. L’appel d’air faisait voler au vent les boucles d’Amélie. Mais le plus sidérant
dans tout ça, c’était que les calèches roulaient sans être tirées
par des bœufs ou des chevaux.
« Pouah, quelle puanteur ! » Léon faisait la grimace.
Où que l’on regarde, c’est magique, se disait Amélie. Est-ce que
c’était encore leur propre monde ou avaient-ils suivi Tristan
dans un pays magique plein de merveilles ? Soudain, Léon lui
toucha le bras et lui montra une grande bannière qui flottait
au vent. Il y était inscrit : « Bienvenue à la 350ème course automobile ! »
Amélie savait ce qu’était une course. Avec son frère et les
autres enfants de leur rue, ils jouaient presque chaque jour
à faire la course. Donc, ces calèches colorées devaient être
des automobiles. Est-ce que le magicien avait l’intention d’en
voler une ?
21
Elle jeta un regard autour d’elle. Partout, des gens assis ou debout acclamaient les calèches. Mais à nouveau aucune trace de
Tristan.
Amélie et Léon se trouvent maintenant en pleine course automobile.
On retrouve même sur l’une des voitures le chiffre 350. Penses-tu pouvoir dessiner ici la course automobile avec les nombreux spectateurs ?
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ILLUSTRATION N° 6 : LA COURSE AUTOMOBILE
AVEC LES SPECTATEURS ET PLEIN DE VOITURES DE COURSE
« Eh, qu’est-ce que vous faites là ? » Un jeune garçon aux cheveux blonds clairs et aux yeux brillants de curiosité les avait
rejoints. « Cette zone est interdite au public ! »
« Mais tu y es aussi », répondit Léon.
« C’est parce que mon oncle participe à la course. » Il montra
un endroit derrière lui où l’on voyait plusieurs hommes s’affairer sur l’une des calèches.
22
« Avançons un peu par là, on ne
sera plus obligé de crier pour s’entendre. Au fait, je m’appelle Josh. »
Seule la meilleure voiture
et la plus rapide gagne,
et c’est le moteur qui est
déterminant. Il doit toujours être impeccable et
fonctionner parfaitement.
Pour qu’il en soit ainsi,
Saint-Gobain fabrique des
flexibles très spéciaux pour
les moteurs. Ils sont plus
solides que les flexibles
normaux. Le pare-brise est
également très important.
Il est fabriqué par SaintGobain Sekurit. Sans parebrise, le conducteur devrait
toujours affronter un vent
très fort en pleine face et
ne verrait plus rien.
Amélie se présenta, présenta son
frère, puis ils suivirent Josh.
« Qu’est-ce que font ces hommes
là-bas autour de… euh... l’automobile ? », demanda-t-elle.
« L’automobile ? Tu veux dire la voiture de course ? Et bien, ils changent
juste vite fait quelques flexibles et
quelques joints », répondit Josh. « Il
y a eu quelques problèmes de moteur. Mais mon oncle va reprendre
la course tout de suite. » Il fronça
les sourcils. « Dites, pourquoi êtesvous habillés si bizarrement ? Il y a une fête costumée dans le
coin ? »
Amélie regarda Josh de plus près. Il portait des vêtements aux
couleurs bien plus gaies que les leurs et qui étaient nettement
moins tâchés. Cela lui donna une idée. « As-tu déjà vu passer
quelqu’un d’autre qui était habillé bizarrement ? »
« Tu veux dire un fou qui se baladait en chemise de nuit avec des
étoiles dessus ? »
Amélie confirma d’un signe de tête, tout excitée. « Tu peux nous
mener jusqu’à lui ? »
Josh lui fit un clin d’œil. « Suivez-moi ! »
23
Des tours dans le ciel
J
osh partit devant, Amélie et son frère sur ses talons. Ils
contournèrent la voiture de course de son oncle qui se
mit soudain à rugir comme un bœuf qu’on ne saurait plus
contenir. Roooaaaa ! Amélie tressaillit. Qu’est-ce que le magicien venait faire ici, dans cet endroit si affreux ? Si elle avait pu,
Amélie serait immédiatement rentrée chez elle. Mais elle ne
savait pas comment. Et puis, elle ne pouvait pas laisser tomber
son père.
Josh s’était arrêté devant un bâtiment qui était presque aussi
grand que la Manufacture royale des Glaces de miroirs. « Tout
à l’heure, le type en chemise de nuit traînait ici, devant l’entrée
du Musée sur les voitures de course », dit-il hors d’haleine. « Il
parlait à un truc qu’il tenait dans la main. »
Amélie était prête à parier qu’il s’agissait de la boussole.
« Nous devons y aller ! »
« Impossible ! » Josh faisait non de la tête. « Le musée est fermé
à cause d’une rupture de conduite d’eau. Tu vois ? » Il secouait
la porte qui, à sa grande surprise, céda. « Le type en chemise de
nuit a dû forcer la serrure. »
« Dépêchons-nous, avant qu’il n’ouvre une nouvelle porte miroir », dit Léon en passant devant Josh pour pénétrer à l’intérieur. « Mais attends donc un peu », grommela Amélie avant
de se précipiter derrière lui.
24
Qu’allait-il se passer s’ils rattrapaient vraiment Tristan ? Il était
dangereux. Et comment pouvaient-ils le forcer à leur dire où ils
pourraient trouver leur père ?
Les rayons du soleil pénétraient à l’intérieur du musée à travers les hautes fenêtres du bâtiment, éclairant des estrades
disposées en demi-cercle. Sur chaque estrade se trouvait une
voiture de course.
Au-dessus de chaque voiture était suspendue une bannière
dorée qui indiquait à chaque fois « 1ère place », puis un nombre à
quatre chiffres. 1978, 1985, 1993, 2009... À la vue de ces chiffres,
Amélie ressentit une drôle de sensation.
Maintenant, tu peux volontiers dessiner une voiture de course pour ce
passage dans le livre.
DIN A4
ILLUSTRATION N° 7 : LA VOITURE DE COURSE AVEC LE N° 350
25
Mais avant même qu’elle eût pu se demander ce qu’ils signifiaient, elle fut interrompue par les vociférations furieuses du
magicien : « Bon sang de bon sang, d’où venez-vous encore ? »
Amélie se retourna. Tristan était juste à côté d’elle, au beau
milieu d’une flaque d’eau aux reflets argentés, dont l’accès
était interdit par un ruban jaune. Il fixait Amélie d’un air si furieux qu’elle s’attendait presque à voir de la fumée sortir de
ses oreilles. Mais à la place, il pointa un doigt vers elle, faisant
jaillir un éclair bleu.
« Tous à l’abri ! », s’écria Josh et ils se jetèrent tous les trois derrière l’une des estrades. L’éclair les manqua de peu et s’abattit
sur le mur où il laissa un trou noir et fumant.
« Bon sang, qu’est-ce que c’était ? », gémit Josh.
« Un magicien », répondit Amélie tout en se frottant le genou.
Josh ouvrait la bouche pour dire quelque chose lorsqu’Amélie
entendit résonner un clic clac familier. « Chut », lui intima-t-elle.
« La boussole », murmura Léon.
Amélie se releva d’un bond et tenta, sur la pointe des pieds, de
voir ce qui se passait derrière l’estrade. Tristan était toujours
au centre de la flaque d’eau qui entre-temps scintillait d’une
lueur bleuâtre. « Maintenant ! », ordonna-t-il à la boussole au
creux de sa main, et il commença à s’enfoncer lentement dans
la flaque. Il n’avait plus que la tête hors du sol lorsqu’il se retourna brusquement vers Amélie, ses lèvres retroussées sur
ses dents jaunâtres.
26
« Qu’est-ce… qu’est-ce qui se passe iciii… ? », bégaya Josh.
« Pas le temps de t’expliquer », lui dit Amélie. « Mais merci pour
tout ! » Elle lui fit un bisou sur la joue, attrapa son frère par la
main et courut. Juste avant de franchir la porte magique, elle se
retourna encore une fois pour sourire à Josh.
A nouveau, ils tombèrent dans une lumière claire. Amélie se
dépêcha de fermer les yeux pour ne pas avoir à nouveau mal
au cœur. L’instant d’après, elle atterrit si durement sur ses pieds
qu’elle eut l’impression d’avoir fait un saut depuis une hauteur
assez élevée. Comble de tout, le sol se mit à tanguer sous ses
pieds. Ou bien était-ce un effet de son imagination ? Et pourquoi sentait-elle d’un coup un souffle froid sur le visage ?
« Par les moustaches du Roi ! », jura Léon.
Amélie ouvrit les yeux et en eut le souffle coupé. Ils se trouvaient
à une centaine de mètres au-dessus du sol. Ils étaient uniquement soutenus par une fine grille métallique au travers de laquelle ils voyaient défiler à vive allure un nombre incroyable
de voitures magiques. Frissonnant, Amélie détacha son regard
du spectacle et leva la tête. Une balustrade, juste sous son nez.
Soulagée, Amélie s’y cramponna et décida de ne plus jamais la
lâcher.
« Monte-charge de service et maintenance – Réservé au personnel ! » : Léon lisait à haute voix un panneau accroché à la balustrade et qui se balançait dans l’air. Il haussa les épaules et sourit
à Amélie.
27
« C’est presque comme si on volait, non ? »
Amélie déglutit. De petites gouttes de sueur lui descendaient
le long de la nuque. « J’ai … j’ai… le vertige. »
« Oups », fit Léon. « J’avais oublié. Ma pauvre, alors qu’il y a
tant de choses formidables à voir ici. »
La vue était vraiment magnifique. Tout autour d’eux, des tours
en verre poussaient du sol vers le ciel comme des arbres gigantesques. Certaines allaient si haut que l’on avait l’impression
qu’elles allaient gratter le ciel. Même Amélie finit par sourire.
Des gratte-ciel, pensa-t-elle. Ce serait un nom parfait pour ces
somptueuses tours qui grimpaient jusqu’au ciel.
Il manque ici un dessin avec les somptueuses tours qui s’élèvent vers
le ciel. Un gratte-ciel après l’autre. Beaucoup sont faits entièrement en
verre. Tu saurais les dessiner ?
DIN A4
ILLUSTRATION N° 8 : LES GRATTE-CIEL
28
Mais soudain, le vent se leva et fit
de nouveau tanguer la grille métallique sur laquelle ils se trouvaient.
Amélie gémit. Pourquoi avait-il fallu que la stupide porte miroir les
expédie ici précisément ?
29
On peut fabriquer tout un
tas d’objets avec du verre :
des bouteilles, des miroirs,
de petites figurines et
maintes autres choses. On
peut aussi fabriquer des
façades de gratte-ciel. Bien
sûr, on ne peut pas prendre
n’importe quel type de
verre pour cela, parce que
le verre doit avoir des
propriétés très particulières. Par exemple, il doit
protéger des incendies et
du bruit. Il existe même
un verre pour fenêtre et
façade particulièrement
intelligent. L’été, il maintient les pièces au frais et
l’hiver il veille à ce que la
chaleur reste à l’intérieur.
Et le plus génial, c’est que
l’on n’a même pas besoin
de le nettoyer parce qu’il
est autonettoyant. Le verre
de Saint-Gobain peut faire
tout cela, et bien plus
encore...
Une alliée
« Regarde, une échelle », dit Léon en s’avançant jusqu’à l’autre
extrémité de la nacelle métallique. « Qu’est-ce que c’est que
ça ? » Il tirait sur un lambeau de tissu accroché à un barreau
métallique. Il se tourna vers Amélie pour le lui montrer. Une
étoile argentée brillait de tout son éclat sur le tissu.
« Tristan », murmura-t-elle. Il avait dû passer par là. En levant
la tête, elle vit que l’échelle était appuyée contre une fenêtre
ouverte. S’ils arrivaient à grimper jusque-là, ils seraient en
sécurité.
« Allez, viens Amélie », dit Léon, comme s’il avait deviné ses
pensées. « Je sais que tu peux y arriver. »
Amélie se força à lâcher la balustrade. « Il suffit de ne pas
regarder en bas », se dit-elle avant de s’élancer, les jambes
vacillantes. Amélie avançait à petits pas rapides. Elle ne lâchait
pas l’échelle de vue.
« Tu y es presque ! », l’encouragea Léon.
Mi-pleurant, mi-riant, Amélie attrapa l’échelle des deux mains.
Léon exultait : « Monte maintenant ! »
Amélie grimpait les marches, et sursauta vivement quand elle
aperçut tout à coup une autre personne en train de monter à
côté d’elle. Mais elle se rendit compte très vite qu’il s’agissait
juste de son propre reflet.
30
Non, mais vraiment... La boussole de Tristan aurait quand
même pu choisir un endroit un peu moins dangereux pour ouvrir une porte.
Amélie passa la première par la fenêtre, suivie de près par Léon.
La pièce sentait la peinture fraîche. Il n’y avait aucun meuble,
ni aucun tapis au sol. Mais une porte. Quelqu’un y avait collé
une feuille, à l’extérieur. On pouvait lire : Bureau 350, Monsieur
Colbert. Amélie fronça les sourcils. Quel que soit ce Monsieur
Colbert, il ne semblait pas être chez lui.
« C’est immense », s’étonnait Léon en tournant sur lui-même.
« Autant de pièces. »
Ils se trouvaient tous les deux dans un immense couloir qui
donnait sur un nombre incroyable de portes. Malgré tout, on
aurait entendu une mouche voler. On n’entendait aucune voix.
Aucun bruit. Par contre, ici aussi ça sentait la peinture fraîche.
Amélie regarda à nouveau la feuille de papier. « Bureau 350 »,
murmura-t-elle. « 3-5-0 ». Ils avaient déjà vu ce chiffre dans la
maison magique et lors de la course automobile. Ça ne pouvait être un hasard.
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Un long couloir, une multitude de portes et le bureau 350 – ça ne
devrait pas te poser de problème de dessiner ça, non ?
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ILLUSTRATION N° 9 : LE LONG COULOIR
32
« Qu’est-ce que tu attends ? » Léon tirait sur sa robe. « Nous
devons absolument rattraper ce sale type de Tristan avant qu’il
ne file. »
Cette fois, ils n’eurent pas à le chercher longtemps. Dès qu’ils
arrivèrent au bout du couloir, les braillements d’une personne
manifestement en colère leur indiquèrent où trouver le magicien. « Chut », fit Amélie, un doigt sur ses lèvres. D’un signe de
tête, Léon indiqua qu’il avait compris, puis ils avancèrent sur la
pointe des pieds jusqu’à la porte d’où venait le bruit. Amélie
l’entrouvrit avec précaution pour regarder à l’intérieur. À part
le magicien, la pièce était totalement vide.
« Nous sommes à nouveau au mauvais endroit, idiote de boussole. Tu l’as fait exprès ? » Tristan invectivait sa boussole, qui
répondait par des clics et des clacs. « Le père ? Quel père ? »,
grommela le magicien. « Ah, celui des enfants qui nous poursuivent ? C’est de sa faute, il a voulu me retenir. » Clic clac, fit
la boussole. « Bien sûr que ce n’était pas gentil. Mais en même
temps je suis Tristan le lugubre, Tristan le méchant, Tristan le…
Comment m’as-tu appelé ? Tristan le répugnant ? Ne fais pas
ton insolente ! » Cette fois, les clics et les clacs de la boussole
retentirent comme dans un rire. « Ça suffit ! Ça SUFFIT ! », s’emporta Tristan. « Tu vas immédiatement m’ouvrir la bonne porte
afin que je puisse enfin devenir le plus grand magicien de tous
les temps. Et plus d’excuses ! »
33
L’une des fenêtres de la pièce s’éclaira d’une lumière bleue.
Derrière la vitre, Amélie apercevait les autres tours dans le ciel.
Sans hésiter, le magicien courut vers la fenêtre. Depuis sa cachette, Amélie retint son souffle. Si le tour de magie ne marchait pas, Tristan irait s’écraser quelque cent mètres plus bas.
Mais il eut de la chance. La porte magique le happa cette fois
aussi.
« On le suit ! » s’écria Léon qui s’était levé d’un bond, et tirait
Amélie. Elle sentit la panique l’envahir. Si jamais ça ne marchait pas. Si la porte se refermait trop tôt, ils tomberaient…
tomberaient… et tomberaient...
« Ne fais pas tant de manières », la pressa Léon.
Amélie soupira, ferma les yeux et se laissa entraîner par son
frère. Au moins, ils avaient désormais une alliée : la boussole de
Tristan. Elle semblait vouloir les aider. Est-ce pour cela qu’elle
ne cessait d’envoyer le magicien aux mauvais endroits ? Cette
idée réconfortait Amélie car elle lui redonnait espoir.
Lorsque la porte miroir les recracha, ils atterrirent en douceur
sur quelque chose de mou. C’était étonnamment mou. L’instant
suivant, les enfants entendirent un cri d’indignation qui fit frissonner Amélie de tout son corps. Elle ouvrit les yeux pour voir
juste sous son nez la figure grimaçante du magicien. Ce n’est
qu’alors qu’elle comprit qu’elle et Léon lui avaient atterri dessus.
« Encore vous », couina Tristan tout en les faisant tomber par
terre.
34
Glapissant et jurant tout à la fois, il rampa jusqu’à une porte
étroite. Léon réagit en moins de deux et attrapa un pan de l’habit du magicien. Il fut entraîné sur quelques mètres, puis le tissu
se déchira et Tristan s’enfuit en courant.
Amélie faisait la moue. La pièce minuscule dans laquelle elle
était assise par terre puait comme la fosse d’aisance sous leurs
cabinets à la maison. Beurk ! Elle se releva et se dépêcha de s’essuyer les mains sur sa robe. Sur sa droite, un petit miroir était
suspendu au mur. Mais il était si petit qu’elle se demandait bien
comment le magicien et eux-mêmes avaient pu passer à travers.
« Eh, Amélie, regarde ça ! », l’appela Léon. Il regardait à travers
l’une des nombreuses fenêtres derrière lesquelles on voyait défiler à vive allure des champs de blés dorés. Amélie le rejoignit.
Comment cela était-il possible ? Pourquoi le monde bougeait-il
autour d’eux alors qu’ils étaient à l’arrêt ?
« Vos billets », leur demanda un homme en uniforme, qui tendait
la main vers Amélie et Léon.
« Nos billets ? », demanda Amélie.
L’homme roula des yeux. « Tu veux me mener en bateau ? C’est
un train à grande vitesse. Personne n’a le droit de monter à bord
sans billet. »
35
Les maisons, les voitures
de course, les gratte-ciel,
les avions et les trains
à grande vitesse nous
rendent la vie plus facile,
plus belle et plus agréable.
Saint-Gobain participe
à leur construction. Par
exemple, Saint-Gobain
fabrique les fenêtres des
motrices de trains. Pourquoi est-ce aussi important ? Et bien, évidemment
pour éviter au conducteur
d’avoir sans cesse le vent
dans les yeux ou d’avaler
des insectes en pleine
conduite.
« Bon, écoutez ! » dit Léon en se
campant devant l’homme en uniforme, les bras croisés sur la poitrine. « Comment parlez-vous à
ma sœur ? »
« Tu voyages sans billet, et en plus
tu es insolent, c’est ça ? Tu vas avoir
des ennuis. Je vais... » L’homme
hurla soudain de douleur. Léon lui
avait envoyé de toutes ses forces
un coup de pied dans le tibia.
Aïe, aïe, aïe, pensa Amélie, mais
ensuite elle sourit à Léon avec reconnaissance. « Dépêchons-nous
de filer ! », dit-il.
À quoi pourrait ressembler le train à grande vitesse dans lequel le
contrôleur vérifie les billets ? Tu peux dessiner ici le train vu de l’extérieur, qui fonce à toute allure, ou alors le train vu de l’intérieur avec le
contrôleur.
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ILLUSTRATION N° 10 : LE TRAIN À GRANDE VITESSE
36
En route vers les étoiles
P
eut-être que ce fut la chance qui fit qu’ils s’enfuirent
en suivant exactement la même direction que le magicien juste avant. Mais au fond d’elle-même, Amélie était
convaincue que c’était plus qu’une simple question de chance.
Les deux enfants parcoururent les couloirs du train aussi vite
que leurs jambes pouvaient les porter. Le train, c’est bien ainsi
que l’homme aux billets avait appelé ce lieu, n’est-ce pas ? En
tout cas, ce train n’était pas moins mystérieux que la maison
magique. Il y avait des portes en verre qui s’ouvraient toutes
seules, comme animées par une main invisible, dès qu’Amélie
s’approchait. Et partout, il y avait des personnes assises qui
regardaient par la fenêtre ou se tournaient vers eux lorsqu’ils
passaient en courant.
« On n’arrivera jamais à le semer comme ça », haleta Léon.
Amélie pensait exactement la même chose. On ne pouvait
toujours qu’aller tout droit. Aucune bifurcation. Ils ne parviendraient jamais à se débarrasser ainsi de l’homme aux billets.
« Donnez-moi ça, j’ai dit ! »
Amélie tendit l’oreille. Elle aurait reconnu cette voix entre
toutes. Un instant plus tard, elle vit aussi la personne à laquelle appartenait cette voix. Tristan était penché au-dessus
d’un siège et essayait d’arracher un miroir de poche des mains
d’une jeune femme. Un trait rouge partait de ses lèvres jusque
sur sa joue gauche.
« C’est le mien », criait la femme. Puis : « A l’aide ! Aidez-moi ! »
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Sais-tu éventuellement à quoi ressemble un miroir de poche pour se
maquiller? Tu peux en dessiner un ici.
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ILLUSTRATION N° 11 : LE MIROIR DE POCHE
« Ah », s’écria Tristan une seconde plus tard en brandissant de
manière triomphante le miroir. C’est là qu’il remarqua Amélie
et Léon. Ils n’étaient plus qu’à quelques mètres de distance. Il
jura, orienta sa boussole sur le miroir et grogna : « Encore une
seule erreur et je t’envoie à la casse ! »
La boussole répondit par un clic apeuré, et le miroir s’illumina.
« On fonce ! », s’écria Léon. Il sauta par-dessus un bagage posé
par terre et bondit sur le magicien.
Amélie rassembla aussi ses dernières forces. Elle prit son élan
pour sauter et atterrit sur le dos de Tristan, auquel elle s’accrocha comme un petit singe.
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« Arrrr. » Le magicien battait des bras autour de lui, mais il était
déjà trop tard. La porte du miroir déployait sa magie. Les yeux
écarquillés, Amélie vit le monde autour d’elle devenir de plus
en plus grand, tandis qu’elle-même, son frère et le magicien
rétrécissaient, jusqu’à n’être pas plus hauts qu’une sauterelle.
Dans un même cri, ils tombèrent tous les trois dans le miroir.
Tristan continuait de battre des bras et des pieds. Mais Amélie
et Léon s’agrippaient fermement à un bout de son habit. A
nouveau, ils tombaient, et tombaient… puis une nouvelle
porte s’ouvrit.
L’habit magique ne cesse de changer d’apparence. A quoi aurait bien
pu ressembler l’habit magique du magicien avec ses étoiles à ce moment-là ? Tu peux volontiers le dessiner.
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ILLUSTRATION N° 12 : L’HABIT MAGIQUE RECOUVERT D’ÉTOILES
Tristan atterrit sur le dos dans un gémissement. Amélie et Léon
eurent plus de chance. Cette fois encore, le magicien amortit leur
chute. « Ne lâche pas son bras ! », cria immédiatement Léon. « Il
faut l’empêcher de faire un nouveau tour de magie. »
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Amélie se jeta de tout son poids sur le bras droit de Tristan.
Léon se chargea du bras gauche. Le magicien se cabra. Son visage était rouge sous l’effort. Mais en vain. Finalement, Tristan
s’affala à nouveau sur le sol, soufflant d’épuisement comme
un phoque. « Maudits morveux – jamais je n’arriverai à me débarrasser de vous ? »
« Qui a commencé ? », lui répondit Léon d’un air furieux.
« J’aurais dû vous changer en crapauds dès la première fois où
je vous ai vus. »
Amélie en avait assez. Elle laissa d’un coup libre cours à toute
la peur et à toutes les inquiétudes accumulées ces dernières
heures : « Et notre papa ? Où est-il ? »
« Pas si fort ! » lui dit Tristan d’un air menaçant. « Si les gardiens nous attrapent, nous sommes fichus. »
Les gardiens ? Amélie leva la tête. Ils se trouvaient sur un
genre d’échafaudage avec plein d’escaliers et de niveaux, qui
entourait une tour en métal. Partout, des lumières brillaient
ou clignotaient dans le crépuscule qui tombait. Un groupe
d’hommes se trouvait au pied de la tour. Ils guettaient de tous
les côtés comme s’ils redoutaient que l’on ne s’approche d’eux
sans autorisation. Amélie les trouvaient assez intimidants, ils
étaient si grands et si forts.
« Qui vit dans cette tour ? », demanda-t-elle tout bas.
« Ce n’est pas une tour », répondit Tristan d’un ton sifflant.
« C’est une fusée et je vais me rendre dans les étoiles grâce à
elle. »
40
Tu peux dessiner ici la fusée qui peut voler jusqu’aux étoiles.
DIN A4
ILLUSTRATION N° 13 : LA FUSÉE
41
D’un coup, ses yeux brillèrent de fébrilité. « Je serai le premier
magicien à voyager d’une étoile à l’autre. Ah, je vais devenir
célèbre ! » Il se tut en regardant les gardiens d’un air soucieux,
mais ceux-ci ne semblaient pas l’avoir entendu. « Ils sont trop
nombreux pour que je puisse tous les ensorceler », marmonna-t-il, puis il se tourna à nouveau vers Amélie et Léon. « Bon,
très bien, qu’est-ce que je dois faire pour me débarrasser de
vous les casse-pieds ? »
« On veut juste retrouver notre papa », répondit Léon d’une
voix tout à coup tremblotante. « Qu’est-ce que vous lui avez
fait ? »
Amélie regarda son frère d’un air compatissant. Il avait été si
courageux pendant tout ce temps. Mais en fait, il était tout
aussi épuisé et effrayé qu’elle.
« Qu’est-ce que j’en sais, où il est », grommela Tristan. « La porte
miroir peut l’avoir expédié n’importe où. Ça arrive parfois. » La
boussole magique que le magicien tenait dans la main s’agita
avec force clics et clacs. « Quoi ? Tu veux aller avec eux parce
que tu sais où il se trouve ? » Tristan sembla réfléchir un instant, avant de hausser les épaules. « Prenez la boussole ! De
toute façon, je n’en ai plus besoin maintenant. »
Amélie hésitait encore. Pour attraper la boussole, il fallait lâcher le magicien. « Je ne vous ferai aucun mal », dit-il comme
s’il avait deviné sa pensée.
42
« Pas maintenant que j’ai enfin
une chance de ne plus jamais vous
revoir. »
Amélie regarda Léon. Il acquiesça
d’un signe de tête.
L’instant suivant, le frère et la sœur
se tenaient par la main devant la
fusée et regardaient leur reflet sur
la surface argentée brillante. Leur
silhouette était un peu déformée
mais cela ne semblait pas déranger la boussole. Lorsqu’Amélie la
pointa sur la fusée, celle-ci s’illumina d’une lueur bleue. « Encore
une question », dit-elle.
Depuis plus de 30 ans, le
groupe Saint-Gobain aide
les hommes à voyager
dans l’espace. Comment ?
En fabriquant des joints
en silicone de très grande
qualité qui permettent
d’assurer l’étanchéité de
tous les hublots dans une
fusée ou une navette spatiale. Pourquoi est-ce important ? Parce que sinon
l’oxygène s’échapperait de
la navette et se dissiperait
dans l’espace.
Le magicien roula les yeux. « Quoi encore la gamine ? »
« Qu’est-ce que c’est que ce monde bizarre où les calèches
n’ont pas besoin de chevaux et où les hommes peuvent voler
jusqu’aux étoiles ? »
Tristan sourit pour la première fois sans avoir l’air méchant.
« Ce n’est pas un autre monde », dit-il. « Nous avons voyagé dans
le futur. Ce que vous avez vu, ce ne sont que des rêves lointains
à notre époque. Mais la réalité des centaines d’années plus tard.
Et maintenant partez, avant que je ne change d’avis. »
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De joyeuses
retrouvailles
L
’air résonnait de musique et transportait des effluves
délicieux. Partout se tenaient des hommes et des femmes
qui parlaient ou riaient entre eux. Au milieu de toute cette
agitation, personne ne sembla remarquer la présence des deux
enfants. Nous avons voyagé dans le temps, pensa Amélie sans
vraiment arriver à y croire. Mais cela expliquait les vêtements
bizarres des gens ou encore tout ce qu’ils avaient vu d’étonnant au cours de leur voyage à travers les portes magiques.
Léon tirait sur sa manche. « Qu’est-ce qu’ils fêtent, tous ces
gens ? »
« Je ne sais pas. » Amélie regardait autour d’elle. Une grande
bannière était accrochée à un mur de la salle. Elle s’arrêta devant et lut avec curiosité : « 350 raisons de croire en l’avenir :
parce que le monde ne connaît plus de frontières, parce que les
talents sont illimités, parce qu’il est possible à chacun d’avoir
un logement, parce que Saint-Gobain nous assure une vie
meilleure – aujourd’hui comme demain. »
44
Il était de nouveau là, le fameux chiffre 350. Au cours de ces
dernières heures, Amélie n’avait cessé de tomber dessus. Cela
devait avoir un sens ! Elle se retourna et laissa son regard errer
sur la foule rassemblée. La dernière porte magique les avait
envoyés ici, dans ce lieu. Si la boussole magique voulait vraiment les aider, leur père devait se trouver quelque part, au milieu de tous ces gens.
« Ouvre grand les yeux », dit Amélie à son frère. « Papa doit
être ici ! »
Léon la regarda d’un air ravi. « Et quand nous l’aurons retrouvé,
on pourra enfin rentrer chez nous ? »
« Evidemment », répondit Amélie en lui passant la main dans
les cheveux.
Mais ils ne l’avaient pas encore trouvé.
Ils se mirent à parcourir la salle et à interroger les invités, mais
personne ne semblait avoir vu un homme répondant à leur
description. Comment cela était-il possible ? « Où est papa ? »,
demanda-t-elle à la boussole avec un ton de reproche. Pourtant cette fois, la boussole resta silencieuse.
Léon soupira. « Tristan nous a joué un mauvais tour. »
45
Amélie luttait contre les larmes. Elle ne voulait pas y croire,
mais au fond de son cœur, elle pressentait que son frère avait
raison. Comment avait-elle seulement pu faire confiance à
Tristan ? C’était un méchant homme. « Je suis désolée », murmura-t-elle tout en attirant Léon vers elle. « Tellement désolée. »
« Où est papa ? », pleurnichait Léon tout en cachant son visage
dans sa robe. A cet instant, elle aurait tout donné pour avoir
une réponse. Tout.
« Amélie ? Léon ? C’est vraiment vous ? »
Ils se retournèrent brusquement et… poussèrent un cri de joie.
Il était là, dans un coin moins éclairé de la salle : un homme
grand et sec, intimidé par les nombreuses personnes autour
de lui, la tête rentrée dans les épaules.
« Papa ! Papa ! », s’écrièrent Amélie et Léon en courant vers lui.
Leur père les prit dans ses bras.
« Qu’est-ce que je suis heureux de vous revoir ! » Amélie sentit
son cœur battre à tout rompre. Lorsqu’elle releva la tête, elle
vit des larmes de joie couler sur les joues de son père. « Je… je
me suis tout à coup retrouvé ici », bégaya-t-il. « Je… je ne comprends pas comment… comment cela a pu arriver. »
46
47
« C’était de la magie », Léon ne put se retenir et raconta les
portes magiques des miroirs. Son père l’écoutait avec étonnement. Lorsque Léon en arriva à la fusée, la boussole qu’Amélie
tenait dans la main se mit à vibrer avec fébrilité, clic clac, clic
clac. Elle avait déjà fait ça une fois dans la maison magique,
Amélie s’en souvenait. Tristan avait été très inquiet et s’était
précipité avec panique vers le miroir le plus proche.
Soudain, Amélie se sentit mal. Peut-être que le pouvoir magique de la boussole était limité. Ou peut-être qu’il ne fallait pas rester trop longtemps en un même lieu. Quoi que ce
soit, elle n’avait pas l’intention d’aller jusqu’au bout pour voir.
« Vite », dit Amélie. Elle saisit Léon par la main, attrapa celle de
son père aussi et les entraîna au milieu de la salle où se trouvait un immense miroir dans un cadre richement ornementé.
Lorsqu’ils étaient arrivés par le miroir tout à l’heure, Amélie ne
l’avait pas vraiment regardé. Elle se réjouissait trop à l’idée de
revoir son père. Mais maintenant elle le reconnaissait.
C’était le même miroir à travers lequel ils avaient suivi le magicien Tristan dans cette aventure. Mais il avait l’air d’avoir vieilli.
Le cadre ne brillait plus vraiment et le verre du miroir était
quelque peu dépoli. Amélie était en train de diriger la boussole
vers le miroir lorsque tout d’un coup il se passa quelque chose :
la lumière s’éteignit dans la salle. Pendant un instant, il régna
une obscurité totale. Puis des bougies apparurent partout
et les gens se mirent à chanter « Joyeux anniversaire SaintGobain... »
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Les 350 ans de Saint-Gobain – cela vaut bien un gâteau d’anniversaire. Tu peux dessiner ici un gros gâteau d’anniversaire pour
Saint-Gobain.
DIN A4
ILLUSTRATION N° 14 : LE GÂTEAU D’ANNIVERSAIRE
À la fin de la chanson, tout le monde applaudit vivement, puis
le silence régna à nouveau et quelqu’un prit la parole : « Tout a
commencé il y a 350 ans avec la Manufacture royale des Glaces
de miroirs dans la rue de Reuilly, à Paris. » Amélie ne pouvait
pas voir l’orateur, pourtant on pouvait l’entendre partout dans
la salle.
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« A l’époque, personne n’aurait osé imaginer ce qu’il adviendrait un jour de cette simple manufacture de miroirs. Et pourtant, aujourd’hui, Saint-Gobain est l’une des plus anciennes et
plus grandes entreprises dans le monde... »
Amélie ouvrit grand les yeux. Ah, pendant tout ce temps, elle
avait eu la solution sous le nez et n’avait rien remarqué. Le
chiffre 350, c’était le nombre d’années à travers lesquelles ils
avaient voyagé dans le futur. La boussole les avait amenés exprès dans des lieux où ils verraient ce chiffre. Peut-être qu’elle
voulait leur donner un indice par rapport à leur père.
Ah, papa, pensa Amélie en se retournant vers lui. Il caressait
le cadre du miroir avec fierté. Ça devait être un sentiment très
fort que de voir quelque chose sur lequel on avait travaillé traverser ainsi tant de siècles.
La boussole continuait d’émettre des clics et des clacs. Le miroir
s’éclaira soudain d’une lumière bleue. Quelques invités regardèrent avec curiosité.
« Il est temps », dit Amélie.
Son père et Léon acquiescèrent, puis ils franchirent ensemble
la porte magique. Ils rentraient enfin chez eux. Ils allaient retrouver leur époque, une époque où la maman d’Amélie et de
Léon les attendait certainement déjà pour le repas du soir.
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Le 15 octobre 2015, partout dans le monde, les collaborateurs de Saint-Gobain célébreront les 350 années
passées et à venir.
Cet anniversaire sera l’occasion de faire ressortir le lien
qui unit tous les employés du groupe Saint-Gobain :
même s’ils n’exercent pas toujours le même métier,
même s’ils n’habitent pas sur le même continent, ils
savent qu’ils poursuivent un même objectif et qu’ils
partagent les mêmes valeurs.
Aller de l’avant ne signifie pas ne plus regarder derrière soi. L’une des principales forces du groupe SaintGobain est que son histoire est étroitement liée à
l’histoire du monde.
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