Analyser une œuvre de l`East Side Gallery Document réalisé par

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Analyser une œuvre de l`East Side Gallery Document réalisé par
Analyser une œuvre de l’East Side Gallery
Document réalisé par Corinne Bourdenet, enseignante en arts plastiques
Introduction de l’analyse
1. Identification : cartel de l’oeuvre
Titre : d’abord intitulé « test the best »
(«Testez le meilleur »), reprise du slogan publicitaire pour une
marque de cigarettes « test the west » («Testez l'Ouest »),
l’œuvre s’est finalement nommée «test the rest» (« Testez le
repos »), comme pour symboliser un épisode terminé de
l’histoire.
Artiste : Birgit Kinder
Date de réalisation : 1990
Dimensions : environ 5m de long x 2,5m de hauteur.
Lieu d’exposition : East Side gallery, partie du mur de Berlin,
dans la rue, à l’extérieur
Nature de l’œuvre : peinture murale. Parler de fresque est faux car une fresque est peinte alors que le crépi du mur n’est
pas encore sec (il est encore frais, d’où le nom fresque venant de l’italien a fresco)
Technique : peinture au pinceau et à la bombe sur béton
C’est œuvre figurative : on reconnaît une Trabant, voiture populaire est-allemande. C’est à l’aide de ce véhicule que les
allemands de l’Est ont gagné l’Ouest durant l’été 1989. C’est donc le symbole de la liberté qui traverse le mur le 9 novembre
1989. Le numéro de la plaque d’immatriculation indique cette date.
2. L’artiste : biographie
Elle s’inspire du mouvement hyperréaliste qui est un style artistique
qui s’appuie sur l’imitation de la photographie en peinture. On peut la
rapprocher aussi du Street art, courant artistique encore présent qui
investit le territoire urbain par des peintures murales, des graffitis, des
collages...
Birgit Kinder est née en 1962, c’est à dire un an après la construction du
mur, en Thuringe, un Land qui se trouvait alors sur le territoire de l’ExRDA. En 1982, elle s’installe à Berlin où elle débute sa carrière artistique
en tant que peintre muraliste mais où elle est aussi confrontée à la réalité
du mur qui encercle la partie ouest de la ville.
Lorsqu’elle apprend la nouvelle de la chute du Mur, Birgit Kinder a une
conviction : « C’est l’heure d’un nouveau départ pour moi. Toutes les pages sont blanches, à moi de les remplir ». Grâce à
cette peinture murale, qui a fait le tour du monde, sa carrière artistique est lancée. Elle continue encore aujourd’hui à peindre
sur les murs. Voir son site : http://www.wandmalerei-berlin.de/
Elle pratique l’art du trompe-l’œil : œuvre qui joue avec les effets d’optique et donne l’illusion de la 3D (3 dimensions) sur
une surface en 2D (2 dimensions). Cette technique nécessite une très grande maîtrise des formes et des modelés (effets
d’ombres propres et portées).
3. Pourquoi avoir choisi cette œuvre ? / Quel est son intérêt ou son originalité ? Réponse personnelle attendue
4. Cette oeuvre appartient au domaine artistique des arts du visuel car c’est une peinture murale mais du fait
de son support elle peut aussi figurer dans les arts de l’espace (emplacement de la East Side Gallery dans le
tissu urbain de Berlin et dans les arts de rue (arts du spectacle vivant).
5. Cette oeuvre appartient à la thématique « Arts, Etats et pouvoirs » du fait de son support très particulier, lié
à l’Histoire et aussi par la résonance avec le Street Art, art contestataire, qui transgresse parfois les interdits
au nom de la liberté d’expression.
6. Quel est le contexte historique de l’oeuvre ? Voir vos cours d’histoire sur la Guerre Froide, les raisons de la
construction du mur de Berlin et de sa chute.
Développement de l’analyse : Décrire
1. Sujet : La Trabant est la voiture symbole de la partie Est-allemande en réponse à la Coccinelle.
C'est d'abord la voiture que les Allemands de l'Est utilisèrent pour gagner l'Ouest durant l'été 1989 jusqu'à la chute du mur
en 1989. D'autre part, plusieurs automobilistes de la RDA ont trouvé la mort en se précipitant à toute vitesse contre le mur.
On voit une plaque d’immatriculation avec écrit « nov-9-89 », date de la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989. On
devine à l’intérieur de la voiture, dans l’ombre, un volant et un conducteur représenté par une silhouette, sans détails,
pour représenter le peuple de l’Allemagne de l’Est. La voiture semble traverser le mur. De chaque côté de la voiture, des
éclats gris, ceux du mur traversé. De manière étonnante la voiture n’a aucune rayure, aucune dégradation malgré la violence
du choc et sa construction avec des matériaux composites pour pallier le manque d’acier. A gauche, en haut de l’œuvre,
on voit écrit un slogan « Test the best », qui peut être compris comme l’idée du passage vers l’Ouest « le meilleur côté »
à tester par les Allemands de l’Est.
2. Espace :
Il n’y a quasiment que deux plans : celui du mur figuré et celui de la voiture qui traverse ce mur et vient vers nous
Cette illusion d’optique, ce trompe-l’œil est obtenu par la mise en perspective de la voiture. Elle est vue de face, en légère
plongée. Elle est placée au centre de ce fond bleu ciel.
En surimpression, des tags viennent interagir visuellement avec la peinture de Birgit Kinder. Ces inscriptions sont intégrées à
son travail car elle sait bien que cette peinture, exposée à l’air libre, est soumise aux dégradations et aux besoins
d’expression de visiteurs anonymes.
Il importe de différencier le tag du graffiti. Le tag est associé à un acte de vandalisme, souvent limité à des signatures ou du
texte tandis que le graffiti constitue une forme d’art urbain, plus élaboré, qui peut parfois être exprimée en toute légalité.
3. Couleurs :
Le fond bleu ciel est très particulier. Entre le bleu du ciel et un bleu défraîchit d’anciennes peintures d’intérieur.
4. Lumière :
Les ombres portées sous les éclats du mur et le reflet lumineux sur le pare-brise (en haut et à gauche) nous indiquent que la
source lumineuse vient du coin en haut à gauche. Le trou du mur est dans l’obscurité. Ces effets d’ombre sont très
importants pour renforcer l’effet de trompe-l’œil.
Rapport au spectateur
Cette peinture touche les spectateurs : beaucoup ont été assis dans une Trabant comme le conducteur, les touristes
comprennent la situation évoquée car c’est un moment fondamental de l’Histoire de l’Allemagne et donc de l’évolution de la
Guerre froide.
Le mur de Berlin a incarné l’enfermement de la population Est-allemande, interdite de voyager à l’Ouest. Il a également
résumé la division du monde, partagé entre le monde occidental et le monde soviétique. La percée peinte sur le mur
symbolise la chute du mur et la reconquête de la liberté. Avoir peint sur le côté « Est » du mur est également un symbole
d’affranchissement : lorsque la frontière existait, il était interdit pour les Allemands de l’Est de peindre sur le mur. Enfin, la
voiture ne porte aucune marque de sa traversée du béton, comme pour rappeler que la chute du mur n’a donné lieu à
aucune effusion de sang ni blessure.
Les images fortes qui nous restent sont par exemple, Mstislav
Rostropovitch jouant de son violoncelle. Il est chez lui à Paris lorsqu’il
reçoit un appel téléphonique lui annonçant que le mur de Berlin est train
d’être détruit. Deux jours plus tard, le violoncelliste le plus célèbre du 20e
siècle monte à bord de l’avion privé d’un ami et atterrit à Berlin, n’ayant
qu’une idée en tête : se rendre à Checkpoint Charlie, l’un des postes qui
permettaient de franchir le mur, à l’époque inaccessible sans autorisation
préalable.
Une fois arrivé à bon port, c’est alors le « plus beau moment de [sa] vie »
qui commence, comme il l’a déclaré au quotidien allemand le Tagesspiel
en 1999. « Ce mur était comme une déchirure dans mon cœur » a-t-il
ajouté. Le vieil homme cherche une chaise, s’assoit au pied du « mur de
la honte » et les premières notes des Suites de Bach s’échappent de son
violoncelle : joyeuses pour célébrer la liberté retrouvée, puis
mélancoliques pour rendre hommage aux vies perdues pendant la
guerre.
Développement de l’analyse : Interpréter l’œuvre
1. Le message de l'œuvre
Si le mur de Berlin a été la représentation physique des clivages entre l’Allemagne de l’Ouest et l’Allemagne de l’Est,
ses vestiges sont devenus le symbole de la réconciliation nationale et de l’ouverture de l’Allemagne réunifiée sur le
monde. S’il ne reste plus que quelques pans de mur dans Berlin, il reste tout de même un morceau de mur de près
d’1,3km dans le quartier de Friedrichshain appelé « East Side Gallery » car il sert sur le côté Est, inaccessible avant la
chute du Mur, de support à une œuvre d’art internationale.
Ce projet commencé en 1990, fut le théâtre, d'un événement artistique international, lors duquel il fut peint et tagué par
160 artistes de toutes nationalités (israélienne, russe, française, allemande, espagnole, etc.). Les peintures
représentent ou symbolisent principalement des idéaux de paix et de respect entre les peuples.
L’East Side Gallery s’ouvre sur un espace d’expression libre où tout le monde peut écrire un mot, faire un dessin et
laisser une trace de son passage.
2. Le rapport avec la vie et les idées de l'artiste : Birgit Kinder, comme beaucoup d’allemands, reste très marquée
par l’histoire de ce mur, de sa ville et de son pays.
3. Comment le peintre montre-il que cette représentation est importante ?
Cette voiture, de face et centrée, peinte avec de grandes dimensions, interpelle le spectateur. Comme tout art
appartenant au Street Art, il s’impose à la vue des spectateurs. Pas besoin de franchir la porte d’un musée ou
d’acheter un billet d’entrée, l’art est là devant nos yeux.
4. Pourquoi peut-on dire que cette œuvre a une valeur politique / historique / artistique ?
Cette peinture est légale : la technique est soignée car Birgit Kinder n’avait pas de contrainte de temps. Les tagueurs
doivent aller vite pour éviter le risque de se faire prendre. Par contre, comme elle n’est pas sécurisée dans un musée,
elle a déjà été restaurée et est actuellement à nouveau partiellement couverte par des graffitis et tags illégaux.
5. Est-ce novateur ?
Le support et le contexte très particuliers rendent les peintures murales de l’East Side Gallery uniques. Leur
symbolique et leur portée historique, font de ces œuvres des témoignages visuels d’une partie de l’Histoire de
l’Allemagne.
Conclusion
Explique comment tu as travaillé ? Quelles sources as-tu utilisées ? Comment as-tu vérifié leurs informations ?
Explique ce que tu as appris en travaillant sur l’œuvre et/ou l’artiste concerné, ce que tu as ressenti.
Réponses personnelles attendues.
Postérité des peintures de l’East Side Gallery
Dans la rue, accessibles à tous, elles ont été largement taguées/graffées et la municipalité de Berlin a décidé de les
« repeindre » en 2009 pour fêter les 20 ans de l’ouverture du mur. Certains artistes ont contesté cette action en disant
que justement, ces créations publiques sont libres, peuvent donc être modifiées par des graffitis. En mars 2013, plus
de 5000 personnes ont manifesté pour s’opposer à la destruction (ou au déplacement) de quelques parties du mur
dans le but de construire une tour et assurer un accès plus facile vers la Spree. Sur les 155 km de mur qui entouraient
Berlin-Ouest, ce 1,3 km d’œuvres mobilise donc la population car c’est un symbole de leur histoire.
Projet de la SNCF à Paris : http://www.sncf.com/ressources/presse_dp_artliberte-streetart-parisest_30032015.pdf
ème
DES ARTISTES EMBLEMATIQUES POUR UNE PERFORMANCE RUE D’ALSACE (PARIS 10 ).
Dès le 15 avril 2015, la Gare de l’Est va surprendre les riverains avec une fresque de 47 mètres de long réalisée sur le
mur de la rue d’Alsace par Thierry Noir, Christophe Emmanuel Bouchet et Kiddy Citny. Ces trois précurseurs du Street
Art ont été les premiers à peindre sur le Mur de Berlin dès 1984.
Œuvres en lien :
•
Le film Good Bye Lénine : film allemand de Wolfgang Becker, sur un scénario de Bernd
Lichtenberg, sorti en février 2003 en Allemagne.
Synopsis : Alex, un jeune Berlinois de l'Est, apprend la chute du mur alors que sa mère est dans le
coma à la suite d'un infarctus. Les mois passent et le coma continue. La ville se transforme, les
voitures occidentales sillonnent les rues, les publicités envahissent les murs. Au bout de huit mois, elle
ouvre les yeux dans une ville qu'elle ne peut plus reconnaître. Alex veut absolument lui éviter un choc
brutal que son cœur affaibli ne pourrait supporter.
Profitant de son alitement, avec l'aide de sa famille et de ses amis, il reconstruit autour d'elle son
univers familier, convoque les jeunes chanteurs de la chorale, sollicite l'aide d'un ancien cosmonaute, reconverti en
chauffeur de taxi, et s'efforce de faire revivre la RDA dans les 79 m² de l'appartement, remis aux normes socialistes.
•
Pink Floyd, dont le double album, The Wall, sorti en 1979, fait explicitement
référence au mur de Berlin : c’est un visage hurlant qui semble traverser le mur
•
L’artiste photographe français JR qui recouvre les murs de grands collages
photographiques. En 2007, c'est avec Marco qu'il réalise Face 2 Face, une
gigantesque exposition illégale en Israël-Palestine. Des deux cotés de la barrière de
sécurité, d'immense portraits d’Israéliens et de Palestiniens face à face sont collés
dans huit villes palestiniennes et israéliennes.