rapport de licence

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rapport de licence
Rapport de licence
Pierre-Antoine LUCIANI
11029
Taline Malikian
Emmanuel Mourier
Licence 2010 - 2013
Introduction
Une des épreuves de l’étudiant est à mon avis de trouver une
idée, une image pour laquelle on ressente une émotion particulière. J’ai trouvé cette image au début de la deuxième année grâce à
l’étude et l’observation d’œuvres telles que la Kingo House de Jørn
Utzon ou la maison Antonio Galves de Luis Barragan. Cette image
est celle de l’enclos, de l’enceinte protectrice que l’on retrouve entre
autres dans l’architecture traditionnelle de certains pays de Méditerranée ou d’Asie.
À travers ce rapport de licence, je tente de montrer ce qui
m’intéresse dans ces études et ce vers quoi je souhaite les orienter :
la double formation architecte - ingénieur que j’ai souhaité suivre
prouve mon intérêt à la fois pour un apprentissage des techniques
de construction et pour un travail sur la qualité de l’espace projeté.
Ces études m’ont appris à développer dès la première année
une méthode de travail particulière : chaque projet, chaque production doit répondre à une problématique rationnelle. Je développe
une posture propre à chaque travail, qui guide la création. J’essaie
ainsi de donner une unité à mes projet et de répondre clairement
aux problématiques de l’exercice. C’est un processus simple mais
très fertile, que je souhaite perfectionner l’an prochain grâce à
une autre vision de l’architecture que peut m’apporter un séjour à
l’étranger.
Sommaire
I. Symbolique de l’enclos
6
II. Enclos comme manière d’habiter l’extérieur
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Lumière et intériorité
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Distribution par le centre
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Création d’un espace protégé
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Référence : Cimetière de la famille Brion-Vega
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III. Enclos à l’échelle de l’îlot
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Système de cours
34
Référence : Castelvecchio
40
IV. Enclos comme forme urbaine
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Une frontière dans la ville
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Un carrefour, une place
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Référence : Place Saint-Marc
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Conclusion
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Sources
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Mosquée d’Ibn Touloun au Caire dont l’enceinte « protège de la ville ».
L’enclos possède une valeur symbolique et sacrée, c’est un silence dans la ville.
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I. La symbolique de l’enclos
L’enclos est la manière la plus simple de désigner une intériorité, d’exprimer un dedans et un dehors. C’est un ouvrage qui
délimite un espace, une entité découpée dans le territoire rural ou
urbain, individualisée et autonome, un vide qui accueille.
La première chose qu’ont fait les Hommes sur Terre a sûrement été d’ériger un enclos pour se protéger. Le mot « paradis »,
d’origine perse, signifie d’ailleurs « verger entouré de murs ».
L’image du paradis terrestre, lue dans le contexte méditerranéen et
proche oriental, est un jardin, figure idéale du bonheur, protégé de
l’extérieur et jouissant de l’eau en abondance.
Le projet de l’architecte est d’articuler et de mettre en relation différentes échelles. Or cette figure de l’enclos peut se développer de l’échelle du bâtiment à celle du territoire. Elle met en jeu les
notions de protection, de refuge mais aussi de limite, de frontière,
de porosité, et pour chaque échelle pose des problématiques différentes.
Cette figure se développe dans mon imaginaire - de manière
consciente ou non - dès le début de mes études, par le biais d’observation d’édifices comme l’Alhambra de Grenade. Lorsqu’elle est
légitime, elle m’offre un point de vue supplémentaire pour aborder
les problèmes posés et, comme nous allons le voir, elle m’influence
dans le processus de conception.
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II. L’enclos comme manière d’habiter l’extérieur
Certains travaux m’ont conduit dès la première année à
étudier des œuvres remarquables d’architectes tels que Peter Zumthor, l’Atelier de Montrouge, ou encore l’agence Diener & Diener.
Le travail d’analyse mené conjointement avec le projet m’a offert la
possibilité de constituer mon propre univers de références.
D’après le philosophe américain Allen Carlson, le fait que
les œuvres architecturales (contrairement à la plupart des autres
arts) ont, par nature, un intérieur et un extérieur suit directement
de leur fonctionnalité et des fonctions particulières qu’elles remplissent. Si une structure n’a pas d’intérieur, soit parce qu’elle n’a pas de
fonction qui en nécessite, soit parce que sa fonction est remplie à
l’extérieur, il est difficile de la voir comme une œuvre d’architecture.
L’intérieur serait donc une question auxiliaire de la fonction (d’où
l’importance du slogan « la forme suit la fonction »).
Contrairement aux autres formes d’art, les prises de
conscience concernant l’intérieur des œuvres d’architecture sont
une dimension significative de leur appréciation. Cette question
d’intériorité soulève la question d’ajustement entre intérieur et
extérieur du bâtiment. La fonction est principalement remplie à l’intérieur et est manifestée à l’extérieur. En somme, l’appréciation de
l’intérieur d’un bâtiment permet d’apprécier sa relation avec l’extérieur. C’est d’ailleurs pour cela que nous ressentons une frustration
quand nous ne pouvons pas visiter un édifice étudié.
De nombreux exemples dans mes études montrent mon
intérêt pour cette question des relations entre espaces intérieurs et
extérieurs, notamment à l’échelle du logement et de l’édifice.
L’enclos crée un espace protégé au centre, qui devient l’espace
principal de l’édifice et vers lequel celui-ci est orienté.
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Mies Van der Rohe - House with three courts, 1934
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Aldo Van Eyck - Orphelinat
Amsterdam, Pays-Bas
1960
Louis Kahn - Maison Fisher
Hatboro, Pennsylvanie, États-Unis
1967
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Un peu à la manière des cités jardin où l’on profite à la fois des avantages de la campagne et de la ville, mon but était à la naissance de
l’idée de créer des espaces qui permettent de profiter des avantages
de l’intérieur et de l’extérieur : on habite l’extérieur comme on habite l’intérieur. En ce sens, l’enceinte pose les limites d’un espace
dans lequel les frontières entre intérieur et extérieur de l’édifice
sont articulées, voire supprimées. Le fait de voir à tout moment
les limites de notre espace crée un sentiment de protection et d’intimité.
Se pose alors la question des transitions, des seuils entre les
espaces, qui constituent eux-mêmes des espaces intermédiaires.
Je traite dans mes projets ces seuils comme des lieux habités à part
entière dont le fait d’être entre deux espaces leur confère une force
particulière. C’est ce que j’ai pu observer dans le cadre d’un voyage
aux Pays-Bas en deuxième année, lors de la visite de l’orphelinat
dessiné par Aldo Van Eyck à Amsterdam. L’ espace intermédiaire est
pour cet architecte Néerlandais le plus important des trois espaces
mis en jeu. En effet, qui n’est jamais resté sur le pas de la porte, sur le
seuil, hésitant, ne sachant que faire ? Le fait d’être entre deux espaces confère à cet interstice une force particulière, le caractérisant
comme un lieu à part entière.
Louis Kahn désigne cet espace entre deux, ce seuil comme
l’élément qui permet à la pièce neutre de rentrer en interaction avec
les autres modules (le seuil comme « révélateur de la pièce »).
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Lumière et intériorité
Projet d’un pavillon d’exposition en bois
L’exercice effectué en première année est la création et l’installation dans le Parc des Buttes Chaumont d’un bâtiment abritant
une exposition des travaux de six écoles d’architecture. C’est l’occasion d’aborder les notions de relations entre l’objet exposé et le lieu
qui l’abrite, et donc les concepts de scénographie et de lumière.
« L’intériorité, c’est dispenser la lumière ». L’intérieur est un
volume fermé qu’il faut ouvrir.
Le toit du pavillon est percé d’oculi, des canons de lumière qui ponctuent l’ombre du plafond et éclairent l’espace par le centre. J’ouvre
ici l’intérieur grâce à la lumière.
Même si l’idée me paraît aujourd’hui un peu anecdotique
et pas réellement en accord avec la taille et la fonction de l’édifice,
mon souhait était ici de créer un bâtiment totalement modulable.
Ainsi il est possible d’occulter totalement les ouvertures latérales et
de favoriser l’éclairage central, jeu scénographique qui a pour but
de mettre en valeur les objets exposés.
Éclairer par le centre crée une dualité entre lumière latérale
et zénithale : l’espace habité se développe ainsi entre la lumière
périphérique et la lumière centrale.
Certains architectes ont déjà apporté une réflexion sur cette idée.
On peut notamment citer Alvar Aalto dans son projet de maison des
étudiants à Uppsala.
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Plan, coupes longitudinale et transversale du projet
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Plan de la parcelle
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Plans du projet
Schémas explicatifs
Pierre-Antoine Luciani
Distribution par le centre
Projet de 5 villas urbaines
Cet exercice consiste à occuper une parcelle étroite traversante de 140m2 dans Paris en y plaçant 5 maisons de ville. Il vise à
poursuivre notre sensibilisation aux problématiques du logement
suite au voyage à Amsterdam avec le groupe de projet.
Je prends le parti de diviser cette parcelle déjà étroite dans la
longueur par la mise en place d’une épaisseur distributive et d’une
épaisseur de vide.
La distribution collective est matérialisée par une épaisseur traversant la parcelle, et accompagnée d’une épaisseur non
construite qui offre un jeu de vues. C’est à partir de cette épaisseur
distributive, dont on accède par le centre de la parcelle, que sont
générées les maisons. Une trame est posée et permet des modulations d’épaisseur à chaque niveau.
J’étudie pour ce projet la Kingo House de l’architecte Jørn
Utzon, dont je m’inspire notamment pour les relations entre espaces extérieurs et intérieurs. Mon travail se focalise sur les questions
de rapport au sol, de rapport au ciel et de vues.
Coupe longitudinale
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Je développe dans ce projet l’idée d’une épaisseur proportionnée, une sorte de « jardin vertical » : le logement ne s’oriente pas
vers la rue mais vers un espace non construit éclairé par la lumière
du sud. Dans cette épaisseur entre mitoyen et logements se développent des modules intérieurs ou extérieurs (terrasse d’entrée,
chambre, escalier, etc.), des articulations qui offrent des orientations
et des vues supplémentaires aux logements ainsi qu’une richesse au
projet.
Cette idée suppose que la lumière du Sud rentre dans ce vide
vers lequel sont orientés les logements. La figure me paraît intéressante mais serait sûrement plus adaptée dans un pays plus proche
de l’équateur. De manière générale, les dispositifs lumineux doivent
être adaptés au lieux où ils sont mis en place.
Le logement se concentre sur l’intérieur de l’espace tout en
dirigeant des vues précises sur l’ « ailleurs ». C’est une volonté sûrement encouragée par la forme du site qui nous incite à nous appuyer sur les murs mitoyens et à monter vers le ciel.
En référence, dans la maison expérimentale d’Alvar Aalto à Muuratsalo, une grande ouverture est creusée dans le mur d’enceinte et
cadre le paysage. Cette intention d’offrir un « ailleurs » au logement
dans mon projet passe donc par la recherche de vues et de prises de
lumières, par exemple dans les cuisines du côté fin de la parcelle.
Il y a donc une contradiction intéressante entre le fait de
constamment voir les limites de l’espace dans lequel nous sommes,
l’espace du dedans, et de se projeter vers le paysage grâce aux vues
cadrées vers l’espace du dehors.
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Coupe transversale
sur le « jardin vertical »
Alvar Aalto - Maison d’été
Muuratsalo, Finlande 1953
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Plan RDC de la maison sur rue
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Création d’un espace protégé
Si l’on prend comme exemple le plan du rez de chaussée de
la parcelle : l’entrée de la maison est placée en cœur de parcelle et
non directement sur rue. Le logement n’est pas orienté vers la rue
mais vers un patio sur lequel donnent les pièces communes (au rez
de chaussée et à l’étage de la maison). C’est l’espace majeur de la
maison.
Cette figure de l’enclos apporte une réponse à la question
du logement en rez de chaussée. Le logement n’est pas surélevé et
conserve son intimité parce qu’il s’ouvre vers le ciel. Je propose ici
une manière d’habiter en rez de chaussée, qui peut être contestable
notamment parce que j’ impose de fait une forme d’éloignement
entre les habitants et les passants.
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Création d’un espace protégé
Projet de bibliothèque privée
On dessine ici une bibliothèque personnelle sur un site abstrait orienté, comportant une maison dont la position et les dimensions sont fixées.
L’idée principale est que la volonté d’intimité crée une hiérarchisation des espaces dans le site.
Intimité par rapport à la rue d’abord, grâce au glissement
de la façade ouest qui dissimule l’entrée. Par rapport à la maison
ensuite, par la construction d’une façade sud avec un nombre de
vues contrôlé. Par rapport au jardin enfin, grâce à la création et à la
différenciation de deux jardins : un dédié à la maison et un dédié à
la bibliothèque.
Les espaces intérieurs s’articulent autour d’un patio, symbole
spatial d’intériorité et d’isolement. Le patio sépare donc ici deux
espaces vers lequel ils sont orientés : l’entrée de la bibliothèque et
l’espace de lecture et de travail. Les variations de hauteur sous plafond distinguent les différents espaces.
Après la première année qui était pour moi une sorte d’initiation et de découverte de l’architecture, on apprend en deuxième
année à articuler des espaces dans la lumière et à orienter réellement le projet, avec la lumière naturelle comme thématique principale. Cela me permet de réfléchir et d’aboutir naturellement à l’idée
de relation entre espace clos et espace ouvert. C’est l’image du patio
pour ce projet.
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Plan
Plan masse
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Coupes transversales et longitudinale
Pierre-Antoine Luciani
J’essaie de développer en deuxième année un travail de
volumes et de plans qui glissent, se croisent et se pénètrent dans
l’espace et la lumière. Les membres de l’Atelier de Montrouge ont
écrit : « Une architecture vraiment moderne est une architecture qui
soit l’expression exacte des grandes sources de beauté : volumes
simples, matériaux naturels, échelle humaine, pénétrations d’espace
et de soleil ».
Nous avons eu la chance d’assister en troisième année à une
conférence présentant le travail de l’atelier de Montrouge - en particulier le Village de vacances à St Tropez - et en présence de Gérard
Thurnauer, l’un des fondateurs de l’atelier. Cela m’a donné l’occasion
de discuter avec lui, en particulier de la question d’appropriation de
l’espace d’un logement par ses habitants.
Le travail en coupe est une méthode très importante dans le
processus de conception. La coupe me paraît être le document qui
synthétise le mieux une pensée. Une coupe exprime clairement une
idée et représente l’espace à l’image du corps. J’ai appris à me servir
de cet outil durant la licence parce que dans la logique de rapport
entre les différents espaces du projet, la coupe est l’instrument le
plus explicatif : elle différencie nettement les espaces et met en
avant leurs relations physiques ou visuelles.
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Création d’un espace protégé
Projet d’un pavillon culturel
Ce projet a pour but la création dans la Cité Universitaire de
Paris, en face du Pavillon Suisse, d’un édifice comportant 3 pôles :
une bibliothèque, une salle d’exposition et une administration.
L’édifice se développe à l’intérieur d’un enclos aligné au
Pavillon Suisse. Il est orienté vers une cour intérieure, un cloitre, d’où
quelques vues cadrées s’échappent. Cet enclos est ouvert au niveau
de l’entrée du complexe ainsi que dans l’alignement du mail du
parc.
On entre par un espace resserré d’où se développe une vue
qui traverse tout le bâtiment vers le parc. L’espace se dilate ensuite
au niveau du jardin du bâtiment et se resserre encore une fois au
bout du cheminement. Le sentiment d’intériorité est créé par cette
succession de compressions et de dilatations.
Les trois modules sont libres et créent avec le mur d’enceinte des espaces, des épaisseurs en demi-niveau qui deviennent des dispositifs
lumineux (Cf. coupe transversale sur la bibliothèque).
Si la conception du projet avait été plus longue, je pense que
mes réflexions auraient abouti plus précisément à un mur d’enceinte avec une véritable épaisseur habitée, un entre-deux en relation à
la fois avec l’intérieur et l’extérieur de l’enclos.
Le fait de placer les édifices du projet à l’alignement avec
l’existant dessine les contours de la cour d’entrée qui est un espace
important puisqu’elle est située à l’entrée Est de la Cité Universitaire.
On entre dans la Cité, on passe entre le complexe sportif le pavillon
de la Norvège et on se retrouve sur cette place ouverte. On passe
ensuite entre le Pavillon Suisse et notre projet pour terminer dans le
grand parc, dans l’axe du mail. On retrouve cette idée de compressions et de dilatations à différentes échelles du projet.
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R+1
RDC
Coupe longitudinale sur salle d’exposition
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Coupe transversale sur bibliothèque
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Un exemple : Carlo Scarpa - Cimetière de
la famille Brion-Vega
San Vito d’Altivole, 1969
Ce cimetière, situé à San Vito d’Altivole dans la région de Trévise en Italie, a été construit en 1969 par Carlo Scarpa. Ce lieu plein
de symboles est l’une des plus belles œuvres architecturales que j’ai
eu la chance de voir.
L’architecte à construit dans ce cimetière une tombe privée
pour Monsieur et Madame Brion. Ce qui est dans cette tombe est le
jardin que nous promettent toutes les tombes.
J’admire le travail de cet architecte pour le soucis du détail,
le travail analytique de chaque élément dans sa redéfinition et le
sentiment d’unité des éléments éclatés par la tension.
On peut analyser cette œuvre selon quatre thématiques : la
logique de l’enclos, les surfaces, les cheminements et les édifices. Je
vais ici simplement parler du mur d’enceinte en système d’équerres
et essayer d’en décrire les caractéristiques.
Ce mur a du fruit, c’est-à-dire qu’il est incliné. Il fruite d’environ 60°. Son rôle est de constituer l’enceinte Nord et Est du cimetière. La spécificité de son dessin produit plusieurs effets.
L’effet premier de cette inclinaison est de rendre le mur plus épais
qu’il ne l’est en vérité. Cet effet contribue à renforcer la qualité
d’obstacle de ce mur.
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Un chemin de ronde intérieur trouve sa place au pied du
mur, une autre des conséquences de cette inclinaison est que le mur
abrite la personne qui parcourt son périmètre. C’est un toit en plus
d’être un mur, il accueille et par là même renforce l’impression de
protection propre à toute enceinte.
Une autre qualité induite par cette forme est qu’elle vient
se contredire en tant que limite : une enceinte est avant tout une
limite, avec un « dedans » et un « dehors ». Et normalement, on est
soit dedans, soit dehors. Là où les situations commencent à devenir
intéressantes, c’est lorsque l’on est à la fois dehors, et dedans. C’est
exactement l’effet que produit l’aspect d’entre-deux que met en
place l’inclinaison du mur : elle enrichit la limite en introduisant un
espace tiers.
Enfin, la différence de niveau entre les sols intérieur et extérieur du cimetière permet de voir le territoire alentour sous la forme
d’une légère émergence de la ligne d’horizon qui vient tangenter le
faîtage du mur. Scarpa « capture » l’horizon, et la seule chose qui en
émerge est l’église de San Vito.
Les portes sont constamment trop basses, les chemins trop
étroits. Scarpa crée un effort physique afin que l’on ressente notre
propre corps lorsque l’on pratique cet espace.
Les projets de Carlo Scarpa démontrent une incroyable
virtuosité dans la manière de définir les limites entre les espaces qui
composent les lieux de ses interventions. Cette virtuosité s’appuie
sur la qualité du dessin des éléments construits et sur la richesse des
modénatures architecturales qui les composent.
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Adalberto Libera - Quartier Tuscolano, Rome, 1954
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III. L’enclos à l’échelle de l’îlot
La deuxième année de licence m’offre la possibilité de travailler à l’échelle du bâtiment. C’est là que je développe consciemment cette idée d’intériorité. Puis la troisième année arrive et un
changement d’échelle s’opère. On parle cette fois de cour, d’îlot, de
place, de « zone de ville » et de territoire. Je me demande donc si
cette figure de l’enclos est légitime à des échelles plus grandes.
Les problématiques sont différentes, nous abordons maintenant les questions de logement à une plus grande échelle. J’étudie
en parallèle de nombreuses références depuis le début de mes études, comme le quartier de Lafayette Park à Detroit dessiné par Mies
Van der Rohe et Hilberseimer, ou le quartier Tuscolano d’Adalberto
Libera à Rome.
Ce dernier exemple met d’ailleurs très clairement en avant
le caractère polymorphe et sans échelle de la figure de l’enclos : ce
quartier, emblème de l’architecture rationaliste italienne, est un espace clos par lequel on n’entre qu’en un point. L’entrée est d’ailleurs
signifiée par un arc. C’est un enclos qui s’ouvre sur une prairie intérieure, une sorte de pré communal, un espace fermé où le logement
collectif apporte quelques services. A l’intérieur de cet enclos se
développe à son tour une typologie de maisons à patio.
La figure apparaît ici à deux échelles différentes, et on
n’omettra pas de noter les paradoxes que cela peut créer.
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Articulation de cours
Projet de 183 logements à Aubervilliers
Je développe durant le premier semestre de licence 3 de
nouveaux outils de conception autour de la question de l’habitat
collectif. Ce projet long est précédé d’un exercice court d’assemblage de parcelles pour former un îlot urbain. Nous abordons les
thèmes de la densité, de l’échelle du terrain, des modes distributifs.
Pour ce projet, un terrain de 10 000m2 est divisé en 4 parcelles et
traversé par une allée piétonne.
Notre groupe de quatre étudiants expose l’idée d’une combinaison d’une typologie de cours et de maisons en bandes.
Le projet se dessine à différentes échelles : nous commençons le dessin au 1:1000e, puis nous effectuons un aller-retour
constant entre 1:50e et 1:200e, pour comprendre et réfléchir sur
les relations entre le logement et la parcelle. D’après moi, un projet
ne se pense pas de la grande échelle vers des échelles de plus en
plus petites. Cela signifierait sinon que le projet est déjà totalement
compréhensible à grande échelle et que nous ne procèderions qu’à
des « zooms ». De plus, il est logique d’imaginer que la modification
d’un élément à une échelle donnée puisse avoir un impact sur les
autres échelles. C’est l’idée de la ville fonctionnelle des intellectuels
du CIAM qui affirment que « La cellule fait l’immeuble, puis l’îlot et la
ville, et réciproquement ».
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3VFE
V5PV
SOBOU
Etage courant
Rez-de-chaussée
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3VFE
V5PV
S
OBOU
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7FOFMMFQJÏUPOOF
3VFE
V5PV
SOBOU
7FOFMMFQJÏUPOOF
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La volonté de s’ouvrir vers un espace protégé ne concerne
plus les relations entre intérieur et extérieur du bâtiment mais
plutôt les rapports entre espace public et espaces privés collectifs et
privatifs.
La relation entre privé et public est historiquement religieuse
puisqu’elle est liée à la notion d’appartenance à une communauté.
On note d’ailleurs de fortes différences culturelles entre les régions,
notamment entre les pays du Nord et du Sud de l’Europe.
Le parcours dans la parcelle devient cinématographique. Les transitions entre public et privé sont représentés en perspectives et
pourraient être filmées en travelling (montré/caché).
La cour est l’espace privé collectif appropriable par les habitants qui peuvent se reconstituer un espace fermé. C’est l’espace
collectif du voisinage qui identifie cette collectivité.
On clôt l’îlot
Un des axes de ce projet était le dessin d’une bande bâtie sur
les limites de l’îlot. Ainsi on clôt l’îlot pour offrir une urbanité à la rue
et à la ville et on crée un cœur d’îlot.
Durant ce projet, j’ai vu l’îlot comme un espace fermé bien
que poreux. Ce choix de bâtir à l’alignement de la rue vient de la
volonté d’urbaniser la ville et de redessiner le profil de la voie et de
l’espace public.
Ainsi nous projetons de former une sorte d’enclos, créant de
fait une opposition entre intérieur et extérieur. Nous choisissons de
mettre en place à l’intérieur un espace privé collectif fermé et non
un espace public, d’abord parce que l’espace public est censé porter
l’image civique du citoyen, or l’intérieur se rapporte à l’image de
l’individualité. Ensuite parce que nous ne croyons pas aux images
idylliques de la deuxième moitié du XXe siècle d’une société parfaite où les grilles et les barrières ne serviraient à rien.
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Rapport de licence
Cette idée de construire une enceinte sur la rue est bien-sûr
contestable et on peut y apporter quelques nuances, ce que je n’ai
pas fait dans mon projet. La notion de « cœur d’îlot » suppose que
l’îlot fonctionne comme une immense baignoire. Lors de cet exercice, nous avons bâti un enclos et regardé ce qu’il se passait au centre.
Je pense que la conception n’intégrait pas clairement les notions de
profondeur dans la parcelle.
C’est ce que j’ai fait par la suite par le biais d’un exercice de 3 semaines lors du deuxième semestre qui consistait à occuper des
parcelles profondes, non-traversantes. Cela nous a obligés à avoir
une réflexion sur ce qu’il se passe en limite séparative et en fond de
parcelle.
On crée un système de cours
Mais une figure me paraît plus intéressante ici : c’est la création d’un système assez rigide de cours qui s’articulent entre elles et
qui intègrent les distributions extérieures. Ces cours sont des enclos
dans le sens où leur forme géométrique donne une limite claire à
l’espace qu’elles créent.
L’idée initiale était que les cours se dévoilent perpendiculairement à nous de part et d’autre du cheminement lorsque l’on
traverse l’îlot, et offrent des respirations tout le long du parcours.
La forme simple de ces placettes est soulignée par des bâtiments
perpendiculaires plus hauts qui invitent à s’y engouffrer. Comme
chez Carlo Scarpa où le mur crée son creux, ici l’immeuble crée sa
cour. Cette idée a évolué et a donné ce système de cours en rapport
direct ou indirect à l’espace public de la rue.
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Un exemple : Carlo Scarpa - Castelvecchio
Vérone, réhabilitation en 1959
Sur ce thème de la cour intérieure, un édifice visité a marqué
mon esprit. Il s’agit du Castelvecchio de Vérone (Vénétie), restauré et
transformé en musée en 1928, et rénové par Carlo Scarpa à la fin des
années 1950.
Il s’agit d’un ancien château fort qui possédait des valeurs
d’intériorité induites par sa fonction militaire. Carlo Scarpa, en
réhabilitant ce château, a rendu poreux un espace clos. En créant ce
rapport à l’extérieur de la forteresse, il a fait disparaître les murailles
mais a conservé le sentiment d’intériorité. Aujourd’hui les piétons
passent par le château pour traverser le fleuve. L’enclos peut être
une protection mais peut aussi être une transition, il peut permettre
le passage.
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Emile Aillaud - Le Serpentin, Pantin, 1956
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III. L’Enclos comme forme urbaine
L’espace public peut-il avoir une valeur d’intériorité ?
Comme on l’a vu avant, la figure de l’enclos n’a pas d’échelle
précise. Elle peut se développer à la mesure du logement comme
à celle du territoire. Une muraille par exemple est un enclos pour la
ville. La question que je pose est de savoir si cette figure est légitime
à l’échelle urbaine. L’espace public peut-il par exemple avoir une
valeur d’intériorité ?
Ce que l’on sait c’est que l’intériorité est synonyme de fermeture, et donc de discontinuité. Si on prend l’exemple des grandes
emprises industrielles, comme celles de Gennevilliers en banlieue
parisienne, ces zones sont fermées et créent des enclaves qui posent problème à l’échelle de la ville. Inversement, les grands ensembles construits après la guerre ont été bâti au milieu de parcs
totalement ouverts en délaissant la forme urbaine et n’ont créé
en réalité que des espaces peu statufiés. On a longtemps tenté
d’ouvrir les îlots, de les rendre poreux mais la réalité de la société fait
qu’aujourd’hui on y installe des grillages et des clôtures. Le modèle
suivi n’est peut-être pas adapté à notre société. Tout cela montre
en tout cas que la question typologique est fondamentale dans le
dessin urbain.
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Rapport de licence
Une frontière dane la ville
Darse du Fond de Rouvray, Paris 19e
Quelques uns de mes travaux abordent cette question d’intériorité et surtout de frontière à grande échelle. C’est le cas de mon
tout premier projet qui a pour but de réaménager la Darse du Fond
de Rouvray, un bras du Canal de l’Ourcq dans le 19e arrondissement
de Paris.
Ce premier projet vise à apprendre les bases du processus de
création. Je découvre réellement ce qu’est le travail de l’architecte et
je commence à développer une méthode de conception spécifique.
On intervient ici sur un bras de canal qui a perdu son rôle
premier de quai de chargement, situé entre un quartier résidentiel
et le Parc de la Villette. D’un côté se dressent des logements sociaux,
de l’autre l’administration du parc dans des bâtiments provisoires.
Le seul moyen d’aller au parc depuis le quartier résidentiel est d’emprunter la passerelle le long du canal de l’Ourcq. Une grille enferme
la darse sur toute sa longueur. Elle est donc inaccessible et agit
aujourd’hui comme une frontière entre les deux quartiers.
Je décide pour ce projet d’unifier les deux secteurs par l’aménagement d’un espace de promenade le long de l’eau, et de créer
un accès vers le parc de la Villette depuis la place située au bout de
la darse. Le but est donc de rendre cette frontière poreuse à l’échelle
du quartier et ainsi de réunir les deux rives.
La première année de licence, c’est l’absence de règles. Je pars vivre seul et faire mes études à Paris, je suis libre de mes
mouvements. L’enclos dans lequel je vivais éclate, les limites semblent disparaître. Je ne me tourne donc pas directement vers l’idée
d’enclos, et c’est ce que l’on peut voir dans ce projet où justement je
tente de supprimer la frontière existante.
Avec du recul sur ce travail, je constate que celui-ci a mis en
valeur quelques erreurs et que cela m’a aidé à progresser : d’abord
parce que même si le projet s’est accompagné d’une analyse du
quartier à plusieurs échelles, la conception s’est faite à une échelle
unique sans soucis des détails, et ensuite parce que je pense que j’ai
pris un parti mais que je ne suis pas allé au bout de mes idées :
la darse reste plus ou moins une frontière dans ce que je projette.
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Pierre-Antoine Luciani
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Rapport de licence
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Pierre-Antoine Luciani
Un carrefour, une place
Etude de la Place Rhin et Danube, Paris 19e
Un travail s’intègre dans cette pensée de relations entre
quartiers, il s’agit de l’étude de la Place Rhin et Danube dans le quartier des Buttes Chaumont à Paris. Nous devions visiter un lieu dans
le cadre du cours de géographie de deuxième année et l’étudier en
fonction d’une problématique que nous définissions suivant le site.
Le quartier des Buttes Chaumont me semblait assez pertinent
pour le choix d’un lieu, à cause notamment de sa morphologie très
variée. J’ai donc décidé de chercher un lieu du côté du parc. Or les
cartes laissaient ressortir une petite place à caractère rayonnant. La
Place Rhin et Danube, de forme circulaire, se situe au Nord du parc
des Buttes Chaumont au croisement des Rues David D’Angers et du
Général Brunet. Je me suis ainsi rendu sur place afin de vérifier si l’endroit concordait avec ma définition d’un lieu.
De premier abord lors de la visite, le lieu m’a semblé calme et peu
pratiqué, alors qu’en plan les rues semblaient converger vers celui-ci
en un cœur du quartier.
Cela a défini la problématique de mon étude : la place a-t-elle
un statut de transition? De stationnement ? Pratique-t-on l’espace ou
ne faisons-nous que le traverser ?
C’est une autre manière de poser la question d’intériorité dans un
quartier : le lieu fonctionne-t-il de manière autonome ?
J’ai ainsi tenté, à la manière de Georges Perec, d’observer le
lieu d’abord de manière très terre-à-terre, avec un soucis un peu systématique, en tentant d’y déceler un rythme.
Par exemple en étudiant les surfaces, on voit que seule la place est
pavé au contraire des routes, goudronnées, ce qui accentue sa centralité de manière assez claire lors de l’observation.
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Rapport de licence
Nous avons également analysé le réseau de transport afin de
donner une définition de l’idée de quartier : lorsque nous y sommes, où pouvons-nous aller simplement ? La desserte est principalement locale (métro et bus). La place est desservie par la ligne 7bis
du métro qui fait une boucle dans l’arrondissement sans traverser la
ville. Je considère donc que le lieu subit une forme d’enclavement.
Cela pourrait signifier qu’il existe une sorte d’autarcie, une autosuffisance, mais l’observation me fait comprendre que la place ne
peut fonctionner de manière autonome. Cela renforce la difficulté à
poser des limites à ce lieu et pose la question des interactions avec
les différentes rues et lieux environnants. A la fin du parcours, j’ai pu
me rendre compte que le parc des Buttes Chaumont et le boulevard
des Maréchaux sont beaucoup plus fournis en commerces de toutes
sortes, et semblent plus polarisants pour les populations du quartier.
Cette étude m’offre pour la première fois l’occasion d’une
observation détaillée d’un lieu, mais demeure néanmoins un peu
simple. J’aurai l’occasion lors de la troisième année d’examiner des
espaces de manière beaucoup plus poussée, même si l’échelle n’est
pas la même, lors d’une analyse urbaine de la confluence de SaintDenis. Cela me permet cependant de développer des outils d’analyse basiques mais nécessaires afin d’étudier un lieu de manière plus
sociologique grâce à une observation méthodique, de comprendre
sa structure, ses mécanismes et ses caractéristiques, de savoir pourquoi et dans quelle mesure il fonctionne et quels liens il entretient
avec son environnement. Simplement dit, j’apprends les méthodes
pour définir un espace du territoire. C’est important dans le processus de création car cela nous aide à prédire les manières qu’auront
les usagers d’utiliser le lieu que l’on dessine et son évolution dans
le temps. En projet, oublier la réalité est une erreur car quoi qu’on
fasse, elle revient toujours au galop.
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Etude d’un autre espace :
Analyse séquentielle du tracé Paris - Saint-Denis reprenant le Cardo Parisien
Pierre-Antoine Luciani
Av. Elysée Reclus
Rue Gabriel Peri
Av. du Président Wilson
Bd. de la Chapelle
Rue du Faubourg St.-Denis
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Rapport de licence
Canaletto - La Place Saint-Marc vers l’Est, 1723
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Pierre-Antoine Luciani
Un exemple : la Place Saint-Marc, Venise
Voyage d’études Licence 3
L’ espace public de la Renaissance est un espace très fermé.
Il s’oppose à l’espace public ouvert du XIXe siècle que nous connaissons bien grâce à Haussmann.
La Place Saint-Marc de Venise est un lieu à la fois fermé et
engagé dans un espace urbain par des systèmes de pivots et de plis.
C’est un trapèze qui s’écarte et se déplie. Le campanile joue dans cet
ensemble un rôle de pivot : il ferme la vue depuis la petite place qui
s’ouvre sur le Grand Canal, et crée l’articulation entre cette petite
place et la place principale. L’espace s’ouvre alors frontalement au
grand paysage du canal. Il est à noter que le campanile est le seul
bâtiment qui se pose directement sur la place, les autres semblant
léviter, dressés sur leurs colonnades.
Aujourd’hui la ville de Venise est devenue un musée à ciel
ouvert. Il est donc dangereux de prendre comme exemple quelque élément qui s’y trouve parce que son environnement n’est pas
représentatif de celui dans lequel nous vivons. L’exemple de la Place
Saint-Marc met tout de même en exergue l’importance de la forme
des espaces urbains. Une place, pour qu’elle acquiert son rôle dans
la ville, doit être définie simplement dans sa forme.
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Rapport de licence
Conclusion
J’ai commencé à écrire ce rapport sans vraiment savoir quoi
penser de mes trois premières années d’études, ni de cette chose que
j’appelle « enclos ». Je n’avais auparavant jamais eu l’occasion d’écrire
pour synthétiser mes idées. L’exercice d’écriture m’a aidé à expérimenter et à développer mes pensées, j’ai organisé et compris mes
prises de position, j’ai tenté de me dévoiler et de m’affirmer avec le
plus de simplicité possible. Ce rapport ne saurait synthétiser trois années d’études, mais j’espère avoir réussi à mettre en évidence ce pour
quoi je pense que l’architecture est, parmi toutes les formes d’art, et
pour citer Maupassant, « la plus nourrie d’idées ».
En réalité, mon travail est une méditation sur la limite. Elle
sépare mais aussi met en relation. Elle est frontière mais peut être
poreuse. Heidegger a écrit : « la limite n’est pas là où l’espace s’arrête
mais là où il commence. » En posant les limites d’un espace, quelle
que soit l’échelle, j’ai à chaque fois la volonté de fabriquer un interstice protégé du monde extérieur et appropriable par les Hommes.
Il est possible que cette sorte de repli sur soi, cette obstination à se
cacher du vis à vis et à créer un environnement paisible soit née de
mes origines méditerranéennes. En Corse, pays d’où je viens, on a
construit les villages dans les montagnes pour résister aux invasions
et on ferme les maisons pour lutter contre la chaleur.
Je suis lucide, je sais que ce thème soulève de nombreuses
questions. La ville n’est pas un assemblage d’unités autonomes,
de fragments renfermés sur eux-même. C’est justement en ayant
conscience de ces problématiques que je souhaite développer mes
recherches dans la suite de mes études. Mon regard sur l’architecture
n’a cessé d’évoluer durant ces trois années, grâce aussi aux voyages
que j’ai effectués. Je prépare cette année un long voyage : j’étudierai
l’an prochain à l’Università degli studi di Roma Tre en Italie grâce au
programme Erasmus. Cette perspective d’étude s’intègre naturellement dans mon projet de formation puisque c’est à travers l’architecture méditerranéenne que j’ai découvert la figure de l’enclos.
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Pierre-Antoine Luciani
Apollodore de Damas - Panthéon de Rome, coupe longitudinale, - 27 à 125
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Rapport de licence
Sources
Bibliographie :
Michael YOUNG & Peter WILLMOTT (2010), Le village dans la ville, PUF, 182 p.
Georges PEREC (1974), Espèces d’espaces, Galilée, 200 p.
Jean-Louis HAROUEL (1995), Histoire de l’Urbanisme, PUF, 126 p.
Edward T. HALL (1971), La dimension cachée, Points, 232 p.
Martin HEIDEGGER (1962), Chemins qui ne mènent nulle-part, Gallimard, 449 p.
Camillo Sitte (1996), L’art de bâtir les villes, Points, 224 p.
Claire ZIMMERMAN (2006), Mies Van der Rohe – la structure de l’espace, Taschen, 96 p.
Jules VERNE (1879), Les cinq cent millions de la Bégum, Livre de Poche, 252 p.
Andreas (2012), Rork, Le Lombard, 256 p.
Filmographie :
Terry GILLIAM, Universal Pictures (1985), Brazil, Royaume-Uni
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