Communication des organisations : Comunicação das organizações
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Communication des organisations : Comunicação das organizações
UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE UNIVERSIDADE DE SÃO PAULO Escola de Comunicações e Artes -ECA Programa de Pós-Graduação em Ciências da Comunicação ÉCOLE DOCTORALE V - Concepts et Langages Laboratoire Gripic-EA 1498 COTUTELLE DE T H È S E pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE en Sciences de l’Information et de la Communication Et DOUTOR DA UNIVERSIDADE DE SÃO PAULO em Ciências da Comunicação Présentée et soutenue par/Apresentada e defendida por: Larissa CONCEIÇÃO DOS SANTOS le : 07 / 04 / 2016 Communication des organisations : Stratégies de légitimation au travers des récits historicoorganisationnels Comunicação das organizações: Estratégias de legitimação através das narrativas históricoorganizacionais Sous la direction de/ Sob a orientação de: Mme. Nicole D’ALMEIDA – CELSA, Université Paris-Sorbonne (Directrice) Mme. Margarida M. Krohling KUNSCH – ECA, Universidade de São Paulo (Co-Directrice) Membres du jury/ Membros da banca examinadora: Mme. Nicole D’ALMEIDA – CELSA, Université Paris-Sorbonne (Directrice) Mme. Margarida M. Krohling KUNSCH – ECA, Universidade de São Paulo (Co-Directrice) M. Diogo Aurélio PIRES – Universidade Nova de Lisboa (Rapporteur) Mme. Ivone de Lourdes OLIVEIRA - Pontifícia Universidade Católica de Minas Gerais (Rapporteur) RÉSUMÉ SUBSTANTIEL Pendant le Master Recherche, j’ai eu l’occasion d’étudier la production des récits au sein des entreprises et d’observer les stratégies narratives et énonciatives utilisées pour promouvoir l’engagement. Dans le cadre d’une recherche de doctorat, je me propose d’analyser le processus communicationnel avec pour odes organisations visant raconter leur histoire. Mon sujet de thèse concerne la communication des organisations, plus précisément la communication historico-organisationnelle. Il s’agit d’une approche communicationnelle de la mise en récit de l’histoire chez Renault et Petrobras. L’objectif principal est d’étudier les processus communicationnels destinés à la narration et la narrativisation de l’histoire organisationnelle. De façon spécifique je cherche notamment à comprendre comment ces récits participent à la légitimation des organisations. La démarche de recherche peut être définit, aussi, comme une approche de la communication organisationnelle basée sur le récit, ou sur la narrativisation de l’histoire (l’histoire en tant qu’objet de la communication produite par des organisations). Dans cette recherche, on observe la narration de l’histoire des entreprises comme une forme de communication organisationnelle, chargée d'intentionnalité, et révélatrice d’un choix discursif et énonciatif particulier, que j'entends observer au travers de l’analyse des récits de l’histoire de ces deux organisations emblématiques. Pour ce faire, on a mis en œuvre une étude comparative entre deux organisations ayant des projets consacrés à l’histoire organisationnelle : Renault, du côté français et Petrobras comme représentant brésilien. Je considère que ces organisations sont des pionnières dans leur pays, porteuses d’une dimension nationale et de trajectoires historiques remarquables. Cela renvoie à mes hypothèses de départ. 1 H1 – La production narrative devient une composante de la communication des organisations, un moyen par lequel elles s’expriment et communiquent avec les différents publics. H2 - L’histoire devient un objet de la communication organisationnelle. Il s’agit de l’histoire observée comme objet communicationnel, opérationnalisée et institutionnalisée dans la société à travers des récits ; On part du principe que, l’histoire organisationnelle est narrativisée afin d’être communiquée publiquement. Ce processus de narrativisation permet de rendre lisible, et surtout plus visibles les éléments de l’histoire organisationnelle que l’entreprise entend mettre en avant ; H3 – Les récits historico-organisationnels constituent des sources de légitimation institutionnelle ; Partant de cette troisième hypothèse, on montre que les récits historicoorganisationnels se sont nourris par l’histoire du pays. Les organisations incarnent donc des faits, des événements historiques, en les exprimant au travers leurs récits. L’histoire est vécue par des entreprises, reconfigurée ou réinterprétée en fonction de leurs intérêts. Ce processus de relecture de l’histoire produit de nouveaux récits, à vocation historicisante, explicative et legitimante. En outre, dans ces récits, les organisations sont décrites (ou bien se décrivent elles-mêmes) soit comme une partie intégrante de l’histoire nationale, soit comme des protagonistes dans le développement économique et social du pays auquel elles appartiennent. On entend par cela que les récits de l’histoire organisationnelle reposent sur la contribution sociale et le rôle historique joué par les organisations, comme des éléments de légitimation. Ainsi, dans cette recherche, l’histoire organisationnelle est observée comme source et les récits en tant que supports et produits de la communication, dans le processus de légitimation des organisations. La légitimation implique la reconnaissance des pratiques, valeurs et conduites des entreprises comme correctes et socialement 2 acceptables (SUCHMAN, 1995), mas aussi la validation de l’existence et de la continuité organisationnelle (HIRSCH ; ANDREWS, 1984 ; KNOKE, 1985), éléments soulignés au travers de leur histoire. Par conséquent, sont posées les interrogations suivantes: Quel rôle est accordé à l’organisation dans son récit historique, vis-à-vis de l’histoire nationale ? L’organisation est-elle le protagoniste dans la construction du pays ou figure-t-elle tout simplement comme un personnage secondaire dans le grand récit de l’histoire nationale ? Comme sous-hypothèses : - le récit de l’histoire organisationnelle compris comme un micro-récit où l’histoire de l’entreprise est partie intégrante de l’histoire de la nation (macro-récit) ; - le récit de l’histoire organisationnelle perçu comme un méta-récit visant à raconter l’histoire de la nation au travers de son propre récit organisationnel ; Dans ce sens, j’entends aussi observer la légitimation organisationnelle recherchée à travers l’évocation du rôle historique joué par les organisations (leur contribution sociale au développement d’un pays et plus particulièrement d’un secteur économique). Quelques remarques complémentaires : je pense que la narration de l’histoire des organisations peut être observée comme une forme de légitimation (pour légitimer leurs actes, leur trajectoire, leurs décisions) mais aussi peut être envisagée comme un processus de construction symbolique de la mémoire économique et industrielle d’un pays. Par exemple, l’histoire du développement du secteur énergétique et pétrolièr brésilien racontée par Petrobras, ou alors l’histoire des transports et de l’automobile en France par Renault. L'avènement d’internet devient, dans ce sens, un moyen de diffusion à large échelle, permettant de communiquer auprès d’un public important la trajectoire des organisations, aussi que leur rôle historique et sociale. Ainsi, la préservation du patrimoine industriel et sa diffusion à travers le monde n’est possible que grâce à l'avènement des médias numériques. Ce changement touche la construction de la mémoire sociale et permet l'émergence de la « mémoire virtuelle » (DODEBEI, 2006). 3 Ancrage théorique Ce travail de recherche s’inscrit donc dans le domaine des sciences de l’information et de la communication, tout en privilégiant une démarche interdisciplinaire. Pour ce faire, ce travail est nourri par des théories venant d’horizons différents, telles que la littérature, plus particulièrement le courant narratologique, l’histoire, et la sociologie, en relation avec les études communicationnelles. La recherche est profondément inspirée aussi, de la philosophie postmoderne de Lyotard (1979). L’étude des récits comme source de savoir, et les implications de l’éclatement des métarécits dans notre société ont été à l’origine de ma réflexion. La rupture des grands récits explicatifs et la fragmentation des identités individuelles, soulevée par la postmodernité, ont permis l’émergence de nouvelles sources de création comme les récits alternatifs. Parmi eux on souligne l’éclosion des récits organisationnels, compris comme des formes d’expression et de communication (FISHER, 1984 ; BENJAMIN, 1994 ; BRUNER, 1991), de connaissance (LYOTARD, 1979) et d’apprentissage organisationnel (CZARNIAWSKA, 2000). 4 Objets d’étude et sélection du corpus analytique Les sources de cette étude sont des publications imprimées, des ouvrages racontant l’histoire organisationnelle , ainsi que des sites institutionnels des sociétés Petrobras et Renault. Les deux organisations ont des pages web dédiées à la mémoire/histoire organisationnelle : il s’agit du site web créé par l’association Renault Histoire et le site web Memória Petrobras, développé par le programme homonyme au sein du département de communication de Petrobras. Des publications faisant partie du corpus d’analyse, ont été sélectionnées de la façon suivante : initialement, l’ensemble des livres portant sur l’histoire de chacune de ces deux entreprises a été évalué globalement. A partir de cela, ont été identifiés trois catégories, en fonction du projet littéraire, du style narratif et de la forme du récit : 1) Récit testimonial ou collectif de l’histoire organisationnelle : reconstruction et narration de l’histoire de l’entreprise à partir du récit des acteurs qui y travaillent ou y ont travaillé. La source principale demeure l’histoire de vie, l’interview, ou le témoignage des acteurs organisationnels. En fonction de ces acteurs, en tant qu’énonciateurs des récits, il est possible de distinguer aussi deux sous-catégories : a) Le récit autobiographique, conçu à partir du témoignage d’un membre de l’entreprise, généralement un directeur, haut fonctionnaire, ou président (PDG ou ex-PDG) ; b) Le récit pluraliste ou collectif, narration explicitement et intentionnellement polyphonique, composé par le témoignage des différents membres de l’entreprise. 2) Récit promotionnel ou commémoratif de l’histoire organisationnelle : récit dont le but est la promotion ou la vulgarisation de l’histoire de l’entreprise à un public large et hétérogène. Le récit peut alors être simplifié, réduit ou synthétisé, ou bien être présenté de façon ludique et didactique, nourri d’exemples, d’anecdotes et images. Sont aussi caractéristiques, dans ce type de publication, les messages d’honneur, comme le mot du président, ou d’autres personnalités importantes préfaçant l’ouvrage. L’histoire organisationnelle racontée dans ces livres peut se présenter au travers de 5 schémas, chronologies, entre autres formes de représentation temporelle illustratives. 3) Récit scientifique de l’histoire organisationnelle : peut être identifié par l’approche scientifique ou académique adoptée dans la construction et du récit. On observe, dans ce type de narration, la plume d’un spécialiste académique, d’un chercheur universitaire reconnu, apportant de la crédibilité et validant « scientifiquement » ce qui a été raconté. Compte tenu l’objectif de la recherche, les récits destinés à la société, et donc au public externe, ont été privilégiés. Les publications dites « collectives » ont été écartées car elles mettent l’accent sur le public interne. A partir de cette classification ont été choisis deux ouvrages de chaque entreprise, représentatifs des récits « scientifiques » et « commémoratifs ». Les publications retenues sont : FRIDENSON, Patrick. Histoire des usines Renault 1. Naissance de la grande entreprise 1898/1939. Paris : Seuil, 1972. LOUBET, Jean-Louis. Renault : Histoire d'une entreprise. Préface de Louis Schweitzer. Editions E-T-A-I, 2000. DIAS, J. L. M; QUAGLIANO, M. A. A questão do petróleo no Brasil: uma história da PETROBRAS. Rio de Janeiro: CPDOC; PETROBRAS, 1993. PETROBRAS. Petrobras 50 anos – uma construção da inteligência brasileira: Comunicação Institucional-PETROBRAS, 2003. Dans le quatrième chapitre sont décrits, en détail, les méthodologies et démarches analytiques choisies en fonction des objectifs de la recherche et de la nature des objets observés. Une approche interprétative a été adoptée vis-à-vis du sujet étudié, reposant sur l’herméneutique textuelle. Cela dit, pour reprendre l’expression de Ricœur (1977, p.132), l’interprétation opère la médiation nécessaire entre l’explication et la compréhension, observées ici à partir de « l’explication du récit-objet à la compréhension de l’opération narrative », dont les analyses menées sur l’ensemble de récits organisationnels fonctionnent « comme un simple segment sur un arc interprétatif 6 qui va de la compréhension naïve à la compréhension savante à travers l’explication » (RICŒUR, 1977, p.131). Présentation générale de la thèse L’étude est organisée en deux parties principales. La première, intitulée Interfaces entre l’histoire, le récit et la communication, est constituée de deux chapitres qui analysent les interfaces existants entre les concepts de récits, communication, histoire et mémoire, et leur relation avec la dynamique organisationnelle. A cet effet, dans le Chapitre 1- Récit et communication organisationnelle – sont observés, tout d’abord, le rôle du langage et du discours dans la constitution des organisations, ainsi que la place du récit en tant que forme et expression de la communication organisationnelle. L’accent est mis sur la communication des organisations dans sa dimension symbolique et relationnelle. Le langage, la circulation des discours, et, principalement la production de récits au sein des entreprises sont observés comme des formes d’expression et de communication assurant la survie, mais aussi la représentation organisationnelle. Dans ce sens, on aborde l’évolution conceptuelle à propos du récit, l’introduction du concept aux études organisationnelles ainsi que les perspectives ouvertes par les études sur le prisme communicationnel. On examine particulièrement l’approche de la communication des organisations jusqu’à l’arrivée de la notion de récits économiques (D’ALMEIDA) ici nommés comme « récits organisationnels ». On retient, des études littéraires les travaux sur le courant narratologique, et leur contribution au développement des études actuelles sur le récit médiatique (LITS, 1997 ; 2008) et la narratologie médiatique (MARION, 1997). 7 Au carrefour des recherches issues de la théorie narrative et de la science de la gestion, on voit aussi fleurir de nombreux travaux reposant sur la narration et la production de récits dans les organisations (RHODES ; BROWN, 2005, GIROUX ; MARROQUIN, 2005). On observe notamment cette tendance parmi les chercheurs anglosaxons, dont la plupart d’entre eux se tourne vers la narration interne, ses liens à la dynamique organisationnelle et le contenu des récits émanant de différents acteurs, dans lesquels l’approche du storytelling (BOJE, 1995 ; 2001) reste une des plus récurrentes. Dans le sillage de ces études, on voit naître l’approche narrative ou narratologique de la communication organisationnelle (D’ALMEIDA, 2001, 2006). Cette perspective envisage la communication des organisations à partir de la construction et la diffusion de récits. Autrement dit, les discours, les paroles, les communications produites par les entreprises, et observées au sein de celles-ci, peuvent être comprises et analysées en tant que récits organisationnels. Face à la multiplication des formes narratives émanant des organisations, (récits de marque, récits publicitaires, récits médiatiques, etc.) on focalise, dans cette recherche, les récits de l’histoire organisationnelle. Je suis persuadée que ces formes narratives, audelà de leur nature et de leur visée communicationnelle, constituent de véritables moyens de légitimation. C’est à travers l’analyse de ces récits historico-organisationnels que l’on peut comprendre les stratégies employées par des entreprises pour mettre leur histoire au profit de leur légitimité social. Par conséquent, dans le Chapitre 2- Histoire organisationnelle : rencontre entre l’histoire et l’entreprise sont examinés les concepts de histoire d’entreprise. Celle-ci est issue du domaine des sciences de la gestion qui est apparue en 1927 aux États-Unis (sous le titre de business history). Puis elle est devenue objet de recherche en histoire, en particulier, au sein des disciplines d’histoire économique, et, plus récemment, dans les sciences de l’information et de la communication. Néanmoins, pour que le dialogue entre histoire et entreprise puisse être établi un changement de mentalité a été nécessaire entre les deux parties. Les entreprises ont ouvert leurs portes aux chercheurs en sciences sociales et humaines. Les historiens, à leur tour, ont dû surmonter la crainte initiale et voir dans l’histoire des entreprises un 8 important outil pour la compréhension de l’identité et de la culture organisationnelle, ainsi que à l’étude de l’évolution des organisations et le développement des sociétés. Afin de pallier leur aversion au passé, les entreprises ont été soumises à une période de réévaluation. Face aux incertitudes d’un monde en mutation constante, l’organisation commence à s’interroger sur sa propre essence, et en conséquence, se tourne vers son histoire. Le regard vers le passé symbolise, alors, une quête d’identité, de valeurs, et de racines de l’organisation, car « face à la série de facteurs très complexes qui orientent et conditionnent le futur, désormais le recours à l’histoire n’apparaît ni superflu, ni synonyme de passéisme et d’immobilisme » (TORRES, 1987, p. 28). Comme résultant de l’introduction de l’approche historique aux entreprises, on observe désormais une profusion d’organismes les plus variés, tels que des comités d’histoire, centres de mémoires, associations dédiées à la préservation de l’histoire organisationnelle, ou encore le développement de projets liés à ce sujet au sein des organisations. L’histoire devient à la fois une source et un produit par lequel les entreprises projettent leur propre image et leur parcours vers la société. Une telle vision remonte à l’hypothèse d’une construction narrative au travers des projets historico-organisationnels. La communication, et ses multiples dispositifs, devient alors un moyen de diffusion et de médiatisation de l’histoire. Dans ce processus de communication narrative incombe à l’entreprise la sélection des éléments de l’histoire qu’elle entend mettre en valeur ainsi que la manière dont elle souhaite lui voir racontée. L’évocation du passé dans les récits organisationnels vise à démontrer la continuité d’une entreprise : une forme de réitération du passé ou des traces laissées dans l’actualité. Raconter une histoire d’entreprise, communiquer sur ses actes et exploits à des publics les plus divers peut constituer une forme de légitimation du parcours organisationnel, de sa force et pérennité à subsister au fil des années. L’approche historique peut aussi être utilisée par des organisations en complément de la politique de communication. En interne, l’histoire joue le rôle d’un pilier en préservant les valeurs de base et l’identité organisationnelle, lesquelles à leur tour, seront présentées à l’extérieur grâce à différentes formes communicationnelles. 9 D’après Loiseau (1987), l’histoire est comprise comme un « constat » : la reconnaissance de l’incorporation des processus communicationnels au fil du temps. On observe, dans ce sens, deux temporalités : une temporalité liée à l’événement original (servant d’objet à la communication), et une autre qui renvoie au moment auquel la communication a été produite, où l’histoire a été convoquée. La deuxième temporalité est associée à la production narrative. Elle est relative à l’élaboration et à la narration de l’histoire organisationnelle, à travers laquelle l’entreprise s’efforce de se connecter à ses valeurs d’origine et à des pratiques actuelles, visant ainsi à démontrer une cohésion et une continuité entre passé et présent, légitimant sa pérennité. Face aux défis d’une société changeante, une histoire durable demeure un atout. Mais pour qu’elle puisse être communiquée à la société, l’entreprise doit avant tout la rendre cohérente, lisible et accessible. C’est là où le récit trouve sa pertinence : les objets ne deviennent en effet compréhensibles que par un processus de narrativisation. La méfiance vis-à-vis des approches historiographiques est finalement surmontée lorsque les entreprises commencent à se servir du passé comme source de légitimation. Désormais, l’histoire ou l’historicité de l’entreprise devient un symbole de légitimité. Il s’agit de la valorisation du temps, du passé ainsi qu’une sorte d’affiliation sous-entendue dans cette relation temporelle (reconnaissance des origines et des fondateurs). Dans le Chapitre 3 – La rescousse historico organisationnelle, les stratégies par lesquelles les organisations cherchent à récupérer et communiquer leur histoire. Sont observées les sources qui permettent la récupération du passé, les choix structurels liés au développement de l’histoire en entreprise, les pratiques, activités, supports et produits organisationnels visant leur communication, ainsi que les acteurs impliqués dans ce processus. On observe que, dans le but de se réapproprier les éléments et sources contribuant à la reconstitution de leur histoire, les entreprises ont à disposition plusieurs alternatives : des sources orales (récits, témoignages), écrites (livres, journaux, revues, rapports), audiovisuelles (enregistrements radiophoniques ou télévisés, films, documentaires) et informatiques (documents informatisés, sites web), entre autres. En ce qui concerne les formes structurales dans les organisations, on souligne la création, notamment à partir des années 1980, d’organismes et espaces, en interne ou 10 externe, dédiés à la préservation et diffusion du parcours organisationnel. Quelle que soit la forme assumée, alternative (comité d’histoire), par commande (via cabinets ou agences d’histoire) ou intégrée au cadre hiérarchique institutionnel (département, section, direction interne), on observe, d’une part, la multiplication d’espaces de promotion de l’histoire/mémoire, et d’autre part une revalorisation du passé, occupant désormais un lieu dans l’agenda des organisations. Le souci envers la gestion et conservation des archives organisationnelles, de la part des entreprises mais aussi de l’État, en est la preuve. A travers la préservation des sources et collections, on garde la mémoire des entreprises à partir des évidences du passé, des registres de leur existence et trajectoire, permettant des usages variés à des finalités multiples (renforcement identitaire, aide à la prise de décision, diagnostique organisationnel, consolidation de l’image de marque, etc.). A travers l’étude des acteurs impliqués, on observe au sein des organisations l’engagement des professionnels liés au domaine de la communication (spécialement les journalistes et relations publiques), de la documentation, des archivistes, et des historiens, rattachés à un secteur spécifiquement dédié à l’histoire/mémoire ou encore au secteur de communication de l’entreprise. Toutefois, les organisations peuvent aussi recourir à des professionnels ou spécialistes externes (des consultants, chercheurs), au travers d’une commande de travail, ou par l’attribution d’une bourse de recherche ou contrat temporaire. On suppose, par-là, que le choix des acteurs en charge de l’histoire organisationnelle est tributaire d’une stratégie spécifique de l’entreprise. En déléguant la responsabilité à un historien ou à un archiviste, par exemple, l'entreprise cherche un « expert », une personne compétente en mesure d'analyser de manière critique et méticuleuse des collections. Cette décision peut également indiquer une préférence pour une approche plutôt théorique ou scientifique de l'histoire organisationnelle. Enfin, les services d’un journaliste, spécialiste dans ce domaine, ou encore d’un éditeur peuvent aussi être sollicités pour éditer une publication sur l’histoire de l’entreprise, une biographie ou une œuvre commémorative. Le choix de ces professionnels renvoie à une stratégie de promotion de l’entreprise et vulgarisation de leur histoire. 11 Néanmoins, indépendamment du choix des professionnels en charge des actions historico-organisationnelles, les récits produits reflètent le statut de l’auteur-narrateur : son interprétation des actions et des évènements (à partir des sources disponibles) permet à l’histoire de prendre sa forme, à partir d’une perspective donnée, en réponse à des questionnements ou encore à des exigences imposées par l’entreprise. Sont également étudiées, dans le Chapitre 3, les formes communicationnelles ayant pour objet la préservation et la promotion de l’histoire et de la mémoire de l’entreprise. Il s’agit de différents produits et processus, comme des événements ponctuels, tels que des célébrations/commémorations, expositions, ou des activités permanentes comme des galeries, mémorials, musées physiques ou virtuels, chacune, à son tour, gérant ses produits. Finalement, dans le but de mémoriser et promouvoir leur histoire, les organisations peuvent élaborer (ou commander à un tiers) différents types de publications à destination des publics les plus variés : livres, plaquettes, brochure commémorative, journaux, revues, parmi d’autres. Le Chapitre 4 – Parcours analytique et choix méthodologiques présent l’objet d’étude, les éléments choisis à la composition du corpus analytique, le parcours d’analyse, les méthodologies et les critères analytiques qui ont été choisis. La recherche a été développée sur la base d’une méthode hypothético-déductive (POPPER, 1975 ; LAKATOS ; MARCONI, 2003) comme fondement méthodologique. Dans ce sens, la problématique de départ a été définie comme l’élaboration des récits par des organisations ayant pour but la communication de l’histoire organisationnelle. Étant donné que le problème de recherche proposé peut être abordé sous différentes perspectives, cette étude doctorale a pour objectifs : L’études des processus communicationnels développés dans le but de raconter (narrer) et narrativiser l’histoire des organisations. Il s’agit de comprendre de quelle façon, et avec quelles stratégies, les organisations utilisent (instrumentalisent) le récit de l’histoire organisationnelle visant leur légitimation. 12 L’analyse des pratiques communicationnelles repose sur une démarche comparative entre des organisations brésiliennes et des entreprises françaises, plus particulièrement le cas de Petrobras et de Renault. Le choix de ces deux entreprises se fonde sur : a) la place de l’organisation parmi les plus importantes de chaque pays ; b) leur identification avec l’imaginaire national (entreprises symboles associées à l’image de la France et du Brésil) ; et c) le développement des activités liées à la promotion de l’histoire et de la mémoire organisationnelle (publication de livres, organisations d’événements, existence de sections, organismes ou départements dédiés à l’histoire/mémoire, etc.). En ce qui concerne la méthodologie, différentes démarches ont été employées. Elles permettent d’identifier les spécificités des objets analysés, et d’atteindre les objectifs analytiques fixés. Pour cela, on distingue quatre niveaux d’analyse : - Niveau narratif (organisation et présentation des récits) ; - Niveau éditorial (choix relatif à l’énonciation éditoriale) ; - Niveau rhétorico-argumentatif (argumentation discursive) ; - Niveau discursif (modalités et stratégies discursives) ; Les analyses combinées permettent de regarder l’objet sous des angles très variés et, de favoriser une compréhension global des récits, tout en prenant en compte les dimensions matérielles (techniques), énonciatives (discursives et argumentatives) et socio-idéologiques (contexte de production). La dimension matérielle renvoie aux modes d’existence du texte ainsi que les implications des changements de support dans leur l’écriture, lecture et circulation. La dimension énonciative, pour sa part, se réfère à des formes de narration organisationnelle, à des stratégies employées dans le but de raconter l’histoire de l’entreprise, ainsi qu’à l’identification des arguments principaux mobilisés dans les récits. Dans la deuxième partie de la thèse, intitulée La narration de l’histoire dans deux entreprises emblématiques, sont abordés les aspects pragmatiques impliqués dans la communication de l’histoire organisationnelle. En particulier, sont analysés les 13 récits historiques construits par l’entreprise Petrobras et également ceux réalisés par Renault. Cette dernière section comporte les chapitres 5 et 6 de la thèse. De cette façon, dans le Chapitre 5 – La communication de l’histoire organisationnelle : un parcours narratif sont analysées les formes de communication narrative de l’histoire organisationnelle à travers leurs publications (livres d’entreprise). À partir de la sélection des récits des organisations ici observées, on envisage d’analyser le processus de narrativisation sous-jacent à la communication de l’histoire organisationnelle. Par ailleurs, sont comparées les stratégies par lesquelles chaque organisation donne à voir son histoire et légitime son existence à la société. Pour cela, on observe tout d’abord, la place et le rôle assumés par l’histoire au sein de ces deux entreprises. Chez Petrobras, les activités liées à l’histoire et à la mémoire sont développées essentiellement en interne. Depuis 2004 l’organisation compte sur un programme, rattaché au département de communication institutionnelle, ayant en charge les actions de préservation de la mémoire. Il s’agit du programme Memória Petrobras, mené par deux historiens et un journaliste, responsables de la gestion de son site web, de l’édition de certains ouvrages, et, notamment, du recueil des témoignages des travailleurs de Petrobras (actifs et retraités), source principale à partir de laquelle sont nourris les activités du programme. Il faut souligner que le mot « mémoire » est constamment employé dans les actions du programme. Celui-ci donne une place importante aux récits individuels (récits de vie, témoignages) dans la recomposition de l’histoire organisationnelle. Selon le rapport des historiens1, l’entreprise s’appuie sur la participation des agences externes (cabinets d’histoire ou de communication) pour la réalisation de certains produits ou tâches ponctuelles. D’autre part, chez Renault les activités relatives à l’histoire/mémoire sont développées aussi bien en interne qu’en externe. Au sein de l’entreprise, les actions sont menées par différents secteurs, comme le service Histoire et Collection de la Direction de Communication, le service Patrimoine, ou bien au travers de projets, comme le Programme de valorisation du patrimoine historique et culturel de Renault piloté par Hélène Galzin, associée à la Direction de Marque de l’entreprise. On remarque aussi l’emploi du terme « patrimoine », bien souvent comme synonyme d’histoire ou de Interview réalisée avec les historiens de Petrobras, Miriram Collares Figueiredo et Sérgio Retroz, au siège de l’entreprise à Rio de Janeiro, Brésil, le 06/08/2014. 1 14 mémoire, ou pour nommer un programme et des actions de nature historique. L’histoire de l’entreprise est associée à ses produits. La préservation du patrimoine organisationnelle est donc exprimée en termes concrets, tangibles. En externe, il convient de souligner le rôle de l’association Ametis, créée en 2004 dans le but « d'entreprendre et de promouvoir toutes actions permettant de conserver la mémoire de RENAULT sur le site de Boulogne Billancourt », mais aussi de l’association Renault Histoire, un organisme dédié à la promotion de la mémoire de l’entreprise automobile. L’association Renault Histoire est composée par des bénévoles, travailleurs actifs ou retraités, et d’autres acteurs intéressés également par l’histoire de Renault. Bien qu’elle soit organisée de façon indépendante, Renault soutient ou même finance certaines de ses activités. Eventuellement, des projets peuvent être élaborés conjointement, comme, par exemple, la publication de la revue Renault Histoire, développée par l’association homonyme qui a pu bénéficier du soutien financier du service Histoire et Collection de la Direction de Communication de Renault. Dans la deuxième partie du chapitre 5 sont analysés les livres Histoires des usines Renault et Renault Histoire d’une entreprise, portant sur l’histoire de l’entreprise automobile française, ainsi que les œuvres A questão do petróleo no Brasil-uma história da Petrobras et Petrobras 50 anos- uma construção da inteligência brasileira, sur l’histoire de Petrobras. L’étude de ces ouvrages permet d’identifier les stratégies par lesquelles les récits historico-organisationnels sont construits, et la manière dont ils mettent en visibilité la trajectoire des organisations, à travers le choix, par des auteurs, des thèmes développés et les sujets mis de côté. On observe, par exemple, que les constructions narratives observées dans les livres sélectionnés présentent des enchainements épisodiques de faits et événements qui permettent de reconstituer le passé de l'organisation. Cependant, la façon dont l'histoire est racontée varie en fonction de l'approche adoptée par l’auteur, soit par les détails des événements, chronologiquement reconstitués, soit par l’accent mis sur les aspects sociaux et économiques qui résultent des actions entreprises. 15 Dans le cas du livre de l'historien Fridenson (1972), racontant l'histoire de Renault, l'accent est mis sur les décisions stratégiques de l’entreprise. L'auteur cherche en effet à souligner à quel point l'histoire de Renault (sa création, son mode de gestion) a marqué le développement du secteur de l'automobile et stimulé l'économie française. Le focus sur les 46 premières années de l’existence de l’entreprise permet à l'auteur d'examiner le modèle de gestion adopté par son fondateur Louis Renault et le montrer comme un exemple du patronat français. Dans la narration de Jean-Louis Loubet, presque trente ans plus tard, sont mis en évidence les actions organisationnelles et les produits lancés par l’entreprise, comme symboles de la tradition et de la continuité de l'entreprise. A partir des faits marquants dans l'histoire de Renault, l'auteur souligne les contributions de l’entreprise pour la promotion de l'industrie automobile, mais aussi son apport au développement social (amélioration des conditions de travail) et national (au triomphe français durant les grandes guerres). Dans le livre de Dias e Quaglino (1993), A questão do Petróleo no Brasil-uma história da Petrobras, les auteurs cherchent à raconter l’évolution du secteur pétrolier brésilien, tout en plaçant l’histoire de Petrobras au centre du récit : sa participation au développement de l’industrie du pétrole, les changements qui ont suivi la création de la compagnie, son influence actuelle aussi bien dans le secteur pétrolier que dans l’économie brésilienne. Une autre approche a été adopté dans l’ouvrage Petrobras 50 anos. Dans ce récit commémoratif, rédigé sous la direction de Petrobras, l'histoire sectoriel occupe un rôle secondaire, est l’accent est mis sur l'histoire organisationnelle et nationale. L'histoire de Petrobras est racontée à travers les politiques gouvernementales et les transitions et changements subis par le pays. L’ouvrage montre l’influence directe de la politique nationale sur les décisions organisationnelles. Les échecs ou les difficultés rencontrées par l'entreprise sont expliquées ou justifiées comme étant le résultat des exigences ou des mesures gouvernementales. L’analyse de la dimension narrative, et plus précisément de la façon dont le récit de l’histoire organisationnelle est constitué afin d’être communiqué sous une forme cohérente à différents publics, révèle une structure composée par plusieurs récits qui s’entrecroisent et s’amalgament pour en former un nouveau. 16 Les récits historico-organisationnels peuvent être composés de micro-récits de l’histoire de leurs fondateurs, de leurs présidents ou travailleurs, mais aussi de microrécits de leurs produits, des modes de production (technologies, innovations) ou des opérations et services offerts à la société. Aussi, le récit de l’histoire organisationnelle s’insère, premièrement, dans l’histoire du secteur auquel l’entreprise appartient. Dans les deux cas étudiés ici, on observe au travers des récits que les organisations réclament leur rôle comme personnages, ou même protagonistes, dans l’histoire de leur secteur d’activité, et revendiquent leur participation dans la grande histoire nationale. L’histoire de Renault est racontée, dans l’ouvrage de Loubet (2000), comme intégrante d’un macro-récit national. Cependant, dans l’œuvre de Fridenson (1972) sur Renault et dans celle de Dias e Quaglino (1993) sur Petrobras, les niveaux et contours narratifs se confondent ou encore se dissipent. L’ambition de montrer la trajectoire des organisations comme participant à l’histoire d’un secteur industriel ou même d’une nation, révèle la formation d’un sorte de métarécit où en racontant l’histoire de l’entreprise on reconstitue aussi celle du pays (d’une région, ou d’un secteur d’activité, etc.). Un exemple de construction d’un métarécit de l’histoire organisationnelle peut être observé dans le livre A questão do petróleo no Brasil: uma história da Petrobrás. Comme l’indique le titre, la thématique du pétrole et l’évolution de ce secteur au Brésil sont racontés au travers de l’histoire de Petrobras. Dias et Quaglino (1993) s’appuient sur l’argument de la participation et de l’utilité (HALLIDAY, 1987) comme forme de montrer la contribution de la compagnie au développement du secteur pétrolier brésilien. La même stratégie est observée dans le livre Histoire des usines Renault – Naissance de la grande entreprise 1898-1939. Dans ce cas, Fridenson (1972) analyse l’évolution du secteur automobile français au travers de l’histoire de Renault et met l’accent sur la contribution de celle-ci à l’expansion du secteur, en se focalisant sur les aspects économiques résultants de leur activité. En ce qui concerne les choix éditoriaux et discursifs on observe, dans trois des quatre œuvres analysées, le recours à des spécialistes académiques comme auteurs et narrateurs du récit historico-organisationnel. D’une part, cette stratégie pourrait indiquer l’intérêt des entreprises pour une écriture scientifique et méthodiquement 17 conçue de l’histoire organisationnelle. D’autre part, le recours à un spécialiste reconnu académiquement, comme c’est le cas pour Dias e Quaglino (1993), Fridenson (1972) et Loubet (2000), montre que l’entreprise s’appuie sur le statut et le pouvoir accordés à ces auteurs, qui sont des porte-paroles de la vérité, afin de valider la version de l'histoire racontée, grâce à la légitimité de ceux qui l'ont produite. Le choix « auctorial » renvoie à une technique par laquelle les récits peuvent être légitimés. Il révèle, à son tour, la médiation opérée par l’écrivain-narrateur (en tant que porte-parole de la version officielle des faits) entre l’entreprise objet d’écriture et la représentation de l’histoire organisationnelle (MARIN, 1981), à travers la publication. Le choix d’un éditeur ou d’une Maison d’édition particulière peut indiquer le public ciblé, ainsi que le genre ou domaine auquel l’entreprise entend voir associée sa publication. On observe aussi la force de l’histoire imprégnée dans le nom de chacune des entreprises. Le nom patronymique Renault perpétue la tradition et l’inventivité dans la production des véhicules héritées des frères Renault. Au travers du nom sont aussi évoqués le savoir-faire, la créativité attribuée à Louis Renault, et l’authenticité dans la conception de voitures et composants automobiles, ce qui a rendu célèbre la famille Renault. Il existe donc une profonde relation entre le nom propre, le patronymique et le patrimoine (LE BIHAN, 2006). De ce fait, on constate le poids de l’histoire qui repose sur l’organisation et sur la marque. Celle-ci reflète la connaissance, la tradition et l’originalité inscrites dans la mémoire social. Dans le cas du nom de Petrobras, il ne s’agit pas d’un héritage familier, mais bien d’un acronyme faisant allusion au pays d’origine. La dénomination « Petrobras » est un diminutif de sa raison sociale « Petróleo Brasileiro S.A. ». Il s’agit d’un nom composé dans lequel on trouve le nom du produit, pétrole, et de son origine géographique, Brasil. Le choix de ce nom est en étroite relation avec le contexte dans lequel la compagnie a été créée. Il reflète la recherche de l'indépendance économique vis-à-vis de l'exploration pétrolière étrangère sur le territoire brésilien. Le nom Petrobras porte en lui une dimension symbolique représentative du nationalisme qui est à l’origine de l'organisation. Il faut souligner, par conséquent, le caractère toponymique (PEREZ, 2004) de ce nom et sa relation étroite avec l'histoire du 18 Brésil. Il renvoie aussi au sentiment national, une « brésilianité » revendiquée dès les années 40 par la recherche incessante de pétrole sur le territoire brésilien, et la promesse d’émancipation économique lors de la création de Petrobras. Le Brasil, présent dans le « bras » de la marque, évoque aussi la mémoire d’un mouvement indépendantiste et nationaliste marquant dans l’histoire du pays grâce au slogan « Le pétrole est nôtre ». Sont également observés des effacements, des omissions, des choix relatifs au récit de certains épisodes au détriment d’autres stratégiquement exclus. Des périodes et controverses au fil de l’histoire de ces entreprises ont tendance à être supprimées, comme, par exemple, la participation/contribution de Renault pendant la période de l’occupation, ou bien les graves accidents liés au déversement de pétrole sur les côtes et dans les rivières brésiliennes. Les stratégies argumentatives employées dans les récits sur Renault, par exemple, s’appuient sur le recours à la comparaison avec d’autres entreprises automobiles, notamment étrangères, afin d’affirmer des réussites organisationnelles. Autrement dit, la comparaison entre le volume de ventes de Renault et celui de ses concurrents américains, tels que Ford ou General Motors, devient l’argument validant la performance et le succès mondial de l’entreprise française, tout en soulignant sa position proéminente sur le marché international, signe de sa reconnaissance et de sa prospérité. A l’inverse, l’argumentation dans les œuvres sur l’histoire de Petrobras reposent sur le caractère pionner de l’entreprise dans le secteur pétrolier. Dans ce sens, la compagnie n’est pas comparée à ses concurrents internationaux, mais plutôt présentée comme « unique », mettant en évidence son identité, en tant que société authentiquement brésilienne, son monopole dans le marché pétrolier national (19531997), et sa contribution à l’autosuffisance énergétique du pays. Ont été identifiées aussi des techniques de légitimation liées à la validation des activités et décisions organisationnelles. Par exemple, en construisant un récit séquentiel et une stratégie de justification (ADAM, 1985), les auteurs créent un fil narratif qui permet d'afficher certaines actions comme nécessaires et correctes, validant ainsi la conduite organisationnelle. En outre, en se référant à leurs actions au fil du temps comme des contributions à la société, les organisations cherchent à se légitimer 19 en raison de «l'utilité» (HALLIDAY, 1987). Ce dispositif a été observé à la fois dans le récit communiqué à travers les livres institutionnels et sur les sites web. Il valide l'existence de l'organisation et attribue une valeur à des pratiques organisationnelles, au-delà du sens strictement économique. Finalement, au Chapitre 6-Mémoire, récit et virtualisation on examine les rapports entre le récit et la formation de la mémoire, notamment face à l’avènement des médias numériques. A travers l’analyse des sites web institutionnels (nationaux et internationaux), et de sites spécialement conçus pour la diffusion et la promotion de la mémoire des entreprises Petrobras et Renault, on cherche à identifier les stratégies de virtualisation de la trajectoire organisationnelle, et les formes d’adaptation de ces récits aux supports numériques. Les implications de ce processus à la construction de la mémoire sociale sont également observées, comme résultantes de la communication massive rendue possible grâce au world wide web. Il est possible d’observer un entrecroisement de la mémoire et de la communication à travers des récits qui donnent voix, corps et forme à des souvenirs du passé stockés dans notre inconscient. Ainsi, la mémoire serait la substance, le contenu de la narration (GARDERE, 2003). On souligne, de cette façon, la récupération et mise en circulation du passé médiée par la communication, au moyen des formes narratives qui lui donnent voix et à travers différents dispositifs (manuscrit, livre, vidéo, photo, audio) qui lui soutiennent. Le développement de la communication humaine a changé également la façon de faire l'histoire, de la raconter, mais aussi de la préserver : de la transmission du passé à travers les témoignages oraux (GOODY, 1979) la systématisation de l'histoire et de l'émergence de l’historiographie, l'écriture et l'imprimerie, jusqu’à l'enregistrement électronique et la formation de collections virtuelles à l'ère numérique de la digital history (COHEN; ROSENZWEIG, 2006), rendue possible par Internet et les médias numériques. De tels changements peuvent être observes dans la façon dont les organisations communiquent sur leur passé. La mémoire et l’histoire deviennent des objets de communication des organisations, comme l’on constate par la construction et diffusion de récits historico-organisationnels dans notre société. Cependant, il faut s’interroger 20 sur les implications de ces récits dans la (re)constitution de la mémoire sociale et, par conséquent, dans l’écriture de l’histoire. On analyse donc comment les organisations recherchent, préservent et communiquent sur leur mémoire et leur histoire, face à l’expansion des médias numériques. Existe-t-il une responsabilité historique vis-à-vis de ce qui est dit ou publié sur Internet, ou se réfère-t-on seulement à une version des faits, à partir de points de vue particuliers ? Quelle place occupe la communication face à la virtualisation des pratiques sociales ? Les organisations sont-elles conscientes de leurs rôles dans la construction d’une mémoire virtuelle et de la mémoire sociale ? Pour essayer de répondre à ces questionnements des sites web institutionnels des entreprises Renault et Petrobras ont été analysés, ainsi que des sites web spécifiques, dédiés à la mémoire de ces entreprises (Site de l’Association Renault Histoire et du programme Memória Petrobras). En consultant les sites institutionnels, on observe la dimension narrative, relative au récit de l’histoire, mais aussi des stratégies d’énonciation éditoriale permettant l’accès, la lecture des textes, l’interaction avec eux, ou même, en prescrivant une certaine forme d’appréhension. En ce qui concerne les formes de mise en visibilité de l’histoire, les sites web des organisations adoptent des stratégies similaires : présentation chronologique de la trajectoire des entreprises, sélection des faits ou périodes (dates, moments-clés), représentation graphique au travers de frises historiques ou ligne du temps. La présentation de l’histoire de Renault sur les sites web officiels met l’accent sur la trajectoire des produits (voitures) lancés depuis la création de l’entreprise. Cela dit, à travers l’histoire de Renault est racontée aussi celle de la production automobile et donc des évolutions industrielles concernant ce secteur d’activité. Le succès de l’entreprise, ses triomphes et déceptions sont profondément liés à l’acceptation ou rejet de la société vis-à-vis des modèles automobiles de Renault. D’autre part, l’histoire de Petrobras à travers ses sites web souligne, notamment, les domaines d’opération de l’entreprise, par la sélection d’événements représentatifs. Ainsi, est associé à chaque année un fait « marquant », lequel est décrit de façon succincte (deux au trois lignes) sans aucun lien permettant leur expansion. On remarque 21 aussi, dans la version nationale du site web de Petrobras, la référence au programme « Memória Petrobras » et la médiation de leur accès grâce à un lien hypertextuel, suivi d’un message invitant le lecteur à connaître l’histoire de l’entreprise racontée par sa « force de travail ». L’histoire organisationnelle est accessible sur le site web national de Petrobras, dans la rubrique « Qui sommes-nous » sous le titre « Trajectoire », et dans son site web international, elle est associée à la rubrique « Notre histoire ». Sur le site web national de Renault il faut accéder à l’espace « Découvrez Renault » pour trouver la rubrique nommée « Histoire et culture » présentant le parcours historique de l’entreprise. A la différence du site web international de la compagnie automobile, l’histoire est associée à la rubrique « Passion », renvoyant au slogan adopté par Renault depuis 2015. Si l’on compare aux sites web « alternatifs », tels que celui de l’association Renault Histoire ou du programme Memória Petrobras, on remarque des particularités relatives à la représentation du passé des entreprises. Par exemple, sur le site web du programme Mémoria Petrobras on peut observer plusieurs formes ou stratégies de présentation de l’histoire et de la mémoire organisationnelle, parmi lesquelles : a) Chronologique – l’histoire est racontée de manière rétrospective, au travers des périodes clés. La représentation graphique est basée sur la ligne du temps ; b) Testimoniale – l’histoire est reconstituée à partir des mémoires individuelles. Représentation au travers des récits oraux, visuels, ou écrits. c) Imagétique –l’histoire est relatée, symboliquement, au moyen d’images. Les formes de représentation choisies sont des images, dessins, photos, portraits, etc. ; d) Audiovisuelle – de ressources audiovisuelles sont utilisés comme forme de matérialisation des récits. L’histoire est représentée sous forme de productions audiovisuelles ; e) Scientifique – la pertinence de l’histoire est mise en avant grâce à des publications académiques/universitaires. Des articles, thèses et mémoires faisant référence à l’histoire de l’entreprise sont présentés ; 22 f) Thématique - expositoire – Les récits sont présentés par thème, ou diffusés sous la forme d’expositions (Expositions, musées, etc) ; g) Informel – le récit de l’histoire organisationnelle est associé à des faits quotidiens, l’ordinaire de la vie et le sens commun. Un dictionnaire d’expressions propres aux travailleurs pétroliers, intitulé « petrolês », ainsi que d’anecdotes sont présentés ; De façon générale, le site web du programme Memória Petrobras se caractérise par l’usage de la méthodologie de l’histoire orale. Les sources utilisées renvoient aux témoignages recueillis tout au long du projet « Mémoire des travailleurs Petrobras » (2001-2003) et du programme Memória Petrobras (depuis 2004), actuellement rattaché au département de « Communication institutionnelle » de la compagnie. La page web privilégie les récits de vie des employés qui travaillent (ou qui ont travaillé) chez Petrobras. Dans ce sens, les récits individuels et organisationnels se confondent : l’histoire de vie des travailleurs permet d’évoquer la mémoire de l’organisation. Autrement dit, l’histoire organisationnelle, telle qu’elle est présentée dans ce site web, semble être composée par de micro-récits des histoires personnelles ayant participée dans la trajectoire de Petrobras. À travers la récupération mémorielle les fragments de l’histoire sont mis en évidence, ainsi que la polyphonie, la multiplicité de visions qui racontent l’histoire, mais à partir de lieux différents. D'autre part, le récit de vie de ces travailleurs est également affecté par l'histoire de l'entreprise, de sorte que l'histoire de ceux-ci ne serait pas complète sans placer dans le temps et dans la trajectoire de l'organisation le rôle joué par l'individu (travailleur) qui narre. Il s’agit des choix assumés par l’organisation, relatifs à la narration de l’histoire organisationnelle et à la préservation de sa mémoire. Grâce à la méthodologie de l’histoire orale et le recueil de témoignages constituent une des sources principales du programme Memória Petrobras : l’entreprise opte pour la reconstitution de l’histoire ayant comme subside la mémoire des travailleurs. En revanche, le site web Renault Histoire constitue un moyen électronique de promotion de la mémoire de Renault et des activités de l’association homonyme. Dans le but de promouvoir l’histoire et la mémoire de la compagnie automobile, l’association trouve à travers son site web une forme de communication de grande ampleur. Sur son 23 site on trouve des informations à propos de l’histoire de Renault, ainsi que sur l’association : ses objectifs, mode de gestion, fonctionnement et des annonces d’événements organisés (conférences, commémorations, etc.), en faveur de la mémoire organisationnelle. La page web adopte un format d’édition rassemblant à celui des sites journalistiques : organisation en colonnes, titres informatifs, entête de style tabloid et choix graphiques et textuels similaires à des journaux. Il faut accéder à la rubrique Un peu d’histoire pour prendre connaissance de l’histoire de Renault où celle-ci est présentée chronologiquement. Il n’y a pas, à exemple des sites institutionnels, une ligne du temps, au lieu de cela, figure un liste temporelle organisé en fonction des « mandats » des PDG’s de Renault. L’histoire de Renault, sur le site de son association, met en avant la mémoire des anciens PDG’s de l’entreprise. Ils sont présentés comme des personnages déterminants dans l’histoire de l’entreprise, en particulier le fondateur et PDG Louis Renault. Dans ce sens, l’histoire est centrée sur les personnes au lieu des faits. Les actions de ces acteurs (PDG’s) sont mises en valeur dans la formation de l’histoire organisationnelle, ce qui permet de mettre en évidence aussi bien la mémoire de l’organisation que celle de ses membres. Sont aussi présentées les luttes syndicales, les revendications ouvrières, les grèves et les acquis qui en ont résulté. Ainsi, en montrant les conflits, en exposant les problèmes relatifs aux conditions de travail dans les industries (longues journées de travail, salaires insuffisants, etc), sont mis en valeur la mémoire sociale des travailleurs, leurs difficultés et leurs luttes. Les récits historico-organisationnels présentés sur le site de l’association sont différents de ceux présentés sur les sites institutionnels, non seulement par le détail et la portée des récits, mais aussi par l'approche et l'orientation narrative. Considérations finales Grâce aux analyses réalisées, on a pu observer que l’histoire des entreprises était soumise à un processus communicationnel de narrativisation. Cela dit, pour être 24 communiquée l’histoire doit avant tout répondre à un double arrangement narratif, relatif à l’ordre chronologique (organisation des faits permettant la lecture logique) ainsi que à l’ordre configurationnel (cohérence globale du récit, comme un tout intelligible). La narrativisation de l’histoire d’une entreprise se réfère donc à la procédure de sélection de faits, l’organisation et la structuration du récit, mais aussi à une décision concernant la manière dont l’histoire sera racontée, ce qui doit être dit et montré, et ce que doit être omis. Il s’agit du choix d’un système normatif permettant de construire une représentation donnée de l’histoire organisationnelle (MARIN, 1981) afin de la communiquer à différents publics. Cette histoire organisationnelle, actuelle et toujours en construction, est mise en évidence dans l’étude de la structuration des récits analysés. Au contraire des structures canoniques des textes littéraires, à partir de la séquence narrative utilisée pour communiquer l’histoire de ces entreprises, on identifie un récit non-conclusif, où la clôture culmine sur la promesse de l’avenir. Ainsi, les récits historico-organisationnels observés ici ont pour particularité l’absence d’une fin définitive. La morale du récit (ADAM, 1985), repose donc sur la légitimation de l’action organisationnelle et de l’existence même de ces entreprises : l’histoire reste inachevée, terminant avec des espoirs, les paris sur un futur en construction. Les récits de l’histoire des entreprises, diffusés au travers des livres, sont rétrospectives : ils dépeignent et reconstruisent le passé, mais ils s’achèvent sur une perspective ouverte, mettent en avant le progrès et la continuité de l'organisation. On identifie également la production de récits parcellaires, fragmentés, ou encore ponctuels (avec des objectifs spécifiques) par lesquels des organisations mettent en évidence leur parcours, des faits et événements de leur histoire, ainsi que des personnes, notamment à l’occasion de commémorations et anniversaires d’entreprise. Cette démarche donne lieu à des livres, expositions, vidéos, célébrant la mémoire de l’organisation (ou bien d’un secteur, unité, acteur organisationnel, etc.). Les caractéristiques remarquées ici, sur les récits de l’histoire organisationnelle, peuvent être comparées à celles mises en avant par Marion (1997) et Lits (1997 ; 2008) concernant les récits médiatiques : comme des constructions sérielles, provisoires et souvent inachevées. 25 Autrement dit, il y a dans les récits organisationnels analysés certains aspects qui les éloignent des constructions narratives classiques, ou canoniques (PROPP, 1973 ; GENETTE, 1983) et les rapprochent des récits médiatiques contemporains. En ce qui concerne les stratégies mises en place dans la structuration des récits de Renault et Petrobras, on souligne, notamment, l’emploi de différents arguments dans le but de légitimer et affirmer le prestige des organisations, soit à travers les comparaisons avec des concurrents étrangers (Renault) ou par le renforcement du sentiment national (Petrobras). Dans les deux cas, on peut observer des arguments de validation affirmant l’apport organisationnel au développement du secteur d’activité et, finalement, de la nation. D’autre part, en analysant, les ouvrages Histoire des Usines Renault et A questão do Petróleo no Brasil, on identifie également des stratégies discursives, légitimant l‘histoire grâce au statut accordé à celui qui la raconte, comme, par exemple, en donnant la plume à des chercheurs académiques, spécialistes universitaires reconnus dans leur domaine. Cette stratégie consolide non seulement l’image du narrateur, à travers un ethos discursif renvoyant à la scientificité, mais aussi lui confère l’autorité nécessaire pour raconter l’histoire de l’entreprise. De cette façon, les locuteurs/narrateurs jouent un rôle fondamental pour la légitimation des organisations, corroborant les faits comme vrai et attestant ainsi la fiabilité des récits. En outre, comme l’indique Martin Rojo, "le capital symbolique du discours se trouve non seulement dans la capacité d'action qu’il représente, mais aussi sur la capacité de générer des représentations des pratiques sociales et de la société dans son ensemble» (2005, p. 251). Les techniques liées à la validation des actions et des décisions organisationnelles ont été également identifiés. En construisant un récit séquentiel et une stratégie de justification (ADAM, 1985) l’auteur peut créer, par exemple, un fil narratif qui lui permet d'afficher certaines actions comme nécessaires et correctes, validant ainsi la conduite organisationnelle. D’autres formes de légitimation ont été aussi observées. En évoquant leurs actions au fil du temps en tant que contributions à la société, les organisations cherchent à s’auto-légitimer sur la base de l’argument d’utilité (HALLIDAY, 1987). Cet artifice, 26 observé aussi bien dans les récits publiés dans les livres que dans ceux diffusés sur les sites web, valide l’existence de l’organisation et attribue une valeur aux pratiques organisationnelles, au-delà du sens strictement économique. On observe aussi le phénomène de virtualisation de l’histoire des entreprises par l’adaptation des récits historico-organisationnels aux médias numériques. La promesse d’interactivité présentée par le numérique rendre le web un espace attractif pour la promotion et la communication de l’histoire et de la mémoire organisationnelle. Les initiatives se multiplient, telles que la création des sites dédiés à l’histoire des organisations, expositions, musées et collections virtuelles, ou encore la mise en œuvre des espaces d’expression, recueils des témoignages, parmi d’autres instruments permettant la participation des publics. Ces stratégies de rapprochement et interaction entre l’organisation et le public peut aussi permettre le feedback et l’enrichissement de la mémoire organisationnelle. Les actions organisationnelles liées à la préservation et diffusion de la mémoire et de l’histoire sont ainsi amplifiées grâce aux médias numériques. Les récits peuvent désormais être communiqués au travers des supports et des formats les plus variés (chronologique, testimonial, imagétique, audiovisuel, etc.) à un public illimité. Comme le souligne Marion (1997), les récits peuvent ainsi se déplacer entre les supports, montrant des facettes différentes. Le choix du type de média au détriment d’autres, permet de mettre en valeur certaines caractéristiques de l’histoire. Dans les cas analysés dans la présente étude, on observe une sélection d'éléments (faits, périodes, événements) et une diversification des stratégies de visibilité narrative. Le support web permet de présenter l'histoire de l'organisation de façon dynamique, au moyen de ressources qui vont au-delà des limites du livre imprimé, telles que des vidéos, des images, des diagrammes interactifs, etc. Néanmoins, les récits doivent s’adapter aux contraintes éditoriales. De ce fait, le récit de l’histoire organisationnelle peut être saisi diachroniquement au travers du livre, bénéficiant d'un approfondissement et d’une description des faits rendus possibles grâce à la médiativité (MARION, 1997) des livres, en tant que supports médiatiques. D'autre part, la diffusion du récit de l'histoire sur le web permet une appréhension synchronique, sélective, se concentrant sur une période de l'histoire de l’entreprise (par le biais des lignes du temps), un sujet d'intérêt, ou sur une personne 27 particulière (les PDG’s, dans le cas du site de l’association Renault, ou les travailleurs sur le site web Memória Petrobras). La perspective adoptée dans cette étude, que ce soit en ce qui concerne les choix méthodologiques ou la sélection du corpus analytique, répond à des questionnements scientifiques précis, et par conséquent n’épuise pas les possibilités de recherche sur la production de récits dans les organisations, et, plus spécifiquement, sur l'émergence de ce qu'on appelle les récits historico-organisationnels. Références bibliographiques ADAM, Jean-Michel. Le texte narratif. Traité d’analyse textuelle des récits. Paris: Nathan, 1985. ADAM, Jean-Michel. La linguistique textuelle: introduction à l’analyse textuelle des discours. Paris: A. Colin, 2005. BENJAMIN, Walter. O narrador: considerações sobre a obra de Nicolai Leskov In: Magia e técnica, arte e política: ensaios sobre literatura e história da cultura. São Paulo: Brasiliense, 1994. BOJE, D. M. Stories of the storytelling organization: A postmodern analysis of Disney as Tamara-land. Academy of Management Journal, 38 (4), 997-1035, 1995. 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