Léonard de Vinci - Musée de Sologne

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Léonard de Vinci - Musée de Sologne
Base de données complémentaire à
l'exposition Léonard de Vinci « Romorantin,
le projet oublié» pour les collèges et lycées.
PLAN
INTRODUCTION
I - Présentation de la Sologne
II - Romorantin à l'époque de François 1er
Chronologie
Histoire de Romorantin
Les habitants de Romorantin et leurs métiers
Les moulins et la draperie
La culture de la vigne
Les auberges, boutiques et hôtels de la cité
Les maladies
III - La famille royale et la cour à Romorantin
Les entrées royales
Les processions en l'honneur de la famille royale
La cour à Romorantin
IV - Le projet oublié de Léonard de Vinci
L'invitation
Les travaux à Romorantin
Le parcours de Melzi
Le projet du Palais
Le pavillon octogonal
Les canaux
BIBLIOGRAPHIE
Introduction
Cette base de données, complémentaire à l'exposition intitulé «Le Projet Oublié de
Léonard de Vinci» a pour objet de présenter Romorantin de 1450 à 1585. Ces documents articulés
autour de thématiques spécifiques permettront de situer Romorantin à l'époque de la Renaissance et,
grâce à des documents d'archives, de pouvoir ressentir quelque peu ce que devait être le quotidien
des Romorantinais durant cette période.
C'est volontairement que ce document n'est pas accompagné d'un questionnaire afin de
favoriser la liberté pédagogique de l'enseignant.
Dans cette base, nous nous tenons à l'essentiel. Il est néanmoins possible de s'informer de manière
plus appronfondie en consultant le site de l'exposition à l'adresse suivante : http://www.romorantinleprojetoubliedeleonarddevinci.fr.
Les archives utilisées pour illustrer ce dossier peuvent être consultées au Centre de
Documentation du Musée de Sologne. Pour ce faire, il est souhaitable de prendre contact avec le
Musée au 0254953366 ou par mail à [email protected] .
Présentation de la Sologne au début du XVIe
siècle
Sous la protection des Comtes d'Angoulême depuis 1448, la région de Romorantin
s'est relevée peu à peu des ravages de la guerre de Cent ans. Au début du XIe siècle, la Sologne est
un pays de bocage, de prairies, de cultures cernées de haies et de petits bois très clairsemés.
Les forêts sont rares. Près de Romorantin la forêt de Bruadan, fait figure d'exception
même si les abords sont dégradés et réduits à l'état de landes et de bruyères par le pacage du bétail.
Les étangs demeurent l'élément principal du paysage, un texte de 1518 évalue leur
nombre à plus de 4 000. Source de revenus appréciables à une époque où la consommation de
poisson est importante, ils témoignent aussi de la grande maîtrise de l'eau des solognots capables
d'aménager des dizaines d'étangs le long de petits ruisseaux grâce à des barrages successifs.
Chronologie
1445
Partage des biens du duc d’Orléans.
Jean d’Angoulême reçoit le Comté d’Angoulême comprenant la seigneurie
de Romorantin qui se trouve ainsi momentanément détachée du Comté de
Blois dont elle faisait jusque là partie.
1448
Construction du château de Romorantin.
- le pont est déplacé en amont
- le portail Nord est construit à l’église
- les faubourgs s’étendent
Vue générale de Romorantin, début 19ème siècle - Coll. Musée de Sologne, I/5-c9.
1492
Charles VIII autorise l’édification d’une autre enceinte fortifiée vers le
Nord.
Plan de la Ville de Romorantin levé par Moireau, 1775
Archives municipales de Romorantin.
1499
Naissance de Claude de France.
Extrait du journal de Louise de Savoie, éd. du 18ème
Fonds E. Martin - Coll. Musée de Sologne.
1504
Les tours Millon sont édifiées (porte d’Orléans).
Porte d'Orléans, Coll. Musée de Sologne.
1510-1512
Agrandissement du château pour Louise de Savoie.
Plan aquarellé du château de Louise de Savoie, 18ème siècle
Archives Nationales.
1514-1515
Epidémie de peste.
Comptes de la Ville, CC 7 f. 90 verso
Archives municipales de Romorantin.
«De Romorantin à Lenthenay durant la peste regnant audit lieu de Romorantin pour
ce que lesdits trepassez navoient aucuns biens et que pour lors le Roy audit
Romorantin et ne les voit ou entrevouer ni porté par la ville pour aucter le danger
pour luy […].
1515
Mort de Louis XII (1er janvier).
Extrait du journal de Louise de Savoie, éd. du 18ème
Fonds E. Martin - Coll. Musée de Sologne.
1515
François 1er accorde une taxe sur le vin pour financer la nouvelle enceinte.
Comptes de la Ville, CC 47, lettre d'octroi de François 1er accordant à la Ville une taxe sur le vin, 1er mars 1515
Archives municipales de Romorantin.
Entrée de François 1er.
1515
Extrait du journal de Louise de Savoie, éd. du 18ème
Fonds E. Martin - Coll. Musée de Sologne.
1516
Entrée de la reine Claude de France (mars).
1516-1517
Travaux de pavages importants.
A Bastien Bourreau, charretier et
voiturier demourans à Romorantin, la
somme de huit livres dix solz tournois
pour trente quatre journées à ung cheval
qu’il a vacquées à charroyer du sable et
chailloux tant au pavé qui a esté faict
davant la porte à la Bezaulde que ou pavé
que on a faict en la rue aux Gueneaux à
aller à Sainct ladre tant ou mois de mars
que es jours dessusdictsavec le charroy
dudict procureur
Comptes de la Ville, CC8 f.35 verso
Archives municipales de Romorantin.
1517
Entrée de la reine – séjour des époux royaux (janvier).
Visite de Léonard de Vinci avec Francisco Melzi.
1518
Plantation d’un vignoble royal. Cépage issu de Beaunes (Pruniers).
Cliché Musée de Sologne, Les Beaunes.
Cliché Musée de Sologne, Le mur des Beaunes.
1519
Mort de Léonard de Vinci (12 mai).
1520
Assèchement de l’étang du Marché bordant la ville à l’Est.
L'hôtel Saint-Paul, la Chancellerie et l’hôtel de la Rère sont construits.
Chancellerie, Hôtel St-Paul
Coll. Musée de Sologne, I/5-c4
1520
Ordonnance
de François 1er, la forêt de Bruadan devient une garenne
royale.
Ordonnance de François 1er, 16 janvier 1520
Archives municipales de Romorantin.
1521
Séjour de la Cour royale à Romorantin.
1521
Accident du tison (6 janvier).
Extrait du journal de Louise de Savoie, éd. du 18ème
Fonds E. Martin - Coll. Musée de Sologne.
1521
Epidémie de peste.
1522
François 1er, accorde à la ville l’autorisation de mettre la Salamandre dans
ses armoiries.
Eglise St-Etienne, armoiries de la ville de Romorantin
Cliché P. Villedieu - coll. Musée de Sologne, I/1-a43.
1522
Châtellenie de Romorantin est rattachée au domaine royal.
In : DUPRE (A.) .- Recherches historiques sur Romorantin et la Sologne .- Paris : Office du livre d'histoire, 1994
Coll. Musée de Sologne.
1530
Epidémie de peste (octobre-novembre).
1536
Acquisition de onze pièces d’artillerie par la ville.
Dépenses relatives à l'acquisition par la ville de onze
pièces d'artillerie : «à dame Katherine du Boys, vefve
de feu noble homme François Herpain, en son vivant
chevalier et controlleur de l'artillerye du Roy nostre
sire, dame de Poullaines et de Chabris, la somme de
neuf vingtz dix neuf livres, quinze sols tournois, pour
l'achapt de onze pièces d'artillerye, savoir est : dix
pièces, en forme de hacquebuttes à crochet, montées
sur chevalletz, et un fauconneau de cuyvre, le tout en
fonte, ensemble ung cacque de pouldre à quanon pour
la munition des dictes pièces d'artillerye, le tout pour
la deffence et fortification de la dicte ville...»
Comptes de la ville, CC15 f. 153-156
Archives municipales de Romorantin.
1538
Départ du roi de Romorantin pour Pontlevoy en août.
1545
Ordonnance de François 1er concernant la Forêt de Bruadan.
L'ordonnance de 1520 ayant été transgressée par de nombreux
braconniers, François 1er se voit contraint de publier dans sa
seconde ordonnance, les dispositions suivantes, motivées par la
constatation de nombreux délits.
...dont serait adevenu grand dégâts et dommage en notre forest et que nos bestes tant
rousses que noires en ont été grandement estranglées... défense de toutes personnes
de quelque état et qualité ...soit pour chasser ni autrement expresse permission de
nous... ès bois privilégié et destiné à garrenne royale, défens...où nul autre n'a droit
comme il est dit»...
In : VILLEDIEU (Pierre) .- La forêt de Bruadan .- S.A.H.A.S : Romorantin, 1960.
1546
Passage du roi à Romorantin.
1585
Epidémie de peste.
Histoire de la ville de Romorantin
En 1445 s'effectue le partage des biens du duc d'Orléans. Jean d'Angoulême reçoit le
comté du même nom qui comprend la seigneurie de Romorantin, qui se trouve ainsi détachée du
comté de Blois dont elle faisait jusque-là partie.
En 1450, Jean d'Angoulême décide la construction d'un château sur la rive droite de la
Sauldre. A cette occasion, le pont est déplacé en amont, le portail Nord est construit à l'église SaintEtienne et les faubourgs s'étendent.
En 1492, Charles VIII autorise l'édification d'une autre enceinte fortifiée vers le Nord,
la ville étant trop à l'étroit pour recevoir la Cour.
Au
cours de l'année 1499, Louise de Savoie, veuve de Charles d'Angoulême,
accueille dans son château Louis XII et Anne de Bretagne fuyant la peste à Blois. Au cours de ce
séjour, le 13 octobre, la reine met au monde une fille prénommée Claude, qui épousera François
d'Angoulême, le futur roi François Ier. Le couple royal, parmi toutes ses résidences, a une
prédilection pour Romorantin, ville commune à chacun des époux.
Pendant ce temps, les travaux continuent à Romorantin. En 1504, les tours Millon (à
proximité de la «Belle Epoque» actuellement) sont édifiées et Louise de Savoie agrandit son
château en construisant une aile parallèle à la Sauldre.
En 1515, dès l'avènement de François Ier, la châtellenie de Romorantin est rattachée
au domaine royal. Elle constitue également une place militaire gouvernée par le seigneur de
Herbault. De plus, un corps de ville composé de quatre échevins élus (adjoints) par une assemblée
d'habitants assistée de procureurs et de notaires, gère la ville d'un point de vue financier.
Du point de vue économique, la cité connaît une certaine prospérité : les sources du
XVIe siècle nous livrent quelques renseignements sur les hôtelleries et les boutiques, les activités
générées par les moulins, la culture de la vigne ou encore l'économie de la chasse, de la pêche ou du
bois.
Le jeune roi veut faire de la ville la capitale du Royaume. Pour réaliser ce projet, il va
convaincre Léonard de Vinci de venir en France. Celui-ci dessine un palais royal au bord de la
Sauldre, une ville nouvelle au coeur d'un réseau de canaux et un pavillon de chasse dans la forêt de
Bruadan toute proche. Ce projet abandonné après 1519 va rester méconnu.
Habitants de Romorantin à l’époque de
François Ier
Jacques Petit, Sergent Royal de la chatellenie
Jacquet de la Mothe, hôtelier à l’ostellerie où pend pour enseigne la Harpe es faubourg de
Romorantin.
Jullien Fougeray, chevaucheur d’écurie du roi
Pierre Leureux, peintre qui a fait 4 écussons aux armes de la ville et 5 douzaines et demie aux armes
du roi.
Messire Jacques de la Barre, prêtre
Michel Decaux procureur et receveur
Jehan Boullaye laboureur de braz avait la maladie de la lèpre
Françoise fille de Robin Mignen aubergiste
Monsieur de Herbault, Maistre d’Ostel de Madame (Louise de Savoie) (Nicolas de Foyal, il
surveille et commande les travaux à Romorantin et à partir de 1521, il assurera la même fonction à
Chambord.
Jehan Chaillou et Collas Lançon paveurs
Etienne le Grant, charpentier
Maistre Nicolle de Neufville, secrétaire des commandements du roi
Philippon Meignen, un des élus
Guillaume Chappelain, apothicaire
Jean du Cyrot, chaussetier
Jehan Pellat, barbier et chirurgien qui a visité les malades pendant la peste.
Renaud le Nyais (lors de la dédicace de l’église en 1504, il avait passé une journée et une nuit à
faire la croix de sable dans l’église).
Frère Etienne Bertel de l’ordre de Saint François qui a prêché l’Avent
Jean du Moulin serrurier
Pierre Fouchier, pâtissier 75 sols tournois pour treize tourteaux et douze gâteaux qui furent donnés
aux habitants de la ville.
Loys Gombault, prêvot de Romorantin
Rollande femme de Maurice Armenault hôtelier.
Claude Fontenette, maître arbalétrier et canonnier
Jean Langlois, messager de la ville
Jacques de la Cour dit Lochecrève, maçon
Jeanne, veuve d’Etienne Allart, marchande à Romorantin
Hedouart Madinet mesureur du grenier à sel.
Jehan Gallus châtelain de Romorantin
Noël Gonde marchand foulon. Demeurant au Bourgeau (Moulin)
Grant-Jehan Testereau, perrier
Louis Grasseoreille, maître masson
Thomas de la Brosse, marchand
Pierre Lambert, portier et garde des clefs de la Tour Millon et Pierre Bourgogne, portier et garde
des clefs de la porte Gaudin et de la Porte de la rivière près du château.
André Courieu, grenetier du grenier à sel
Clément Boudon, mercier
Jehan Thibault, maréchal
Magdaleine, veuve feu Louis Jouffin
Denis le Comte, avocat
Pierre Bonnet cousturier
Jehan Garsonnet, notaire
Guillemette Nandiger, marchande
Maître Renaud Brachet, bachelier en médecine, visite un lépreux.
Abraham Pratenay
Guillaume Turmeau, avocat.
Simon Delaunay, contrôlleur du Grenier à sel.
Denis Gauthier, exécuteur de justice. (Il y avait un pilori)
Simon Absallon, maître et recteur des écoles.
Jacques de Persigny, maçon, (a travaillé au château du Moulin et sur les murailles de la ville)
Guillaume Couillebault, menuisier
Archambault Leconte, chapelier (a un ouvroir, une boutique)
Macé Lefevre, ostellier.
Jean Bazin, lieutenant du Bailli de Blois
Jean Brachet, Maître des Eaux et Forêts
Charles Dabois, archer de la Reine Mère (1515)
Pierre Leclerc, Seigneur du Luth, receveur pour Madame (1520) Louise de Savoie.
Pascallin Gillefort, concierge du chastel
Guillemine, femme d’Hugues Delalande, marchand boucher.
Adrien Cottan, boulanger
Jehan Bourdon, drapier
Pierre Sauzet, orlogeur.
Prénoms du début 16 ème siècle :
Toussaint – Colin – Mathurin – Robin – Estienne (à cause de l’église Saint Etienne) Renaud –
Toussaint – Geoffroy – Quantinet. (diminutif de Quentin). Marie – Marguerite – Macé (homme ou
femme) – Anne – Isabelle
Les moulins de Romorantin et la draperie
La draperie date du Moyen-Age. Elle est protégée par les rois de France. Les princes
de la maison d'Angoulême l'encouragent notamment en concentrant les ateliers à Romorantin.
François 1er promulgue une ordonnance en avril 1515 qui interdit aux marchands d'importer en
France des draps des provinces voisines. C'est la raison pour laquelle le commerce et l'industrie de
la laine ont pris leur essor à Romorantin. Le dynamisme de l'économie locale repose dès cette
période essentiellement sur la draperie.
Statue St-Martin
Coll. Musée de Sologne.
La présence de la Sauldre au coeur de la cité
joue un grand rôle dans l'histoire de la
ville et la présence d' îles favorise l'implantation de nombreux moulins.
Au
16 ème siècle, les moulins de la ville faits de colombages et de torchis sont
construits sur pilotis sur la Sauldre.
Les moulins qui sont indispensables à l'économie de la ville représentent une source de
revenus pour ceux qui les possèdent.
Au 16ème siècle, il n'existe pas moins de 6 moulins en activité dans les murs de la ville
: le moulin de la Pelure (en amont), celui des Poulies, des Garçonnets, du quai de l'Ile Marin, du
Chapître et de la Tour Jacquemart.
Les poulies
Dessin d'Ed. Hubert, 1862 - Coll. Musée de Sologne.
Le Gué du Chapitre
Dessin d'Ed. Hubert , 1862 - Coll. Musée de Sologne.
A l'extérieur de la cité, la Sauldre fait fonctionner le moulin Baltems, le moulin Neuf,
celui des Granges, de Longueval, des Gué Raides et celui des Quatre roues.
Ces moulins ne servent pas qu'à la draperie. Il existe aussi des moulins à blé.
La culture de la vigne
La culture de la vigne est effective à Romorantin depuis le XVème siècle. La majorité
des surfaces consacrées à la culture de la vigne se situent au Clou des Foyrests (peut-être au NordOuest du faubourg de Blois).
Le vin coupé avec de l'eau constitue une boisson essentielle au XVIe siècle. Le vin est
commercialisé à Romorantin. Il n'est pas exclus toutefois qu'il s'agisse de vins produits à l'extérieur
des contrées romorantinaises.
En 1518, François 1er
fait venir de Bourgogne probablement des environs de Beaune
80 000 pieds de vigne pour constituer un vignoble royal en direction de Villefranche-sur-Cher pour
la grande partie et pour le surplus en direction de Pruniers.
Le Vicomte de Croy.- Travaux de François Ier en Sologne.In : Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher
29ème volume, 1936.
Les auberges, boutiques et hôtels de la cité
La ville connaît une grande prospérité sous le règne de François 1er.
La Grande-Rue qui traverse Romorantin se caractérise par son dynamisme
économique. Elle est bordée par de nombreuses boutiques et auvents sous lesquels on vend du
seigle, du vin, des poissons, des peaux, des tissus des objets et vêtements de cuir.
Vue d'un des auvents abattu en 1838
Dessin de Clothilde Bérard - Coll. Musée de Sologne.
On observe dans les registres de compte la mention de plusieurs ouvroirs en 15151516, la ville en possédait 13 qu'elle loue à des particuliers et qui se trouvent à proximité de la
porte d'Abas ou de la porte d'Amont. Il est difficile de préciser leur fonction (ouvrage de
couture,broderie).
Les faubourgs abritent vraisemblablement d'autres activités telles que des tavernes et
hôtelleries. Les hôtelleries ou logis accueillent des voyageurs, des personnes de passage telles que
les membres de la Cour.
Hôtel du Gros Cailloux
Dessin d'Edouard Hubert - Coll. Musée de Sologne.
La cour ne séjourne pas dans le château des Valois mais dans les trois principaux hôtels de la ville
: «La tête Noire», le «Cheval Blanc» et «Sainte Barbe».
Les maladies
Au XVIe siècle, la maladie revêt des formes diverses souvent épidémiques.
La peste
Au début du règne de François 1er, la peste fait quelques victimes à Romorantin en
1514 et 1515. L'épidémie réapparaît ponctuellement en avril 1521 où elle est de plus grande
ampleur. La plus meurtrière, celle de 1585, aurait fait environ 4 000 morts.
Inventaire du notaire Le Griffe 1560-1668
Fonds Delaune - Coll. Musée de Sologne.
Lorsque la peste fait irruption, les habitants quittent la ville quand ils le peuvent. Les
autorités locales prennent les mesures sanitaires et d'hygiène nécessaires afin d'éviter la propagation
de la maladie pour conserver un cadre urbain agréable susceptible d' accueillir à tout moment le
souverain et sa famille.
Les rues doivent être nettoyées et les immondices retirés. Les malades sont
isolés en
dehors des murs de la cité. Les maisons porteuses du germe sont vidées nettoyées, obstruées puis
scellées.
A
Romorantin, un sergent de la châtellenie est chargé de sceller les maisons dans
lesquelles le fléau a sévi en 1515.
Comptes de la ville, CC8 f. 14 recto
Archives municipales de Romorantin.
«A jaquet Chauveau sergent de la chastellenie de Romorantin pour sa peine et
sallaire d'avoir vacqué durant le cours du danger de les peste qui a eu cours au dit
lieu de Romorantin es maison où estoit ledit danger pour les envoier et mectre hors
desdites maisons les mallades et pour faire les commandemens aux personnes que
estaient esdites maisons d'eulx en aller hors dicelles et pour fermer et seller les huys
desdites maisons […].
La ville apporte des soins aux malades. Elle se charge aussi d'enterrer les plus pauvres
à l'extérieur de la ville tel que l'atteste ce document d'archive qui date de 1516 mais concerne la
peste de 1515.
Comptes de la ville, CC8 f. 15v
Archives municipales de Romorantin.
«Plus a baillé ledit procureur par l'ordonnance et commandement que dessus la
somme de sept solz six deniers tournois pour faire enterrer une pouvre femme qui
meurt en la maison de feu Jehan Flemoy dit quircy laquelle meurt de danger de peste
[…].
La lèpre
Jehan Boullaye : un cas de lèpre à Romorantin ?
En 1516 ou 1517, les autorités de la ville et de la généralité d'Orléans enquêtent sur le
cas de Jehan Boullaye qui est soupçonné d'avoir contracté la lèpre.
Comptes de la ville, CC8 f. 63 recto
Archives municipales de Romorantin.
«Mise extra ordinaire faicte parledict procureur en l'an de ce présent compte par
l'ordonnance et commandement des quatre esleuz au gouvernement de ladicte ville,
pour faire approuvez ung nommé Jehan Boullaye laboureur de braz demourans en
ladicte ville de Romorantin qui estoit sarsonne de la malladie de leppre».
Dans un premier rapport dressé par un greffier de la châtellenie de Romorantin, Jehan
Boullaye est déclaré bel et bien atteint de la lèpre.
Comptes de la ville, CC8 f. 63 recto
Archives municipales de Romorantin.
«Audict Phelippon Bezart barbier et cirurgien la somme de quarente solz tournois
tant pour sa peine sallaire et vacacions d'avoir vacqué avec de dedict Brachet,
Jacques Thuzeau et Georges Billart barbiers cirugiens qui ont affirmé que ledict
Boullaye estoit mallade de la dicte malladie […].
Dans un deuxième temps, deux praticiens d'Orléans sont envoyés à Romorantin afin
d'étudier le cas de Jehan Boullaye. Après examen de celui-ci, ils constatent qu'il n'a pas contracté
la lèpre : «[...] ledict Boullaye estoit sain et non entaché de ladicte maladie […]. CC8 f. 63 v.
La maladrerie de Saint-Ladre (ou St-Lazarre)
La propagation de la lèpre en Europe, suite aux croisades, nécessite la création
d'établissements de charité et de salubrité destinés à recevoir et à isoler du reste de la population les
malades atteints de la lèpre.
C'est
ainsi qu'au XIIème siècle, principalement, on crée ces établissements dits
maladreries ou léproseries.
Dans le comté de Blois, chaque châtellenie a sa maladrerie. Celle de Romorantin est
fondée au milieu de XIIème siècle. Elle est située Faubourg de Blois. Elle a sa chapelle Saint-Ladre
ou Saint-Lazare près d'une fontaine du même nom.
Elle est désinfectée en 1675 et rattachée à l'Hôtel-Dieu de Romorantin.
Les entrées royales
La famille royale est très attachée à la ville de Romorantin. Claude de France y est
née en 1499, Louise de Savoie possède ce fief au même titre que son fils. D'ailleurs, elle entretient
un lien très particulier avec la ville. Romorantin est considérée comme une «bonne ville» et à ce
titre elle bénéficie d'exemptions fiscales qui permettent à la ville de se développer au début du XVe
siècle.
Romorantin
accueille à plusieurs reprises le couple royal et sa cour :
30 juin 1515 François 1er est reçu par sa mère Louise de Savoie,
En mars 1516 la reine Claude de France entre à Romorantin,
En janvier 1517 le couple souverain, la cour, Léonard de Vinci et
Francesco Melzi entrent dans la ville,
En décembre 1520 François 1er vient fêter Noël à Romorantin suite à
l'accident du tison le 6 janvier 1521. Son séjour se prolonge jusqu'en avril
1521.
L'entrée d'un souverain ou d'un membre de sa famille demande des préparations. Tout
est programmé et correctement orchestré. Le roi et la reine doivent être reçus dans les meilleures
conditions. Les autorités locales veillent à la propreté des lieux. Les manoeuvres sont chargés de
nettoyer les rues, les ponts, de curer les fossés du château. Les immondices doivent disparaître.
En 1559 (14 novembre) une ordonnance stipule que les habitants doivent veiller à la
propreté de la ville. En cas de non respect de celle-ci, les Romorantinais encourent une amende de
50 sols voire la prison. L'ordonnance prévoit que les rues doivent être sablées à cause du gel et de
la neige.
En plus, les autorités locales doivent s'assurer qu'aucune maison ne porte les germes de
la peste. Il s'agit de mesures sanitaires afin d'éviter que le couple royal ne soit contaminé. On bloque
l'accès aux maisons contaminées.
Les autorités locales envoient des coursiers devant le roi pour obtenir des informations
sur la progression de François 1er en route vers Romorantin.
Comptes de la ville, CC7 f. 85 verso
Archives municipales de Romorantin.
«A Robinet Picault […] a esté de ceste ville au dit lieu de Billy a cource de cheval
pour savoir de la venue du Roy nostre sire […].
La cité offre du vin à François 1er et sa cour.
Comptes de la ville, CC7 f. 85 recto
Archives municipales de Romorantin.
«A Guillaume Bedague la somme de cinq solz tournois et pour une journée de son
cheval pour aller de ceste ville à Billy porter du vin à la venue du Roy nostre sire».
Les dépenses pour les entrées royales sont à la charge de la ville. Elles représentent un
coût pour celle-ci mais c'est un moyen pour la cité d'affirmer sa puissance par rapport aux autres
villes du royaume . Les autorités locales n'hésitent pas à faire des dépenses importantes pour
préparer les entrées royales.
Pour l'entrée de la reine Claude de France en mars 1516, la ville achète de somptueux
tissus pour la fabrication d'un dais.
Exemple : - 10 aulnes de frange de soie pour concevoir un ciel (dais).
- 12 aulnes de damas noir et tannées.
- Achat d'une livre et demie de soie filée blanche et tannée pour
concevoir les franges du ciel.
Comptes de la ville, CC8 f. 78 verso
Archives municipales de Romorantin.
«A Monseigneur l'argentier Allard demourant à Blois la somme de trente huit livres
tournoys pour l'achapt de douze aulnes de damas noir blanc et tanné qui ont estés
achetées dudict Allard par Pierre Leclerc l'un desdicts quatre et ledict procureur par
l'ordonnance des troys autres esleuz au gouvernement de ladicte ville et de plusieurs
audicts gens de bien dicelle pour faire le siel pour mectre sur la dicte Dame à sa
dicte entrée [...].
Le choix des couleurs n'est pas le fruit du hasard. Ainsi le blanc et le noir représentent
les couleurs de la maison de Bretagne. Chaque couleur a une portée symbolique. Le rouge
symbolise le pouvoir, la puissance royale, le blanc la pureté et le jaune évoque la salamandre,
l'emblème des Valois. La plupart des tissus précieux tels la soie, le damas ou le taffetas sont achetés
à Blois ou à Amboise. En effet, Romorantin est spécialisée dans la fabrication des draps de laine.
Les tissus achetés à Blois ou à Amboise sont travaillés sur place. Les entrées royales
sont aussi l'occasion de dynamiser l'économie locale puisqu'elles permettent de faire travailler les
artisans.
Exemple : - Les fourriers sont chargés d'aménager les appartements du
souverain.
- Le menuisier est responsable de la conception d'un châssis en
bois pour le ciel en tissu.
- Le cierger fabrique 12 torches pour l'entrée de la reine Claude
de France.
Comptes de la ville, CC8 f. 79 verso
Archives municipales de Romorantin.
«A Phelippon Pineau la somme de trente six solz tournois pour douze torches qu'il a
baillées en l'entrée de ladicte Dame[...].
Les rois et les reines, lors de leurs entrées en ville, recoivent des présents de la part de
la population (pain, raisin,...).
Comptes de la ville, CC8 f. 80 recto
Archives municipales de Romorantin.
«Pour l'achapt de raisins cuiz qui ont esté donnez et présentez à ma Dame mère du Roy à ladicte
joieuse entrée de ladicte Royne nostre souveraine Dame qu'elle fist audict lieu de Romorantin[...].
Les processions en l'honneur de la famille
royale
Les comptes de la ville des années 1515 à 1519 livrent des informations au sujet des
processions.
Les cortèges liturgiques des clercs et laïcs suivant un itinéraire bien établi. Ils sont
organisés pour célébrer certaines fêtes de l'année liturgique (le Saint-Sacrement, le jour de la Fête
Dieu).
Mais
il est intéressant de constater que la famille royale fait aussi l'objet de
processions.
Les Romorantinais défilent silencieusement dans les rues de la cité en priant Dieu pour
la santé et prospérité de la famille royale ou bien pour l'âme d'un souverain défunt. A l'occasion de
la mort de Louis XII en 1515, une procession est organisée à Romorantin pour le salut de son âme
comme le mentionne un extrait de paiement à Phelippon Pineau cierger.
Comptes de la ville, CC7 f. 68 recto
Archives municipales de Romorantin.
[…] A Prudhomme Pineau la somme de vingt solz tournois pour quatre torches qu'il
a baillé pour porter à la procession le jour et feste du trespas nostre seigneur par
l'ordonnance desdicts quatre esleuz au gouvernement de ladicte ville de Romorantin
ainsi par quictance cy rendue dactée le III jour de juillet mil cinq cens XV.[...]
En
avril ou mai 1515, le roi, la reine et Madame ont bénéficié également d'une
procession comme le mentionne un extrait de paiement à l'apothicaire Jehan Malier pour la
fabrication de torches.
Comptes de la ville, CC7 f. 66 verso
Archives municipales de Romorantin.
[...]A Jehan Malier apothicaire le quatorzième jour de may 1515 la somme de
quatorze solz tournoys pour quatre torches portées à la procession faite en l'honneur
de dieu pour prospérité du Roy nostre sire, la Royne, Madame, et tout leur bon
conseil, qui leur a pleu de leur grâce tenir en liberté et franchise des tailles la dicte
ville de Romorantin, et pour plusieurs autres bienfaitz[...]
Il est précisé que la cité remercie les souverains pour l'exemption de la taille et autres
bienfaits réalisés à l'encontre des habitants de la ville.
Le roi bénéficie d'une procession comme le rapporte l'extrait de comptes daté de 1522.
Jehan Pineau torcher (ou cierger) reçoit 64 sols tournois pour quatre torches qu'il a réalisées pour
les processions en l'honneur du roi.
Culte, GG 82
Archives municipales de Romorantin.
[...]Fait pour Jehan Pyneau torcher demourant a Romorantin a confessé et confesse
avoir receu de jehan Allaut procureur et receveur des manans et habitants de
Romorantin la somme de soixante quatre sols tournois pour quatre torches par luy
faictes fourny de cire et bastons pour conclure par chacun jour de la procession qui
se feroit pour le Roy nostre Sire en cette ville de Romorantin[...]
Plusieurs processions sont organisées pour le roi après l'accident du tison. Gravement
blessé à la tête, le clergé et les autres habitants de la ville espèrent sans doute une intervention
divine.
La cour à Romorantin
Un certain nombre de témoignages recueillis dans les archives municipales nous
offrent une multitude d'informations sur le passage de la cour qui peut se montrer envahissante. La
cour est présente à Romorantin de décembre 1520 à avril 1521. Une galerie de portraits est
accessible ici
A cette occasion, les marchands se plaignent de son passage. En effet, les membres de
la cour s'octroient le droit de ne pas payer la taxe du huitième sur le vin.
On apprend grâce à un témoignage de Jehanne veuve Estienne Allard ou Allant, que
son hôtellerie de la «Tête Noire» loge les gens et serviteurs de monsieur l'Amiral de Bonnivet. La
suite de celui-ci occupe intégralement l'hôtellerie en s'attribuant les vivres. Jehanne se plaint aussi
de leur comportement.
Comptes de la Ville, CC48
Archives municipales de Romorantin.
[…] Jehanne veusve Estienne Allaut (ou Allant) marchand demourant à Romorantin
et agee de trente ans environ tesmoing produict jure ce jourduy en la presence dudict
demandeur et en labsence dudict deffenseur et ad...? inthimez pour ce bien faire à
chacun ? par Hervé Hodoire sergent de la chastellenie de Romorantin [commecte] à
tesmoingue de une voix enquise ouyt et examinée par nous commissaires et [adv...]
dessusdictes sur les III, IV, V, VIII et Xe article des deffenses dudit deffendeur sur
lesquelz elle est produicte à tesmoing dict et afferme par son […] par elle faict aux
saincts evangilles de Dieu en la maniere et coustume que troys ans aura environ la
feste de noel le roy la royne madame et les officiers diceulx vindrent en ceste ville de
Romorantin et fistrent residence jusques environ Pasques des plaintes durant lequel
temps elle dict que elle qui despose tenant hostellerie sans recevoir gens allans et
venans ainsi quelle avoit acoustumé pour ce qu'elle dict que en la maison en laquelle
elle tenoit hostellerie auparavant ladite veuve estoient logez les gens et serviteurs de
monseigneur ladmiral qui tenoient entierement les logis et y prenoient leurs vivres en
gros et moyen destail quant à la vente du vin tellement que les fermiers du huitiesme
nen avoit ou parcevoit aucun proffit et nen est apres aucune chose depuis ledit temps
de Noël jusques audit temps de Pasques [...]
Denise veuve de Jullien Fougère propriétaire du logis du «Cheval Blanc» parle d'une
multitude de monde. En effet, la ville qui compte environ 4 000 habitants peut atteindre jusqu'à
5000 personnes lorsque la cour est présente.
D'après un autre témoignage celui de Jehan Lefèvre, un marchand à Romorantin, nous
apprenons que les membres de la cour s'approprient les lieux. En effet, ils refusent que d'autres
personnes viennent boire,manger et se loger dans les hôtels. Ce même Jehan Lefèvre parle d'une
cour importante. «[...] tellement que pour l'affluence du monde et que la ville est petite et les loges
serrez..[...].
Comptes de la Ville, CC 48
Archives municipales de Romorantin.
[...] Honneste homme Jehan Lefevre marchant demourant à Romorantin dage de
quarente ans ou environ tesmoing produict jure en labsence desdicts demandeurs et
[...] inthumez par jehan Brossier agnet enqueus sur lesdits articles dicts et depose
par son serment par luy faict que deux ans a euz environ travesne prenant dernier
passe ou environ ledit temps que le Roy Royne et madame et les officiers et
serviteurs ordonnes vindrent en ceste ville de Romorantin et y feisdrent residence
jusques la feste de Pasques tellement que pour laffluence du monde qui y estoit et que
la ville est petite et les loges serrez les hostelleryes estoient plaines de gens de court
tellement que les princes quy estoient logez esdictes hostelleryes ou leurs maistres
dostelz ne voulloient permectre ou souffrir que aucune de la ville ou d'autres pays
vienasse boire et manger esdites tavernes et hostelleryes [...].
L'invitation de François 1er et de Louise de
Savoie
Le 25 janvier 1515, François 1er est sacré roi à Reims.
Extrait du journal de Louise de Savoie, éd. du 18ème
Fonds E. Martin - Coll. Musée de Sologne.
Le 30 juin 1515, François 1er arrive à Romorantin et repart le 4 juillet pour Lyon.
Extrait du journal de Louise de Savoie, éd. du 18ème
Fonds E. Martin - Coll. Musée de Sologne.
Le 30 juillet 1515, François 1er part en Italie à la conquête du duché de Milan pour
faire valoir les droits hériditaires.
Extrait du journal de Louise de Savoie, éd. du 18ème
Fonds E. Martin - Coll. Musée de Sologne.
Les 13 et 14 septembre bataille de Marignan et victoire de François 1er.
François 1er et Louise de Savoie invitent Léonard de Vinci.
Le 14 mars 1516, la lettre de Bonnivet est remise à l'ambassadeur de France à Rome.
Extrait de la lettre de Guillaume Gouffier de Bonnivet, amiral de France.
In : PEDRETTI (Carlo) . - Léonard de Vinci et la France . - Campi Bisenzio : Ed. Cartei et Bianchi, 2009.
[...]les casolettes et parmefuns que m'avez promis. Et aussi vous prie de sollicitez maître Léonard
pour le faire venir par devers le Roy, car ledit seigneur l'actend à une grande dévotion, et l'asseure
hardyment qui sera le bienvenu tant du Roy que de Madame sa mère.[...].
Guillaume Gouffier de Bonnivet, Amiral de France
Portrait de Jean Clouet, Fonds E. Martin - Coll. Musée de Sologne.
Les travaux à Romorantin
Dès Charles VIII, et plus particulièrement Louis XII, des travaux sont menés à
Romorantin. Sous le règne de François 1er, ces travaux prennent une ampleur considérable non
seulement à Romorantin mais aussi dans toutes les villes de son Royaume. En effet, le roi souhaite
que ces dernières soient dotées de fortifications afin qu'elles puissent résister face à d'éventuelles
invasions des Anglais ou des troupes de son grand rival Charles Quint. En plus de la défense,
François 1er désire probablement que les villes de son Royaume rivalisent de prestige et de beauté
avec celles du duché de Milan conquis en 1515.
Afin de trouver les ressources financières pour la réalisation de ses projets, François
1er décide une série d'exemptions fiscales dans les grandes villes du Royaume. Bien que moyenne
de par sa taille, Romorantin (environ 5000 habitants) bénéficie également de ces mesures. Ainsi,
une partie des impôts prélevés servent à financer ces travaux.
En ce qui concerne la main-d'oeuvre, François 1er la trouve autant que faire ce peut
parmi la population romorantinaise. Ainsi, chaque Romorantinais doit aider à la bonne conduite du
projet. Les artisans de la ville, qu'ils exercent ou non un métier dans la construction, se doivent
d'oeuvrer d'une manière ou d'une autre pour la cité. Seuls le clergé et la noblesse échappent à cette
tâche.
Quant aux matériaux, François 1er suit le même principe que pour la main-d'oeuvre.
Les matières premières sont le plus souvent possible extraites des carrières les plus proches. Tout ce
qui ne peut être trouvé localement est acheminé de lieux plus lointains, ce qui rend le coût des
travaux inévitablement plus importants.
Les fortifications
Charles
VIII décide d'agrandir la ville de Romorantin vers le Nord en 1492. De
nouvelles portes et murailles sont nécessaires. Les travaux s'étalent sur plus de 30 ans, si bien que 3
rois (Charles VIII, Louis XII et François 1er) accordent la ville plusieurs types d'exemptions
fiscales afin de pouvoir les bâtir. Une de ces taxes consiste à prélever un huitième sur le prix du vin.
François Ier attribue une aide supplémentaire : il autorise les autorités locales à prélever sur la
gabelle, taxe sur le sel qui revient normalement à la monarchie, une partie de celle-ci (quatre livres
tournois par muid de sel) pour la construction de cette nouvelle enceinte dont on sait qu'elle fait
près de 4 mètres de haut pour 1m30 d'épaisseur. Elle est achevée entre 1536 et 1540. Plusieurs tours
furent également édifiées :
1504
Tours Millon
1538
Tour de la porte aux Dames
La Porte aux Dames, fin 19ème
Coll. Musée de Sologne, I/1 - c2
Les matériaux utilisés pour la construction de ces fortifications sont constitués à partir
de la démolition des anciennes murailles ou des carrières de silex (têtes de chat) proches de
Romorantin, notamment celle de Longueval. Ces pierres sont également utilisées pour le pavage des
routes. Les pierres de taille, pour la partie haute de l'enceinte, proviennent d'une carrière appartenant
à la ville située à Chémery. De nombreuses traces de ces travaux se trouvent dans les archives de la
ville (comptes de la ville précisément). Ces documents nous donnent de précieux renseignements
sur l'histoire de Romorantin.
Le pavage et le terrassement dans la cité
Grâce aux registres mentionnés ci-dessus, on sait qu'il y a une opération de pavage des
rues de grande envergure de 1516 à 1576, avec une effervescence particulière au début du règne de
François Ier. Les ouvriers et habitants de la ville sont payés après avoir effectué les travaux.
Cependant, une chronologie exacte est difficile à établir puisque les dates des travaux n'y sont pas
mentionnées avec exactitude.
Cadastre de la ville de Romorantin, 1827-1828
Archives municipales.
Voici le tableau des travaux de pavage :
Numéro
de feuillet
Lieux de pavage
CC8.23R - Rue du Carroir Bonneau à Saint-Ladre.
- Rue de l'Hôtel-Dieu à la porte Brault.
Repères chronologiques éventuels
Du 1er janvier 1515 et le 31
décembre 1516.
CC8.35V - De la porte Brault à la rue des Gueneaux.
- De la rue des Gueneaux à Saint-Ladre.
CC8.37V - Du carroir Bruneau à Saint-Ladre.
CC8.38R - De la porte Brault et la rue des Gueneaux
jusqu'au tertre du bourg Pailleux.
CC8.38V - Rue des Gueneaux.
CC8.42R - Du pont au Loup et Monceau.
Commencé le 21 juillet 1516.
CC8.45R - Du pont au Loup et Monceau.
Le paveur Guillaume Gallienne avait réalisé 393
toises de pavés (786 m).
CC8.45V - Du Bourgeau à la maison Jacquet de la Marche.
Le paveur Guillaume Gallienne avait réalisé 30
toises de pavés (60 m).
CC8.47V - Rue de Monceau.
CC8.59R - Terrassement du chemin allant du pont au Loup Pour la venue de la cour le jour de
et 59V
à la grange du château de Romorantin passant par la fête des rois en 1516.
les vignes de Fredure le long du chemin qui va de
Monceaux à la grange et à travers les vergers pour
faciliter le passage de la cour en provenance
d'Amboise (route d'Amboise).
- Rues de Monceaux et des Gueneaux.
CC8.107R - Transport des pierres de Longueval au lieu des
Granges (terrassement sans doute).
CC8.110R - Transport des pierres de Longueval au lieu de
Tournefeuille (terrassement sans doute).
CC8.113R - De la rue Monceau au verger de Madame à la Du 15 octobre à la fin de l'année.
maison de feu Godard.
144 toises de pavage réalisé.
CC11.20R - Achèvement des travaux de la rue allant de Entre le 1er janvier 1517 et le 31
Romorantin à Monceau.
décembre 1518.
CC11.24
V
- Pavage de la rue pour se rendre à Monceau.
Jehan Chaillou et Guillaume Gallienne sont
paveurs.
Ils réalisent 649 toises de pavés (environ 1300 m).
CC11.25R - Pavage à proximité de la Sauldre près du Dépenses du 1er mai au 5 octobre
château de Romorantin (à l'emplacement de la 1517 ou 1518.
maison de Robinet Ledet).
CC11.25R - Pavage du moulin de la tour Jacquemart jusqu'à
la maison du grenetier (André Courieu).
Pavage du carroir du château de Romorantin le
long de l'église jusqu'à la maison de Jehan de
Longsillon.
CC11.25R - Pavage du pont du Bourgeau et pavage de la
barrière du pont de pierres de Romorantin au
pont-levis.
679 toises de pavés (1340 m).
CC11.76R - De la petite bonde de l'étang de la ville à la
maison de Jjacques Bonay, de la rue des Vilains
et rue des Fromages.
CC11.81
V
De la petite bonde de l'étang de la ville à la
maison de Jehan Basmeu et la maison de Jehan
Labrosse au vieux marché de Romorantin.
Collas Lancion, paveur à Romorantin.
CC11.81
V
- Pavage des rues de la Foucardrye et les
Fromages.
Jehan Chaillou, paveur de Vienne-lès-Blois.
CC11.84R Pavage de la croix Beaufils
CC11.87
V
Pavage de la croix Beaufils à la justice de
Romorantin.
Collas Lancion, paveur à Romorantin.
CC11.88
V
Pavage de la rue du Paradis au pignon de la
maison.
Du 27 juin au 29 septembre 1518.
CC11.90R Dépenses pour transporter les matériaux pour le
pavage sur la chaussée de l'étang de la ville.
CC11.94R Pavage de l'étang de Romorantin.
et 94V
Collas Lancion et Jehan de la Planche réalisèrent
310 toises de pavés (environ 620 m).
Total des toises de pavage réalisé par les paveurs :
4310 m
Les travaux sont réalisés principalement avec des «têtes de chat» provenant de la
perrière de Longueval dont le propriétaire s'appelle, semble-t-il, François le Piffre.
«A François le Piffre le Jeune pour 80 tombereaux de pierres et de cailloux pris à la carrière de
Longueval pour le pavage de la rue de Monceaux, …»
Les transports des matériaux entre les différents lieux de la ville se font en charrette à un ou deux
chevaux.
Le terrassement du site du projet
Le site compris entre la Nasse et le château de Louise de Savoie abrite un terre-plein
de plusieurs mètres de hauteur conçu avec des têtes de chat, de la terre et aussi des pierres calcaires
que la ville fait acheminer de Chémery ou de Mer-en-Beauce. La ville possède aussi à Billy (15 km
de Romorantin) une carrière de pierres calcaires. C'est précisément à cet endroit que le projet de
palais et de ville idéale aurait dû se trouver, au lieu-dit «Le Grand Mousseau».
Cadastre de la ville de Romorantin, 1827-1828
Archives municipales.
Le parcours de Melzi
Un feuillet du codex Arundel fol. 263 r, portant l'écriture de Francesco de Melzi, le
jeune aristocrate milanais apprenti de Léonard, correspond à une prise de mesures sur la route
d'Orléans traversant la ville de Romoratin (du Carrefour St-Jean à la Porte de la Montre). Seules
deux villes ont été mesurées ainsi : Imola et Milan.
La direction Nord va vers la route de la Forêt, c'est le chemin pour aller à Bruadan.
Cadastre de Romorantin, 1827-1828
Archives municipales.
A
chaque changement de direction, Melzi indique le cap de la boussole. A l'époque,
les directions sont indiquées grâce aux heures et aux vents et non par les points cardinaux.
Transcription/traduction
Codex Arundel, fol, 263 v
Route d'Orléans
A la quatrième de midi vers le sirocco
A la troisième de midi vers le sirocco
A la quatrième de midi vers le sirocco
A la cinquième de midi vers le sirocco
Entre lybeccio et le midi
Au levant participant du midi
Du mitant du jour vers le levant 1/8
Ensuite vers le ponant
Entre midi et lybeccio
Au milieu du /
Les projets du palais
C’est en 1972, dans un ouvrage intitulé «The Royal Palace of Romorantin» que le
professeur Carlo Pedretti dévoile les plans d’une résidence royale élaborés par Léonard de Vinci
pour le compte de François 1er (couverture du livre). Léonard est l’homme providentiel car il a
déjà conçu des plans de villes idéales pour les Sforza de Milan et les Médicis de Florence.
Avec la Renaissance se développe une ample réflexion sur la cité idéale, qui fait de la ville, en tant que telle, un
objet de l’art. Inauguré par le traité d’Alberti De reaedificatoria, écrit entre 1444 et 1472 et publié en 1485, ce
courant s’intéresse avant tout à l’architecture civile, considérant la cité, à la fois ville et société, comme une
totalité organique dans laquelle "les proportions doivent régner sur les parties, afin qu’elles aient l’apparence
d’un corps entier et parfait et non celle de membres disjoints et inachevés". L’un des premiers projets de cité est
celui qu’élabore Filarete, de 1457 à 1464, pour son protecteur Francesco Sforza. Au tournant du XVe et du
XVIesiècle, Léonard de Vinci imagine des formes d’urbanisme novatrices, qui traduisent un souci d’ordre et
d’hygiène.
C'est le domaine militaire, avec la construction de places fortes, qui donnera l’occasion de transformer ces
projets en réalités, l’exemple le plus fameux étant celui de Palma Nova, construction décidée en 1593 par le
Sénat de Venise pour protéger la frontière orientale de la Sérénissime.
Le
projet de Léonard est complexe puisqu’il inclut un palais sur l’eau, une
infrastructure moderne avec des écuries, un quartier bâti de toutes pièces pour loger la cour, un
pavillon de chasse, un réseau de canaux et des moulins.
Les sources concernant le projet de Romorantin proviennent principalement de deux
manuscrits de Léonard : le codex Atlanticus et le codex Arundel.
Les codex
Les notes de Léonard de Vinci ont été rassemblées dans des codex (un codex est un
manuscrit ancien avec des feuillets reliés). Certains codex sont exposés dans des musées en
Italie, au Royaume-Uni, en France, en Espagne et au Vatican.
Elles montrent également des contradictions évidentes : Léonard ne s’est pas arrêté
sur un projet fixe. Grâce à certaines archives et certains toponymes tels que «Mousseau, Fosse aux
Lions, le Grand Jardin», Carlo Pedretti a pu localiser le palais neuf sur un terrain entre la Nasse et
le vieux château.
Le palais apparaît comme un quadrilatère doté de tours d’angle et d’une avant-cour
flanquée d’écuries. La cour est ornée de deux fontaines. Une volée de marches descendent vers la
rivière sur laquelle donne la façade. Le bord de la rivière aménagé en gradins est destiné à
accueillir les spectateurs des joutes nautiques.
Codex Atlanticus, Ms. f. 209 recto
Deux
dessins dans les codex Arundel et Atlanticus évoquent des projets assez
différents où les deux rives de la Sauldre canalisée sont aménagées.
Le premier avec le palais réservé à la cour sur la rive Nord et les écuries sur la sur la
rive Sud.
Les écuries de Viggevano.
Fac-simile du codex B
Coll. Du CESR, Université de Tours.
Certains croquis suggèrent que les écuries sont extrêmement sophistiquées avec leurs mangeoires et leurs
systèmes automatiques de nettoyage. L'hygiène est au coeur des préoccupations de Léonard à une époque où
des épidémies peuvent surgir avec une brutalité rare.
Le second prévoit des palais jumeaux de part et d’autre de la rivière prolongés de leurs
quartiers.
Codex Atlanticus, f. 583 recto
L'idée
que se fait Carlo Pedretti du projet de François 1er en Sologne semble
magnifiquement cohérent et articulé. Pourtant, les conclusions de l’historien italien furent remises
en question deux ans plus tard par son collègue Jean Guillaume dans un article de la Revue de
l’Art. Carlo Pedretti émet l'hypothèse de l'existence d'un pavillon de chasse dans les dessins de
Léonard de Vinci.
Codex Arundel, f. 263 verso
Les nouvelles découvertes
A partir de certains documents, le plan du 18ème des Archives Nationales fait apparaître
la vieille forteresse médiévale ainsi que son extension elle-même prolongée d’un grand parc.
Plan aquarellé du château de Romorantin, 18ème siècle
Archives Nationales.
Deux
autres documents, lettres de 1545 adressées au duc de Ferrare nous permet
d'apprendre que François 1er «a amour de ce lieu parce qu'il a été acheté par sa mère d'heureuse
mémoire avec l'argent de sa dote».
D’autre
part, nous apprenons qu’il y a en fait deux
châteaux, l’un où
réside le roi et sa suite et l’autre où loge la reine
de Navarre. La résidence est plus une villa qu’un château. Le grand
jardin qui la prolonge est décrit comme très plaisant et cerné d’un mur
de briques. Un de ces murs a survécu jusqu’à aujourd’hui le long du
lieu-dit la «Fosse aux lions».
Cadastre de Romorantin, 1827-1828
Archives municipales.
D’après un relevé du cadastre du 19ème siècle, le toponyme «Le Grand Jardin» subsiste
encore aujourd’hui sur une parcelle allant de la Sauldre à la Nasse.
Cadastre de Romorantin, 1827-1828
Archives municipales.
C’est sur cet espace que le projet Léonardien aurait dû être localisé. D’après Pascal
Brioist, «La parcelle est dimensionnée exactement pour s'insérer dans l'espace compris entre la
fosse aux lions où ont lieu des combats d’animaux et le lieu-dit le «Grand Mousseau».
D’après les comptes de la ville de 1516 à 1519, on apprend que les travaux auraient
commencé avant la venue de Léonard et qu’entre 1517 et 1519 ils auraient continué de manière
intensive. Il s’agit essentiellement de travaux de pavage et de terrassement en vue de pouvoir
transporter et stocker les matières premières au lieu présumé de construction. Voici la
retranscription d'un extrait des Comptes de la Ville CC 8 f. 59 verso en guise d'exemple :
ledict procureur a paié et baillé la somme
de huit livres sept solz six deniers tournois
pour soixante sept journées de maneuvres
qu’ils ont vacquées à faire le chemyn depuis
le pont au loup jusques à la grange
du chastel dudict lieu de Romorantin par audedans
des vignes de fredure le long du
chemyn à aller de Monceaulx à ladicte
grange au long dedict chemin
Les
encore
Lions
Têtes de chat, Romorantin
Cliché Musée de Sologne.
matériaux utilisés pour ces travaux sont trouvés
localement, silex de Longueval et sable extrait de divers
endroits et entreposés à Tournefeuille. On observe
aujourd’hui entre la Nasse et le parking de la Fosse aux
des traces de cette levée proche de l’ancienne maternité.
Afin
de réaliser tous ces travaux, la monarchie veille de près à la défense de ses
intérêts. Le grenetier royal est chargé de collecter l’argent à travers différentes taxes. Le pavage des
routes et les travaux de terrassement sont à la charge de la ville.
La tradition orale veut que le projet ait été abandonné à cause d’une épidémie mais les
archives municipales apportent un sérieux démenti à cette rumeur légendaire. En effet, aucune
grosse épidémie n'a laissé de traces dans les archives de la ville pour les années 1518 à 1520. Or, en
1516 une épidémie de ce genre a donné lieu à des allusions précises dans les comptes de la ville.
Il y a eu une épidémie de peste dévastatrice en 1585 due à l’assèchement d’un étang proche de la
ville. Celle-ci aurait fait plus de 4 000 morts.
D’après Pascal Brioist, il semble qu’au fil du temps on ait fini par associer à tort cette catastrophe
tardive à l’abandon du projet du palais.
Le pavillon octogonal
Le codex Arundel fait apparaître un édifice octogonal que l'on peut interpréter comme
un temple ou bien comme un pavillon de chasse.
Plan octogonal à plan centré relatif à Romorantin
Codex Arundel, f. 270 verso.
Pavillon de chasse
Maquette réalisée par J-.L. Pironio et Musée de Sologne
Le codex Atlanticus en propose même une vue en élévation partielle et montre une
façade d'ordre géant ornée de grandes fenêtres.
Windsor, Royal Library, Ms. 12292
L'existence de la forêt de Bruandan à 10 km
au Nord de la ville aménagée dès 1520
avec des chemins en étoiles et celle d'une croisée de 8 sentiers de chasse confère une certaine
plausibilité à l'hypothèse du pavillon de chasse.
Il est certes
surprenant d'émettre une telle hypothèse mais il faut savoir que François
1er fait édifier en pleine forêt de Saint-Germain-en-Laye un pavillon semblable (démoli en 1665),
En plus, le nom de certaines allées (Allée du Roi, Allée de la Reine...)laissent penser qu'il y a de la
part de la cour un certain intérêt pour ce lieu.
Carte de gruage
Coll. Musée de Sologne.
Les canaux
En plus de construire un ensemble palatial, Léonard de Vinci souhaite faire respirer
économiquement la ville grâce à un réseau de canaux la désenclavant. Son intérêt pour
l’hydraulique est bien connu. D'ailleurs l’histoire a commencé en Italie où il a travaillé sur
plusieurs projets de ce type.
En
1518, François 1er alloue «4000 livres pour rendre la rivière navigable depuis
Romorantin jusqu’au lieu où elle tombe en la rivière du Cher».
Au moment où Léonard arrive dans le royaume de France, la navigation fluviale n’est
guère élaborée. C’est alors que germe l’idée séduisante de réaliser des canaux à l’intérieur des
frontières françaises pour relier la Méditerranée à l’Atlantique (moyen le moins onéreux) pour le
transport de marchandises entre ces deux points.
L’essentiel de ce que nous savons des projets de canaux de Léonard à Romorantin tient
en fait sur deux feuillets, d'une part le folio 920 r (ex.: 336 v.b.) du codex Atlanticus, d’autre part le
folio 270 v du codex Arundel.
D’après deux schémas de la page du codex Atlanticus nous savons que Léonard de
Vinci envisage aux moins trois projets :
Codex Atlanticus, f. 336 v-b (920 recto)
- L’un très limité de 3 ou 4 km rattachant depuis le village du Pont-de-Sauldre la Sauldre au Cher
(proche de Selles). Ce canal peut déboucher sur le pont en aval du pont de Selles-sur-Cher alors
difficile à passer en raison de ses moulins.
Codex Atlanticus, f. 336 v-b (920 recto)
- Dans son 2ème projet, Léonard de Vinci souhaite relier le Cher à la Sauldre par un canal joignant
Villefranche à un point situé en amont de Romorantin en utilisant le tracé d'un petit ruisseau
existant : le Mabon. (Possiblité de consulter le site www.geoportail.fr).
Le rio Mabon
Cliché Musée de Sologne.
- Le 3ème projet s’avère plus mystérieux puisque Léonard de Vinci veut relier la Loire
à hauteur de Blois en direction de Briare grâce à la Sauldre canalisée. L’idée de l’ingénieur est de
raccourcir le chemin fluvial entre Briare et Blois en coupant au-dessus des collines du Sancerrois le
large coude de la Loire grâce à une Sauldre canalisée. Par contre, Léonard de Vinci ne précise pas
comment rendre la Loire navigable jusqu’à Lyon.
Léonard se heurte à des problèmes techniques importants tels que le niveau de l’eau et la
dénivellation.
Codex Atlanticus, f. 336 v-b (920 recto)
Dans le folio 270 v du codex Arundel, Léonard modifie le deuxième projet du codex
Atlanticus et fait apparaître le Beuvron qu’il voudrait voir détourné vers la Sauldre pour rendre les
terres plus fertiles.
«Si la rivière m n (le Beuvron), un affluent de la Loire, était dérivée vers la rivière de Romorantin
[la Sauldre] , ses eaux boueuses enrichiraient les terres qu'elles irrigueraient et rendraient le pays
fertile, de telle sorte qu'il fournirait de quoi nourrir ses habitants tout en servant de canal navigable
propice au commerce.»
En plus, Léonard suggère de déplacer les habitants et leur maison de Villefranche à
Romorantin : «La rivière de Villefranche pourra être conduite à Romorantin ainsi que les personnes
qui vivent là et le bois de charpente qui forme leurs maisons pourra être transporté par péniches à
Romorantin, et le niveau de la rivière pourra être élevé grâce à des écluses de telle sorte que l'eau
sera conduite à Romorantin en pente douce».
Il pense aussi fournir de l’énergie hydraulique grâce aux écluses. «On peut amener l'eau
en surplomb de Romorantin de telle sorte qu'elle pourra faire fonctionner plusieurs moulins dans sa
descente».
Léonard de Vinci souhaite aussi que les eaux boueuses soient dirigées vers les fossés
à l’extérieur de la ville afin de récupérer l’énergie hydraulique pour actionner 8 moulins (4 à
l’entrée de la ville et 4 à la sortie). Il est possible d’imaginer des moulins à foulon en raison de
l’activité lainière traditionnelle à Romorantin. En effet, Léonard de Vinci a déjà dessiné des
machines pour les corporations de Florence.
Parallèlement, François 1er multiplie les ordonnances pour favoriser la manufacture
française. Pour Léonard, contrôler les flux d’eau boueuse et d’eau vive est essentiel afin d’éviter
les eaux stagnantes et les maladies pouvant y être associées. Dans ce concept de ville idéale,
l’hygiène est au cœur des préoccupations. Par exemple, les écuries doivent être automatiquement
nettoyées, la ville royale doit être un exemple de propreté…
On peut dire que Léonard s’inspire de l’expérience locale en matière de maîtrise des
eaux à savoir un aménagement de réseau de rigoles permettant de vider les étangs.
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