Métropolis Vestiges millénaires en sous-sol toulousain
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Métropolis Vestiges millénaires en sous-sol toulousain
recherches Métropolis Vestiges millénaires en sous-sol toulousain Des parcelles de l’histoire toulousaine ont ressurgi grâce aux fouilles archéologiques liées aux travaux du métro. Les chercheurs nous rappellent ici les découvertes majeures qui ont modifié nos connaissances sur la ville. Cette première partie concerne les périodes les plus anciennes, il y a 20 millions d’années jusqu’à l’Antiquité romaine ; une prochaine étude nous conduira à travers le Moyen Âge et la période moderne. Par Catherine Amiel, Jean-Luc Boudartchouk, Francis Dieulafait, Francis Duranthon, Christophe Requi, Évelyne Ugaglia, Michel Vaginay, ils sont respectivement responsable d’opération à l’inrap, ingénieur de recherche à l’inrap, responsable éditorial de l’ouvrage Métropolis, conservateur au muséum d’histoire naturelle de Toulouse, responsable d’opération à l’inrap, conservateur du patrimoine au musée Saint-Raymond, conservateur régional de l’archéologie (drac Midi-Pyrénées). L’archéologie, longtemps restée une activité en marge de la société, s’est insérée depuis les années 1950 dans la vie de la cité, au moment des importantes restructurations urbaines et du développement des grands travaux d’aménagement. C’est sous la pression des archéologues que la prise en considération du patrimoine culturel est progressivement apparue dans les réglementations relatives au droit des sols. L’archéologie de sauvetage, née dans les années 1970, est devenue archéologie préventive dans les années 1980. Depuis 2001, une loi est venue parachever cette lente évolution en fixant ses conditions de mise en œuvre : la préoccupation archéologique est intégrée, dès l’origine, dans les projets d’aménagement et ne « surgit » plus dans l’urgence ni dans le conflit au démarrage des chantiers. Image numérique en trois dimensions, évocation des aménagements publics romains de la station Carmes, probable monument des eaux, portiques et systèmes d’évacuation des eaux. © maquette et 3 d p. berger Midi-Pyrénées Patrimoine | recherches 92 À Toulouse, voilà plus de 20 ans qu’ont eu lieu les premiers contacts – en 1986 – entre le maître d’ouvrage, chargé de la construction de la ligne A du métro, et les services de l’État en charge de l’archéologie. De 1991 à 2004, les équipes d’archéologues de l’Association pour les fouilles archéologiques nationales, devenue Institut national de recherches archéologiques préventives, sont intervenus sur la trentaine de points où le chantier du métro était susceptible d’avoir un impact sur le patrimoine archéologique : stations, ouvrages techniques et puits d’aération ; en un mot, les ouvrages creusés depuis la surface. En revanche, le tunnel qui serpente sous la ville, dans le substrat géologique, ne portait pas atteinte aux quelques mètres de sédiments archéologiques accumulés en surface. Les terrassements les plus profonds ont révélé certains épisodes de la lointaine histoire de notre planète, bien avant l’arrivée de l’homme. La mise au jour de deux ensembles de sépultures datées des viiie-viie siècles avant notre ère, respectivement dans l’emprise de la caserne Niel et sous la station Carmes, confirme l’importance des occupations dans la plaine toulousaine, dès le début du ier âge du fer. Puis deux fouilles, l’une à Niel et l’autre à la station SNCF Saint-Agne, donnent à voir la Tolosa gauloise durant les deux derniers siècles avant notre ère. La ville romaine a surgi aux stations Capitole, Esquirol, Carmes, François-Verdier et au puits technique Aubuisson. Enfin, l’archéologie renouvelle en bien des domaines notre perception de l’évolution de la topographie urbaine antique, et sa transformation aux époques médiévale et moderne. Les stations Esquirol, Carmes, François-Verdier, Saint-Michel et le puits technique du Salin sont, de ce point de vue, riches d’enseignements. Reconstitution de l’emprise du Capitolium au sein de l’actuelle place Esquirol. © photomontage o. dayrens, c. viers (inrap) Des vertébrés de plus de 20 millions d’années Sur le tracé de la ligne B du métro, dans le quartier de Borderouge, au nord-est de l’agglomération toulousaine, les paléontologues du muséum d’histoire naturelle de Toulouse ont exhumé les restes de plusieurs vertébrés. Ces découvertes exceptionnelles proviennent de niveaux de sables fins déposés par les rivières, sur plus de 20 m d’épaisseur, durant une période allant de la fin de l’Oligocène au début du Miocène – entre 24 et 22,5 millions d’années. L’identification des espèces – grands mammifères, petits vertébrés et microfaune – a rendu possible la reconstitution des environnements qui existaient à Toulouse à cette période. Des espaces forestiers sont attestés par la trace d’espèces caractéristiques comme le cheval-gorille schizothériiné et le rhinocéros Mesaceratherium, mais aussi des milieux plus ouverts comme l’indiquent la présence du rhinocéros Protaceratherium et du rongeur Issiodoromys. Enfin, d’autres espèces, telles que le rhinocéros Diaceratherium et le crocodile Diplocynodon, fréquentaient, quant à elles, la bordure de cours d’eau de faible débit. À cette époque, le climat de notre région ressemblait à celui de la Malaisie actuelle, les brises venues de l’Atlantique soufflaient sur un paysage de charmes, érables, poiriers, ormes, canneliers, myrtes, alors que près des cours d’eau, palmiers et saules projetaient leur ombre sur des roseaux. qui avait révélé les premiers vestiges gaulois dans le quartier, aucune fouille n’avait encore étudié de manière approfondie les fameux puits gaulois et leur contexte archéologique sur des surfaces significatives. En 2001, trois fouilles permirent de situer l’occupation gauloise dans ce quartier : deux à l’intérieur de la caserne Niel, qui ont livré les résultats les plus marquants, et une à la station Saint-Agne qui a déterminé l’existence d’un puits. Le trait le plus caractéristique de cette occupation est sans conteste sa densité. Les chiffres sont impressionnants : sur une superficie d’à peine 1 000 m2, des fossés, des niveaux de circulation, des fondations de bâtiments sur poteaux, des fosses et des puits contenaient plus de 60 000 fragments de poteries et d’amphores, une centaine d’objets La mandibule d’un Mesaceratherium paulhiacense, retrouvée au Puits de la Vache (Borderouge) placée sur une reconstitution de l’animal. © photographie p-o. antoine, f. dieulafait, f. duranthon. Saint-Roch, un quartier gaulois Le passage de la ligne B du métro dans le quartier Saint-Roch fut une chance unique pour les archéologues. Depuis la construction de la caserne Niel, Midi-Pyrénées Patrimoine | recherches 93