Le patrimoine bâti, mémoire de la ville
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Le patrimoine bâti, mémoire de la ville
AU CŒUR DU VIEUX MONTMAGNY JEAN BEAULIEU Cette maison d’esprit anglonormand présente un style chaleureux aux formes et proportions bien équilibrées. Elle est caractérisée par un toit à quatre versants recouvert de tôle à baguettes et percé de lucarnes à croupe. Le toit est surmonté d’un terrasson ouvragé, rappelant les « chemins de la veuve » des maisons de la côte est atlantique. La ligne de démarcation de la maçonnerie révèle la présence jadis d’une galerie ceinturant le carré du bâtiment. Elle fut construite vers 1872 par William Price, qui s’en départit en 1908. JEAN BEAULIEU JEAN BEAULIEU Le patrimoine bâti, mémoire de la ville 4 Cette maison en pierre de taille de style victorien au toit mansardé prend l’allure d’un château avec sa tour en façade. La tour est percée de fenêtres cintrées et d’un oeil-deboeuf dans la toiture. La façade principale est particulièrement imposante avec son fronton, les moulures et corniches, ainsi que les modillons sous le larmier. 5 90, RUE SAINT-THOMAS 22, RUE SAINT-JEAN-BAPTISTE OUEST Implantée en recul de la rue avec vue sur le bassin de Montmagny, cette maison de type mansard est caractérisée par un toit à baguettes muni de deux cheminées. Les murs sont revêtus de planches horizontales et terminés par des planches cornières. La fenestration, les moulures ainsi que la galerie équipée de poteaux chanfreinés et de fer forgé constituent des éléments distinctifs de cette demeure. JEAN BEAULIEU JEAN BEAULIEU MRC DE MONTMAGNY Cette maison de type vernaculaire américain possède des caractéristiques québécoises avec des fenêtres à six carreaux. Son revêtement en amiante, sa galerie, ses moulures de fenêtres ainsi que les modillons et frises en font un exemple de maison particulièrement intéressant. 8 227, RUE DU MANOIR O.I.E., PHOTO JEAN BEAULIEU 212, RUE DU MANOIR 255, RUE SAINT-IGNACE 7 La construction de cette maison d’inspiration gothique est l’œuvre de Pierre Nicole, habile ouvrier de Montmagny. D’esprit néogothique, ce bâtiment à quatre étages est composé d’une tourelle circulaire avec une toiture élancée, de moulures abondantes, de fenêtres bien distribuées ornées d’éléments décoratifs dans la partie supérieure et d’une galerie munie de poteaux tournés. 6 Cette maison de style cubique a su conserver son revêtement extérieur original sur les quatre côtés. La façade principale est ornée d’un fronton, d’une galerie et d’une mouluration intéressante. Les murs en tuiles d’amiante sont fermés par des planches cornières. Guide de sensibilisation à la conservation du patrimoine bâti La paroisse de Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille, érigée canoniquement en novembre 1714, est divisée deux siècles plus tard en deux paroisses : Saint-Thomas et Saint-Mathieu. La rivière du Sud constitue la ligne de démarcation entre ces deux paroisses et a été le facteur déterminant dans l’orientation du développement de la ville en raison de l’absence de structures reliant les deux rives. Les deux paroisses ont longtemps été réunies par un seul pont. 9 Contrairement au mode d’occupation traditionnel des autres paroisses du Québec, l’organisation des rues de Montmagny doit davantage aux confluences des rivières et à la convergence de plusieurs rangs vers leur point de franchissement. Au carrefour de ces trois voies d’accès principales de la ville où se dressait l’église paroissiale, le vieux Montmagny affiche un petit air européen tandis que les rues commerciales offrent un caractère intime. 74, RUE SAINT-ÉTIENNE Couvert 5 ALAIN FRANCK COLLECTION JEAN BEAULIEU COLLECTION GINO DUFOUR COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET Panorama de Montmagny vu à partir du clocher de l’église en 1895 et reconstitué à partir de cartes postales anciennes. Distribution des bâtiments à valeur patrimoniale exceptionnelle et supérieure Sain vid int-Da Av. Sa Ave nue Col lin rs Av. des Cano tie Dussault d or -N sin as uB Av .d t-B ru no ai n Av .S ues Jacq s rge t-Geo Rue s De la Station uis u e d S d -Su sin Bas u d Av. ud Rue are la G Ave n ue Montcalm rq is ou t-L n i Sa uis Saint-Lo èr Rivi Rue C hamp lain Ma Oliva ue uniers Rue Basse-Bretagne Es t Couillard Place des Me Palais -de-Ju stice c Bo ule va rd Ta ch é Patton Av. d e la PARC DE LA MAIRIE Fabri q s Sainte-Julie ma e Tho -Mari nt- Av. May De la r rtie -Ca our la C Sai Sainte Gare Sud Rue Saint-Jean-Baptiste Est Saint-Thomas Du Quai sea Ruis Saint-Joseph Du Manoir Av. des Érables Saint-Étienne Du Moulin l’Ég lise Du Manoir Av. de int Sa Sa in te -M ar ie la Couvert 3 e oir uest agl te O -M ptis l’An Du te-B Sain n-Ba Av. de t-Jea de se Rue Mich on igitte Sain ena Suite sur les couverts 5 et 3 Rue Taché Est u ord te N rigit achez te-Br Rue Fron t 37, RUE SAINTE-MARIE t Boulevard De 140, RUE SAINT-JEAN-BAPTISTE EST Taché Oues Rue Bern Sain De faible dimension, la maison de colonisation est implantée près du sol. Elle est caractérisée par un toit à deux versants et les murs extérieurs sont habituellement lambrissés de déclin ou en bardeaux de cèdre. On retrouve souvent des fenêtres à guillotine sur ce type de maison. 10 PHOTO JEAN BEAULIEU PHOTO JEAN BEAULIEU JEAN BEAULIEU Ce presbytère de type monumental est construit en 1872, à l’époque du curé Léon Rousseau. Il est érigé en pierre de taille, coiffé d’un toit à deux versants percé de lucarnes à pignon. Il fait partie du noyau institutionnel de la place de l’Église. Aujourd’hui, la galerie accroché au mur pignon a disparu. 3 Boulevard co Bras Sa i nt-Ni Même affublée de ses deux tourelles, la maison Taché n’en demeure pas moins un bel exemple de style québécois. Le manoir doit son nom à Sir Étienne-Paschal Taché (1795-1865), homme politique natif de Montmagny qui fut élu premier ministre à deux reprises sous le Canada-Uni. Ancien patriote qui glissera vers la conciliation en faisant partie des réformistes, il formera le ministère de la Coalition et participera activement à la constitution de la confédération. Sa maison a été construite dans la première moitié du XIXe siècle, puis classée bâtiment historique en 1962. 2 PHOTO JEAN BEAULIEU 153, RUE SAINT-JOSEPH JEAN BEAULIEU JEAN BEAULIEU Cette imposante maison d’esprit français est l’une des plus anciennes de la ville de Montmagny. Elle a été construite en 1767 par un Écossais du nom de Donald MacKinnon. Il fit de sa maison une auberge qui n’eut pas l’heur de plaire au curé de l’époque, Jean-Baptiste PetitMaisonbasse, puisque ce dernier dénonça vertement la proximité de la taverne lors de la construction de l'église en 1771. Mais l’aubergiste rétorqua qu’il était là avant lui. 1 Le savoir-faire des artisans constructeurs de la région de Montmagny s’est exprimé au cours des années par l’application d’éléments décoratifs particuliers autour des fenêtres des maisons et par l’ajout dune balustrade basse ceinturant la galerie. Ce type de fenêtre est orné dans sa partie supérieure d’une moulure dite « de Montmagny » en forme de virgule, tandis que la galerie « de Montmagny », basse afin de pouvoir s’asseoir pour y faire un brin de jasette, est composée de «bois de galerie» ou balustres de section carrée. Ces particularités font partie aujourdhui du langage architectural de la région et caractérisent un certain nombre de maisons anciennes. Va s e s Rivière d e s Les particularités régionales Les styles architecturaux à Montmagny Sai nt- Ign ace Saint-Ignace LÉGENDE Bâtiment à valeur patrimoniale exceptionnelle et supérieure Bâtiment à valeur anecdotique (voir brochure pages 11 et 19) Itinéraire suggéré Section piétonnière Ro ute 13 2 AU CŒUR DU VIEUX MONTMAGNY Le patrimoine bâti, mémoire de la ville Guide de sensibilisation à la conservation du patrimoine bâti MOT DU MAIRE Le patrimoine bâti à Montmagny, une valeur authentique ment des rues et des quartiers a influencé de façon déterminante la conception des maisons. La Ville de Montmagny est heureuse de présenter à la population une nouvelle brochure portant sur les belles demeures de son patrimoine bâti. La publication de cet ouvrage est réalisée en collaboration avec le programme « Villes et villages d’art et de patrimoine » et la MRC de Montmagny. Elle s’inscrit fort bien dans une démarche de sensibilisation pour la protection et la mise en valeur de notre patrimoine. Nous croyons fermement qu’un outil de la sorte permettra d’assurer la continuité des éléments les plus significatifs du paysage architectural de la ville. Ainsi, nous développerons un partenariat durable avec les propriétaires de nos maisons anciennes. Soucieuse d’offrir à la population un cadre de vie harmonieux, la Ville de Montmagny est persuadée que la conservation du patrimoine architectural contribuera à développer un sentiment de fierté et d’appartenance auprès de sa population. La mémoire des bâtisseurs sera alors respectée. Enfin, n’oublions jamais que la richesse de notre héritage patrimonial constitue un élément authentique important à l’égard du développement touristique culturel sur notre territoire. Le maire, Ce guide constitue une observation de l’évolution historique de la ville de Montmagny au cours du siècle dernier. Il aura l’avantage, également, de faire découvrir aux citoyens et aux citoyennes comment l’agence- Jean-Claude Croteau Ville de Montmagny 1 SOMMAIRE Avant-propos La conservation du patrimoine bâti Page 3 Une manière d’occuper l’espace Page 5 Une paroisse en développement Page 8 Publié par la ville de Montmagny, en vertu d’une entente avec le ministère de la Culture et des Communications du Québec. Les quartiers de Montmagny Page 12 Les particularités architecturales des maisons anciennes Page 14 Réalisé par la MRC de Montmagny, programme Villes et villages d’art et de patrimoine. Conseils pratiques et principes de rénovation Page 18 Conclusion Page 23 Recherche et rédaction Alain Franck Documentation Caroline Coulombe Pour en savoir davantage Page 24 Révision linguistique Solange Deschênes EN COUVERTURE Conception et réalisation graphique Anne-Marie Berthiaume Les styles architecturaux à Montmagny Photographies de la couverture Jean Beaulieu photographe Collection Gino Dufour Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec, 2e trimestre 2001 Bibliothèque nationale du Canada, 2e trimestre 2001 ISBN 2 - 9802631-3-3 Les particularités régionales Distribution des bâtiments à valeur patrimoniale exceptionnelle et supérieure Avant-propos La conservation du patrimoine bâti dresser un portrait de l’évolution du développement de certains secteurs de la ville et de répertorier les bâtiments représentant un intérêt particulier. On y a recensé 182 bâtiments dont la valeur patrimoniale a été établie en considérant leur époque de construction, leur état d'intégrité ainsi que leur niveau d’intérêt pour une mise en valeur. L’inventaire architectural a permis à la fois de qualifier les formes architecturales présentes sur le territoire, de décrire la nature des potentiels architecturaux et de suggérer des interventions adéquates afin de mettre en valeur le patrimoine bâti de Montmagny. En raison du caractère exceptionnel de certains secteurs et de la qualité des bâtiments qui s’y trouvent, il a paru évident que des actions soient prises pour protéger et mettre en valeur cet héritage du passé. La présence d’une concentration importante de bâtiments ayant une valeur patrimoniale exceptionnelle et supérieure dans un rayon de quelques centaines de mètres à partir du centre-ville a même incité la municipalité à envisager la possibilité de constituer une partie de ce territoire en site du patrimoine. Comme il est primordial d’obtenir la participation et l’appui de la population concernée, la ville de Montmagny s’est fixé pour objectif de concevoir un programme de sensibilisation au patrimoine bâti afin de soutenir la conservation et la mise en valeur des maisons anciennes reconnues d’intérêt patrimonial. Cette action vise à assurer la pérennité des éléments les plus significatifs du paysage architectural de la ville et à établir un partenariat durable avec la population. On a donc voulu créer une cadre de travail qui garantira l’évolution harmonieuse des bâtiments résidentiels et du paysage urbain de la municipalité. Il est facile de constater qu’il existe présentement très peu d’information pour aider les propriétaires à rénover ou à entretenir leur maison tout en lui gar- Dans presque toutes les municipalités du Québec, il existe actuellement une vaste problématique entourant la conservation, la protection et la mise en valeur des bâtiments anciens. La ville de Montmagny n’y échappe pas. On remarque que l’unicité d’un milieu repose souvent sur plusieurs facteurs : des rues sinueuses, des perspectives inattendues, des activités peu communes, des habitudes de vie et même des traits de caractère propres à une région. L’observation et l’analyse de l’architecture permettent de connaître les manières d’occuper le territoire et les modes de vie de nos ancêtres, la maison étant comme un vêtement qui révèle les goûts, les habitudes et les styles de vie de ceux qui l’habitent. Pour la municipalité, gérer ce patrimoine consiste à reconnaître les caractéristiques historiques et architecturales qui composent l’identité du milieu et à en tirer profit. Un développement qui met en relief les éléments du patrimoine et qui fait appel à l’engagement des propriétaires dans sa conservation favorise la création de milieux de vie prospères, harmonieux et économiquement stimulants. UN OUTIL DE GESTION DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL Toute action qui entraîne une intervention sur les bâtiments anciens, que ce soit la rénovation, la restauration, le recyclage d’édifices, la conformité aux normes, la démolition ou encore le ravalement des façades, commande une connaissance des potentiels architecturaux présents sur le territoire. Après avoir défini la nature et la qualité de ces potentiels ainsi que leur distribution, il est possible d’entreprendre une action coordonnée et réfléchie de manière à mettre en valeur la spécificité des types architecturaux. En 1998, un inventaire architectural du vieux Montmagny et de ses principales entrées a permis de 3 dant son cachet d’origine et en mettant en valeur le paysage de leur quartier ainsi que celui de leur municipalité. Ce document a pour objectif d’abord de faire connaître le patrimoine architectural magnymontois à travers son évolution historique, mais aussi de transmettre une connaissance de base indispensable à la compréhension du développement de la ville en regard de son environnement. De plus, il permet de saisir les grands principes de la rénovation patrimoniale qui devrait guider à la base toute intervention sur les bâtiments anciens. En prenant conscience de l’importance du patrimoine architectural, il vise également à aider les propriétaires de maisons anciennes à entreprendre des actions concrètes afin de préserver l’architecture des bâtiments et la qualité du tissu urbain. 4 Une manière d’occuper l’espace COLLECTION GINO DUFOUR DE LA SEIGNEURIE À LA VILLE Au début de la colonie, la façon de concéder les terres est conditionnée par la grande voie de communication par excellence, le Saint-Laurent. Le découpage des terres concédées représente donc des bandes parallèles étroites et peu profondes, bordant au fleuve pour que plus d’habitants aient accès à cette route naturelle. L’aménagement des habitations et des dépendances répond également à certains impératifs propres au monde agricole. D’abord, les colons construisent leurs maisons en suivant les contraintes géographiques telles que les qualités du sol assurant solidité et étanchéité des fondations et la possibilité d’y creuser un puîts ou la proximité d’une source d’eau. Puis ils pratiquent l’économie agricole en conservant la bonne terre pour l’agriculture et en réservant les parties incultes, rocheuses ou élevées, au bâti. Vue panoramique de Montmagny vers 1895 et de la rue de l’Anse prise du clocher de l’église. Mentionnons aussi que la façade des maisons est souvent orientée vers le sud afin de profiter du maximum d’heures d’ensoleillement durant une journée. Cette orientation se révèle particulièrement efficace surtout durant les automnes pluvieux et les hivers longs du Québec. LA POINTE-À-LA-CAILLE Montmagny fait partie de l’ancienne seigneurie de la Rivière-du-Sud concédée à Charles Huaut de Montmagny. Elle est la plus importante de toutes les seigneuries concédées sur le territoire. Mais c’est l’arrivée de Louis Couillard de l’Espinay, en 1670, qui marque le début de la colonisation. Compte tenu de l’importance du fleuve, les colons s’établissent sur ses rives. Peu de temps après l’établissement d’un groupe de colons à l’embouchure d’un petit cours d’eau nommé rivière à la Caille, situé à quelques kilomètres à l’ouest du bassin de la rivière du Sud débute l’histoire de la ville de Montmagny. Dès 1678, les censitaires de la seigneurie y bâtissent leur première chapelle au bord de l’eau. Mais, en l’espace de cent ans, l’érosion gruge quelque 15 arpents à la terre ferme. Cette perte de terrain est causée par Carte de la paroisse de Saint-Thomas en 1875. Tirée du livre Topographie de Montmagny de l’abbé A. Dion. 5 COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET du chemin du Roy. L’ancienne église fut abandonnée puis disparut vraisemblablement vers 1837 ainsi que le cimetière qui fut la proie du fleuve avant qu’il ne soit déménagé. Résidence de William Randan Patton, aujourd’hui située au 178, rue Saint-Joseph. COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET le défrichement systématique pratiqué par les colons lors de leur établissement. Privée de ses racines, la rive dégarnie du fleuve s’effrita dès lors rapidement sous l’action combinée des marées et des glaces printanières. À la suite de ce constat, lorsqu’il est question d’apporter des réparations considérables à la troisième église, on se rend compte qu’il devient inutile de reconstruire l’église à cet endroit. Les colons installés à la Pointe-à-la-Caille doivent transporter leur habitation sur le haut de leur terre, certains pour ne pas être emportés par le fleuve, d’autres pour se rapprocher de la nouvelle église ou Le moulin Patton, construit en 1842, est alimenté par la rivière des Vases. Ce n’est qu’en 1955 que la grande roue sera secondée par un moteur électrique pour suppléer au manque d’eau. 6 LA PREMIÈRE TRAME URBAINE DE MONTMAGNY Après la Conquête, la petite communauté de SaintThomas-de-la-Pointe-à-la-Caille connaît des changements importants. Les habitants délaissent graduellement les rives du fleuve pour aller former un village au confluent de la rivière du Sud et du bras Saint-Nicolas. Désormais, les terres sont orientées en fonction de ces cours d’eau. Après l’incendie de la Côte-du-Sud par les Anglais, la reconstruction des habitations, des moulins et des maisons de la seigneurie s’impose. Une fois passés les débats plutôt houleux sur le choix du site de la nouvelle église de Saint-Thomas érigée en 1771, le noyau villageois se développe autour de la place de l’église et plus tard le long du chemin du Roy (1833), aujourd’hui la rue Saint-Jean-Baptiste. C’est à cette époque que se structure petit à petit la première trame urbaine de Montmagny, autour de la place de l’Église. Un réseau de rues convergentes se tisse, des commerces s’implantent. Bien que l’agriculture constitue une économie de subsistance dans la seigneurie, des habitants s’adonnent graduellement à des activités nouvelles reliées à la mer, à la forêt et au commerce du bois. Bientôt, le village de Saint-Thomas devient un carrefour d’échanges et de services. Au début du XIXe siècle, l’accroissement de la population crée une demande pour les produits agricoles, et les échanges s’en trouvent stimulés. Le Saint-Laurent demeure la voie de communication avec l’extérieur, les premières rues se dessinent, et les ponts à péage apparaissent. Entre 1850 et 1930, des changements significatifs surviennent dans la société magnymontoise qui devient graduellement une véritable société urbaine. C’est le passage de la colonisation à l’industrialisation. Les transformations socioéconomiques que connaît COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET Montmagny ont des répercussions sur l’évolution du tissu urbain. De 1850 à 1867, on remarque une poussée de la population du côté est de la rivière du Sud et en bordure du bras Saint-Nicolas. À partir de 1867, la population, qui devient davantage ouvrière, se concentre vers le sud-est, près du chemin de fer et du moulin Price, puis se dirige vers l’ouest en raison de la présence de la fonderie d’Amable Bélanger. Par la suite, le secteur à l’ouest de l’usine Bélanger se développe grâce à l’implantation de nouvelles usines. Jusque vers 1881, le nombre d’habitations s’accroît graduellement autour de ces usines. C’est en 1883 que la loi incorporant la ville de Montmagny est sanctionnée. À la fin du XIXe siècle, la ville de Montmagny est un véritable pôle régional sur la Côte-du-Sud. Son développement est lié intimement aux initiatives d’une poignée d’hommes d’affaires et d’industriels, dans une conjoncture économique parfois difficile. La croissance industrielle, qui provoque dans une bonne mesure l’augmentation de la population, permet la naissance de nouveaux quartiers. À cette époque, Montmagny compte donc un véritable quartier ouvrier à proximité des lieux de travail. Par ailleurs, la vieille agglomération villageoise se transforme considérablement avec la construction de nombreux édifices publics – hôtel de ville, palais de justice, couvent, collège, bureau de poste, hospice – et la présence de magasins, d’un réseau d’aqueduc, d’un service d’électricité et d’un service d’hygiène qui achèvent de lui donner un caractère résolument urbain, même si la dénomination de village persiste jusqu’en 1883. L’établissement de services publics à Montmagny est attribuable tant aux industriels et aux hommes d’affaires qui contribuent à l’essor de ce secteur qu’aux initiatives du Conseil municipal qui veille à l’amélioration de la qualité de vie dans la ville. Même si la crise des années 1930 et la période des deux guerres mondiales ont une influence sur l’économie de la ville, un certain nombre d’industries s’établissent à Montmagny. Jusqu’en 1960, la ville de Montmagny connaît une période de grande prospérité. On estime qu’elle est la municipalité de la province qui Amable Bélanger fait construire ce château de style néo-Queen-Anne pour son fils Joseph-Amable en 1906. Cette demeure tranche pour le moins avec les habitations environnantes. Les fers de galerie en fonte qui ornent la façade proviennent évidemment de l’usine. Les tourelles circulaires recouvertes de métal en feuilles, les éléments décoratifs, les doubles cheminées, la fenestration harmonieuse apportent un style aristocratique au bâtiment. Au premier plan, on aperçoit les voitures des représentants de la compagnie A. Bélanger. possède le plus d’industries en proportion de sa population. Finalement, le noyau du Montmagny d’aujourd’hui se constitue lentement et le développement se poursuit. D’un côté, tout le vieux Montmagny se pare à nouveau de beaux atours grâce notamment à l’initiative avant-gardiste des marchands de la ville qui recyclent les maisons ancestrales. De l’autre, dans un élan d’essor économique, de nouveaux bâtiments se profilent, et un paysage contemporain surgit. Le patrimoine bâti et paysager, qui est en continuelle évolution selon les courants architecturaux des différentes époques, peut alors se traduire dans une nouvelle version améliorée. Pour réussir cette dernière, il s’agit d’être attentif à un environnement esthétique dont les gens de Montmagny sont tributaires. En bout de ligne, l’âme de la ville de Montmagny se dévoile avant tout à travers l’histoire des lieux et des maisons qui s’y trouvent. 7 La rue Saint-Jean-Baptiste au début du XXe siècle. COLLECTION GINO DUFOUR LES PREMIÈRES MANIFESTATIONS ARCHITECTURALES Une connaissance approfondie de l’histoire de la ville de Montmagny et des périodes d’établissement des premiers résidents sur le territoire nous permet de fixer déjà certaines balises dans l’identification des manifestations architecturales. Dans ces circonstances, il est clair, par exemple, qu’on ne cherchera ni ne trouvera, dans les secteurs montagneux ouverts à la colonisation au milieu du XIXe siècle, des spécimens de l’architecture rurale ou villageoise du XVIIIe siècle dans la vallée du Saint-Laurent. On ne reconnaîtra pas de la même manière des exemples de l’architecture urbaine issus des seuls bourgs autorisés (Montréal, Trois-Rivières et Québec) avant le milieu du XVIIIe siècle. Connaître également le lieu d’origine des premiers résidents ou encore leur origine ethnique revêt une grande importance dans la distribution de certaines formes architecturales ou encore de certains matériaux. Ainsi, l’emploi de la brique dans le revêtement extérieur d’un bâtiment se répand seulement vers le milieu du XIXe siècle chez les francophones alors que son usage est déjà répandu chez les anglophones et les Hollandais des cantons de l’Est. COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET Une paroisse en développement La trame urbaine de Montmagny s’étirant à l’ouest le long de la rue Saint-Jean-Baptiste vers 1895. 8 Il est tout aussi important de connaître avec précision les quelques événements marquants qui peuvent avoir influencé le développement de ce territoire. Le passage du chemin de fer (1860), par exemple, a eu une incidence sur la croissance. Comme on dira en 1935 : « Fatale centralisation ! Quoi qu’il en soit, le chemin de fer reste toujours l’entrée royale dans le grand Montmagny ». Les conflagrations comme les incendies de l'hôtel de ville en 1944 et de l'église en 1948 vont marquer fortement le paysage architectural de la ville de Montmagny. Les reconstructions qui s’ensuivent, limitées dans le temps, vont modifier ce paysage en y inscrivant des formes architecturales nouvelles. L’élargissement d’une rue, qui entraîne des démolitions, tout comme la fermeture d’une autre pour l’agrandissement d’une usine constituent d’autres événements marquants. L’ORGANISATION SPATIALE Il est facile de constater, en parcourant les rues de la ville de Montmagny, que certains secteurs, parsemés COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET Resserrée entre le chemin de fer, les rivières et les premiers coteaux, traversée par les voies d’accès soumises à la localisation des ponts, la trame urbaine du vieux Montmagny s’est peu à peu constituée au hasard autour de petits îlots et d’emprises de rues étroites. À l’intérieur des îlots, le lotissement a favorisé une trame serrée de lots étroits et peu profonds. La présence au centre-ville d’une usine d’importance (Amable Bélanger) a également eu des répercussions sur la configuration de la trame urbaine puisqu’on retrouve dans ce quartier de petites résidences La rue Saint-Thomas vers 1915. COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET de petites rues étroites, ont été pensés en fonction des voitures à chevaux (Saint-Jean-Baptiste, Saint-Thomas, Sainte-Marie, Saint-Étienne). On s’aperçoit que le parcellaire urbain est très ancien, ayant été mis en place dès la première moitié du XIXe siècle. Le réseau particulier des rues répond par sa forme à un développement singulier tributaire davantage du tracé des cours d’eau que d’un plan urbain planifié. Depuis la Conquête, l’agglomération occupe le point de confluence de la rivière du Sud ainsi que du bras SaintNicolas avec le Saint-Laurent. La paroisse de Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille érigée canoniquement en novembre 1714 est divisée deux siècles plus tard en deux paroisses : Saint-Thomas et Saint-Mathieu. La rivière du Sud constitue donc la ligne de démarcation entre ces deux paroisses et a été le facteur déterminant dans l’orientation du développement de la ville en raison de l’absence de structures reliant les deux rives. Les deux paroisses ont longtemps été réunies par un seul pont. Même si le fleuve constitue le principal élément hydrographique du comté, l’agglomération n’a que fort peu de contact avec lui puisque la trame urbaine s’étend sur le second plateau, tant à l’ouest qu’à l’est de la rivière du Sud, le long d’une crête rocheuse. Le parcellaire urbain de Montmagny ne doit pas beaucoup au cadastre rural québécois qui suit habituellement le tracé de la rue principale avec des rues secondaires perpendiculaires et parallèles. Plusieurs facteurs sont d’ailleurs venus contrecarrer les effets de ce mode d’occupation traditionnel. Il y a d’abord deux confluences, celle de la rivière du Sud avec le bras Saint-Nicolas, et ensuite celle de la rivière du Sud avec le Saint-Laurent. Vient ensuite la convergence de plusieurs rangs vers le point de franchissement de la rivière du Sud et le bras Saint-Nicolas. À ce carrefour de trois voies d’accès principales de la ville se dressait l’église paroissiale. Plus tard vint s’ajouter le chemin de fer, barrière que la trame urbaine n’a guère franchie. Finalement, les contraintes géographiques ont imposé à la ville de se développer sur la terrasse supérieure et non pas en bordure du fleuve. Méandre de la rivière du Sud face au centre-ville. Au premier plan, le presbytère construit en 1873. 9 CENTRE DE DOCUMENTATION DE MONTMAGNY Plan de la ville de Montmagny en 1934. à morphologie complexe, fruit d’un héritage du passé, a obligé la ville à s’allonger démesurément à l’est et à l’ouest, ou bien à continuer son expansion en descendant sur la terrasse du bord du fleuve, au nord de la route 132. Le vieux Montmagny ayant été principalement développé au XIXe siècle sans plan directeur, les rues y sont étroites et suivent des tracés irréguliers. La configuration assymétrique des rues, la convergence en pointe de flèche de certaines autres rues, les chemins privés tracés au hasard pour desservir les îlots d’habitation, des rues principales qui convergent face à des ouvrières dans les cours arrière des maisons plus imposantes. Le nombre d’ouvriers s’accroît à mesure que se créent les industries. L’organisation de l’espace s’en trouve changée puisqu’un ouvrier qui ne cultive plus la terre n’a besoin que d’un emplacement suffisant pour y construire une petite maison. Beaucoup de lots profonds ont été ainsi scindés au cours des ans pour permettre la construction de ce type de maison. Depuis le début des années 1960, ne pouvant s’étendre au sud, à moins de sauter la double barrière du chemin de fer et de l’autoroute 20, ce noyau central 10 rues puisqu’il existe des maisons dont les murs latéraux convergent afin de prendre la forme de la jonction des rues en pointe de flèche. Convergence en pointe de flèche des rues SaintThomas et Saint-Jean-Baptiste, vue de l’église. COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET LES GRANDS PÔLES D’ACTIVITÉ Le développement singulier des rues de la ville a engendré une configuration particulière de la trame urbaine, morcelée la plupart du temps par des pôles d’activités distincts. Il en résulte un tracé orthogonal dans l’extension de la partie sud-ouest de la ville tandis que le centre-ville, plus ancien, prend la forme d’un « T » s’étendant le long de la rue Saint-Jean-Baptiste jusqu’au croisement de la rue de la Gare. À l’est, la rue principale aboutit au noyau institutionnel ; on y retrouve les bâtiments religieux, les services municipaux, financiers et scolaires, tandis que les industries Bélanger la délimitent aussi nettement à l’ouest. Un deuxième pôle institutionnel, situé au sud du centre-ville, dans le secteur de la rue de la Gare et du palais de justice, regroupe des édifices gouvernementaux. Il se révèle fort difficile de distinguer une hiérarchie des rues à Montmagny. Dans le noyau ancien de l’agglomération, l’entrée en vigueur du cadastre a été postérieure aux établissements humains, si bien que le plan du réseau et la largeur des emprises paraissent peu fonctionnels. Tous ces changements successifs apportés selon les pressions du moment ont dans une certaine mesure influencé le paysage architectural de la ville au cours de son histoire. La population a néanmoins su adapter le bâti aux contraintes physiques et géographiques de son territoire et a suivi les principaux courants stylistiques du temps. Ainsi, on retrouve à Montmagny à peu près tous les styles architecturaux présents au Québec. Dans plusieurs cas, on a même su adapter les bâtiments à la configuration de certaines COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET pôles institutionnels donnent au centre-ville un petit air européen et confèrent aux rues commerciales un caractère intime. Cette situation s’explique, entre autres, par la présence de la rivière qui effectue un méandre face au centre-ville et par les principes de développement en étoile importés de France au début de la colonisation. Il en va de même pour le secteur de la rue Saint-Ignace, à l’est de la rivière du Sud où l’on retrouve des rues étroites, pas nécessairement conçues pour la circulation automobile. Les murs de cet édifice asymétrique convergent en direction de la place de l’église afin d’épouser la jonction des rues. Le bâtiment est maintenant situé derrière l’hôtel de ville, voisin du parc de la Mairie. 11 Les quartiers de Montmagny L’industrialisation et la croissance démographique suscitent la création de quartiers distincts à Montmagny. À la fin du XIXe siècle, des quartiers sont désignés pour répondre aux besoins de l’administration municipale et sont divisés selon certaines catégories. On retrouve notamment : • le quartier institutionnel ; • le quartier commercial ; • le quartier ouvrier converti plus tard en quartier industriel ; • le quartier résidentiel ; • le quartier de l’ancien domaine des seigneurs loti en espace résidentiel. Aujourd’hui, il est facile de constater que, dans le secteur de la rue des Érables et des rues avoisinantes par exemple, aucune maison n’est antérieure au début du XXe siècle. Heureux mélange de nature et de culture, le paysage architectural de Montmagny est donc tributaire de la géographie, de la disponibilité des matériaux, du statut social de ses habitants, des courants stylistiques en vogue, des changements économiques, culturels et technologiques. Pour mieux saisir l’évolution de la trame architecturale de la ville, on peut diviser le territoire en secteurs suivant les modes d’occupation. Place de l’Église, le noyau institutionnel La place de l’Église est un secteur consacré à la pratique religieuse, à l’éducation et aux services publics. Lieu de sociabilité par excellence, il compte aussi quelques commerces et des artisans. C’est aussi dans ce quartier que résident, au milieu du XIXe siècle, le maire et les notables du village. Le quartier ouest, secteur industriel et résidentiel Le quartier situé à l’ouest de la rue du Dépôt (de la Gare) regroupe surtout des ouvriers qui travaillent dans diverses usines. En 1883, il comprend le palais de justice, l’entreprise Bélanger et la gare ferroviaire. Ce n’est que dans les années 1940 que ce quartier s’industrialise davantage. Ce secteur a même été l’objet d’un projet de quartier résidentiel pour les ouvriers, le « Val Montmagny » distinct de Saint-Thomas. Mais le projet fut abandonné. Le secteur extramuros Bien que la plus grande concentration des bâtisses anciennes se retrouve au centre de l’agglomération urbaine, il existe également plusieurs habitations, témoins de l’époque seigneuriale et de la vocation agricole du hameau, à la périphérie de Montmagny. D’esprit français, la plupart des maisons sont situées dans la partie ouest des limites de la ville où l’on retrouvait jadis, au sud-ouest de la pointeà-la-Caille, le fief Saint-Luc et la pointe Saint-Thomas. 12 Plan de la ville de Montmagny en 1946. Fait intéressant à noter, le boulevard Taché ne viendra relier les deux rives qu’à partir de 1950. Le secteur du bassin Le secteur du bassin de Montmagny est caractérisé par la présence de l’eau qui représente la force motrice et le moyen de transport des marchandises de toutes sortes. Ce secteur est étroitement associé à l’époque seigneuriale et aux premières activités industrielles avec l’établissement des moulins à farine et à scie. Il est donc normal d’y retrouver des vestiges du Régime français et des bâtiments d’esprit français. Depuis l’érection du premier moulin banal en 1645 et du manoir Couillard-Dupuis en 1789, plusieurs scieries se sont succédé comme celle de Jean-Baptiste C.-Dupuis en 1783, achetée par William Price en 1834, ainsi que des chantiers maritimes, tels ceux de la compagnie Price et plus tard celui de la famille Lachance à partir de 1945. Ce secteur de la ville, considéré par les anciens comme le bas de la paroisse et souvent désigné comme la partie de « l’autre bord des ponts », est habité à l’origine par les artisans, les constructeurs de navires, les navigateurs, les capitaines au long cours, les contremaîtres des compagnies forestières et leurs nombreux ouvriers, ainsi que ceux qui firent fortune dans l’exploitation des pêcheries du golfe. Il est normal d’y retrouver des résidences bourgeoises et des maisonnettes d’artisans. Cette transformation en faubourg d’une région plutôt agricole de nature est fort ancienne. On sait que l’occupation de ce territoire du havre de Saint-Thomas remonte à 1780. Le quartier sud ou Saint-Mathieu Le quartier sud de la rivière du Sud comprend un certain nombre d’artisans, d’ouvriers et de cultivateurs. On y retrouve à une époque une petite usine de balais. Avec les années, ce quartier se développe vers l’est, en côtoyant l’ancien tracé du chemin du Roy. CENTRE DE DOCUMENTATION DE MONTMAGNY Le secteur du Manoir, quartier résidentiel 13 Le secteur du Manoir est un quartier élégant de part et d’autre d’une falaise où la végétation donne un cachet naturel et romantique aux propriétés. Plusieurs rues portaient d’ailleurs le noms d’espèces d’arbres, comme la rue des Érables par exemple, ceux-ci ayant été plantés à l’initiative du seigneur Patton. À une époque, la rue SaintLouis portait le nom d’avenue des Bouleaux. C’est un des quartiers où la richesse patrimoniale est à son plus fort avec la présence de nombreuses traces du régime seigneurial. L’alignement des maisons et l’homogénéité du cadre bâti sont l’œuvre de l’industriel Amable Bélanger qui a développé la trame urbaine de ce secteur. Les particularités architecturales des maisons anciennes L’inventaire des secteurs d’intérêt historique et patrimonial de la municipalité de Montmagny a permis de recenser les caractéristiques particulières de chaque bâtiment. Parmi ce dénombrement, on retrouve à peu près tous les styles architecturaux qui ont existé au Québec depuis le début de la colonie, ce qui en fait une sorte de microcosme de l’architecture québécoise. À Montmagny, plusieurs styles architecturaux sont représentés dans l’éventail des maisons anciennes de la région, lesquels suivent les courants de pensée qui représentent l’évolution historique du territoire. Chaque maison a sa personnalité et diffère des autres, notamment dans ses éléments décoratifs, comme les portes, les moulures des fenêtres, les balustres et l’ornementation des galeries. Cependant, toutes peuvent se ramener à l’un ou l’autre des sept grands groupes architecturaux. Ceux-ci sont définis par quelques éléments clés, tels la forme du toit, la disposition des fenêtres en façade ou le nombre d’étages. ESPRIT FRANÇAIS Les maisons d’esprit français (1675-1800) sont les plus anciennes compte tenu des origines des premiers habitants qui se sont inspirés des maisons de la mère patrie. Plusieurs de ces habitations ont été malheureusement détruites lors de la Conquête anglaise de 1760. On retrouve ce type d’habitation dans les secteurs anciens de la ville, notamment près du bassin, de l’église et de la Pointe–à-la-Caille. Ce type d’habitation était toutefois plus ou moins adapté à un nouvel environnement caractérisé par un climat extrêmement rigoureux. L’adaptation aux éléments climatiques va donc provoquer plusieurs changements qui deviendront ultérieurement les caractéristiques de la maison québécoise. Implantée près du sol, sans sous-sol, la construction de ce type apporte son lot de problèmes : le bâtiment se soulève sous l’effet du gel, les murs se lézardent et laissent pénétrer l’eau. Le plancher est froid et humide. LES PRATIQUES ÉVOLUENT Les matériaux ainsi que les techniques de construction sont aussi des éléments qui permettent de situer l’âge approximatif d’une construction. Ainsi : • les arcs de décharge en brique au-dessus des fenêtres se sont redressés depuis le milieu du XIXe siècle ; • les constructions en brique massive avec boutisse tendent à disparaître au début du XXe siècle ; • les fondations en pierre sont remplacées par des fondations en béton au cours des années 1930 ; • les fenêtres dites traditionnelles à vantaux sont remplacées par d’autres modèles dans les années 1920, comme les fenêtres à guillotines ; • les constructions en madriers sur le chant sont légion entre 1850 et 1940 ; • le bardeau d’amiante et le papier-brique sont des matériaux de revêtement utilisés après 1920. Ce type d’habitation est caractérisé surtout par la forte pente du toit, celui-ci représentant le double de la hauteur de la maison. Les larmiers sont très faibles pour ne pas dire inexistants, ce qui entraîne avec l’eau de ruissellement des détériorations rapides du revêtement, des ouvertures et des fondations. Exemples 153, rue Saint-Joseph, Deux marquises 311, boul. Taché Ouest, maison Têtu 14 PHOTO JEAN BEAULIEU 301, boul. Taché Est, manoir Couillard aujourd’hui le musée de l’Accordéon 37, rue Sainte-Marie, maison Taché Après une série de transformations pour l’adapter à la rigueur des hivers, la maison québécoise (1780-1920) semble atteindre sa pleine maturité vers le milieu du XIXe siècle. D’abord, le plancher est surélevé par rapport au niveau du sol, pour le dégager de l’eau, de la neige et du froid, puis les fondations de pierre descendent au-delà de quatre pieds dans le sol pour soustraire la maison à l’action du gel. L’espace sous le plancher est ainsi récupéré pour servir à plusieurs usages domestiques. Le toit se prolonge pour couvrir la galerie, munie d’un escalier, laquelle devient un lieu de transition entre l’intérieur et l’extérieur. Le prolongement du toit donne des larmiers qui assurent la protection et permettent l’éloignement de l’eau des murs. Ce prolongement du toit des murs gouttereaux (de façade) légèrement courbé devient une caractéristique propre à la maison québécoise, dont le galbe permet de la distinguer de toutes autres formes d’habitats. 2, rue Saint-Jean-Baptiste Ouest 131, rue Saint-Louis COLLECTION JEAN BEAULIEU Exemples MAISON QUÉBÉCOISE VILLA ANGLO-NORMANDE Après la Conquête, des constructions typiques de l’Angleterre apparaissent sur le territoire. La maison monumentale anglaise aux dimensions imposantes, à deux ou trois étages, la plupart du temps en pierre, témoigne d’une architecture domestique exceptionnelle liée à la richesse de son propriétaire. Ce style architectural de prestige est concentrée davantage dans les grands centres. La villa anglo-normande (1830-1880) qu’on appelle aussi cottage Regency, d’allure campagnarde et rustique, s’intègre harmonieusement au décor naturel. Ce type d’habitation anglaise est caractérisé par un toit galbé à quatre versants à pente douce et débordant largement la saillie des murs, des ouvertures distribuées avec symétrie ainsi que de hautes cheminées. Exemples Exemples 140, rue Saint-Jean-Baptiste Est, presbytère 255, rue Saint-Ignace, La Centauré 100, rue Saint-Jean-Baptiste Est, La Belle Époque 160, rue Saint-Joseph 73, rue des Érables 200, rue du Manoir, moulin Patton 7, rue Saint-Ignace 220, boul. Taché Est, Manoir des Érables 15 PHOTO JEAN BEAULIEU MAISON MONUMENTALE COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET Le modèle québécois, comme le modèle français, est empreint d’une grande simplicité et affiche des proportions agréables. Les ouvertures sont symétriques, le toit est percé de lucarnes harmonieuses, et l’ensemble reflète l’équilibre et le bon goût du temps. Bientôt, les détails architecturaux extérieurs se multiplient. La porte principale ou « du dimanche » s’orne de larges chambranles, d’impostes et d’entablement. Les chambranles des fenêtres prennent des formes diverses, qui deviennent, à Montmagny, une particularité régionale. Les planches cornières délimitent les façades. Des touches de couleur finissent par mettre en valeur l’ensemble des détails architecturaux. Par la suite, la cuisine d’été, cette maison miniature qui protège presque toujours le mur le plus exposé aux grands vents, le nordet, devient un autre élément distinctif de la maison québécoise. INSPIRATION GOTHIQUE La période éclectique (1850-1910) se manifeste par un amalgame d’éléments architecturaux tirés du passé et utilisés pour surcharger une structure ou décorer les détails d’une construction. Elle touche plusieurs types architecturaux, comme la maison d’esprit victorien, dont l’idée est de mettre la maison au goût du jour. On assiste à un jeu de volume important où l’on retrouve par exemple une toiture à versants multiples, des coupoles, des tourelles et des fenêtres en saillie. Les ouvertures sont souvent asymétriques. La surcharge de l’ornementation a pour effet d’animer l’ensemble de la résidence, grâce à la diversité des matériaux et au contraste des couleurs. La maison d’inspiration gothique est un habitat traditionnel à pignon simple dont la façade est surmontée d’une forme triangulaire centrale donnant l’aspect d’une grande lucarne. Cet élément vient rompre la ligne du toit, accentue la verticalité de la façade qui, percée d’une ouverture, éclaire l’étage et protège l’entrée principale de l’eau de la toiture. C’est à cette période qu’on retrouve le château de bois rappelant l’imagerie du château médiéval. PHOTO JEAN BEAULIEU Exemples 88, rue Saint-Jean-Baptiste 190, rue Saint-Thomas Exemples 212, rue du Manoir 54 et 61, rue des Érables 75, rue de la Gare PHOTO JEAN BEAULIEU ESPRIT VICTORIEN On retrouve également durant la période du courant éclectique les maisons de type mansard (1845-1915) dont la forme du toit favorise une occupation maximale de tout l’étage des combles. Cette influence se fait sentir aussi dans la forme des lucarnes, dans l’utilisation d’éléments décoratifs jusqu’à la surcharge de l’ornementation. L’ajout d’une tour en façade donne souvent une allure de château au type mansard. L’influence américaine, largement inspirée de la période éclectique venant de l’Angleterre, a engendré un style vernaculaire (1790-1880) qui fait davantage référence à la Nouvelle-Angleterre, soit à la côte est américaine, lieu des premiers peuplements des États-Unis. Cette influence s’observe par le volume et par des éléments décoratifs d’esprit classique, tels qu’une entrée principale ornée de pilastres, des moulures autour des fenêtres et des planches cornières. Ce type de maisons apparaît dans une de période renouveau classique marquée par l’équilibre, l’harmonie et la simplicité. Exemples Exemples 227, rue du Manoir 34, rue Sainte-Marie 139, rue Saint-Jean-Batiste Ouest 22, rue Saint-Jean-Baptiste Ouest 36, rue Saint-Augustin 16 MRC DE MONTMAGNY VERNACULAIRE AMÉRICAIN PHOTO JEAN BEAULIEU MAISON DE TYPE MANSARD ESPRIT CUBIQUE Exemples La fin du XIXe siècle marque le début d’un renouveau par des changements technologiques, l’industrialisation, l’organisation des transports ferroviaires, le peuplement des villes et l’obligation de construire vite et à bon marché. C’est l’époque de l’esprit cubique (1890-1945) où l’on retrouve des habitations à façade postiche et des boîtes carrées. Ce mouvement architectural est caractérisé par une volonté de simplicité, du respect des surfaces planes et des formes géométriques pures, jusqu’au dépouillement total des façades. La maison dite boîte carrée est à deux étages avec un toit à quatre versants ou un toit plat. Elle est bien éclairée par des fenêtres à guillotine. 223, rue Collin 195, rue du Manoir 185, rue Couillard PHOTO JEAN BEAULIEU 65, rue des Érables Les façades dite postiches sont le prolongement de la verticale du mur de façade au-delà de la ligne du toit, devenant prétexte à un fignolage en créneaux, en gradins ou en médaillons. Le terme anglais boom town symbolise les villes qui surgissent lors de la ruée vers l’or associée à la conquête de l’Ouest. Cette architecture des années 1940 se concrétise surtout dans les centres urbains. MAISON DE COLONISATION Exemples Finalement, l’expression maison de colonisation (19151945) va rassembler deux types de maisons. Le premier type fait référence au défricheur qui construisait un premier bâtiment en attendant d’élever la vraie maison ou celle que l’on construisait pour établir ses descendants sur des nouvelles terres. Le deuxième puise son origine dans la crise économique des années 1930. Il illustre bien le contexte de retour à la terre que prêche le gouvernement afin d’établir les fils de cultivateurs et les pères de familles qui vivent dans les villages et les villes. 331, boul. Taché Est COLLECTION GILLES GAGNÉ 277, rue Saint-Ignace La maison de l’État, inspirée de l’habitation vernaculaire de la Nouvelle-Angleterre, est une maison économique à tous les points de vue. Les plans et devis descriptifs sont réalisés par le ministère de la Colonisation et imposés comme type d’habitat à l’ensemble du territoire, sans adaptation régionale ni distinction particulière. planches cornières. C’est par le jeu simple de la couleur et du volume, par rapport au blanc des boiseries et des ouvertures, ou à l’inverse, par rapport au volume blanc et aux boiseries colorées, que l’expression architecturale de ce type prend son sens. Dans la plus simple maison, nier ces éléments ou les détruire, c’est tout simplement éliminer le seul caractère distinctif de ce type au profit d’un habitat anonyme sans identité ni caractère. Les détails architecturaux extérieurs de la maison de colonisation se limitent aux boiseries des ouvertures et aux 17 ment extérieur est probablement parmi tous les éléments apparents d’un bâtiment celui qui est le plus vulnérable à ces modifications. Il est donc essentiel, au moment d’une rénovation, de tenir compte de ce fait. Un principe de base pour réussir une rénovation consiste à conserver le maximum d’éléments originaux car il est souvent difficile, voire impossible, de les reproduire à des coûts abordables. En outre, on mésestime à tort la durabilité et la résistance des matériaux traditionnels avec lesquels ils sont confectionnés. Un second principe, valable en cas de remplacement, veut que l’on privilégie un matériau qui correspond à l’époque ou au stade d’évolution le plus déterminant L’ÉVALUATION D’UN PROJET Avant d’élaborer les grands principes qui doivent guider les projets de rénovation et de restauration, certains objectifs et critères d’évaluation devraient être envisagés. Pour qu’une maison dure longtemps, il suffit généralement de la garder en bon état et d’y apporter à l’occasion les améliorations que peut exiger l’évolution de notre mode de vie. Cependant, la maison peut nécessiter des interventions qui vont au-delà d’un entretien normal. Si les règles élémentaires ne sont pas respectées dans la réalisation des travaux de rénovation, le caractère et l’intégrité d’une maison peuvent être altérés au point de menacer sa valeur patrimoniale et matérielle. Bien des facteurs peuvent modifier le caractère original d’un bâtiment au cours de son évolution ; le pare- COLLECTION GILLES GAGNÉ De nombreux propriétaires de maisons anciennes et de maisons reconnues d’intérêt patrimonial ont entrepris des projets de rénovation et de restauration afin de maintenir ou de redonner le cachet original à leur bâtiment. De plus en plus de gens recherchent des maisons ayant un cachet patrimonial. Ils souhaitent améliorer celles-ci avec des matériaux nobles ou actuels tout en favorisant la conservation du style d’origine. Cependant, plusieurs propriétaires se sont butés à des difficultés d’ordre technique et professionnel qui ont rendu leur projet difficile à réaliser. Avant d’entreprendre des travaux sur un bâtiment ancien, quelques principes de rénovation devraient guider le propriétaire dans son projet et lui faire voir et apprécier le patrimoine qui fait partie de son quotidien. Les renseignements qui suivent peuvent non seulement aider les propriétaires lors de travaux de rénovation ou de restauration, mais également servir de référence pour l’élaboration des objectifs et des critères dans l’évaluation des projets. 18 Implantée en bordure de la rivière du Sud, cette maison de colonisation, qui n’existe plus aujourd’hui dans sa forme originelle, illustre bien la petitesse du carré de ce type d’architecture. Construit en attendant d’ériger une maison plus grande, ce bâtiment est relié à la boutique de menuiserie par un corridor fermé. À cette époque, l’architecture de l’atelier est plus importante que la maison d’habitation elle-même. COLLECTION GINO DUFOUR Conseils pratiques et principes de rénovation COLLECTION GILLES GAGNÉ COLLECTION GILLES GAGNÉ Maison Coulombe, rue Saint-Ignace en pleine rénovation au début des années 1950. Sans l’usage des archives photographiques familiales, il serait difficile de croire que la maison d’origine, dont l’apparence extérieure est aujourd’hui complètement transformée, présentait jadis l’allure d’une maison de colonisation. D’un point de vue architectural, cet ancien atelier de menuiserie revêt une importance patrimoniale supérieure en regard de la maison principale, compte tenu de son niveau d’intégrité. Avec un carré bien campé au sol, ce bâtiment est caractérisé par une fenestration harmonieuse, des lucarnes cintrées percées dans le brisis de la mansarde et une mouluration soignée. 19 de la maison. Les matériaux d’imitation n’ont ni la qualité ni la durabilité d’un matériau traditionnel comme le bois. Notons que la qualité du souvenir qu’ont les gens qui ont restauré une maison ancienne réside principalement dans le degré de connaissances techniques dont on dispose au moment des travaux. Cependant, entre une restauration fine représentant un idéal parfois difficile à atteindre et un maquillage de façade comme on en voit trop souvent, il y a place pour une honnête remise en état qui respecte l’esprit et le matériau d’un type d’architecture. Bien souvent, faute d’expertise ou sous l’influence de vendeurs de matériaux vite posés, on ne prend pas soin de maintenir et de conserver ces petits bijoux d’architecture. Pourtant, ils contribuent à la valeur de la propriété. Ces détails en rehaussent l’aspect et manifestent notre fierté de propriétaire. En conservation du patrimoine, l’entretien est préféré à la réparation, la réparation à la construction. Tous les éléments décoratifs ou autres peuvent ainsi être entretenus ou réparés. La simplicité est souvent la voie idéale. CHOIX DES MATÉRIAUX Deux types de matériaux peuvent être choisis : un premier, carrément idéal, pour conserver intégralement la maison dans son caractère original, et un deuxième respectant en grande partie l’esprit du bâtiment. Les puristes du patrimoine peuvent s’élever contre certains choix, mais on doit prendre en considération également la capacité financière des propriétaires. Devant certaines réalités incontournables, il faut bien adopter une philosophie ou une attitude plus souple afin de pouvoir assurer la conservation d’un bâtiment. Pour le bois, il faut décaper et repeindre, en ayant soin de le protéger en appliquant un produit de préservation avant de peindre. Le bois étant très vulnérable à l’eau et à l’humidité, il faut fréquemment en vérifier l’état et s’assurer que les éléments demeurent bien fixés au bâtiment. On peut combler certaines fissures datant du Régime français, bien rare et précieux, mérite une intervention plus soignée que dans le cas d’une maison bâtie au début du XXe siècle. Parmi les principes de base d’une intervention respectueuse sur un bâtiment, on doit retenir certains principes généraux : • Ne pas succomber aux modes passagères et tenter de rendre plus moderne ou plus vieillot ; • Conserver le volume originel de la maison ; • Conserver les revêtements et les détails architecturaux d’origine ou les remplacer par de semblables ; • Conserver la fenêtres originales ou les remplacer par une fenêtre du même type ; • Rechercher la simplicité. Des principes particuliers à chaque élément de la structure devront également être respectés : ou autres défauts à l’aide d’une pâte de bois appropriée ou remplir de plus larges interstices avec des éclisses de bois de même essence. Si l’on doit refaire en tout ou en partie un élément de bois, il est préférable de s’adresser à un bon bricoleur ou à un menuisier qui n’aura aucune difficulté à le reproduire dans les mêmes dimensions en reproduisant le modèle original, même s’il est détérioré. Il faut s’assurer que le modèle de remplacement respecte les dimensions, le style et la qualité de l’élément original. Il ne faut pas avoir peur d’être exigeant, le marché offre des possibilités de bien faire les choses, il suffit de prendre le temps. La fonte, tout comme le métal en feuille, craint aussi l’eau. Si l’on constate des traces d’humidité ou d’eau, il faut en chercher la cause et régler le problème à la source. On doit enlever par la suite toute trace de rouille avec une brosse de métal ou un grattoir. Il faut solidifier les attaches entre les parties des éléments de fonte, mais ne pas trop serrer pour laisser place au mouvement de contraction et de dilatation. On peut utiliser un décapant autre qu’à base d’eau, s’il y a lieu, et appliquer un apprêt à métal antirouille le plutôt possible dans la journée ; on pose par la suite une peinture à base d’huile. De la pâte à remplissage utilisée par les carrossiers permet de combler certains trous, d’aplanir certaines surfaces avant de peindre. Les mêmes techniques servent à la réparation et à l’entretien du métal en feuilles ; il faudra parfois réparer les supports de bois qui, derrière, retiennent le métal en feuille ; assurez-vous de reprendre le même type de tôle et de bien souder les parties entre elles. Pour les détails d’architecture en métal, il est préférable d’apporter au ferblantier l’élément original ou un relevé détaillé. Si l’élément à remplacer est une fonte, vous pouvez vous adresser à une fonderie qui le reproduira. La toiture ■ Respecter la forme et les matériaux d’origine du toit, lucarnes et autres détails. ■ Adapter les matériaux à l’époque de construction de la maison. ■ Éviter d’éliminer ou de recouvrir les détails originaux existants (lucarnes, pignons, cheminées, avanttoit). ■ Considérer tout matériau de substitution comme un pisaller. PHOTO JEAN BEAULIEU INTERVENTION EN RESTAURATION ET EN RÉNOVATION Le type de restauration et de rénovation à effectuer dépend évidemment du genre et de l’âge de la maison et du budget disponible. Par exemple, une maison 20 Les porches, les balcons et les éléments décoratifs Les murs extérieurs ■ D’abord réparer ou remplacer selon le modèle original. ■ Conserver le matériau d’origine (maçonnerie, brique, bois, pierre, crépi). ■ Conserver tous les détails originaux incluant ceux qui ont été ajoutés en respectant le style du bâtiment. ■ Réparer avec les matériaux dont la dimension, la forme et la couleur se marient avec l’original. ■ Éviter de remplacer les consoles, corniches, marquises ou balustres de bois par des structures inappropriées (aluminium, vinyle, tôle, bois traité ou béton…). ■ Éviter d’enlever les caractéristiques architecturales du bâtiment (corniches, consoles, frises, cadrage, moulures décoratives). PHOTO JEAN BEAULIEU PHOTO JEAN BEAULIEU ■ Éviter de poser un nouveau revêtement sans enlever celui qui existe. Les greniers Les murs intérieurs ■ Réparer les problèmes de structure. ■ Il vaut souvent la peine d’investir un peu plus pour découvrir toute la richesse de la décoration originale qui témoigne d’une conception très soignée (corniches, encorbellement, panneaux à motifs imbriqués). ■ Réparer les fuites dans le toit. ■ Il existe des techniques de réparation du plâtre et, à défaut de ne pouvoir plâtrer soi-même, on peut consulter, par exemple, la liste des artisans répertoriés par L’Association des amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec (l’APMAQ). Cette liste recense les artisans et les ressources humaines spécialisées dans la restauration, l’entretien et la conservation des maisons anciennes et patrimoniales. ■ Réparer les cheminées détériorées. PHOTO JEAN BEAULIEU ■ Isoler et ventiler adéquatement. ■ Éviter de mettre les murs à nu alors qu’ils étaient recouverts à l’origine. 21 Les ouvertures Les ajouts ■ On doit essayer de réparer les fenêtres endommagées dans la mesure du possible (quincaillerie et matériaux d’origine ou semblables, moulures identiques). ■ Éviter de faire des ajouts ou rallonges (bâtiments accessoires : garage, hangar, chenil…) qui brisent les volumes existants. ■ Souvent, après un décapage, quelques réparations et la pose d’un coupe-froid, d’anciennes fenêtres de bois retrouveront leur aspect d’origine et obtiendront un facteur de résistance thermique supérieur à plusieurs fenêtres à bon prix vendues sur le marché. ■ Privilégier un aménagement paysager et des clôtures qui s’harmonisent avec l’architecture du bâtiment. ■ De même, il est préférable d’éloigner le plus possible toute piscine d’un bâtiment ancien. ■ Il existe également plusieurs types d’interventions possibles pour la restauration ou la rénovation d’un bâtiment ancien. Il peut s‘agir d’une restauration fidèle, d’une restauration adaptée, d’une rénovation soucieuse ou encore d’une rénovation saccage. ■ Si on doit les remplacer, respecter le style (guillotine, à battants, fixe) et les dimensions (1/2 ou 2/3 pour largeur/hauteur) . ■ Pour obtenir plus de lumière, il est préférable de pratiquer une ouverture semblable plutôt que de remplacer le tout par une porte-patio. ■ Éviter de murer des fenêtres existantes. ■ Comme les fenêtres, les portes d’entrée doivent être conservées et réparées avec des matériaux d’origine. ■ Si on doit les remplacer, essayer d’en faire fabriquer une reproduction. ■ Éviter les porte-patios qui défont le rythme et la symétrie ainsi que l’élégance de la façade. PHOTO JEAN BEAULIEU PHOTO JEAN BEAULIEU ■ Il est préférable de poser un bon coupe-froid plutôt qu’une double porte (souvent en aluminium…) qui masque le style de l’entrée. 22 Conclusion bution de celui-ci au développement du Québec. Sans vouloir limiter les droits liés à la propriété individuelle, les pouvoirs publics ont commencé à utiliser les moyens légaux, réglementaires et administratifs pour promouvoir et mettre en valeur le patrimoine bâti. De leur côté, ne pouvant s’appuyer sur la seule intervention de l’État, les municipalités locales et régionales contribuent de plus en plus, en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme, à la protection et à la mise en valeur du patrimoine bâti en harmonisant leurs pouvoirs avec ceux de tous les niveaux gouvernementaux. On peut aussi rappeler que dans, cette optique, un bâtiment, aussi simple soit-il, qui fait partie du patrimoine architectural contribue grandement à l’intérêt et au charme d’une ville. C’est justement pour cette raison qu’il est tellement important de préserver et de mettre en valeur ses caractéristiques d’origine. Des interventions judicieuses et adéquates sur ces caractéristiques garantissent l’enrichissement de ce patrimoine et assurent l’amélioration de la qualité de vie des habitants de chaque quartier. Le respect du patrimoine constitue une bonne affaire pour tout le monde. Lorsque les travaux sont exécutés dans le respect du patrimoine, ils contribuent à augmenter la valeur du bâtiment. En effet, un bâtiment bien entretenu ou rénové selon les règles de l’art possède une valeur de revente supérieure à celle d’un bâtiment qui a perdu ses caractéristiques d’origine. Ces dernières décennies, trop de propriétés ont perdu de leur intérêt et de leur valeur marchande à cause de modifications radicales et inadéquates. La règle d’or en rénovation est toujours celle qui dit que, même en l’absence d’éléments architecturaux d’intérêt, il importe, lors de travaux d’entretien ou de réparation, de respecter autant que possible les matériaux et les couleurs d’origine de toutes les surfaces En ce début de millénaire, nous sommes forcés de constater que la sauvegarde du patrimoine est devenue une mission de plus en plus difficile, faute de mesures réglementaires adéquates et de l’appui de l’État. Au fil des ans, de nombreux organismes du milieu et les citoyens ont assisté, impuissants, à la perte de nombreux biens patrimoniaux importants et à une dégradation rapide des caractères hérités du cadre bâti qui témoignent de notre identité collective. On constate également un écart croissant entre les approches et les pratiques de conservation du patrimoine bâti, particulièrement en ce qui concerne les patrimoines urbains, territoriaux et les paysages culturels. Aujourd’hui, plusieurs organismes tentent de développer une vision élargie des valeurs patrimoniales à léguer aux générations futures et qui vise à préserver l’ensemble des traits essentiels au maintien de l’identité des lieux. On tente de reconnaître que le milieu bâti québécois est une manifestation tangible de la culture, l’un des fondements de l’identité québécoise et que la valeur du patrimoine bâti constitue une richesse et une ressource collective qu’il faut transmettre aux générations futures. La responsabilité de la mise en œuvre de la sauvegarde de l’identité culturelle de notre milieu construit incombe à tous les organismes concernés dans les limites de leurs compétences respectives. La protection du patrimoine bâti ne relève pas seulement du secteur privé et des propriétaires des biens patrimoniaux, elle constitue un projet collectif, appuyé par une législation et une réglementation. Le patrimoine québécois est aussi la responsabilité de l’ordre public au même titre que l’environnement, l’aménagement du territoire et l’urbanisme. Il est donc normal que les pouvoirs publics, protecteurs des valeurs de l’ensemble de la collectivité présente et future, utilisent tous les moyens mis à leur disposition pour promouvoir et mettre en valeur le patrimoine bâti et pour favoriser la contri23 Pour en savoir davantage apparentes. C’est avant tout une question de compatibilité autant que d’harmonie. En tout état de cause, il est important de ne pas ajouter des éléments qui ne correspondent pas à l’époque de la construction de la maison. Lorsqu’il est nécessaire de remplacer les éléments d’une partie de la maison, une attention particulière doit être portée au choix et à l’agencement des matériaux. Ceux-ci doivent s’apparenter le plus possible aux matériaux d’origine. Grâce à des programmes d’aide à la rénovation patrimoniale et à des actions concrètes, la ville de Montmagny apporte une contribution significative aux efforts collectifs entrepris ces dernières années par les pouvoirs publics pour la protection et la mise en valeur du patrimoine bâti. BEAUDOUIN, Paul et André BOURGAULT, Guide d’interprétation au patrimoine bâti. MRC de Bellechasse, 1999, 48 pages. CHARTIER, Jean-Pierre, « Rénover sa maison ancestrale pour témoigner de notre histoire », Revue québécoise d’urbanisme, vol. 19, n° 3, novembre 1999, p 11 à 13. CHARTIER, Jean-Pierre, « L’évaluation de la qualité patrimoniale d’un bâtiment ancien », Revue québécoise d’urbanisme, vol. 19, n° 2, août 1999, p 12 à 15. DION, Albert, Topographie de Montmagny. Québec, L’Action catholique, 1935, 208 pages. HÉBERT, Yves, Montmagny… une histoire 1646-1996, La seigneurie, le village, la ville. Montmagny, 1996, 304 pages. LABERGE, Alain et al, Histoire de la Côte-du-Sud. Québec, IQRC, 1993, 644 pages. MRC DE BEAUCE-SARTIGAN, Guide de rénovation des maisons anciennes de la Municipalité régionale de comté de Beauce-Sartigan, préparé par la Clinique d’architecture du Québec, 1986, Saint-Georges de Beauce, 39 pages. MRC DE MONTMAGNY, Une fenêtre sur notre histoire, guide de sensibilisation au patrimoine, préparé par Euchariste Morin et Manon Sarthou, Montmagny, 1985, 65 pages. MRC DE MONTMAGNY, Un pas dans l’histoire du vieux Montmagny. L’architecture et le développement urbain de Montmagny, préparé par Manon Sarthou, Montmagny, 1988, 52 pages. RÉNY, Claude, Principes et critères de restauration et d’insertion. Le patrimoine architectural d’intérêt public au Québec, Québec, Les Publications du Québec, 1991, 120 pages. VARIN, François. « L’important, c’est le détail », Continuité, n° 64, p. 37 à 39. 24