Le patrimoine bâti, mémoire de la ville

Transcription

Le patrimoine bâti, mémoire de la ville
AU CŒUR DU VIEUX MONTMAGNY
JEAN BEAULIEU
Cette maison d’esprit anglonormand présente un style
chaleureux aux formes et proportions
bien équilibrées. Elle est caractérisée
par un toit à quatre versants recouvert
de tôle à baguettes et percé de
lucarnes à croupe. Le toit est surmonté d’un terrasson ouvragé, rappelant les « chemins de la veuve » des
maisons de la côte est atlantique. La
ligne de démarcation de la maçonnerie
révèle la présence jadis d’une galerie
ceinturant le carré du bâtiment. Elle
fut construite vers 1872 par William
Price, qui s’en départit en 1908.
JEAN BEAULIEU
JEAN BEAULIEU
Le patrimoine bâti, mémoire de la ville
4
Cette maison en pierre de taille
de style victorien au toit mansardé prend l’allure d’un château avec
sa tour en façade. La tour est percée
de fenêtres cintrées et d’un oeil-deboeuf dans la toiture. La façade principale est particulièrement imposante
avec son fronton, les moulures et
corniches, ainsi que les modillons sous
le larmier.
5
90, RUE SAINT-THOMAS
22, RUE SAINT-JEAN-BAPTISTE OUEST
Implantée en recul de la rue avec
vue sur le bassin de Montmagny,
cette maison de type mansard est
caractérisée par un toit à baguettes
muni de deux cheminées. Les murs
sont revêtus de planches horizontales
et terminés par des planches cornières.
La fenestration, les moulures ainsi
que la galerie équipée de poteaux
chanfreinés et de fer forgé constituent
des éléments distinctifs de cette
demeure.
JEAN BEAULIEU
JEAN BEAULIEU
MRC DE MONTMAGNY
Cette maison de type vernaculaire américain possède des caractéristiques québécoises avec des
fenêtres à six carreaux. Son revêtement en amiante, sa galerie, ses
moulures de fenêtres ainsi que les
modillons et frises en font un exemple
de maison particulièrement intéressant.
8
227, RUE DU MANOIR
O.I.E., PHOTO JEAN BEAULIEU
212, RUE DU MANOIR
255, RUE SAINT-IGNACE
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La construction de cette maison
d’inspiration gothique est l’œuvre de Pierre Nicole, habile ouvrier de
Montmagny. D’esprit néogothique, ce
bâtiment à quatre étages est composé
d’une tourelle circulaire avec une
toiture élancée, de moulures abondantes, de fenêtres bien distribuées
ornées d’éléments décoratifs dans la
partie supérieure et d’une galerie
munie de poteaux tournés.
6
Cette maison de style cubique a
su conserver son revêtement
extérieur original sur les quatre côtés.
La façade principale est ornée d’un
fronton, d’une galerie et d’une mouluration intéressante. Les murs en tuiles
d’amiante sont fermés par des
planches cornières.
Guide de sensibilisation à la conservation du patrimoine bâti
La paroisse de Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille, érigée canoniquement en novembre 1714, est divisée
deux siècles plus tard en deux paroisses : Saint-Thomas et Saint-Mathieu. La rivière du Sud constitue la
ligne de démarcation entre ces deux paroisses et a été le facteur déterminant dans l’orientation du
développement de la ville en raison de l’absence de structures reliant les deux rives. Les deux paroisses
ont longtemps été réunies par un seul pont.
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Contrairement au mode d’occupation traditionnel des autres paroisses du Québec, l’organisation des rues
de Montmagny doit davantage aux confluences des rivières et à la convergence de plusieurs rangs vers
leur point de franchissement. Au carrefour de ces trois voies d’accès principales de la ville où se dressait
l’église paroissiale, le vieux Montmagny affiche un petit air européen tandis que les rues commerciales
offrent un caractère intime.
74, RUE SAINT-ÉTIENNE
Couvert 5
ALAIN FRANCK
COLLECTION JEAN BEAULIEU
COLLECTION GINO DUFOUR
COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET
Panorama de Montmagny vu à partir du
clocher de l’église en 1895 et reconstitué
à partir de cartes postales anciennes.
Distribution des bâtiments à valeur patrimoniale exceptionnelle et supérieure
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De faible dimension, la maison
de colonisation est implantée près
du sol. Elle est caractérisée par un toit
à deux versants et les murs extérieurs
sont habituellement lambrissés de
déclin ou en bardeaux de cèdre. On
retrouve souvent des fenêtres à guillotine sur ce type de maison.
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PHOTO JEAN BEAULIEU
PHOTO JEAN BEAULIEU
JEAN BEAULIEU
Ce presbytère de type monumental est construit en 1872, à
l’époque du curé Léon Rousseau. Il est
érigé en pierre de taille, coiffé d’un
toit à deux versants percé de lucarnes
à pignon. Il fait partie du noyau
institutionnel de la place de l’Église.
Aujourd’hui, la galerie accroché au
mur pignon a disparu.
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Même affublée de ses deux
tourelles, la maison Taché n’en
demeure pas moins un bel exemple de
style québécois. Le manoir doit son
nom à Sir Étienne-Paschal Taché
(1795-1865), homme politique natif
de Montmagny qui fut élu premier
ministre à deux reprises sous le
Canada-Uni. Ancien patriote qui
glissera vers la conciliation en faisant
partie des réformistes, il formera le
ministère de la Coalition et participera
activement à la constitution de la
confédération. Sa maison a été construite dans la première moitié du
XIXe siècle, puis classée bâtiment
historique en 1962.
2
PHOTO JEAN BEAULIEU
153, RUE SAINT-JOSEPH
JEAN BEAULIEU
JEAN BEAULIEU
Cette imposante maison d’esprit
français est l’une des plus anciennes de la ville de Montmagny. Elle a
été construite en 1767 par un Écossais
du nom de Donald MacKinnon. Il fit
de sa maison une auberge qui n’eut
pas l’heur de plaire au curé de
l’époque, Jean-Baptiste PetitMaisonbasse, puisque ce dernier
dénonça vertement la proximité de la
taverne lors de la construction de
l'église en 1771. Mais l’aubergiste
rétorqua qu’il était là avant lui.
1
Le savoir-faire des artisans constructeurs de la
région de Montmagny
s’est exprimé au cours
des années par l’application d’éléments décoratifs particuliers autour
des fenêtres des maisons
et par l’ajout dune
balustrade basse ceinturant la galerie.
Ce type de fenêtre est orné dans sa partie
supérieure d’une moulure dite « de
Montmagny » en forme de virgule, tandis que la
galerie « de Montmagny », basse afin de pouvoir
s’asseoir pour y faire un brin de jasette, est composée de «bois de galerie» ou balustres de section carrée.
Ces particularités font partie aujourdhui du langage architectural de la région et caractérisent
un certain nombre de maisons anciennes.
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Les particularités régionales
Les styles architecturaux à Montmagny
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LÉGENDE
Bâtiment à valeur patrimoniale
exceptionnelle et supérieure
Bâtiment à valeur anecdotique
(voir brochure pages 11 et 19)
Itinéraire suggéré
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2
AU CŒUR DU VIEUX MONTMAGNY
Le patrimoine bâti, mémoire de la ville
Guide de sensibilisation à la conservation du patrimoine bâti
MOT DU MAIRE
Le patrimoine bâti à Montmagny, une valeur authentique
ment des rues et des quartiers a influencé de façon
déterminante la conception des maisons.
La Ville de Montmagny est heureuse de présenter à
la population une nouvelle brochure portant sur les
belles demeures de son patrimoine bâti. La publication
de cet ouvrage est réalisée en collaboration avec le
programme « Villes et villages d’art et de patrimoine »
et la MRC de Montmagny. Elle s’inscrit fort bien dans
une démarche de sensibilisation pour la protection et la
mise en valeur de notre patrimoine. Nous croyons
fermement qu’un outil de la sorte permettra d’assurer
la continuité des éléments les plus significatifs du
paysage architectural de la ville. Ainsi, nous développerons un partenariat durable avec les propriétaires de
nos maisons anciennes.
Soucieuse d’offrir à la population un cadre de vie
harmonieux, la Ville de Montmagny est persuadée que
la conservation du patrimoine architectural contribuera
à développer un sentiment de fierté et d’appartenance
auprès de sa population. La mémoire des bâtisseurs
sera alors respectée. Enfin, n’oublions jamais que la
richesse de notre héritage patrimonial constitue un
élément authentique important à l’égard du développement touristique culturel sur notre territoire.
Le maire,
Ce guide constitue une observation de l’évolution
historique de la ville de Montmagny au cours du siècle
dernier. Il aura l’avantage, également, de faire découvrir aux citoyens et aux citoyennes comment l’agence-
Jean-Claude Croteau
Ville de Montmagny
1
SOMMAIRE
Avant-propos
La conservation du patrimoine bâti
Page 3
Une manière d’occuper l’espace
Page 5
Une paroisse en développement
Page 8
Publié par la ville de Montmagny, en vertu d’une entente avec
le ministère de la Culture et des Communications du Québec.
Les quartiers de Montmagny
Page 12
Les particularités architecturales
des maisons anciennes
Page 14
Réalisé par la MRC de Montmagny, programme Villes et villages
d’art et de patrimoine.
Conseils pratiques et principes de rénovation
Page 18
Conclusion
Page 23
Recherche et rédaction
Alain Franck
Documentation
Caroline Coulombe
Pour en savoir davantage
Page 24
Révision linguistique
Solange Deschênes
EN COUVERTURE
Conception et réalisation graphique
Anne-Marie Berthiaume
Les styles architecturaux à Montmagny
Photographies de la couverture
Jean Beaulieu photographe
Collection Gino Dufour
Dépôt légal
Bibliothèque nationale du Québec, 2e trimestre 2001
Bibliothèque nationale du Canada, 2e trimestre 2001
ISBN 2 - 9802631-3-3
Les particularités régionales
Distribution des bâtiments à valeur patrimoniale
exceptionnelle et supérieure
Avant-propos
La conservation du patrimoine bâti
dresser un portrait de l’évolution du développement
de certains secteurs de la ville et de répertorier les bâtiments représentant un intérêt particulier. On y a
recensé 182 bâtiments dont la valeur patrimoniale a
été établie en considérant leur époque de construction,
leur état d'intégrité ainsi que leur niveau d’intérêt
pour une mise en valeur. L’inventaire architectural a
permis à la fois de qualifier les formes architecturales
présentes sur le territoire, de décrire la nature des
potentiels architecturaux et de suggérer des interventions adéquates afin de mettre en valeur le patrimoine
bâti de Montmagny.
En raison du caractère exceptionnel de certains
secteurs et de la qualité des bâtiments qui s’y trouvent, il a paru évident que des actions soient prises
pour protéger et mettre en valeur cet héritage du
passé. La présence d’une concentration importante de
bâtiments ayant une valeur patrimoniale exceptionnelle et supérieure dans un rayon de quelques centaines de mètres à partir du centre-ville a même incité
la municipalité à envisager la possibilité de constituer
une partie de ce territoire en site du patrimoine.
Comme il est primordial d’obtenir la participation et
l’appui de la population concernée, la ville de
Montmagny s’est fixé pour objectif de concevoir un
programme de sensibilisation au patrimoine bâti afin
de soutenir la conservation et la mise en valeur des
maisons anciennes reconnues d’intérêt patrimonial.
Cette action vise à assurer la pérennité des éléments
les plus significatifs du paysage architectural de la ville
et à établir un partenariat durable avec la population.
On a donc voulu créer une cadre de travail qui garantira l’évolution harmonieuse des bâtiments résidentiels
et du paysage urbain de la municipalité.
Il est facile de constater qu’il existe présentement très
peu d’information pour aider les propriétaires à
rénover ou à entretenir leur maison tout en lui gar-
Dans presque toutes les municipalités du Québec, il
existe actuellement une vaste problématique entourant
la conservation, la protection et la mise en valeur des
bâtiments anciens. La ville de Montmagny n’y échappe
pas.
On remarque que l’unicité d’un milieu repose souvent sur plusieurs facteurs : des rues sinueuses, des
perspectives inattendues, des activités peu communes,
des habitudes de vie et même des traits de caractère
propres à une région. L’observation et l’analyse de l’architecture permettent de connaître les manières d’occuper le territoire et les modes de vie de nos ancêtres,
la maison étant comme un vêtement qui révèle les
goûts, les habitudes et les styles de vie de ceux qui
l’habitent.
Pour la municipalité, gérer ce patrimoine consiste à
reconnaître les caractéristiques historiques et architecturales qui composent l’identité du milieu et à en
tirer profit. Un développement qui met en relief les
éléments du patrimoine et qui fait appel à l’engagement des propriétaires dans sa conservation favorise
la création de milieux de vie prospères, harmonieux
et économiquement stimulants.
UN OUTIL DE GESTION DU PATRIMOINE
ARCHITECTURAL
Toute action qui entraîne une intervention sur les
bâtiments anciens, que ce soit la rénovation, la restauration, le recyclage d’édifices, la conformité aux
normes, la démolition ou encore le ravalement des
façades, commande une connaissance des potentiels
architecturaux présents sur le territoire. Après avoir
défini la nature et la qualité de ces potentiels ainsi que
leur distribution, il est possible d’entreprendre une
action coordonnée et réfléchie de manière à mettre en
valeur la spécificité des types architecturaux.
En 1998, un inventaire architectural du vieux
Montmagny et de ses principales entrées a permis de
3
dant son cachet d’origine et en mettant en valeur le
paysage de leur quartier ainsi que celui de leur municipalité.
Ce document a pour objectif d’abord de faire connaître le patrimoine architectural magnymontois à travers son évolution historique, mais aussi de transmettre
une connaissance de base indispensable à la compréhension du développement de la ville en regard de
son environnement. De plus, il permet de saisir les
grands principes de la rénovation patrimoniale qui
devrait guider à la base toute intervention sur les bâtiments anciens. En prenant conscience de l’importance
du patrimoine architectural, il vise également à aider
les propriétaires de maisons anciennes à entreprendre
des actions concrètes afin de préserver l’architecture
des bâtiments et la qualité du tissu urbain.
4
Une manière d’occuper l’espace
COLLECTION GINO DUFOUR
DE LA SEIGNEURIE À LA VILLE
Au début de la colonie, la façon de concéder les terres
est conditionnée par la grande voie de communication
par excellence, le Saint-Laurent. Le découpage des
terres concédées représente donc des bandes parallèles
étroites et peu profondes, bordant au fleuve pour que
plus d’habitants aient accès à cette route naturelle.
L’aménagement des habitations et des dépendances
répond également à certains impératifs propres au
monde agricole. D’abord, les colons construisent leurs
maisons en suivant les contraintes géographiques telles
que les qualités du sol assurant solidité et étanchéité
des fondations et la possibilité d’y creuser un puîts ou
la proximité d’une source d’eau. Puis ils pratiquent
l’économie agricole en conservant la bonne terre pour
l’agriculture et en réservant les parties incultes,
rocheuses ou élevées, au bâti.
Vue panoramique de Montmagny vers 1895 et de la
rue de l’Anse prise du clocher de l’église.
Mentionnons aussi que la façade des maisons est
souvent orientée vers le sud afin de profiter du maximum d’heures d’ensoleillement durant une journée.
Cette orientation se révèle particulièrement efficace
surtout durant les automnes pluvieux et les hivers
longs du Québec.
LA POINTE-À-LA-CAILLE
Montmagny fait partie de l’ancienne seigneurie de la
Rivière-du-Sud concédée à Charles Huaut de
Montmagny. Elle est la plus importante de toutes les
seigneuries concédées sur le territoire. Mais c’est l’arrivée de Louis Couillard de l’Espinay, en 1670, qui
marque le début de la colonisation. Compte tenu de
l’importance du fleuve, les colons s’établissent sur ses
rives. Peu de temps après l’établissement d’un groupe
de colons à l’embouchure d’un petit cours d’eau
nommé rivière à la Caille, situé à quelques kilomètres
à l’ouest du bassin de la rivière du Sud débute l’histoire de la ville de Montmagny.
Dès 1678, les censitaires de la seigneurie y bâtissent
leur première chapelle au bord de l’eau. Mais, en l’espace de cent ans, l’érosion gruge quelque 15 arpents
à la terre ferme. Cette perte de terrain est causée par
Carte de la paroisse de Saint-Thomas en 1875. Tirée
du livre Topographie de Montmagny de l’abbé
A. Dion.
5
COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET
du chemin du Roy. L’ancienne église fut abandonnée
puis disparut vraisemblablement vers 1837 ainsi que le
cimetière qui fut la proie du fleuve avant qu’il ne soit
déménagé.
Résidence de William Randan Patton, aujourd’hui
située au 178, rue Saint-Joseph.
COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET
le défrichement systématique pratiqué par les colons
lors de leur établissement. Privée de ses racines, la rive
dégarnie du fleuve s’effrita dès lors rapidement sous
l’action combinée des marées et des glaces printanières.
À la suite de ce constat, lorsqu’il est question d’apporter des réparations considérables à la troisième
église, on se rend compte qu’il devient inutile de
reconstruire l’église à cet endroit.
Les colons installés à la Pointe-à-la-Caille doivent
transporter leur habitation sur le haut de leur terre,
certains pour ne pas être emportés par le fleuve,
d’autres pour se rapprocher de la nouvelle église ou
Le moulin Patton, construit en 1842, est alimenté par
la rivière des Vases. Ce n’est qu’en 1955 que la grande
roue sera secondée par un moteur électrique pour
suppléer au manque d’eau.
6
LA PREMIÈRE TRAME URBAINE
DE MONTMAGNY
Après la Conquête, la petite communauté de SaintThomas-de-la-Pointe-à-la-Caille connaît des changements importants. Les habitants délaissent
graduellement les rives du fleuve pour aller former un
village au confluent de la rivière du Sud et du bras
Saint-Nicolas. Désormais, les terres sont orientées en
fonction de ces cours d’eau. Après l’incendie de la
Côte-du-Sud par les Anglais, la reconstruction des
habitations, des moulins et des maisons de la seigneurie
s’impose. Une fois passés les débats plutôt houleux sur
le choix du site de la nouvelle église de Saint-Thomas
érigée en 1771, le noyau villageois se développe autour
de la place de l’église et plus tard le long du chemin
du Roy (1833), aujourd’hui la rue Saint-Jean-Baptiste.
C’est à cette époque que se structure petit à petit la
première trame urbaine de Montmagny, autour de la
place de l’Église. Un réseau de rues convergentes se
tisse, des commerces s’implantent.
Bien que l’agriculture constitue une économie de
subsistance dans la seigneurie, des habitants s’adonnent graduellement à des activités nouvelles reliées à
la mer, à la forêt et au commerce du bois. Bientôt, le
village de Saint-Thomas devient un carrefour
d’échanges et de services.
Au début du XIXe siècle, l’accroissement de la population crée une demande pour les produits agricoles,
et les échanges s’en trouvent stimulés. Le Saint-Laurent
demeure la voie de communication avec l’extérieur, les
premières rues se dessinent, et les ponts à péage apparaissent.
Entre 1850 et 1930, des changements significatifs
surviennent dans la société magnymontoise qui devient
graduellement une véritable société urbaine. C’est le
passage de la colonisation à l’industrialisation. Les
transformations socioéconomiques que connaît
COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET
Montmagny ont des répercussions sur l’évolution du
tissu urbain. De 1850 à 1867, on remarque une poussée
de la population du côté est de la rivière du Sud et en
bordure du bras Saint-Nicolas.
À partir de 1867, la population, qui devient davantage ouvrière, se concentre vers le sud-est, près du
chemin de fer et du moulin Price, puis se dirige vers
l’ouest en raison de la présence de la fonderie
d’Amable Bélanger. Par la suite, le secteur à l’ouest de
l’usine Bélanger se développe grâce à l’implantation de
nouvelles usines. Jusque vers 1881, le nombre d’habitations s’accroît graduellement autour de ces usines.
C’est en 1883 que la loi incorporant la ville de
Montmagny est sanctionnée. À la fin du XIXe siècle, la
ville de Montmagny est un véritable pôle régional sur
la Côte-du-Sud. Son développement est lié intimement
aux initiatives d’une poignée d’hommes d’affaires et
d’industriels, dans une conjoncture économique parfois difficile. La croissance industrielle, qui provoque
dans une bonne mesure l’augmentation de la population, permet la naissance de nouveaux quartiers. À
cette époque, Montmagny compte donc un véritable
quartier ouvrier à proximité des lieux de travail.
Par ailleurs, la vieille agglomération villageoise se
transforme considérablement avec la construction de
nombreux édifices publics – hôtel de ville, palais de
justice, couvent, collège, bureau de poste, hospice – et
la présence de magasins, d’un réseau d’aqueduc, d’un
service d’électricité et d’un service d’hygiène qui
achèvent de lui donner un caractère résolument urbain,
même si la dénomination de village persiste jusqu’en
1883. L’établissement de services publics à Montmagny
est attribuable tant aux industriels et aux hommes d’affaires qui contribuent à l’essor de ce secteur qu’aux
initiatives du Conseil municipal qui veille à l’amélioration de la qualité de vie dans la ville.
Même si la crise des années 1930 et la période des
deux guerres mondiales ont une influence sur l’économie de la ville, un certain nombre d’industries s’établissent à Montmagny. Jusqu’en 1960, la ville de
Montmagny connaît une période de grande prospérité.
On estime qu’elle est la municipalité de la province qui
Amable Bélanger fait construire ce château de style
néo-Queen-Anne pour son fils Joseph-Amable en
1906. Cette demeure tranche pour le moins avec les
habitations environnantes. Les fers de galerie en fonte
qui ornent la façade proviennent évidemment de
l’usine. Les tourelles circulaires recouvertes de métal
en feuilles, les éléments décoratifs, les doubles cheminées, la fenestration harmonieuse apportent un style
aristocratique au bâtiment. Au premier plan, on
aperçoit les voitures des représentants de la compagnie
A. Bélanger.
possède le plus d’industries en proportion de sa population.
Finalement, le noyau du Montmagny d’aujourd’hui
se constitue lentement et le développement se poursuit. D’un côté, tout le vieux Montmagny se pare à
nouveau de beaux atours grâce notamment à l’initiative avant-gardiste des marchands de la ville qui recyclent les maisons ancestrales. De l’autre, dans un élan
d’essor économique, de nouveaux bâtiments se profilent, et un paysage contemporain surgit. Le patrimoine
bâti et paysager, qui est en continuelle évolution selon
les courants architecturaux des différentes époques,
peut alors se traduire dans une nouvelle version
améliorée. Pour réussir cette dernière, il s’agit d’être
attentif à un environnement esthétique dont les gens
de Montmagny sont tributaires. En bout de ligne, l’âme
de la ville de Montmagny se dévoile avant tout à travers l’histoire des lieux et des maisons qui s’y trouvent.
7
La rue Saint-Jean-Baptiste au début du XXe siècle.
COLLECTION GINO DUFOUR
LES PREMIÈRES MANIFESTATIONS
ARCHITECTURALES
Une connaissance approfondie de l’histoire de la ville
de Montmagny et des périodes d’établissement des
premiers résidents sur le territoire nous permet de
fixer déjà certaines balises dans l’identification des
manifestations architecturales. Dans ces circonstances,
il est clair, par exemple, qu’on ne cherchera ni ne trouvera, dans les secteurs montagneux ouverts à la colonisation au milieu du XIXe siècle, des spécimens de
l’architecture rurale ou villageoise du XVIIIe siècle dans
la vallée du Saint-Laurent. On ne reconnaîtra pas de
la même manière des exemples de l’architecture
urbaine issus des seuls bourgs autorisés (Montréal,
Trois-Rivières et Québec) avant le milieu du
XVIIIe siècle. Connaître également le lieu d’origine des
premiers résidents ou encore leur origine ethnique
revêt une grande importance dans la distribution de
certaines formes architecturales ou encore de certains
matériaux. Ainsi, l’emploi de la brique dans le revêtement extérieur d’un bâtiment se répand seulement vers
le milieu du XIXe siècle chez les francophones alors que
son usage est déjà répandu chez les anglophones et les
Hollandais des cantons de l’Est.
COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET
Une paroisse en développement
La trame urbaine de Montmagny s’étirant à l’ouest le
long de la rue Saint-Jean-Baptiste vers 1895.
8
Il est tout aussi important de connaître avec précision les quelques événements marquants qui peuvent
avoir influencé le développement de ce territoire. Le
passage du chemin de fer (1860), par exemple, a eu
une incidence sur la croissance. Comme on dira en
1935 : « Fatale centralisation ! Quoi qu’il en soit, le
chemin de fer reste toujours l’entrée royale dans le
grand Montmagny ». Les conflagrations comme les
incendies de l'hôtel de ville en 1944 et de l'église en
1948 vont marquer fortement le paysage architectural
de la ville de Montmagny. Les reconstructions qui s’ensuivent, limitées dans le temps, vont modifier ce
paysage en y inscrivant des formes architecturales nouvelles. L’élargissement d’une rue, qui entraîne des
démolitions, tout comme la fermeture d’une autre pour
l’agrandissement d’une usine constituent d’autres
événements marquants.
L’ORGANISATION SPATIALE
Il est facile de constater, en parcourant les rues de la
ville de Montmagny, que certains secteurs, parsemés
COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET
Resserrée entre le chemin de fer, les rivières et les
premiers coteaux, traversée par les voies d’accès
soumises à la localisation des ponts, la trame urbaine
du vieux Montmagny s’est peu à peu constituée au
hasard autour de petits îlots et d’emprises de rues
étroites. À l’intérieur des îlots, le lotissement a favorisé
une trame serrée de lots étroits et peu profonds. La
présence au centre-ville d’une usine d’importance
(Amable Bélanger) a également eu des répercussions
sur la configuration de la trame urbaine puisqu’on
retrouve dans ce quartier de petites résidences
La rue Saint-Thomas vers 1915.
COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET
de petites rues étroites, ont été pensés en fonction des
voitures à chevaux (Saint-Jean-Baptiste, Saint-Thomas,
Sainte-Marie, Saint-Étienne). On s’aperçoit que le parcellaire urbain est très ancien, ayant été mis en place
dès la première moitié du XIXe siècle. Le réseau particulier des rues répond par sa forme à un développement singulier tributaire davantage du tracé des cours
d’eau que d’un plan urbain planifié. Depuis la
Conquête, l’agglomération occupe le point de confluence de la rivière du Sud ainsi que du bras SaintNicolas avec le Saint-Laurent.
La paroisse de Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille
érigée canoniquement en novembre 1714 est divisée
deux siècles plus tard en deux paroisses : Saint-Thomas
et Saint-Mathieu. La rivière du Sud constitue donc la
ligne de démarcation entre ces deux paroisses et a été
le facteur déterminant dans l’orientation du développement de la ville en raison de l’absence de structures
reliant les deux rives. Les deux paroisses ont longtemps
été réunies par un seul pont. Même si le fleuve constitue le principal élément hydrographique du comté,
l’agglomération n’a que fort peu de contact avec lui
puisque la trame urbaine s’étend sur le second plateau,
tant à l’ouest qu’à l’est de la rivière du Sud, le long
d’une crête rocheuse.
Le parcellaire urbain de Montmagny ne doit pas
beaucoup au cadastre rural québécois qui suit
habituellement le tracé de la rue principale avec des
rues secondaires perpendiculaires et parallèles.
Plusieurs facteurs sont d’ailleurs venus contrecarrer les
effets de ce mode d’occupation traditionnel. Il y a
d’abord deux confluences, celle de la rivière du Sud
avec le bras Saint-Nicolas, et ensuite celle de la rivière
du Sud avec le Saint-Laurent. Vient ensuite la convergence de plusieurs rangs vers le point de franchissement de la rivière du Sud et le bras Saint-Nicolas. À
ce carrefour de trois voies d’accès principales de la ville
se dressait l’église paroissiale. Plus tard vint s’ajouter
le chemin de fer, barrière que la trame urbaine n’a
guère franchie. Finalement, les contraintes géographiques ont imposé à la ville de se développer sur
la terrasse supérieure et non pas en bordure du fleuve.
Méandre de la rivière du Sud face au centre-ville. Au
premier plan, le presbytère construit en 1873.
9
CENTRE DE DOCUMENTATION DE MONTMAGNY
Plan de la ville de Montmagny en 1934.
à morphologie complexe, fruit d’un héritage du passé,
a obligé la ville à s’allonger démesurément à l’est et à
l’ouest, ou bien à continuer son expansion en descendant sur la terrasse du bord du fleuve, au nord de la
route 132.
Le vieux Montmagny ayant été principalement
développé au XIXe siècle sans plan directeur, les rues
y sont étroites et suivent des tracés irréguliers. La configuration assymétrique des rues, la convergence en
pointe de flèche de certaines autres rues, les chemins
privés tracés au hasard pour desservir les îlots d’habitation, des rues principales qui convergent face à des
ouvrières dans les cours arrière des maisons plus
imposantes. Le nombre d’ouvriers s’accroît à mesure
que se créent les industries. L’organisation de l’espace
s’en trouve changée puisqu’un ouvrier qui ne cultive
plus la terre n’a besoin que d’un emplacement suffisant
pour y construire une petite maison. Beaucoup de lots
profonds ont été ainsi scindés au cours des ans pour
permettre la construction de ce type de maison.
Depuis le début des années 1960, ne pouvant s’étendre au sud, à moins de sauter la double barrière du
chemin de fer et de l’autoroute 20, ce noyau central
10
rues puisqu’il existe des maisons dont les murs latéraux
convergent afin de prendre la forme de la jonction des
rues en pointe de flèche.
Convergence en pointe de flèche des rues SaintThomas et Saint-Jean-Baptiste, vue de l’église.
COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET
LES GRANDS PÔLES D’ACTIVITÉ
Le développement singulier des rues de la ville a
engendré une configuration particulière de la trame
urbaine, morcelée la plupart du temps par des pôles
d’activités distincts.
Il en résulte un tracé orthogonal dans l’extension de
la partie sud-ouest de la ville tandis que le centre-ville,
plus ancien, prend la forme d’un « T » s’étendant le
long de la rue Saint-Jean-Baptiste jusqu’au croisement
de la rue de la Gare. À l’est, la rue principale aboutit
au noyau institutionnel ; on y retrouve les bâtiments
religieux, les services municipaux, financiers et scolaires, tandis que les industries Bélanger la délimitent
aussi nettement à l’ouest. Un deuxième pôle institutionnel, situé au sud du centre-ville, dans le secteur de
la rue de la Gare et du palais de justice, regroupe des
édifices gouvernementaux.
Il se révèle fort difficile de distinguer une hiérarchie
des rues à Montmagny. Dans le noyau ancien de l’agglomération, l’entrée en vigueur du cadastre a été
postérieure aux établissements humains, si bien que le
plan du réseau et la largeur des emprises paraissent peu
fonctionnels. Tous ces changements successifs apportés
selon les pressions du moment ont dans une certaine
mesure influencé le paysage architectural de la ville au
cours de son histoire. La population a néanmoins su
adapter le bâti aux contraintes physiques et géographiques de son territoire et a suivi les principaux
courants stylistiques du temps. Ainsi, on retrouve à
Montmagny à peu près tous les styles architecturaux
présents au Québec. Dans plusieurs cas, on a même
su adapter les bâtiments à la configuration de certaines
COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET
pôles institutionnels donnent au centre-ville un petit
air européen et confèrent aux rues commerciales un
caractère intime. Cette situation s’explique, entre
autres, par la présence de la rivière qui effectue un
méandre face au centre-ville et par les principes de
développement en étoile importés de France au début
de la colonisation. Il en va de même pour le secteur
de la rue Saint-Ignace, à l’est de la rivière du Sud où
l’on retrouve des rues étroites, pas nécessairement
conçues pour la circulation automobile.
Les murs de cet édifice asymétrique convergent en
direction de la place de l’église afin d’épouser la jonction des rues. Le bâtiment est maintenant situé derrière l’hôtel de ville, voisin du parc de la Mairie.
11
Les quartiers de Montmagny
L’industrialisation et la croissance
démographique suscitent la création
de quartiers distincts à Montmagny. À
la fin du XIXe siècle, des quartiers sont
désignés pour répondre aux besoins
de l’administration municipale et sont
divisés selon certaines catégories. On
retrouve notamment :
• le quartier institutionnel ;
• le quartier commercial ;
• le quartier ouvrier converti plus
tard en quartier industriel ;
• le quartier résidentiel ;
• le quartier de l’ancien domaine
des seigneurs loti en espace
résidentiel.
Aujourd’hui, il est facile de constater
que, dans le secteur de la rue des
Érables et des rues avoisinantes par
exemple, aucune maison n’est
antérieure au début du XXe siècle.
Heureux mélange de nature et de culture, le paysage architectural de
Montmagny est donc tributaire de la
géographie, de la disponibilité des
matériaux, du statut social de ses habitants, des courants stylistiques en
vogue, des changements économiques, culturels et technologiques.
Pour mieux saisir l’évolution de la
trame architecturale de la ville, on
peut diviser le territoire en secteurs
suivant les modes d’occupation.
Place de l’Église, le noyau institutionnel
La place de l’Église est un secteur consacré à la pratique religieuse, à l’éducation et aux services publics.
Lieu de sociabilité par excellence, il compte aussi
quelques commerces et des artisans. C’est aussi dans ce
quartier que résident, au milieu du XIXe siècle, le maire
et les notables du village.
Le quartier ouest, secteur
industriel et résidentiel
Le quartier situé à l’ouest de la rue
du Dépôt (de la Gare) regroupe
surtout des ouvriers qui travaillent
dans diverses usines. En 1883, il comprend le palais de justice, l’entreprise
Bélanger et la gare ferroviaire. Ce
n’est que dans les années 1940 que ce
quartier s’industrialise davantage. Ce
secteur a même été l’objet d’un projet
de quartier résidentiel pour les ouvriers, le « Val Montmagny » distinct
de Saint-Thomas. Mais le projet fut
abandonné.
Le secteur extramuros
Bien que la plus grande concentration des bâtisses anciennes se
retrouve au centre de l’agglomération urbaine, il existe également
plusieurs habitations, témoins de l’époque seigneuriale et de la vocation agricole du hameau, à la périphérie de Montmagny. D’esprit
français, la plupart des maisons sont situées dans la partie ouest des
limites de la ville où l’on retrouvait jadis, au sud-ouest de la pointeà-la-Caille, le fief Saint-Luc et la pointe Saint-Thomas.
12
Plan de la ville de Montmagny en 1946. Fait intéressant à noter, le boulevard Taché ne viendra relier les
deux rives qu’à partir de 1950.
Le secteur du bassin
Le secteur du bassin de Montmagny est caractérisé par la
présence de l’eau qui représente la force motrice et le
moyen de transport des marchandises de toutes sortes. Ce
secteur est étroitement associé à l’époque seigneuriale et
aux premières activités industrielles avec l’établissement
des moulins à farine et à scie. Il est donc normal d’y retrouver des vestiges du Régime français et des bâtiments d’esprit français.
Depuis l’érection du premier moulin banal en 1645 et du
manoir Couillard-Dupuis en 1789, plusieurs scieries se
sont succédé comme celle de Jean-Baptiste C.-Dupuis en
1783, achetée par William Price en 1834, ainsi que des
chantiers maritimes, tels ceux de la compagnie Price et
plus tard celui de la famille Lachance à partir de 1945. Ce
secteur de la ville, considéré par les anciens comme le bas
de la paroisse et souvent désigné comme la partie de
« l’autre bord des ponts », est habité à l’origine par les artisans, les constructeurs de navires, les navigateurs, les capitaines au long cours, les contremaîtres des compagnies
forestières et leurs nombreux ouvriers, ainsi que ceux qui
firent fortune dans l’exploitation des pêcheries du golfe.
Il est normal d’y retrouver des résidences bourgeoises et
des maisonnettes d’artisans. Cette transformation en
faubourg d’une région plutôt agricole de nature est fort
ancienne. On sait que l’occupation de ce territoire du
havre de Saint-Thomas remonte à 1780.
Le quartier sud ou Saint-Mathieu
Le quartier sud de la rivière du Sud comprend un certain nombre d’artisans, d’ouvriers et de cultivateurs. On y retrouve à une
époque une petite usine de balais. Avec les
années, ce quartier se développe vers l’est,
en côtoyant l’ancien tracé du chemin du Roy.
CENTRE DE DOCUMENTATION DE MONTMAGNY
Le secteur du Manoir, quartier résidentiel
13
Le secteur du Manoir est un quartier élégant de part et
d’autre d’une falaise où la végétation donne un cachet
naturel et romantique aux propriétés. Plusieurs rues portaient d’ailleurs le noms d’espèces d’arbres, comme la rue
des Érables par exemple, ceux-ci ayant été plantés à l’initiative du seigneur Patton. À une époque, la rue SaintLouis portait le nom d’avenue des Bouleaux. C’est un des
quartiers où la richesse patrimoniale est à son plus fort
avec la présence de nombreuses traces du régime seigneurial. L’alignement des maisons et l’homogénéité du cadre
bâti sont l’œuvre de l’industriel Amable Bélanger qui a
développé la trame urbaine de ce secteur.
Les particularités architecturales
des maisons anciennes
L’inventaire des secteurs d’intérêt historique et patrimonial de la municipalité de Montmagny a permis de
recenser les caractéristiques particulières de chaque
bâtiment. Parmi ce dénombrement, on retrouve à peu
près tous les styles architecturaux qui ont existé au
Québec depuis le début de la colonie, ce qui en fait
une sorte de microcosme de l’architecture québécoise.
À Montmagny, plusieurs styles architecturaux sont
représentés dans l’éventail des maisons anciennes de
la région, lesquels suivent les courants de pensée qui
représentent l’évolution historique du territoire.
Chaque maison a sa personnalité et diffère des autres,
notamment dans ses éléments décoratifs, comme les
portes, les moulures des fenêtres, les balustres et
l’ornementation des galeries. Cependant, toutes peuvent se ramener à l’un ou l’autre des sept grands
groupes architecturaux. Ceux-ci sont définis par
quelques éléments clés, tels la forme du toit, la disposition des fenêtres en façade ou le nombre d’étages.
ESPRIT FRANÇAIS
Les maisons d’esprit français (1675-1800) sont les plus
anciennes compte tenu des origines des premiers habitants
qui se sont inspirés des maisons de la mère patrie. Plusieurs
de ces habitations ont été malheureusement détruites lors
de la Conquête anglaise de 1760. On retrouve ce type
d’habitation dans les secteurs anciens de la ville, notamment près du bassin, de l’église et de la Pointe–à-la-Caille.
Ce type d’habitation était toutefois plus ou moins adapté
à un nouvel environnement caractérisé par un climat
extrêmement rigoureux. L’adaptation aux éléments climatiques va donc provoquer plusieurs changements qui
deviendront ultérieurement les caractéristiques de la
maison québécoise. Implantée près du sol, sans sous-sol,
la construction de ce type apporte son lot de problèmes :
le bâtiment se soulève sous l’effet du gel, les murs se
lézardent et laissent pénétrer l’eau. Le plancher est froid
et humide.
LES PRATIQUES ÉVOLUENT
Les matériaux ainsi que les techniques de construction sont aussi des éléments qui permettent de situer
l’âge approximatif d’une construction. Ainsi :
• les arcs de décharge en brique au-dessus des
fenêtres se sont redressés depuis le milieu du
XIXe siècle ;
• les constructions en brique massive avec boutisse
tendent à disparaître au début du XXe siècle ;
• les fondations en pierre sont remplacées par des
fondations en béton au cours des années 1930 ;
• les fenêtres dites traditionnelles à vantaux sont
remplacées par d’autres modèles dans les années
1920, comme les fenêtres à guillotines ;
• les constructions en madriers sur le chant sont
légion entre 1850 et 1940 ;
• le bardeau d’amiante et le papier-brique sont des
matériaux de revêtement utilisés après 1920.
Ce type d’habitation est caractérisé surtout par la forte
pente du toit, celui-ci représentant le double de la hauteur
de la maison. Les larmiers sont très faibles pour ne pas
dire inexistants, ce qui entraîne avec l’eau de ruissellement
des détériorations rapides
du revêtement, des ouvertures et des fondations.
Exemples
153, rue Saint-Joseph, Deux
marquises
311, boul. Taché Ouest,
maison Têtu
14
PHOTO JEAN BEAULIEU
301, boul. Taché Est, manoir
Couillard aujourd’hui le
musée de l’Accordéon
37, rue Sainte-Marie, maison
Taché
Après une série de transformations pour l’adapter à la
rigueur des hivers, la maison québécoise (1780-1920)
semble atteindre sa pleine maturité vers le milieu du
XIXe siècle. D’abord, le plancher est surélevé par rapport
au niveau du sol, pour le dégager de l’eau, de la neige et
du froid, puis les fondations de pierre descendent au-delà
de quatre pieds dans le sol pour soustraire la maison à l’action du gel. L’espace sous le plancher est ainsi récupéré
pour servir à plusieurs usages domestiques. Le toit se prolonge pour couvrir la galerie, munie d’un escalier, laquelle
devient un lieu de transition entre l’intérieur et l’extérieur.
Le prolongement du toit donne des larmiers qui assurent
la protection et permettent l’éloignement de l’eau des murs.
Ce prolongement du toit des murs gouttereaux (de façade)
légèrement courbé devient une caractéristique propre à la
maison québécoise, dont le galbe permet de la distinguer
de toutes autres formes d’habitats.
2, rue Saint-Jean-Baptiste
Ouest
131, rue Saint-Louis
COLLECTION JEAN BEAULIEU
Exemples
MAISON QUÉBÉCOISE
VILLA ANGLO-NORMANDE
Après la Conquête, des constructions typiques de
l’Angleterre apparaissent sur le territoire. La maison
monumentale anglaise aux dimensions imposantes, à deux
ou trois étages, la plupart du temps en pierre, témoigne
d’une architecture domestique exceptionnelle liée à la
richesse de son propriétaire. Ce style architectural de prestige est concentrée davantage dans les grands
centres.
La villa anglo-normande (1830-1880) qu’on appelle aussi
cottage Regency, d’allure campagnarde et rustique, s’intègre harmonieusement au décor naturel. Ce type d’habitation anglaise est caractérisé par un toit galbé à quatre
versants à pente douce et débordant largement la saillie
des murs, des ouvertures distribuées avec symétrie ainsi
que de hautes cheminées.
Exemples
Exemples
140, rue Saint-Jean-Baptiste
Est, presbytère
255, rue Saint-Ignace, La
Centauré
100, rue Saint-Jean-Baptiste
Est, La Belle Époque
160, rue Saint-Joseph
73, rue des Érables
200, rue du Manoir, moulin
Patton
7, rue Saint-Ignace
220, boul. Taché Est, Manoir
des Érables
15
PHOTO JEAN BEAULIEU
MAISON MONUMENTALE
COLLECTION PAUL-ANDRÉ BOULET
Le modèle québécois, comme le modèle français, est
empreint d’une grande simplicité et affiche des proportions
agréables. Les ouvertures sont symétriques, le toit est percé
de lucarnes harmonieuses, et l’ensemble reflète l’équilibre
et le bon goût du temps. Bientôt, les détails architecturaux
extérieurs se multiplient. La porte principale ou « du
dimanche » s’orne de larges chambranles, d’impostes et
d’entablement. Les chambranles des fenêtres prennent des
formes diverses, qui deviennent, à Montmagny, une particularité régionale. Les planches cornières délimitent les
façades. Des touches de couleur finissent par mettre en
valeur l’ensemble des détails architecturaux. Par la suite, la
cuisine d’été, cette maison miniature qui protège presque
toujours le mur le plus exposé aux grands vents, le nordet,
devient un autre élément distinctif de la maison québécoise.
INSPIRATION GOTHIQUE
La période éclectique (1850-1910) se manifeste par un
amalgame d’éléments architecturaux tirés du passé et utilisés pour surcharger une structure ou décorer les détails
d’une construction. Elle touche plusieurs types architecturaux, comme la maison d’esprit victorien, dont l’idée est
de mettre la maison au goût du jour. On assiste à un jeu
de volume important où
l’on retrouve par exemple
une toiture à versants multiples, des coupoles, des
tourelles et des fenêtres en
saillie. Les ouvertures sont
souvent asymétriques.
La surcharge de l’ornementation a pour effet d’animer
l’ensemble de la résidence, grâce à la diversité des matériaux et au contraste des couleurs. La maison d’inspiration
gothique est un habitat traditionnel à pignon simple dont
la façade est surmontée d’une forme triangulaire centrale
donnant l’aspect d’une grande lucarne. Cet élément vient
rompre la ligne du toit, accentue la verticalité de la façade
qui, percée d’une ouverture, éclaire l’étage et protège l’entrée principale de
l’eau de la toiture. C’est à
cette période qu’on
retrouve le château de
bois rappelant l’imagerie
du château médiéval.
PHOTO JEAN BEAULIEU
Exemples
88, rue Saint-Jean-Baptiste
190, rue Saint-Thomas
Exemples
212, rue du Manoir
54 et 61, rue des Érables
75, rue de la Gare
PHOTO JEAN BEAULIEU
ESPRIT VICTORIEN
On retrouve également durant la période du courant éclectique les maisons de type mansard (1845-1915) dont la
forme du toit favorise une occupation maximale de tout
l’étage des combles. Cette influence se fait sentir aussi dans
la forme des lucarnes, dans l’utilisation d’éléments décoratifs jusqu’à la surcharge de l’ornementation. L’ajout
d’une tour en façade donne souvent une allure de château
au type mansard.
L’influence américaine, largement inspirée de la période
éclectique venant de l’Angleterre, a engendré un style
vernaculaire (1790-1880) qui fait davantage référence à la
Nouvelle-Angleterre, soit à la côte est américaine, lieu des
premiers peuplements des États-Unis. Cette influence
s’observe par le volume et par des éléments décoratifs
d’esprit classique, tels qu’une entrée principale ornée de
pilastres, des moulures autour des fenêtres et des planches
cornières. Ce type de maisons apparaît dans une de période
renouveau classique marquée par l’équilibre, l’harmonie et la simplicité.
Exemples
Exemples
227, rue du Manoir
34, rue Sainte-Marie
139, rue Saint-Jean-Batiste
Ouest
22, rue Saint-Jean-Baptiste
Ouest
36, rue Saint-Augustin
16
MRC DE MONTMAGNY
VERNACULAIRE AMÉRICAIN
PHOTO JEAN BEAULIEU
MAISON DE TYPE MANSARD
ESPRIT CUBIQUE
Exemples
La fin du XIXe siècle marque le début d’un renouveau par
des changements technologiques, l’industrialisation,
l’organisation des transports ferroviaires, le peuplement des
villes et l’obligation de construire vite et à bon marché.
C’est l’époque de l’esprit cubique (1890-1945) où l’on
retrouve des habitations à façade postiche et des boîtes
carrées. Ce mouvement architectural est caractérisé par une
volonté de simplicité, du respect des surfaces planes et des
formes géométriques pures, jusqu’au dépouillement total
des façades. La maison dite boîte carrée est à deux étages
avec un toit à quatre versants ou un toit plat. Elle est bien
éclairée par des fenêtres à guillotine.
223, rue Collin
195, rue du Manoir
185, rue Couillard
PHOTO JEAN BEAULIEU
65, rue des Érables
Les façades dite postiches sont le prolongement de la
verticale du mur de façade au-delà de la ligne du toit,
devenant prétexte à un fignolage en créneaux, en gradins ou
en médaillons.
Le terme anglais boom town symbolise les villes qui
surgissent lors de la ruée vers l’or associée à la conquête de
l’Ouest. Cette architecture des années 1940 se concrétise
surtout dans les centres urbains.
MAISON DE COLONISATION
Exemples
Finalement, l’expression maison de colonisation (19151945) va rassembler deux types de maisons. Le premier
type fait référence au défricheur qui construisait un premier bâtiment en attendant d’élever la vraie maison ou celle
que l’on construisait pour établir ses descendants sur des
nouvelles terres. Le deuxième puise son origine dans la
crise économique des années 1930. Il illustre bien le contexte de retour à la terre que prêche le gouvernement afin
d’établir les fils de cultivateurs et les pères de familles qui
vivent dans les villages et les villes.
331, boul. Taché Est
COLLECTION GILLES GAGNÉ
277, rue Saint-Ignace
La maison de l’État, inspirée de l’habitation vernaculaire
de la Nouvelle-Angleterre, est une maison économique à
tous les points de vue. Les plans et devis descriptifs sont
réalisés par le ministère de la Colonisation et imposés
comme type d’habitat à l’ensemble du territoire, sans adaptation régionale ni distinction particulière.
planches cornières. C’est par le jeu simple de la couleur et
du volume, par rapport au blanc des boiseries et des ouvertures, ou à l’inverse, par rapport au volume blanc et aux
boiseries colorées, que l’expression architecturale de ce
type prend son sens. Dans la plus simple maison, nier ces
éléments ou les détruire, c’est tout simplement éliminer le
seul caractère distinctif de ce type au profit d’un habitat
anonyme sans identité ni caractère.
Les détails architecturaux extérieurs de la maison de
colonisation se limitent aux boiseries des ouvertures et aux
17
ment extérieur est probablement parmi tous les éléments apparents d’un bâtiment celui qui est le plus vulnérable à ces modifications. Il est donc essentiel, au
moment d’une rénovation, de tenir compte de ce fait.
Un principe de base pour réussir une rénovation consiste à conserver le maximum d’éléments originaux car
il est souvent difficile, voire impossible, de les reproduire à des coûts abordables. En outre, on mésestime
à tort la durabilité et la résistance des matériaux traditionnels avec lesquels ils sont confectionnés.
Un second principe, valable en cas de remplacement,
veut que l’on privilégie un matériau qui correspond à
l’époque ou au stade d’évolution le plus déterminant
L’ÉVALUATION D’UN PROJET
Avant d’élaborer les grands principes qui doivent
guider les projets de rénovation et de restauration, certains objectifs et critères d’évaluation devraient être
envisagés.
Pour qu’une maison dure longtemps, il suffit
généralement de la garder en bon état et d’y apporter
à l’occasion les améliorations que peut exiger l’évolution de notre mode de vie. Cependant, la maison peut
nécessiter des interventions qui vont au-delà d’un
entretien normal. Si les règles élémentaires ne sont pas
respectées dans la réalisation des travaux de rénovation, le caractère et l’intégrité d’une maison peuvent
être altérés au point de menacer sa valeur patrimoniale
et matérielle.
Bien des facteurs peuvent modifier le caractère original d’un bâtiment au cours de son évolution ; le pare-
COLLECTION GILLES GAGNÉ
De nombreux propriétaires de maisons anciennes et
de maisons reconnues d’intérêt patrimonial ont entrepris des projets de rénovation et de restauration afin
de maintenir ou de redonner le cachet original à leur
bâtiment. De plus en plus de gens recherchent des
maisons ayant un cachet patrimonial. Ils souhaitent
améliorer celles-ci avec des matériaux nobles ou actuels
tout en favorisant la conservation du style d’origine.
Cependant, plusieurs propriétaires se sont butés à des
difficultés d’ordre technique et professionnel qui ont
rendu leur projet difficile à réaliser. Avant d’entreprendre des travaux sur un bâtiment ancien, quelques
principes de rénovation devraient guider le propriétaire dans son projet et lui faire voir et apprécier le
patrimoine qui fait partie de son quotidien.
Les renseignements qui suivent peuvent non seulement aider les propriétaires lors de travaux de rénovation ou de restauration, mais également servir de
référence pour l’élaboration des objectifs et des critères
dans l’évaluation des projets.
18
Implantée en bordure de la rivière du Sud, cette
maison de colonisation, qui n’existe plus aujourd’hui
dans sa forme originelle, illustre bien la petitesse du
carré de ce type d’architecture. Construit en attendant
d’ériger une maison plus grande, ce bâtiment est relié
à la boutique de menuiserie par un corridor fermé. À
cette époque, l’architecture de l’atelier est plus importante que la maison d’habitation elle-même.
COLLECTION GINO DUFOUR
Conseils pratiques et
principes de rénovation
COLLECTION GILLES GAGNÉ
COLLECTION GILLES GAGNÉ
Maison Coulombe, rue Saint-Ignace en pleine rénovation au début des années 1950. Sans l’usage des
archives photographiques familiales, il serait difficile
de croire que la maison d’origine, dont l’apparence
extérieure est aujourd’hui complètement transformée,
présentait jadis l’allure d’une maison de colonisation.
D’un point de vue architectural, cet ancien atelier de
menuiserie revêt une importance patrimoniale
supérieure en regard de la maison principale, compte
tenu de son niveau d’intégrité. Avec un carré bien
campé au sol, ce bâtiment est caractérisé par une
fenestration harmonieuse, des lucarnes cintrées percées
dans le brisis de la mansarde et une mouluration
soignée.
19
de la maison. Les matériaux d’imitation n’ont ni la
qualité ni la durabilité d’un matériau traditionnel
comme le bois.
Notons que la qualité du souvenir qu’ont les gens qui
ont restauré une maison ancienne réside principalement dans le degré de connaissances techniques dont
on dispose au moment des travaux. Cependant, entre
une restauration fine représentant un idéal parfois difficile à atteindre et un maquillage de façade comme on
en voit trop souvent, il y a place pour une honnête
remise en état qui respecte l’esprit et le matériau d’un
type d’architecture.
Bien souvent, faute d’expertise ou sous l’influence de
vendeurs de matériaux vite posés, on ne prend pas soin
de maintenir et de conserver ces petits bijoux d’architecture. Pourtant, ils contribuent à la valeur de la propriété. Ces détails en rehaussent l’aspect et manifestent
notre fierté de propriétaire.
En conservation du patrimoine, l’entretien est
préféré à la réparation, la réparation à la construction.
Tous les éléments décoratifs ou autres peuvent ainsi
être entretenus ou réparés. La simplicité est souvent
la voie idéale.
CHOIX DES MATÉRIAUX
Deux types de matériaux peuvent être choisis : un
premier, carrément idéal, pour conserver intégralement la maison dans son caractère original, et un
deuxième respectant en grande partie l’esprit du bâtiment. Les puristes du patrimoine peuvent s’élever
contre certains choix, mais on doit prendre en considération également la capacité financière des propriétaires. Devant certaines réalités incontournables, il
faut bien adopter une philosophie ou une attitude plus
souple afin de pouvoir assurer la conservation d’un
bâtiment.
Pour le bois, il faut décaper et repeindre, en ayant
soin de le protéger en appliquant un produit de préservation avant de peindre. Le bois étant très vulnérable
à l’eau et à l’humidité, il faut fréquemment en vérifier
l’état et s’assurer que les éléments demeurent bien
fixés au bâtiment. On peut combler certaines fissures
datant du Régime français, bien rare et précieux,
mérite une intervention plus soignée que dans le cas
d’une maison bâtie au début du XXe siècle.
Parmi les principes de base d’une intervention
respectueuse sur un bâtiment, on doit retenir certains
principes généraux :
• Ne pas succomber aux modes passagères et
tenter de rendre plus moderne ou plus vieillot ;
• Conserver le volume originel de la maison ;
• Conserver les revêtements et les détails architecturaux d’origine ou les remplacer par de semblables ;
• Conserver la fenêtres originales ou les remplacer
par une fenêtre du même type ;
• Rechercher la simplicité.
Des principes particuliers à chaque élément de la
structure devront également être respectés :
ou autres défauts à l’aide d’une pâte de bois appropriée ou remplir de plus larges interstices avec des
éclisses de bois de même essence.
Si l’on doit refaire en tout ou en partie un élément
de bois, il est préférable de s’adresser à un bon
bricoleur ou à un menuisier qui n’aura aucune difficulté à le reproduire dans les mêmes dimensions en
reproduisant le modèle original, même s’il est détérioré. Il faut s’assurer que le modèle de remplacement
respecte les dimensions, le style et la qualité de l’élément original. Il ne faut pas avoir peur d’être exigeant,
le marché offre des possibilités de bien faire les choses,
il suffit de prendre le temps.
La fonte, tout comme le métal en feuille, craint aussi
l’eau. Si l’on constate des traces d’humidité ou d’eau,
il faut en chercher la cause et régler le problème à la
source. On doit enlever par la suite toute trace de
rouille avec une brosse de métal ou un grattoir. Il faut
solidifier les attaches entre les parties des éléments de
fonte, mais ne pas trop serrer pour laisser place au
mouvement de contraction et de dilatation. On peut
utiliser un décapant autre qu’à base d’eau, s’il y a lieu,
et appliquer un apprêt à métal antirouille le plutôt
possible dans la journée ; on pose par la suite une peinture à base d’huile. De la pâte à remplissage utilisée
par les carrossiers permet de combler certains trous,
d’aplanir certaines surfaces avant de peindre.
Les mêmes techniques servent à la réparation et à
l’entretien du métal en feuilles ; il faudra parfois réparer
les supports de bois qui, derrière, retiennent le métal
en feuille ; assurez-vous de reprendre le même type de
tôle et de bien souder les parties entre elles. Pour les
détails d’architecture en métal, il est préférable d’apporter au ferblantier l’élément original ou un relevé
détaillé. Si l’élément à remplacer est une fonte, vous
pouvez vous adresser à une fonderie qui le reproduira.
La toiture
■ Respecter la forme et les matériaux d’origine du toit,
lucarnes et autres détails.
■ Adapter les matériaux à
l’époque de construction de
la maison.
■ Éviter d’éliminer ou de
recouvrir les détails originaux existants (lucarnes,
pignons, cheminées, avanttoit).
■ Considérer tout matériau de
substitution comme un pisaller.
PHOTO JEAN BEAULIEU
INTERVENTION EN RESTAURATION
ET EN RÉNOVATION
Le type de restauration et de rénovation à effectuer
dépend évidemment du genre et de l’âge de la maison
et du budget disponible. Par exemple, une maison
20
Les porches, les balcons et les éléments
décoratifs
Les murs extérieurs
■ D’abord réparer ou remplacer selon le modèle original.
■ Conserver le matériau d’origine (maçonnerie, brique,
bois, pierre, crépi).
■ Conserver tous les détails originaux incluant ceux qui
ont été ajoutés en respectant le style du bâtiment.
■ Réparer avec les matériaux dont la dimension, la forme
et la couleur se marient avec l’original.
■ Éviter de remplacer les consoles, corniches, marquises
ou balustres de bois par des structures inappropriées
(aluminium, vinyle, tôle, bois traité ou béton…).
■ Éviter d’enlever les caractéristiques architecturales du
bâtiment (corniches, consoles, frises, cadrage, moulures
décoratives).
PHOTO JEAN BEAULIEU
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■ Éviter de poser un nouveau revêtement sans enlever
celui qui existe.
Les greniers
Les murs intérieurs
■ Réparer les problèmes de
structure.
■ Il vaut souvent la peine d’investir un peu plus pour
découvrir toute la richesse de la décoration originale
qui témoigne d’une conception très soignée (corniches,
encorbellement, panneaux à motifs imbriqués).
■ Réparer les fuites dans le
toit.
■ Il existe des techniques de réparation du plâtre et, à
défaut de ne pouvoir plâtrer soi-même, on peut consulter, par exemple, la liste des artisans répertoriés par
L’Association des amis et propriétaires de maisons
anciennes du Québec (l’APMAQ). Cette liste recense les
artisans et les ressources humaines spécialisées dans
la restauration, l’entretien et la conservation des
maisons anciennes et patrimoniales.
■ Réparer les cheminées
détériorées.
PHOTO JEAN BEAULIEU
■ Isoler et ventiler adéquatement.
■ Éviter de mettre les murs à nu alors qu’ils étaient
recouverts à l’origine.
21
Les ouvertures
Les ajouts
■ On doit essayer de réparer les fenêtres endommagées
dans la mesure du possible (quincaillerie et matériaux
d’origine ou semblables, moulures identiques).
■ Éviter de faire des ajouts ou rallonges (bâtiments
accessoires : garage, hangar, chenil…) qui brisent les
volumes existants.
■ Souvent, après un décapage, quelques réparations et la
pose d’un coupe-froid, d’anciennes fenêtres de bois
retrouveront leur aspect d’origine et obtiendront un
facteur de résistance thermique supérieur à plusieurs
fenêtres à bon prix vendues sur le marché.
■ Privilégier un aménagement paysager et des clôtures
qui s’harmonisent avec l’architecture du bâtiment.
■ De même, il est préférable d’éloigner le plus possible
toute piscine d’un bâtiment ancien.
■ Il existe également plusieurs types d’interventions
possibles pour la restauration ou la rénovation d’un
bâtiment ancien. Il peut s‘agir d’une restauration fidèle,
d’une restauration adaptée, d’une rénovation soucieuse
ou encore d’une rénovation saccage.
■ Si on doit les remplacer, respecter le style (guillotine, à
battants, fixe) et les dimensions (1/2 ou 2/3 pour
largeur/hauteur) .
■ Pour obtenir plus de lumière, il est préférable de pratiquer une ouverture semblable plutôt que de remplacer
le tout par une porte-patio.
■ Éviter de murer des fenêtres existantes.
■ Comme les fenêtres, les portes d’entrée doivent être
conservées et réparées avec des matériaux d’origine.
■ Si on doit les remplacer, essayer d’en faire fabriquer
une reproduction.
■ Éviter les porte-patios qui défont le rythme et la
symétrie ainsi
que l’élégance
de la façade.
PHOTO JEAN BEAULIEU
PHOTO JEAN BEAULIEU
■ Il est
préférable de
poser un bon
coupe-froid
plutôt qu’une
double porte
(souvent en
aluminium…)
qui masque le
style de l’entrée.
22
Conclusion
bution de celui-ci au développement du Québec. Sans
vouloir limiter les droits liés à la propriété individuelle,
les pouvoirs publics ont commencé à utiliser les
moyens légaux, réglementaires et administratifs pour
promouvoir et mettre en valeur le patrimoine bâti.
De leur côté, ne pouvant s’appuyer sur la seule intervention de l’État, les municipalités locales et régionales
contribuent de plus en plus, en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme, à la protection et à
la mise en valeur du patrimoine bâti en harmonisant
leurs pouvoirs avec ceux de tous les niveaux gouvernementaux.
On peut aussi rappeler que dans, cette optique, un
bâtiment, aussi simple soit-il, qui fait partie du patrimoine architectural contribue grandement à l’intérêt
et au charme d’une ville. C’est justement pour cette
raison qu’il est tellement important de préserver et de
mettre en valeur ses caractéristiques d’origine. Des
interventions judicieuses et adéquates sur ces caractéristiques garantissent l’enrichissement de ce patrimoine et assurent l’amélioration de la qualité de vie
des habitants de chaque quartier.
Le respect du patrimoine constitue une bonne affaire
pour tout le monde. Lorsque les travaux sont exécutés
dans le respect du patrimoine, ils contribuent à augmenter la valeur du bâtiment. En effet, un bâtiment
bien entretenu ou rénové selon les règles de l’art possède une valeur de revente supérieure à celle d’un bâtiment qui a perdu ses caractéristiques d’origine. Ces
dernières décennies, trop de propriétés ont perdu de
leur intérêt et de leur valeur marchande à cause de
modifications radicales et inadéquates.
La règle d’or en rénovation est toujours celle qui dit
que, même en l’absence d’éléments architecturaux
d’intérêt, il importe, lors de travaux d’entretien ou de
réparation, de respecter autant que possible les matériaux et les couleurs d’origine de toutes les surfaces
En ce début de millénaire, nous sommes forcés de
constater que la sauvegarde du patrimoine est devenue
une mission de plus en plus difficile, faute de mesures
réglementaires adéquates et de l’appui de l’État. Au fil
des ans, de nombreux organismes du milieu et les
citoyens ont assisté, impuissants, à la perte de nombreux biens patrimoniaux importants et à une dégradation rapide des caractères hérités du cadre bâti qui
témoignent de notre identité collective.
On constate également un écart croissant entre les
approches et les pratiques de conservation du patrimoine bâti, particulièrement en ce qui concerne les
patrimoines urbains, territoriaux et les paysages culturels. Aujourd’hui, plusieurs organismes tentent de
développer une vision élargie des valeurs patrimoniales
à léguer aux générations futures et qui vise à préserver
l’ensemble des traits essentiels au maintien de l’identité des lieux. On tente de reconnaître que le milieu
bâti québécois est une manifestation tangible de la culture, l’un des fondements de l’identité québécoise et
que la valeur du patrimoine bâti constitue une richesse
et une ressource collective qu’il faut transmettre aux
générations futures.
La responsabilité de la mise en œuvre de la sauvegarde de l’identité culturelle de notre milieu construit
incombe à tous les organismes concernés dans les limites de leurs compétences respectives. La protection du
patrimoine bâti ne relève pas seulement du secteur
privé et des propriétaires des biens patrimoniaux, elle
constitue un projet collectif, appuyé par une législation et une réglementation. Le patrimoine québécois
est aussi la responsabilité de l’ordre public au même
titre que l’environnement, l’aménagement du territoire
et l’urbanisme. Il est donc normal que les pouvoirs
publics, protecteurs des valeurs de l’ensemble de la collectivité présente et future, utilisent tous les moyens
mis à leur disposition pour promouvoir et mettre en
valeur le patrimoine bâti et pour favoriser la contri23
Pour en savoir davantage
apparentes. C’est avant tout une question de compatibilité autant que d’harmonie. En tout état de cause,
il est important de ne pas ajouter des éléments qui ne
correspondent pas à l’époque de la construction de la
maison. Lorsqu’il est nécessaire de remplacer les éléments d’une partie de la maison, une attention particulière doit être portée au choix et à l’agencement des
matériaux. Ceux-ci doivent s’apparenter le plus possible aux matériaux d’origine.
Grâce à des programmes d’aide à la rénovation patrimoniale et à des actions concrètes, la ville de
Montmagny apporte une contribution significative aux
efforts collectifs entrepris ces dernières années par les
pouvoirs publics pour la protection et la mise en valeur
du patrimoine bâti.
BEAUDOUIN, Paul et André BOURGAULT, Guide d’interprétation au patrimoine bâti. MRC de Bellechasse, 1999,
48 pages.
CHARTIER, Jean-Pierre, « Rénover sa maison ancestrale
pour témoigner de notre histoire », Revue québécoise d’urbanisme, vol. 19, n° 3, novembre 1999, p 11 à 13.
CHARTIER, Jean-Pierre, « L’évaluation de la qualité patrimoniale d’un bâtiment ancien », Revue québécoise d’urbanisme, vol. 19, n° 2, août 1999, p 12 à 15.
DION, Albert, Topographie de Montmagny. Québec,
L’Action catholique, 1935, 208 pages.
HÉBERT, Yves, Montmagny… une histoire 1646-1996, La
seigneurie, le village, la ville. Montmagny, 1996, 304 pages.
LABERGE, Alain et al, Histoire de la Côte-du-Sud. Québec,
IQRC, 1993, 644 pages.
MRC DE BEAUCE-SARTIGAN, Guide de rénovation des
maisons anciennes de la Municipalité régionale de comté
de Beauce-Sartigan, préparé par la Clinique d’architecture
du Québec, 1986, Saint-Georges de Beauce, 39 pages.
MRC DE MONTMAGNY, Une fenêtre sur notre histoire,
guide de sensibilisation au patrimoine, préparé par
Euchariste Morin et Manon Sarthou, Montmagny, 1985,
65 pages.
MRC DE MONTMAGNY, Un pas dans l’histoire du vieux
Montmagny. L’architecture et le développement urbain de
Montmagny, préparé par Manon Sarthou, Montmagny,
1988, 52 pages.
RÉNY, Claude, Principes et critères de restauration et d’insertion. Le patrimoine architectural d’intérêt public au
Québec, Québec, Les Publications du Québec, 1991,
120 pages.
VARIN, François. « L’important, c’est le détail », Continuité,
n° 64, p. 37 à 39.
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