La légalisation des couples homosexuels en Europe
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La légalisation des couples homosexuels en Europe
La légalisation des couples homosexuels en Europe Author(s): Patrick Festy Reviewed work(s): Source: Population (French Edition), Vol. 61, No. 4 (Jul. - Aug., 2006), pp. 493-531 Published by: Institut National d'Études Démographiques Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30045015 . Accessed: 14/07/2012 07:46 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Institut National d'Études Démographiques is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Population (French Edition). http://www.jstor.org La 16galisation des homosexuels en couples Europe PatrickFESTY* L'ouverture du mariage ou du partenariat enregistre'aux couples homosexuels afait l'objet de dibats intenses et tres pole'miques lorsqu'ils ont it" institues. Neuf pays europedensont adopte des Iegislations dans ce sens entre 1989 et 2003 et, avec le recul, il est maintenantpossible d'examiner commentces comportements sont entres dans les mweurs.C'est l'objet de l'article de Patrick FESTY,qui analyse les series statistiques de neuf pays europeens sur l'union homosexuelle. II rappelle d'abord que le mouvementde legalisation des couples de meme sexe prend place dans un mouvementginedralde disaffection a l'gard de l'institution matrimoniale (saufpeut-etre au Danemark), qui ne peut pas etre sans effet sur l'intensit" du recours a la nouvelle legislation. Les differences entre pays dans la frdquence des enregistrements ne s'expliquent pas par les differences dans l'itendue des droits inscrits dans la loi : les pays qui accordent le plus aux couples enregistris ne sont pas ceux oi l'on recourt le plus a l'enregistrement. Les couples masculins dominent dans les ddbuts, mais lorsque la frequence des enregistrementsse stabilise, les couples fiminins les rattrapent,voire les dipassent. A la suite du Danemark en 1989, dix autres pays europ6ens ont offert aux couples la possibilit6 de 16galiser leur union par une proc6dure d'enregistrement distincte du mariage (tableau 1). Dans sept pays (les cinq pays nordiques, I'Allemagne et le Royaume-Uni(l)), la loi ne s'est adress6e qu'aux couples de meme sexe, en cr6ant un <<partenariat >>;dans les quatre autres (les pays du Benelux(2) et la France), elle a concern6 ' la fois les homosexuels et les h6t6rosexuels, les dispositifs ayant des appellations varides. En outre, les Pays-Bas puis la Belgique ont 6tendu aux homosexuels la possibilit6 de se marier, apres leur avoir ouvert la voie du partenariat et de la cohabitation 16gale quelques ann6es plus t6t(3). * Institut national d'6tudes d6mographiques. (1) Le cas du partenariatau Royaume-Uni n'est pas 6tudi' ici. (2)Le cas du partenariathomosexuel et h6t6rosexuel au Luxembourg n'est pas 6tudi6 ici. (3)Le cas de l'Espagne, oil le mariage a 6t6 ouvert aux homosexuels sans forme alternative d'enregistrement, n'est pas 6tudi6 ici. Population-F, 61(4), 2006, 493-532 494 P.FESTY Ces avanc6es juridiques sont 'a situer dans un contexte large qui englobe 'ala fois la diversification des formes conjugales, le souci d'6tendre les protections et solidarit6s reservees jusqu'alors aux personnes marides (de sexe diff6rent) et la revendication de non-discrimination des couples en fonction de leur orientation sexuelle. Plus gdneralement, elles contribuent au mouvement qui 6loigne, depuis quarante ans, la famille europ6enne occidentale du monopole reserve jusqu'alors au mariage (heterosexuel) comme forme institute du couple. La formule de Napoleon, <<les concubins ignorent la loi, la loi les ignore >, n'a jamais 6t6 aussi fausse. On peut en prendre la mesure en droit, en comparant simultandment la situation faite aux couples homosexuels et h6terosexuels et celle faite aux couples selon leur statut (mari6s, enregistres en dehors du mariage et simples cohabitants). C'est l'objet d'une publication recente de l'Ined (Waaldijk, 2004). Nous nous penchons ici sur l'usage que les couples font des procedures d'enregistrement et de mariage, en mesurant la frequence de recours a celles-ci et en les comparant. Nous nous appuyons pour cela sur les statistiques d'enregistrement, comme on le fait classiquement sur celles de mariage, et nous 6tablissons dans quelle proportion s'engagent les couples visds par les lois des differents pays, dans les ann6es qui suivent la mise en place de celles-ci. Au coeur de l'tude se trouve la mesure du comportement des couples homosexuels face a des procedures de l6galisation alternatives au mariage, a laquelle s'ajoute tout naturellement la mesure de la nuptialit6 de ces memes couples quand, aux Pays-Bas et en Belgique, leur est ouverte la possibilit6 de se marier. Usuelle en d6mographie, l'analyse de la nuptialit6 consiste, pour l'essentiel, a d6terminer la proportion d'adultes qui se marient et a etudier ses variations 'atravers le temps, I'espace, les groupes sociaux, etc. Soucieuse de definir avec precision la population <<exposee au risque >, la statistique demographique a cependant toujours ignore que le mariage etait reserve jusqu'a present aux couples h6t6rosexuels, en se fondant implicitement sur le fait que les homosexuels ne representent qu'une proportion marginale qu'on peut ignorer sans grandes consequences. Quand la recherche porte sur les couples de meme sexe, il devient n6cessaire d'6laborer pour eux des outils d'observation et de mesure qui permettent 'ala fois d'6tudier leur comportement et de le comparer h celui des couples het6rosexuels. Ainsi, le present article repose sur la possibilit6 de distinguer, dans le denombrement des mariages et des enregistrements alternatifs au mariage, ceux qui sont le fait des couples homosexuels et heterosexuels chaque fois que la procedure est ouverte simultandment aux uns et aux autres. II est par ailleurs n6cessaire de pouvoir denombrer les couples eux-memes en distinguant ceux dans lesquels les conjoints sont de meme sexe et ceux qui sont de sexe diff6rent. Comme le plus souvent en d~mographie, les statistiques ndcessaires A la recherche 6manent principalement de deux cat6gories de sources g~rdes ENEUROPE DESCOUPLES HOMOSEXUELS LA LE'GALISATION 495 LEGISLATIVE TABLEAU1.- CHRONOLOGIE Danemark 7 juin 1989 Norvege ler octobre 1989 30 avril 1993 Suede ler aoft 1993 23 juin 1994 Islande lerjanvier 1995 12 juin 1996 Pays-Bas 27 juin 1996 5 juillet 1997 Belgique Ier janvier 1998 23 novembre 1998 ler janvier2000 France 15 novembre 1999 Pays-Bas 15 novembre 1999 21 d6cembre2000 Allemagne ler avril 2001 16 f6vrier2001 Finlande ler aoit 2001 9 novembre2001 Belgique ler mars2002 13 f6vrier2003 lerjuin 2003 Adoptionde la loi sur le partenariatenregistr6des couples homosexuels (registeretpartnerskab) Entr6een vigueurde la loi Adoptionde la loi sur le partenariatenregistr6des couples homosexuels (registertpartnerskap) Entr6een vigueur de la loi Adoptionde la loi sur le partenariatenregistr6des couples homosexuels (registeratpartnerskap) Entr6een vigueur de la loi Adoptionde la loi sur le partenariatconfirm6des couples homosexuels (stadfestsamvist) Entr6een vigueurde la loi Adoptionde la loi sur le partenariatenregistr6des couples homosexuels et h6t6rosexuels(geregistreerdpartnerschap) Entr6een vigueurde la loi Adoptionde la loi surla cohabitation16galedes duos de personnesen couple ou non en couple, de meme sexe ou de sexe diff6rent Entr6een vigueurde la loi Adoptionde la loi sur le pacte civil de solidarit6des couples homosexuels et h6t6rosexuels Entr6een vigueurde la loi Adoptionde la loi ouvrantle mariageaux couples homosexuels (huwelijk) Entr6een vigueurde la loi Adoptionde la loi sur le partenariatenregistr6des couples homosexuels (Lebenspartnerschaft) Entr6een vigueurde la loi Adoptionde la loi sur le partenariatenregistr6des couples homosexuels (rekisterbidystdparisuhteesta) Entr6een vigueurde la loi Adoption de la loi ouvrantle mariageaux couples homosexuels Entr6een vigueurde la loi Pour memoire Luxembourg 9 juillet 2004 Royaume-Uni ler novembre2004 18 novembre2004 Espagne 5 d6cembre2005 30 juin 2005 Canada 3 juillet 2005 19 juillet 2005 20 juillet 2005 Adoptionde la loi sur le partenariatdes couples homosexuels et h6tdrosexuels Entr6een vigueurde la loi Adoptionde la loi surle partenariatenregistr6des couples homosexuels (civil partnership) Entr6een vigueur de la loi Adoptionde la loi ouvrantle mariageaux couples homosexuels (matrimonio) Entr6een vigueurde la loi Adoptionde la loi ouvrantle mariageaux couples homosexuels Entr6een vigueur de la loi P.FESTY 496 par les instituts nationaux de statistique : l'dtat civil pour les mariages ou les enregistrements alternatifs, et les recensements (ou leurs 6quivalents : registres de population, grandes enquites) pour le d6nombrement des couples. La plupart des donn6es figurent dans les publications des instituts de statistique (tres souvent sur leurs sites internet pour les informations rncentes), avec deux reserves essentielles : - la statistique des enregistrements n'a pas atteint le degr6 de syst6matisation de celle des mariages, parce que les petits effectifs empechent la publication des memes details, ou parce que la source est specifique et qu'elle se heurte 'a des obstacles depuis longtemps surmontes par l'6tat civil; - le denombrement des couples homosexuels suppose une adaptation des instruments mis en place par les statisticiens pour comptabiliser les couples htetrosexuels afin de faire' face aux particularit6s du groupe, un effort qui n'a pas toujours 6t6 fait ce jour. La mise en place d'un reseau de correspondants aupres des instituts de statistique des diff6rents pays a permis d'acceder aux donnees disponibles, y compris quand celles-ci n'etaient pas publiOes(4).Nous avons proc~d6 t des estimations quand il a fallu pallier des lacunes. I. Le cadre d'observation et d'analyse Depuis quinze ans au Danemark, les couples homosexuels peuvent l6galiser leur union par une procedure autre que celle du mariage. Ceux qui l'ont fait ont 6t6 enregistr6s en mairie, Al'instar des couples qui se marient. L'une des consequences l6gales attach6es a cet acte est le changement d'6tat civil des partenaires, dont la statistique danoise fait la chronique depuis 1989. Nous utilisons ces donnees pour etudier le recours des couples t l'enregistrement de leur union, hors des liens du mariage. La loi mise en application au Danemark en 1989 a ensuite eu des 6quivalents plus ou moins proches dans divers pays d'Europe, jusqu'en 2002 en Finlande. On dispose donc de l'enregistrement des unions dans ces pays sur des durees variables, la plus courte 6tant limitee "atrois ans. Dans cet article, nous examinons les similitudes et les disparit6s entre pays en matiere d'enregistrement des unions. L'id~e sous-jacente est que les similitudes pourraient refleter des proximites dans le cadre contextuel qu'offrent les pays, au premier rang desquelles des similitudes dans les termes de leurs lois. Reciproquement, les disparit6s pourraient refleter (4) Nous remercions pour leur contribution Turid Noack et Ane Seierstad (Statistique Norvege), Jan Latten et Lisbeth Steinhof (Bureau central de statistique, Pays-Bas), Anna Qvist (Statistique Danemark), O16f Gardarsd6ttir(Hagstofa, Islande), Gunar Andersson (Max Planck Institutefor Demographic Research, Allemagne). LA LE'GALISATION DES COUPLESHOMOSEXUELSEN EUROPE 497 celles des cadres contextuels nationaux, en particulier au niveau des 16gislations. L'6tude d6mographique compar6e est donc une 6tape vers une analyse interpr6tative, qui int6grera aussi les r6sultats de l'analyse juridique comparee. Nous comparons ensuite la fr6quence de 16galisation de leur union les par couples homosexuels 'ala nuptialit6 des couples h6t6rosexuels, avec les r6serves que les donnees statistiques mettent a cet exercice. Cette comparaison se justifie notamment par le principe de non-discrimination entre homosexuels et h6t6rosexuels qui a souvent conduit 'al'adoption des lois relatives au partenariat. Les diff6rences entre le statut des 6poux et celui des partenaires enregistrds peuvent-elles contribuer ' expliquer les 6carts entre la fr6quence des mariages et celle des enregistrements alternatifs pour chacun des groupes concern6s ? Mais la r6f6rence au mariage n'est pas seulement celle d'une pratique ouverte 'acertains, ferm6e a d'autres, qui peut servir de repbre commode parce que bien document6 aux plans juridique et statistique. C'est aussi la norme juridique et sociale dominante en matiere conjugale, un 616mentcl6 du cadre national dans lequel viennent s'insdrer de nouvelles proc6dures de 16galisation des unions aprbs des sibcles de monopole. Or, ce chapitre recent s'6crit dans une phase particulibre de l'histoire du mariage, au moment oi une proportion substantielle des couples concern6s s'en d6tournent. 1. Premiere hypothese Le mariage a 6volu6 en droit, civil et social, pour faire face aux changements dans le fonctionnement des couples h6t6rosexuels, mais sa fr6quence n'a cess6 de d6croitre. C'est pourtant lui qui a inspir6 les regles de 16galisation des couples homosexuels malgr6 les diff6rences avec les modes de vie hdt6rosexuels. Inspiration, mais pas d6calque. Meme aux Pays-Bas ou en Belgique, oih le mariage a 6t6 ouvert aux couples homosexuels, il subsiste des 6carts entre les mariages h6t6rosexuel et homosexuel dans le domaine de la filiation. C'est a fortiori le cas dans les autres pays, oui il a 6te choisi de n'associer au partenariat qu'une part des consequences attach6es au mariage. Dans le couple masculin, la relation stable n'est pas n6cessairement exclusive et associ6e a la co-r6sidence, comme dans le couple h6t6rosexuel traditionnel (Schiltz, 1997, 1998). Le partage est sexuel, parfois affectif et souvent non mat6riel : on vit seul ou ensemble, on entretient une relation exclusive ou non, on se comporte diff6remment i l'int6rieur et a l'ext6rieur de la relation stable. L'absence de 16gitimit6 du couple homosexuel, sa particularit6 de ne pas etre r6g16 par une relation de genre font qu'il n'y a pas de <<modile >>. Une 6volution progressive, mais sensible et r6gulibre, se fait vers la co-r6sidence. Celle-ci est d'ores et d6ji plus fr6quente dans les couples 498 P.FESTY feminins, mais elle reste, pour les uns et les autres, fortement attachle a une acceptation externe de l'homosexualitd. Chaque socidtd a, sur ce point, un degrd de toldrance et une forme de lutte contre l'homophobie qui influencent les attitudes de la societd en gendral et celles des individus concernes. Certains sont mieux armes que d'autres pour faire face aux r6sistances. Comment les comportements vont-ils affronter la normativitd proposde par le droit a la ldgalisation ? Ce droit implique aussi le choix d'officialiser ou non une union : les couples homosexuels peuvent s'approprier ou non l'institution qu'on leur propose et saisir la possibilitd de transformer ainsi des unions dont on a constatd qu'elles peuvent se pdrenniser. L'enregistrement pourrait alors donner au couple stable et cohabitant la l6gitimitd qui lui manquait pour s'instituer. Si, i l'avenir, <<le bonheur dans le ghetto >>se dissolvait au profit de l'6galit6 totale dans l'anonymat (<<assimilationnisme >>),il pourrait en &trel'instrument (Pollak, 1982; Bech, 1992; Adam, 1999). Nous posons l'hypothese qu'il en va des couples homosexuels comme des hdtdrosexuels et qu'ils font enregistrer leur partenariat dans une proportion d'autant plus dlevde que la loi de leur pays leur offre davantage de lgitimit6, par une dgalitd plus grande des droits avec ceux des couples mari6s. Nous supposons en outre que les couples homosexuels font enregistrer leur partenariat dans une proportion d'autant plus 6lev que la proximit6 est grande entre leurs modes de vie et ceux des hdtdrosexuels. 2. Seconde hypothese L'instauration du partenariat, et dans certains cas du mariage, ouvre aux homosexuels un choix qui n'dtait propose, jusqu'a' present, qu'aux couples hdtdrosexuels. Des consequences matdrielles (fiscales, successorales, etc.) et immatdrielles (patronymiques, droit a la citoyennetd, etc.) sont attachdes a ce statut, qui peuvent 8tre considdrees comme autant d'avantages relatifs, par rapport aux couples non 16galis6s. Des consequences de meme ordre sont aussi attachees au mariage des couples hdtdrosexuels, mais la ldgalisation homosexuelle n'ouvre qu'a une fraction de celles-ci. Les lgislateurs ont ainsi mis une distance entre les statuts proposes aux uns et aux autres, distance qui est indgale selon les pays. Si le choix de la Ilgalisation par les partenaires homosexuels rdpond ' une rationalit6, c'est en fonction d'un ensemble complexe de motivations, oi se melent le tangible et l'intangible, et qui nous place aux antipodes d'un 6conomisme simpliste. Mais dans tous les cas, la loi et la perception qu'en ont les interesses interviennent directement dans le recours i l'enregistrement. Le droit ne se contente plus d'entdriner les dvolutions ddji en cours (Lund-Andersen, 2001; Waaldijk, 2001; Ytterberg, 2001). ENEUROPE LA LEGALISATION DESCOUPLES HOMOSEXUELS 499 La 16galisation cr6e des liens juridiques entre les partenaires, qui consolident les liens affectifs et mat6riels de6j existants. L'extension de cette solidarit6 interpersonnelle renforc6e ' des groupes qui 6taient exclus du mariage pourrait avoir 6t6 favoris6e par les soci6t6s du bien-etre, aujourd'hui limit6es dans leur g6ndrosit6 par la pression croissante qu'exercent sur leurs ressources le ch6mage structurel, le vieillissement des populations ou la hausse du cofit des soins m6dicaux. L'enregistrement se cantonne aux partenariats homosexuels dans les pays nordiques, oui la protection sociale passe essentiellement par l'individu; il s'6tend aux couples homosexuels et h6t6rosexuels et il semble nettement plus fr6quent dans des pays qui donnent plus de place aux droits conjugaux <<d6riv6s >>,comme la France et les Pays-Bas; son application aux fratries et autres situations de co-r6sidence est en cours de discussion dans d'autres pays, apres la Belgique. Il se pourrait que l'in6gale importance donn6e Al'autonomie individuelle, aux liens interpersonnels et 'ala solidarit6 sociale par les diff6rents r6gimes de bien-etre en Europe se reflite dans l'in6gale fr6quence des enregistrements dans les divers pays (Esping-Andersen, 1996, 1999). Ces deux hypotheses sont plus compl6mentaires qu'antagonistes et elles articulent les niveaux micro- et macrosocial. II. Un contexte de < demariage >> Adopt6es ' partir de la fin des ann6es 1980, les lois offrant une forme de 16galisation aux couples homosexuels l'ont 6t6 dans un climat de d6saffection i l'6gard du mariage de la part des h6t6rosexuels, qualifie de <<d6mariage >>(Th6ry, 1993). Les premiers signes de ce mouvement 6taient apparus des les ann6es 1960 en Scandinavie (en Suede puis au Danemark), avec une chute du nombre des mariages de jeunes couples, avant de se g6ndraliser. Compar6s a ce qu'ils 6taient une quarantaine d'ann6es plus tot, les mariages (et les remariages) sont aujourd'hui sensiblement moins fr6quents et plus tardifs; les divorces rompent plus souvent les mariages et surviennent plus tot dans la vie du couple. Les naissances se produisent moins syst6matiquement au sein de couples mari6s. La proportion de femmes mari6es avant 50 ans, qui 6tait proche de 100 % au d6but des ann6es 1960 dans a peu pres tous les pays, est aujourd'hui comprise entre 50 % et 70 % (tableau 2). Si les taux de nuptialit6 par age qui concourent au calcul de cette proportion devaient durablement se maintenir, 30 % 'a50 % des jeunes femmes ne se marieraient pas, contre moins de 10 % ant6rieurement. C'est un bouleversement majeur(5). A l'inverse, le divorce est en forte hausse. Si les taux qu'on observe aujourd'hui aux diff6rentes dur6es de mariage devaient se p6renniser, la (5) Les r6sultats numeriques relatifs aux hommes et aux femmes 6tant 6troitementcorr616s, on considere indiff6remmentles uns ou les autres. P. FESTY 500 proportion de couples ainsi dissous atteindrait presque partout 40 % et meme 50 % dans certains pays. Au debut des annees 1960, le meme indicateur n'approchait 20 % qu'au Danemark (et un peu moins en Suede) et plafonnait sous 10 % dans les autres pays. Le lien qui unit les deux conjoints repose de plus en plus exclusivement sur l'affinit6 61ective qui rapproche les deux partenaires, de moins en moins sur l'institution qui 6tablit entre eux une communaut6 de vie. Cette mise en cause, qui transparait aussi bien dans la baisse du nombre de mariages que dans la hausse de celui des divorces, porte sur les fondements memes de l'institution matrimoniale. EN2000 ETNAISSANCES HORSMARIAGE 2.- NUPTIALITE, DIVORCES TABLEAU Proportion de Proportion de Age moyen des femmes au ler mariage(b) femmes mariees mariages rompus avant 50 ans(a) (en ann6es) par divorce(c) 0,45 0,51 26,3 Belgique Danemark 0,73 29,5 0,45 Finlande 28,0 0,51 0,62 France 0,38 0,61 28,0 0,59 27,0 0,41 Allemagne Islande 0,40 0,70 29,9 0,38 0,59 27,8 Pays-Bas 0,45 0,60 28,3 Norvege Suede 0,55 0,53 30,2 (a)Sommedes tauxde nuptialit6des c61ibataires parage en 2000. (b)Age moyencalcul6d'aprbsles tauxde nuptialit6des c61ibataires avant50 ans. (c)Sommedes tauxde divorcepardur6ede mariage. (d)Proportiond'enfantsn6sde parentsnonmari6s. Source: Conseilde l'Europe(2005). Pays Proportion de naissances hors mariage(d) 0,24 0,45 0,39 0,43 0,23 0,65 0,25 0,50 0,55 Moins frequents, les mariages sont aussi plus tardifs. L'age moyen des femmes a leur premier mariage est compris entre 28 et 30 ans dans la plupart des pays, contre moins de 24 ans quatre d6cennies plus tOt, quand une sexualite de plus en plus pr6coce, mais difficile a vivre durablement hors du cadre 16gal du mariage, conduisait a r6gulariser hativement par le mariage des grossesses pr6nuptiales. Le relachement du lien entre mariage et f6condit6 se traduit aujourd'hui par la forte proportion de naissances issues de parents non mari6s, dans un 6ventail ouvert entre un quart et deux tiers, 'acomparer avec des pourcentages g6n6ralement inf6rieurs 'a 10 % en 1960(6). La encore, l'6volution est radicale : la cohabitation des partenaires hors du cadre formel du mariage est devenue a peu prbs partout un type d'union suffisamment reconnu pour que les enfants puissent y &treaccueillis et 61ev6s. (6)L'Islande est un cas a part, qui perd toutefois de sa spdcificit6 ' mesure que le mariage cesse d'etre le cadre privilgi6 pour la naissance des enfants dans les autres pays. Depuis longtemps, les naissances hors mariage sont fr6quentes, atteignant d6j" autourde 25 % en 1960 contre moins de 10 % ailleurs en Europe occidentale; aujourd'hui, leur part s'6tablit a 65 % en Islande contre un maximum de 50 % dans les autres pays. LA LEGALISATIONDES COUPLESHOMOSEXUELSEN EUROPE 10,0 501 Taux(p. 1000) Ined 218 06 Allemagne 9,0 " % Pays-Bas Finlande 8,0 Danemark ,Belgique 7,0 6,0 Norv'ge Islande 5,0 Suede 4,0 France I 3,0 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 Figure1.- Evolutiondu taux brutde nuptialit6depuis les annees 1960 (pour1000 habitants) Sources: Instituts nationaux de statistique. L'6volution du taux brut de nuptialit6 (rapport du nombre de mariages a la population de chaque pays(7)) permet de mieux situer la chronologie des evolutions, en particulier par rapport h celle des innovations 16gislatives concernant les couples de meme sexe (figure 1). La Suede est 1'exemple embl6matique de la longue p6riode de recul de la nuptialit6. Le mouvement a pr6c6d6 celui des autres pays, au cours des ann6es 1960, et les taux de nuptialit6 y ont 6t6 " peu pres constamment les plus faibles, en particulier dans les d6cennies 1970 et 1980, quand la tendance se diffusait progressivement hors de l'Europe scandinave. Le taux de nuptialit6 a atteint un minimum au milieu des ann6es 1990 'aun trbs bas niveau, inf6rieur ' 4 pour 1 000 habitants, contre plus de 7 %otrois d6cennies plus t6t. La loi qui institue le partenariat homosexuel en prenant le mariage comme rdf6rence est adopt6e en 1994 (et mise en application le ler janvier 1995), dans cette p6riode d'6tiage. En fait, tout le processus de r6flexion et d'61aboration 16gislative, d6but6 des les ann6es 1980, s'est d6roul6 dans un contexte de trbs basse nuptialit6, parfois consid6r6 comme une <<crise >>du mariage. Les autres pays nordiques ont suivi la Suede avec cinq ou six ann6es de retard (Bapeine une ou deux au Danemark, sur lequel nous reviendrons). Au debut des ann6es 1990, dans tous ces pays, le taux de nuptialit6 a atteint un niveau tres faible, inf6rieur ' 5 %o. (7) Des mesures plus fines de la nuptialit6 n'ajouteraient rien aux tendances et aux comparaisons de niveau entre pays ayant des structuresd6mographiquesvoisines. P.FESTY 502 Dans les pays non nordiques (Belgique, France, Allemagne et PaysBas), la France fait figure de pionniere, <<a la scandinave >>,le taux de nuptialit6 descendant en dessous de 5 %oau milieu des anndes 1980, une dizaine d'ann6es avant les autres pays de la r6gion. Dans ces derniers pays, lorsque les diverses formes de 16galisation des couples homosexuels ont 6t6 introduites, elles l'ont 6t6 avec quelques anndes de retard sur les pays voisins du Nord, mais la nuptialit6 elle-meme venait d'atteindre de tres faibles niveaux avec un certain d6calage. En revanche, la France 6tait d6ja depuis plusieurs ann6es dans cette situation au moment oi le Pacs a 6t6 adopt6, voire au moment oh a d6but6 le long d6bat qui allait y conduire. ' Le Danemark est un cas part. La tendance a la baisse, qui avait suivi de pris celle de la Suede dans les annees 1970, s'est invers6e brutalement durant la d6cennie suivante. Une reprise spectaculaire s'est install6e et s'est confirm6e pendant deux d6cennies. La loi sur le partenariat enregistr6 a 6t6 adopt6e en 1989, alors que la nuptialit6 s'accroissait depuis quelques ann6es. Depuis son entr6e en vigueur qui a donn6 la possibilit6 aux couples homosexuels de 16galiser leur union, la hausse de la nuptialit6 des h6t6rosexuels se prolonge, avec un 16ger ralentissement r6cent. Le mouvement est d6sormais partag6 par les autres pays nordiques, dont la nuptialit6 s'est syst6matiquement relev6e depuis le milieu ou la seconde moiti6 des ann6es 1990. Si l'adoption des lois relatives au partenariat s'est faite dans un contexte de nuptialit6 basse et d6croissante (avec l'exception danoise, d'autant plus remarquable que le pays a donn6 le ton en matiere 16gislative), ces lois se mettent en pratique partout au moment oh la nuptialit6 h6t6rosexuelle se redresse apres avoir atteint le niveau le plus bas. Le contraste est frappant avec les pays non nordiques, oh la nuptiacontinue de d6croitre jusqu'aux ann6es les plus r6centes (Allemagne, lit6 et Belgique Pays-Bas) ou enregistre a nouveau des 2000 une baisse qui l'amine aujourd'hui h son plus bas niveau (France). Dans ces pays, la mise en pratique des proc6dures de 16galisation des couples homosexuels, plus r6cente que dans le Nord de l'Europe, s'accompagne d'une baisse de la nuptialit6 h6t6rosexuelle. III. Enregistrementdes unions homosexuelleset statistique Depuis l'origine de la discipline, la d6mographie s'est appuy6e sur la compilation des actes d'6tat civil h l'6chelon local ou national (l'exemple originel est celui des bills of mortality de Londres utilis6s par John Graunt). Les migrations, qui impliquent un changement de r6sidence, sont 6galement prises en compte par certaines administrations qui peuvent ainsi tenir i jour de fagon permanente un 6tat de la population r6sidente dans un LA LEGALISATIONDES COUPLESHOMOSEXUELSEN EUROPE 503 registre et retracer les composantes naturelle et migratoire de la dynamique d6mographique. Ce n'est pas le cas dans tous les pays mais, en revanche, 1'6tat civil au sens strict enregistre 'apeu pres syst6matiquement les mariages au meme titre que les naissances et les d6ces. L'analyse statistique de la nuptialit6 se fonde essentiellement sur ces donn6es. Les 6tapes qui conduisent de l'enregistrement des mariages a leur traitement statistique sont souvent plus complexes qu'on ne l'imagine 'a partir de l'exemple frangais contemporain, oui une meme personne regoit en mairie les informations sur les 6poux et leur union, 6tablit l'acte de mariage, organise la circulation de l'information (transcriptions en marge d'autres actes concernant la personne) et assure une compilation au niveau local (avant transmission t l'institut de statistique pour les d6comptes aux 6chelons g6ographiques sup6rieurs). Il en va a peu pres de meme dans les pays voisins de la France (Belgique, Allemagne et Pays-Bas), mais les pays nordiques offrent plus de diversit6 ' leurs concitoyens en leur laissant le choix de c616brer et d'enregistrer leur mariage religieusement ou civilement, le lieu d'enregistrement du mariage civil pouvant lui-meme faire l'objet d'un choix et variant d'un pays h l'autre (registre local de population, tribunal, notaire public, etc.)(8). Il n'y a pas d'6quivalent exclusif de l'officier d'6tat civil franqais (son intervention n'est pr6vue qu'en Finlande sur le registre et au Danemark en mairie). Un regroupement des donn6es est cependant assur6 avec une grande efficacit6 dans les registres de population. En France, il a 6t6 exclu que le Pacs soit enregistr6 en mairie par l'officier d'6tat civil au meme titre que le mariage : c'est le greffe du tribunal d'instance qui reqoit les pacs6s. La proc6dure est donc strictement coup6e de celle du mariage, aussi bien pour l'6tat civil proprement dit que pour la statistique. Le statut de pacs6 n'entre 'a aucun moment dans l'6tat civil des personnes (la mention n'est pas port e en marge des actes d'6tat civil); la statistique est compilde par les greffes et centralisde par les services du ministbre de la Justice, sans int6gration dans le circuit de l'institut de statistique. Nulle part dans les pays voisins la distance avec la procedure d'enregistrement des mariages n'est aussi grande, mais la situation varie d'un pays a l'autre. Aux Pays-Bas, I'enregistrement du partenariat se fait par la meme voie que pour le mariage : dans le registre de population, qui est g6n6ralement tenu en mairie. La statistique s'6tablit selon la meme proc6dure que pour les mariages. En Belgique, la cohabitation 16gale et le mariage sont 6galement consign6s en mairie, sur le registre local, par l'officier d'6tat civil. La cohabitation 16gale n'est cependant pas rattach6e aux autres actes d'6tat civil par transcription en marge. En Allemagne, la loi laisse une large libert6 aux autoritds locales et r6gionales (Ldnder), d'oui une grande diversit6 de modes de recueil (registre, notaire public, etc.), m~me si la solution adopt6e est unique dans chaque lieu. Dans ces deux (8)On trouveraplus de details dans Waaldijk, 2004, p. 34. 504 P.FESTY pays, la compilation statistique reste a ce jour probl6matique : en Belgique, des informations ponctuelles sur la cohabitation 16gale ont 6t6 fournies par le ministere de l'Int6rieur en r6ponse ta des questions parlementaires (les mariages ont fait l'objet d'un d6compte publi6 par l'institut de statistique); en Allemagne, des informations ont 6t6 obtenues des ministeres de l'Int6rieur r6gionaux t l'initiative d'une association de juristes gays. La situation est beaucoup plus simple et claire dans les pays nordiques. La proc6dure d'enregistrement des partenariats (homosexuels) est la meme que celle des mariages (h6t6rosexuels), sauf sur un point : elle exclut l'intervention des 6glises. La centralisation statistique sur les registres de population suit (a cette exception pris) la meme voie que celle emprunt6e par les mariages et la publication est faite par l'office de statistique dans des conditions similaires. La production statistique est en outre soumise tades contraintes 16gales ou administratives qui en limitent la teneur. Certaines sont sp6cifiques, d'autres sont plus g6n6rales. En France, les decrets qui ont accompagn6 la mise en place du Pacs en 1999 ont limit6 fortement les possibilit6s de disposer de statistiques d6taill6es, en empechant en particulier de proc6der t une comptabilisation selon le sexe des partenaires(9). Ainsi, le Pacs est ouvert aux couples homo- comme h6t6rosexuels, mais la distinction de ceux-ci par la statistique a 6te rendue impossible dans les premieres ann6es d'application de la loi. Depuis lors, l'article 16 de la loi du 6 aofit 2004 relative 'ala protection des personnes physiques t l'6gard des traitements de donn6es ta caractbre personnel a lev6 cette restriction, mais aucune application n'en a encore 6td faite par le ministere de la Justice, qui continue de publier une statistique des enregistrements (et des dissolutions) de Pacs sans autre detail sur les personnes. Ici, on a pallid cette carence par une estimation de la part des Pacs homosexuels et h6t6rosexuels fond6e sur des informations fournies par les greffiers de tribunaux, mais il s'agit d'une tentative aventureuse(10). En Belgique, la loi du 23 novembre 1998 instaurant la cohabitation 16gale ouvre celle-ci aux situations de vie commune de deux personnes, qu'elles soient le fait de couples homo- ou h6t6rosexuels, de paires de (9)Ddcret n' 99-1090 du 21 d6cembre 1999, relatif aux conditions dans lesquelles sont traitees et conservees les informations relatives aila formation, la modification et la dissolution du PACS et autorisant la crdation ci cet effet d'un traitement automatisd des registres mis en ceuvrepar les greffes des tribunaux d'instance, par le greffe du tribunal de grande instance de Paris et par les agents diplomatiques et consulaires frangais, article 2. L'dlaborationde statistiques est limit6e 'a la <<production d'informations rendues anonymes, exclusivement destin6es 'a permettre de connaitre le nombre de d6clarations, de modifications et de dissolutions de pactes civils de solidarit6 ayant fait l'objet d'un enregistrement >>. (10)Les greffiers des tribunauxse livrent a des decomptes <<sauvages >>qui distinguent les enregistrements qui sont le fait de couples homo- et h6t6rosexuels. La pr6sidente de l'association des greffiers en chef a cit6 les pourcentages suivants, lors d'une audition par le groupe de travail et l'am61iorationdu pacte civil de' solidaritd, mis en place par le ministre de la sur l'6valuation ' 15 50 55 % de couples h6t6rosexuels) en 2000, Justice : 45 50 ' ' % de couples homosexuels (et B 20 % (et 80 85 %, respectivement) en 2004. La validit6 de ces chiffres est impossible pr6ciser, mais nous les utiliserons faute de mieux, en proc6dant 'a une interpolation lin6aire entre ces valeurs pour estimer ceux des autres anndes. ENEUROPE LA LEGALISATION DESCOUPLES HOMOSEXUELS 505 proches parents (parents-enfants, frbres-soeurs, etc.) ou autres cas de vie commune. Les cohabitations 16gales peuvent 6tre comptabilis6es selon le sexe des partenaires, mais les personnes ne sont pas tenues de pr6ciser leurs liens au-delh de leur volont6 de cohabiter et il n'est donc pas possible de distinguer les couples des autres formes familiales et non familiales. Les pays nordiques et les Pays-Bas produisent leurs statistiques de partenariats enregistr6s et de mariages homosexuels (Pays-Bas) a partir des registres de population. Or, les registres ne prenant en compte les personnes qu'au moment oui leur r6sidence dans le pays est 6tablie, il n'est pas toujours possible de connaitre les caract6ristiques des partenaires ou des conjoints qui, venant de l'6tranger pour l'enregistrement de leur union, n'ont pas encore de r6sidence 'acette date(11).Par ailleurs, les effectifs des partenariats ou des mariages homosexuels 6tant souvent modestes, la caract6risation des conjoints doit rester sommaire lors de la publication des statistiques afin de respecter la confidentialit6 des donn6es : d'ou' des regroupements en larges classes d'ages, etc. Enfin, malgr6 les efforts de coordination qui ont pu presider t l'61aboration des lois (en particulier entre pays nordiques), la diversit6 rbgne dans le domaine de la production statistique et rend difficile l'6tablissement de series comparables d'un pays B l'autre. Les disparit6s les plus sdrieuses sont d'ordre conceptuel. Ainsi, les conditions de residence sont prises en compte diff6remment selon les pays. Au Danemark, la statistique publide porte sur les couples dans lesquels au moins un des partenaires r6side dans le pays; en Norvege, la condition porte non pas sur l'un des deux mais sur l'ain6 des deux; en Finlande, l'information d6taill6e est publi6e, ce qui permet de s'ajuster aux definitions danoise et norv6gienne. En Suede, on s'appuie sur une autre base : le nombre d'enregistrements publi6 n'est pas celui des partenariats mais des partenaires (soit environ le double) lorsqu'ils resident dans le pays(12). De 1989 a 1998, le Danemark n'a pas publi6 de statistiques de partenariats mais des statistiques de partenaires, comme la Suede. Cependant, 'a la diff6rence de la Suede (et des autres pays), il ne s'agissait pas de personnes d6nombr6es lors de l'enregistrement tout au long de l'ann6e mais de personnes comptabilis6es 'aune date precise (31 d6cembre), en distinguant celles qui 6taient encore engag6es dans un partenariat et celles qui ne l'6taient plus, par suite d'une separation ou du d6ces du partenaire. Il ne s'agit plus alors d'une comptabilisation du nombre d'6v6nements enregistr6s pendant l'ann6e mais du nombre cumul6 de personnes ayant conclu un partenariat dans le pass6 qui n'est pas encore rompu (par separation ou d6ces). A d6faut d'informer sur les flux annuels de partenariats, la s6rie (11)Les registres ayant un caractbrepermanent,un certain flou existe a propos de la date a laquelle les statistiques sont 6tablies : une personne non r6sidente lors de l'enregistrementpeut l'8tre devenue au moment ouisont 6tablies les statistiques,par exemple en fin d'annde,voire plus tard. (12)Des diff6rences du meme ordre existent dans les statistiques de mariages couramment publi6es, qui peuvent se ref6rer aux couples dans lesquels au moins un des 6poux r6side dans le pays (Danemark), B l'6poux (Norvyge) ou bien a l'6pouse (Finlande, Suede), etc. P.FESTY 506 chronologique de ces stocks permet de reconstituer approximativement le nombre de partenariats enregistres chaque annde entre 1989 et 1998. Ces differences conceptuelles introduisent une certaine imprdcision dans les comparaisons internationales. On peut les ndgliger la plupart du temps, car nous verrons que les contrastes entre pays sont gdndralement trop accentuds pour tenir A ces nuances, mais des incertitudes demeurent neanmoins. IV. Les taux bruts d'enregistrement: tendances, niveaux, differences Le Danemark a dtd le pionnier dans la lgalisation des couples homosexuels. Ce pays dispose donc de la sdrie chronologique la plus longue, qui peut servir de rdfdrence. Les taux bruts d'enregistrement (nombre d'enregistrements de partenariats masculins ou fdminins pour 100 000 hommes ou 100 000 femmes respectivement) peuvent etre trompeurs la premiEre annde car la loi n'est entree en application que le ler octobre. Leur niveau dlevd n'en est que plus remarquable, surtout pour les hommes. Le taux reste 61evd en 1990, puis se stabilise durablement a un niveau plus modeste (tableau 3). II en va de meme dans les autres pays : on observe des taux dlevds la premiere ann6e (tronqude plus ou moins sdvErement) et parfois l'annde suivante, puis un recul substantiel, qui marque gdndralement une stabilisation quand la loi d'enregistrement est suffisamment ancienne pour qu'on dispose d'une sdrie longue. L'observation n'est pas surprenante : elle correspond A l'existence d'un <<stock >>de couples qui attendaient depuis quelque temps l'adoption de la loi pour pouvoir enfin en faire usage. On est plutOt surpris par la brievetd et la moddration de cette phase, par rapport au niveau qui s'dtablit ensuite : elle ne dure jamais plus que les deux premieres annees civiles, la premiere dtant souvent rdduite a moins de douze mois. Cela suggere l'existence d'un stock peu volumineux. Au Danemark, en Norvege et en Suede, oA les lois datent d'au moins une dizaine d'anndes, la pdriode rdcente se caractdrise par une augmentation par rapport au niveau de stabilisation. Le recours au partenariat s'intensifie A la longue. Dans les autres pays, le recul est insuffisant pour permettre une verification (Finlande, France, Allemagne); en outre, aux Pays-Bas et en Belgique, l'adoption successive d'une forme de partenariat puis du mariage pour les homosexuels rend la lecture de tendance difficile. Pour comparer les taux bruts d'enregistrement d'un pays Al'autre, le mieux est sans doute d'dviter les toutes premibres anndes suivant l'adoption des lois et de se situer juste aprbs, lorsque s'amorce la stabilisation provisoire des taux (ou ce qui s'avyre 8tre tel dans les pays oii le regard ultdrieur permet de le vdrifier). Les disparitds sont alors tras fortes. l l l l l l l l mois. 9 FF texte FEMMES) France Voir HH OU seulement FF HOMMES 000 13,017,7 7,310,2 6,8 Belgique HH 20,1 24,8 100 FF 3,2 Allemagne HH 6,8 (POUR 9,37,2 11,1| 16,710,89,813,3 FF HOMOSEXUELS Pays-Bas HH FF MARIAGES couvre mois. 7 2001 9,26,9 11,410,3 16,911,7 21,7 L'ann6e seulement couvre annuelles. suivantes. et 2003 2001 moyennes L'ann6e des ann6es lessont l'Allemagne. et mariage. pour taux du 1,91,31,21,01,5 1,52,12,32,83,1 Les mariage (1989-1998) Suede suivantes au2004. 5,72,31,81,81,8 2,52,22,42,73,2 HH finet la h 2003 Danemark 1,92,11,52,11,92,02,8 3,43,43,43,83,7 FF 1998-2000, 2001 le d'aofit ann6es PARTENARIATS mois. mois. Norvege les pour ann6es 5,44,03,03,73,43,23,7 3,54,84,75,14,7 3 10 mois. HH 5 mois. 6 les PACS, 16gale, l'auteur mois, 8 5 4 4 5 6 3 4 6 pour 5 FF de seulement DES seulement seulement ans 3 seulement Islande 8 4 4 4 4 4 4 5 6 couvre de mois. HH enregistr6 couvre cohabitation couvre 1,5 couvreestla estimations 1989 20021993 de et FF 7,74,03,8 1996 p6riode partenariat seulement L'ann6e auLatraitent L'ann6e L'ann6e statistique Finlande D'ENREGISTREMENT 9,43,33,3 HH L'ann6e de relatifscouvre BRUT enregistr6. 1999 sont2000-2002 FF 5,09,07,06,05,07,06,08,08,09,010,29,712,5 12,6 12,0 14,6 enregistr6. enregistr6. confirm6. nationaux TAUX ann6es chiffres 9,0 9,0 9,5 L'ann6e Danemark 19,0 13,012,011,0 12,011,0 11,012,1 11,0 12,1 11,110,0PartenariatLebenspartnerschaft. HH 24,0 3.: : Partenariat Les Instituts : Les : Pacs. : Partenariat :Partenariat : : : OU a TABLEAU 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1999 1998 2000 2001 2002 2003 2004Danemark Islande Finlande Norvyge Pays-Bas Allemagne Belgique France Sources 508 P.FESTY L'6ventail va de moins de 2 pour 100 000 hommes ou femmes en Suede 'a plus de 10, voire plus de 20 dans certains pays. Ce rapport de 1 Ia5 ou 10 d6passe de beaucoup celui qu'on enregistre entre les taux bruts de nuptialit6 h6t6rosexuelle dans les diff6rents pays. Les pays out les taux sont faibles sont la Suede, la Norvege, la Finlande et l'Islande, avec des niveaux inf6rieurs 'a 4 pour 100 000. C'esta-dire, avec les nuances qui les s6parent, I'ensemble des pays nordiques sauf le Danemark. II faut peut-&tre ajouter l'Allemagne, ohi les taux des 3,5 premibres ann6es atteignent ia peine 5 pour 100 000 en moyenne annuelle, ce qui laisse anticiper une fr6quence encore moindre en fin de periode. Du c6t6 des taux 61ev6s figure la Belgique (environ 21 pour 100 000 la deuxiebmeann6e d'application de la loi sur le mariage). Viennent ensuite les Pays-Bas, oui les taux d'enregistrement relatifs au partenariat puis au mariage 6taient de l'ordre de 11 pour 100 000 la deuxiebmeann6e d'application de chaque loi(13). Au Danemark, les taux du debut des ann6es 1990 sont nettement diff6renci6s entre gays et lesbiennes (un point sur lequel nous reviendrons) : 11 a 13 pour 100 000 hommes ou femmes chez les premiers, 5 it 7 chez les secondes. La France appartient sans doute ia ce groupe : si les pourcentages de Pacs homosexuels cit6s iala note 10 traduisent la r6alit6, le taux brut d'enregistrement serait de l'ordre de 12 ou 13 pour 100 000 chaque ann6e depuis 2001. Les groupes de pays d6gag6s a l'examen des statistiques s'accordent mal aux intuitions que peut sugg6rer la lecture des lois instituant la 16galisation des couples homosexuels. L'ensemble nordique est 6clat6, bien qu'il y ait eu concertation sur un principe 16gislatif commun : les enregistrements sont rares en Suebde,peu frequents en Finlande, en Islande et en Norvbge et relativement nombreux au Danemark (au moins pour les hommes). A l'inverse, les pays non nordiques ont en commun des taux d'enregistrement largement sup6rieurs a la moyenne (a l'exception de l'Allemagne), alors que leur processus 16gislatif a 6t6 extremement h6t6rogitne. 1. Elkments d'interpritation des diffirences entre pays : le contenu des lois La fr6quence des 16galisations peut &trerapproch6e du contenu des lois pour mettre en evidence une 6ventuelle influence de celles-ci. Nous retenons deux indicateurs globaux emprunt6s a Kees Waaldijk (2004). Le premier mesure l'ampleur des consequences juridiques attach6es au statut de couple homosexuel enregistr6 qui manquent pour en faire l'6gal d'un couple h6t6rosexuel marid; ce deficit peut &treenvisage comme un frein a (13) Les statistiques de mariages sont plus difficiles ' interpreterque celles des partenariats pr6cedemment. I1 se pourrait que se soit install6e aujourd'hui une rdelle concurrence entre les deux formes de 16galisation des couples homosexuels, le recul rdcent du nombre de mariages s'accompagnant d'une hausse des partenariats. ENEUROPE LA LE'GALISATION HOMOSEXUELS DESCOUPLES 509 la 16galisation de leur union par les homosexuels (tableau 4, colonne c). Le second saisit l'aspect positif de la 16gislation en mesurant le surplus relatif de cons6quences juridiques apport6 par l'enregistrement des couples homosexuels par rapport aux couples restant sous le r6gime de la seule cohabitation informelle; ce surcroit peut etre envisag6 comme une incitation a la 16galisation de leur union par les homosexuels (tableau 4, colonne e). Ces mesures ont 6t6 obtenues par une proc6dure originale. Trentetrois cons6quences juridiques susceptibles d'8tre associ6es a la reconnaissance 16gale du couple ont 6t6 6tudi6es dans les lois des neuf pays, en diff6renciant les cas du mariage, du partenariat et de la cohabitation de fait, et, a chaque fois, la situation des couples homosexuels et h6t6rosexuels. Ces consequences relevent du domaine parental pour sept d'entre elles (par exemple : les partenaires peuvent-ils adopter conjointement un enfant ?), sont d'ordre mat6riel pour dix-sept autres (par exemple : la protection sociale peut-elle 8tre 6tendue d'un partenaire a l'autre ?) et d'ordre immat6riel pour les neuf dernieres (par exemple : un partenaire 6tranger obtient-il une carte de s6jour ?). Dans chaque pays, des juristes experts ont 6t6 charg6s de dire si la loi attache ou non les consequences 6tudi6es aux diverses situations de couple. A chaque cons6quence a 6t6 attribu6 un score compris entre 3 et 0 : 3 si la loi pr6voit la cons6quence, 2 si elle y met des restrictions, 1 si la loi ne prevoit la cons6quence que dans des cas sp6cifiques et 0 si elle exclut la consequence. Un score global a 6t6 calculi par addition simple pour l'ensemble des 33 items 6tudi6s ou pour des sous-ensembles. TABLEAU4.- NIVEAUDE CONSEQUENCES AU PARTENARIAT ET JURIDIQUES ATTACHEES A LA COHABITATION, EN GENERALET DANSLE DOMAINEPARENTAL AUX COUPLESMARIESDE SEXEDIFFERENT) (COUPLESDE MIME SEXECOMPARES Situationdes mari6s (sexediff6rent) Situationdes Deficitdes Situationdes cohabitants par partenaires partenaires (memesexe) rapportauxmari6s (memesexe) Gaindes partenaires par rapportaux cohabitants (e) = (b)- (d) (a) (b) (c) = (a)- (b) (d) En Domaine En Domaine En Domaine En Domaine En Domaine g6neral parental g6n6ral parental g6neral parental g6n6ral parental g6neral parental Danemark 100 100 37 84 16 44 63 45 39 -7 Finlande 100 100 87 67 13 33 42 67 45 0 Islande 100 100 85 42 15 58 23 26 62 16 100 100 86 44 14 56 48 33 38 11 Norvege Suede 100 100 91 76 9 24 68 47 23 29 100 86 4 96 14 73 81 23 5 Pays-Bas* 100 100 68 37 32 63 17 21 51 16 Allemagne 100 100 88 50 12 50 36 50 62 0 Belgique* 100 France 100 100 55 17 45 83 34 17 21 0 (c) : consequences1lgalesattach6esaupartenariat (conjointsde memesexe),pour100 attach6esau mariage (conjointsde sexe diff6rent). (d) : cons6quences16galesattach6esa la cohabitation(conjointsde meme sexe), pour 100 attach6esau mariage(conjointsde sexe diff6rent). * La situationn'estpas celle des partenaires maisdes mari6sde memesexe. Source: Waaldijk(2004, p. 9 et 13). 510 P.FESTY La distance entre la situation des couples homosexuels 16galis6s et celle des h6t6rosexuels mari6s est maximale dans le Pacs frangais et la Lebenspartnerschaft allemande : 45 % des cons6quences 16gales attach6es au mariage ne sont pas accord6es aux pacs6s et 32 % a leurs homologues allemands. Elle est beaucoup plus faible ailleurs (moins de 20 %), c'est-idire dans l'ensemble des pays nordiques, mais aussi en Belgique et aux Pays-Bas, avec des minima dans ce dernier pays et en Suede. II n'y a guere de relations entre cette mesure de la proximit6 entre partenariat (ou mariage) homosexuel et mariage h6t6rosexuel d'une part et la fr6quence de 16galisation des couples de meme sexe d'autre part. Ni le taux record de la Belgique, ni la tres faible statistique suddoise, ni la position originale du Danemark dans l'ensemble nordique ne sont l'6cho du contenu des lois. ' L'incitation s'enregistrer que pourrait repr6senter l'6cart entre la situation juridique des partenaires et celle des cohabitants de meme sexe est maximale en Belgique et en Islande, deux pays oP' la cohabitation de fait ouvre peu de droits aux couples homosexuels. Elle est minimale en Suede et aux Pays-Bas, ouila cohabitation est au contraire d6ji porteuse de nombreux droits auxquels le partenariat (ou le mariage) n'ajoute guere; elle est minimale aussi en France, mais dans une configuration diff6rente oi le Pacs ajoute peu de droits a un concubinage lui-meme tres restrictif. Il n'y a certes pas de relation systdmatique entre ce qui pourrait etre perqu comme un avantage a faire reconnaitre une union et la fr6quence des 16galisations, mais on notera tout de meme, aux deux extremes, le cas de la Belgique et celui de la Suede. La Belgique est le pays ouila 16galisation du couple homosexuel ouvre le plus de cons6quences juridiques - en particulier comparativement aux pays occidentaux voisins - et celui oui elle est la plus fr6quente. La singularit6 su6doise est t l'inverse, en particulier par rapport aux voisins nordiques : la loi ouvre aux simples cohabitants des droits plus nombreux que dans les autres pays, le partenariat n'en ajoutant qu'd la marge et 6tant peu utilis6 par les couples homosexuels. Davantage que la proximit6 avec les droits procurds par le mariage h6t6rosexuel, ce sont les droits ouverts par rapport aux concubins de meme sexe qui pourraient 8tre dans certains cas un motif de 16galisation capable d'expliquer certaines disparit6s entre pays. On peut toutefois penser que toutes les cons6quences juridiques attach6es aux divers statuts conjugaux n'ont pas le meme poids dans la d6cision de faire reconnaltre une union et qu'en particulier les restrictions en matiere parentale faites aux couples homosexuels jouent un r61e majeur dans la decision de 16galisation. D'oui l'int6ret d'une analyse sp6cifique portant sur ces seuls aspects (tableau 4, italiques). La distance relative entre le partenariat et le mariage h6t6rosexuel est beaucoup plus importante sur ce point particulier que sur l'ensemble des cons6quences juridiques 6tudi6es. En moyenne, la moiti6 des droits des parents h6t6rosexuels mari6s sont ferm aux partenaires homosexuels, cette proportion 6tant maximum en France (83 %), puis en Allemagne et au Danemark (63 %), et minimum aux Pays-Bas (14 %) et en Suede ENEUROPE LA LIGALISATION DESCOUPLES HOMOSEXUELS 1,6 511 RatioF/H Ined219 06 Finlande 1,4 Islande (moy.sur3 ans) 1,2 1,0 Pays-Bas (partenariat)/ 0,8 Pays-Bas (mariage)Belgique 0,6 DanemarkZ 0,4 Norv'ge SSuede Allemagne 0,2 0.0 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Figure2.- Evolutiondu ratioentre les taux d'enregistrementdes couples femininset des couples masculins(ratioF/H) Sources: Instituts nationaux de statistique et estimations de I'auteur pour le Danemark (1989-1998) et I'Allemagne. (24 %). A l'inverse, le surcroit de droits dans le domaine parental des partenaires enregistr6s par rapport aux simples cohabitants est modeste, avec un maximum en Subde et un minimum au Danemark(14). Aucun des points saillants que l'on a d6gag6s pr6c6demment sur la fr6quence des 16galisations ne s'accorde avec les constats juridiques dans le domaine parental. Par exemple, les partenariats beaucoup plus nombreux au Danemark qu'en Sudde ne le sont pas du fait de droits parentaux plus importants dans le premier pays que dans le second. C'est l'inverse, qu'il s'agisse de la proximit6 avec le mariage h6t6rosexuel ou de l'avantage donn6 aux partenaires enregistr6s par rapport aux simples cohabitants. En fait, pour percevoir un effet du contenu parental des lois sur les comportements de 16galisation, il faut distinguer entre couples masculins et f6minins. Au cours de la premiere moitid des ann6es 1990, les enregistrements de couples masculins 6taient fortement majoritaires dans les pays pionniers de la 16galisation des couples homosexuels (Danemark, puis Norvege et Subde). Les couples f6minins 6taient alors moiti6 moins nombreux que les couples masculins a utiliser les lois de partenariat. Mais un mouvement continu a amend progressivement a un meilleur 6quilibre entre les sexes (figure 2). (14)Au Danemark, les partenairesont moins de droits parentauxque les cohabitants homosexuels. C'est la cons6quence d'une disposition qui n'est pas propre a ce pays : l'adoption par une seule personne est autoris6e en g6ndral, mais elle est impossible pour une personne appartenant Aun couple homosexuel enregistr6. 512 P. FESTY Dans les trois cas cit6s, oui des s6ries longues sont disponibles, le ratio entre les taux d'enregistrement masculins et f6minins se rapproche r6gulibrement de l'unit6. Dans les pays ayant propose plus r6cemment une reconnaissance aux couples homosexuels (Islande, Pays-Bas, Finlande), l'6quilibre numdrique entre couples gays et lesbiens s'6tablit presque imm6diatement dans les ann6es 2000. L'Allemagne constitue une exception notable puisque les partenariats des ann6es r6centes sont 'alarge pr6pond6rance masculine, comme ils l'6taient en Scandinavie dix ans plus tdt(15). L'6volution enregistr6e dans les pays pionniers suggbre une accoutumance progressive des lesbiennes aux lois sur le partenariat, comme si les femmes de ce groupe surmontaient peu a peu des r6ticences 'adonner une visibilit6 'a leur union par une 16galisation inspir6e de la pratique h6t6rosexuelle. Mais la vue d'ensemble a montrd que dans des pays ayant adopt6 plus tardivement des lois sur le partenariat, la fr6quence des 16galisations a rapidement atteint des niveaux voisins chez les couples masculins et f6minins. Les conditions de reconnaissance 16gale faites aux couples homosexuels sont identiques pour les hommes et les femmes dans les diff6rents pays : on ne saurait donc expliquer par la les differences de taux d'enregistrement des gays et des lesbiennes. Ii faut sans doute a la fois supposer une sensibilit6 diff6rente des deux sexes aux memes conditions 16gales et postuler que certains aspects des lois revetent une importance plus grande que d'autres dans ce m6canisme de diff6renciation. On pense ici aux conditions faites a la parentalit6 homosexuelle, qu'on peut supposer plus cruciales pour les lesbiennes que pour les gays et 6ventuellement d6terminantes dans leur d6cision de 16galiser leur union. Par exemple, les trois pays scandinaves ont en commun d'avoir accord6 aux partenaires homosexuels enregistr6s le droit d'adopter l'enfant de leur conjoint - sans offrir cette meme possibilit6 aux couples cohabitants - longtemps aprbs les lois de partenariat : le Danemark dix ans apris (soit en 1999), la Norvege neuf ans apres (en 2002) et la Suede huit ans plus tard (en 2003). En Islande, le d6calage est seulement de quatre ans (en 2000) et aux Pays-Bas de trois ans (en 2001, mais la loi b6n6ficie aussi aux couples non enregistr6s)(16). La prise en compte du statut de partenaire homosexuel dans les lois d'adoption a eu lieu dans un petit nombre d'ann6es autour de 2000, ind6pendamment de la chronologie ant6rieure des lois sur la 16galisation des couples. Comme on le pressentait, la relation entre le contenu des lois sur la 16galisation des couples homosexuels et la fr6quence du recours a l'enregistrement n'est pas simple et simpliste. 11 ne suffit pas que la loi d'un (15)A contrario, en un an, apres l'ouverture du mariage aux homosexuels en mai 2004 au Massachusetts, on a enregistr6 3 421 mariages de femmes et 1 961 mariages d'hommes, soit un rapport6gal 'a 1,7. (16)En Finlande et en Allemagne, les lois de 2001 n'ouvrent pas le droit a l'adoption de l'enfant du partenaireenregistr6. LA LEGALISATIONDES COUPLESHOMOSEXUELSEN EUROPE 513 pays place le statut juridique des partenaires enregistr6s au plus pres de celui des conjoints mari6s het6rosexuels, ou qu'elle mette une distance importante entre les couples 16galis6s et ceux qui restent dans une situation de fait, pour que la fr6quence des 16galisations soit plus 61ev6e qu'ailleurs. Il y a seulement des signes, ici ou 1', qui suggbrent des pistes pour l'interpr6tation. Par exemple, le faible recours a l'enregistrement en Suede pourrait tenir au fait que la plupart des droits ouverts aux couples homosexuels le sont aux simples cohabitants, la 16galisation n'apportant qu'un surcroit modeste de droits. Nous y reviendrons plus loin. De meme, les droits ouverts dans le domaine parental pourraient jouer un r61e, moins a l'6gard des couples homosexuels en g6neral que des couples lesbiens en particulier, a mesure que sont lev6es les restrictions par rapport aux couples mari6s het6rosexuels. Mais des 616ments d'interpretation sont aussi a chercher dans d'autres champs, en ouvrant la compr6hension des comportements a l'influence 6ventuelle de facteurs contextuels plut6t qu'a un lien direct avec le facteur juridique. 2. Lesfacteurscontextuels L'attitude des populations a l'6gard de la reconnaissance 16gale des couples homosexuels est sans doute l'expression la plus simple et directe du contexte societal (tableau 5). L'approbation du mariage homosexuel est sensiblement plus fr6quente dans les neuf pays 6tudi6s que n'importe oii ailleurs en Europe, mais il y a de fortes disparit6s a l'interieur des neuf pays et meme a l'int6rieur des deux groupes nordique et occidental. L'approbation de l'adoption d'enfants par les couples homosexuels donne des r6sultats sensiblement equivalents. Le Danemark, qui fut pionnier dans la reconnaissance des couples homosexuels, se distingue par sa tolkrance, en ligne avec le <<frisind >>d6crit par Henning Bech (1992), melange d'ouverture d'esprit et de souci de montrer la voie en matiere de nondiscrimination; la Finlande et la Norvege sont trbs en retrait. A l'Ouest, les Pays-Bas, qui ont 6t6 les premiers a ouvrir le mariage aux homosexuels, sont au meme niveau que le Danemark; la France est la moins tol6rante. La Belgique, qui a ouvert une voie originale avec la cohabitation 16gale et qui a suivi son voisin n6erlandais sur le mariage, ne se distingue pas par ses attitudes a l'agard du mariage et de l'adoption comme elle le fait par la fr6quence 61ev6e des 16galisations de couples homosexuels. La place faite aux couples dans les systemes de protection sociale est un l66mentde contexte plus complexe que le pr6c6dent. Dans la typologie des Etats-providence de Gosta Esping-Andersen (1996), les pays qui assurent le mieux le remplacement du salaire en cas de ch6mage, de maladie ou de retraite sont aussi ceux qui fondent les droits sociaux sur un principe d'universalite, au b6nefice de tous les individus, ind6pendamment de leur 514 P. FESTY TABLEAU5.- QUELQUESINDICATEURS DE CONTEXTE : TOLERANCE A L'EGARDDE INDIVIDUALISATION DES DROITSSOCIAUX,PARTRELATIVE DES L'HOMOSEXUALITE, COUPLESNONMARIES Bonusmaterielaucoupleh6terosexuel Approbation Couples pour dumariage de l'adoption Couple Couplemari6 cohabitants mari Couple 100couplesmaries homosexuel parles homocohabitant /couple sexuels(%) /individus /individus cohabitant (h6tirosexuels) (%) (a) (c) (b) (d) (e) = (c)-(d) (f) Danemark Finlande Islande Norvege Suede 66 33 40 51 62 36 37 25 31 3 0 +3 28 4 13 0 +4 27 4 +1 5 26 4 12 9 +5 29 2 27 2 0 45 4 4 0 39 19 Pays-Bas +8 1 11 26 9 Allemagne 6 2 +4 12 19 Belgique France 12 9 2 +7 21 du mariagedes coupleshomosexuelspartout (a) %de repondantstouta fait d'accordavec < l'autorisation en Europe>,janvier2003 (6chantillonsde 500 personnesparpays,representatifs de la populationagee de 15 ansou plus). de l'adoptiond'enfantspardes coupleshomo(b) %de repondantstout'afait d'accordavec < l'autorisation sexuels partouten Europe>,janvier2003 (echantillonsde 500 personnespar pays, representatifsde la populationde 15 ansou plus). (c, d, e) Troisitemsde la grillede KeesWaaldijknotesde 3 ' 0 selonque les couplesmariesou cohabitants (het6rosexuels)en b6neficientou non : (i) Declarationcommunepouvantengendrerune reductionde al'autre; (iii) Lorsquel'un l'imp6tsurle revenu; (ii) La protectionsocialepeut&tre6tendued'unpartenaire des partenaires meurt,I'autrereqoitune pensionde reversion. (f) Nombrede couples(heterosexuels)non mariespour100 couplesmariesen 2000. Sources: (a) EOS GallupEurope,p. 2 ; (b) Ibidem,p. 8 ; (c, d, e) Calculsd'aprisWaaldijk(2004, p. 20); (f) Institutsnationauxde statistique. situation effective en matibre d'activit6 ou de famille(17). Dans ce cas, I'appartenance d'un individu a un couple est sans effet sur ses droits sociaux, contrairement A ce qui se passe dans des regimes plus <<familialistes >>.A l'inverse, 1'existence d'avantages au b6ndfice des couples temoigne du souci de favoriser, aux c6tds d'une forte solidarit6 sociale, le maintien d'une solidarit6 priv entre conjoints. On peut juger de la rdalit6 des faits en examinant si les couples (hetdrosexuels) bdndficient ou non d'un bonus par rapport aux personnes seules en matibre d'imp6t sur le revenu, de couverture du risque maladie ou de retraite (pension de reversion). Aucun pays n'a pleinement individualis6 les droits sociaux : les couples, en particulier les couples marids, bendficient partout d'avantages, qui sont a leur maximum en Allemagne, en France et en Norvbge et a leur minimum en Suede et au Danemark(18).Les avantages des couples marids par rapport aux simples couples cohabitants sont aussi maximum en (17) L'indicateurde protection sociale d'Esping-Andersen, calcul6 en 1980, 6tait maximum au Danemark, en Norvyge et en Suede (38-39 points), un peu moindre en Belgique et aux PaysBas (32 points) et plus faible encore en France, en Allemagne et en Finlande (autour de 28 points). Dans les pays dits libdraux, comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, I'indicateur n'atteignait que 13 't 23 points (Esping-Andersen, 1996, p. 52). (18)L'impact de la situation de couple sur l'imp6t sur le revenu dans les pays de l'Union europeenne a 6t6 mesur6 par Sterdyniak (2004, p. 454); sur les pensions de retraite, il l'a 6td par Jepsen et Meulders (2002, p. 103). LA LEGALISATIONDES COUPLESHOMOSEXUELSEN EUROPE 515 Allemagne et en France et minimum en Suede et aux Pays-Bas, oi le statut 16gal du couple est sans importance. II y a bien stir une relation entre l'avantage donn6 aux couples mari6s et le contexte de d6mariage 6voqu6 pr6c6demment. Appr6hend6e par la proportion de couples h6t6rosexuels cohabitants relativement 'aceux qui sont marids, l'importance du non-mariage est maximale en Sudde, loin devant les autres pays nordiques, et elle est nettement moindre 'al'ouest de l'Europe, avec un minimum en Allemagne et en Belgique. Toutefois, les deux facteurs contextuels que nous venons d'6voquer (la toldrance Al'6gard de l'homosexualitd et la place faite au couple, en particulier mari6, dans l'organisation sociale) sont en relation inverse. Par exemple, les trois pays qui donnent le moins d'avantages aux couples mari6s par rapport aux personnes seules (Suede, Danemark et Pays-Bas avec en moyenne 3 points sur 9 selon Waaldijk) sont aussi ceux oiI l'approbation du mariage pour les couples homosexuels est la plus forte (en moyenne 60 %); a l'inverse, en Allemagne, en France et en Norvyge, le bonus aux couples mari6s est maximal (9 points sur 9) et l'approbation du mariage homosexuel n'est en moyenne que de 34 %. Les soci6t6s les plus ouvertes 'ala reconnaissance des couples homosexuels sont aussi celles qui ont pouss6 le plus avant l'indiff6renciation 'a l'6gard des arrangements domestiques, en minimisant les avantages li6s a la situation de couple et a la 16galisation de celui-ci. Pas plus que le contenu des lois, les l66mentscontextuels ne peuvent expliquer de fagon univoque les comportements de 16galisation des couples homosexuels. Les incoh6rences qui peuvent apparaitre dans la relation entre la fr6quence des 16galisations et l'attitude des soci6t6s t l'6gard de l'homosexualit6 (par exemple le faible recours au partenariat enregistr6 en Suede, par ailleurs toldrante Al'6gard du mariage ou de l'adoption pour les couples homosexuels) peuvent avoir leur origine dans l'importance que ces memes soci6t6s donnent au couple et ta son statut juridique (voir l'indiff6renciation du r6gime fiscal et social ' cet 6gard en Subde). R6ciproquement, l'importance que les systemes sociaux franqais ou allemands donnent au couple et 'asa 16galisation ne se reflitent pas n6cessairement dans la frdquence du recours aIl'enregistrement par les couples homosexuels, face 'a une opinion relativement peu favorable au mariage de ces couples. V. Denombrementdes couples non mariusou non enregistres Les taux bruts de nuptialit6 et d'enregistrement utilis6s pour mesurer le comportement respectif des couples h6t6rosexuels et homosexuels se rapportent 6galement Ala population totale de chaque pays, comme si celle-ci 6tait indiff6rencide sexuellement. Ceci cr6e faussement les conditions de la 516 P.FESTY comparabilit6 entre les comportements des h6t6ro- et des homosexuels, car les premiers sont beaucoup plus nombreux que les seconds. Que les taux de nuptialit6 soient beaucoup plus 61ev6s que les taux d'enregistrement (les premiers sont exprim6s pour 1 000 habitants, les seconds pour 100 000) reflete avant tout cette disparit6. La comparaison a bien davantage de sens si elle prend pour base respective chacun des deux groupes, en saisissant ceux-ci ' la meme phase du processus conduisant 'ala 16galisation de leur union. Nous nous proposons de consid6rer ici les couples h6t6rosexuels non mari6s, en mesurant la fraction de ceux qui 16galisent leur union dans l'annee, puis de proc6der de meme avec les couples homosexuels non enregistr6s. Le taux de nuptialit6 des couples h6t6rosexuels et le taux d'enregistrement des couples homosexuels permettent de d6terminer si la reconnaissance 16gale des unions est plus courante chez les uns que chez les autres. Les donn6es n6cessaires au calcul de ces taux ne sont cependant pas d'acces simple partout et la signification des r6sultats n'est pas toujours d'interpr6tation aussi directe qu'il parait. En France, le nombre de couples h6t6rosexuels non maries est estim6 grace aux enquetes sur l'emploi, avec une fiabilit6 satisfaisante depuis le d6but des ann6es 1990. D'autres pays proc'dent de meme : l'Allemagne avec les Mikrozensus depuis 1991; la Norvege avec les Omnibus Surveys depuis 1993; la Suede avec les Living Conditions Surveys (ULF) depuis 1985. Dans tous les cas, les couples identifies r6sident dans le meme m6nage; les estimations du nombre de couples vivant leur conjugalit6 sans partager le meme logement sont peu 6lev6es(19) (Villeneuve-Gokalp, 1997; Toulemon, 1996). Dans les autres pays, il est fait recours aux registres de population. Ceux-ci s'appuient sur le constat de co-r6sidence des personnes et classifient comme couples non mari6s les paires d'hommes et de femmes non apparent6s, sous certaines conditions(20). Le lien de couple n'est donc pas d6clar6 par les int6ress6s mais postulk par les statisticiens(21). Par construction, le d6nombrement ne porte que sur les couples partageant la meme adresse. A cette restriction pres, les statistiques peuvent 8tre utilis6es en confiance, moyennant quelques reserves au cas par cas. (19)La notion de vie en couple s6par6 recouvre n6anmoins des situations tris h6t6roghnes (Haskey, 2004). (20)Au Danemark et en Finlande, on considere comme couples cohabitants les duos de personnes non marides et non apparent6es ayant moins de 16 ans d'6cart d'age ou un enfant en commun. Aux Pays-Bas, la regle est plus complexe, prenant en compte davantage de criteres (Steenhof et Harmsen, 2004). (21)L'Islande fait cependant exception: la statistique d6compte les couples non mari6s dans le registre de population sur la base de leur d6claration administrative de cohabitation. Le nombre publi6 par Hagstofa (Statistique Islande) est celui des couples ayant fait enregistrer leur union selon une procedure certes simple et fr6quemment suivie par les couples mais qui ne concerne ni l'ensemble des non-mari6s, ni toute la p6riode de vie en couple hors mariage. Parmi les mariages c616br6sen 2001-2004, 87 % ont 6t6 pr6c6d6s d'une cohabitation enregistr6e, t6moignant a la fois que la pratiqueest extremement r6pandue,mais qu'elle n'est pas systematique. Par ailleurs, pour 100 couples qui font enregistrer leur union, environ 68 finissent par se marier (indice du moment, moyenne 2001-2004); cf. Statistics Iceland, 2004. LA LEGALISATION DESCOUPLES HOMOSEXUELS ENEUROPE 517 La tache est autrement ardue lorsqu'il s'agit d'estimer le nombre de couples homosexuels (Festy, 2005). La population qu'il faut mesurer 6tant beaucoup moins nombreuse que les couples h6t6rosexuels, l'utilisation des enquetes est beaucoup plus probl6matique. Le recours aux recensements (les micro-recensements en Allemagne) est n6cessaire, avec des risques importants de sous-d6claration du lien de couple homosexuel, du fait de la sensibilit6 du sujet, de la concision du questionnaire et des pratiques de certains instituts de statistique peu soucieux de cr6er une cat6gorie sp6cifique pour les couples de meme sexe. En Allemagne et en France, on a estim6 que seuls un tiers des couples homosexuels se d6clarent comme tels, les deux autres tiers se classant sans doute dans d'autres categories comme les paires d'ami(e)s(22). En Norvege, le recensement de 2001 6tait mal adapt6 a un d6compte fiable des couples de meme sexe(23). En Suede, il n'y a plus de recensement de population. Aux Pays-Bas, la proc6dure adopt6e pour estimer le nombre de couples cohabitants h6t6rosexuels sur la base du registre de population a 6t6 transposee aux homosexuels (Steenhof et Harmsen, 2004). A partir du constat de co-residence d'adultes de meme sexe non apparent6s, un jugement est porte sur la probabilit6 qu'ils forment un couple a partir d'un petit nombre de critbres (diff6rence d'age, emm6nagement simultan6 dans le meme logement, etc.). Dans les autres pays oui la transposition est envisageable, comme le Danemark ou la Finlande, elle n'a pas 6te faite 'ace jour. En France, les couples homosexuels (d6clar6s comme tels ou non) repr6sentent environ 0,9 % de l'ensemble des couples 'a la fin des ann6es 1990; en Allemagne, cette fraction est pass6e de 0,6 % en 1996 ' 0,7 % en 2004; aux Pays-Bas, de 1,0 ' 1,2 % entre 1995 et 2002. Hors d'Europe, le pourcentage est du mnme ordre aux Etats-Unis (1 % vers 2000), plus faible au Canada ou en Nouvelle-Z61ande. Cet 6ventail relativement restreint nous laisse supposer que la proportion de couples homosexuels est comprise entre 0,7 et 1,2 % dans les pays ouinous n'avons pas d'information. (22)Pour l'Allemagne, l'estimation du nombre de couples homosexuels est tirde des Mikrozensus depuis 1996. Le d6nombrementidentifie d'abord les personnes qui ont d6clar6 leur lien de couple dans la question sur la composition du m6nage. II s'61argitensuite aux paires de personnes de meme sexe appartenantau m8me m6nage. Dans la definition restreinte, le nombre de couples homosexuels passe de 38 000 en 1996 ' 56 000 en 2004. Dans la definition large, le nombre de couples homosexuels passe de 124 000 en 1996 a 160 000 en 2004. En France, le recensement de 1999 n'a pas comptabilis6 les couples homosexuels qui s'6taient d6clar6s comme tels. En revanche, on denombre 76 000 m6nages formes de deux personnes de meme sexe qui se sont d6clar6es comme ami(e)s (les cas d'6tudiants partageantun meme logement ont 6t6 exclus), cf. (Digoix, Festy et Garnier, 2004). Par ailleurs, les enquates sur l'emploi r6alis6es dans la seconde moiti6 des ann6es 1990 permettent d'estimer le nombre de couples de meme sexe qui se sont d6clar6s comme tels, car ils n'ont pas 6t6 rejet6s de la procedure de classification comme cela a 6td le cas au recensement. En 1995-1999, ils ont 6td en moyenne 45 000 chaque ann6e. (23)Le recensement de 2001 en Norvege a pris la forme d'un questionnaire envoy6 aux personnes figurant dans le registre de population, pour qu'elles confirment la validit6 de leur adresse et le nom de ceux avec qui elles partageaient leur logement. Un d6nombrementdes couples cohabitants a 6t6 r6alis6 sur cette base, soit 2 295 pour ceux de meme sexe. Les responsables de l'operation estiment cependant que le nombre de couples cohabitants h6t6rosexuels est sousestim6 de 15 a 20 % et celui des homosexuels encore davantage <<since we believe thatnot everybody wantto confirmtheirrelationship>>[communicationpersonnellede TuridNoack, 27 mai 2004]. 518 P.FESTY Dans tous les cas - mesure, estimation ou supputation - le nombre en pris compte est relatif aux couples partageant un meme logement. Or, les couples homosexuels rdsident ensemble moins syst6matiquement que les h6t6rosexuels. D'apres les enquetes conduites en France aupris des lecteurs de la presse gay, le pourcentage d'hommes vivant une relation stable sans pour autant cohabiter serait encore de 40 % en 1997, malgr6 une d6croissance r6gulibre au cours des ann6es passdes. Pour les femmes, la proportion 6tait de 20 % (sur un 6chantillon restreint)(24).En Allemagne, d'aprbs le meme type d'enquate, 59 % des hommes dans une relation stable ne cohabitaient pas avec leur partenaire en 2003 (Bochow, 2004). Si l'objectif est de denombrer les couples homosexuels quel que soit leur mode de r6sidence, les r6sultats fond6s sur les seuls partenaires cohabitants risquent de les sous-estimer sensiblement, contrairement 'ace qui concerne les h6t6rosexuels. L'interpr6tation des taux de nuptialit6 des couples h6t6rosexuels et des taux de 16galisation des couples homosexuels doit prendre en compte une difficult6. Pour les h6t6rosexuels, le rapport du nombre de mariages a celui des couples non marids mesure correctement les comportements de 16galisation si les futurs 6poux vivent ensemble a la veille de la c6r6monie. C'est le cas dans la plupart des pays(25). Des les ann6es 1980, gubre plus de 5 % des jeunes Suddoises en couple avant 25 ans s'6taient marides sans cohabitation pr6alable. Dans les autres pays c'6tait encore 10 ' 20 % en Finlande, 30 a 40 % ailleurs, mais l'6cart avec la Suede s'est combl6 des la d6cennie suivante. Seule la Belgique fait exception avec de fr6quents mariages directs, en particulier en Flandre (mais les informations sont anciennes). Le taux de nuptialit6 des couples h6t6rosexuels est donc pertinent des les anndes 1980 dans certains pays du Nord, un peu plus tard ailleurs, avec des r6serves pour la Belgique. La question peut &tretranspos6e a la 16galisation des couples homosexuels, mais les 616ments de r6ponse sont rares. D'apris une enquete aupres des s6ropositifs en France en 2003, 10 % des couples gays 6taient pacs6s, mais c'6tait le cas de 21 % de ceux qui partageaient le meme logement et d'a peu pris aucun pour ceux qui ne vivaient pas ensemble(26). Les le fait des partenaires 16galisations seraient donc exclusivement cohabitants; le taux relatif a ces couples pourrait donc &tre tenu pour pertinent. C'est ce que nous faisons ensuite en comparant la nuptialit6 des h6t6rosexuels a la 16galisation des couples homosexuels, sur la base des couples cohabitants dans les deux cas. (24) R6sultats de 1'enquete nationale sur la presse gay en 1997 cites par Philippe Adam (1999). (25) Macura, Mochizuki-Sternberget Lara Garcia, 2002 (en particulier, figure 4.7, p. 38). (26) Cf. Schiltz, 2004 (en particulier, p. 230). Dans un 6chantillon trbs restreint et non repr6sentatifde 29 homosexuels pacs6s, W. Rault observe que 2 ont d6but6leur cohabitation avec le Pacs (Rault, 2005). LA LE'GALISATION DES COUPLESHOMOSEXUELSEN EUROPE 519 VI. Nuptialite des couples hiterosexuels et l6galisationdes couples homosexuels Les taux annuels de nuptialitd des couples h6t6rosexuels sont en moyenne de l'ordre de 10 % (tableau 6). Ceci peut signifier que les couples attendent une dizaine d'anndes avant de se marier, mais c'est en fait le reflet d'une rdalit6 plus complexe oi une fraction seulement des couples se marient (la moitie ?), mais le font dans un d1lai sensiblement moindre (35 ans ?). Les taux faibles correspondent a des situations de mariage rare et tardif; c'est l'inverse lorsque les taux sont 1lev6s. La nuptialitd des couples hdtdrosexuels est dlevee en Allemagne (plus de 16 %), en Belgique, mais aussi au Danemark. Elle est faible en Norvege et surtout en Suede (6 %)(27). Le contraste est marqu6 entre- les deux extremes (Allemagne et Suede). Il est tres amplifid par rapport ce que rev1laient les taux bruts de nuptialitd recents, infdrieurs a 5 pour 1 000 habitants dans les deux pays ces dernieres annees. C'est que les couples non marids sont peu nombreux en Allemagne (un couple sur dix, les neuf autres dtant mari6s), contrairement 'a la Suede (un couple sur trois) : meme si dans les deux cas la cohabitation prenuptiale est systematique, elle est breve en Allemagne et prolongde en Suede. Plus g6neralement, la nuptialit6 des couples est plus faible dans les pays nordiques que dans les autres pays, parce que la cohabitation hors mariage est sensiblement plus longue, mais aucun des deux ensembles n'est vraiment homogene : le Danemark se distingue de ses voisins par une nuptialit6 relativement forte, la France par une nuptialit6 relativement faible. Les taux de 16galisation des couples homosexuels se situent quant i eux entre 1 % et 10 %, ce qui traduit soit une cohabitation extremement longue avant l'enregistrement (en moyenne, une vingtaine d'ann6es !), soit, plus vraisemblablement, des durdes nettement plus courtes et des proportions 1lev6es de couples qui ne font pas reconnaitre 16galement leur union. Dans les pays nordiques, les taux de 1dgalisation sont faibles, sauf au Danemark. Ils ne ddpassent guere 2 % et sont meme inf6rieurs en Suede. Ces taux sont bas par rapport a ceux des autres pays, mais surtout par rapport aux taux de nuptialit6 des couples h6tdrosexuels. Ils repr6sentent ' peine 30 % de ces derniers : le recours aux procedures de 16galisation est modeste par rapport ial'usage que c h6t6rosexuels font du mariage. Le Danemark se diff6rencie un peu de ses voisins nordiques, avec des taux sensiblement plus 6leves. Cependant, comme le mariage des h6tdrosexuels est lui-meme frequent, la frequence de la 16galisation des couples homosexuels ne repr6sente que 40 % de celle des couples h6tdrosexuels. (27)Les taux en Islande sont un peu surestim6s car le d6nominateur ne comptabilise les couples non marids que dans la mesure ouiceux-ci se sont enregistr6s (cf. note 21). 5 5 5 et 0,114 0,104 0,091 0,100 sexuels HetdroFrance Voir Homosexuels texte sexuels H6t6roBelgique* Homosexuels 0,131(c) faites(sauf 6t6 ont cohabitants 0,096 HETEROSEXUELS sexuels 0,165 H6tero- ET pourcenen Pays-Bas Allemagne Homosexuels 0,027(b) 0,118 0,103 0,121 0,111 HOMOSEXUELS sexuels H6teroPays-Bas* Homosexuels 0,028 0,052(a) 0,041 0,035 couples de homosexuels nombre du couples les estimations pour des%). 1,2l'auteur et de Lorsque (0,7 COUPLES LES 0,058 0,057 0,067 0,061 sexuels H6t6roPAR Suede f6minins. et estimations et estimations 0,012 0,018 0,013 0,016 Homosexuels deux masculins des cohabitants taux desmoyenne non.la UNIONS 0,088 0,083 0,074 0,075 sexuels H6t6ro- DES Norvege 0,021 0,023 0,021 0,023 Homosexuels 0,125 0,124 0,141 0,130 sexuels HdtdroLIEGALISATION Islande DE 0,039 0,029 0,020 0,029 Homosexuels ou pris a h6t6rosexuels moyenne on inclus une couples sont sont les pour h6terosexuels, et 0,093 0,104 homosexuels sexuels0,099 homosexuels H6tdro6.statistique homoFinlande partenariats). de couples Homosexuels0,042(a) mariages 0,019 0,019 (hors lesdescouples TABLEAU si de nationaux 0,126 0,129 0,127 0,120 sexuels H6t6rototal pr6cis6 annuelle. Danemark 16galisation homosexuels Instituts pas 0,055 incomplete. 0,048 0,044 0,050 Homosexuels denombre : n'est du taux Moyenne 11 Ann6e Mariages Annie 2001 Allemagne). 2004* (a)(b)(c)Lestage Sources 2002 2003 TAUX ENEUROPE LA LEGALISATION DESCOUPLES HOMOSEXUELS 521 Les pays non nordiques forment un ensemble plus disparate. Le taux de 16galisation est faible en Allemagne (moins de 3 % par an, bien que la p6riode inclue la phase initiale oii les enregistrements sont g6n6ralement nombreux) et 61ev6 en Belgique, oui le mariage a attire une proportion record de couples homosexuels en 2004, proche de 10 %. Les Pays-Bas (mariages) sont en position interm6diaire, mais les mariages ont reculd au fil du temps, sans doute concurrenc6s par le partenariat(28). Le contraste est encore accentu6 si l'on considere la relation entre 16galisation des couples homosexuels et nuptialit6 des couples h6t6rosexuels, car on a vu que cette dernibre est nettement plus 61ev6e en Allemagne qu'ailleurs. L'6cart entre les comportements des uns et des autres est maximum en Allemagne : les taux de 16galisation ne repr6sentent que 15 % des taux de nuptialit6. Il est au contraire minimum en Belgique. De toutes les formes de reconnaissance des couples homosexuels adopt6es en Europe, le mariage belge est celui dont la diffusion se rapproche le plus du' mariage h6t6rosexuel : le taux de nuptialit6 des homosexuels est 6gal 70 % de celui des h6t6rosexuels, soit un deficit de seulement 30 %. VII. Mariages hittrosexuels et 1tgalisations homosexuelles: autres differences Les comportements des homosexuels a l'6gard de la 16galisation de leurs unions ne diffbrent pas seulement de ceux des h6t6rosexuels par leur fr6quence. Les enregistrements ont plus souvent lieu dans les grandes villes et a des ages plus tardifs. Ils se terminent aussi plus fr6quemment par une rupture(29). La proportion de 16galisations effectu6es dans les grandes villes est g6n6ralement sup6rieure a celle des mariages. Mais les diff6rences entre pays sont difficiles a interpr6ter, tant sont variables les d6coupages administratifs. En Norvbge, de 1993 a 2002, 61 % des partenariats masculins et 44 % des partenariats f6minins ont 6t6 enregistr6s a Oslo, alors que seulement 16 % des mariages sont c616br6s dans la capitale (soit des ratios de 1 a 4 et de I ' 3, respectivement pour les hommes et les femmes). En Suede, de 1995 a 2003, 47 % des partenariats masculins et 37 % des partenariats f6minins ont 6t6 enregistr6s dans le comt6 de Stockholm, contre seulement 27 % des mariages (ratios inf6rieurs a 2). En Allemagne, entre 2001 et 2004, plus de 20 % des partenariats ont 6t6 enregistr6s dans les deux villes-Linder de Berlin et Hambourg, contre 6 % des mariages (ratios de 1 a 3). Toutefois, en Belgique, en 2003-2004, 12 % des mariages (28) En France, si nous retenons les proportions de Pacs homosexuels 6voqu6es pr6c6demment (cf. note 10), le taux d'enregistrement serait de l'ordre de 7 %, soit le plus 61ev6 des neuf pays apres la Belgique. (29)Pour la Norvbge et la Suede, cf. Andersson et al., 2004. 522 P.FESTY entre personnes de meme sexe ont 6t6 enregistr6s A Bruxelles, contre 13 % des mariages entre personnes de sexe diff6rent. Par ailleurs, les 16galisations aux jeunes ages sont beaucoup plus exceptionnelles que les mariages. Pour l'observer, mieux vaut 6viter les toutes premieres ann6es d'application des lois, oui le ph6nombne est accentu6 par la relative abondance des r6gularisations de situations anciennes. En Norvyge, en 1999-2001, les unions 16galis6es avant 30 ans ne constituent que 25 % des partenariats masculins et 22 % des partenariats f6minins (contre 42 % de la nuptialit6 des hommes et 59 % de celle des femmes). En Suede, en 2000-2004, ces chiffres s'6tablissent respectivement a 10 % des partenariats masculins et 27 % des partenariats f6minins (contre 26 % et 42 % des mariages). Aux Pays-Bas, les differences entre les deux types de 16galisation sont minimes : 12 % des partenaires (hommes comme femmes) avaient moins de 30 ans en 1999; c'6tait le cas de 10 % des mari6s homosexuels et de 14 % des mariees en 2002 (contre 32 % des hommes et 50 % des femmes dans les mariages h6t6rosexuels). En Norvege et en Suede, l'eventail des 6carts d'age entre partenaires est en outre beaucoup plus large dans les couples homosexuels que dans les couples heterosexuels qui se marient. Les gays et les lesbiennes ont des ages a l'enregistrement voisins en Norv'ge et aux Pays-Bas tandis qu'en Suede, les lesbiennes sont plus jeunes que les gays. Les couples homosexuels qui 16galisent leur union ont pr6c6demment eu des enfants dans des proportions moindres que les couples h6t6rosexuels qui se marient (Andersson et al., 2004). En Suede, en 1995-2002, dans 19 % des partenariats masculins et dans 34 % des partenariats f6minins l'un au moins des partenaires avait eu un enfant (contre 58 % des conjoints dans les mariages). En Norvige, en 1993-2001, les pourcentages 6taient de 13 % pour les gays et 26 % pour les lesbiennes. Ces proportions s'ajustent 6troitement a celles des partenaires ayant 6t6 mari6s ant6rieurement (respectivement 20 % et 27 % en Suede, 15 % et 26 % en Norvege), car la plupart des enfants sont nes d'une union h6t6rosexuelle aujourd'hui dissoute. En revanche, la proportion de nouveaux mari6s l'ayant de6j 6t6 est moiti6 moindre que celle des 6poux ayant de6j eu des enfants (27 % contre 58 % en Subde), car de nombreux couples h6t6rosexuels ont eu des enfants ensemble pendant leur cohabitation pr6nuptiale. Enfin, a dur6e 6gale depuis la 16galisation, les ruptures sont plus fr6quentes chez les partenaires enregistr6s que chez les h6terosexuels marids, bien que, dans les pays nordiques 6tudi6s ici, les procedures de dissolution des partenariats et des mariages soient identiques(30). Mais on ne peut juger que des premibres ann6es de vie commune 16galis6e. Au Danemark (1999-2003), la divortialit6 des partenaires masculins est (30)En revanche, les procedures de rupture des Pacs franqais, des cohabitations 16gales belges et des partenariatsn6erlandais sont plus souples que celles des mariages. Aux Pays-Bas, la facilit6 de rompre les partenariatssemble crder un courant favorable a cette forme de 16galisation au d6trimentdu mariage, chez les homosexuels comme chez les hdtdrosexuels. LA LE'GALISATION DES COUPLESHOMOSEXUELSEN EUROPE 523 16gerement sup6rieure 'acelle des mari6s h6t6rosexuels (+ 12 %); celle des partenariats f6minins l'est plus largement (+ 58 %). En Islande, depuis l'instauration du partenariat enregistr6 (1996-2004), la sur-divortialit6 des partenaires masculins est tres forte (rapport de 1 'a3); celle des femmes est un peu moindre (rapport de 1 a 2). En Norvege, depuis l'instauration du partenariat (1993-2001), la divortialit6 des partenaires masculins ne differe pas de celle des mari6s, alors que celle des partenaires f6minines est double. En Suede (1998-2004), la divortialit6 des partenaires masculins est ld6grement sup6rieure a celle des mari6s (+ 20 %), mais celle des femmes est pres du double. Au fil du temps, la sur-divortialit6 des partenaires se rdduit, les comportements se rapprochant graduellement de ceux des mari6s et l'6cart entre hommes et femmes se r6sorbant ld6grement. La divortialit6 est g6n6ralement plus forte pour les partenariats des femmes que pour ceux des hommes (sauf en Islande), et l'6cart est trbs net en Norvege et en Suede. La distance avec les couples mari6s se r6duit peutetre avec le temps, mais la tendance reste incertaine. L'ensemble des disparit6s entre couples homo- et h6t6rosexuels face a la 16galisation de leur union souligne bien que ceux-ci ne sont pas deux cat6gories que seule leur orientation sexuelle distinguerait. Sous les diff6rences de lieu de rdsidence, d'age, de presence d'enfants, d'esp6rance de vie commune ou encore de partage du logement affleurent des modes de fonctionnement contrast6s dont la diff6rence des pratiques de 16galisation est une des dimensions. Au fil du temps, des signes apparaissent cependant, ici et lIa,d'une att6nuation des 6carts entre couples homosexuels et h6t6rosexuels : concernant les ages, les risques de rupture, mais aussi la r6sidence conjointe, etc. Ces mouvements discrets accompagnent celui qui anime la fr6quence des 16galisations, qui se rapproche lentement de la nuptialit6 des couples h6t6rosexuels, mais dans une p6riode ouicelle-ci est elle-meme faible et d6clinante dans la plupart des pays. Vue d'ensemble et conclusion Conduite dans neuf pays d'Europe oti des lois r6centes ont ouvert des possibilit6s de reconnaissance 16gale des unions alternatives au mariage, l'analyse comparative des procedures de 16galisation des couples revele trois categories de ph6nomenes. Tout d'abord, la 16galisation des couples homosexuels par les proc6dures nouvelles d'enregistrement ou par le mariage est sensiblement moins fr6quente que celle des couples hdtdrosexuels par le mariage. Et ceci malgr6 la ddsaffection qui touche l'institution matrimoniale. Ce n'est peut-8tre pas une surprise puisque les lois nouvelles peuvent &trejug6es tout a la fois trop en deqg de la 16gislation du mariage pour etre attrayantes et trop proches d'elle pour 8tre adapt6es 'a la sp6cificit6 des couples qu'elles visent. C'est l'occasion de s'interroger sur ce qui fait la diff6rence entre la 16galisation des couples homosexuels et hit6rosexuels et, plus radicalement, sur le bien-fond6 de la comparaison entre les uns et les autres. 524 P.FESTY Ensuite, la fr6quence des enregistrements dans les diff6rents pays est disparate, bien davantage que ne l'est le recours au mariage. Toutefois, la diversit6 observee n'est pas forc6ment celle que l'intuition aurait laiss6 attendre. Non seulement les pays nordiques, qui ont souvent paru pionniers dans l'adoption de nouveaux comportements conjugaux, ne sont pas ici en tate du classement des plus fortes fr6quences, mais ils pr6sentent une h6t6rog6n6it6 interne qui s'accorde mal avec le fait que les lois y ont suivi un processus commun d'61aboration. Plus g6n6ralement, on s'6tonne que les pays qui semblent avoir accord6 le plus de droits aux couples enregistr6s ne soient pas toujours ceux oii le recours 'ala loi est le plus important. Enfin, les lois ont 6t6 adopt6es dans un contexte g6n6ral de d6saffection B l'6gard du mariage. Le < d6mariage > est aujourd'hui r6pandu en Europe, mais il a historiquement d6but6 dans les pays du Nord, ceux qui ont aussi 6t6 les premiers 'aadopter des lois dites de partenariat enregistr6. D'oii l'hypothese d'une possible influence de cet environnement sur l'attitude des couples concern6s t l'6gard des nouvelles 16gislations. D'autant que la faible nuptialit6 n'est qu'un l66ment d'un ensemble plus large de remise en cause des formes familiales classiques par la mont6e des divorces, le d6veloppement des naissances hors mariage, etc. Dans les diff6rents pays, les couples vis6s par les lois de partenariat ne 16galisent pas leur union aussi souvent que ceux concern6s par le mariage. Le constat s'applique essentiellement a la comparaison entre homosexuels et h6t6rosexuels, meme s'il a une port6e plus g6ndrale puisque, par exemple, les conjoints de sexe diffdrent qui ont le choix optent dans une large majorit6 pour le mariage plutot que ses alternatives (Pacs ou autres). C'est peut-&treun d6ficit provisoire que le temps finira par combler. Il est courant que les institutions familiales mises en place par la loi tardent 'a entrer dans la pratique des populations, mme quand celles-ci les ont appel6es de leurs vceux. En France, aux trois grands stades de son d6veloppement, lors de son instauration en 1792, de son r6tablissement en 1874 et de son extension en 1975, le divorce n'a d'abord suscit6 qu'un modeste afflux de demandes, compte tenu des attentes qu'on pouvait imaginer, avant une croissance lente et r6guliere de la fr6quence des mariages rompus. Ainsi, huit d6cennies ont 6t6 n6cessaires apres la loi Naquet pour que s'6tablisse, dans les ann6es 1950-1960, un regime stable oti un mariage sur dix se concluait par un divorce. Quant au mariage, selon Georges Duby, il lui a fallu deux siecles au moins au Moyen Age pour que l'iglise catholique l'impose comme cadre consacr6, contr616 par le clerg6, au terme d'un long conflit oui l'ordre nouveau se substituait 'a un ordre diff6rent, contrariant d'autres obligations morales et de vieilles habitudes. Dans les pays nordiques oui les lois de partenariat offrent un recul de plusieurs ann6es, la hausse progressive du nombre de couples enregistr6s a commenc6 de rapprocher le comportement des couples homosexuels de celui des h6t6rosexuels. Cette hausse est avant tout le fait des lesbiennes LA LE'GALISATION DES COUPLESHOMOSEXUELSEN EUROPE 525 qui recouraient le moins aux dispositifs d'enregistrement dans les premibres ann6es d'application des lois. Au fil du temps, les pratiques s'installent dans la vie des couples sans pour autant que l'6volution du cadre 16gislatif puisse 8tre tenue pour principal responsable. Le contenu meme des lois peut cependant aussi etre invoqu6 pour expliquer le faible recours des couples aux possibilit6s nouvelles d'enregistrement. Dans aucun pays, les alternatives au mariage n'ont tous les attributs du mariage. Meme quand celui-ci s'ouvre aux homosexuels comme aux Pays-Bas et en Belgique, il exclut certaines consequences 16gales, qui restent propres A l'union des personnes de sexe diff6rent. Le d6ficit est syst6matique en matiere parentale : il n'y a jamais d'6quivalent de la pr6somption de paternit6 au b6n6fice du conjoint quand un des deux partenaires devient parent; les partenaires ne peuvent se pr6valoir de la 16galit6 de leur union pour adopter ensemble un enfant qu'en Subde et aux Pays-Bas et avec des restrictions, etc. Des avantages mat6riels accord6s aux mari6s sont d6nies aux partenaires en Allemagne ou aux pacs6s en France (le droit A la pension de reversion ou les exon6rations de droits de succession), etc. Les procedures d'enregistrement different presque toujours de celles du mariage, soit qu'elles excluent l'intervention des 6glises dans les pays nordiques, soit qu'elles pr6voient des voies sp6cifiques en France ou en Allemagne. Substantiellement ou symboliquement, il subsiste partout des 616ments qui distinguent ce que le vocabulaire diff6rencie (partenariat et mariage) et meme ce qu'il tend a confondre (mariage homosexuel et h6t6rosexuel). A 1'<<offre > incomplbte propos6e par la loi se confronte la <<demande >>des couples qu'elle vise. Or, rien n'assure que ces attentes se confondent avec celles des candidats au mariage. Les signes s'accumulent qui montrent que les couples homosexuels different des couples h6t6rosexuels par leurs conditions de vie et leurs comportements. Les formes de vie commune des homosexuels ne sont pas celles des h6t6rosexuels, avec des pratiques diverses en matibre de fid61it6, de partage des biens, des taches ou des activit6s, etc. Les conjoints qui contractent un partenariat sont souvent plus Ag6s que ceux qui se marient, les 6carts d'Age ont une amplitude plus large, leur union est en moyenne plus 6ph6mbre. De meme que la protection qu'offrent les liens du mariage est in6galement recherch6e par les hommes et les femmes des diverses classes sociales, les besoins et les attentes des couples homo- et h6t6rosexuels ne sont pas identiques. La revendication d'une originalit6 homosexuelle laisse pr6sager une sp6cificit6 des comportements vis-a-vis de l'institution matrimoniale. Dans le cas le plus radical, le mariage ou ses alternatives sont rejet6s, quel qu'en soit le contenu, du fait de leur association historique avec l'h6t6rosexualit6. A l'inverse, le recours Al'enregistrement peut tre considerd comme une mesure approximative de l'adh6sion A la norme h6t6rosexuelle d'institutionnalisation du couple. 526 P.FESTY Le recours i l'enregistrement est tres in6gal selon les pays. La vue d'ensemble est encore compliqu6e par le fait que, parfois, les memes cat6gories de couples (homosexuels ou h6t6rosexuels) ont le choix entre le mariage et des proc6dures alternatives, qui peuvent se pr6senter comme des formes concurrentes ou des 6tapes successives du processus de 16galisation. Les diff6rences portent aussi sur les caract6ristiques des conjoints (sexe, age, lieu de r6sidence, etc.). Les disparit6s internationales sont nettement plus grandes en matiere de partenariat que de mariage, mais ces dernieres ne sont pas n6gligeables pour autant : le statut de mari6 a g6n6ralement moins d'implications dans les pays nordiques qu'en France et chez nos voisins, en particulier parce que les systemes de protection sociale y sont davantage attach6s 'a la personne qu'a l'unit6 familiale. Sur l'dchelle 6tablie par Kees Waaldijk pour mesurer les cons6quences 16gales du mariage, le Danemark recueille 15 points de moins (sur 99) que la France ou la Belgique. Par ailleurs, la fr6quence du recours au mariage diffbre selon les pays : elle est aussi g6n6ralement moins 61ev6e dans les pays nordiques qu'ailleurs, une fraction plus forte de couples h6t6rosexuels restant durablement dans le simple statut de cohabitants. Mais la corrl1ation se limite 'ace niveau de g6ndralit6 : plus en d6tail, il y a des disparit6s importantes dans le groupe nordique, qui ne refletent pas de diff6rences visibles dans la substance 16gale du mariage, et des disparit6s 6galement fortes entre les autres pays. Au total, la diversit6 des comportements en matibre de nuptialit6 est sensiblement plus grande que la diversit6 des implications 16gales du mariage, ce qui suggbre le jeu de facteurs contextuels autres que juridiques dans le recours a la 16galisation des unions. C'est a fortiori vrai pour la 16galisation des couples homosexuels, la dispersion 6tant encore plus grande que pour le mariage, sur les plans tant juridique que statistique. Le Pacs franqais ou la Lebenspartnerschaft allemande ont une port6e bien moindre que le partenariat nordique ou n6erlandais, en particulier parce qu'ils excluent toute cons6quence juridique dans le domaine parental. Sur l'6chelle de Waaldijk appliqu6e a ces statuts, la France et l'Allemagne recueillent 24 points de moins (sur 99) que les Pays-Bas. En regard, la dispersion des comportements est consid6rable, malgr6 les impr6cisions qui entourent sa mesure. Mais la relation entre la loi et le nombre ne se prate gubre a des g6n6ralisations simples. Au sein du groupe nordique, qu'un esprit commun a anim6 dans la redaction des lois sur le partenariat, la distance est grande entre le Danemark et les autres pays en matibre d'enregistrement des unions; entre ce groupe de pays d'une part, la Belgique et les Pays-Bas d'autre part, l'6cart est important en ce qui concerne la fr6quence des 16galisations, mais modeste en termes de contenu juridique. Est-ce parce que les uns d6nomment partenariat ce que les autres appellent mariage ? Plus g6ndralement, ce qu'une lecture globale des lois ne permet pas de discerner devra sans doute &trerecherch6 dans une lecture en d6tail, car l'usage que les couples font des proc6dures de DES COUPLESHOMOSEXUELSEN EUROPE LA LE'GALISATION 527 16galisation qui leur sont propos6es depend probablement de dispositions sp6cifiques. A l'inverse, des 616ments du contexte plus global sont 6galement 'a prendre en compte. L'exemple de la comparaison entre le Danemark et la Suede permet de suggerer la direction que pourrait prendre cet effort. Le rapprochement des deux pays 6tonne parce que la fr6quence des enregistrements y est largement diff6rente, plus forte au Danemark qu'en Suede, alors que les lois de partenariat sont pour l'essentiel calqu6es l'une sur l'autre. Par ailleurs, les deux pays ont montr6 presque simultan6ment dans les ann6es 1960 les premiers signes d'un recul profond du mariage, qui s'est ensuite diffus6 dans la plupart des pays d'Europe. Mais le parall6lisme des tendances dans ce domaine a 6t6 rompu depuis maintenant vingt ans, la nuptialit6 se redressant vigoureusement au Danemark pendant qu'elle continuait a reculer en Suede, si bien que les lois de partenariat sont entrees en vigueur dans des environnements sensiblement diff6rents. D'oui le constat que les lois jumelles adopt6es a cinq ans d'intervalle ont b6n6ficid d'une adh6sion nettement plus grande dans le pays oihle mariage enregistre lui-meme une evolution beaucoup plus positive. En fait, la similitude apparente du contenu des lois cache sans doute une divergence profonde dans leur esprit et dans les raisons qui ont conduit 'aleur mise en place. La ddsaffection des couples su6dois B l'6gard du mariage et le d6veloppement de la simple cohabitation ont d'abord conduit le 16gislateur a renforcer ce statut pour am61iorerla protection des partenaires (des 1974), puis 'a envisager de faire b6n6ficier les couples homosexuels des memes progres que les h6t6rosexuels dans ce domaine (des 1988). Dans le meme temps, le parlement danois a pr6f6r6 porter ses efforts sur le mariage, pour en accroitre l'attractivit6, et I'ouvrir aux homosexuels par l'instauration d'un statut sp6cifique mais largement inspire de celui des h6t6rosexuels. Au Danemark, la loi sur le partenariat a 6t6 le point focal d'une action concert6e visant a soutenir le regain de la nuptialit6, alors qu'elle a 6t6, en Suede, une op6ration d'harmonisation des 16gislations nordiques, acte 6tant pris d'une d6saffection i l'6gard du mariage. A bien des 6gards, le Danemark reste une exception en Europe oi la tendance g6n6rale est au < d6mariage >>.Les proc6dures nouvelles de 16galisation des unions ont donc 6td propos6es aux couples, en particulier homosexuels, dans une phase de d6clin de l'institution matrimoniale. Les faibles taux d'enregistrement de la plupart des pays doivent &trereplac6s dans ce contexte, oui ils ne constituent pas une surprise. Mais Al'instar du Danemark et de la Suede, les Etats-providence ont aussi le souci de donner aux solidarit6s interpersonnelles le soutien d'un cadre 16gal que le mariage assurait traditionnellement, en offrant des formes nouvelles d'institution' nalisation inspirdes des pr6c6dentes des groupes 61argis (couples h6t6rosexuels non marids, couples homosexuels, voire paires de personnes vivant conjointement). Que ce soit pour r6duire les discriminations entre les uns 528 P.FESTY et les autres, pour combattre des fragilites sp6cifiques (sida) ou pour r6duire la charge des solidarit6s sociales. Dans le temps court de mise en place des nouvelles lois, ce jeu de facteurs complexes peut donner des r6sultats contradictoires que la d6mographie des proc6dures d'enregistrement fait affleurer. Remerciements. Cette recherchea b6n6fici6d'un financementde la Mission de rechercheDroitet Justice. LA LE'GALISATION ENEUROPE DESCOUPLES HOMOSEXUELS 529 REFERENCES ADAMP., 1999, < Bonheur dans le ghetto ou bonheur domestique. Enquate sur l'Cvolution des experiences homosexuelles >,Actes de la recherche en sciences sociales, n* 128, < Sur la sexualit6', p. 56-72. 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LA LEGALISATION ENEUROPE DESCOUPLES HOMOSEXUELS 531 Patrick.-La 1galisation des couples homosexuelsen Europe FESTY ' De 1989 2003, neuf pays europ6ens (Danemark, Finlande, Islande, Norvbge et Suede, Pays-Bas, Allemagne, Belgique et France) ont ouvert aux couples homosexuels la possibilit6 de faire enregistrer leur union devant un repr6sentant de l'Etat et de contracter ainsi des droits et devoirs 16gaux. Pour d6terminerla fr6quence du recours 'aces formes de 16galisation alternatives au mariage, les outils classiques de mesure doivent 8tre adapt6s a une r6alit6 nouvelle qui met en avant des categories qu'on avait l'habitude de n6gliger. La 16galisation des unions de couples homosexuels est sensiblement moins fr6quente que celle des couples h6t6rosexuels par le mariage, malgr6 la d6saffection qui touche l'institution matrimoniale. Sans doute les lois nouvelles sont-elles jug6es tout a la fois trop en deqa des lois sur le mariage pour etre attrayantes et trop proches d'elles pour etre adaptdes a la sp6cificit6 des couples qu'elles visent. Par ailleurs, la fr6quence des enregistrements dans les diff6rents pays est disparate, bien davantage que ne l'est le recours au mariage. Cependant, les pays qui ont accords le plus de droits aux couples enregistr6s ne sont pas toujours ceux ouile recours a la loi est le plus 61ev6. Enfin, les lois ont 6t6 adoptees dans un contexte g6n6ral de d6saffection a l'6gard du mariage et de remise en cause des formes familiales classiques. D'oi l'hypothese d'une possible influence de cet environnement sur l'attitude des couples concern6s a l'agard des nouvelles 16gislations. FESTY Patrick.-Legal Recognition of Same-Sex Couples in Europe Between 1989 and 2003, nine European countries (Denmark, Finland, Iceland, Norway and Sweden, Germany, Belgium and France) gave same-sex couples the possibility of having their union registered by a state representative and of thereby acquiring legal rights and obligations. To determine the frequency of these alternative forms of union recognition, the classic measurement tools must be adapted to a new reality that gives prominence to categories that were habitually neglected. Legal recognition of same-sex couples is considerably less frequent than that of different-sex couples, despite the shift away from the institution of marriage. The new laws are probably judged too far short of the marriage laws to be attractive, and at the same time are too similar to them to match the specific needs of the couples they target. In addition, the frequency of registration varies between the different countries, and to a much greater extent than that of marriage. However, the countries that have granted the most extensive rights to registered couples are not always those where the law is the most widely used. Finally, the laws have been adopted in a general context of declining interest in marriage and widespread questioning of traditional family forms. Hence the hypothesis that this environment influences the attitude of the affected couples towards the new legislation. FESTY Patrick.-La legalizaci6n de las parejas homosexualesen Europa Entre 1989 y 2003, nueve paises europeos (Dinamarca, Finlandia, Islandia, Noruega y Suecia, los Paises Bajos, Alemania, B61gica y Francia) han ofrecido a las parejas homosexuales la posibilidad de inscribir su uni6n ante un representante del Estado y de que adquiriesen de ese modo derechos y deberes, al amparo de la legislaci6n. Para determinarla frecuencia del recurso a estas formas de legalizaci6n alternativas al matrimonio, deben adaptarse las clisicas herramientas de medici6n a una realidad nueva que comprende categorias que antes solian dejarse de lado. La legalizaci6n de las uniones de parejas homosexuales mediante el matrimonio es ligeramente menos frecuente que la de las parejas heterosexuales, a pesar de la poca popularidad actual de la instituci6n matrimonial. Las nuevas leyes por un lado se consideran muy alejadas de las leyes sobre el matrimonio y por tanto no consiguen atraerlo suficiente y por otro lado son demasiado parecidas a ellas como para poder adaptarse a la particularidadde esas nuevas parejas. Ademis, la frecuencia de las inscripciones en los distintos paises es dispar, mucho maisque el recurso al matrimonio. Sin embargo, los paises que mis derechos han concedido a las parejas inscritas no son siempre aquellos en los que maisse ha utilizado la ley. Por iltimo, las leyes se adoptaron en un contexto general de desinterds por el matrimonio y de puesta en entredicho de las formas familiares clisicas. De ahi la hip6tesis de una posible influencia de este entorno sobre la actitud de las parejas concernidas respecto a las nuevas normas. Patrick FESTY,Institut national d'6tudes d6mographiques,133 bd Davout, 75980 Paris Cedex 20, France, t61l:33 (0)1 56 06 22 01, courriel: [email protected]