Jean-Pierre Améris, un émotif de moins en moins anonyme
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Jean-Pierre Améris, un émotif de moins en moins anonyme
Avec les bénévoles, face à l’Office des étrangers Résister à la violence : que peuvent faire les démocraties ? Marion Muller-Colard, théologienne protestante : son Autre Dieu BELGIQUE - BELGIE P.P. LIEGE X 9/249 Couverture : © Getty Images MENSUEL (ne paraît pas en juillet et en août) - OCTOBRE 2015 - N° 380 PRIX : 2,50 e DÉPÔT LIÈGE X - P302066 RUE DU BEAU MUR, 45 - 4030 LIÈGE L e m a g a z i n e c h r é t i e n d e l ’é v é n e m e n t Réalisateur du film Une famille à louer, Jean-Pierre Améris crée souvent des personnages qui lui ressemblent, lui, l’angoissé qui souffre de phobie sociale. Mais, loin d’être tragique, son cinéma raconte toujours des histoires de relèvement et de sortie du tombeau. Jean-Pierre Améris, un émotif de moins en moins anonyme + Réfugiés : il faut changer de perspective, disent Armand Veilleux et Frédéric Antoine La pasteure Laurence Flachon s’interroge : sur les questions éthiques, appliquer « la lettre ou l’esprit » ? Synode sur la famille : les lignes romaines pourront-elles bouger dans quelques jours, se demande Paul de Theux Doubles vues C’est dans le détail du quotidien que se révèlent le sel et le poivre de la vie. L’appel 380 - Octobre 2015 2 Les décodeurs débarquent ! R as le bol des querelles confuses, des phrases coupées, des pugilats de plateau, des paroles lénifiantes… Il y a belle lurette que Marcel a renoncé à prendre l’apéro du dimanche midi en suivant les débats politiques télévisés. Mais son intérêt pour le débat politique s’est réveillé en apprenant que la RTBF et RTL s’apprêtaient à modifier leur offre dominicale. Les nouvelles se suivent à un rythme intensif. Qu’attend-t-on des débats politiques sinon qu’ils soient éclairants, rappellent le contexte, parlent vrai et qu’ils soient contradictoires ? Avec les réseaux sociaux, les opinions, les rumeurs, les assertions, les affirmations fusent dans tous les sens. Il faut, dit-on, « décoder » toute cette agitation. « Les décodeurs », déjà à l’œuvre sur un blog du quotidien Le Monde, annoncent l’objectif : vérifier déclarations, assertions et rumeurs en tous genres, mettre l’information en forme et la remettre dans son contexte, répondre aux questions du public. L’émission C’est dans l’air sur France 5 veut donner « les clés pour comprendre, dans sa globalité, un évènement ou un sujet de première importance, en permettant aux téléspectateurs d’intervenir dans le débat ». Sur Arte, 28 minutes propose des débats entre experts, accompagnés de rubriques impertinentes. Ce qui revient à parler politique sans les politiques, sinon en rappelant, en de courtes séquences, déclarations et évènements. L’ambition générale, à laquelle souscrivent RTBF et RTL, est bien de débusquer le vrai du faux. Tâche essentielle, mais difficile. Ainsi, à partir de quelques faits divers, Marine Le Pen affirme que nous vivons dans une société « d’ensau- vagement ». C’est ce que les gens « ressentent », dit-elle, alors que les chiffres sur la violence, que ce soient ceux des tribunaux, des médecins ou de la police, montrent la tendance contraire… Suffit-il d’objectiver l’information pour la rendre crédible ? On ne se libère pas aussi facilement du « ressenti ». Extraordinaires au quotidien Parcourir quotidiennement 30 à 35 km sur des béquilles pendant 19 jours, traverser la Manche à la nage à l’aide de prothèses quand on n’a ni bras ni jambe, être champion d’escalade tout en étant déficient visuel… Les medias ne manquent jamais de mettre en évidence les nombreux exploits des sportifs handicapés qui supposent une volonté sans faille. Mais, légèrement caustique, Michel, nonvoyant depuis de nombreuses années, fait remarquer : « Parcourir tous les jours 500 mètres dans la ville de Namur pour me rendre à mon bureau, c’est un exploit quotidien ! Je ne revendique pas qu’on en parle. Ma question est : le sport de haut niveau est-il une bonne entrée en matière pour découvrir le monde du handicap ? » Bernard, qui a les bras trop courts, est passionné de jardinage. Mais il doit se plier en deux, travailler à genoux ou construire des jardins sur table pour se faciliter le travail. Il manipule difficilement une brouette, un débroussailleur, un taille-haie. Mais il a la passion des bonsaïs dont il est devenu un spécialiste. Les valides savent-ils que pour une personne handicapée, vivre et travailler avec des personnes valides est épuisant ? Le temps d’apprentissage, le temps de prendre une information, le temps de réponse, les temps de déplacement sont plus longs et plus fatigants. Un malvoyant qui ne peut consulter de notes écrites doit développer une imposante capacité de mémoire pour être présent en société. Cela dit, affirme Philippe, « quelqu’un comme moi en fauteuil, qui relève le défi insensé de sauter en parapente, je respecte. Mais j’ai du mal à envisager les personnes handicapées comme des êtres extra ordinaires. » Il y a de la gêne par cette mise en spectacle du handicap : « Nous espérons que notre handicap passe à l’arrière-plan et qu’on nous laisse vivre comme tout un chacun, à notre rythme, dans une société qui ne soit pas seulement conçue par et pour les valides. » Christian VAN ROMPAEY À voir sur le site Internet d’Arte : Dans tes yeux, une série animée par Sophie Massieu, journaliste aveugle. Bien qu’il s’agisse d’un exploit en son genre, ce n’est pas la journaliste aveugle et son chien Pongo qui est au centre du reportage, mais les personnes qu’elle rencontre au cours de ses déplacements autour du monde. Éditorial Doubles vues 2 Les décodeurs débarquent Éditorial 3À cœur ouvert Découverte À cœur ouvert L’appel 380 - Octobre 2015 S o m m a i r e 4Faire du cinéma pour créer du lien À la Une 6Quelle issue pour le synode ? 8« Nouvelle Turquie » : retour vers le passé ? 10Oser rencontrer sa souffrance réelle Signe 12Les motards, des hommes à part ? 14Entre frères 15L’île retrouvée Évangile à la Une 16Octobre : Des personnages peu ordinaires Éclairage 17Démocraties, réveillez-vous ! • Pour un effet vaccinatoire ! • Échapper au piège d’une vision manichéenne • Aider à surpasser la peur de l’autre Vu 21Offrir un accueil plus humain Rencontre 24Marion Muller-Colard : « Dieu est l’avocat de ma plainte » Ça se vit 27Simple comme un WEP Eh ben ma foi 28Le pouvoir d’une photo 29La lettre et l’Esprit Parole 30 Pour hériter, il faut s’endeuiller À voir 31Un fils meurtri 32 À lire, à voir, à écouter… 34La vie, et ce qu’on en fait 35Courrier B 3 © HCR arbelés. Murs infranchissables. Frontières fermées. Accueil minimal et traitements dégradants… Bienvenue en Europe ! Une Europe incapable de se mettre d’accord sur la manière d’accueillir les dizaines de milliers de personnes qui ont toutes décidé au même moment de fuir la désolation de leur pays en guerre. Bienvenue en Europe, où bon nombre d’États préfèrent le « chacun pour soi », confondant allègrement « réfugié », « immigré » et « clandestin », autant de catégories d’êtres que les classes dirigeantes affirment ne pas vouloir chez eux. Au discours populiste sur la peur qu’inspire si facilement l’immigré classique, la crise des migrants est venue superposer celui du rejet du réfugié, qui ne peut être que profiteur, et du clandestin dont il y a lieu de tout redouter. « Pas de ça chez nous ! », disent en chœur certains politiciens et propagateurs d’idées nationalistes. « Ou alors un tout petit peu, s’il le faut bien, parce qu’on n’est quand même pas des monstres. Mais juste assez pour qu’ils se rendent compte qu’ils ne sont pas les bienvenus, qu’on le fait par obligation, et en espérant qu’ils partent bien vite. » Et pourtant… Il y a un mois, on ne parlait que de ce petit garçon de trois ans, au joli visage rond, vêtu d’un bermuda bleu et d’un t-shirt rouge, avec aux pieds des sandales velcro. Un enfant comme les autres, universel, qui pourrait être le vôtre, le mien… Une photo nous le montrait au bord d’une plage, face contre le sable, son corps sans vie ramené par la marée. Tout à coup, la crise des migrants avait alors un nom, un visage, une histoire, et suscitait le dégoût du trop-plein d’indifférence. Des petits Aylan, il y en avait eu des milliers, et des migrants bien plus encore. Mais peut-être étaient-ils trop nombreux, trop basanés, trop mal habillés, ou trop tout ce que l’on veut pour davantage susciter le rejet que l’empathie et la compassion. Le 2 septembre, la photo du cadavre d’Aylan faisait le tour du monde. Et n’était pas étrangère à l’appel lancé par François : « Face à la tragédie des dizaines de milliers de demandeurs d’asile qui fuient la mort, victimes de la guerre et de la faim et qui sont en chemin vers une espérance de vie, l’Évangile nous appelle et nous demande d’être les prochains des plus petits et des plus abandonnés, à leur donner une espérance concrète. » Même si, à peine prononcé, ce discours était recadré par certains responsables religieux disant que, « chez eux », l’Église faisait déjà beaucoup, et que, « dans leur cas », on ne pouvait leur en demander plus… Mais la photo d’Aylan a aussi contribué à ouvrir les cœurs de milliers d’hommes et de femmes. Engagés comme bénévoles, depuis lors, ils se sont décidés à aider les réfugiés, allant jusqu’à applaudir ceux qui débarquaient chez eux. Des initiatives touchantes alors que les États, de leur côté, étaient loin de manifester le même enthousiasme… Voici venu le temps de l’accueil et de l’ouverture. Pour ces réfugiés qui, finalement, nous ressemblent tant. Mais aussi pour tous ceux dont nous nous sentons moins proches et qui méritent tout autant qu’on partage leur humanité. En abandonnant l’idée que ces migrants vont mettre à mal notre continent assiégé. Oui, il y a pour l’instant afflux de réfugiés aux portes de l’Europe et la focalisation opérée par les médias a renforcé cet « effet de loupe ». Mais, comme le rappelait Amnesty International, il ne faut pas perdre de vue que le Liban, la Turquie, la Jordanie, l’Égypte et l’Irak accueillent à eux seuls 3,8 millions de réfugiés de Syrie. Est-ce trop loin de nous pour que l’on en parle ? Frédéric ANTOINE L’appel 380 - Octobre 2015 4 Découverte Un émotif de moins en moins anonyme Faire du cinéma pour créer du lien Jean-Pierre Améris, le réalisateur des Émotifs Anonymes et du tout récent Une famille à louer, crée souvent des personnages qui lui ressemblent, lui, l’angoissé qui souffre de phobie sociale. Mais, loin d’être tragique, son cinéma raconte toujours des histoires de relèvement et de sortie du tombeau. J per à la porte des cours d’art dramatique, il avait eu peur. Il s’était retrouvé sans abri et n’avait pas osé appeler sa mère avec laquelle il avait du mal à communiquer. Et un jour qu’il a faim et froid, il lit dans un journal qu’un chauffeur de taxi a été assassiné dans le bois de Boulogne. Sur un coup de tête, il entre dans un commissariat et s’accuse du crime. En prison, il a cru trouver un abri. « Serge Perrin était un peu comme un petit frère. Il aurait pu m’arriver ce qui lui est arrivé, confie le réalisateur, j’aurais pu me perdre, moi aussi, car j’avais du mal à trouver ma place et à communiquer avec mes parents, à leur dire que ça n’allait pas. » Mais voilà qu’en prison, sa mère vient lui rendre visite au parloir et lui dit : « Ce que tu as fait est terrible, mais tu es mon fils et je t’aime. » La parole d’amour de cette mère lui rend une raison de vivre et il n’a plus qu’une envie alors, c’est de sortir de prison. ean-Pierre Améris est un grand et aveugles. Des lieux qui lui faisaient timide, mais comme il se soigne, peur. S’il filme des situations de grande cela ne se voit pas trop. Durant deux souffrance, c’est pour faire du bien aux années, il a fréquenté les Émotifs gens, à ceux qui vont aussi mal que lui, Anonymes, « une association d’hommes lorsqu’il était plus jeune. À l’adolescence, et de femmes qui partagent leurs expé- le jeune Jean-Pierre a beaucoup grandi riences, leurs forces et leurs espoirs, dans le et les complexes physiques se sont ajoubut de résoudre leurs problèmes émotion- tés aux complexes sociaux. Il s’est replié nels ». Et le film qu’il a réalisé avec Benoît sur lui-même et avait beaucoup de mal Poelvoorde sur ce sujet a été comme une à entrer dans des lieux publics. La salle thérapie. « Si je parviens à rire de ce qui me de cinéma lui offrait alors un abri, un lieu bloque, pensait-il, je pourrai m’en sortir. » sombre et clos où on ne le voyait plus, un « Je serai toujours un émotif. C’est par exemple toujours difficile pour « Je n’arrive à rencontrer l’autre que Le génie du toucher moi de prendre la parole en public, mais je suis content de le faire, parce par le projet du cinéma. Sans ce proque ça m’apporte du lien et qu’il n’y Souvent, c’est là où les gens jet, je ne peux aller nulle part. » a pas de vie sans échange. » souffrent que l’on découvre le plus Très vite, Améris a eu envie de de solidarité. Les lieux de soufréaliser des films : « Filmer ce qui france sont, paradoxalement, des va disparaître et retenir ce qu’on aime, cocon fœtal dans lequel il pouvait vivre lieux de joie et de réapprentissage de la c’est l’essence même du cinéma. J’ai tout de grandes histoires avec les actrices. Le vie. Le réalisateur en a fait souvent l’expéde suite filmé mes parents et mes grands- cinéma l’a souvent ragaillardi et il espère rience. Son film C’est la vie (2001), avec parents. Filmer, c’est garder vivant ce qui offrir le même bienfait à d’autres. Jacques Dutronc, raconte l’histoire d’un va disparaître. » Le cinéma est sans doute homme plutôt solitaire et bougon, qui a sa bouée de sauvetage. Il n’est bien que Comme un frère du mal à se lier aux autres. Il entre dans quand il tourne, car il est dans un cadre un centre de soins palliatifs pour y mouet une structure bien définie et qu’il a un En 1996, il tourne Les aveux de l’innocent, rir et découvre que ce qui fait la beauté rôle précis à jouer. C’est là qu’il trouve son un film qui s’inspire d’une histoire vraie de la vie, c’est le lien, c’est de se mêler les lieu et son lien. « Je n’arrive à rencontrer incroyable, qui s’est passée en 1984. uns aux autres, de partager. « Jusqu’au l’autre que par le projet du cinéma. Sans ce Serge, le héros principal de son film, par- moment de faire le film, je n’avais jamais projet, je ne peux aller nulle part », confie- tage de nombreux points communs avec vu personne mourir. J’ai fait ce film pour t-il. Ses projets de films lui permettent le réalisateur. Il s’agit d’un jeune homme me préparer à ce qui allait arriver. Cinq ans en effet de créer du lien, d’entrer en pri- de famille modeste, qui était monté à après ce film, alors que mon père était mouson ou dans un centre de soins palliatifs, Paris avec des rêves plein la tête. Serge rant, j’ai pu lui prendre la main, quelque de découvrir le monde des migrants à voulait faire l’acteur et Jean-Pierre réalisa- chose que je n’avais jamais fait auparavant Calais ou bien celui des enfants sourds teur. Mais le premier n’avait pas osé frap- et que j’ai découvert en faisant ce film. » Découverte Les médias donnent chaque jour des raisons de désespérer de l’humanité, mais le réalisateur voudrait proposer une parole autre. En 2007, il réalise pour la télévision Maman est folle. C’est l’histoire d’une mère au foyer, fragile nerveusement, qui cherche un sens à sa vie, et qui, par hasard, rencontre les bénévoles qui s’occupent tous les jours des migrants à Calais. « En arrivant avec mon projet de film, j’ai été accueilli très chaleureusement, poursuit Jean-Pierre Améris. J’ai senti là, comme rarement, la solidarité humaine. Tous ces bénévoles qui font un travail magnifique le font avec l’impression de faire simplement leur devoir. Au milieu d’eux, j’ai eu le sentiment d’être au monde et je me suis mis à servir la soupe avec les autres. Je me suis senti là comme faisant partie de la communauté humaine. Ces bénévoles qui prennent des risques – certains se sont retrouvés en prison et d’autres ont dû payer des amendes – ne font, me semble-t-il que suivre l’exigence du Christ qui est de s’engager. » Marie Heurtin, son avant-dernier film, raconte l’histoire vraie d’une jeune fille aveugle et sourde, une sauvageonne indomptable que sœur Marguerite, avec obstination, va apprivoiser, apaiser et ouvrir à la communication avec les autres. Au premier contact qu’elle a eu avec elle, sœur Marguerite avait compris que Marie n’était pas la débile que l’on disait. Elle réussit à gagner sa confiance et à lui apprendre le langage des signes. La jeune fille comprend vite que le monde est langage et elle devient boulimique d’apprendre. Pour les sourds aveugles, le rapport au monde est dans le toucher et l’odorat. La première notion abstraite que sœur Marguerite lui apprend, c’est la mort. Lorsqu’une des nonnes meurt, elle lui fait toucher son cadavre. Le savoir est au bout de la main. Dès lors, comment expliquer Dieu à un enfant qui ne peut pas le toucher ? Sœur Marguerite lui répond que Dieu est partout, dans le vivant, dans tout ce qui palpite, dans tout ce qui vibre. Avec ce film, Jean-Pierre Améris a pu parler de sa foi. Il aime la foi en action, la foi qui fait travailler, s’engager. Croire, c’est faire entrer le désordre, c’est aller vers l’inconfort, comme la sœur quand elle fait entrer Marie dans son institution. « Ce qui compte pour moi, c’est le dépouillement, le chemin d’humilité, le don. J’aimerais avoir ce même détachement que sœur Marguerite qui a refusé la Légion d’honneur. Elle ne voulait pas être décorée, elle prétendait avoir fait ce qu’elle avait à faire. » Avec les sourds-muets et aveugles avec lesquels il a tourné, le cinéaste a retrouvé la beauté du monde. « Ces jeunes font un pied de nez à nos sociétés où tout est virtuel. Ils prennent le temps de caresser les arbres, les animaux, ils enlacent le monde, le reniflent. Ces enfants sont plus au monde que moi, parce qu’ils l’embrassent. » Jean BAUWIN Marie Heurtin, un film de Jean-Pierre Améris, disponible en DVD, Diaphana, 2015. © DR Dieu est dans le vivant JEAN-PIERRE AMÉRIS. « Le cinéma me permet d’aller là où ça fait peur. » L’appel 380 - Octobre 2015 S’engager 5 À la Une 6 L’appel 380 - Octobre 2015 PASTORALE FAMILIALE Quelle issue pour le synode ? © Vatican En octobre 2014, un premier synode sur la famille a accouché d’une souris. Il n’y a rien eu de nouveau pour les divorcés-remariés ou les couples homosexuels, malgré la volonté du pape François. Ce mois-ci, une deuxième session doit clôturer le processus. Parviendra-telle à faire bouger les lignes ? SUR LA FAMILLE. Le pape François joue sa crédibilité. À la fin de l’année, les procédures d’annulation des mariages religieux seront allégées et elles seront gratuites. Cette décision du pape François, un mois avant le deuxième Synode sur la famille, peut surprendre. Elle est interprétée par les experts comme une façon de couper l’herbe sous le pied de ceux qui souhaitent voir le synode déboucher sur quelques mesures purement « cosmétiques ». Or, le pape François veut des changements. Il l’a rappelé lors de son voyage en Équateur en juillet dernier. En commentant le miracle de Cana, il a affirmé que l’Église doit porter son attention sur les situations familiales brisées, très courantes en Amérique Latine. « Dieu s’approche toujours des périphéries (…) de ceux à qui il ne reste à boire que le découragement, expliquait-il en ajoutant que Jésus a un faible pour offrir en abondance le meilleur des vins à ceux qui, pour une raison ou une autre, sentent déjà que toutes leurs jarres se sont cassées. » Malgré ces intentions affichées, le synode organisé l’an dernier n’a pas tenu ses promesses. Le pape François avait décidé d’y favoriser une grande liberté de parole, inhabituelle jusque-là. Un rapport inter- médiaire faisait preuve d’un certain nombre d’ouvertures, reconnaissant des « valeurs positives » au mariage civil et appréciant de façon bienveillante les unions de fait, y compris homosexuelles. Pas d’avancées en 2014 Cependant, une semaine plus tard, trois paragraphes essentiels concernant les divorcés remariés et les homosexuels n’obtenaient pas la majorité des deux tiers, nécessaires pour être approuvés. En fin de synode, le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, avait À la Une L’appel 380 - Octobre 2015 souligné combien le texte final était tout ce temps. Leurs seuls contacts passent position ouvertes sont bien connues, « nettement plus réservé » que le rapport par internet, webcam ou téléphone… ». pour la représenter. Le cardinal Danneels intermédiaire, pointant des oppositions L’Église ne propose pas grand-chose pour sera également présent comme invité des évêques de « pays de cultures très dif- faire face à ces situations. spécial du pape. Que peut-on attendre férentes ». de cette nouvelle session ? Le théoloC’est notamment le cas de l’Afrique, Le pape est coincé gien belge Ignace Berten, est modéréconfrontée à la polygamie. Pour y mettre ment optimiste car, selon lui, le pape est fin, ses représentants sont favorables à Pour préparer le synode, Rome a, comme coincé. « Après avoir tellement annoncé un une mise en valeur de l’indissolubilité du en 2014, diffusé un questionnaire en gouvernement plus collégial de l’Église, qui mariage comme lien entre un homme invitant les catholiques à y répondre. Les associerait le pape et les évêques, François et une femme pour la vie. Cette posi- échos donnés aux différents rapports est bien forcé de s’aligner sur la volonté des tion serait donc un frein à une possible en Europe montrent que l’exclusion des évêques, qui sont dans leur grande majoévolution à propos de l’accès à certains méthodes artificielles de contraception rité conservateurs, et de renoncer à imposacrements pour les divorcés-remariés. est massivement rejetée, que la demande ser une réforme qui serait repoussée par la Par ailleurs, le continent africain ne par- d’accès à l’eucharistie pour les divorcés plupart d’entre eux. » Va-t-il malgré tout tage pas la vision occidentale de conclure le synode comme il le l’homosexualité. « Nos peuples souhaite même si « la majorité savent que l’homosexualité « Après avoir tellement annoncé un des deux tiers ne va pas dans ce existe, explique le cardinal Sarr, gouvernement plus collégial de l’Église, sens-là ? Prendra-t-il la responarchevêque de Dakar, ils gèrent qui associerait le pape et les évêques, sabilité de décider contre elle, ou cela à leur manière, mais on sent plutôt peut-être en faveur d’une François est bien forcé de s’aligner sur la aujourd’hui une pression pour une majorité réelle mais réglemendépénalisation de l’homosexua- volonté des évêques, qui sont dans leur tairement insuffisante, alors qu’il lité. » Or, pour lui, ce n’est pas grande majorité conservateurs. » ne cesse de valoriser la collégia« le nec plus ultra de l’évolution lité ? » Impossible de le dire à et du progrès de l’humanité ». Les cette heure. Mais pour sortir de observateurs constatent donc que la voix remariés est très forte et que la demande l’impasse, Ignace Berten propose une de l’Afrique renforce l’aile conservatrice. de reconnaissance de l’union homo- solution (voir encadré) qui délèguerait les sexuelle est aussi majoritaire. décisions aux conférences épiscopales Autres cultures, Du 4 au 25 octobre, près de trois cents continentales. autres points de vue participants se réuniront pour étudier tout cela. La conférence épiscopale belge Paul de THEUX Pour le cardinal Tagle, archevêque de a choisi Mgr Bonny, dont les prises de Manille, les pays occidentaux se focalisent sur quelques thèmes qui leur sont propres et ignorent les problèmes des familles des pays en développement. Passer le relais aux conférences épiscopales Parmi eux, les mariages mixtes, les violences domestiques, la pauvreté ou l’effet Dans un document daté du mois de juin, Ignace Berten, dominicain, propose des migrations sur la famille. « Il y a bien une piste qui permettrait au pape François d’atteindre ses objectifs tout en ressûr beaucoup de défis concernant la famille pectant les résultats du vote du Synode. « François a dit clairement qu’il veut revaaux Philippines, reconnaît le cardinal, mais loriser l’autorité des conférences épiscopales y compris au plan doctrinal (…). S’il est pour moi, il s’agit tout d’abord de la pauconvaincu de ce que la mise en œuvre de la miséricorde demande qu’il y ait ouvervreté, l’extrême pauvreté (…). Les couples ture concernant les divorcés remariés, il pourrait ne pas le décider dans son exhorne se séparent pas parce qu’ils veulent tation apostolique de conclusion du synode, mais remettre la question aux confédivorcer, ne s’entendent plus ou sont en rences épiscopales continentales, de sorte que les conseils des conférences épiscoconflit. Non, ils se quittent et se séparent de pales européennes, africaines, asiatiques, nord-américaines et latino-américaines leurs enfants parce qu’ils s’aiment, et que auraient autorité pour traiter chacune l’une ou l’autre question en suspens après le la meilleure façon pour eux de s’occuper de synode (divorcés remariés, homosexuels, peut-être encore d’autres comme la polyleur famille et de les faire vivre, est d’aller gamie ou le mariage par étape pour l’Afrique…), quitte à ce qu’il y ait des pratiques travailler à l’étranger. » Mgr Bonny, évêque pastorales différentes selon les continents, et de façon reconnue ou non des doctrines d’Anvers, confirme cette préoccupation différentes. Cela serait difficile à gérer du point de vue catholique, mais l’exemple de en soulignant que « dans le port d’Anvers la communion anglicane peut être éclairant de ce point de vue. L’ouverture de l’Église entrent et sortent chaque jour de grands d’Angleterre à l’union homosexuelle, d’une part, à l’épiscopat féminin, d’autre part, navires de haute mer. Leurs équipages a failli provoquer la rupture avec l’Afrique. Mais récemment, le conseil des Églises viennent d’Asie, d’Afrique, d’Europe de l’Est. anglicanes africaines a publiquement déclaré qu’il voulait maintenir la communion Ce sont souvent de jeunes hommes, certains malgré cette divergence. » mariés, d’autres pas. Certains marins, par Synode sur la famille, ouvertures ou blocages ? Ignace BERTEN exemple philippins, travaillent sous contrat Le document est consultable sur le site de Lumen Vitae : http://www.lumenonline.net/courses/ de neuf mois en mer et ne revoient donc lumen_NOUV/document/Synode_Ouvertures_ou_blocages.pdf leur épouse et leurs enfants qu’au bout de 7 L’appel 380 - Octobre 2015 8 À la Une ERDOGAN LE SULTAN « Nouvelle Turquie » : retour vers le passé ? Réélu trois fois à la majorité absolue entre 2002 et 2012, Recep Tayyip Erdogan a « marché sur les eaux du Bosphore » pendant dix ans. Se rapprochant du modèle européen, la Turquie apparaissait comme un pays stable et tolérant. Mais, après des pas hésitants vers la démocratie à l’occidentale, l’islam et le nationalisme reviennent au centre de la vie politique. E n 2002, accueillis aux cris de « Vive Turquie est restauré. Erdogan construit Le « Poutine turc » l’Europe », les voyageurs euro- une démocratie islamo-conservatrice péens montaient au Nemrud qu’il compare à la démocratie chré- Mais depuis deux ans et demi, la Turquie Dagi et partageaient le thé avec tienne européenne. La place centrale offre un tout autre visage. L’islam est au les Turcs au milieu d’imposants vestiges réservée à l’islam ne semble pas com- centre de la vie politique, ce qui est natucultuels du Ier siècle av. J.-C. Situé dans promettre démocratie et développe- rel dans un pays à majorité musulmane, la partie méridionale de l’Anatolie cen- ment. Par ailleurs, après deux décen- mais celui-ci s’accompagne aussi d’une trale, ce sommet domine à plus résistance à l’Occident et à ses de deux mille mètres la vallée de règles « imposées par le haut » l’Euphrate. La vue impression- Erdogan ne fait qu’ajouter le chaos durant la période kémaliste. nante offre des couchers de soleils à la confusion en revendiquant avec Si l’AKP exerce le pouvoir avec fabuleux. la même manière autoritaire et Aujourd’hui, les citoyens turcs obstination tous les pouvoirs. nationaliste que sous le régime sont toujours chaleureux, mais laïc instauré autour de 1920, en inquiets. Un marchand d’Elbistan revanche, sa politique est en (Anatolie centrale), où vit une importante nies d’affrontements et quelque 40 000 véritable rupture. C’est ainsi que le prominorité kurde, exprime ses peurs. Il craint morts, deux ans et demi de négociations cessus d’adhésion à l’Union européenne que la Turquie n’en revienne au début des laissent croire aux Kurdes à la recon- n’avance plus. Dur pour le commerce ! années 80. De nombreux Kurdes partent naissance de leur identité culturelle Des touristes européens attentifs ont alors vers l’Europe. Par prudence, il n’en et à l’obtention de droits égaux à ceux sans doute entendu les avertissements dit pas plus. Mais il ajoute : « Si tu veux des turcophones. Ils peuvent écouter des marchands de tapis ou de cuirs turcs parler politique, rentrons dans la maison, leur musique, parler leur langue sans qui demandaient instamment à l’Europe car dehors les paroles volent loin ». se cacher des militaires qui sillonnent de ne pas lâcher la Turquie. régulièrement la région kurde. L’AKP, le Au vu de ce qui se passe, certains Se montrer rassurant parti de la Justice et du Développement appellent déjà Erdogan « le Vladimir Poufondé par Erdogan, gagne ainsi la sym- tine de la Turquie ». Comment en effet ne Sous la direction d’Erdogan, la Turquie pathie des minorités autrefois exclues pas s’inquiéter de la manière dont le préest entrée dans le club des pays émer- de la République, moderne et laïque, sident actuel a géré les évènements viogents. L’État de droit a progressé. Fini les aujourd’hui contestée par les nouvelles lents du parc Gesi en 2013 ? Comment ne coups d’État militaires. Le prestige de la élites pieuses. pas s’indigner de l’emprisonnement de À la Une Erdogan rebat les cartes Pour la première fois depuis 2002, en juin dernier, l’AKP perdait sa majorité absolue. L’opposition, avec la montée inattendue du HDP, le parti laïc des Kurdes rejoint par de nombreux démocrates turcs, empêchait Erdogan de réaliser la réforme constitutionnelle lui permettant d’étendre son pouvoir. Erdogan, sûr de lui, n’avait pas caché son jeu. Il était inscrit dans l’histoire qu’étant donné « qu’il y a un président qui exerce de facto tous les pouvoirs [depuis qu’il a été élu au suffrage universel en 2014] ce qui doit être fait maintenant c’est d’inscrire dans la Constitution cette situation de fait ». Le 20 juillet dernier, un attentat attribué à l’État islamique fait 32 victimes parmi des jeunes Kurdes. Erdogan, dont l’attitude à l’égard des djihadistes est restée longtemps ambivalente, déclare officiellement la guerre à l’État islamique. Cette déclaration de guerre est une duperie. Tout en acceptant d’ouvrir les bases militaires turques aux avions américains, la « lutte contre le terrorisme » signifie aussi et surtout, pour le président turc, ouvrir un nouveau front contre les militaires kurdes du PKK. Le président turc veut réveiller la fibre nationaliste… Quel que soit le choix du HDP, il risque de perdre soit le soutien des Kurdes, soit celui des turcs démocrates qui espèrent contribuer à mettre un terme à la guerre. Et de redescendre en-dessous de la barre des 10 %, ce qui lui interdirait de participer à la vie parlementaire. En arriver à de tels calculs ne fait que confirmer l’affaiblissement de l’autorité du président turc. Erdogan ne fait qu’ajouter le chaos à la confusion en revendiquant avec obstination tous les pouvoirs. Tout cela pour une victoire électorale incertaine au 1er novembre prochain et le retour aux années noires des années nonante ! Christian VAN ROMPAEY Pour aller plus loin : Ahmet Insel, La nouvelle Turquie d’Erdogan, La Découverte, Paris 2015. Prix : 19,70 € -10% = 17,73 €. (Paru avant les dernières élections de juin 2015). Pour l’actualité récente : Agence de presse Al Monitor. FAITS LARCINS. Une vingtaine d’objets religieux ont été volés pendant cet été dans les églises de Flandre et de Bruxelles. Soit deux à trois fois plus que l’an passé. RENONCEMENT. L’arche vêque sortant de MalinesBruxelles ne se pourvoira pas en cassation contre l’arrêt prononcé par la Cour d’appel de Liège le 23 avril dernier, qui l’avait condamné pour absence de soutien à l’ancien séminariste Joël Devillet, victime d’un prêtre pédophile. ANONYMAT. Depuis mai dernier, les indonésiens peuvent laisser un blanc en face de la rubrique « religion » de leur carte d’identité ou inscrire la religion de leur choix. Cette mesure était attendue depuis longtemps afin de lutter contre toute discrimination des religions minoritaires en Indonésie. © Wikipedia RENAISSANCE. L’église grecque orthodoxe SaintNicolas va renaître plus de dix ans après les attentats contre le World Trade Center, à New York. En effet, l’ancienne église du même nom avait été détruite lors de cette attaque. Inspirée de la basilique Sainte-Sophie, à Istanbul, elle coûtera environ quarante millions de dollars. ERDOGAN. Jusqu’où ira-t-il ? JMJ 2016. Les prochaines Journées Mondiales de la Jeunesse ont désormais un site internet belge. Il s’adresse à tous ceux qui souhaitent en savoir davantage sur les JMJ qui auront lieu l’été prochain à Cracovie, en Pologne. Il permet aussi de s’inscrire à ce grand rassemblement chrétien. http://cracovie2016.jmj.be/ L’appel 380 - Octobre 2015 nombreux journalistes, écrivains et cinéastes parce qu’ils ont contesté le pouvoir en place ? Comment ne pas se révolter face à la chasse aux juges qui s’attaquent à la corruption de l’entourage d’Erdogan ? Les commerçants euxmêmes s’alarment de la dette de la Turquie et du chaos annoncé par la réouverture du conflit avec les Kurdes. 9 À la Une SOIGNER L’ANOREXIE AUTREMENT Oser rencontrer sa souffrance réelle Adolescente, Caroline Valentiny a chuté dans une profonde dépression doublée d’anorexie. Elle a raconté sa souffrance et puis sa renaissance dans un livre paru en 2009, réédité cette année. Mettre des mots sur son vécu l’a aidée à guérir. Pour les lecteurs, son récit est un signe d’espérance car il témoigne tout simplement que la vie a été plus forte que la maladie. © Caroline Valentiny L’appel 380 - Octobre 2015 10 CAROLINE. Elle est revenue à la vie grâce à la bienveillance d’autrui. C aroline Valentiny a 17 ans. Tout va bien. Elle vit dans une famille nombreuse aimante. Mais, lors du mariage de sa tante, brusquement, tout bascule. Un malaise se glisse sous sa peau : la tête tourne, elle transpire, son cœur bat à 180. Elle assiste à la fête comme si elle y était étrangère, comme si elle était dans un brouillard. C’est le début d’une longue descente aux enfers. La nuit profonde Ces crises d’angoisse se répèteront régulièrement. Elle consulte un cardio- logue mais le cœur fonctionne bien. À 24 ans, le monde lui semble déstructuré. Dans sa tête, les repères, les évidences se brouillent : plus rien ne va de soi. Le monde qui l’entoure lui apparaît morcelé. Quand elle rentre dans un café, l’ambiance lui semble éclatée, il n’y a plus d’unité dans sa perception de la réalité. À la Une Renouer avec soi et les autres L’auteure note encore que l’hôpital psychiatrique est souvent un lieu à part, isolé. « Or, il devrait être davantage porteur de vie et de chaleur, d’autant plus que la personne anorexique est déconnectée de ses émotions, son être est dévitalisé. L’hôpital devrait aussi être plus proche du patient et davantage relié », observe-t-elle. Actuellement, en Belgique, des expériences Caroline VALENTINY, Voyage au bord du vide, Paris, Desclée de Brouwer, 2015. Prix : 18,90 € -10% = 17,01 €. Il s’agit d’une réédition du livre paru en 2009 : Le jour où ma tête est tombée dans un trou, augmentée d’une préface de Gabriel Ringlet et, en postface, d’un dialogue entre Gabriel Ringlet et Caroline Valentiny. INDICES AUTORISATION. Le Vietnam permet à l’Église catholique locale d’ouvrir un institut universitaire national. Il pourrait s’installer à Hô-Chi-Minh-Ville (ex-Saïgon). Jusqu’à présent, l’Église ne pouvait assumer que la responsabilité de jardins d’enfants et d’écoles maternelles. Dans un pays où les religions sont fortement contrôlées par l’État, cette décision révèle un changement d’attitude des autorités. OUVERTURE. Selon un sondage réalisé à la veille de la visite du pape aux ÉtatsUnis, les Américains catholiques ou « ayant un lien avec le catholicisme » sont ouverts aux familles qui ne vivent pas selon les normes traditionnelles. DROIT D’ASILE. Automatique au Moyen Âge, le « droit d’asile », permettant à toute personne menacée d’être accueillie dans des espaces religieux, va être réinstauré en Allemagne. C’est en tout cas ce qu’ont proposé les évêques dans un document destiné à ouvrir un débat avec l’État sur la création ou non d’un « système d’asile européen commun ». ACCUEIL. L’Église orthodoxe serbe demande à ses fidèles d’apporter leur aide aux « infortunés qui arrivent en Serbie en provenance du Proche-Orient », fuyant les conflits sanglants. Et de le faire « avec amour et humilité ». PÉTITIONS. Les clans se comptent pour le synode sur la famille. À l’appel des conservateurs, une « supplique » au pape avait été lancée par plusieurs cardinaux, dont Mgr Raymond Burke. En réponse, une pétition de soutien au pape François a été mise en ligne par les Baptisés en marche (http://www.baptisesenmarche.be/?p=427) L’appel 380 - Octobre 2015 Elle ne parvient plus à confronter le chaos de vont dans ce sens : la personne est soignée son monde intérieur à celui de la vie ordinaire. chez elle et tout un réseau est tissé autour du Petit à petit, Caroline perd du poids et le méde- malade. L’aspect relationnel est fondamencin pose le diagnostic : anorexie. Mais, dans tal. Or, en hôpital psychiatrique, il est et reste son cas, l’anorexie est la conséquence d’un trop peu présent. Peut-être par peur de la trouble plus profond qui part du personnel soise passe dans sa tête. Elle « La dépression, c’est un gnant. De même, le touva consulter un psychocher est important pour logue, puis un psychiatre secret qui cherche à venir reconnecter la personne qui prescrit des antidé- à la lumière. À travers elle, avec son corps. La peinpresseurs. Mais toutes la danse, le chant… l’être cherche à se dire sans ture, ces molécules n’arrivent sont autant de formes pas à la soigner. Fina- avoir peur des représailles. d’expression qui ont perlement, c’est l’hôpital Il veut être accueilli avec mis à Caroline d’explorer psychiatrique pendant des chemins intérieurs, bienveillance. » des mois. Elle y subit des de s’approprier une traitements lourds : l’isovision de soi, de regarder lement, l’enfermement, les électrochocs qui la beauté de l’être et pas uniquement ce qui lui certes diminuent un peu les idées envahis- manque. Cette découverte de l’intériorité est santes dans sa tête mais abîment sa mémoire, d’autant plus importante que, selon Caroline, provoquent des tremblements… Tous ces trai- dans l’anorexie, il y a une soif d’absolu, il y a une tements l’enfoncent un peu plus. Elle vit dans volonté de revenir à l’essentiel, de s’approcher une nuit profonde. de certaines valeurs. Au Canada, le contact avec la nature, comme l’océan tout proche du lieu où Caroline était Une remontée vers la lumière soignée, l’a reconnectée aux sources vives et lui a redonné de l’énergie. Toutes ces mains C’est finalement au Canada que Caroline va tendues, la bienveillance, l’environnement… sortir de cette nuit. Là, elle rencontre des thé- redonneront vie à Caroline. Écrire le livre a fait rapeutes qui l’écoutent, qui établissent une aussi partie de la thérapie car elle a pu mettre relation de confiance, qui lui tendent vérita- des mots sur son vécu. blement les bras. « Pour soigner la dépression, il Après de longs mois passés au Canada, elle faudrait davantage aider le patient à rentrer en est revenue en Belgique, près des siens. Elle a contact avec sa souffrance réelle », explique l’au- obtenu un master en psychologie. Désormais, teur. Souvent, la psychiatrie agit sur le compor- son objectif est d’accompagner des personnes tement par des récompenses : « Si tu as pris un à se reconstruire en cherchant les chemins qui peu de poids, tu pourras sortir pendant le week- leur conviendront le mieux. Une nouvelle vie end », mais le fond du problème n’est pas pour commence… autant résolu. Selon Caroline Valentiny, il faudrait créer des espaces de parole plus ouverts, plus chaleuCathy VERDONCK reux, qui permettent de renouer avec l’être emprisonné par les symptômes. Proposer une écoute large, oser aborder la souffrance réelle, savoir écouter le patient en profondeur. « La dépression, c’est un secret qui cherche à venir à la lumière », analyse-t-elle. « À travers elle, l’être cherche à se dire sans avoir peur des représailles. Il veut être accueilli avec bienveillance. » 11 Signe L’appel 380 - Octobre 2015 12 SUR LA ROUTE Les motards, des hommes à part ? Seuls ou en groupe, les motards ont, comme chaque été, égayé les nationales et les autoroutes du pays. Fin août, certains ont même fait éclater leur colère face à l’insécurité qui les guette sur le bitume. Mais que sait-on vraiment de ces motocyclistes que l’on regarde passer tantôt avec admiration, tantôt avec effroi ? © Team de la Madone des Motards de Belgique LE PARDON DE LA MADONE. Ce rassemblement réunit chaque année 20 000 personnes. P our Chris Paulis, ancienne motarde et Docteure en Anthropologie de la Communication à l’Université de Liège, il est grand temps de se pencher sur le sujet, car les motards sont de plus en plus présents dans la circulation. Et s’il est très aisé de les définir, il est beaucoup plus compliqué d’essayer d’expliquer leur philosophie de vie : « Je ne parlerai pas du motard, mais plutôt des motards, car il en existe de plusieurs types. Ce qui les définit, c’est leur passion commune : ils aiment leur moto et ils aiment rouler à moto. Ils se reconnaissent et se regroupent selon le lieu de fabrication de leurs machines – essentiellement les États-Unis et le Japon – et ils marquent fortement la différence entre hommes et femmes, même si le machisme tente à diminuer depuis une dizaine d’années dans ce milieu. » Signe fait encore, tellement parler d’elle par ses nombreux méfaits que beaucoup considèrent tous Les Années Cinquante aux États-Unis ont vu les motards comme étant de potentiels « Hells l’émergence des « bad boys » (mauvais gar- Angels ». Mais selon l’anthropologue liégeoise, çons), véritable phénomène de société mon- cette façon peu flatteuse de percevoir les pastrant une jeunesse en proie à la révolte, avide sionnés du deux-roues serait en train de chande liberté, se déplaçant en bandes à moto, sans ger : « Depuis une quinzaine d’années, l’accès à peur et sans limites. Les motards d’aujourd’hui la moto est devenu possible pour un plus grand ont plutôt tendance à former des groupes plus nombre de personnes, que ce soit les habitués de restreints ou des communautés, telle la com- l’automobile qui achètent un deux-roues pour se munauté des « Harleyistes » qui se rassemble rendre au travail en évitant ainsi le trafic, ou que autour de la mythique Harley-Davidson. ce soit les amoureux de la moto qui en achètent D’autres préfèrent se regrouper entre « rou- une, simplement pour leur plaisir et leurs loisirs. tières », « trails » et autres motos d’enduro ou Beaucoup de choses bougent actuellement dans de compétition. le monde de la moto. « Mais, précise Chris De plus, il faut compter Les nouveaux motards Paulis, face à des danaussi sur les nouvelles n’ont pas cette culture gers sociaux les concervenues, les motardes, nant, par exemple leur de la fraternité vissée au corps qui commencent à s’affragilité sur la route, franchir dans le milieu. » accentuée par le mauAutant dire que si vais état des chaussées en Belgique, les motards Marlon Brando, dans le film L’équipée sauvage, s’expriment d’une seule voix quelle que soit la continuera à en fasciner plus d’un(e), il semble marque de leur engin. » C’est aussi le cas lors de néanmoins que le mythe du motard-mauvais défenses de grandes causes ou lors de fêtes, garçon ait fait son temps… comme le Pardon de la Madone des motards Même cette solidarité sans défaut qui caractéà Porcaro en Bretagne. Les motards donnent risait si bien le sens commun de la population ainsi à voir de gigantesques rassemblements motarde est mise à mal aujourd’hui. Le signe où motos japonaises, allemandes et améri- de la main gauche chaque fois qu’un motard caines se côtoient sans problèmes. en croise un autre en serait peut-être l’ultime Est-ce à dire qu’un esprit motard, voire une représentation. Les nombreux nouveaux philosophie motarde, unirait tous les accros de motocyclistes, entrés dans le monde du deuxla moto ? L’idée est séduisante, mais peut-être roues pour raison économique, n’ont pas cette idéaliste. Ici aussi, il faut distinguer les déten- culture de la fraternité vissée au corps puisque, teurs de Harley- Davidson des autres moto- pour eux, rouler sur un tel véhicule relève plus cyclistes. Les « Harleyistes » ont un très grand de la nécessité que de la passion. attachement à la communauté. Ils roulent, « Je ne suis pas très optimiste quand je pense aux s’habillent, se comportent tous suivant un motards qui emprunteront les routes demain, code imposé par la marque. Les autres motards conclut Chris Paulis. Vu qu’ils sont de plus en vivent leur passion davantage en solitaire voire plus nombreux, que les routes sont de moins à deux ou trois. Ils rejoignent le groupe pour en moins bien entretenues et que les sociétés rouler quelques dizaines ou centaines de kilo- modernes ont tendance à véhiculer la notion mètres ensemble, et adhèrent à des valeurs du “moi d’abord” et du non-respect de l’autre, comme le respect de la liberté, de la nature et je crains qu’il y ait de plus en plus d’accidents des autres. graves de la circulation pour de nombreux jeunes à moto. Il n’existe pas de véritable conscience de la fragilité du motard. La majorité des personnes retiennent plutôt son côté loubard que sa préDes mythes qui s’effilochent carité sur la route, et il n’y a que l’éducation qui L’image du conducteur de bécane en cuir, fron- puisse changer le regard. » deur, ne respectant rien ni personne sur son engin bruyant, colle pourtant encore à la peau du motard. Elle renvoie en fait aux États-Unis et au club des « Hells Angels » où est né le mythe du « bad boy ». Durant ces fameuses Années Cinquante, des « Harleyistes » – car il faut posséder une Harley pour faire partie du mouvement – fondent ce club controversé, régi par des règles très strictes flirtant avec l’illégalité, et qui est même considéré comme une organiSylvie BERGEN sation criminelle. Une organisation qui a fait, et INDICES FRÉQUENTABLE. La députée FN Marion Maréchal-Le Pen, petite-fille du président d’honneur déchu de ce parti, a été invitée fin août à prendre la parole dans une « université d’été » pour catholiques organisée par l’évêque de FréjusToulon (Var), Mgr Dominique Rey. Cette invitation brise un tabou, l’Église de France s’étant jusqu’ici interdit tout rapport avec le FN, et ayant fréquemment condamné le parti d’extrême-droite. Visiblement, les temps changent. NON. L’autorité fiscale israélienne a rejeté récemment la demande de dédommagement présentée par l’Église catholique pour un attentat perpétré en juin contre le sanctuaire du miracle de la multiplication des pains et des poissons de Tabgha. Ce refus est basé sur le fait que les règlements ne garantissent le dédommagement que des seuls actes de violence causés par le conflit israélo-arabe. CENSURE. Les autorités du royaume d’Arabie saoudite ont censuré le numéro du mois d’août du National Geographic et son dossier consacré aux réformes initiées par le pape depuis son arrivée au pontificat. La Mottawa n’a pas autorisé la distribution du magazine américain. Il semblerait que « la révolution tranquille » menée par François ne soit pas appréciée par les autorités wahhabites qui ne veulent pas être réformées ni diffuser des idées neuves. FEMMES. L’association française Action Catholique des Femmes (ACF) « créée pour et par les femmes » a lancé en septembre un plaidoyer « pour la juste place des femmes dans les instances décisionnelles de l’Église ». « Peut-on parler d’une présence féminine dans l’Église ? », se demandent les auteures du plaidoyer. L’appel 380 - Octobre 2015 Dis-moi sur quoi tu roules… 13 Signe JACQUES Gaillot – Pape françois L’appel 380 - Octobre 2015 Entre frères Vingt ans après avoir été destitué de son diocèse d’Évreux par Jean-Paul II, Mgr Gaillot a été reçu par le pape François, le 1er septembre dernier. La rencontre, sans enjeu, purement fraternelle, a fait du bien à tous ceux qui avaient été meurtris par cette sanction, et qui se sentent enfin reconnus. E ntre le « pape des pauvres » et le « monseigneur des autres », le courant est tout de suite passé. La rencontre a eu lieu à la Casa SantaMarta, la résidence hôtelière du Vatican où le pape a élu domicile. Avec la simplicité qu’on lui connaît désormais, le pape est venu lui-même à la rencontre de ses invités. Pour l’occasion, Mgr Gaillot était en effet accompagné par Daniel Duigou, curé à Saint-Merri, une paroisse parisienne pilote où des chrétiens apprennent à faire Église autrement. Le pape François a ouvert la porte et a accueilli Mgr Gaillot les bras ouverts : « Nous sommes des frères », lance-t-il d’emblée. La conversation s’est poursuivie à bâtons rompus, dans une ambiance amicale et détendue. Mgr Gaillot n’avait rien à demander et le pape rien à proposer. Exclu parmi les exclus Il y a vingt ans, Mgr Gaillot était très présent dans les médias et osait une parole libre sur toute une série de sujets : le mariage des prêtres, l’ordination des femmes, l’accueil des personnes homosexuelles. S’il lui arrivait de choquer des chrétiens fidèles au magistère, il soulevait le plus souvent l’enthousiasme par son audace évangélique. On sait aujourd’hui que ce ne sont pas tellement ses prises de position sur la discipline de l’Église qui © Daniel Duigou 14 DEUX PRÊTRES. Libres au cœur de l’institution. ont posé problème, mais son livre Coup de gueule contre l’exclusion, publié en 1994. Il y dénonçait avec vigueur les lois sur l’immigration de Charles Pasqua. Il semblerait que le coup de gueule du ministre de l’Intérieur de l’époque ait été plus écouté au Vatican que celui de l’évêque d’Évreux. Toujours est-il que le 13 janvier 1995, Jacques Gaillot était démis de ses fonctions et devenait évêque de Partenia, un diocèse disparu depuis quinze siècles. Lui qui a toujours défendu les exclus, était exclu à son tour. Cela ne l’a pas empêché de continuer sa lutte au quotidien pour que chacun soit reconnu dans sa dignité, et de parcourir le monde pour promouvoir la paix. L’Église a besoin d’air En novembre dernier, juste après la première session du synode, Mgr Gaillot avait écrit au pape : « Nous sommes nombreux à vouloir vous dire notre soutien et notre reconnaissance pour tous les efforts que vous faites, afin que l’Église catholique rencontre son temps. » François ouvrait en effet une ère nouvelle et apportait un peu d’air frais dans une Église sclérosée. Le pape aime à répéter que le Christ frappe à la porte de l’Église : « On croit qu’il frappe de l’extérieur, mais non, c’est de l’intérieur qu’il frappe pour qu’on ouvre les portes ». Hélas, le texte qui est sorti du synode a donné l’impression de refermer ces portes. Heureusement, il reste une session de rattrapage… En attendant, Mgr Gaillot n’a pas caché sa joie de rencontrer le pape : « Vous êtes un cadeau de Dieu pour le monde. Vous êtes sans doute une des rares personnes, sinon la seule, à pouvoir dire une parole qui soit entendue dans le monde entier. Je ne viens rien vous demander, mais tout un peuple de pauvres est content que vous me receviez, et se sent ainsi reconnu. » Il a ensuite expliqué qu’il lui arrivait de bénir des couples de divorcés remariés ou des couples d’homosexuels chrétiens. Le pape l’a écouté avec bienveillance et encouragé : « Continuez, ce que vous faites est bien. La bénédiction, c’est dire la bonté de Dieu à tout le monde. » Au sujet des immigrants, le pape a insisté : « Ils sont la chair de l’Église ». L’évêque de Partenia partage aussi cet avis et trouve qu’on a aujourd’hui bien plus de respect pour les frontières que pour les étrangers. Avant de se quitter, le pape s’est mis en quête d’un photographe et comme il n’en trouve pas, c’est Daniel Duigou qui immortalise l’événement avec son gsm. Le lendemain, la presse italienne révélait que le pape était allé, en ville, s’acheter de nouvelles lunettes. Est-ce un signe que son regard a changé ? Jean BAUWIN Signe L’île retrouvée À chaque marée haute, le Mont-Saint-Michel est désormais à nouveau entouré d’eau. Ce qui change tout pour ce site exceptionnel. Y compris pour le visiteur. D ans les brumes d’un petit matin, la silhouette élancée de la flèche gothique d’une abbaye coupe l’horizon, plantée au sommet d’un îlot rocheux. Pas de doute : le Mont-SaintMichel n’est plus très loin. Pourtant, pour y accéder, il faut désormais le mériter, et prendre son temps. À l’instar des pèlerins qui en ont arpenté les ruelles peu avant l’an mil. Depuis décembre dernier, l’accès au célèbre Mont n’a en effet plus rien de commun avec le passé. Fini de garer sa voiture à deux pas de l’entrée, le long de la digue-route érigée en 1879. Désormais, il faut se parquer à 2,5 km de là et s’y rendre à pied, en car-navette ou en hippomobile en empruntant un « pontpasserelle ». Pèlerinage C’est à pied que l’expérience est la plus belle. La marche dure environ cinquante minutes (aller simple), mais permet d’entrer en communion avec le site, son implantation au milieu de l’estuaire du Couesnon, et d’admirer les ciels changeants qui, entre nuages et éclaircies, révèlent les facettes kaléidoscopiques du Mont. Bien sûr, souvent, la promenade ne se fait pas seul. Mais il n’est que plus touchant de voir combien des personnes, venues des quatre coins du monde, peuvent ainsi, en même temps, être impressionnées par la beauté du lieu. Le « pont passerelle », récemment inauguré, fait toute la différence avec le passé. Il a remplacé l’ancienne digue qui reliait le Mont à la terre ferme. Désormais, la mer peut enserrer totalement l’ilot rocheux. À quelques dizaines de mètres des remparts, ce pont s’abaisse d’ailleurs légèrement vers le niveau de l’eau. Lors des marées, la « Merveille de l’Occident » est ainsi véritablement dénuée de tout lien avec le continent. © Magazine L’a ppel - Frédéric ANTOINE SÉDUCTION. Personne ne résiste aux charmes du Mont. Sauvetage L’isolation du Mont a été réalisée en parallèle avec la régulation du débit du Couesnon, grâce à un nouveau barrage qui redonne assez de force au fleuve pour chasser les sédiments qui ensablaient la baie. Les gigantesques travaux entamés en 2005 visaient en premier lieu à régler ce problème et à supprimer les champs herbeux. Redevenu île, le Mont-Saint-Michel est désormais sauvé. Et, avec un peu d’effort, permet à ses visiteurs d’encore mieux en apprécier l’extraordinaire spiritualité. Frédéric ANTOINE Si l’on redoute de faire l’aller-retour à pied, rien n’empêche de prendre pour l’un des trajets le « Passeur », navette électrique gratuite qui fait le parcours en 12 minutes. Le parking est payant (à partir de 6,50 €). À côté des parkings, un centre d’information touristique explique les travaux réalisés. Vu l’affluence, il vaut mieux se rendre sur place tôt le matin… ou à la nuit tombée. Hors saison, une soirée au Mont, dans une atmosphère calme et silencieuse, est inoubliable. (Pratique : www.bienvenueaumontsaintmichel.com. Tourisme : www.ot-montsaintmichel.com) FEMMES ET HOMMES BENEDICT DASWA. Instituteur catholique sud-africain, il avait été battu à mort en 1990 pour s’être opposé à des pratiques de sorcellerie. Le 13 septembre dernier, il a été le premier martyr d’Afrique du Sud béatifié. TREVOR HARPER. En couple depuis neuf ans avec Davis Covin, il a profité d’une célébration dans l’église méthodiste unie d’Austin (Texas) où on lui avait demandé de prendre la parole pour y faire… une demande de mariage officielle à son compagnon. Trevor avait choisi ce lieu non seulement pour son cadre solennel mais surtout parce que cette Église américaine interdit les cérémonies d’union entre personnes de même sexe et refuse que ses prêtres en célèbrent. Pourtant, la demande de Trevor a été suivie d’une longue « standing ovation » de la part de toute l’assistance au culte. BÉCHARA RAÏ. Patri arche maronite chré tien du Liban, il a encouragé les manifestants du mouvement « Vous puez » en révolte contre l’impuissance de la classe politique du pays du Cèdre. JOSÉ BOVÉ. Après avoir lu les 190 pages de l’encyclique Laudato Si’ : « Cela m’a rajeuni car le contenu de cette encyclique m’a instantanément fait penser au choc que j’avais ressenti à la lecture Pacem in Terris, publié en 1963 par Jean XXIII. » ALEX COELHO. Curé de la paroisse SaintJean-Baptiste à Rio de Janeiro, il a recueilli plus de trente réfugiés syriens, musulmans pour la plupart. Logés et nourris grâce une ONG, ils les a invités à utiliser sa chapelle pour y réciter le Coran. L’appel 380 - Octobre 2015 Entre Normandie et Bretagne 15 L’appel 380 - Octobre 2015 16 Évangile à la Une Octobre Les Évangiles des dimanches ne sont pas des textes anciens et poussiéreux. Tous les jours, ils résonnent dans l’actualité. Des personnages peu ordinaires Dimanche 4 octobre Délit de faciès Dimanche 11 octobre Générosités « Quand je pense que je quitterai un monde qui ne sera pas aussi bon qu’à ma naissance, je me dis qu’il n’y a pas plus grand péché que de ne pas « S’il vous plaît, soulevez votre lui venir en voile pour la photo ! » À la de- aide. » Dans mande du photographe de une interview la cérémonie, la jeune mariée au magazine révèle son visage. À la même Fortune, Tim seconde, son mari s’exclame : Cook, PDG de Apple, a confié « Vous n’êtes pas celle que qu’il ferait don avant sa mort j’avais imaginée. Vous n’êtes de toute sa fortune, estimée pas la femme avec laquelle je à huit cents millions de dolveux me marier. Je suis désolé, lars. Depuis 2011, il a déjà mais je vous répudie. » Selon cédé cinquante millions de le quotidien local saoudien dollars aux hôpitaux de StanOkal, cette aventure s’est réel- ford (Californie) et a donné lement passée il y a quelques la même somme à Product mois dans la ville de Médine. Red, qui lutte contre le sida, le Les deux fiancés, sujets d’un paludisme et la tuberculose. mariage arrangé, ne se se- À l’origine de ces opérations raient jamais vus avant le jour de dons : Bill Gates et Warren des noces. Le comportement Buffet, qui ont créé le projet du marié a été vivement cri- « The Giving Pledge », destiné tiqué sur les réseaux sociaux. à convaincre les millionnaires On y a regretté que les jeunes de donner la moitié de leurs ne recherchent plus que le richesses à des organisations physique, et non la beauté caritatives. Tim Cook entend intérieure… aller bien au-delà. « Les pharisiens lui dirent : « Une seule chose te manque : “Moïse a permis de renvoyer va, vends ce que tu as et donnesa femme à condition d’éta- le aux pauvres ; alors tu auras blir un acte de répudiation.” » un trésor au ciel. Puis viens, suis(Marc 10, 4-5) moi. » (Marc 10, 21) Dimanche 18 octobre Pauvrissime Le 1er mars dernier, José Mujica a cédé sa place à la tête de l’Uruguay. Cependant, il restera pour toujours « le président le plus pauvre du monde ». Ancien guérillero Tupamaro reconverti dans la politique tout en gardant le cœur à gauche, il préfère aux costumes le polo et les bermudas et aux mocassins les sandales. Reversant 90% de son salaire à des œuvres caritatives, « Pépé » a toujours habité non au palais présidentiel mais dans une petite ferme, propriété de son épouse, dans la campagne hors de Montevideo. Sa seule possession personnelle est une auto : une VW Coccinelle de 1987 qu’un cheikh arabe avait voulu lui racheter un million d’euros. Mais il a affirmé que jamais il ne s’en séparerait. Son successeur à la présidence, Tabare Vazquez, un oncologue franc-maçon de 75 ans, n’est visiblement pas aussi détaché des biens matériels… « Ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres (…). Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. » (Marc 10, 42) Dimanche 25 octobre Ombre et lumière Serrer sa femme dans ses bras : cela a été le premier geste d’Allen Zderad. « Je la vois, c’est la plus belle », s’est écrié cet ancien chimiste de 68 ans vivant dans le Minnesota. Atteint de retinitis pigmentosa depuis vingt ans, Allen perdait la vue dix ans plus tard. Grâce au docteur Raymond Iezzi et aux chercheurs de la Mayo Clinic, et à l’implantation d’un œil bionique composé de soixante électrodes, il peut désormais percevoir par flashs des ombres et des formes, en noir et blanc. Un premier pas qui lui permet de discerner les contours de sa dulcinée, mais aussi la poignée d’une porte, ou de repérer combien de personnes sont autour de lui. Ou de découvrir, enfin, ses dix petits-enfants. « Jésus lui dit : “Que veux-tu que je fasse pour toi ?” L’aveugle lui dit : “Rabbouni, que je retrouve la vue !” » (Marc 10, 51) Frédéric ANTOINE Éclairage L’appel 380 - Octobre 2015 MESURES SÉCURITAIRES ET DROITS DE L’HOMME 17 Démocraties, réveillez-vous ! © Fotolia La vieille Europe, foncièrement acquise aux libertés et droits fondamentaux, est devenue, depuis la Seconde Guerre mondiale, terre d’asile et de refuge pour les personnes fuyant la guerre et la faim. Mais les attentats terroristes et les exactions islamistes de ces dernières années bouleversent les populations occidentales. Et les réactions sécuritaires qu’ils engendrent ébranlent les principes démocratiques. La célèbre formule de Saint-Just « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté » prononcée au temps de la Terreur, peut s’interpréter de différentes façons, jusqu’à réagir à la violence par la même violence ! Quelles sont les conditions de possibilité de conserver et même développer un système juridique démocratique jusqu’ici ouvert au monde et protecteur de valeurs universelles ? La question concerne tout citoyen non seulement responsable de soi et de sa communauté de vie, mais aussi, au plus profond de sa conscience, gardien de la destinée humaine. 18 Éclairage Pour un effet vaccinatoire ! « La force de la démocratie, explique François Ost, philosophe à l’Université Saint-Louis-Bruxelles, est d’accueillir l’expression de tous les dissensus et permettre un échange d’opinion absolument sans entrave. » Mais cette force omni-compréhensive et capable de tout absorber peut se retourner tragiquement contre ellemême. Entre peur et volonté de solidarité, comment un pays peut-il se défendre du terrorisme ? -Q © DR L’appel 380 - Octobre 2015 18 LA PEUR. Elle est dangereuse puisqu’elle est à l’origine du réflexe sécuritaire mais elle est doit être traitée. ue peut le droit par rapport aux C’est la peur de l’autre qui est à la racine tions fermes qui sont exécutées réellement mesures légales sécuritaires suscep- des phénomènes de rejet. Comme disait en jugeant les transgressions qui doivent tibles de menacer la démocratie ? le philosophe Schopenhauer : « La peur être punies. Et en même temps, ce droit – La base du problème est la peur, qui est la fonctionne comme les piquants du porc- moderne met en place des mécanismes de passion politique première comme le disait épic et elle nous éloigne les uns des autres. » solidarité et il est censé garantir le respect le philosophe Thomas Hobbes. Cette peur Une loi belge de 1971 réprime les mani- des droits fondamentaux. est dangereuse puisqu’elle est à l’origine festations de xénophobie dans laquelle le du réflexe sécuritaire. Mais il faut la prendre mot phobie signifie « peur ». La peur de – Cela suffit-il pour ne pas mettre les démoau sérieux, ne pas la minimiser. Et dans l’étranger, de l’autre. Or, comment conju- craties en danger ? les démocraties, il convient de la – On peut rappeler qu’après les traiter de façon raisonnable. De « Le droit est moins sublime que les idéaux grandes dérives totalitaires de la e ce point de vue-là, le droit est un éthiques et moins cynique ou plus civilisé moitié du XX siècle (aussi bien fasinstrument pertinent parce que, cistes que marxistes), nous avons que les rapports de force politique. » d’une part, il dispose d’éléments appris que la démocratie était vulde contrainte et même de sancnérable et pouvait être dénaturée tion, et d’autre part, au moins dans les États rer cette peur sinon en allant vers l’autre par des tricheurs, c’est-à-dire par des gens de droit, il fait profession de respect des et en en prenant connaissance. Tant que qui abusent des droits et des libertés en les droits fondamentaux et de respect des per- l’immigration ou la religion musulmane détournant de leur finalité. Dans l’aprèssonnes. C’est cet équilibre-là qu’il convient sont des chiffres ou des statistiques, on guerre nous avons dû nous accommoder de maintenir dans les périodes de crise. Les ne peut pas créer un climat de confiance. de mécanismes qui, dans des conditions digues sont faites pour les périodes de crue Ce n’est qu’en mettant des visages ou des restrictives, pouvaient limiter les liberet c’est dans les moments de danger ou de histoires sur ce phénomène de société, tés publiques de ceux qui pouvaient être passion exacerbée que ces garanties juri- donc en ayant vu des personnes, que l’on convaincus de détourner la démocratie diques sont précieuses. pourra susciter un climat de confiance qui de ses fins. C’est un choix très douloureux est nécessaire à la création des solidarités. pour les démocrates parce qu’ils sont ainsi – Le droit vient-il au secours de la morale ? obligés de réduire les libertés et donc de – Le droit ne doit être identifié ni à la – À qui revient ce rôle de susciter une res- restreindre, en quelque sorte, l’ambition morale ni à la politique. J’ai coutume de ponsabilité civique ? qui nous reste de la démocratie dont ils dire que le droit est moins sublime que – C’est une responsabilité collective. Je auraient pu croire qu’elle pouvait venir à les idéaux éthiques et moins cynique crois beaucoup au rôle des associations et bout de tout. J’appelle ce mécanisme de ou plus civilisé que les rapports de force des collectifs de toutes sortes pour créer restriction des libertés une stratégie « vacpolitique. C’est cet équilibre précieux cet état d’esprit. Nous voyons aujourd’hui cinatoire ». En effet, les démocraties sont qui doit être sauvegardé. Autrement dit, en Belgique une mobilisation citoyenne obligées de s’inoculer un tout petit peu il faut se garder d’angélisme et prendre autour de l’accueil des migrants. Mais les du virus qui les menace pour conjurer un au sérieux, et donc ne pas trop vite dis- pouvoirs publics ont évidemment leur rôle déferlement de ce virus. Autrement dit, on qualifier, les réactions de peur manifes- à jouer, notamment en soutenant ces asso- prend des mesures de réduction de liberté tées par certaines parties de la popu- ciations, et en développant au plan symbo- à l’égard de ceux qui menacent la liberté. lation, même si elles nous paraissent lique un discours à la fois solidaire et réa- Bien entendu, j’ajoute immédiatement excessives ou déraisonnables. Donc je liste. Il ne sert à rien d’exprimer des paroles que le recours à ces mesures de liberté pense qu’il revient à chacun, notamment de générosité abstraite en ne prenant pas doit rester très exceptionnel et s’opérer en aux responsables politiques, de restau- au sérieux les angoisses suscitées par les permanence sous le contrôle des cours et rer un climat de confiance au sein de la faits divers que nous connaissons. Le droit tribunaux, à commencer par la Cour eurosociété et particulièrement à l’égard de des États de droit moderne permet de tra- péenne des droits de l’homme. sa composante la plus récente, la fraction vailler sur les deux fronts. Il juge dans des récemment immigrée de la population. délais raisonnables, prend des condamnaPropos recueillis par Godelieve UGEUX Éclairage L’appel 380 - Octobre 2015 ENTRE IDÉOLOGIES, VÉRITÉS ET DOCTRINES Échapper au piège d’une vision manichéenne Deux auteurs, Raphaël Glucksmann et Michel Terestchenko. Le premier est réalisateur et essayiste, le second est universitaire et philosophe. Leurs recherches les conduisent à s’interroger à la fois sur l’extrême-droite souverainiste, sur la violence des extrémismes se réclamant de l’islam et sur la démocratie occidentale menacée. De quoi provoquer quelques réflexions utiles afin de lancer le pari de l’entente entre les peuples. «J amais, depuis 1945, la démocratie libérale ne fut si contestée au cœur même d’un Occident qui devait en assurer le triomphe planétaire », écrit Raphaël Glucksmann dans l’introduction de son livre Génération gueule de bois. Manuel de lutte contre les réacs. Son constat : une vague réactionnaire a opéré un basculement de l’Europe qui s’est endormie dans son confort. Pendant que les élites politiques laissaient faire, les garde-fous protecteurs de la démocratie libérale ont disparu. Les anti-européens, souverainistes, ultra-conservateurs, xénophobes, et autres partis doctrinaires à tendance identitaire ont conduit l’extrême droite aux portes du pouvoir. Dans cet essai pour extraire l’Europe de son endormissement, Raphaël Glucksmann tire la sonnette d’alarme suite aux attentats de Paris et à ses diverses expériences au Rwanda, en Tchétchénie, en Géorgie (où il fut pendant cinq ans le conseiller spécial anti-corruption du président Saakhachvili) et en Ukraine, pendant la révolution de la place Maïdan. Ce remuant essayiste a retrouvé l’écriture pour faire état de ses observations, expériences et réflexions sur les révolutions et contre-révolutions du XIXe siècle. Il explique que la démocratie ne se résume pas à prendre le pouls du peuple ou à des débats techniques. C’est un perpétuel devenir, une construction. Raphaël Glucksmann termine son pamphlet par une critique de l’élite européenne, consentante de sa propre déchéance, et en appelle aux citoyens « pour réapprendre à dire et à vivre les idéaux qui constituent nos sociétés et nos démocraties, à concevoir et promouvoir la manière dont nous voulons vivre ». Le piège de la violence Le titre du livre de Michel Terestchenko, L’ère des ténèbres, donne froid dans le dos ! Le philosophe y présente la spirale de haine entre deux systèmes antagonistes liés au terrorisme islamiste. D’une part, la subversion de l’islam traditionnel en violence extrême. D’autre part, les politiques mises en œuvre au nom de « la guerre contre la terreur ». Ces dernières contreviennent non seulement aux valeurs démocratiques et aux principes éthiques les plus élémentaires, mais sont assorties de mesures sécuritaires remettant en cause les libertés fondamentales. C’est une lutte à mort où chaque camp prétend incarner le Bien et voit en l’autre la figure du Mal. Dans cet essai très documenté, Michel Terestchenko demande des comptes aux dirigeants américains pour leurs pratiques de traitements humiliants et de tortures, pour les frappes et les drones armés… Mais l’auteur s’intéresse également à l’une des principales figures de l’islamisme radical qu’a connu le monde arabo- musulman après la 19 Seconde Guerre mondiale : Sayyid Qutb. Ce doctrinaire est parvenu à imposer une idée du jihad à l’intérieur même du monde islamique en en faisant une arme à utiliser contre les musulmans autant que contre les infidèles. « Le projet qutbien, explique Michel Terestchenko, opère une déterritorialisation qui ignore les frontières de la citoyenneté et la distinction entre le national et l’étranger, élargissant la sphère de la souveraineté divine à la terre tout entière et à tout homme quel qu’il soit. » Personne n’échappe donc au combat sacré ! On se trouve devant une confrontation d’ordre métaphysique ! Il est donc grand temps de mettre fin à la guerre déclarée qui depuis le 11 Septembre a coûté en vain quatre trillons de dollars aux USA et provoqué un désastre mondial. Il est urgent de revenir aux règles de droit et d’ouvrir des voies de compréhension réciproque. « Le terrorisme islamiste est en réalité un test de résistance des démocraties, de leur capacité à lutter contre ces agressions furieuses tout en restant fidèles à leurs principes. » écrit encore Terestchenko. Comme alternative possible aux ténèbres d’aujourd’hui, l’auteur propose alors, avec simplicité, un pari convivialiste. Godelieve UGEUX Raphaël GLUCKSMANN, Génération gueule de bois, France, Allary Editions, 2015. Prix : 19,40 € -10% = 17,46 €. Michel TERESTCHENKO, L’ère Des Ténèbres, Lormont, Le bord de l’eau, 2015. Prix : 17 € -10% = 15,30 €. 20 Éclairage LE CREDO DE « JUSTICE ET PAIX » Aider à surpasser la peur de l’autre Dans une époque tiraillée entre replis frileux et élans de solidarité, les grands idéaux sont-ils toujours porteurs ? Analyse avec Santiago Fisher, porteur de projets de solidarité et de paix à la commission Justice et Paix. -V ous êtes investis dans les grands idéaux de paix. Avez-vous l’impression qu’ils sont toujours porteurs ? Ne semblent-ils pas battus en brèche par un repli frileux et par un pragmatisme réaffirmant que, face à la crise actuelle, il y a plus urgent ? – Il est vrai que l’on rencontre des personnes, même parmi ses proches, tentées par des replis frileux alors que notre système de solidarité et de justice construit par la Sécurité sociale est fragilisé dans notre propre pays. En revanche, beaucoup de volontaires viennent trouver Justice et Paix et ont le désir de s’engager pour réaliser des choses pour construire un monde plus juste et plus solidaire. Mais si la solidarité émotionnelle est nécessaire, et on en a vu une illustration après la photo de ce petit enfant syrien, cela ne suffit pas. Il est nécessaire d’inscrire cette réaction dans un engagement concret et de longue durée. Voir n’est pas tout, il faut aussi juger et agir comme le préconisait Cardijn, fondateur de la JOC. S’il y a des brèches dans le système de sécurité sociale, dans les mesures du gouvernement actuel, il y a aussi beaucoup de personnes qui se lèvent pour dire non. Pas seulement les grands mouvements organisés tels que les syndicats, mais aussi des citoyens conscients, des mouvements associatifs porteurs de projet pour un monde solidaire et juste donnant à chacun sa place. On voit un fort désir de remettre l’être humain au centre de toute préoccupation politique, économique et sociale. Une économie, une société où les personnes, y compris les plus faibles, n’ont pas leur place n’est pas viable. Elle ne peut amener que violence et injustice. Il s’agit donc de mettre en œuvre des décisions politiques qui tiennent dans la durée et qui ont des perspectives de projet de société plus solidaire et plus juste. Le politique doit voler plus haut que le citoyen. Son rôle, n’est pas de suivre ce qui se dit dans l’émotion mais de dessiner des perspectives possibles pour que la situation se trans- DÉMOCRATIE FRAGILE. forme. Le politique Une société qui ne donne pas de places à ses membres, ouvre le chemin à toutes les dérives possibles. doit se mettre audessus de la mêlée. Le rôle d’un politique cette période de crise, l’alternative c’est le ce n’est pas d’installer la peur. repli sur soi ou regarder la réalité bien en face. On se pose alors la question de ce – Pourquoi les politiques sont-ils toujours qu’il faut faire pour changer ces situations dans le court terme et ne semblent pas oser qui provoquent les injustices et les pause poser les questions de changement de vretés. La crise peut aussi provoquer des système économique ? sursauts de solidarité. Mais actuellement, – La démocratie est certainement le meil- on répond par l’austérité en rendant les leur système qu’on connait mais il a été pauvres encore plus pauvres. parfois dévoyé. L’optique du court terme – Mais comment répondre aux peurs sans « La crise peut aussi provoquer faire des discours ? – En aidant à surpasser la peur de l’autre. des sursauts de solidarité. » Nous le faisons avec d’autres organisations comme Pax Christi. Nous constaest liée à la réélection. Mais si le politique tons que le pape François ose affirmer a peur de venir avec des idées de solida- clair et fort qu’un monde qui investit rité et de justice sociale, il se saborde lui- uniquement dans l’économique est mormême. Les changements de perspectives tifère et qu’il est temps que les chrétiens peuvent insuffler une nouvelle démarche se bougent. Il vient aussi d’inviter toutes qui sera profitable pour tous. Sur un les paroisses, communautés religieuses moyen et un long terme, les messages à accueillir dans leurs locaux des familles de solidarité et de justice sociale peuvent de réfugiés. C’est prophétique. Sera-t-il rendre de l’espérance. À une condition : suivi ? Ses prises de paroles dépassent en c’est que ces messages soient réellement tout cas largement le monde chrétien. mis en œuvre et qu’ils remettent vraiment au centre la personne humaine. Dans Propos recueillis par Paul FRANCK Justice et Paix La commission Justice et Paix a été fondée par le concile Vatican II. Toutes les Commissions ont une autonomie dans la région où elles ont été créées. Mais il y a un lien entre toutes les commissions Justice et Paix d’Europe. Cela permet d’internationaliser les questions qui se posent dans chaque pays et, parfois, de voir comment mener des actions de sensibilisation commune. © Stop répression Facebook. L’appel 380 - Octobre 2015 20 Vu Offrir un accueil plus humain Le vendredi 28 août, comme c’est le cas depuis plusieurs semaines, des centaines de réfugiés font la file devant l’Office des étrangers à Bruxelles. Beaucoup ont déjà passé plusieurs nuits sur les lieux, à la belle étoile, pour avoir la chance d’être en début de file et de repartir avec un numéro de dossier et une place d’accueil dans un centre Fedasil. Autour d’eux la solidarité des citoyens s’organise avec générosité. « J’étais étranger et vous m’avez accueilli… » Un jouet en signe de bienvenue Un enfant belge est venu donner son jouet à un autre gamin. Entre eux, pas besoin de mots, parce que l’autre n’est pas un étranger, juste un enfant. L’appel 380 - Octobre 2015 devant l’office des étrangers 21 Vu L’appel 380 - Octobre 2015 22 La file d’attente n’est qu’un début Parmi les candidats, beaucoup de femmes et d’enfants. Cette femme espère que son bébé pourra naître en sécurité dans un pays libre. Mais le chemin est encore long et les obstacles nombreux. La sélection est terrible et beaucoup recevront un ordre de quitter le territoire. Soulager la détresse Élie Andersen a 16 ans et une conscience politique déjà bien mûrie. Pour lui, il est humain et normal d’être là. « Je ne pouvais pas rester dans mon confort et me dire : C’est bien fait pour eux ! Ces gens ont vécu des choses atroces, je voudrais les aider et leur offrir un peu de chaleur humaine. » Vu 23 L’appel 380 - Octobre 2015 Organisation chaotique Le vendredi est jour de tension. Si les candidats n’obtiennent pas le précieux « laissez-passer », ils risquent de passer tout le week-end dehors ou dans des abris de fortune. Les vigiles tentent de faire le tri entre les prioritaires et les autres. Des citoyens présents sur les lieux assurent heureusement la traduction des consignes. Appel à la solidarité Les réfugiés arrivent à Bruxelles après avoir tout abandonné. Le voyage a été éprouvant et même souvent traumatisant. Des citoyens se sont rassemblés pour offrir des crêpes, des gâteaux, du café ou du thé, de quoi adoucir quelque peu l’épreuve. Suite du reportage photos sur : www.facebook.com/bertrandvandeloisephotography Textes : Jean BAUWIN - Photos : Bertrand VANDELOISE Rencontre Marion Muller-Colard L’appel 380 - Octobre 2015 24 « Dieu est l’avocat de ma plainte » Marion Muller-Colard, théologienne protestante, vient d’être récompensée par deux prix prestigieux pour son essai L’autre Dieu. Elle y raconte comment elle a accompagné avec courage son bébé gravement malade, avant de sombrer elle-même dans le chaos intérieur. Comme Job, à qui l’on avait tout donné avant de tout lui reprendre, elle crie sa souffrance et découvre un autre Dieu, un Dieu qui se dépense sans compter aux côtés de l’homme pour l’aider à porter sa plainte. © Labor-Fides la théologie, parce que c’était comme la philosophie avec la foi en plus. La théologie est une branche spécialisée de la philosophie, à moins qu’elle n’en constitue le tronc. Je suis donc allée étudier à Strasbourg. – Et puis l’hébreu à Jérusalem ? – L’hébreu a été un vrai coup de cœur. C’est la langue de la liberté et du jeu, qui permet une multitude d’interprétations. C’est ce qui fait que le judaïsme ne peut pas être fondamentaliste, par la nature même de sa langue. Et puis l’étude de cette langue, qui se lit de droite à gauche, demande une vraie conversion, un lâcher-prise par rapport à nos représentations. Il faut se laisser modifier par l’étrangeté de cette langue pour en goûter la poésie. Il y a une forme d’espièglerie dans l’hébreu. vécu reprend le dessus sur l’amertume de ce qu’a été la perte. – Heureusement, votre enfant guérit. Mais pour vous, c’est moins évident. – J’avais tout pour être heureuse, c’était l’été de la résurrection de mon fils et c’est à ce moment-là que j’ai tout perdu, que la plainte m’a sauté à la gorge. Rien ne pouvait expliquer cette chute, mais il se fait que j’ai sombré dans une dépression, dans un no man’s land difficile à décrire. Le sens se dérobait, je me voyais tomber sans pouvoir me raccrocher à quoi que ce soit. J’étais une incompréhension totale pour moi-même et pour mes proches. – Aujourd’hui, pouvez-vous expliquer cette – Dieu se découvre-t-il par les sens ? plongée dans le chaos ? – Oui, vraiment. Dieu est indissociable de – C’était en fait le contrecoup de la la joie et de ces sensations-là. Pour moi, menace. On croit mener sa vie comme c’est la foi la plus juste de ma vie, un jeu. Et vous savez, quand et plus tard, j’ai mis du temps les autres ne respectent pas les à retrouver cette foi simple « Accepter que ce qui nous arrive n’ait pas règles, on crie « Pouce ! » et on de petite fille que j’appelle la de sens, c’est un acte plein de sens. Il faut arrête le jeu. La vie n’avait pas grâce. La grâce, c’est la joie toute respecté les règles avec moi. Elle simple d’être au monde et que pouvoir intégrer l’absurde dans nos vies. » m’avait plongée dans une situapersonne ne peut nous prendre. tion de violence extrême. C’est intolérable de voir souffrir ceux – Pourtant, vous allez devenir athée. – D’où vous vient cet intérêt pour le Livre que l’on aime sans rien pouvoir faire pour – Pendant quelques années, par identi- de Job ? les aider. Et dans le cas de mon bébé, nous fication avec ma maman, qui était farou- – Pendant mes études, il m’arrivait de n’avions même pas le langage pour comchement athée. Mon père était protes- faire des remplacements en milieu hospi- muniquer. Alors, c’est comme si j’avais dit tant, fils de pasteur, et un peu timide dans talier. C’est là que j’ai rencontré une vieille « Stop ! J’arrête de jouer. » Sauf que la vie l’expression de sa foi. Je n’ai pas été bibe- dame en souffrance, qui était dans une n’est pas un jeu. Il faut donc accepter que ronnée à l’Évangile, mais il se fait que, plainte terrible. En l’écoutant, j’ai pensé à la vie n’ait pas de règles. dans ma rue, j’étais encerclée par des pro- Job et je lui ai lu des extraits de ce livre. J’ai testants et toutes mes copines l’étaient. vu son visage s’illuminer. Pour la première – Et puis vous parvenez à vous ré-arrimer Alors, plutôt que de rester seule le mer- fois, on ne cherchait pas à minimiser sa au réel ? credi à m’ennuyer sans elles, je les ai sui- plainte, à la relativiser ou à la détourner. – Ce fut un long combat et un énorme travies au catéchisme. D’autres voisins m’ont Elle se sentait rejointe et soulagée. Celui vail spirituel. Il m’a fallu accepter que Dieu emmenée dans des camps de jeunes. qui est en souffrance ne demande qu’une ne soit pas le garant de ma sécurité, mais Tous ces gens avaient une façon de vivre chose : c’est qu’on la supporte avec lui. comme avec Job, il s’est plutôt fait l’avoet d’être avec les autres qui me donnait cat de ma plainte. La dépression naît de la envie de savoir d’où ça leur venait. Ils – Et cette souffrance, vous allez la connaître tentative de donner du sens à ce qui n’en m’ont donné la soif de l’Évangile. a pas. Accepter que ce qui nous arrive n’ait vous aussi… – À la naissance de mon second fils, Félix, pas de sens, c’est un acte plein de sens. Il – Au point d’entreprendre des études de j’ai vécu deux mois merveilleux. Rien ne faut pouvoir intégrer l’absurde dans nos théologie ? laissait présager un problème de santé. vies, alors que la religion l’exclut à tout – J’ai toujours aimé les lettres et la phi- Et comme il fronçait souvent les sour- prix. La religion a construit autour de Dieu losophie. En terminale, je me suis posé cils, je lui disais : « Tu as l’air étonné, mais un système rétributif, mais Job refuse de beaucoup de questions sur la foi et après je ne vais pas te contredire, la vie est éton- jouer ce jeu-là. Il enterre ce Dieu qui garanun long temps de côtoiement avec mes nante. » Et soudain, un virus respiratoire tit le sens, et révèle un Dieu qui se fait le voisins protestants, j’ai été amenée à me obstrue ses poumons et l’asphyxie. Il porte-parole, l’avocat de sa plainte. Je me convertir. À la fin de cette année-là, le est réanimé en urgence et commencent suis faite l’amie de Job pour essayer d’enmême mois, j’ai passé le bac, le permis et alors de longs jours d’incertitude quant visager un autre Dieu qui promeut notre le baptême. Je crois que j’ai réussi les trois. à sa survie. Je trouve même le courage courage d’être, en dépit de la menace. (Rires.) J’étais parée pour la vie d’adulte. de lui dire qu’il pouvait mourir, que tout J’aime cette façon que les protestants ont était déjà accompli : « Ce qui est sublime, – C’est lui que vous appelez « l’autre Dieu » ? d’être proches de l’Évangile, sans inter- c’est que tu sois né. » On réussit son deuil – Oui, c’est le Dieu de la grâce, du saisismédiaire. Je me suis donc tournée vers au moment où la joie de tout ce qui a été sement, le Dieu créateur qui a lutté contre 25 L’appel 380 - Octobre 2015 -M arion Muller-Colard, vous êtes née à Marseille dans une famille où la religion ne faisait pas l’unanimité. Comment vous est venue la foi ? – Je me souviens que, toute petite, j’étais profondément croyante. J’avais le sentiment d’une transcendance, d’un être supérieur. La jouissance simple de courir pieds nus, de grimper dans les arbres, de contempler un paysage ou le jour qui décline, de goûter à la saveur des choses, tout cela était animé et ne pouvait pas être le fruit du hasard. Je ne me posais même pas la question. Il y avait, pour moi, une intention lumineuse et généreuse derrière ce monde. Rencontre L’appel 380 - Octobre 2015 26 Rencontre le chaos pour que nos vies adviennent. Un Dieu qui est honoré que nous puissions jouir de la vie, en dépit de la souffrance. C’est le Dieu de la joie imprenable, mais je le dis avec beaucoup de prudence et d’humilité, parce que cette invitation permanente à la joie n’est pas donnée, elle est souvent un combat. Mais c’est aussi le Dieu de Jésus. Dans l’épisode de l’aveugle-né, les disciples, héritiers de ce système rétributif, demandent à Jésus qui a péché pour qu’il soit né aveugle. Jésus déplace complètement le problème, il ne pose pas la question du « pourquoi ? », mais du « pour quoi faire ? » Une amie, malade du cancer, a eu un jour une belle image pour exprimer cela. « On ne sait pas pourquoi on tombe malade, c’est comme quand on se trompe de chemin, on ne se trouve pas là où on voulait aller, mais maintenant qu’on y est, regardons le paysage. » C’est le Dieu du bonheur d’être là. Je me souviens aussi d’une vieille dame qui était dans une situation très critique. Alors que je lui disais : « Ça doit être difficile ce que vous vivez ! », elle m’a répondu : « Pire que mourir, ça n’arrivera pas ! » et elle a éclaté de rire. Ces moments-là, j’ose le dire, sont des moments de pure grâce. – Revenons quelques instants à la plainte. Dans votre ministère d’aumônier, vous l’avez souvent entendue. – Oui, et il faut laisser de la place à la plainte pour l’écumer, la dépasser et pouvoir ressortir de sa grotte. À l’hôpital où j’ai exercé ce service durant plusieurs années, j’ai fait l’expérience du désarmement. Je me suis souvent retrouvée au cœur de la vulnérabilité, là où il n’est pas possible de se déguiser, de tricher. On se trouve devant quelqu’un sans pouvoir lui apporter de solution. On est dans le dénuement le plus complet. Et c’est quand on a fait cet aveu d’impuissance qu’une relation peut démarrer en vérité, parce que l’autre sait qu’on ne peut rien pour lui. Ces moments d’authenticité sont des moments de pure humanité. – Un jour, votre papa vous a tendu la Bible en vous disant : « Tiens, c’est un livre pour combattre la peur. » Et vous, que diriezvous à vos enfants ? – Je leur dirais que c’est le livre de la vie concrète et complète. Tout y est. Je vais vous faire un aveu : je suis amoureuse de Jésus comme une petite fille pourrait l’être de son maître d’école. J’ai une adoration profonde pour le Christ. Il est celui que je ne connaîtrai jamais pleinement et pourtant il a pris corps comme on prend au sérieux celui qu’on va rencontrer. Avec Jésus, Dieu prend l’humanité au sérieux. Jésus, c’est un révolutionnaire dont la révolution a été étouffée par ceux-là mêmes qui ont prétendu le suivre. C’est celui à qui nous allons parce qu’il a les paroles de la vie éternelle, mais aussi les paroles de la vie contemporaine. Cette modernité de la Bible et des Évangiles est fascinante. – Vous vous intéressez beaucoup à Freud, à qui vous avez d’ailleurs consacré un livre pour enfants. – J’ai souvent animé des ateliers pour enfants au sujet de Freud. Peut-être parce que ça m’a manqué quand j’étais moimême enfant. Cela m’aurait fait du bien qu’on m’explique que mes rêves violents n’étaient pas graves, qu’avoir des envies était normal. C’est tout cela que j’ai voulu leur expliquer. « Avec Jésus, Dieu prend l’humanité au sérieux. » – La psychanalyse est-elle conciliable avec les Évangiles ? – Complètement. Jésus est peut-être même le premier psychanalyste. Quand il rencontre un malade, il lui demande : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Très souvent quand il guérit, il convoque la parole de l’autre : « Dis-moi qui tu es, ce que tu veux, ce que tu désires. » En fait, l’Évangile et la psychanalyse proposent le même chemin : abandonner le moi pour faire surgir le je, le sujet. Quand on se rend compte que l’on est traversé par plus grand que soi, il faut faire place, en soi, à une autre parole que la sienne et cela, je peux vous le dire, ça rend libre. – Et vous avez écrit aussi un autre livre sur Hannah Arendt. – Freud, c’était pour le versant intime de Dieu. Avec Hannah Arendt, je découvre le versant politique. Ce qui la préoccupe, c’est comment partager autour de soi quelque chose qui est de la transcendance, qui a été reçu d’en haut ? De même, Jésus ne garde pas la révélation pour luimême, il la redistribue dans l’humanité. Il n’en fait pas de mystère. Hannah Arendt est très critique contre la philosophie de terrier, elle est sur le terrain, comme Jésus l’était. Pour elle, penser, c’est agir. Elle croit au recommencement toujours possible par les révolutions. Cette foi en l’infinie possibilité de recommencement est évangélique. – Aujourd’hui, vous avez mis entre parenthèses votre ministère d’aumônerie pour vous consacrer à l’écriture. – Oui, mais l’écriture est un autre ministère. Elle est le fil rouge de ma vie, mon troisième poumon, ma façon de prier. Elle me permet de redonner ce que j’ai absorbé comme une éponge, ce que j’ai reçu, notamment dans ces rencontres à l’hôpital. L’histoire de mon fils, que je raconte dans L’autre Dieu, n’a d’intérêt que si elle peut rejoindre d’autres personnes. C’est en fait une parabole, j’y parle de moi pour parler de chacun. – L’œcuménisme vous préoccupe-t-il ? – Ce n’est pas mon cheval de bataille et je ne m’intéresse pas à l’appartenance religieuse de celui qui est en face de moi. Je vis avec un homme athée qui a tout compris à l’Évangile. Les valeurs de l’Évangile sont universelles et on ne peut faire l’économie d’y revenir. C’est pourquoi je ne suis pas inquiète pour l’Évangile, je le serais plutôt pour l’Église. Mais c’est une grande joie quand je peux vivre des rencontres œcuméniques vraies. L’essentiel est que ce ne soit pas un œcuménisme de bas prix, un œcuménisme de tolérance qui passe par la relativisation de nos différences. Ce doit être un œcuménisme de l’amour et de l’amour de nos différences. L’uniformisation me fait peur, elle ne m’intéresse pas. Et même si on y parvenait, l’altérité se déplacerait ailleurs. L’altérité est nécessaire et il est bon qu’elle soit partout. Dans l’œcuménisme, je demande un respect réciproque. Cela n’a pas toujours été possible, mais à cet égard le pape François est une bénédiction. C’est le pape préféré des protestants. (Rires.) Je préfère des catholiques qui restent catholiques et qui réforment ce qui doit être réformé dans leur religion, à des catholiques qui deviendraient protestants. C’est merveilleux quand on peut échanger les uns avec les autres avec la conscience de ce qu’on peut s’apporter mutuellement. Propos recueillis par Jean BAUWIN Marion MULLER-COLARD, L’Autre Dieu. La Plainte, la Menace et la Grâce, Genève, Labor et Fides, 2014. Prix : 14 € -10% = 12,60 €. Ça se vit Simple comme un WEP Chaque année, durant les vacances de Carnaval, une équipe de laïcs du secteur des paroisses de Petigny-Viroinval organise un week-end ouvert à tous. Une manière de faire communauté sans chichis ni querelles de chapelles… E n 2015, ce sont les Bénééquipe de laïcs se réunit pludictins de Wavreumont sieurs fois les mois qui précèdent qui ont accueilli le « Weekle séjour. « Nous avons observé End en Paroisses » (WEP) une constante au fil des éditions, du secteur de Petigny-Viroinval. raconte Yves : le WEP est d’autant Une quarantaine de participants, plus riche que les activités sont proâgés de trois à quatre-vingts ans, posées et préparées par les particiétaient présents à ce rendez-vous pants eux-mêmes. Cela donne des annuel organisé depuis une quinchoses très diverses et très surprezaine d’années. Le concept ? Un nantes. Par exemple, un ciné-débat, séjour communautaire et interdes ateliers pain, danses sacrées ou © Magazine L’appel - Guillaume Lohest générationnel, ouvert à tous. De modelage en terre, des partages l’aveu des participants, le « WEP » Expérience communautaire. d’évangile, des jeux de société, un Générations diverses et sensibilités multiples : a davantage en commun avec deux grandes richesses des Week-ends en Paroisses montage audiovisuel sur le chapeun petit camp scout qu’avec une let, la conférence d’un étudiant sur austère retraite en silence. « À l’origine, se Jean à Libramont ont notamment accueilli les expériences de mort imminente… Cela souvient Yves, l’un des piliers de l’équipe le WEP. Étonnant, quand on connaît les dépend vraiment des apports des particiorganisatrice, il y avait une simple retraite très diverses sensibilités de ces commu- pants. » À côté de ces activités organisées, pour les jeunes qui se préparaient à faire nautés et la trajectoire particulière, fran- les tâches sont partagées. Vaisselles, ranleur profession de foi à Petigny. S’est posée chement progressiste, de la paroisse de gement, nettoyage, chacun prend sa part. la question de l’élargir aux parents de ces Petigny ? Pas tant que cela… Au sein de jeunes, et c’est finalement l’ensemble des l’équipe organisatrice, on insiste : « Ce Simplement communautaire paroissiens qui a été invité à se joindre à qui fait la richesse de ces moments vécus l’aventure. Paroissiens est un grand mot, ensemble, c’est le lien entre des personnes Vu de l’extérieur, ce Week-End en car tout le monde y est le bienvenu… extrêmement différentes, en âge, en idées, Paroisses peut s’assimiler à une banale Aujourd’hui, cela n’a plus rien à voir avec les en manières de vivre leur foi, leurs doutes. retraite de groupe qui aurait la particulaprofessions de foi, c’est plutôt l’occasion de Certains sont dans le spirituel, la réflexion, rité de jouer à fond la carte de la diversité vivre un moment communautaire. Quand d’autres tout à fait dans le concret. Il y en a des générations. Vécu de l’intérieur, pourles paroisses ont été réorganisées par sec- qui voudraient révolutionner l’Église tandis tant, le WEP semble laisser une trace chez teurs, nous avons naturellement élargi que d’autres la défendent bec et ongles… les participants qui se laissent toucher l’initiative, qui est de toute façon grande Bien sûr, il y a parfois des divergences, mais par une évidence toute simple : l’expéouverte. » cela nous a toujours amenés à faire primer rience communautaire, même très brève, le lien au-delà de tout le reste. C’est une est irremplaçable. Elle dégage une énerLes liens au-delà de tout petite expérience d’Église, intense, pendant gie, redonne du sens et du souffle, pour trois jours. » quelques mois, à ceux qui s’en retournent Chaque année, le thème et le lieu d’accueil dans leurs quotidiens chargés ou dans changent. Les frères maristes à Habay-la- Une préparation en équipe leurs paroisses clairsemées. Jusqu’au WEP Vieille, le Verbe de Vie à Fichermont, les suivant. Spiritains à Gentinnes, l’ermitage Saint Selon les années, les activités qui comWalfroy près de Sedan, les frères de Saint- posent un WEP peuvent varier. Une Guillaume LOHEST L’appel 380 - Octobre 2015 En paroisses 27 Eh ben ma foi RÉFUGIÉS L’appel 380 - Octobre 2015 28 Le pouvoir d’une photo La photo du corps du petit enfant syrien échoué sur une plage turque est le symbole de toutes les tragédies humaines vécues par les réfugiés. E n 1972, alors que la guerre du Vietnam durait depuis 17 ans et que tous les mouvements d’opposition en Amérique semblaient sans effet, apparut soudain une photo qui montra toute l’horreur de cette guerre : c’était celle d’une petite fille vietnamienne toute nue, les bras étendus comme en croix, le corps brûlé par une bombe au napalm, qui s’enfuyait sur la route. On connut plus tard son nom. Elle s’appelait Kim Phuc. Cette photo eut un tel effet sur les consciences que ce fut le début de la fin de la guerre du Viet Nam. L’attention était déplacée. La guerre n’était plus une question d’équilibres géopolitiques ni même de soldats américains revenant dans des cercueils, mais bien de la mort cruelle de personnes innocentes, y compris des enfants. Icône et sacrement La photo du petit enfant syrien de trois ou quatre ans, échoué récemment sur une plage de Bodrum en Turquie, a eu un effet semblable sur les consciences. Cette photo du petit Aylan Kurdi a une valeur d’icône, de symbole, et même de sacrement. Elle exprime toute la vulnérabilité de ces foules qui fuient l’horreur de la guerre et de la misère. L’une des transformations culturelles de notre époque, qui a affecté toutes les cultures, est que l’on est de moins en moins sensible aux gestes symboliques inventés par les hommes (y compris les symboles liturgiques), mais de plus en plus sensible à la valeur symbolique des événements de la vie. La photo du petit Aylan dans toute sa vulnérabilité possède une énorme force symbolique. Déjà, dans les médias, le langage a rapidement changé. On parle de moins en moins de « migrants » qui nous assaillent, mais de réfugiés – ce qui est plus proche de la réalité bien que le mot ne soit pas juste. Ces milliers de personnes qui risquent leur vie pour passer en Europe fuient la guerre. Ils fuient « nos » guerres. Des guerres qui, sous le prétexte de renverser des dictateurs, ont avant tout pour but de maintenir un équilibre économique et géopolitique qui protège nos privilèges. Changement de perspective De toute façon, cette photo du petit Aylan, comme celle de la petite Kim, il y a plus de quarante ans, a déjà opéré un changement de perspective. Nous ne sommes plus confrontés à des flots de migrants, ni à des barques en périls, ni à des camps de réfugiés, mais à des êtres humains, dans toute leur individualité et leur fragilité. Les économistes calculent le coût de cette vague migratoire ; les politiciens en calculent les retombées électorales ; les ethnologues la comparent avec celles du passé et les philosophes, à la suite de Derrida, parlent d’hospitalité inconditionnelle qui s’impose, tout en la reconnaissant impossible. Le pape François, considérant cette scène avec des yeux de miséricorde, ne se perd pas en théories. Il appelle tous les regroupements de fidèles – paroisses, couvents, monastères – à accueillir des familles de réfugiés. Cet accueil, s’il se pratique, aura lui aussi un effet de symbole. Il montrera qu’il ne s’agit pas simplement de trouver des solutions logistiques, économiques et même sociales à cette situation, mais de la vivre dans une atmosphère de communion et de partage qui ne peut qu’être fructueuse, profitable et enrichissante pour toutes les parties concernées. Il ne s’agit plus ni de détourner la tête pour ne pas voir la misère, ni de se tranquilliser la conscience en donnant généreusement aux organismes de bienfaisance, mais de reconnaître toute la dignité de ces hôtes en les accueillant précisément comme des hôtes. Cela laisse entière la responsabilité des autorités politiques de s’attaquer à la cause même de ces migrations, et avant tout de cesser de nourrir les guerres par le commerce des armes. En tout premier lieu, il est grand temps de reconnaître que nos interventions en Irak, en Afghanistan, en Lybie et en Syrie ont toutes été des désastres. Le prix que nous en payons est minime à côté du prix payé par les populations de ces pays – un prix dont le petit Aylan est le symbole et le sacrement. Armand VEILLEUX, Père abbé de l’abbaye de Scourmont (Chimay) Eh ben ma foi La lettre et l’Esprit Les questions éthiques sont souvent celles qui déclenchent le plus de passions dans nos Églises car elles mettent en jeu, de manière particulièrement actuelle, notre rapport à l’Écriture. L’apôtre Paul, s’adressant à la communauté de Corinthe, écrit cette phrase essentielle : « La lettre tue, mais l’Esprit fait vivre. » (2. Co 3, 6b) F aut-il, pour être fidèle au texte biblique, s’en tenir rigoureusement à lui, au plus près et sans distance, ou privilégier l’interprétation, la remise en contexte, la recherche du sens au-delà des mots ? Y a-t-il deux manières rigoureusement symétriques : d’un côté ceux qui méconnaissent la lettre au profit de l’Esprit et de l’autre ceux qui négligent l’Esprit au profit de la lettre ? Viser juste Je ne le crois pas. Le choix serait plutôt entre ceux qui s’arrêtent à la lettre et ceux qui visent à l’esprit en passant par la lettre. Dans la première attitude, le respect du texte se transforme en une vénération qui risque de faire perdre de vue sa finalité, son sens. Entre nourrir des disciples qui ont faim et respecter la règle de ne pas cueillir des épis de blés le jour du sabbat, Jésus choisit de nourrir ces disciples rappelant que la Loi n’est pas là pour opprimer ou faire mourir mais bien pour faire vivre. Pour respecter la finalité de la Loi, pour l’accomplir, la lettre de la Loi doit être dépassée. L’autre risque de cette attitude est que la lettre du texte devienne ce qui justifie le comportement. Autrement dit, on assiste à une bataille de versets bibliques : si l’on a besoin de la lettre dans un débat, celleci n’est plus décalée par rapport à son statut de Parole de Dieu, mais elle devient simplement un moyen d’autojustification humaine. L’un des problèmes de la logique de la lettre, c’est qu’il n’y a plus de place pour la nouveauté : puisque tout est écrit, puisque la Parole est immuable, nous vivons dans l’éternelle répétition d’une éternelle identité. Voilà comment la lettre tue. Elle tue non pas parce qu’elle est mauvaise, mais parce que l’on en fait un usage qui oppresse, qui corsette, qui - littéralement - empêche de respirer parce que le souffle de l’Esprit ne peut s’y insinuer. Des mots inspirés À l’inverse, mettre l’accent sur l’esprit du texte ne consiste pas à prendre ses aises avec la lettre, à l’ignorer ou à lui faire dire n’importe quoi, mais bien plutôt à opérer une distinction essentielle entre parole et écriture. La Parole de Dieu s’est révélée à des êtres humains qui l’ont eux-mêmes transmise oralement avant qu’elle ne devienne écriture. Lorsque nous ouvrons la Bible, nous avons accès à l’écriture mais cette écriture ne devient Parole de Dieu que dans l’interprétation, la méditation, l’actualisation qui en est faite avec l’aide de l’Esprit-Saint. Mettre l’accent sur l’esprit du texte, c’est, d’abord, creuser la lettre. La creuser, sans s‘enfermer dedans. Pour voir surgir la Parole vive, il faut creuser avec la liberté de savoir que nous ne posséderons jamais entièrement cette Parole parce qu’elle nous échappe, parce qu’elle-même est libre, agissante, vivifiante. Quel bonheur que de n’avoir jamais épuisé de manière définitive le sens d’un texte ! Quel bonheur que de voir les mots danser devant soi, s’agençant différemment, promettant d’autres significations, nous nourrissant et nous abreuvant tout au long de notre vie. Chaque fois une parole différente qui nous touche, ou la même parole mais qui nous touche autrement, en fonction des situations que nous traversons. Oui, quel bonheur de ne pas tout maîtriser, de savoir que nous n’avons pas à proposer l’interprétation ultime qui ferme définitivement un texte, de savoir que tout ne repose pas sur soi… Et si nous laissions l’Esprit de Dieu agir en nous et faire de nous des paroles vivantes ? Laurence FLACHON, Pasteure de l’Église protestante de Bruxelles-Musée (Chapelle royale) L’appel 380 - Octobre 2015 PAROLE VIVE 29 L’appel 380 - Octobre 2015 30 Parole « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » (Marc 10, 17) Pour hériter, il faut s’endeuiller R tu as. Je ne te demande pas la charité. Ça, tu le fais déjà très bien aujourd’hui. Accepte maintenant de manquer, de te dépouiller. Mets-toi en route. La foi est une aventure à haut risque. Mais quel trésor au ciel ! Viens et suis-moi. » evoilà donc le fameux riche de l’Évangile dont Matthieu seul affirme qu’il était jeune, quand Luc parle d’un notable et Marc d’un homme, tout simplement. Va pour « le jeune homme riche » puisque toute une tradition a voulu voir dans ce texte le départ d’une possible vocation. Il faut reconnaître que Marc s’y entend côté mise en scène, tout en rythme et en contraste, avec un dialogue serré, des répliques bien senties et un changement rapide de décor. L’éclairage concourt, lui aussi, à la vivacité de la rencontre grâce à un scénariste qui fait passer son personnage de la lumière à la ténèbre en l’espace de six versets seulement ! Tellement de leur bord Arrête ton char ! D’abord la lumière et la passion. Cet homme « accourt et se jette à genoux ». Il est enthousiaste, c’est sûr, enflammé et rayonnant de sincérité. Peut-être même de générosité. Car il veut faire plus, il choisit la durée, il ambitionne « la vie éternelle ». Rien que ça ! En fait, on devrait admirer. Aujourd’hui surtout, en un temps où « la bonté n’est plus prisée » regrette le poète et romancier François Cheng. Jésus n’admire pas ! Pas tout de suite. Il rabroue d’abord : « Pourquoi dire que je suis bon ? Arrête ton char et cesse de flatter ! Personne n’est bon sinon Dieu seul. » Puis il rappelle la Loi, le Décalogue : ne pas… ne pas… ne pas… Cinq fois. Heureusement que le sixième commandement parle d’honorer. Maintenant, c’est l’homme qui interrompt. La rudesse de Jésus n’a pas tué son © DR VITRAIL D’OTTO LINNEMANN. Et il l’aima. admiration. Au contraire. Il rebondit et s’élance de plus belle : « Maître, tout ça, je l’ai fait depuis tout petit ! » Il jubile. Et Jésus aussi d’une certaine manière puisque « Posant alors son regard sur lui, il se mit à l’aimer. » La première épreuve est réussie : il est bien fils de la Loi, ce garçon-là. Du coup, vu son ambition, Jésus va lui proposer la seconde épreuve : devenir fils de la Foi. Beaucoup plus dur : « Vends ce que C’est ici que le décor change et que la lumière baisse. Les projecteurs n’éclairent plus qu’un trou d’aiguille tout au fond de la scène. Et l’on voit un homme devenir sombre et s’en aller tout triste car il n’avait pas mesuré ce que veut dire hériter de la vie éternelle. Comment faire comprendre – c’est tout l’enjeu de l’Évangile – que pour hériter il faut s’endeuiller. « Traverser l’épreuve de la perte » dirait Frédéric Boyer. Hériter, c’està-dire travailler, renouveler, inventer et ne pas simplement répéter. C’est surtout cela « vendre ce que l’on a », à commencer par son regard sur Dieu. On comprend la stupéfaction des disciples, si proches de ce « jeune homme » tellement de leur bord. Jésus les regarde. Il ne fait d’ailleurs que regarder depuis le début. Il regarde l’homme. Il regarde la foule, les disciples. Peut-être regarde-t-il aussi un chameau, ou un âne, et un trou d’aiguille, certainement. Il les regarde, ceux qui ont tout quitté pour le suivre, et leur offre cette réponse bouleversante d’encouragement : « Si vous prenez la route, même en cahotant, vous verrez que tout est possible à Dieu. » Gabriel RINGLET À voir Un fils meurtri © Les Riches-C laires Avec Un fils de notre temps, Hamadi dresse le portrait d’un de ces jeunes revenus de Syrie. Ce spectacle, en prise directe avec l’actualité, dénonce les stéréotypes et les mensonges véhiculés à leur sujet dans les médias. BOUBSI. erre. MARWANE EL ormé par la gu sf Un jeune tran U n jeune homme, incarné sur scène par Marwane El Boubsi, revient de Syrie où il est allé combattre. Il y a frôlé la mort et a côtoyé la souffrance de près. Il est à présent déchargé d’un certain nombre d’idées qu’il avait en partant. Ce qu’il a vécu l’a rendu très critique. Il raconte donc son expérience, avec humour et dérision. À travers cet itinéraire, Hamadi veut aller à contre-courant de l’image que les médias donnent de ces jeunes. On ne parle que des fous furieux qui reviennent semer la terreur ici, après l’avoir semée là-bas. Mais il y en a des centaines d’autres, qui reviennent abîmés par cette expérience. « Ils sont partis combattre pour un idéal, comme d’autres Belges, Irlandais ou Danois étaient allés combattre Franco pour défendre la république espagnole, explique l’auteur. Ces jeunes s’étaient levés pour un idéal, certes meurtrier, mais on ne leur reconnaît même pas cela. On les enferme dans des images caricaturales de barbares, de fous sanguinaires, mais ces images ne disent que notre peur par rapport à ce qui se passe. » Des belges avant tout On ne peut pas continuer à considérer des enfants de la troisième ou quatrième génération, qui sont nés en Belgique et qui y ont été éduqués, comme des étrangers. Sinon, comment leur demander de respecter quelque chose qui n’est pas à eux, ou qu’on leur dit qui n’est pas à eux ? « L’école est en première ligne de ce fiasco monumental, poursuit Hamadi. On n’a pas réussi à leur faire aimer les choses d’ici, la culture, la littérature, la musique, la philosophie, etc. » L’auteur se refuse à jeter la pierre sur qui que ce soit, mais regrette qu’on ne nomme jamais les choses comme il faudrait les nommer afin de pouvoir mieux les combattre. se nourrir de la culture religieuse Le spectacle refuse les réponses simplistes. On verrouille ces jeunes issus de l’immigration dans des images stéréotypées, comme s’ils étaient « génétiquement malfaisants », et on s’étonne de leurs réactions violentes : « Ah, tu veux que je sois musulman, eh bien je serai plus musulman que musulman ! » Les identités meurtries deviennent souvent meurtrières. « Tant qu’on considèrera qu’il y a des citoyens de seconde zone, le pire est à prévoir », prédit Hamadi. Le drame, c’est que beaucoup de croyants, musulmans ou chrétiens d’ailleurs, ne connaissent plus rien de leur religion. « Notre société moderne a cru que, pour se débarrasser de la religion, il fallait se débarrasser de la culture religieuse, observe-t-il. Or, il y a des choses magnifiques et fondatrices dans les trois grandes religions. Il faudrait pouvoir se nourrir de ces traditions, que l’on soit croyant ou non. » Jean BAUWIN Un fils de notre temps de Hamadi, du 15 au 31/10 au Centre culturel Les Riches Claires, Rue des Riches-Claires, 24 à 1000 Bruxelles. ( 02.548.25.70 : www.lesrichesclaires.be CALENDRIER À AYWAILLE, souper-cabaret : avec le groupe vocal « Les Raskignous » organisé par MOBILOK afin de financer un service de transport le week-end pour les personnes à mobilité réduite, le 17/10/2015 au local des Œuvres Scolaires à Kin, n° 52, à 4920 Aywaille. ( 0491.74.04.04 - [email protected] À BATTICE, conféren ce : La famille, un pilier fissuré de notre société et de l’Église ? avec Tommy Scholtès, le 12/10 à 20h à la salle SaintVincent, rue du Centre, 30. ( 0477.34.54.31 À BRUXELLES (WOLUWE), Con férence : Les trois cerveaux sexuels ou comment construire et vivre une sexualité épanouie, avec le docteur et sexologue Catherine Solano, organisée pour les trente ans de l’ASBL d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle « Groupe Croissance » ; le 15/10 à 20h à l’auditoire Central A-Pierre Lacroix, UCL Bruxelles, avenue E. Mounier, 51. : www.groupe-croissance.be À BRUXELLES, journée nationale (Agir en chrétiens informés) : conférence, exposition, concert de musique classique, le 17/10 au collège Saint-Michel, Bld Saint-Michel, 140. ( 02.218.54.47 - aci.jourdefete@ gmail.com À BRUXELLES, conférencedébat : Quel homme nous prépare-t-on ? avec le Père Charles Delhez, le 22/10 à 20h salle du Fanal, 6 rue Joseph Stallaert, 1050 Bruxelles. ( 02.343.28.15 - lesrencontres [email protected] À DINANT, conférence : Le Dieu biblique, un Dieu à nul autre pareil avec Benoît Bourgine, professeur de théologie à l’UCL, le 15/10 à 20h en l’église de Leffe (Dinant). ( 0477.31.12.51 - 082.22.68.88 et 082.22.62.84 À ERMETON-SUR-BIERT, Week-end : Découverte de la vie monastique, les 24 (9h30) et 25/10/15 (18h30) au Monastère Notre-Dame des Bénédictines, rue du Monastère, 1. ( 071.72.00.48 - [email protected] L’appel 380 - Octobre 2015 après avoir combattu en Syrie 31 L’appel 380 - Octobre 2015 32 À lire, à voir, à écouter, à visiter… Pour un e crédible a ti chris nism t de tal de ce débu ndamen C’est l’enjeu fo de chambouire : dans un mon na illé troisième m sa crédibilité. nisme retrouve tia ris ch le e qu s ruptures avec lé, il faut er en affirmant de nd fo s la ra ur po Et il ne uve, mais les prise dée n’est pas ne L’i . r de ge on m rta pa du à e le rest penseurs plus en plus de de t ra en en cit in où is e ço un pe Fran comm de position du pa er une humanité uv le tro re ec av de es nt ng ge ha : il est ur r des éc ce point de vue ue doit passer pa Dieu. Et ce dialog r en profondeur. su er rs rm ou fo sc di ns ciner un nisme s’y tra tia ris ch le ir oliques français, vo e d’y is penseurs cath tro is, monde, au risqu ço an Fr ns un ouvrage r les apports de hissent le pas da nc fra , En se basant su ie m dé ca ôt tendance à se membre de l’A de France a plut ise dont un évêque gl l’É veoù re eu rtes. À l’h les réflexions dé qui ouvre des po saluer. Même si à t es t an re ay uv rs l’œ ême, à des lecteu replier sur elle-m es, s’adressent qu gi lo éo th re loppées, de natu n. (F.A.) chi sur la questio anuel déjà un peu réflé DAGENS, Emm Une enfance, terreau d’une vie exemplaire Albert Schweitzer est le prototype même de la vie consacrée au service d’autrui, l’exemple ultime de la foi en l’humain. Dans ses souvenirs d’enfance, il livre d’où vient cette obstination à servir ; des mots simples, des vérités oubliées mais des assertions évidentes qui sont une leçon pour époque contemporaine parfois oublieuse de l’essentiel. Ne jamais perdre de vue son idéal, l’imposer contre le pessimisme ambiant qui pousse à renoncer face au vicissitudes de la vie et surtout « traverser la vie avec une âme intacte et pure comme à vingt ans ». (B.H.) Albert SCHWEITZER, Souvenirs de mon enfance, Paris, Albin Michel, 2015. Prix : 15,70 € -10% = 14,13 €. Mgr Claude , Q, Dieu est Dieu FALQUE, Guy CO ix : 15 € Pr . 15 20 Paris, Cerf, -10% = 13,50 €. L’habitant du pays fantôme « Le monde est un village où mon village n’est plus… Et cela me va. J’en redessinerai la carte, encore, toujours, sans lassitude, avec émerveillement devant tout ce qu’il me reste à accomplir, tous les gens que je ne connaîtrai jamais, les paysages que je ne verrai pas et dont je ferai la matière de mes rêves. Je dessinerai, jusqu’à mon dernier souffle, mon pays ; cette contrée imaginaire née de la dépossession, qui sera tous les pays et qui ne sera que mien. C’est cela, ma vie. » L’auteur de ces lignes, Kenan Görgün est né en 1977 de parents turcs immigrés dans les années 1960. Il a grandi en Belgique, d’abord à Gand puis à Bruxelles, dans deux cultures différentes, et a vite ressenti la tension, voire l’écartèlement, entre ses pays d’ici et son pays de là-bas. Et entre les deux : un pays-fantôme, imaginaire. Immigrations, intégrations, désintégrations. Double culture, double identité qui ont poussé Kenan, qui n’avait jamais lu avant l’âge de quinze ans, à se mettre à écrire sept livres dont plusieurs romans (Fosse commune chez Fayard et Anatolia Rhapsody chez Vents d’ailleurs), et à vouloir en parler sur scène. C’est ainsi qu’est né ce spectacle, laboratoire où l’identité se cherche à travers l’incarnation de deux personnages. (F.A.) J’habite un pays fantôme, mise en scène Daniel Simon, avec Kenan Görgün et Othmane Moumen, création au Centre culturel de Dison le vendredi 9/10 à 20h (( 087.33.41.81 - [email protected]), du 27/10 au 31/10 au théâtre Le Public (rue Braemt 64-70, 1210 Bruxelles ( 0800.944.44), et du 17/01/2016 au 29/01/2016 au Théâtre de Liège (Place du Vingt Août 16, 4000 Liège ( 04.342.00.00) Une messe pour François Arnaud François, compositeur liégeois de 31 ans, vient de composer une messe complète en l’honneur du pape François, la « Missa Brevis Papae Francisci ». La création mondiale de l’œuvre aura lieu à la collégiale de Visé, et elle sera encore interprétée deux fois par la suite par les chorales Le Tétracorde de Liège et Accroche-Chœurs de Wanze accompagnées par un orchestre de chambre de neuf jeunes musiciens et quatre solistes. La messe sera complétée d’autres nouvelles œuvres de Arnaud François : un « Un sorriso per Papa Francesco », morceau à la façon d’un final d’opéra écrit sur un texte de Paolo Del Vecchio, l’oratorio « Stabat Mater Speciosa » pour chœur, solistes et orchestre et un quintet pour orchestre de chambre. (F.A.) Le 3/10 à 20h, collégiale Saint-Hadelin de Visé. Le 4/10 à l’église Sainte-Walburge de Liège et le 17/10 à la collégiale Sainte-Ode de Amay ( 0488.15.63.06 : http://www. lescreations.be Le « conte » de Monte Cristo Quatre personnages répètent Le comte de Montecristo. Jacques, un ancien tolard qu’Alex, le metteur en scène enthousiaste, tente de remettre sur le droit chemin, Gina une comédienne en mal de reconnaissance, et Christophe, le jeune premier, beau et ambitieux qui a vu le premier rôle lui passer sous le nez. Dans une mise en abyme finement orchestrée, ils racontent autant l’histoire imaginée par Dumas que celle de leur propre lâcheté, de leur violence et de leur médiocrité. Mais la magie du théâtre pourrait bien opérer pour ouvrir un autre chemin. Cette comédie réjouissante, qui donne aussi à voir les ressorts du théâtre, ravira tous les publics. (J. Ba) Monte Cristo, par Pierre Richards, d’après Alexandre Dumas, le 5/10 à Auderghem, du 13 au 16/10 à L’Eden (Charleroi), en novembre à Durbuy, en janvier à Chimay et Belœil, et en avril à Andenne. : www.chienquitousse.be ampignons mpignons Voyage au pays des ch : il s’agit d’un guide des cha e qui arrive à point nommé livr un ci les rôles voi e et liqu ne exp s tom l’au nou st et C’e ade parmi nos forêts bal le bel une à ite inv s bre de Wallonie. Celui-ci nou tronomique : assurer l’équili au-delà de leur aspect gas ner pag om acc e fair se essentiels des champignons de mandé , il est quand même recom de nos bois. Pour les novices .) premières cueillettes. (B.H par un spécialiste pour ses s Weyrich, 2015. Edition de Wallonie, Neufchâteau, Paul PIROT, Champignons €. 0 Prix : 21 € -10% = 18,9 L’histoire d’Asia Asia Bibi a été condamnée à mort pour blasphème au Pakistan. Accusée par des femmes de son village, cette chrétienne mère de cinq enfants a toujours réfuté les accusations portées contre elle. En juillet dernier, la Cour suprême du pays avait accepté de revoir son cas, et en août son père avait été autorisé à lui rendre visite. Mais, malgré des soutiens internationaux, Asia est loin d’être sauvée… La journaliste Anne-Isabelle Tollet, correspondante de médias français au Pakistan, est aussi la cheville ouvrière d’une association qui soutient la jeune femme. Depuis 2010, elle met tout en œuvre pour la disculper. Dans ce livre, elle raconte à la fois les douleurs de la vie d’Asia et de la sienne, femme journaliste dans une république islamique… « Personne, dit-elle, n’est à l’abri d’une accusation de blasphème. » (F.A.) Anne-Isabelle TOLLET, La mort n’est pas la solution, Paris, éditions du Rocher, 2015. Prix : 17,50 € -10% = 15,75 €. À lire, à voir, à écouter, à visiter… 24/10 au de l’abbaye 4.22.13.76), du Moine trappiste Behogne ( 08 uvent en de (so e ru re , tu (5 er rt uv efo ch r les heures d’o su r ne be eig rt. fo ns re he oc Se www.ccr-r soirée). : http:// Chrétiens d’ici Se demandant si les catholiques d’Occident francophone sont aujourd’hui une « minorité signifiante », le titre de cet ouvrage interpelle. Question à laquelle l’auteur répond, estimant qu’il ne faut pas être majoritaire pour annoncer l’Évangile, et que, en Belgique notamment, les catholiques ont toujours occupé une place importante, notamment dans la vie sociale et politique. Mais ce titre trompe peut-être aussi un peu le lecteur, car l’ouvrage publié par Serge Maucq ne parle pas que de cela. S’il dresse un intéressant bilan sociologique de la situation chrétienne dans les quatre contrées francophones d’Occident et y analyse le discours des Églises, il s’attarde aussi longuement sur d’autres thèmes, moins accessibles au lecteur non spécialiste, comme « l’Église, sacrement et signe du Christ », ou « l’appartenance au Peuple de Dieu comme signe de l’identité chrétienne », qui sont beaucoup plus vastes et reposent davantage sur une approche des fondamentaux de l’Église et du concile Vatican II. On comprendra la raison de cette diversité en découvrant que cet ouvrage est le fruit de la thèse en théologie défendue à l’UCL par l’auteur, qui était jusqu’à il y a peu… directeur chez TestAchats, et a été ordonné prêtre à 56 ans, il y a deux ans. Serge Maucq croit que le message chrétien peut encore réenchanter le monde, et souligne que « être humain » est sans doute ce qui permet le mieux de définir l’identité chrétienne. Reste, reconnaît-il, que la crise actuelle connue dans les pays francophones provient sans doute du fait que, pour le monde d’aujourd’hui, l’offre proposée par les Églises ne répond pas vraiment aux attentes et à la demande… (F.A.) CALENDRIER À LIÈGE, Grandes con férences : Les médias sont-ils devenus fous ? avec Philippe Bouvard, journaliste et écrivain, le 7/10 à la salle de l’Europe du Palais des Congrès (Esplanade de l’Europe). Marché poétique Cela fait trente ans que Namur accueille un « Marché de la poésie ». Mais, pour cette édition anniversaire, la Maison de la Poésie, son organisateur, a décidé de redynamiser l’événement et de le sortir de ses murs. Sur le thème de l’amour des mots et de la découverte poétique, il propose les collections et nouveautés de plusieurs dizaines d’éditeurs et de revues de poésie belge et étrangère, des animations pour petits et grands, des invités de choix, des podiums poétiques, des débats et des concerts. (F.A.) Les 17 et 18 octobre de 10h30 à 18h, à l’Arsenal de Namur (rue Bruno, n° 11) ( 081.22.53.49 : www.mplf.be Serge MAUCQ, Les catholiques en Occident francophone, une « minorité » signifiante ?, Berlin, Éditions universitaires européennes, 2015. tre fants à ce qu’il rencon conté aux en belle vie. Jusqu’ la t ai en François ra m ce is ço de , Fran istoire archand d’Assise nsi commence l’h Fils d’un riche m te à douter… Ai et m et de la nature se té et re x, uv eu pa un lépr apôtre de la , ise ss d’A un mendiant et is ais en 2008), ço nts (paru en angl ir que sera Fran fa pa en rs x ho au é ge in na st person d format de ent. (F.A.) ce petit livre gran t et illustrée jolim en em retrouvée. Dans pl sim erbode et ée amur, éditions Av çois est racont ssise, Averbode-N l’épopée de Fran d’A ois nç Fra , PORIN et Elena TEM Joyce DENHAM = 12,15 €. ix : 13,50 € -10% Pr . 15 20 , te Fidéli Les vivants et les morts Peintre de la Pour raconter l’indicible horreur qu’a parole Éric Monticolo été le tremblement de terre à Haïti, est un peintre de la lumière. Laurent Gaudé livre un roman Dans son œuvre , les couleurs expl profondément original et inclasosent, comme le s se nt iments de l’artiste sable, un conte philosophique, , sur des fonds toujours plus lu neux. Autodidact poétique et tragique. Danser les mie, ce Carolo d’un e cinquantaine père de neuf enfa ombres croise les destins de perd’années, nts, qui a découv ert Dieu à l’âge ad aussi professeur sonnages qui, malgré le drame de ulte, est de religion dans l’e nseignement pr Dans cette belle leur existence, se mettent enfin à croire au bonheur. imaire. plaquette, il mar ie citations d’éva réflexions-prière Mais le séisme survient et redistribue les cartes de ngile, s et aquarelles éc latantes. (F.A.) leur existence. Il fait cependant surgir de nouvelles Éric MONTICOL O, Gospel light , év angile lum ière, Namur, Fid fraternités car « en ces jours, tout le peuple de Port-auélité, 2015. Prix selon la : 19,95 € -1 0% = 17 ,96 €. Prince a le même père, et c’est le malheur ». Les secours s’organisent, mais pour que la vie retrouve ses droits, il faudra que les vivants laissent partir leurs morts. (J. Ba) Laurent GAUDÉ, Danser les ombres, Paris, Actes Sud, 2015. Prix : 21 € -10% = 18,90 €. ( 04.221.93.74 - nadia.delhaye@ gclg.be : www.grandesconferencesliegeoises.be À MALONNE, conférences organisée par le Ratelier : Famille-Eglise-Société : un peu d’histoire, avec Paul Servais, UCL, le 14/10 et Couples homosexuels, divorcés remariés… ceux dont le vécu familial ne correspond pas au modèle de l’Église, avec José Davin, le 28/10 à 20h à la Haute École Henalux, département de Malonne, rue du Fond 123, auditoire CR2. ( 081.45.02.99 (en journée) et 081.44.41.61 (en soirée) À MARCHE-EN-FAMENNE, conférence : Vous avez dit famille ? Des études de genre au mariage pour tous et à une réelle reconnaissance des personnes homosexuelles, pas si simple ! organisée par Le Levain, le 13/10 à 20h à l’Institut Ste-Julie, salle « L’aquarium », 2 rue Nérette. ( 086.32.34.04 hotmail.com - pierre.deproft@ À MAREDSOUS, Fête de la Foi (pour les 8-12 ans) : Avec Saint François, prends soin des autres et de la nature, avec François Lear, le 7/10 à l’abbaye de Maredsous. ( 082.69.82.11 maredsous.com - francois.lear@ À NAMUR, Exposition, conférence… à l’occasion des 25 ans , le 10/10 au Cinex, rue du Saint-Nicolas, 84. ( 081.23.15.22 - [email protected] : www.cefoc.be À OTTIGNIES, ateliers : Actualité de l’Évangile, apprendre à dialoguer, avec Pierre-François de Béthune, les 6 et 20 octobre, les 3 et 17 novembre, et le 1er décembre, à 20h au Monastère Saint-André, Allée de Clerlande, 1. ( 010.42.18.36 - [email protected] À RIXENSART, conféren ce : Un destin qu’on se donne, avec l’abbé Carlos Kalonji, le 27/10 à 20h au Monastère de l’Alliance - 82, rue du Monastère. ( 02.652.06.01 - [email protected] 33 L’appel 380 - Octobre 2015 astiques Clichés mon Guy le photographe s, an Pendant trois is à parm ad t en m le ptionnel emy de Focant a été exce in l’abbaye Sa t-R s des moines de ur jo n, ce spés le tio ré us sc to illant avec di va tager la vie de tra n, sio er m rtement du Patri mersion en im ographe au dépa ot Rochefort. D’im ph i t qu es (il ux t ce ar tails de és d’œuvres d’ intéressé aux dé is fo cialiste des clich rtte se ce st Ob s’e te la Stric gion wallonne) rdre cistercien de moine de la Ré t-Benoît dans l’o in ns un livre et Sa da de ié e bl gl pu Rè ra inédit, qui se vivent selon la e ag gn oi m té t est un efort. (F.A.) vance. Le résulta position à Roch ex e lturel de Roun d’ et bj l’o po au Centre Cu 29/11. qui fait de Rochefort, ex L’appel 380 - Octobre 2015 34 À lire CHRONIQUES BARCELONAISES La vie, et ce qu’on en fait Grégoire Polet ramène d’un long séjour de plusieurs années à Barcelone un roman passionnant sur les vies croisées d’une vingtaine de personnes dans cette ville. R emarqué lors de la parution de Excusez les fautes du copiste ou Leurs vies éclatantes, Grégoire Polet est un auteur belge dont le talent a été vite reconnu. Depuis, il a ses « aficionados ». Surtout parmi les gens de sa génération, les trentenaires, qui se retrouvent bien dans ses personnages en quête d’euxmêmes et de vérité dans un monde incertain. L’Espagne a été son point d’ancrage ces dernières années. Il a ainsi publié un livre dont l’action se situait à Madrid. Cette fois, Barcelone tient la vedette. Et l’écrivain confirme sa capacité à entraîner son lecteur dans la vie de plusieurs personnes aux destins variés qui se croisent ou se côtoient dans un lieu identique, une ville qui marque les habitants de son empreinte. Chacun est en effet façonné par ses gênes, son milieu familial, son histoire mais combien aussi par ses rencontres et par le lieu où il habite. Cela, Grégoire Polet le montre brillamment. En quête d’un meilleur On découvre ainsi, parmi une vingtaine de personnages, un navigateur parti en solitaire pour un tour du globe, une journaliste idéaliste toujours en route vers les lieux dangereux du monde, un féru d’histoire locale. Mais aussi un homme politique influent et riche qui brigue la présidence de la Catalogne, sa fille qui Des livres moins chers à Commandez les livres que nous présentons avec 10 % de réduction. Remplissez ce bon et renvoyez-le à L’appel Livres, rue du Beau-Mur 45, 4030 Liège, ou faxez-le au 04.341.10.04. Les livres vous seront adressés dans les quinze jours accompagnés d’un bulletin de versement. Nouveau : Vous pouvez également commander un livre via notre site internet : www.magazine-appel.be onglet : Commandez un livre à L’appel Attention : nous ne pourrons fournir que les ouvrages mentionnés « Prix -10 % ». Je commande les livres suivants : q . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . e q . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . e q . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . e Total de la commande + frais de port : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . e Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rue : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° : . . . . . . . . . . . Code Postal : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Localité : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . milite à gauche, les amies de celle-ci, trentenaires et en recherche de travail et d’accomplissement personnel. Ainsi qu’un jeune gitan, un policier enquêtant sur un meurtre, un couple d’« expatriés » français… Des personnages attachants parce que tous, à leur manière singulière, sont fragiles, doutent de l’avenir, mais avancent cahin-caha entre déceptions et joies souvent provisoires. La vie quoi, avec ces préoccupations universelles : l’amour, le travail, l’ambition, les rêves. Un lieu, un temps La focale est mise sur une ville particulière, Barcelone, fière cité où le particularisme catalan et la revendication autonomiste sont bien présents. L’action se concentre sur une période précise, les années 2008 à 2012 où la précarité du travail, surtout chez les jeunes, était particulièrement aiguë. Des personnages crédibles et attachants, des liens qui se nouent et se dénouent, des dialogues vifs et crédibles, de l’humour et des questions existentielles perçues avec finesse, voilà de quoi réjouir le lecteur. Une chose encore, pour les amateurs de foot : le chapitre vingt-huit évoque le fameux « classico » Réal Madrid-F.C. Barcelone, regardé sur les écrans à différents endroits de la ville. Grégoire Polet raconte superbement ces moments de convivialité, de joie collective pendant quelques heures où plus rien d’autre ne compte. À savourer. Gérald HAYOIS Tél. : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signature : Grégoire POLET, Barcelona !, Paris, Gallimard, 2015. Prix : 22 € -10% = 19,80 €. Courrier l’inverse qui est visé – à savoir ne plus mettre tout le poids sur la participation à des messes où on est bien passif mais proposer aux adultes (fidèles et parents) de se mettre aussi, s’ils le souhaitent, en formation par une « catéchèse de progression ». Benoît HAUZEUR, responsable du service annonce et célébration CALENDRIER À SPA, week-end : Les trois pains : pain matériel, pain relationnel, pain Vivant : pour ma joie et la vie du monde, avec Philippe Degand, du 9/10 au 11/10 au Foyer de Charité, avenue de Clermont, 7, Nivezé. ( 087.79.30.90 - [email protected] À TILFF (BRIALMONT), conférence : Rien que l’amour. L’étrange vocation des chrétiens dans ce monde, avec Martin Steffens, le 17/10 14h30 au Monastère de Brialmont. ( 04.388.17.98 - [email protected] CALENDRIER À SAINT-HUBERT, journée : Les femmes de la Bible, avec Anne Soupa, le 17/10 au Monastère Notre-Dame de Hurtebise. ( 061.46.70.47 et 496.93.84.80 - baptise-e-senmarche.lux@skynet. be À VAL DIEU ET STAVELOT, concerts-méditations : Les sept couleurs du Chant, organisés par les ASBL « Le chant des Sources » et « Cadre », le 17/10 à 19h30 en la Basilique de Val Dieu (Aubel) et le 8/11 en l’église Saint-Sébastien de Stavelot. ( 010.22.55.43 sources.be - info@chantdes- À VERVIERS, Foire aux vêtements de seconde main : les 7 et 8/10 de 10h à 12h et de 13h à 16h dans la salle de conférence du Centre Maximilien Kolbe, rue du Prince, 12. ( 087.33.84.22 et 087.22.87.87 - [email protected] : www.centremaximilienkolbe.be Magazine mensuel indépendant Éditeur responsable Paul FRANCK Rédacteur en chef Frédéric ANTOINE Rédacteur en chef-adjoint Stephan GRAWEZ Secrétaire de rédaction Pierre GRANIER Équipe de rédaction Jean BAUWIN, Chantal BERHIN, Jacques BRIARD, Paul de THEUX, Annelise DETOURNAY, José GERARD, Gérald HAYOIS, Guillaume LOHEST, Gabriel RINGLET, Godelieve RULMONT-UGEUX, Thierry TILQUIN, Christian VAN ROMPAEY, Cathy VERDONCK Comité d’accompagnement Bernadette WIAME, Véronique HERMAN, Jean-Yves QUELLEC, Gabriel RINGLET Ont collaboré à ce numéro Sylvie BERGEN, Laurence FLACHON et Armand VEILLEUX Photocomposition et impression Imprimerie MASSOZ, Alleur (Liège) Administration Président du Conseil : Paul FRANCK Promotion - Rédaction - Secrétariat Abonnement – Comptabilité Bernard HOEDT, rue du Beau-Mur 45, 4030 Liège (+Ê 04.341.10.04 Compte n° 001-2037217-02 IBAN : BE32-0012-0372-1702 - Bic : GEBABEBB - [email protected] : http://www.magazine-appel.be/ Publicité MEDIAL, rue du Prieuré 32, 1360 Malèves-SainteMarie, ( 010.88.94.48 - Ê 010.88.93.18 Avec l’aide de la Fédération WallonieBruxelles Abonnement individuel : 23,50 e. 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Le processus de mise en œuvre de la nouvelle catéchèse est un travail de trois ans avec des allersretours entre les réunions de catéchistes ou d’équipes pastorales, le vicariat de Bruxelles et les premières mises en application qui ont été accompagnées en groupe « pionniers ». Il me semble important de montrer le type de dialogue mis en place – quitte à le critiquer pour l’améliorer – que donner un tel poids à une prise de position. Ce faisant, votre article loupe ce qui a été le cœur de la démarche… En outre, cette personne s’est bien mal renseignée. Je ne connais pas de lieu où il a été question de « faire revenir les parents à la messe ». C’est précisément 35