Jean-Pierre Améris, un émotif de moins en moins anonyme

Transcription

Jean-Pierre Améris, un émotif de moins en moins anonyme
Avec les bénévoles,
face à l’Office des étrangers
Résister à la violence :
que peuvent faire
les démocraties ?
Marion
Muller-Colard,
théologienne
protestante : son Autre Dieu
BELGIQUE - BELGIE
P.P.
LIEGE X
9/249
Couverture : © Getty Images
MENSUEL (ne paraît pas en juillet et en août) - OCTOBRE 2015 - N° 380 PRIX : 2,50 e DÉPÔT LIÈGE X - P302066 RUE DU BEAU MUR, 45 - 4030 LIÈGE
L e m a g a z i n e c h r é t i e n d e l ’é v é n e m e n t
Réalisateur du film Une famille
à louer, Jean-Pierre Améris crée
souvent des personnages qui lui
ressemblent, lui, l’angoissé
qui souffre de phobie sociale.
Mais, loin d’être tragique,
son cinéma raconte toujours
des histoires de relèvement et
de sortie du tombeau.
Jean-Pierre Améris,
un émotif de moins
en moins anonyme
+
Réfugiés : il faut changer de
perspective, disent Armand
Veilleux et Frédéric Antoine
La pasteure Laurence Flachon
s’interroge : sur les questions éthiques,
appliquer « la lettre ou l’esprit » ?
Synode sur la famille : les lignes romaines
pourront-elles bouger dans quelques jours,
se demande Paul de Theux
Doubles vues
C’est dans le détail du quotidien
que se révèlent le sel et le poivre de la vie.
L’appel 380 - Octobre 2015
2
Les décodeurs
débarquent !
R
as le bol des querelles confuses,
des phrases coupées, des pugilats de plateau, des paroles lénifiantes… Il y a belle lurette que
Marcel a renoncé à prendre l’apéro du
dimanche midi en suivant les débats politiques télévisés. Mais son intérêt pour le
débat politique s’est réveillé en apprenant que la RTBF et RTL s’apprêtaient à
modifier leur offre dominicale.
Les nouvelles se suivent à un rythme
intensif. Qu’attend-t-on des débats politiques sinon qu’ils soient éclairants, rappellent le contexte, parlent vrai et qu’ils
soient contradictoires ? Avec les réseaux
sociaux, les opinions, les rumeurs, les
assertions, les affirmations fusent dans
tous les sens. Il faut, dit-on, « décoder »
toute cette agitation.
« Les décodeurs », déjà à l’œuvre sur un
blog du quotidien Le Monde, annoncent
l’objectif : vérifier déclarations, assertions et rumeurs en tous genres, mettre
l’information en forme et la remettre dans
son contexte, répondre aux questions
du public. L’émission C’est dans l’air sur
France 5 veut donner « les clés pour comprendre, dans sa globalité, un évènement
ou un sujet de première importance, en
permettant aux téléspectateurs d’intervenir
dans le débat ». Sur Arte, 28 minutes propose des débats entre experts, accompagnés de rubriques impertinentes. Ce qui
revient à parler politique sans les politiques, sinon en rappelant, en de courtes
séquences, déclarations et évènements.
L’ambition générale, à laquelle souscrivent RTBF et RTL, est bien de débusquer le vrai du faux. Tâche essentielle,
mais difficile. Ainsi, à partir de quelques
faits divers, Marine Le Pen affirme que
nous vivons dans une société « d’ensau-
vagement ». C’est ce que les gens « ressentent », dit-elle, alors que les chiffres
sur la violence, que ce soient ceux des
tribunaux, des médecins ou de la police,
montrent la tendance contraire…
Suffit-il d’objectiver l’information pour la
rendre crédible ? On ne se libère pas aussi
facilement du « ressenti ».
Extraordinaires au quotidien
Parcourir quotidiennement 30 à 35 km
sur des béquilles pendant 19 jours, traverser la Manche à la nage à l’aide de prothèses quand on n’a ni bras ni jambe, être
champion d’escalade tout en étant déficient visuel… Les medias ne manquent
jamais de mettre en évidence les nombreux exploits des sportifs handicapés
qui supposent une volonté sans faille.
Mais, légèrement caustique, Michel, nonvoyant depuis de nombreuses années,
fait remarquer : « Parcourir tous les jours
500 mètres dans la ville de Namur pour me
rendre à mon bureau, c’est un exploit quotidien ! Je ne revendique pas qu’on en parle.
Ma question est : le sport de haut niveau
est-il une bonne entrée en matière pour
découvrir le monde du handicap ? »
Bernard, qui a les bras trop courts, est
passionné de jardinage. Mais il doit se
plier en deux, travailler à genoux ou
construire des jardins sur table pour se
faciliter le travail. Il manipule difficilement une brouette, un débroussailleur,
un taille-haie. Mais il a la passion des bonsaïs dont il est devenu un spécialiste. Les
valides savent-ils que pour une personne
handicapée, vivre et travailler avec des
personnes valides est épuisant ? Le temps
d’apprentissage, le temps de prendre une
information, le temps de réponse, les
temps de déplacement sont plus longs et
plus fatigants. Un malvoyant qui ne peut
consulter de notes écrites doit développer une imposante capacité de mémoire
pour être présent en société.
Cela dit, affirme Philippe, « quelqu’un
comme moi en fauteuil, qui relève le défi
insensé de sauter en parapente, je respecte.
Mais j’ai du mal à envisager les personnes
handicapées comme des êtres extra­
ordinaires. » Il y a de la gêne par cette
mise en spectacle du handicap : « Nous
espérons que notre handicap passe à l’arrière-plan et qu’on nous laisse vivre comme
tout un chacun, à notre rythme, dans une
société qui ne soit pas seulement conçue
par et pour les valides. »
Christian VAN ROMPAEY
À voir sur le site Internet d’Arte : Dans tes yeux,
une série animée par Sophie Massieu, journaliste
aveugle. Bien qu’il s’agisse d’un exploit en son
genre, ce n’est pas la journaliste aveugle et son
chien Pongo qui est au centre du reportage, mais les
personnes qu’elle rencontre au cours de ses déplacements autour du monde.
Éditorial
Doubles vues
2 Les décodeurs débarquent
Éditorial
3À cœur ouvert
Découverte
À cœur
ouvert
L’appel 380 - Octobre 2015
S o m m a i r e
4Faire du cinéma pour créer
du lien
À la Une
6Quelle issue pour le synode ?
8« Nouvelle Turquie » :
retour vers le passé ?
10Oser rencontrer sa souffrance
réelle
Signe
12Les motards, des hommes à
part ?
14Entre frères
15L’île retrouvée
Évangile à la Une
16Octobre :
Des personnages peu ordinaires
Éclairage
17Démocraties, réveillez-vous !
• Pour un effet vaccinatoire !
• Échapper au piège d’une vision
manichéenne
• Aider à surpasser la peur de
l’autre
Vu
21Offrir un accueil plus humain
Rencontre
24Marion Muller-Colard :
« Dieu est l’avocat de ma plainte »
Ça se vit
27Simple comme un WEP
Eh ben ma foi
28Le pouvoir d’une photo
29La lettre et l’Esprit
Parole
30 Pour hériter, il faut s’endeuiller
À voir
31Un fils meurtri
32 À lire, à voir, à écouter…
34La vie, et ce qu’on en fait
35Courrier
B
3
© HCR
arbelés. Murs infranchissables. Frontières fermées. Accueil minimal et traitements
dégradants… Bienvenue en Europe ! Une Europe incapable de se mettre d’accord sur la
manière d’accueillir les dizaines de milliers de personnes qui ont toutes décidé au même
moment de fuir la désolation de leur pays en guerre.
Bienvenue en Europe, où bon nombre d’États préfèrent le « chacun pour soi », confondant allègrement « réfugié », « immigré » et « clandestin », autant de catégories d’êtres que les classes
dirigeantes affirment ne pas vouloir chez eux.
Au discours populiste sur la peur qu’inspire si facilement l’immigré classique, la crise des
migrants est venue superposer celui du rejet du réfugié, qui ne peut être que profiteur, et du
clandestin dont il y a lieu de tout redouter.
« Pas de ça chez nous ! », disent en chœur certains politiciens et propagateurs d’idées nationalistes. « Ou alors un tout petit peu, s’il le faut bien, parce qu’on n’est quand même pas des monstres.
Mais juste assez pour qu’ils se rendent compte qu’ils ne sont pas les bienvenus, qu’on le fait par obligation, et en espérant qu’ils partent bien vite. »
Et pourtant… Il y a un mois, on ne parlait que de ce petit garçon de trois ans, au joli visage rond,
vêtu d’un bermuda bleu et d’un t-shirt rouge, avec aux pieds des sandales velcro. Un enfant comme
les autres, universel, qui pourrait être le vôtre, le mien… Une photo nous le montrait au bord d’une
plage, face contre le sable, son corps sans vie ramené par la marée. Tout à coup, la crise des migrants
avait alors un nom, un visage, une histoire, et suscitait le dégoût du trop-plein d’indifférence.
Des petits Aylan, il y en avait eu des milliers, et des migrants bien plus encore. Mais peut-être
étaient-ils trop nombreux, trop basanés, trop mal habillés, ou trop tout ce que l’on veut pour
davantage susciter le rejet que l’empathie et la compassion. Le 2 septembre, la photo du cadavre
d’Aylan faisait le tour du monde. Et n’était pas étrangère à l’appel lancé par François : « Face à
la tragédie des dizaines de milliers de demandeurs d’asile qui fuient la mort, victimes de la guerre et
de la faim et qui sont en chemin vers une espérance de vie, l’Évangile nous appelle et nous demande
d’être les prochains des plus petits et des plus abandonnés, à leur donner une espérance concrète. »
Même si, à peine prononcé, ce discours était recadré par certains responsables religieux disant
que, « chez eux », l’Église faisait déjà beaucoup, et que, « dans leur cas », on ne pouvait leur en
demander plus…
Mais la photo d’Aylan a aussi contribué à ouvrir les cœurs de milliers d’hommes et de femmes.
Engagés comme bénévoles, depuis lors, ils se sont décidés à aider les réfugiés, allant jusqu’à
applaudir ceux qui débarquaient chez eux. Des initiatives touchantes alors que les États, de leur
côté, étaient loin de manifester le même enthousiasme…
Voici venu le temps de l’accueil et de l’ouverture. Pour ces réfugiés qui, finalement, nous ressemblent tant. Mais aussi pour tous ceux dont nous nous sentons moins proches et qui méritent
tout autant qu’on partage leur humanité. En abandonnant l’idée que ces migrants vont mettre
à mal notre continent assiégé.
Oui, il y a pour l’instant afflux de réfugiés aux portes de l’Europe et la focalisation opérée par les
médias a renforcé cet « effet de loupe ». Mais, comme le rappelait Amnesty International, il ne
faut pas perdre de vue que le Liban, la Turquie, la Jordanie, l’Égypte et l’Irak accueillent à eux
seuls 3,8 millions de réfugiés de Syrie.
Est-ce trop loin de nous pour que l’on en parle ?
Frédéric ANTOINE
L’appel 380 - Octobre 2015
4
Découverte
Un émotif de moins en moins anonyme
Faire du cinéma
pour créer du lien
Jean-Pierre Améris, le réalisateur des Émotifs Anonymes et du
tout récent Une famille à louer, crée souvent des personnages
qui lui ressemblent, lui, l’angoissé qui souffre de phobie sociale.
Mais, loin d’être tragique, son cinéma raconte toujours des
histoires de relèvement et de sortie du tombeau.
J
per à la porte des cours d’art dramatique,
il avait eu peur. Il s’était retrouvé sans abri
et n’avait pas osé appeler sa mère avec
laquelle il avait du mal à communiquer.
Et un jour qu’il a faim et froid, il lit dans
un journal qu’un chauffeur de taxi a été
assassiné dans le bois de Boulogne. Sur
un coup de tête, il entre dans un commissariat et s’accuse du crime. En prison, il
a cru trouver un abri. « Serge Perrin était
un peu comme un petit frère. Il aurait pu
m’arriver ce qui lui est arrivé, confie le réalisateur, j’aurais pu me perdre, moi aussi, car
j’avais du mal à trouver ma place et à communiquer avec mes parents, à leur dire que
ça n’allait pas. » Mais voilà qu’en prison, sa
mère vient lui rendre visite au parloir et lui
dit : « Ce que tu as fait est terrible, mais tu es
mon fils et je t’aime. » La parole d’amour
de cette mère lui rend une raison de vivre
et il n’a plus qu’une envie alors, c’est de
sortir de prison.
ean-Pierre Améris est un grand et aveugles. Des lieux qui lui faisaient
timide, mais comme il se soigne, peur. S’il filme des situations de grande
cela ne se voit pas trop. Durant deux souffrance, c’est pour faire du bien aux
années, il a fréquenté les Émotifs gens, à ceux qui vont aussi mal que lui,
Anonymes, « une association d’hommes lorsqu’il était plus jeune. À l’adolescence,
et de femmes qui partagent leurs expé- le jeune Jean-Pierre a beaucoup grandi
riences, leurs forces et leurs espoirs, dans le et les complexes physiques se sont ajoubut de résoudre leurs problèmes émotion- tés aux complexes sociaux. Il s’est replié
nels ». Et le film qu’il a réalisé avec Benoît sur lui-même et avait beaucoup de mal
Poelvoorde sur ce sujet a été comme une à entrer dans des lieux publics. La salle
thérapie. « Si je parviens à rire de ce qui me de cinéma lui offrait alors un abri, un lieu
bloque, pensait-il, je pourrai m’en sortir. »
sombre et clos où on ne le voyait plus, un
« Je serai toujours un émotif. C’est
par exemple toujours difficile pour
« Je n’arrive à rencontrer l’autre que Le génie du toucher
moi de prendre la parole en public,
mais je suis content de le faire, parce
par le projet du cinéma. Sans ce proque ça m’apporte du lien et qu’il n’y
Souvent, c’est là où les gens
jet, je ne peux aller nulle part. »
a pas de vie sans échange. »
souffrent que l’on découvre le plus
Très vite, Améris a eu envie de
de solidarité. Les lieux de soufréaliser des films : « Filmer ce qui
france sont, paradoxalement, des
va disparaître et retenir ce qu’on aime, cocon fœtal dans lequel il pouvait vivre lieux de joie et de réapprentissage de la
c’est l’essence même du cinéma. J’ai tout de grandes histoires avec les actrices. Le vie. Le réalisateur en a fait souvent l’expéde suite filmé mes parents et mes grands- cinéma l’a souvent ragaillardi et il espère rience. Son film C’est la vie (2001), avec
parents. Filmer, c’est garder vivant ce qui offrir le même bienfait à d’autres.
Jacques Dutronc, raconte l’histoire d’un
va disparaître. » Le cinéma est sans doute
homme plutôt solitaire et bougon, qui a
sa bouée de sauvetage. Il n’est bien que Comme un frère
du mal à se lier aux autres. Il entre dans
quand il tourne, car il est dans un cadre
un centre de soins palliatifs pour y mouet une structure bien définie et qu’il a un En 1996, il tourne Les aveux de l’innocent, rir et découvre que ce qui fait la beauté
rôle précis à jouer. C’est là qu’il trouve son un film qui s’inspire d’une histoire vraie de la vie, c’est le lien, c’est de se mêler les
lieu et son lien. « Je n’arrive à rencontrer incroyable, qui s’est passée en 1984. uns aux autres, de partager. « Jusqu’au
l’autre que par le projet du cinéma. Sans ce Serge, le héros principal de son film, par- moment de faire le film, je n’avais jamais
projet, je ne peux aller nulle part », confie- tage de nombreux points communs avec vu personne mourir. J’ai fait ce film pour
t-il. Ses projets de films lui permettent le réalisateur. Il s’agit d’un jeune homme me préparer à ce qui allait arriver. Cinq ans
en effet de créer du lien, d’entrer en pri- de famille modeste, qui était monté à après ce film, alors que mon père était mouson ou dans un centre de soins palliatifs, Paris avec des rêves plein la tête. Serge rant, j’ai pu lui prendre la main, quelque
de découvrir le monde des migrants à voulait faire l’acteur et Jean-Pierre réalisa- chose que je n’avais jamais fait auparavant
Calais ou bien celui des enfants sourds teur. Mais le premier n’avait pas osé frap- et que j’ai découvert en faisant ce film. »
Découverte
Les médias donnent chaque jour des raisons de désespérer de l’humanité, mais le
réalisateur voudrait proposer une parole
autre. En 2007, il réalise pour la télévision Maman est folle. C’est l’histoire d’une
mère au foyer, fragile nerveusement, qui
cherche un sens à sa vie, et qui, par hasard,
rencontre les bénévoles qui s’occupent
tous les jours des migrants à Calais. « En
arrivant avec mon projet de film, j’ai été
accueilli très chaleureusement, poursuit
Jean-Pierre Améris. J’ai senti là, comme
rarement, la solidarité humaine. Tous ces
bénévoles qui font un travail magnifique le
font avec l’impression de faire simplement
leur devoir. Au milieu d’eux, j’ai eu le sentiment d’être au monde et je me suis mis à servir la soupe avec les autres. Je me suis senti
là comme faisant partie de la communauté
humaine. Ces bénévoles qui prennent des
risques – certains se sont retrouvés en prison et d’autres ont dû payer des amendes –
ne font, me semble-t-il que suivre l’exigence
du Christ qui est de s’engager. »
Marie Heurtin, son avant-dernier film,
raconte l’histoire vraie d’une jeune fille
aveugle et sourde, une sauvageonne
indomptable que sœur Marguerite, avec
obstination, va apprivoiser, apaiser et
ouvrir à la communication avec les autres.
Au premier contact qu’elle a eu avec
elle, sœur Marguerite avait compris que
Marie n’était pas la débile que l’on disait.
Elle réussit à gagner sa confiance et à
lui apprendre le langage des signes. La
jeune fille comprend vite que le monde
est langage et elle devient boulimique
d’apprendre. Pour les sourds aveugles, le
rapport au monde est dans le toucher et
l’odorat. La première notion abstraite que
sœur Marguerite lui apprend, c’est la mort.
Lorsqu’une des nonnes meurt, elle lui fait
toucher son cadavre. Le savoir est au bout
de la main. Dès lors, comment expliquer
Dieu à un enfant qui ne peut pas le toucher ? Sœur Marguerite lui répond que
Dieu est partout, dans le vivant, dans tout
ce qui palpite, dans tout ce qui vibre.
Avec ce film, Jean-Pierre Améris a pu parler de sa foi. Il aime la foi en action, la foi
qui fait travailler, s’engager. Croire, c’est
faire entrer le désordre, c’est aller vers
l’inconfort, comme la sœur quand elle fait
entrer Marie dans son institution. « Ce qui
compte pour moi, c’est le dépouillement, le
chemin d’humilité, le don. J’aimerais avoir
ce même détachement que sœur Marguerite qui a refusé la Légion d’honneur. Elle
ne voulait pas être décorée, elle prétendait
avoir fait ce qu’elle avait à faire. »
Avec les sourds-muets et aveugles avec
lesquels il a tourné, le cinéaste a retrouvé
la beauté du monde. « Ces jeunes font un
pied de nez à nos sociétés où tout est virtuel. Ils prennent le temps de caresser les
arbres, les animaux, ils enlacent le monde,
le reniflent. Ces enfants sont plus au monde
que moi, parce qu’ils l’embrassent. »
Jean BAUWIN
Marie Heurtin, un film de Jean-Pierre Améris, disponible en DVD, Diaphana, 2015.
© DR
Dieu est dans le vivant
JEAN-PIERRE AMÉRIS.
« Le cinéma me permet d’aller là où ça fait peur. »
L’appel 380 - Octobre 2015
S’engager
5
À la Une
6
L’appel 380 - Octobre 2015
PASTORALE FAMILIALE
Quelle issue
pour le synode ?
© Vatican
En octobre 2014, un premier synode sur la famille a accouché d’une souris. Il n’y a rien eu
de nouveau pour les divorcés-remariés ou les couples homosexuels, malgré la volonté du
pape François. Ce mois-ci, une deuxième session doit clôturer le processus. Parviendra-telle à faire bouger les lignes ?
SUR LA FAMILLE.
Le pape François joue sa crédibilité.
À
la fin de l’année, les procédures
d’annulation des mariages religieux seront allégées et elles
seront gratuites. Cette décision
du pape François, un mois avant le deuxième Synode sur la famille, peut surprendre. Elle est interprétée par les experts
comme une façon de couper l’herbe sous
le pied de ceux qui souhaitent voir le
synode déboucher sur quelques mesures
purement « cosmétiques ».
Or, le pape François veut des changements. Il l’a rappelé lors de son voyage
en Équateur en juillet dernier. En commentant le miracle de Cana, il a affirmé
que l’Église doit porter son attention
sur les situations familiales brisées, très
courantes en Amérique Latine. « Dieu
s’approche toujours des périphéries (…) de
ceux à qui il ne reste à boire que le découragement, expliquait-il en ajoutant que
Jésus a un faible pour offrir en abondance
le meilleur des vins à ceux qui, pour une raison ou une autre, sentent déjà que toutes
leurs jarres se sont cassées. »
Malgré ces intentions affichées, le synode
organisé l’an dernier n’a pas tenu ses promesses. Le pape François avait décidé d’y
favoriser une grande liberté de parole,
inhabituelle jusque-là. Un rapport inter-
médiaire faisait preuve d’un certain
nombre d’ouvertures, reconnaissant des
« valeurs positives » au mariage civil et
appréciant de façon bienveillante les
unions de fait, y compris homosexuelles.
Pas d’avancées en 2014
Cependant, une semaine plus tard, trois
paragraphes essentiels concernant les
divorcés remariés et les homosexuels
n’obtenaient pas la majorité des deux
tiers, nécessaires pour être approuvés.
En fin de synode, le cardinal Christoph
Schönborn, archevêque de Vienne, avait
À la Une
L’appel 380 - Octobre 2015
souligné combien le texte final était tout ce temps. Leurs seuls contacts passent position ouvertes sont bien connues,
« nettement plus réservé » que le rapport par internet, webcam ou téléphone… ». pour la représenter. Le cardinal Danneels
intermédiaire, pointant des oppositions L’Église ne propose pas grand-chose pour sera également présent comme invité
des évêques de « pays de cultures très dif- faire face à ces situations.
spécial du pape. Que peut-on attendre
férentes ».
de cette nouvelle session ? Le théoloC’est notamment le cas de l’Afrique, Le pape est coincé
gien belge Ignace Berten, est modéréconfrontée à la polygamie. Pour y mettre
ment optimiste car, selon lui, le pape est
fin, ses représentants sont favorables à Pour préparer le synode, Rome a, comme coincé. « Après avoir tellement annoncé un
une mise en valeur de l’indissolubilité du en 2014, diffusé un questionnaire en gouvernement plus collégial de l’Église, qui
mariage comme lien entre un homme invitant les catholiques à y répondre. Les associerait le pape et les évêques, François
et une femme pour la vie. Cette posi- échos donnés aux différents rapports est bien forcé de s’aligner sur la volonté des
tion serait donc un frein à une possible en Europe montrent que l’exclusion des évêques, qui sont dans leur grande majoévolution à propos de l’accès à certains méthodes artificielles de contraception rité conservateurs, et de renoncer à imposacrements pour les divorcés-remariés. est massivement rejetée, que la demande ser une réforme qui serait repoussée par la
Par ailleurs, le continent africain ne par- d’accès à l’eucharistie pour les divorcés plupart d’entre eux. » Va-t-il malgré tout
tage pas la vision occidentale de
conclure le synode comme il le
l’homosexualité. « Nos peuples
souhaite même si « la majorité
savent
que
l’homosexualité « Après avoir tellement annoncé un des deux tiers ne va pas dans ce
existe, explique le cardinal Sarr, gouvernement plus collégial de l’Église, sens-là ? Prendra-t-il la responarchevêque de Dakar, ils gèrent qui associerait le pape et les évêques, sabilité de décider contre elle, ou
cela à leur manière, mais on sent
plutôt peut-être en faveur d’une
François
est
bien
forcé
de
s’aligner
sur
la
aujourd’hui une pression pour une
majorité réelle mais réglemendépénalisation de l’homosexua- volonté des évêques, qui sont dans leur tairement insuffisante, alors qu’il
lité. » Or, pour lui, ce n’est pas grande majorité conservateurs. »
ne cesse de valoriser la collégia« le nec plus ultra de l’évolution
lité ? » Impossible de le dire à
et du progrès de l’humanité ». Les
cette heure. Mais pour sortir de
observateurs constatent donc que la voix remariés est très forte et que la demande l’impasse, Ignace Berten propose une
de l’Afrique renforce l’aile conservatrice.
de reconnaissance de l’union homo- solution (voir encadré) qui délèguerait les
sexuelle est aussi majoritaire.
décisions aux conférences épiscopales
Autres cultures,
Du 4 au 25 octobre, près de trois cents continentales.
autres points de vue
participants se réuniront pour étudier
tout cela. La conférence épiscopale belge
Paul de THEUX
Pour le cardinal Tagle, archevêque de a choisi Mgr Bonny, dont les prises de
Manille, les pays occidentaux se focalisent sur quelques thèmes qui leur sont
propres et ignorent les problèmes des
familles des pays en développement.
Passer le relais aux conférences épiscopales
Parmi eux, les mariages mixtes, les violences domestiques, la pauvreté ou l’effet
Dans un document daté du mois de juin, Ignace Berten, dominicain, propose
des migrations sur la famille. « Il y a bien
une piste qui permettrait au pape François d’atteindre ses objectifs tout en ressûr beaucoup de défis concernant la famille
pectant les résultats du vote du Synode. « François a dit clairement qu’il veut revaaux Philippines, reconnaît le cardinal, mais
loriser l’autorité des conférences épiscopales y compris au plan doctrinal (…). S’il est
pour moi, il s’agit tout d’abord de la pauconvaincu de ce que la mise en œuvre de la miséricorde demande qu’il y ait ouvervreté, l’extrême pauvreté (…). Les couples
ture concernant les divorcés remariés, il pourrait ne pas le décider dans son exhorne se séparent pas parce qu’ils veulent
tation apostolique de conclusion du synode, mais remettre la question aux confédivorcer, ne s’entendent plus ou sont en
rences épiscopales continentales, de sorte que les conseils des conférences épiscoconflit. Non, ils se quittent et se séparent de
pales européennes, africaines, asiatiques, nord-américaines et latino-­américaines
leurs enfants parce qu’ils s’aiment, et que
auraient autorité pour traiter chacune l’une ou l’autre question en suspens après le
la meilleure façon pour eux de s’occuper de
synode (divorcés remariés, homosexuels, peut-être encore d’autres comme la polyleur famille et de les faire vivre, est d’aller
gamie ou le mariage par étape pour l’Afrique…), quitte à ce qu’il y ait des pratiques
travailler à l’étranger. » Mgr Bonny, évêque
pastorales différentes selon les continents, et de façon reconnue ou non des doctrines
d’Anvers, confirme cette préoccupation
différentes. Cela serait difficile à gérer du point de vue catholique, mais l’exemple de
en soulignant que « dans le port d’Anvers
la communion anglicane peut être éclairant de ce point de vue. L’ouverture de l’Église
entrent et sortent chaque jour de grands
d’Angleterre à l’union homosexuelle, d’une part, à l’épiscopat féminin, d’autre part,
navires de haute mer. Leurs équipages
a failli provoquer la rupture avec l’Afrique. Mais récemment, le conseil des Églises
viennent d’Asie, d’Afrique, d’Europe de l’Est.
anglicanes africaines a publiquement déclaré qu’il voulait maintenir la communion
Ce sont souvent de jeunes hommes, certains
malgré cette divergence. »
mariés, d’autres pas. Certains marins, par
Synode sur la famille, ouvertures ou blocages ? Ignace BERTEN
exemple philippins, travaillent sous contrat
Le document est consultable sur le site de Lumen Vitae : http://www.lumenonline.net/courses/
de neuf mois en mer et ne revoient donc
lumen_NOUV/document/Synode_Ouvertures_ou_blocages.pdf
leur épouse et leurs enfants qu’au bout de
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L’appel 380 - Octobre 2015
8
À la Une
ERDOGAN LE SULTAN
« Nouvelle Turquie » :
retour
vers le passé ?
Réélu trois fois à la majorité absolue entre 2002 et 2012, Recep Tayyip Erdogan a
« marché sur les eaux du Bosphore » pendant dix ans. Se rapprochant du modèle européen,
la Turquie apparaissait comme un pays stable et tolérant. Mais, après des pas hésitants vers la
démocratie à l’occidentale, l’islam et le nationalisme reviennent au centre de la vie politique.
E
n 2002, accueillis aux cris de « Vive Turquie est restauré. Erdogan construit Le « Poutine turc »
l’Europe », les voyageurs euro- une démocratie islamo-conservatrice
péens montaient au Nemrud qu’il compare à la démocratie chré- Mais depuis deux ans et demi, la Turquie
Dagi et partageaient le thé avec tienne européenne. La place centrale offre un tout autre visage. L’islam est au
les Turcs au milieu d’imposants vestiges réservée à l’islam ne semble pas com- centre de la vie politique, ce qui est natucultuels du Ier siècle av. J.-C. Situé dans promettre démocratie et développe- rel dans un pays à majorité musulmane,
la partie méridionale de l’Anatolie cen- ment. Par ailleurs, après deux décen- mais celui-ci s’accompagne aussi d’une
trale, ce sommet domine à plus
résistance à l’Occident et à ses
de deux mille mètres la vallée de
règles « imposées par le haut »
l’Euphrate. La vue impression- Erdogan ne fait qu’ajouter le chaos durant la période kémaliste.
nante offre des couchers de soleils à la confusion en revendiquant avec Si l’AKP exerce le pouvoir avec
fabuleux.
la même manière autoritaire et
Aujourd’hui, les citoyens turcs obstination tous les pouvoirs.
nationaliste que sous le régime
sont toujours chaleureux, mais
laïc instauré autour de 1920, en
inquiets. Un marchand d’Elbistan
revanche, sa politique est en
(Anatolie centrale), où vit une importante nies d’affrontements et quelque 40 000 véritable rupture. C’est ainsi que le prominorité kurde, exprime ses peurs. Il craint morts, deux ans et demi de négociations cessus d’adhésion à l’Union européenne
que la Turquie n’en revienne au début des laissent croire aux Kurdes à la recon- n’avance plus. Dur pour le commerce !
années 80. De nombreux Kurdes partent naissance de leur identité culturelle Des touristes européens attentifs ont
alors vers l’Europe. Par prudence, il n’en et à l’obtention de droits égaux à ceux sans doute entendu les avertissements
dit pas plus. Mais il ajoute : « Si tu veux des turcophones. Ils peuvent écouter des marchands de tapis ou de cuirs turcs
parler politique, rentrons dans la maison, leur musique, parler leur langue sans qui demandaient instamment à l’Europe
car dehors les paroles volent loin ».
se cacher des militaires qui sillonnent de ne pas lâcher la Turquie.
régulièrement la région kurde. L’AKP, le Au vu de ce qui se passe, certains
Se montrer rassurant
parti de la Justice et du Développement appellent déjà Erdogan « le Vladimir Poufondé par Erdogan, gagne ainsi la sym- tine de la Turquie ». Comment en effet ne
Sous la direction d’Erdogan, la Turquie pathie des minorités autrefois exclues pas s’inquiéter de la manière dont le préest entrée dans le club des pays émer- de la République, moderne et laïque, sident actuel a géré les évènements viogents. L’État de droit a progressé. Fini les aujourd’hui contestée par les nouvelles lents du parc Gesi en 2013 ? Comment ne
coups d’État militaires. Le prestige de la élites pieuses.
pas s’indigner de l’emprisonnement de
À la Une
Erdogan rebat les cartes
Pour la première fois depuis 2002, en juin dernier, l’AKP perdait sa majorité absolue. L’opposition, avec la montée inattendue du HDP, le
parti laïc des Kurdes rejoint par de nombreux
démocrates turcs, empêchait Erdogan de réaliser la réforme constitutionnelle lui permettant
d’étendre son pouvoir.
Erdogan, sûr de lui, n’avait pas caché son jeu.
Il était inscrit dans l’histoire qu’étant donné
« qu’il y a un président qui exerce de facto tous les
pouvoirs [depuis qu’il a été élu au suffrage universel en 2014] ce qui doit être fait maintenant
c’est d’inscrire dans la Constitution cette situation
de fait ».
Le 20 juillet dernier, un attentat attribué à l’État
islamique fait 32 victimes parmi des jeunes
Kurdes. Erdogan, dont l’attitude à l’égard des
djihadistes est restée longtemps ambivalente,
déclare officiellement la guerre à l’État islamique. Cette déclaration de guerre est une
duperie. Tout en acceptant d’ouvrir les bases
militaires turques aux avions américains, la
« lutte contre le terrorisme » signifie aussi et
surtout, pour le président turc, ouvrir un nouveau front contre les militaires kurdes du PKK.
Le président turc veut réveiller la fibre nationaliste… Quel que soit le choix du HDP, il risque
de perdre soit le soutien des Kurdes, soit celui
des turcs démocrates qui espèrent contribuer à
mettre un terme à la guerre. Et de redescendre
en-dessous de la barre des 10 %, ce qui lui interdirait de participer à la vie parlementaire.
En arriver à de tels calculs ne fait que confirmer
l’affaiblissement de l’autorité du président turc.
Erdogan ne fait qu’ajouter le chaos à la confusion en revendiquant avec obstination tous les
pouvoirs. Tout cela pour une victoire électorale incertaine au 1er novembre prochain et le
retour aux années noires des années nonante !
Christian VAN ROMPAEY
Pour aller plus loin :
Ahmet Insel, La nouvelle Turquie d’Erdogan, La Découverte, Paris 2015. Prix : 19,70 € -10% = 17,73 €. (Paru avant
les dernières élections de juin 2015).
Pour l’actualité récente : Agence de presse Al Monitor.
FAITS
LARCINS.
Une
ving­taine
d’objets
religieux ont été
volés pendant cet été dans
les églises de Flandre et de
Bruxelles. Soit deux à trois fois
plus que l’an passé.
RENONCEMENT. L’arche­
vêque sortant de MalinesBruxelles ne se pourvoira pas en cassation contre
l’arrêt prononcé par la Cour
d’appel de Liège le 23 avril
dernier, qui l’avait condamné
pour absence de soutien
à l’ancien séminariste Joël
Devillet, victime d’un prêtre
pédophile.
ANONYMAT. Depuis mai dernier,
les
indonésiens
peuvent laisser un blanc en
face de la rubrique « religion »
de leur carte d’identité ou inscrire la religion de leur choix.
Cette mesure était attendue
depuis longtemps afin de lutter contre toute discrimination
des religions minoritaires en
Indonésie.
© Wikipedia
RENAISSANCE.
L’église grecque
orthodoxe SaintNicolas va renaître
plus de dix ans après les attentats contre le World Trade
Center, à New York. En effet,
l’ancienne église du même
nom avait été détruite lors
de cette attaque. Inspirée de
la basilique Sainte-­Sophie, à
Istanbul, elle coûtera environ
quarante millions de dollars.
ERDOGAN.
Jusqu’où ira-t-il ?
JMJ 2016. Les
prochaines Journées Mondiales
de la Jeunesse ont désormais un site internet belge.
Il s’adresse à tous ceux qui
souhaitent en savoir davantage sur les JMJ qui auront
lieu l’été prochain à Cracovie,
en Pologne. Il permet aussi de
s’inscrire à ce grand rassemblement chrétien. http://cracovie2016.jmj.be/
L’appel 380 - Octobre 2015
nombreux journalistes, écrivains et cinéastes
parce qu’ils ont contesté le pouvoir en place ?
Comment ne pas se révolter face à la chasse
aux juges qui s’attaquent à la corruption de
l’entourage d’Erdogan ? Les commerçants euxmêmes s’alarment de la dette de la Turquie et
du chaos annoncé par la réouverture du conflit
avec les Kurdes.
9
À la Une
SOIGNER L’ANOREXIE AUTREMENT
Oser rencontrer
sa souffrance réelle
Adolescente, Caroline Valentiny
a chuté dans une profonde
dépression doublée d’anorexie.
Elle a raconté sa souffrance et
puis sa renaissance dans un
livre paru en 2009, réédité cette
année. Mettre des mots sur son
vécu l’a aidée à guérir. Pour les
lecteurs, son récit est un signe
d’espérance car il témoigne tout
simplement que la vie a été plus
forte que la maladie.
© Caroline Valentiny
L’appel 380 - Octobre 2015
10
CAROLINE.
Elle est revenue à la vie grâce à la bienveillance d’autrui.
C
aroline Valentiny a 17 ans. Tout
va bien. Elle vit dans une famille
nombreuse aimante. Mais, lors
du mariage de sa tante, brusquement, tout bascule. Un malaise se glisse
sous sa peau : la tête tourne, elle transpire,
son cœur bat à 180. Elle assiste à la fête
comme si elle y était étrangère, comme si
elle était dans un brouillard. C’est le début
d’une longue descente aux enfers.
La nuit profonde
Ces crises d’angoisse se répèteront
régulièrement. Elle consulte un cardio-
logue mais le cœur fonctionne bien. À
24 ans, le monde lui semble déstructuré.
Dans sa tête, les repères, les évidences
se brouillent : plus rien ne va de soi. Le
monde qui l’entoure lui apparaît morcelé. Quand elle rentre dans un café,
l’ambiance lui semble éclatée, il n’y a plus
d’unité dans sa perception de la réalité.
À la Une
Renouer avec soi et les autres
L’auteure note encore que l’hôpital psychiatrique est souvent un lieu à part, isolé. « Or, il
devrait être davantage porteur de vie et de chaleur, d’autant plus que la personne anorexique est
déconnectée de ses émotions, son être est dévitalisé. L’hôpital devrait aussi être plus proche du
patient et davantage relié », observe-t-elle.
Actuellement, en Belgique, des expériences
Caroline VALENTINY, Voyage au bord du vide, Paris, Desclée
de Brouwer, 2015. Prix : 18,90 € -10% = 17,01 €. Il s’agit
d’une réédition du livre paru en 2009 : Le jour où ma tête est
tombée dans un trou, augmentée d’une préface de Gabriel
Ringlet et, en postface, d’un dialogue entre Gabriel Ringlet
et Caroline Valentiny.
INDICES
AUTORISATION. Le
Vietnam permet à
l’Église catholique
locale d’ouvrir un institut universitaire national. Il pourrait
s’installer à Hô-Chi-Minh-Ville
(ex-Saïgon). Jusqu’à présent,
l’Église ne pouvait assumer
que la responsabilité de jardins d’enfants et d’écoles
maternelles. Dans un pays où
les religions sont fortement
contrôlées par l’État, cette décision révèle un changement
d’attitude des autorités.
OUVERTURE. Selon un
sondage réalisé à la veille
de la visite du pape aux ÉtatsUnis, les Américains catholiques ou « ayant un lien avec le
catholicisme » sont ouverts aux
familles qui ne vivent pas selon
les normes traditionnelles.
DROIT D’ASILE. Automatique au Moyen
Âge, le « droit d’asile »,
permettant à toute personne
menacée d’être accueillie dans
des espaces religieux, va être
réinstauré en Allemagne. C’est
en tout cas ce qu’ont proposé
les évêques dans un document destiné à ouvrir un débat avec l’État sur la création
ou non d’un « système d’asile
européen commun ».
ACCUEIL. L’Église orthodoxe serbe demande à
ses fidèles d’apporter leur aide
aux « infortunés qui arrivent
en Serbie en provenance du
Proche-Orient », fuyant les
conflits sanglants. Et de le faire
« avec amour et humilité ».
PÉTITIONS. Les clans se
comptent pour le synode sur
la famille. À l’appel des conservateurs, une « supplique »
au pape avait été lancée par
plusieurs cardinaux, dont Mgr
Raymond Burke. En réponse,
une pétition de soutien au
pape François a été mise
en ligne par les Baptisés en
marche (http://www.baptisesenmarche.be/?p=427)
L’appel 380 - Octobre 2015
Elle ne parvient plus à confronter le chaos de vont dans ce sens : la personne est soignée
son monde intérieur à celui de la vie ordinaire. chez elle et tout un réseau est tissé autour du
Petit à petit, Caroline perd du poids et le méde- malade. L’aspect relationnel est fondamencin pose le diagnostic : anorexie. Mais, dans tal. Or, en hôpital psychiatrique, il est et reste
son cas, l’anorexie est la conséquence d’un trop peu présent. Peut-être par peur de la
trouble plus profond qui
part du personnel soise passe dans sa tête. Elle
« La dépression, c’est un gnant. De même, le touva consulter un psychocher est important pour
logue, puis un psychiatre secret qui cherche à venir reconnecter la personne
qui prescrit des antidé- à la lumière. À travers elle, avec son corps. La peinpresseurs. Mais toutes
la danse, le chant…
l’être cherche à se dire sans ture,
ces molécules n’arrivent
sont autant de formes
pas à la soigner. Fina- avoir peur des représailles. d’expression qui ont perlement, c’est l’hôpital Il veut être accueilli avec mis à Caroline d’explorer
psychiatrique pendant
des chemins intérieurs,
bienveillance. »
des mois. Elle y subit des
de s’approprier une
traitements lourds : l’isovision de soi, de regarder
lement, l’enfermement, les électrochocs qui la beauté de l’être et pas uniquement ce qui lui
certes diminuent un peu les idées envahis- manque. Cette découverte de l’intériorité est
santes dans sa tête mais abîment sa mémoire, d’autant plus importante que, selon Caroline,
provoquent des tremblements… Tous ces trai- dans l’anorexie, il y a une soif d’absolu, il y a une
tements l’enfoncent un peu plus. Elle vit dans volonté de revenir à l’essentiel, de s’approcher
une nuit profonde.
de certaines valeurs.
Au Canada, le contact avec la nature, comme
l’océan tout proche du lieu où Caroline était
Une remontée vers la lumière
soignée, l’a reconnectée aux sources vives et
lui a redonné de l’énergie. Toutes ces mains
C’est finalement au Canada que Caroline va tendues, la bienveillance, l’environnement…
sortir de cette nuit. Là, elle rencontre des thé- redonneront vie à Caroline. Écrire le livre a fait
rapeutes qui l’écoutent, qui établissent une aussi partie de la thérapie car elle a pu mettre
relation de confiance, qui lui tendent vérita- des mots sur son vécu.
blement les bras. « Pour soigner la dépression, il Après de longs mois passés au Canada, elle
faudrait davantage aider le patient à rentrer en est revenue en Belgique, près des siens. Elle a
contact avec sa souffrance réelle », explique l’au- obtenu un master en psychologie. Désormais,
teur. Souvent, la psychiatrie agit sur le compor- son objectif est d’accompagner des personnes
tement par des récompenses : « Si tu as pris un à se reconstruire en cherchant les chemins qui
peu de poids, tu pourras sortir pendant le week- leur conviendront le mieux. Une nouvelle vie
end », mais le fond du problème n’est pas pour commence…
autant résolu.
Selon Caroline Valentiny, il faudrait créer des
espaces de parole plus ouverts, plus chaleuCathy VERDONCK
reux, qui permettent de renouer avec l’être
emprisonné par les symptômes. Proposer une
écoute large, oser aborder la souffrance réelle,
savoir écouter le patient en profondeur. « La
dépression, c’est un secret qui cherche à venir à
la lumière », analyse-t-elle. « À travers elle, l’être
cherche à se dire sans avoir peur des représailles.
Il veut être accueilli avec bienveillance. »
11
Signe
L’appel 380 - Octobre 2015
12
SUR LA ROUTE
Les motards,
des hommes à part ?
Seuls ou en groupe, les motards ont, comme chaque été, égayé les nationales et les autoroutes
du pays. Fin août, certains ont même fait éclater leur colère face à l’insécurité qui les guette sur
le bitume. Mais que sait-on vraiment de ces motocyclistes que l’on regarde passer tantôt avec
admiration, tantôt avec effroi ?
© Team de la Madone des Motards de Belgique
LE PARDON DE LA MADONE.
Ce rassemblement réunit chaque année 20 000 personnes.
P
our Chris Paulis, ancienne
motarde et Docteure en Anthropologie de la Communication à
l’Université de Liège, il est grand
temps de se pencher sur le sujet, car les
motards sont de plus en plus présents
dans la circulation. Et s’il est très aisé de
les définir, il est beaucoup plus compliqué
d’essayer d’expliquer leur philosophie de
vie : « Je ne parlerai pas du motard, mais
plutôt des motards, car il en existe de plusieurs types. Ce qui les définit, c’est leur passion commune : ils aiment leur moto et ils
aiment rouler à moto. Ils se reconnaissent
et se regroupent selon le lieu de fabrication de leurs machines – essentiellement
les États-Unis et le Japon – et ils marquent
fortement la différence entre hommes et
femmes, même si le machisme tente à diminuer depuis une dizaine d’années dans ce
milieu. »
Signe
fait encore, tellement parler d’elle par ses nombreux méfaits que beaucoup considèrent tous
Les Années Cinquante aux États-Unis ont vu les motards comme étant de potentiels « Hells
l’émergence des « bad boys » (mauvais gar- Angels ». Mais selon l’anthropologue liégeoise,
çons), véritable phénomène de société mon- cette façon peu flatteuse de percevoir les pastrant une jeunesse en proie à la révolte, avide sionnés du deux-roues serait en train de chande liberté, se déplaçant en bandes à moto, sans ger : « Depuis une quinzaine d’années, l’accès à
peur et sans limites. Les motards d’aujourd’hui la moto est devenu possible pour un plus grand
ont plutôt tendance à former des groupes plus nombre de personnes, que ce soit les habitués de
restreints ou des communautés, telle la com- l’automobile qui achètent un deux-roues pour se
munauté des « Harleyistes » qui se rassemble rendre au travail en évitant ainsi le trafic, ou que
autour de la mythique Harley-Davidson. ce soit les amoureux de la moto qui en achètent
D’autres préfèrent se regrouper entre « rou- une, simplement pour leur plaisir et leurs loisirs.
tières », « trails » et autres motos d’enduro ou Beaucoup de choses bougent actuellement dans
de compétition.
le monde de la moto.
« Mais, précise Chris
De plus, il faut compter
Les nouveaux motards
Paulis, face à des danaussi sur les nouvelles
n’ont pas cette culture
gers sociaux les concervenues, les motardes,
nant, par exemple leur de la fraternité vissée au corps qui commencent à s’affragilité sur la route,
franchir dans le milieu. »
accentuée par le mauAutant dire que si
vais état des chaussées en Belgique, les motards Marlon Brando, dans le film L’équipée sauvage,
s’expriment d’une seule voix quelle que soit la continuera à en fasciner plus d’un(e), il semble
marque de leur engin. » C’est aussi le cas lors de néanmoins que le mythe du motard-mauvais
défenses de grandes causes ou lors de fêtes, garçon ait fait son temps…
comme le Pardon de la Madone des motards Même cette solidarité sans défaut qui caractéà Porcaro en Bretagne. Les motards donnent risait si bien le sens commun de la population
ainsi à voir de gigantesques rassemblements motarde est mise à mal aujourd’hui. Le signe
où motos japonaises, allemandes et améri- de la main gauche chaque fois qu’un motard
caines se côtoient sans problèmes.
en croise un autre en serait peut-être l’ultime
Est-ce à dire qu’un esprit motard, voire une représentation. Les nombreux nouveaux
philosophie motarde, unirait tous les accros de motocyclistes, entrés dans le monde du deuxla moto ? L’idée est séduisante, mais peut-être roues pour raison économique, n’ont pas cette
idéaliste. Ici aussi, il faut distinguer les déten- culture de la fraternité vissée au corps puisque,
teurs de Harley-­
Davidson des autres moto- pour eux, rouler sur un tel véhicule relève plus
cyclistes. Les « Harleyistes » ont un très grand de la nécessité que de la passion.
attachement à la communauté. Ils roulent, « Je ne suis pas très optimiste quand je pense aux
s’habillent, se comportent tous suivant un motards qui emprunteront les routes demain,
code imposé par la marque. Les autres motards conclut Chris Paulis. Vu qu’ils sont de plus en
vivent leur passion davantage en solitaire voire plus nombreux, que les routes sont de moins
à deux ou trois. Ils rejoignent le groupe pour en moins bien entretenues et que les sociétés
rouler quelques dizaines ou centaines de kilo- modernes ont tendance à véhiculer la notion
mètres ensemble, et adhèrent à des valeurs du “moi d’abord” et du non-respect de l’autre,
comme le respect de la liberté, de la nature et je crains qu’il y ait de plus en plus d’accidents
des autres.
graves de la circulation pour de nombreux jeunes
à moto. Il n’existe pas de véritable conscience de
la fragilité du motard. La majorité des personnes
retiennent plutôt son côté loubard que sa préDes mythes qui s’effilochent
carité sur la route, et il n’y a que l’éducation qui
L’image du conducteur de bécane en cuir, fron- puisse changer le regard. »
deur, ne respectant rien ni personne sur son
engin bruyant, colle pourtant encore à la peau
du motard. Elle renvoie en fait aux États-Unis et
au club des « Hells Angels » où est né le mythe
du « bad boy ». Durant ces fameuses Années
Cinquante, des « Harleyistes » – car il faut posséder une Harley pour faire partie du mouvement – fondent ce club controversé, régi par
des règles très strictes flirtant avec l’illégalité,
et qui est même considéré comme une organiSylvie BERGEN
sation criminelle. Une organisation qui a fait, et
INDICES
FRÉQUENTABLE. La
députée FN Marion
Maréchal-Le Pen, petite-fille du président d’honneur déchu de ce parti, a été
invitée fin août à prendre la
parole dans une « université
d’été » pour catholiques organisée par l’évêque de FréjusToulon (Var), Mgr Dominique
Rey. Cette invitation brise
un tabou, l’Église de France
s’étant jusqu’ici interdit tout
rapport avec le FN, et ayant
fréquemment condamné le
parti d’extrême-droite. Visiblement, les temps changent.
NON. L’autorité fiscale
israélienne a rejeté récemment la demande de
dédommagement présentée
par l’Église catholique pour
un attentat perpétré en juin
contre le sanctuaire du miracle
de la multiplication des pains
et des poissons de Tabgha. Ce
refus est basé sur le fait que
les règlements ne garantissent
le dédommagement que des
seuls actes de violence causés
par le conflit israélo-arabe.
CENSURE. Les autorités du royaume d’Arabie saoudite ont censuré le numéro du mois d’août
du National Geographic et son
dossier consacré aux réformes
initiées par le pape depuis son
arrivée au pontificat. La Mottawa n’a pas autorisé la distribution du magazine américain. Il
semblerait que « la révolution
tranquille » menée par François ne soit pas appréciée par
les autorités wahhabites qui
ne veulent pas être réformées
ni diffuser des idées neuves.
FEMMES. L’association
française Action Catholique des Femmes (ACF) « créée
pour et par les femmes » a lancé
en septembre un plaidoyer
« pour la juste place des femmes
dans les instances décisionnelles de l’Église ». « Peut-on
parler d’une présence féminine
dans l’Église ? », se demandent
les auteures du plaidoyer.
L’appel 380 - Octobre 2015
Dis-moi sur quoi tu roules…
13
Signe
JACQUES Gaillot – Pape françois
L’appel 380 - Octobre 2015
Entre frères
Vingt ans après avoir été
destitué de son diocèse
d’Évreux par Jean-Paul II,
Mgr Gaillot a été reçu par le
pape François, le 1er septembre
dernier. La rencontre, sans
enjeu, purement fraternelle,
a fait du bien à tous ceux qui
avaient été meurtris par cette
sanction, et qui se sentent
enfin reconnus.
E
ntre le « pape des pauvres » et
le « monseigneur des autres », le
courant est tout de suite passé. La
rencontre a eu lieu à la Casa SantaMarta, la résidence hôtelière du Vatican
où le pape a élu domicile. Avec la simplicité qu’on lui connaît désormais, le pape
est venu lui-même à la rencontre de ses
invités. Pour l’occasion, Mgr Gaillot était
en effet accompagné par Daniel Duigou,
curé à Saint-Merri, une paroisse parisienne
pilote où des chrétiens apprennent à
faire Église autrement. Le pape François a
ouvert la porte et a accueilli Mgr Gaillot les
bras ouverts : « Nous sommes des frères »,
lance-t-il d’emblée. La conversation s’est
poursuivie à bâtons rompus, dans une
ambiance amicale et détendue. Mgr Gaillot n’avait rien à demander et le pape rien
à proposer.
Exclu parmi les exclus
Il y a vingt ans, Mgr Gaillot était très présent dans les médias et osait une parole
libre sur toute une série de sujets : le
mariage des prêtres, l’ordination des
femmes, l’accueil des personnes homosexuelles. S’il lui arrivait de choquer des
chrétiens fidèles au magistère, il soulevait
le plus souvent l’enthousiasme par son
audace évangélique. On sait aujourd’hui
que ce ne sont pas tellement ses prises
de position sur la discipline de l’Église qui
© Daniel Duigou
14
DEUX PRÊTRES.
Libres au cœur de l’institution.
ont posé problème, mais son livre Coup de
gueule contre l’exclusion, publié en 1994.
Il y dénonçait avec vigueur les lois sur
l’immigration de Charles Pasqua. Il semblerait que le coup de gueule du ministre
de l’Intérieur de l’époque ait été plus
écouté au Vatican que celui de l’évêque
d’Évreux. Toujours est-il que le 13 janvier
1995, Jacques Gaillot était démis de ses
fonctions et devenait évêque de Partenia,
un diocèse disparu depuis quinze siècles.
Lui qui a toujours défendu les exclus, était
exclu à son tour. Cela ne l’a pas empêché
de continuer sa lutte au quotidien pour
que chacun soit reconnu dans sa dignité,
et de parcourir le monde pour promouvoir la paix.
L’Église a besoin d’air
En novembre dernier, juste après la première session du synode, Mgr Gaillot avait
écrit au pape : « Nous sommes nombreux
à vouloir vous dire notre soutien et notre
reconnaissance pour tous les efforts que
vous faites, afin que l’Église catholique
rencontre son temps. » François ouvrait
en effet une ère nouvelle et apportait
un peu d’air frais dans une Église sclérosée. Le pape aime à répéter que le Christ
frappe à la porte de l’Église : « On croit
qu’il frappe de l’extérieur, mais non, c’est
de l’intérieur qu’il frappe pour qu’on ouvre
les portes ». Hélas, le texte qui est sorti du
synode a donné l’impression de refermer
ces portes. Heureusement, il reste une
session de rattrapage…
En attendant, Mgr Gaillot n’a pas caché sa
joie de rencontrer le pape : « Vous êtes un
cadeau de Dieu pour le monde. Vous êtes
sans doute une des rares personnes, sinon
la seule, à pouvoir dire une parole qui soit
entendue dans le monde entier. Je ne viens
rien vous demander, mais tout un peuple
de pauvres est content que vous me receviez, et se sent ainsi reconnu. »
Il a ensuite expliqué qu’il lui arrivait de
bénir des couples de divorcés remariés
ou des couples d’homosexuels chrétiens.
Le pape l’a écouté avec bienveillance et
encouragé : « Continuez, ce que vous faites
est bien. La bénédiction, c’est dire la bonté
de Dieu à tout le monde. »
Au sujet des immigrants, le pape a insisté :
« Ils sont la chair de l’Église ». L’évêque de
Partenia partage aussi cet avis et trouve
qu’on a aujourd’hui bien plus de respect
pour les frontières que pour les étrangers.
Avant de se quitter, le pape s’est mis en
quête d’un photographe et comme il
n’en trouve pas, c’est Daniel Duigou qui
immortalise l’événement avec son gsm.
Le lendemain, la presse italienne révélait
que le pape était allé, en ville, s’acheter de
nouvelles lunettes. Est-ce un signe que
son regard a changé ?
Jean BAUWIN
Signe
L’île retrouvée
À chaque marée haute, le Mont-Saint-Michel est désormais à nouveau
entouré d’eau. Ce qui change tout pour ce site exceptionnel.
Y compris pour le visiteur.
D
ans les brumes d’un petit matin,
la silhouette élancée de la flèche
gothique d’une abbaye coupe
l’horizon, plantée au sommet d’un
îlot rocheux. Pas de doute : le Mont-SaintMichel n’est plus très loin. Pourtant, pour
y accéder, il faut désormais le mériter, et
prendre son temps. À l’instar des pèlerins
qui en ont arpenté les ruelles peu avant
l’an mil.
Depuis décembre dernier, l’accès au célèbre Mont n’a en effet plus rien de commun avec le passé. Fini de garer sa voiture
à deux pas de l’entrée, le long de la digue-route
érigée en 1879. Désormais, il faut se parquer à
2,5 km de là et s’y rendre à pied, en car-navette
ou en hippomobile en empruntant un « pontpasserelle ».
Pèlerinage
C’est à pied que l’expérience est la plus belle. La
marche dure environ cinquante minutes (aller
simple), mais permet d’entrer en communion
avec le site, son implantation au milieu de l’estuaire du Couesnon, et d’admirer les ciels changeants qui, entre nuages et éclaircies, révèlent
les facettes kaléidoscopiques du Mont.
Bien sûr, souvent, la promenade ne se fait pas
seul. Mais il n’est que plus touchant de voir combien des personnes, venues des quatre coins
du monde, peuvent ainsi, en même temps, être
impressionnées par la beauté du lieu.
Le « pont passerelle », récemment inauguré,
fait toute la différence avec le passé. Il a remplacé l’ancienne digue qui reliait le Mont à la
terre ferme. Désormais, la mer peut enserrer
totalement l’ilot rocheux. À quelques dizaines
de mètres des remparts, ce pont s’abaisse d’ailleurs légèrement vers le niveau de l’eau. Lors
des marées, la « Merveille de l’Occident » est
ainsi véritablement dénuée de tout lien avec le
continent.
© Magazine L’a
ppel - Frédéric
ANTOINE
SÉDUCTION.
Personne ne résiste aux charmes du Mont.
Sauvetage
L’isolation du Mont a été réalisée en parallèle
avec la régulation du débit du Couesnon, grâce
à un nouveau barrage qui redonne assez de
force au fleuve pour chasser les sédiments qui
ensablaient la baie. Les gigantesques travaux
entamés en 2005 visaient en premier lieu à
régler ce problème et à supprimer les champs
herbeux.
Redevenu île, le Mont-Saint-Michel est désormais sauvé. Et, avec un peu d’effort, permet
à ses visiteurs d’encore mieux en apprécier
l’extra­ordinaire spiritualité.
Frédéric ANTOINE
Si l’on redoute de faire l’aller-retour à pied, rien n’empêche
de prendre pour l’un des trajets le « Passeur », navette électrique gratuite qui fait le parcours en 12 minutes. Le parking
est payant (à partir de 6,50 €). À côté des parkings, un centre
d’information touristique explique les travaux réalisés. Vu
l’affluence, il vaut mieux se rendre sur place tôt le matin…
ou à la nuit tombée. Hors saison, une soirée au Mont, dans
une atmosphère calme et silencieuse, est inoubliable.
(Pratique : www.bienvenueaumontsaintmichel.com.
Tourisme : www.ot-montsaintmichel.com)
FEMMES ET HOMMES
BENEDICT DASWA.
Instituteur catholique
sud-africain, il avait
été battu à mort en 1990 pour
s’être opposé à des pratiques
de sorcellerie. Le 13 septembre dernier, il a été le premier martyr d’Afrique du Sud
béatifié.
TREVOR HARPER. En
couple depuis neuf
ans avec Davis Covin, il
a profité d’une célébration
dans l’église méthodiste unie
d’Austin (Texas) où on lui avait
demandé de prendre la parole
pour y faire… une demande
de mariage officielle à son
compagnon. Trevor avait choisi ce lieu non seulement pour
son cadre solennel mais surtout parce que cette Église
américaine interdit les cérémonies d’union entre personnes de même sexe et refuse que ses prêtres en célèbrent. Pourtant, la demande
de Trevor a été suivie d’une
longue « standing ovation » de
la part de toute l’assistance au
culte.
BÉCHARA RAÏ. Patri­
arche maronite chré­
tien du Liban, il a encouragé les manifestants du
mouvement « Vous puez » en
révolte contre l’impuissance
de la classe politique du pays
du Cèdre.
JOSÉ BOVÉ. Après
avoir lu les 190 pages
de l’encyclique Laudato Si’ : « Cela m’a rajeuni car le
contenu de cette encyclique m’a
instantanément fait penser au
choc que j’avais ressenti à la lecture Pacem in Terris, publié en
1963 par Jean XXIII. »
ALEX COELHO. Curé
de la paroisse SaintJean-Baptiste à Rio de
Janeiro, il a recueilli plus de
trente réfugiés syriens, musulmans pour la plupart. Logés et
nourris grâce une ONG, ils les a
invités à utiliser sa chapelle
pour y réciter le Coran.
L’appel 380 - Octobre 2015
Entre Normandie et Bretagne
15
L’appel 380 - Octobre 2015
16
Évangile à la Une
Octobre
Les Évangiles des dimanches ne sont pas des textes anciens et poussiéreux.
Tous les jours, ils résonnent dans l’actualité.
Des personnages
peu ordinaires
Dimanche 4 octobre
Délit de faciès
Dimanche 11 octobre
Générosités
« Quand je pense que je quitterai un monde qui ne sera pas
aussi bon qu’à ma naissance,
je me dis qu’il n’y a pas plus
grand péché
que de ne pas
« S’il vous plaît, soulevez votre lui venir en
voile pour la photo ! » À la de- aide. » Dans
mande du photographe de une interview
la cérémonie, la jeune mariée au magazine
révèle son visage. À la même Fortune, Tim
seconde, son mari s’exclame : Cook, PDG de Apple, a confié
« Vous n’êtes pas celle que qu’il ferait don avant sa mort
j’avais imaginée. Vous n’êtes de toute sa fortune, estimée
pas la femme avec laquelle je à huit cents millions de dolveux me marier. Je suis désolé, lars. Depuis 2011, il a déjà
mais je vous répudie. » Selon cédé cinquante millions de
le quotidien local saoudien dollars aux hôpitaux de StanOkal, cette aventure s’est réel- ford (Californie) et a donné
lement passée il y a quelques la même somme à Product
mois dans la ville de Médine. Red, qui lutte contre le sida, le
Les deux fiancés, sujets d’un paludisme et la tuberculose.
mariage arrangé, ne se se- À l’origine de ces opérations
raient jamais vus avant le jour de dons : Bill Gates et Warren
des noces. Le comportement Buffet, qui ont créé le projet
du marié a été vivement cri- « The Giving Pledge », destiné
tiqué sur les réseaux sociaux. à convaincre les millionnaires
On y a regretté que les jeunes de donner la moitié de leurs
ne recherchent plus que le richesses à des organisations
physique, et non la beauté caritatives. Tim Cook entend
intérieure…
aller bien au-delà.
« Les pharisiens lui dirent : « Une seule chose te manque :
“Moïse a permis de renvoyer va, vends ce que tu as et donnesa femme à condition d’éta- le aux pauvres ; alors tu auras
blir un acte de répudiation.” » un trésor au ciel. Puis viens, suis(Marc 10, 4-5)
moi. » (Marc 10, 21)
Dimanche 18 octobre
Pauvrissime
Le 1er mars dernier, José Mujica
a cédé sa place à
la tête de l’Uruguay.
Cependant, il restera
pour toujours « le président le
plus pauvre du monde ». Ancien guérillero Tupamaro reconverti dans la politique tout
en gardant le cœur à gauche,
il préfère aux costumes le
polo et les bermudas et aux
mocassins les sandales. Reversant 90% de son salaire à des
œuvres caritatives, « Pépé » a
toujours habité non au palais
présidentiel mais dans une
petite ferme, propriété de son
épouse, dans la campagne
hors de Montevideo. Sa seule
possession personnelle est
une auto : une VW Coccinelle
de 1987 qu’un cheikh arabe
avait voulu lui racheter un
million d’euros. Mais il a affirmé que jamais il ne s’en séparerait. Son successeur à la présidence, Tabare Vazquez, un
oncologue franc-maçon de 75
ans, n’est visiblement pas aussi
détaché des biens matériels…
« Ceux que l’on regarde comme
chefs des nations les commandent en maîtres (…). Parmi
vous, il ne doit pas en être ainsi.
Celui qui veut devenir grand
parmi vous sera votre serviteur. » (Marc 10, 42)
Dimanche 25 octobre
Ombre et lumière
Serrer sa femme dans ses bras :
cela a été le premier geste
d’Allen Zderad. « Je la vois, c’est
la plus belle », s’est écrié cet ancien chimiste de 68 ans vivant
dans le Minnesota. Atteint de
retinitis pigmentosa depuis
vingt ans, Allen perdait la vue
dix ans plus tard. Grâce au
docteur Raymond Iezzi et aux
chercheurs de la Mayo Clinic,
et à l’implantation d’un œil
bionique composé de soixante
électrodes, il peut désormais
percevoir par flashs des ombres
et des formes, en noir et blanc.
Un premier pas qui lui permet
de discerner les contours de
sa dulcinée, mais aussi la poignée d’une porte, ou de repérer combien de personnes sont
autour de lui. Ou de découvrir,
enfin, ses dix petits-enfants.
« Jésus lui dit : “Que veux-tu que
je fasse pour toi ?” L’aveugle lui
dit : “Rabbouni, que je retrouve
la vue !” » (Marc 10, 51)
Frédéric ANTOINE
Éclairage
L’appel 380 - Octobre 2015
MESURES SÉCURITAIRES ET DROITS DE L’HOMME
17
Démocraties,
réveillez-vous !
© Fotolia
La vieille Europe, foncièrement acquise aux libertés et droits fondamentaux, est devenue,
depuis la Seconde Guerre mondiale, terre d’asile et de refuge pour les personnes fuyant la
guerre et la faim. Mais les attentats terroristes et les exactions islamistes de ces dernières années
bouleversent les populations occidentales. Et les réactions sécuritaires qu’ils engendrent
ébranlent les principes démocratiques. La célèbre formule de Saint-Just « Pas de liberté pour les
ennemis de la liberté » prononcée au temps de la Terreur, peut s’interpréter de différentes façons,
jusqu’à réagir à la violence par la même violence !
Quelles sont les conditions de possibilité de conserver et même développer un système
juridique démocratique jusqu’ici ouvert au monde et protecteur de valeurs universelles ?
La question concerne tout citoyen non seulement responsable de soi et de sa communauté
de vie, mais aussi, au plus profond de sa conscience, gardien de la destinée humaine.
18
Éclairage
Pour un effet vaccinatoire !
« La force de la démocratie, explique François Ost, philosophe à
l’Université Saint-Louis-Bruxelles, est d’accueillir l’expression de
tous les dissensus et permettre un échange d’opinion absolument
sans entrave. » Mais cette force omni-compréhensive et capable
de tout absorber peut se retourner tragiquement contre ellemême. Entre peur et volonté de solidarité, comment un pays
peut-il se défendre du terrorisme ?
-Q
© DR
L’appel 380 - Octobre 2015
18
LA PEUR.
Elle est dangereuse puisqu’elle est
à l’origine du réflexe sécuritaire
mais elle est doit être traitée.
ue peut le droit par rapport aux C’est la peur de l’autre qui est à la racine tions fermes qui sont exécutées réellement
mesures légales sécuritaires suscep- des phénomènes de rejet. Comme disait en jugeant les transgressions qui doivent
tibles de menacer la démocratie ?
le philosophe Schopenhauer : « La peur être punies. Et en même temps, ce droit
– La base du problème est la peur, qui est la fonctionne comme les piquants du porc- moderne met en place des mécanismes de
passion politique première comme le disait épic et elle nous éloigne les uns des autres. » solidarité et il est censé garantir le respect
le philosophe Thomas Hobbes. Cette peur Une loi belge de 1971 réprime les mani- des droits fondamentaux.
est dangereuse puisqu’elle est à l’origine festations de xénophobie dans laquelle le
du réflexe sécuritaire. Mais il faut la prendre mot phobie signifie « peur ». La peur de – Cela suffit-il pour ne pas mettre les démoau sérieux, ne pas la minimiser. Et dans l’étranger, de l’autre. Or, comment conju- craties en danger ?
les démocraties, il convient de la
– On peut rappeler qu’après les
traiter de façon raisonnable. De « Le droit est moins sublime que les idéaux grandes dérives totalitaires de la
e
ce point de vue-là, le droit est un
éthiques et moins cynique ou plus civilisé moitié du XX siècle (aussi bien fasinstrument pertinent parce que,
cistes que marxistes), nous avons
que
les
rapports
de
force
politique. »
d’une part, il dispose d’éléments
appris que la démocratie était vulde contrainte et même de sancnérable et pouvait être dénaturée
tion, et d’autre part, au moins dans les États rer cette peur sinon en allant vers l’autre par des tricheurs, c’est-à-dire par des gens
de droit, il fait profession de respect des et en en prenant connaissance. Tant que qui abusent des droits et des libertés en les
droits fondamentaux et de respect des per- l’immigration ou la religion musulmane détournant de leur finalité. Dans l’aprèssonnes. C’est cet équilibre-là qu’il convient sont des chiffres ou des statistiques, on guerre nous avons dû nous accommoder
de maintenir dans les périodes de crise. Les ne peut pas créer un climat de confiance. de mécanismes qui, dans des conditions
digues sont faites pour les périodes de crue Ce n’est qu’en mettant des visages ou des restrictives, pouvaient limiter les liberet c’est dans les moments de danger ou de histoires sur ce phénomène de société, tés publiques de ceux qui pouvaient être
passion exacerbée que ces garanties juri- donc en ayant vu des personnes, que l’on convaincus de détourner la démocratie
diques sont précieuses.
pourra susciter un climat de confiance qui de ses fins. C’est un choix très douloureux
est nécessaire à la création des solidarités. pour les démocrates parce qu’ils sont ainsi
– Le droit vient-il au secours de la morale ?
obligés de réduire les libertés et donc de
– Le droit ne doit être identifié ni à la – À qui revient ce rôle de susciter une res- restreindre, en quelque sorte, l’ambition
morale ni à la politique. J’ai coutume de ponsabilité civique ?
qui nous reste de la démocratie dont ils
dire que le droit est moins sublime que – C’est une responsabilité collective. Je auraient pu croire qu’elle pouvait venir à
les idéaux éthiques et moins cynique crois beaucoup au rôle des associations et bout de tout. J’appelle ce mécanisme de
ou plus civilisé que les rapports de force des collectifs de toutes sortes pour créer restriction des libertés une stratégie « vacpolitique. C’est cet équilibre précieux cet état d’esprit. Nous voyons aujourd’hui cinatoire ». En effet, les démocraties sont
qui doit être sauvegardé. Autrement dit, en Belgique une mobilisation citoyenne obligées de s’inoculer un tout petit peu
il faut se garder d’angélisme et prendre autour de l’accueil des migrants. Mais les du virus qui les menace pour conjurer un
au sérieux, et donc ne pas trop vite dis- pouvoirs publics ont évidemment leur rôle déferlement de ce virus. Autrement dit, on
qualifier, les réactions de peur manifes- à jouer, notamment en soutenant ces asso- prend des mesures de réduction de liberté
tées par certaines parties de la popu- ciations, et en développant au plan symbo- à l’égard de ceux qui menacent la liberté.
lation, même si elles nous paraissent lique un discours à la fois solidaire et réa- Bien entendu, j’ajoute immédiatement
excessives ou déraisonnables. Donc je liste. Il ne sert à rien d’exprimer des paroles que le recours à ces mesures de liberté
pense qu’il revient à chacun, notamment de générosité abstraite en ne prenant pas doit rester très exceptionnel et s’opérer en
aux responsables politiques, de restau- au sérieux les angoisses suscitées par les permanence sous le contrôle des cours et
rer un climat de confiance au sein de la faits divers que nous connaissons. Le droit tribunaux, à commencer par la Cour eurosociété et particulièrement à l’égard de des États de droit moderne permet de tra- péenne des droits de l’homme.
sa composante la plus récente, la fraction vailler sur les deux fronts. Il juge dans des
récemment immigrée de la population. délais raisonnables, prend des condamnaPropos recueillis par Godelieve UGEUX
Éclairage
L’appel 380 - Octobre 2015
ENTRE IDÉOLOGIES, VÉRITÉS ET DOCTRINES
Échapper au piège
d’une vision manichéenne
Deux auteurs, Raphaël Glucksmann et Michel Terestchenko. Le premier est réalisateur
et essayiste, le second est universitaire et philosophe. Leurs recherches les conduisent
à s’interroger à la fois sur l’extrême-droite souverainiste, sur la violence des extrémismes
se réclamant de l’islam et sur la démocratie occidentale menacée.
De quoi provoquer quelques réflexions utiles afin de lancer le pari de l’entente entre les peuples.
«J
amais, depuis 1945, la démocratie libérale ne fut si contestée au
cœur même d’un Occident qui
devait en assurer le triomphe planétaire »,
écrit Raphaël Glucksmann
dans l’introduction de son
livre Génération gueule de
bois. Manuel de lutte contre
les réacs. Son constat :
une vague réactionnaire a
opéré un basculement de
l’Europe qui s’est endormie
dans son confort. Pendant
que les élites politiques laissaient faire, les garde-fous
protecteurs de la démocratie
libérale ont disparu. Les anti-­européens,
souverainistes,
ultra-conservateurs,
xénophobes, et autres partis doctrinaires
à tendance identitaire ont conduit l’extrême droite aux portes du pouvoir.
Dans cet essai pour extraire l’Europe de
son endormissement, Raphaël Glucksmann tire la sonnette d’alarme suite aux
attentats de Paris et à ses diverses expériences au Rwanda, en Tchétchénie, en
Géorgie (où il fut pendant cinq ans le
conseiller spécial anti-corruption du président Saakhachvili) et en Ukraine, pendant la révolution de la place Maïdan. Ce
remuant essayiste a retrouvé l’écriture
pour faire état de ses observations, expériences et réflexions sur les révolutions
et contre-révolutions du XIXe siècle. Il
explique que la démocratie ne se résume
pas à prendre le pouls du peuple ou à des
débats techniques. C’est un perpétuel
devenir, une construction.
Raphaël Glucksmann termine son pamphlet par une critique de l’élite européenne, consentante de sa propre
déchéance, et en appelle aux citoyens
« pour réapprendre à dire et à vivre les
idéaux qui constituent nos sociétés et nos
démocraties, à concevoir et promouvoir
la manière dont nous voulons
vivre ».
Le piège de la violence
Le titre du livre de Michel
Terestchenko,
L’ère des
ténèbres, donne froid dans
le dos ! Le philosophe y
présente la spirale de haine
entre deux systèmes antagonistes liés au terrorisme islamiste.
D’une part, la subversion de l’islam traditionnel en violence extrême. D’autre
part, les politiques mises en œuvre au
nom de « la guerre contre la terreur ». Ces
dernières contreviennent non seulement
aux valeurs démocratiques et
aux principes éthiques les plus
élémentaires, mais sont assorties de mesures sécuritaires
remettant en cause les libertés
fondamentales. C’est une lutte
à mort où chaque camp prétend incarner le Bien et voit
en l’autre la figure du Mal.
Dans cet essai très documenté, Michel Terestchenko
demande des comptes aux
dirigeants américains pour
leurs pratiques de traitements humiliants et de tortures, pour les frappes et
les drones armés… Mais l’auteur s’intéresse également à l’une des principales
figures de l’islamisme radical qu’a connu
le monde arabo-­
musulman après la
19
Seconde Guerre mondiale : Sayyid Qutb.
Ce doctrinaire est parvenu à imposer
une idée du jihad à l’intérieur même du
monde islamique en en faisant une arme
à utiliser contre les musulmans autant
que contre les infidèles. « Le projet qutbien, explique Michel Terestchenko,
opère une déterritorialisation qui ignore
les frontières de la citoyenneté et la distinction entre le national et l’étranger, élargissant la sphère de la souveraineté divine à
la terre tout entière et à tout homme quel
qu’il soit. » Personne n’échappe donc au
combat sacré ! On se trouve devant une
confrontation d’ordre métaphysique !
Il est donc grand temps de mettre fin à
la guerre déclarée qui depuis le 11 Septembre a coûté en vain quatre trillons de
dollars aux USA et provoqué un désastre
mondial. Il est urgent de revenir aux
règles de droit et d’ouvrir des voies de
compréhension réciproque. « Le terrorisme islamiste est en réalité un test de résistance
des démocraties, de leur
capacité à lutter contre ces
agressions furieuses tout
en restant fidèles à leurs
principes. » écrit encore
Terestchenko.
Comme
alternative possible aux
ténèbres
d’aujourd’hui,
l’auteur propose alors, avec
simplicité, un pari convivialiste.
Godelieve UGEUX
Raphaël GLUCKSMANN, Génération gueule de bois,
France, Allary Editions, 2015. Prix : 19,40 € -10% = 17,46 €.
Michel TERESTCHENKO, L’ère Des Ténèbres, Lormont,
Le bord de l’eau, 2015. Prix : 17 € -10% = 15,30 €.
20
Éclairage
LE CREDO DE « JUSTICE ET PAIX »
Aider à surpasser la peur de l’autre
Dans une époque tiraillée entre replis frileux
et élans de solidarité, les grands idéaux sont-ils
toujours porteurs ? Analyse avec Santiago Fisher,
porteur de projets de solidarité et de paix à la
commission Justice et Paix.
-V
ous êtes investis dans les grands
idéaux de paix. Avez-vous l’impression qu’ils sont toujours porteurs ? Ne semblent-ils pas battus en brèche
par un repli frileux et par un pragmatisme
réaffirmant que, face à la crise actuelle, il y
a plus urgent ?
– Il est vrai que l’on rencontre des personnes, même parmi ses proches, tentées
par des replis frileux alors que notre système de solidarité et de justice construit
par la Sécurité sociale est fragilisé dans
notre propre pays. En revanche, beaucoup de volontaires viennent trouver
Justice et Paix et ont le désir de s’engager
pour réaliser des choses pour construire
un monde plus juste et plus solidaire.
Mais si la solidarité émotionnelle est
nécessaire, et on en a vu une illustration
après la photo de ce petit enfant syrien,
cela ne suffit pas. Il est nécessaire d’inscrire cette réaction dans un engagement
concret et de longue durée. Voir n’est pas
tout, il faut aussi juger et agir comme le
préconisait Cardijn, fondateur de la JOC.
S’il y a des brèches dans le système de
sécurité sociale, dans les mesures du gouvernement actuel, il y a aussi beaucoup
de personnes qui se lèvent pour dire non.
Pas seulement les grands mouvements
organisés tels que les syndicats, mais
aussi des citoyens conscients, des mouvements associatifs porteurs de projet
pour un monde solidaire et juste donnant
à chacun sa place. On voit un fort désir de
remettre l’être humain au centre de toute
préoccupation politique, économique et
sociale. Une économie, une société où
les personnes, y compris les plus faibles,
n’ont pas leur place n’est pas viable. Elle
ne peut amener que violence et injustice.
Il s’agit donc de mettre en œuvre des
décisions politiques qui tiennent dans la
durée et qui ont des perspectives de projet de société plus solidaire et plus juste.
Le politique doit voler plus haut que le
citoyen. Son rôle,
n’est pas de suivre ce
qui se dit dans l’émotion mais de dessiner des perspectives
possibles pour que
la situation se trans- DÉMOCRATIE FRAGILE.
forme. Le politique Une société qui ne donne pas de places à ses membres,
ouvre le chemin à toutes les dérives possibles.
doit se mettre audessus de la mêlée. Le rôle d’un politique cette période de crise, l’alternative c’est le
ce n’est pas d’installer la peur.
repli sur soi ou regarder la réalité bien en
face. On se pose alors la question de ce
– Pourquoi les politiques sont-ils toujours qu’il faut faire pour changer ces situations
dans le court terme et ne semblent pas oser qui provoquent les injustices et les pause poser les questions de changement de vretés. La crise peut aussi provoquer des
système économique ?
sursauts de solidarité. Mais actuellement,
– La démocratie est certainement le meil- on répond par l’austérité en rendant les
leur système qu’on connait mais il a été pauvres encore plus pauvres.
parfois dévoyé. L’optique du court terme
– Mais comment répondre aux peurs sans
« La crise peut aussi provoquer faire des discours ?
– En aidant à surpasser la peur de l’autre.
des sursauts de solidarité. » Nous le faisons avec d’autres organisations comme Pax Christi. Nous constaest liée à la réélection. Mais si le politique tons que le pape François ose affirmer
a peur de venir avec des idées de solida- clair et fort qu’un monde qui investit
rité et de justice sociale, il se saborde lui- uniquement dans l’économique est mormême. Les changements de perspectives tifère et qu’il est temps que les chrétiens
peuvent insuffler une nouvelle démarche se bougent. Il vient aussi d’inviter toutes
qui sera profitable pour tous. Sur un les paroisses, communautés religieuses
moyen et un long terme, les messages à accueillir dans leurs locaux des familles
de solidarité et de justice sociale peuvent de réfugiés. C’est prophétique. Sera-t-il
rendre de l’espérance. À une condition : suivi ? Ses prises de paroles dépassent en
c’est que ces messages soient réellement tout cas largement le monde chrétien.
mis en œuvre et qu’ils remettent vraiment
au centre la personne humaine. Dans
Propos recueillis par Paul FRANCK
Justice et Paix
La commission Justice et Paix a été fondée par le concile Vatican II. Toutes les
Commissions ont une autonomie dans la région où elles ont été créées. Mais il
y a un lien entre toutes les commissions Justice et Paix d’Europe. Cela permet
d’internationaliser les questions qui se posent dans chaque pays et, parfois, de
voir comment mener des actions de sensibilisation commune.
© Stop répression Facebook.
L’appel 380 - Octobre 2015
20
Vu
Offrir un accueil
plus humain
Le vendredi 28 août, comme c’est le cas depuis plusieurs semaines, des centaines de réfugiés
font la file devant l’Office des étrangers à Bruxelles. Beaucoup ont déjà passé plusieurs nuits
sur les lieux, à la belle étoile, pour avoir la chance d’être en début de file
et de repartir avec un numéro de dossier et une place d’accueil dans un centre Fedasil.
Autour d’eux la solidarité des citoyens s’organise avec générosité.
« J’étais étranger et vous m’avez accueilli… »
Un jouet en signe de bienvenue
Un enfant belge est venu donner son
jouet à un autre gamin. Entre eux,
pas besoin de mots, parce que l’autre
n’est pas un étranger, juste un enfant.
L’appel 380 - Octobre 2015
devant l’office des étrangers
21
Vu
L’appel 380 - Octobre 2015
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La file d’attente n’est qu’un début
Parmi les candidats, beaucoup de femmes et d’enfants. Cette femme espère que son bébé pourra naître en sécurité dans un
pays libre. Mais le chemin est encore long et les obstacles nombreux. La sélection est terrible et beaucoup recevront un ordre
de quitter le territoire.
Soulager la détresse
Élie Andersen a 16 ans et une conscience politique déjà bien mûrie. Pour lui, il est humain et normal d’être là. « Je ne pouvais
pas rester dans mon confort et me dire : C’est bien fait pour eux ! Ces gens ont vécu des choses atroces, je voudrais les aider et leur
offrir un peu de chaleur humaine. »
Vu
23
L’appel 380 - Octobre 2015
Organisation chaotique
Le vendredi est jour de tension. Si les candidats n’obtiennent pas le précieux « laissez-passer », ils risquent de passer tout le
week-end dehors ou dans des abris de fortune. Les vigiles tentent de faire le tri entre les prioritaires et les autres. Des citoyens
présents sur les lieux assurent heureusement la traduction des consignes.
Appel à la solidarité
Les réfugiés arrivent à Bruxelles après avoir tout abandonné. Le voyage a été éprouvant et même souvent traumatisant. Des
citoyens se sont rassemblés pour offrir des crêpes, des gâteaux, du café ou du thé, de quoi adoucir quelque peu l’épreuve.
Suite du reportage photos sur :
www.facebook.com/bertrandvandeloisephotography
Textes : Jean BAUWIN - Photos : Bertrand VANDELOISE
Rencontre
Marion Muller-Colard
L’appel 380 - Octobre 2015
24
« Dieu
est l’avocat
de ma plainte »
Marion Muller-Colard,
théologienne protestante,
vient d’être récompensée par
deux prix prestigieux pour son
essai L’autre Dieu. Elle y raconte
comment elle a accompagné
avec courage son bébé
gravement malade, avant de
sombrer elle-même dans le
chaos intérieur. Comme Job, à
qui l’on avait tout donné avant
de tout lui reprendre, elle crie sa
souffrance et découvre un autre
Dieu, un Dieu qui se dépense
sans compter aux côtés de
l’homme pour l’aider à porter sa
plainte.
© Labor-Fides
la théologie, parce que c’était comme la
philosophie avec la foi en plus. La théologie est une branche spécialisée de la
philosophie, à moins qu’elle n’en constitue le tronc. Je suis donc allée étudier à
Strasbourg.
– Et puis l’hébreu à Jérusalem ?
– L’hébreu a été un vrai coup de cœur.
C’est la langue de la liberté et du jeu, qui
permet une multitude d’interprétations.
C’est ce qui fait que le judaïsme ne peut
pas être fondamentaliste, par la nature
même de sa langue. Et puis l’étude
de cette langue, qui se lit de droite à
gauche, demande une vraie conversion,
un lâcher-prise par rapport à nos représentations. Il faut se laisser modifier par
l’étrangeté de cette langue pour en goûter la poésie. Il y a une forme d’espièglerie
dans l’hébreu.
vécu reprend le dessus sur l’amertume de
ce qu’a été la perte.
– Heureusement, votre enfant guérit. Mais
pour vous, c’est moins évident.
– J’avais tout pour être heureuse, c’était
l’été de la résurrection de mon fils et c’est
à ce moment-là que j’ai tout perdu, que
la plainte m’a sauté à la gorge. Rien ne
pouvait expliquer cette chute, mais il se
fait que j’ai sombré dans une dépression,
dans un no man’s land difficile à décrire.
Le sens se dérobait, je me voyais tomber
sans pouvoir me raccrocher à quoi que ce
soit. J’étais une incompréhension totale
pour moi-même et pour mes proches.
– Aujourd’hui, pouvez-vous expliquer cette
– Dieu se découvre-t-il par les sens ?
plongée dans le chaos ?
– Oui, vraiment. Dieu est indissociable de
– C’était en fait le contrecoup de la
la joie et de ces sensations-là. Pour moi,
menace. On croit mener sa vie comme
c’est la foi la plus juste de ma vie,
un jeu. Et vous savez, quand
et plus tard, j’ai mis du temps
les autres ne respectent pas les
à retrouver cette foi simple « Accepter que ce qui nous arrive n’ait pas règles, on crie « Pouce ! » et on
de petite fille que j’appelle la de sens, c’est un acte plein de sens. Il faut arrête le jeu. La vie n’avait pas
grâce. La grâce, c’est la joie toute
respecté les règles avec moi. Elle
simple d’être au monde et que pouvoir intégrer l’absurde dans nos vies. » m’avait plongée dans une situapersonne ne peut nous prendre.
tion de violence extrême. C’est
intolérable de voir souffrir ceux
– Pourtant, vous allez devenir athée.
– D’où vous vient cet intérêt pour le Livre que l’on aime sans rien pouvoir faire pour
– Pendant quelques années, par identi- de Job ?
les aider. Et dans le cas de mon bébé, nous
fication avec ma maman, qui était farou- – Pendant mes études, il m’arrivait de n’avions même pas le langage pour comchement athée. Mon père était protes- faire des remplacements en milieu hospi- muniquer. Alors, c’est comme si j’avais dit
tant, fils de pasteur, et un peu timide dans talier. C’est là que j’ai rencontré une vieille « Stop ! J’arrête de jouer. » Sauf que la vie
l’expression de sa foi. Je n’ai pas été bibe- dame en souffrance, qui était dans une n’est pas un jeu. Il faut donc accepter que
ronnée à l’Évangile, mais il se fait que, plainte terrible. En l’écoutant, j’ai pensé à la vie n’ait pas de règles.
dans ma rue, j’étais encerclée par des pro- Job et je lui ai lu des extraits de ce livre. J’ai
testants et toutes mes copines l’étaient. vu son visage s’illuminer. Pour la première – Et puis vous parvenez à vous ré-arrimer
Alors, plutôt que de rester seule le mer- fois, on ne cherchait pas à minimiser sa au réel ?
credi à m’ennuyer sans elles, je les ai sui- plainte, à la relativiser ou à la détourner. – Ce fut un long combat et un énorme travies au catéchisme. D’autres voisins m’ont Elle se sentait rejointe et soulagée. Celui vail spirituel. Il m’a fallu accepter que Dieu
emmenée dans des camps de jeunes. qui est en souffrance ne demande qu’une ne soit pas le garant de ma sécurité, mais
Tous ces gens avaient une façon de vivre chose : c’est qu’on la supporte avec lui.
comme avec Job, il s’est plutôt fait l’avoet d’être avec les autres qui me donnait
cat de ma plainte. La dépression naît de la
envie de savoir d’où ça leur venait. Ils – Et cette souffrance, vous allez la connaître tentative de donner du sens à ce qui n’en
m’ont donné la soif de l’Évangile.
a pas. Accepter que ce qui nous arrive n’ait
vous aussi…
– À la naissance de mon second fils, Félix, pas de sens, c’est un acte plein de sens. Il
– Au point d’entreprendre des études de j’ai vécu deux mois merveilleux. Rien ne faut pouvoir intégrer l’absurde dans nos
théologie ?
laissait présager un problème de santé. vies, alors que la religion l’exclut à tout
– J’ai toujours aimé les lettres et la phi- Et comme il fronçait souvent les sour- prix. La religion a construit autour de Dieu
losophie. En terminale, je me suis posé cils, je lui disais : « Tu as l’air étonné, mais un système rétributif, mais Job refuse de
beaucoup de questions sur la foi et après je ne vais pas te contredire, la vie est éton- jouer ce jeu-là. Il enterre ce Dieu qui garanun long temps de côtoiement avec mes nante. » Et soudain, un virus respiratoire tit le sens, et révèle un Dieu qui se fait le
voisins protestants, j’ai été amenée à me obstrue ses poumons et l’asphyxie. Il porte-parole, l’avocat de sa plainte. Je me
convertir. À la fin de cette année-là, le est réanimé en urgence et commencent suis faite l’amie de Job pour essayer d’enmême mois, j’ai passé le bac, le permis et alors de longs jours d’incertitude quant visager un autre Dieu qui promeut notre
le baptême. Je crois que j’ai réussi les trois. à sa survie. Je trouve même le courage courage d’être, en dépit de la menace.
(Rires.) J’étais parée pour la vie d’adulte.
de lui dire qu’il pouvait mourir, que tout
J’aime cette façon que les protestants ont était déjà accompli : « Ce qui est sublime, – C’est lui que vous appelez « l’autre Dieu » ?
d’être proches de l’Évangile, sans inter- c’est que tu sois né. » On réussit son deuil – Oui, c’est le Dieu de la grâce, du saisismédiaire. Je me suis donc tournée vers au moment où la joie de tout ce qui a été sement, le Dieu créateur qui a lutté contre
25
L’appel 380 - Octobre 2015
-M
arion Muller-Colard, vous
êtes née à Marseille dans
une famille où la religion
ne faisait pas l’unanimité.
Comment vous est venue la foi ?
– Je me souviens que, toute petite, j’étais
profondément croyante. J’avais le sentiment d’une transcendance, d’un être
supérieur. La jouissance simple de courir
pieds nus, de grimper dans les arbres,
de contempler un paysage ou le jour qui
décline, de goûter à la saveur des choses,
tout cela était animé et ne pouvait pas
être le fruit du hasard. Je ne me posais
même pas la question. Il y avait, pour moi,
une intention lumineuse et généreuse
derrière ce monde.
Rencontre
L’appel 380 - Octobre 2015
26
Rencontre
le chaos pour que nos vies adviennent. Un
Dieu qui est honoré que nous puissions
jouir de la vie, en dépit de la souffrance.
C’est le Dieu de la joie imprenable, mais
je le dis avec beaucoup de prudence et
d’humilité, parce que cette invitation permanente à la joie n’est pas donnée, elle
est souvent un combat.
Mais c’est aussi le Dieu de Jésus. Dans
l’épisode de l’aveugle-né, les disciples,
héritiers de ce système rétributif,
demandent à Jésus qui a péché pour qu’il
soit né aveugle. Jésus déplace complètement le problème, il ne pose pas la question du « pourquoi ? », mais du « pour quoi
faire ? » Une amie, malade du cancer, a eu
un jour une belle image pour exprimer
cela. « On ne sait pas pourquoi on tombe
malade, c’est comme quand on se trompe
de chemin, on ne se trouve pas là où on
voulait aller, mais maintenant qu’on y est,
regardons le paysage. » C’est le Dieu du
bonheur d’être là.
Je me souviens aussi d’une vieille dame
qui était dans une situation très critique.
Alors que je lui disais : « Ça doit être difficile ce que vous vivez ! », elle m’a répondu :
« Pire que mourir, ça n’arrivera pas ! » et elle
a éclaté de rire. Ces moments-là, j’ose le
dire, sont des moments de pure grâce.
– Revenons quelques instants à la plainte.
Dans votre ministère d’aumônier, vous
l’avez souvent entendue.
– Oui, et il faut laisser de la place à la
plainte pour l’écumer, la dépasser et
pouvoir ressortir de sa grotte. À l’hôpital
où j’ai exercé ce service durant plusieurs
années, j’ai fait l’expérience du désarmement. Je me suis souvent retrouvée au
cœur de la vulnérabilité, là où il n’est pas
possible de se déguiser, de tricher. On
se trouve devant quelqu’un sans pouvoir lui apporter de solution. On est dans
le dénuement le plus complet. Et c’est
quand on a fait cet aveu d’impuissance
qu’une relation peut démarrer en vérité,
parce que l’autre sait qu’on ne peut rien
pour lui. Ces moments d’authenticité
sont des moments de pure humanité.
– Un jour, votre papa vous a tendu la Bible
en vous disant : « Tiens, c’est un livre pour
combattre la peur. » Et vous, que diriezvous à vos enfants ?
– Je leur dirais que c’est le livre de la vie
concrète et complète. Tout y est. Je vais
vous faire un aveu : je suis amoureuse
de Jésus comme une petite fille pourrait
l’être de son maître d’école. J’ai une adoration profonde pour le Christ. Il est celui
que je ne connaîtrai jamais pleinement et
pourtant il a pris corps comme on prend
au sérieux celui qu’on va rencontrer. Avec
Jésus, Dieu prend l’humanité au sérieux.
Jésus, c’est un révolutionnaire dont la révolution a été étouffée par ceux-là mêmes
qui ont prétendu le suivre. C’est celui à qui
nous allons parce qu’il a les paroles de la
vie éternelle, mais aussi les paroles de la
vie contemporaine. Cette modernité de la
Bible et des Évangiles est fascinante.
– Vous vous intéressez beaucoup à Freud,
à qui vous avez d’ailleurs consacré un livre
pour enfants.
– J’ai souvent animé des ateliers pour
enfants au sujet de Freud. Peut-être parce
que ça m’a manqué quand j’étais moimême enfant. Cela m’aurait fait du bien
qu’on m’explique que mes rêves violents
n’étaient pas graves, qu’avoir des envies
était normal. C’est tout cela que j’ai voulu
leur expliquer.
« Avec Jésus, Dieu prend
l’humanité au sérieux. »
– La psychanalyse est-elle conciliable avec
les Évangiles ?
– Complètement. Jésus est peut-être
même le premier psychanalyste. Quand
il rencontre un malade, il lui demande :
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Très
souvent quand il guérit, il convoque la
parole de l’autre : « Dis-moi qui tu es, ce
que tu veux, ce que tu désires. » En fait,
l’Évangile et la psychanalyse proposent le
même chemin : abandonner le moi pour
faire surgir le je, le sujet. Quand on se rend
compte que l’on est traversé par plus
grand que soi, il faut faire place, en soi, à
une autre parole que la sienne et cela, je
peux vous le dire, ça rend libre.
– Et vous avez écrit aussi un autre livre sur
Hannah Arendt.
– Freud, c’était pour le versant intime de
Dieu. Avec Hannah Arendt, je découvre
le versant politique. Ce qui la préoccupe,
c’est comment partager autour de soi
quelque chose qui est de la transcendance, qui a été reçu d’en haut ? De même,
Jésus ne garde pas la révélation pour luimême, il la redistribue dans l’humanité. Il
n’en fait pas de mystère. Hannah Arendt
est très critique contre la philosophie
de terrier, elle est sur le terrain, comme
Jésus l’était. Pour elle, penser, c’est agir.
Elle croit au recommencement toujours
possible par les révolutions. Cette foi en
l’infinie possibilité de recommencement
est évangélique.
– Aujourd’hui, vous avez mis entre parenthèses votre ministère d’aumônerie pour
vous consacrer à l’écriture.
– Oui, mais l’écriture est un autre ministère. Elle est le fil rouge de ma vie, mon
troisième poumon, ma façon de prier.
Elle me permet de redonner ce que j’ai
absorbé comme une éponge, ce que j’ai
reçu, notamment dans ces rencontres
à l’hôpital. L’histoire de mon fils, que je
raconte dans L’autre Dieu, n’a d’intérêt que
si elle peut rejoindre d’autres personnes.
C’est en fait une parabole, j’y parle de moi
pour parler de chacun.
– L’œcuménisme vous préoccupe-t-il ?
– Ce n’est pas mon cheval de bataille et je
ne m’intéresse pas à l’appartenance religieuse de celui qui est en face de moi. Je
vis avec un homme athée qui a tout compris à l’Évangile. Les valeurs de l’Évangile sont universelles et on ne peut faire
l’économie d’y revenir. C’est pourquoi je
ne suis pas inquiète pour l’Évangile, je le
serais plutôt pour l’Église.
Mais c’est une grande joie quand je peux
vivre des rencontres œcuméniques vraies.
L’essentiel est que ce ne soit pas un œcuménisme de bas prix, un œcuménisme de
tolérance qui passe par la relativisation
de nos différences. Ce doit être un œcuménisme de l’amour et de l’amour de nos
différences. L’uniformisation me fait peur,
elle ne m’intéresse pas. Et même si on y
parvenait, l’altérité se déplacerait ailleurs.
L’altérité est nécessaire et il est bon qu’elle
soit partout. Dans l’œcuménisme, je
demande un respect réciproque. Cela n’a
pas toujours été possible, mais à cet égard
le pape François est une bénédiction. C’est
le pape préféré des protestants. (Rires.) Je
préfère des catholiques qui restent catholiques et qui réforment ce qui doit être
réformé dans leur religion, à des catholiques qui deviendraient protestants. C’est
merveilleux quand on peut échanger les
uns avec les autres avec la conscience de
ce qu’on peut s’apporter mutuellement.
Propos recueillis par Jean BAUWIN
Marion MULLER-COLARD, L’Autre
Dieu. La Plainte, la Menace et la
Grâce, Genève, Labor et Fides,
2014. Prix : 14 € -10% = 12,60 €.
Ça se vit
Simple
comme un WEP
Chaque année, durant les vacances de Carnaval, une équipe de laïcs du secteur des paroisses de
Petigny-Viroinval organise un week-end ouvert à tous. Une manière de faire communauté sans
chichis ni querelles de chapelles…
E
n 2015, ce sont les Bénééquipe de laïcs se réunit pludictins de Wavreumont
sieurs fois les mois qui précèdent
qui ont accueilli le « Weekle séjour. « Nous avons observé
End en Paroisses » (WEP)
une constante au fil des éditions,
du secteur de Petigny-Viroinval.
raconte Yves : le WEP est d’autant
Une quarantaine de participants,
plus riche que les activités sont proâgés de trois à quatre-vingts ans,
posées et préparées par les particiétaient présents à ce rendez-vous
pants eux-mêmes. Cela donne des
annuel organisé depuis une quinchoses très diverses et très surprezaine d’années. Le concept ? Un
nantes. Par exemple, un ciné-débat,
séjour communautaire et interdes ateliers pain, danses sacrées ou
© Magazine L’appel - Guillaume Lohest
générationnel, ouvert à tous. De
modelage en terre, des partages
l’aveu des participants, le « WEP » Expérience communautaire.
d’évangile, des jeux de société, un
Générations diverses et sensibilités multiples :
a davantage en commun avec deux grandes richesses des Week-ends en Paroisses
montage audiovisuel sur le chapeun petit camp scout qu’avec une
let, la conférence d’un étudiant sur
austère retraite en silence. « À l’origine, se Jean à Libramont ont notamment accueilli les expériences de mort imminente… Cela
souvient Yves, l’un des piliers de l’équipe le WEP. Étonnant, quand on connaît les dépend vraiment des apports des particiorganisatrice, il y avait une simple retraite très diverses sensibilités de ces commu- pants. » À côté de ces activités organisées,
pour les jeunes qui se préparaient à faire nautés et la trajectoire particulière, fran- les tâches sont partagées. Vaisselles, ranleur profession de foi à Petigny. S’est posée chement progressiste, de la paroisse de gement, nettoyage, chacun prend sa part.
la question de l’élargir aux parents de ces Petigny ? Pas tant que cela… Au sein de
jeunes, et c’est finalement l’ensemble des l’équipe organisatrice, on insiste : « Ce Simplement communautaire
paroissiens qui a été invité à se joindre à qui fait la richesse de ces moments vécus
l’aventure. Paroissiens est un grand mot, ensemble, c’est le lien entre des personnes Vu de l’extérieur, ce Week-End en
car tout le monde y est le bienvenu… extrêmement différentes, en âge, en idées, Paroisses peut s’assimiler à une banale
Aujourd’hui, cela n’a plus rien à voir avec les en manières de vivre leur foi, leurs doutes. retraite de groupe qui aurait la particulaprofessions de foi, c’est plutôt l’occasion de Certains sont dans le spirituel, la réflexion, rité de jouer à fond la carte de la diversité
vivre un moment communautaire. Quand d’autres tout à fait dans le concret. Il y en a des générations. Vécu de l’intérieur, pourles paroisses ont été réorganisées par sec- qui voudraient révolutionner l’Église tandis tant, le WEP semble laisser une trace chez
teurs, nous avons naturellement élargi que d’autres la défendent bec et ongles… les participants qui se laissent toucher
l’initiative, qui est de toute façon grande Bien sûr, il y a parfois des divergences, mais par une évidence toute simple : l’expéouverte. »
cela nous a toujours amenés à faire primer rience communautaire, même très brève,
le lien au-delà de tout le reste. C’est une est irremplaçable. Elle dégage une énerLes liens au-delà de tout
petite expérience d’Église, intense, pendant gie, redonne du sens et du souffle, pour
trois jours. »
quelques mois, à ceux qui s’en retournent
Chaque année, le thème et le lieu d’accueil
dans leurs quotidiens chargés ou dans
changent. Les frères maristes à Habay-la- Une préparation en équipe
leurs paroisses clairsemées. Jusqu’au WEP
Vieille, le Verbe de Vie à Fichermont, les
suivant.
Spiritains à Gentinnes, l’ermitage Saint Selon les années, les activités qui comWalfroy près de Sedan, les frères de Saint- posent un WEP peuvent varier. Une
Guillaume LOHEST
L’appel 380 - Octobre 2015
En paroisses
27
Eh ben ma foi
RÉFUGIÉS
L’appel 380 - Octobre 2015
28
Le pouvoir
d’une photo
La photo du corps du petit enfant syrien échoué sur une plage turque est le symbole
de toutes les tragédies humaines vécues par les réfugiés.
E
n 1972, alors que la guerre du Vietnam durait depuis 17 ans et que
tous les mouvements d’opposition
en Amérique semblaient sans effet,
apparut soudain une photo qui montra
toute l’horreur de cette guerre : c’était
celle d’une petite fille vietnamienne
toute nue, les bras étendus comme en
croix, le corps brûlé par une bombe au
napalm, qui s’enfuyait sur la route. On
connut plus tard son nom. Elle s’appelait
Kim Phuc. Cette photo eut un tel effet sur
les consciences que ce fut le début de la
fin de la guerre du Viet Nam. L’attention
était déplacée. La guerre n’était plus une
question d’équilibres géopolitiques ni
même de soldats américains revenant
dans des cercueils, mais bien de la mort
cruelle de personnes innocentes, y compris des enfants.
Icône et sacrement
La photo du petit enfant syrien de trois
ou quatre ans, échoué récemment sur
une plage de Bodrum en Turquie, a eu un
effet semblable sur les consciences. Cette
photo du petit Aylan Kurdi a une valeur
d’icône, de symbole, et même de sacrement. Elle exprime toute la vulnérabilité
de ces foules qui fuient l’horreur de la
guerre et de la misère.
L’une des transformations culturelles de
notre époque, qui a affecté toutes les
cultures, est que l’on est de moins en
moins sensible aux gestes symboliques
inventés par les hommes (y compris les
symboles liturgiques), mais de plus en
plus sensible à la valeur symbolique des
événements de la vie. La photo du petit
Aylan dans toute sa vulnérabilité possède une énorme force symbolique. Déjà,
dans les médias, le langage a rapidement
changé. On parle de moins en moins de
« migrants » qui nous assaillent, mais de
réfugiés – ce qui est plus proche de la réalité bien que le mot ne soit pas juste. Ces
milliers de personnes qui risquent leur vie
pour passer en Europe fuient la guerre. Ils
fuient « nos » guerres. Des guerres qui,
sous le prétexte de renverser des dictateurs, ont avant tout pour but de maintenir un équilibre économique et géopolitique qui protège nos privilèges.
Changement de perspective
De toute façon, cette photo du petit
Aylan, comme celle de la petite Kim, il y
a plus de quarante ans, a déjà opéré un
changement de perspective. Nous ne
sommes plus confrontés à des flots de
migrants, ni à des barques en périls, ni à
des camps de réfugiés, mais à des êtres
humains, dans toute leur individualité et
leur fragilité.
Les économistes calculent le coût de
cette vague migratoire ; les politiciens
en calculent les retombées électorales ;
les ethnologues la comparent avec celles
du passé et les philosophes, à la suite de
Derrida, parlent d’hospitalité inconditionnelle qui s’impose, tout en la reconnaissant impossible. Le pape François,
considérant cette scène avec des yeux
de miséricorde, ne se perd pas en théories. Il appelle tous les regroupements
de fidèles – paroisses, couvents, monastères – à accueillir des familles de réfugiés. Cet accueil, s’il se pratique, aura lui
aussi un effet de symbole. Il montrera
qu’il ne s’agit pas simplement de trouver
des solutions logistiques, économiques
et même sociales à cette situation, mais
de la vivre dans une atmosphère de communion et de partage qui ne peut qu’être
fructueuse, profitable et enrichissante
pour toutes les parties concernées. Il ne
s’agit plus ni de détourner la tête pour ne
pas voir la misère, ni de se tranquilliser la
conscience en donnant généreusement
aux organismes de bienfaisance, mais de
reconnaître toute la dignité de ces hôtes
en les accueillant précisément comme
des hôtes.
Cela laisse entière la responsabilité des
autorités politiques de s’attaquer à la
cause même de ces migrations, et avant
tout de cesser de nourrir les guerres par
le commerce des armes. En tout premier
lieu, il est grand temps de reconnaître que
nos interventions en Irak, en Afghanistan,
en Lybie et en Syrie ont toutes été des
désastres. Le prix que nous en payons est
minime à côté du prix payé par les populations de ces pays – un prix dont le petit
Aylan est le symbole et le sacrement.
Armand VEILLEUX,
Père abbé de l’abbaye de Scourmont
(Chimay)
Eh ben ma foi
La lettre
et l’Esprit
Les questions éthiques sont souvent celles qui déclenchent le plus de passions dans nos Églises
car elles mettent en jeu, de manière particulièrement actuelle, notre rapport à l’Écriture.
L’apôtre Paul, s’adressant à la communauté de Corinthe, écrit cette phrase essentielle :
« La lettre tue, mais l’Esprit fait vivre. » (2. Co 3, 6b)
F
aut-il, pour être fidèle au texte
biblique, s’en tenir rigoureusement
à lui, au plus près et sans distance,
ou privilégier l’interprétation, la
remise en contexte, la recherche du sens
au-delà des mots ? Y a-t-il deux manières
rigoureusement symétriques : d’un côté
ceux qui méconnaissent la lettre au profit
de l’Esprit et de l’autre ceux qui négligent
l’Esprit au profit de la lettre ?
Viser juste
Je ne le crois pas. Le choix serait plutôt
entre ceux qui s’arrêtent à la lettre et
ceux qui visent à l’esprit en passant par
la lettre. Dans la première attitude, le
respect du texte se transforme en une
vénération qui risque de faire perdre de
vue sa finalité, son sens. Entre nourrir des
disciples qui ont faim et respecter la règle
de ne pas cueillir des épis de blés le jour
du sabbat, Jésus choisit de nourrir ces
disciples rappelant que la Loi n’est pas là
pour opprimer ou faire mourir mais bien
pour faire vivre. Pour respecter la finalité
de la Loi, pour l’accomplir, la lettre de la
Loi doit être dépassée.
L’autre risque de cette attitude est que la
lettre du texte devienne ce qui justifie le
comportement. Autrement dit, on assiste
à une bataille de versets bibliques : si l’on
a besoin de la lettre dans un débat, celleci n’est plus décalée par rapport à son statut de Parole de Dieu, mais elle devient
simplement un moyen d’autojustification
humaine.
L’un des problèmes de la logique de la
lettre, c’est qu’il n’y a plus de place pour
la nouveauté : puisque tout est écrit,
puisque la Parole est immuable, nous
vivons dans l’éternelle répétition d’une
éternelle identité. Voilà comment la lettre
tue. Elle tue non pas parce qu’elle est
mauvaise, mais parce que l’on en fait un
usage qui oppresse, qui corsette, qui - littéralement - empêche de respirer parce
que le souffle de l’Esprit ne peut s’y insinuer.
Des mots inspirés
À l’inverse, mettre l’accent sur l’esprit du
texte ne consiste pas à prendre ses aises
avec la lettre, à l’ignorer ou à lui faire dire
n’importe quoi, mais bien plutôt à opérer
une distinction essentielle entre parole et
écriture. La Parole de Dieu s’est révélée à
des êtres humains qui l’ont eux-mêmes
transmise oralement avant qu’elle ne
devienne écriture. Lorsque nous ouvrons
la Bible, nous avons accès à l’écriture mais
cette écriture ne devient Parole de Dieu
que dans l’interprétation, la méditation,
l’actualisation qui en est faite avec l’aide
de l’Esprit-Saint.
Mettre l’accent sur l’esprit du texte, c’est,
d’abord, creuser la lettre. La creuser, sans
s‘enfermer dedans. Pour voir surgir la
Parole vive, il faut creuser avec la liberté
de savoir que nous ne posséderons jamais
entièrement cette Parole parce qu’elle
nous échappe, parce qu’elle-même est
libre, agissante, vivifiante.
Quel bonheur que de n’avoir jamais
épuisé de manière définitive le sens d’un
texte ! Quel bonheur que de voir les mots
danser devant soi, s’agençant différemment, promettant d’autres significations,
nous nourrissant et nous abreuvant tout
au long de notre vie. Chaque fois une
parole différente qui nous touche, ou
la même parole mais qui nous touche
autrement, en fonction des situations
que nous traversons.
Oui, quel bonheur de ne pas tout maîtriser, de savoir que nous n’avons pas à proposer l’interprétation ultime qui ferme
définitivement un texte, de savoir que
tout ne repose pas sur soi… Et si nous
laissions l’Esprit de Dieu agir en nous et
faire de nous des paroles vivantes ?
Laurence FLACHON,
Pasteure de l’Église protestante
de Bruxelles-Musée (Chapelle royale)
L’appel 380 - Octobre 2015
PAROLE VIVE
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L’appel 380 - Octobre 2015
30
Parole
« Bon Maître, que dois-je faire
pour avoir la vie éternelle en héritage ? »
(Marc 10, 17)
Pour hériter,
il faut s’endeuiller
R
tu as. Je ne te demande pas la charité. Ça,
tu le fais déjà très bien aujourd’hui. Accepte
maintenant de manquer, de te dépouiller.
Mets-toi en route. La foi est une aventure à
haut risque. Mais quel trésor au ciel ! Viens
et suis-moi. »
evoilà donc le fameux riche de
l’Évangile dont Matthieu seul
affirme qu’il était jeune, quand
Luc parle d’un notable et Marc
d’un homme, tout simplement. Va pour
« le jeune homme riche » puisque toute
une tradition a voulu voir dans ce texte le
départ d’une possible vocation.
Il faut reconnaître que Marc s’y entend
côté mise en scène, tout en rythme et
en contraste, avec un dialogue serré, des
répliques bien senties et un changement
rapide de décor. L’éclairage concourt, lui
aussi, à la vivacité de la rencontre grâce
à un scénariste qui fait passer son personnage de la lumière à la ténèbre en
l’espace de six versets seulement !
Tellement de leur bord
Arrête ton char !
D’abord la lumière et la passion. Cet
homme « accourt et se jette à genoux ». Il
est enthousiaste, c’est sûr, enflammé et
rayonnant de sincérité. Peut-être même
de générosité. Car il veut faire plus, il
choisit la durée, il ambitionne « la vie éternelle ». Rien que ça ! En fait, on devrait
admirer. Aujourd’hui surtout, en un temps
où « la bonté n’est plus prisée » regrette le
poète et romancier François Cheng.
Jésus n’admire pas ! Pas tout de suite. Il
rabroue d’abord : « Pourquoi dire que je suis
bon ? Arrête ton char et cesse de flatter ! Personne n’est bon sinon Dieu seul. » Puis il rappelle la Loi, le Décalogue : ne pas… ne pas…
ne pas… Cinq fois. Heureusement que le
sixième commandement parle d’honorer.
Maintenant, c’est l’homme qui interrompt. La rudesse de Jésus n’a pas tué son
© DR
VITRAIL D’OTTO LINNEMANN.
Et il l’aima.
admiration. Au contraire. Il rebondit et
s’élance de plus belle : « Maître, tout ça, je
l’ai fait depuis tout petit ! » Il jubile. Et Jésus
aussi d’une certaine manière puisque
« Posant alors son regard sur lui, il se mit à
l’aimer. » La première épreuve est réussie :
il est bien fils de la Loi, ce garçon-là. Du
coup, vu son ambition, Jésus va lui proposer la seconde épreuve : devenir fils de
la Foi. Beaucoup plus dur : « Vends ce que
C’est ici que le décor change et que la
lumière baisse. Les projecteurs n’éclairent
plus qu’un trou d’aiguille tout au fond de
la scène. Et l’on voit un homme devenir
sombre et s’en aller tout triste car il n’avait
pas mesuré ce que veut dire hériter de la
vie éternelle.
Comment faire comprendre – c’est tout
l’enjeu de l’Évangile – que pour hériter il
faut s’endeuiller. « Traverser l’épreuve de la
perte » dirait Frédéric Boyer. Hériter, c’està-dire travailler, renouveler, inventer et ne
pas simplement répéter. C’est surtout cela
« vendre ce que l’on a », à commencer par
son regard sur Dieu.
On comprend la stupéfaction des disciples, si proches de ce « jeune homme »
tellement de leur bord. Jésus les regarde.
Il ne fait d’ailleurs que regarder depuis le
début. Il regarde l’homme. Il regarde la
foule, les disciples. Peut-être regarde-t-il
aussi un chameau, ou un âne, et un trou
d’aiguille, certainement. Il les regarde,
ceux qui ont tout quitté pour le suivre,
et leur offre cette réponse bouleversante
d’encouragement : « Si vous prenez la
route, même en cahotant, vous verrez que
tout est possible à Dieu. »
Gabriel RINGLET
À voir
Un fils
meurtri
© Les Riches-C
laires
Avec Un fils de notre temps, Hamadi
dresse le portrait d’un de ces jeunes
revenus de Syrie. Ce spectacle, en
prise directe avec l’actualité, dénonce
les stéréotypes et les mensonges
véhiculés à leur sujet dans les médias.
BOUBSI.
erre.
MARWANE EL
ormé par la gu
sf
Un jeune tran
U
n jeune homme, incarné sur scène par
Marwane El Boubsi, revient de Syrie
où il est allé combattre. Il y a frôlé la
mort et a côtoyé la souffrance de près.
Il est à présent déchargé d’un certain nombre
d’idées qu’il avait en partant. Ce qu’il a vécu l’a
rendu très critique. Il raconte donc son expérience, avec humour et dérision.
À travers cet itinéraire, Hamadi veut aller à
contre-courant de l’image que les médias
donnent de ces jeunes. On ne parle que des
fous furieux qui reviennent semer la terreur
ici, après l’avoir semée là-bas. Mais il y en a
des centaines d’autres, qui reviennent abîmés
par cette expérience. « Ils sont partis combattre
pour un idéal, comme d’autres Belges, Irlandais
ou Danois étaient allés combattre Franco pour
défendre la république espagnole, explique
l’auteur. Ces jeunes s’étaient levés pour un idéal,
certes meurtrier, mais on ne leur reconnaît même
pas cela. On les enferme dans des images caricaturales de barbares, de fous sanguinaires, mais
ces images ne disent que notre peur par rapport
à ce qui se passe. »
Des belges avant tout
On ne peut pas continuer à considérer des
enfants de la troisième ou quatrième génération, qui sont nés en Belgique et qui y ont été
éduqués, comme des étrangers. Sinon, comment leur demander de respecter quelque
chose qui n’est pas à eux, ou qu’on leur dit qui
n’est pas à eux ? « L’école est en première ligne
de ce fiasco monumental, poursuit Hamadi. On
n’a pas réussi à leur faire aimer les choses d’ici, la
culture, la littérature, la musique, la philosophie,
etc. » L’auteur se refuse à jeter la pierre sur qui
que ce soit, mais regrette qu’on ne nomme
jamais les choses comme il faudrait les nommer afin de pouvoir mieux les combattre.
se nourrir de la culture religieuse
Le spectacle refuse les réponses simplistes.
On verrouille ces jeunes issus de l’immigration dans des images stéréotypées, comme
s’ils étaient « génétiquement malfaisants », et
on s’étonne de leurs réactions violentes : « Ah,
tu veux que je sois musulman, eh bien je serai
plus musulman que musulman ! » Les identités
meurtries deviennent souvent meurtrières.
« Tant qu’on considèrera qu’il y a des citoyens
de seconde zone, le pire est à prévoir », prédit
Hamadi.
Le drame, c’est que beaucoup de croyants,
musulmans ou chrétiens d’ailleurs, ne
connaissent plus rien de leur religion. « Notre
société moderne a cru que, pour se débarrasser
de la religion, il fallait se débarrasser de la culture
religieuse, observe-t-il. Or, il y a des choses
magnifiques et fondatrices dans les trois grandes
religions. Il faudrait pouvoir se nourrir de ces traditions, que l’on soit croyant ou non. »
Jean BAUWIN
Un fils de notre temps de Hamadi, du 15 au 31/10 au Centre
culturel Les Riches Claires, Rue des Riches-Claires, 24 à 1000
Bruxelles. ( 02.548.25.70 : www.lesrichesclaires.be
CALENDRIER
À AYWAILLE, souper-cabaret :
avec le groupe vocal « Les Raskignous » organisé par MOBILOK afin
de financer un service de transport
le week-end pour les personnes à
mobilité réduite, le 17/10/2015 au
local des Œuvres Scolaires à Kin,
n° 52, à 4920 Aywaille.
( 0491.74.04.04 - [email protected]
À BATTICE, conféren­
ce : La famille, un pilier
fissuré de notre société
et de l’Église ? avec Tommy Scholtès, le 12/10 à 20h à la salle SaintVincent, rue du Centre, 30.
( 0477.34.54.31
À BRUXELLES (WOLUWE), Con­
férence : Les trois cerveaux sexuels
ou comment construire et vivre
une sexualité épanouie, avec le
docteur et sexologue Catherine
Solano, organisée pour les trente
ans de l’ASBL d’éducation à la vie
relationnelle, affective et sexuelle
« Groupe Croissance » ; le 15/10 à
20h à l’auditoire Central A-Pierre
Lacroix, UCL Bruxelles, avenue E.
Mounier, 51.
: www.groupe-croissance.be
À BRUXELLES, journée nationale
(Agir en chrétiens
informés) : conférence, exposition,
concert de musique classique, le
17/10 au collège Saint-Michel, Bld
Saint-Michel, 140.
( 02.218.54.47 - aci.jourdefete@
gmail.com
À BRUXELLES, conférencedébat : Quel homme nous
prépare-t-on ? avec le Père
Charles Delhez, le 22/10 à 20h
salle du Fanal, 6 rue Joseph
Stallaert, 1050 Bruxelles.
( 02.343.28.15 - lesrencontres
[email protected]
À DINANT, conférence :
Le Dieu biblique, un Dieu
à nul autre pareil avec
Benoît Bourgine, professeur de
théologie à l’UCL, le 15/10 à 20h
en l’église de Leffe (Dinant).
( 0477.31.12.51 - 082.22.68.88 et
082.22.62.84
À ERMETON-SUR-BIERT,
Week-end : Découverte
de la vie monastique, les
24 (9h30) et 25/10/15 (18h30) au
Monastère Notre-Dame des Bénédictines, rue du Monastère, 1.
( 071.72.00.48 - [email protected]
L’appel 380 - Octobre 2015
après avoir combattu en Syrie
31
L’appel 380 - Octobre 2015
32
À lire, à voir, à écouter, à visiter…
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Une enfance, terreau
d’une vie exemplaire
Albert
Schweitzer est le prototype même de la
vie consacrée au
service
d’autrui,
l’exemple ultime de
la foi en l’humain.
Dans ses souvenirs
d’enfance, il livre
d’où vient cette obstination à servir ; des mots simples, des vérités
oubliées mais des assertions évidentes qui sont une leçon pour
époque contemporaine parfois
oublieuse de l’essentiel. Ne jamais
perdre de vue son idéal, l’imposer
contre le pessimisme ambiant qui
pousse à renoncer face au vicissitudes de la vie et surtout « traverser la vie avec une âme intacte et
pure comme à vingt ans ». (B.H.)
Albert SCHWEITZER, Souvenirs de mon
enfance, Paris, Albin Michel, 2015. Prix :
15,70 € -10% = 14,13 €.
Mgr Claude
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Q, Dieu est Dieu
FALQUE, Guy CO ix : 15 €
Pr
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Paris, Cerf,
-10% = 13,50 €.
L’habitant du pays fantôme
« Le monde est un village où mon village
n’est plus… Et cela me va. J’en redessinerai
la carte, encore, toujours, sans lassitude,
avec émerveillement devant tout ce qu’il
me reste à accomplir, tous les gens que je
ne connaîtrai jamais, les paysages que je
ne verrai pas et dont je ferai la matière de
mes rêves. Je dessinerai, jusqu’à mon dernier souffle, mon pays ;
cette contrée imaginaire née de la dépossession, qui sera tous les
pays et qui ne sera que mien. C’est cela, ma vie. » L’auteur de ces
lignes, Kenan Görgün est né en 1977 de parents turcs immigrés dans les années 1960. Il a grandi en Belgique, d’abord à
Gand puis à Bruxelles, dans deux cultures différentes, et a vite
ressenti la tension, voire l’écartèlement, entre ses pays d’ici et
son pays de là-bas. Et entre les deux : un pays-fantôme, imaginaire. Immigrations, intégrations, désintégrations. Double
culture, double identité qui ont poussé Kenan, qui n’avait jamais lu avant l’âge de quinze ans, à se mettre à écrire sept livres
dont plusieurs romans (Fosse commune chez Fayard et Anatolia
Rhapsody chez Vents d’ailleurs), et à vouloir en parler sur scène.
C’est ainsi qu’est né ce spectacle, laboratoire où l’identité se
cherche à travers l’incarnation de deux personnages. (F.A.)
J’habite un pays fantôme, mise en scène Daniel Simon, avec Kenan
Görgün et Othmane Moumen, création au Centre culturel de Dison
le vendredi 9/10 à 20h (( 087.33.41.81 - [email protected]), du
27/10 au 31/10 au théâtre Le Public (rue Braemt 64-70, 1210 Bruxelles
( 0800.944.44), et du 17/01/2016 au 29/01/2016 au Théâtre de
Liège (Place du Vingt Août 16, 4000 Liège ( 04.342.00.00)
Une messe pour François
Arnaud François, compositeur liégeois de 31 ans, vient de composer une
messe complète en l’honneur du pape François, la « Missa Brevis Papae Francisci ». La création mondiale de l’œuvre aura lieu à la collégiale de Visé, et elle
sera encore interprétée deux fois par la suite par les chorales Le Tétracorde
de Liège et Accroche-Chœurs de Wanze accompagnées par un orchestre de
chambre de neuf jeunes musiciens et quatre solistes. La messe sera complétée d’autres nouvelles œuvres de Arnaud François : un « Un sorriso per
Papa Francesco », morceau à la façon d’un final d’opéra écrit sur un texte de
Paolo Del Vecchio, l’oratorio « Stabat Mater Speciosa » pour chœur, solistes et
orchestre et un quintet pour orchestre de chambre. (F.A.)
Le 3/10 à 20h, collégiale Saint-Hadelin de Visé. Le 4/10 à l’église Sainte-­Walburge de
Liège et le 17/10 à la collégiale Sainte-Ode de Amay ( 0488.15.63.06 : http://www.
lescreations.be
Le « conte » de Monte Cristo
Quatre personnages répètent Le comte de Montecristo. Jacques, un ancien tolard qu’Alex, le
metteur en scène enthousiaste, tente de remettre sur le droit chemin, Gina une comédienne
en mal de reconnaissance, et Christophe, le jeune premier, beau et ambitieux qui a vu le premier rôle lui passer sous le nez. Dans une mise en abyme finement orchestrée, ils racontent autant l’histoire imaginée
par Dumas que celle de leur propre lâcheté, de leur violence et de leur médiocrité. Mais la magie du théâtre pourrait
bien opérer pour ouvrir un autre chemin. Cette comédie réjouissante, qui donne aussi à voir les ressorts du théâtre,
ravira tous les publics. (J. Ba)
Monte Cristo, par Pierre Richards, d’après Alexandre Dumas, le 5/10 à Auderghem, du 13 au 16/10 à L’Eden (Charleroi), en novembre
à Durbuy, en janvier à Chimay et Belœil, et en avril à Andenne. : www.chienquitousse.be
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Voyage au pays des ch
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par un spécialiste pour ses
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Edition
de Wallonie, Neufchâteau,
Paul PIROT, Champignons
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Prix : 21 € -10% = 18,9
L’histoire d’Asia
Asia Bibi a été condamnée à mort
pour blasphème au Pakistan.
Accusée par des femmes de son
village, cette chrétienne mère
de cinq enfants a toujours réfuté
les accusations portées contre
elle. En juillet dernier, la Cour
suprême du pays avait accepté
de revoir son cas, et en août son
père avait été autorisé à lui rendre
visite. Mais, malgré des soutiens
internationaux, Asia est loin d’être
sauvée… La journaliste Anne-Isabelle Tollet, correspondante de
médias français au Pakistan, est
aussi la cheville ouvrière d’une
association qui soutient la jeune
femme. Depuis 2010, elle met
tout en œuvre pour la disculper.
Dans ce livre, elle raconte à la fois
les douleurs de la vie d’Asia et de
la sienne, femme journaliste dans
une république islamique… « Personne, dit-elle, n’est à l’abri d’une
accusation de blasphème. » (F.A.)
Anne-Isabelle TOLLET, La mort n’est
pas la solution,
Paris, éditions du
Rocher, 2015. Prix :
17,50 € -10% =
15,75 €.
À lire, à voir, à écouter, à visiter…
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Chrétiens d’ici
Se demandant si les catholiques d’Occident francophone sont
aujourd’hui une « minorité signifiante », le titre de cet ouvrage
interpelle. Question à laquelle l’auteur répond, estimant qu’il
ne faut pas être majoritaire pour annoncer l’Évangile, et que, en
Belgique notamment, les catholiques ont toujours occupé une
place importante, notamment dans la vie sociale et politique.
Mais ce titre trompe peut-être aussi un peu le lecteur, car l’ouvrage publié par
Serge Maucq ne parle pas que de cela. S’il dresse un intéressant bilan sociologique
de la situation chrétienne dans les quatre contrées francophones d’Occident et y
analyse le discours des Églises, il s’attarde aussi longuement sur d’autres thèmes,
moins accessibles au lecteur non spécialiste, comme « l’Église, sacrement et signe
du Christ », ou « l’appartenance au Peuple de Dieu comme signe de l’identité chrétienne », qui sont beaucoup plus vastes et reposent davantage sur une approche
des fondamentaux de l’Église et du concile Vatican II. On comprendra la raison de
cette diversité en découvrant que cet ouvrage est le fruit de la thèse en théologie
défendue à l’UCL par l’auteur, qui était jusqu’à il y a peu… directeur chez TestAchats, et a été ordonné prêtre à 56 ans, il y a deux ans. Serge Maucq croit que le
message chrétien peut encore réenchanter le monde, et souligne que « être humain » est sans doute ce qui permet le mieux de définir l’identité chrétienne. Reste,
reconnaît-il, que la crise actuelle connue dans les pays francophones provient sans
doute du fait que, pour le monde d’aujourd’hui, l’offre proposée par les Églises ne
répond pas vraiment aux attentes et à la demande… (F.A.)
CALENDRIER
À LIÈGE, Grandes con­
férences : Les médias
sont-ils devenus fous ? avec Philippe Bouvard, journaliste et écrivain, le 7/10 à la salle de l’Europe
du Palais des Congrès (Esplanade
de l’Europe).
Marché poétique
Cela fait trente ans que Namur accueille un « Marché
de la poésie ». Mais, pour
cette édition anniversaire,
la Maison de la Poésie, son
organisateur, a décidé de
redynamiser l’événement
et de le sortir de ses murs.
Sur le thème de l’amour
des mots et de la découverte poétique, il propose
les collections et nouveautés de plusieurs dizaines
d’éditeurs et de revues de
poésie belge et étrangère,
des animations pour petits
et grands, des invités de
choix, des podiums poétiques, des débats et des
concerts. (F.A.)
Les 17 et 18 octobre de 10h30
à 18h, à l’Arsenal de Namur (rue
Bruno, n° 11) ( 081.22.53.49
: www.mplf.be
Serge MAUCQ, Les catholiques en Occident francophone, une « minorité » signifiante ?, Berlin,
Éditions universitaires européennes, 2015.
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leur existence, se mettent enfin à croire au bonheur.
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Mais le séisme survient et redistribue les cartes de
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leur existence. Il fait cependant surgir de nouvelles
Éric MONTICOL
O, Gospel light
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fraternités car « en ces jours, tout le peuple de Port-auélité, 2015. Prix selon la
: 19,95 €
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17
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Prince a le même père, et c’est le malheur ». Les secours
s’organisent, mais pour que la vie retrouve ses droits, il faudra
que les vivants laissent partir leurs morts. (J. Ba)
Laurent GAUDÉ, Danser les ombres, Paris, Actes Sud, 2015. Prix : 21 € -10% = 18,90 €.
( 04.221.93.74 - nadia.delhaye@
gclg.be : www.grandesconferencesliegeoises.be
À MALONNE, conférences
organisée par le Ratelier :
Famille-Eglise-Société : un peu
d’histoire, avec Paul Servais, UCL,
le 14/10 et Couples homosexuels,
divorcés remariés… ceux dont le
vécu familial ne correspond pas au
modèle de l’Église, avec José Davin,
le 28/10 à 20h à la Haute École Henalux, département de Malonne,
rue du Fond 123, auditoire CR2.
( 081.45.02.99 (en journée) et
081.44.41.61 (en soirée)
À MARCHE-EN-FAMENNE,
con­fé­rence : Vous avez dit
famille ? Des études de genre au
mariage pour tous et à une réelle
reconnaissance des personnes homosexuelles, pas si simple ! organisée par Le Levain, le 13/10 à 20h
à l’Institut Ste-Julie, salle « L’aquarium », 2 rue Nérette.
( 086.32.34.04
hotmail.com
- pierre.deproft@
À MAREDSOUS, Fête de la
Foi (pour les 8-12 ans) : Avec
Saint François, prends soin des autres
et de la nature, avec François Lear,
le 7/10 à l’abbaye de Maredsous.
( 082.69.82.11
maredsous.com
- francois.lear@
À NAMUR, Exposition, conférence… à l’occasion des 25 ans
, le 10/10 au Cinex, rue
du
Saint-Nicolas, 84.
( 081.23.15.22 - [email protected]
: www.cefoc.be
À OTTIGNIES, ateliers : Actualité
de l’Évangile, apprendre à dialoguer, avec Pierre-François de Béthune, les 6 et 20 octobre, les 3 et
17 novembre, et le 1er décembre,
à 20h au Monastère Saint-André,
Allée de Clerlande, 1.
( 010.42.18.36
- [email protected]
À RIXENSART, conféren­
ce : Un destin qu’on se
donne, avec l’abbé Carlos Kalonji,
le 27/10 à 20h au Monastère de
l’Alliance - 82, rue du Monastère.
( 02.652.06.01 - [email protected]
33
L’appel 380 - Octobre 2015
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L’appel 380 - Octobre 2015
34
À lire
CHRONIQUES BARCELONAISES
La vie,
et ce qu’on en fait
Grégoire Polet ramène d’un long séjour de plusieurs années à Barcelone un roman passionnant
sur les vies croisées d’une vingtaine de personnes dans cette ville.
R
emarqué lors de la parution de
Excusez les fautes du copiste ou
Leurs vies éclatantes, Grégoire
Polet est un auteur belge dont le
talent a été vite reconnu. Depuis, il
a ses « aficionados ». Surtout parmi
les gens de sa génération, les trentenaires, qui se retrouvent bien dans
ses personnages en quête d’euxmêmes et de vérité dans un monde
incertain.
L’Espagne a été son point d’ancrage
ces dernières années. Il a ainsi publié
un livre dont l’action se situait à
Madrid. Cette fois, Barcelone tient
la vedette. Et l’écrivain confirme
sa capacité à entraîner son lecteur
dans la vie de plusieurs personnes
aux destins variés qui se croisent ou
se côtoient dans un lieu identique,
une ville qui marque les habitants de
son empreinte. Chacun est en effet
façonné par ses gênes, son milieu
familial, son histoire mais combien
aussi par ses rencontres et par le lieu
où il habite. Cela, Grégoire Polet le
montre brillamment.
En quête d’un meilleur
On découvre ainsi, parmi une vingtaine de personnages, un navigateur parti en solitaire pour un tour
du globe, une journaliste idéaliste
toujours en route vers les lieux dangereux du monde, un féru d’histoire
locale. Mais aussi un homme politique influent et riche qui brigue la
présidence de la Catalogne, sa fille qui
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Total de la commande + frais de port : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . e
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milite à gauche, les amies de celle-ci,
trentenaires et en recherche de travail et d’accomplissement personnel.
Ainsi qu’un jeune gitan, un policier
enquêtant sur un meurtre, un couple
d’« expatriés » français… Des personnages attachants parce que tous, à
leur manière singulière, sont fragiles,
doutent de l’avenir, mais avancent
cahin-caha entre déceptions et joies
souvent provisoires. La vie quoi, avec
ces préoccupations universelles :
l’amour, le travail, l’ambition, les rêves.
Un lieu, un temps
La focale est mise sur une ville particulière, Barcelone, fière cité où le particularisme catalan et la revendication autonomiste sont bien présents.
L’action se concentre sur une période
précise, les années 2008 à 2012 où la
précarité du travail, surtout chez les
jeunes, était particulièrement aiguë.
Des personnages crédibles et attachants, des liens qui se nouent et se
dénouent, des dialogues vifs et crédibles, de l’humour et des questions
existentielles perçues avec finesse,
voilà de quoi réjouir le lecteur.
Une chose encore, pour les amateurs de foot : le chapitre vingt-huit
évoque le fameux « classico » Réal
Madrid-F.C. Barcelone, regardé sur les
écrans à différents endroits de la ville.
Grégoire Polet raconte superbement
ces moments de convivialité, de joie
collective pendant quelques heures
où plus rien d’autre ne compte. À
savourer.
Gérald HAYOIS
Tél. : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Date : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signature :
Grégoire POLET, Barcelona !, Paris, Gallimard, 2015. Prix : 22 € -10% = 19,80 €.
Courrier
l’inverse qui est visé – à savoir ne
plus mettre tout le poids sur la
participation à des messes où on
est bien passif mais proposer aux
adultes (fidèles et parents) de se
mettre aussi, s’ils le souhaitent, en
formation par une « catéchèse de
progression ».
Benoît HAUZEUR,
responsable du service
annonce et célébration
CALENDRIER
À SPA, week-end : Les
trois pains : pain matériel,
pain relationnel, pain Vivant : pour
ma joie et la vie du monde, avec
Philippe Degand, du 9/10 au
11/10 au Foyer de Charité, avenue
de Clermont, 7, Nivezé.
( 087.79.30.90 - [email protected]
À TILFF (BRIALMONT), conférence : Rien que l’amour. L’étrange
vocation des chrétiens
dans ce monde, avec
Martin Steffens, le 17/10 14h30 au
Monastère de Brialmont.
( 04.388.17.98 - [email protected]
CALENDRIER
À SAINT-HUBERT,
journée : Les femmes
de la Bible, avec Anne
Soupa, le 17/10 au Monastère
Notre-Dame de Hurtebise.
( 061.46.70.47 et 496.93.84.80
- baptise-e-senmarche.lux@skynet.
be
À VAL DIEU ET STAVELOT, concerts-méditations : Les sept
couleurs du Chant, organisés par
les ASBL « Le chant des Sources »
et « Cadre », le 17/10 à 19h30 en
la Basilique de Val Dieu (Aubel) et
le 8/11 en l’église Saint-Sébastien
de Stavelot.
( 010.22.55.43
sources.be
- info@chantdes-
À VERVIERS, Foire aux vêtements de seconde main : les 7
et 8/10 de 10h à 12h et de 13h à
16h dans la salle de conférence
du Centre Maximilien Kolbe, rue
du Prince, 12.
( 087.33.84.22 et 087.22.87.87 - [email protected]
: www.centremaximilienkolbe.be
Magazine mensuel indépendant
Éditeur responsable
Paul FRANCK
Rédacteur en chef
Frédéric ANTOINE
Rédacteur en chef-adjoint
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Secrétaire de rédaction
Pierre GRANIER
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Paul de THEUX, Annelise DETOURNAY,
José GERARD, Gérald HAYOIS,
Guillaume LOHEST, Gabriel RINGLET,
Godelieve RULMONT-UGEUX, Thierry TILQUIN,
Christian VAN ROMPAEY, Cathy VERDONCK
Comité d’accompagnement
Bernadette WIAME, Véronique HERMAN,
Jean-Yves QUELLEC, Gabriel RINGLET
Ont collaboré à ce numéro
Sylvie BERGEN, Laurence FLACHON et
Armand VEILLEUX
Photocomposition et impression
Imprimerie MASSOZ, Alleur (Liège)
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Promotion - Rédaction - Secrétariat
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L’appel 380 - Octobre 2015
Catéchèse à Bruxelles
J’ai lu l’article publié dans votre
numéro de septembre à propos de la nouvelle catéchèse à
Bruxelles. On peut bien sûr raconter beaucoup de choses, mais il
est regrettable qu’autant de poids
ait été donné à l’opinion d’une
personne qui, à ses propres dires
« n’est pas allée aux réunions de
présentations ».
Le processus de mise en œuvre
de la nouvelle catéchèse est un
travail de trois ans avec des allersretours entre les réunions de catéchistes ou d’équipes pastorales, le
vicariat de Bruxelles et les premières mises en application qui
ont été accompagnées en groupe
« pionniers ». Il me semble important de montrer le type de dialogue mis en
place – quitte à le critiquer pour
l’améliorer – que donner un tel
poids à une prise de position. Ce
faisant, votre article loupe ce qui a
été le cœur de la démarche…
En outre, cette personne s’est bien
mal renseignée. Je ne connais
pas de lieu où il a été question
de « faire revenir les parents à
la messe ». C’est précisément
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